Août 2023

NOVA SCOTIA

avec Juliette et Mathieu A., Hermione et Gabriel

(4 476 km)


4. de HALIFAX à LUNENBURG


80 810 Lundi 14 août 2023 : de HALIFAX BEECHVILLE à BEECHVILLE (41 km) (4,1 km à pied)

Bbivouac-a-Beechville-sur-Dominion-Crescent
Bivouac à Beechville sur Dominion Crescent
Levé tôt et en forme dans un brouillard encore très présent à 8:00, je complète le carnet, poursuis la mise en ordre des photos et déjeune sans entendre aucun bruit provenant de la roulote voisine… Nous finissons par décoller vers 9:30 pour retourner au centre-ville avec cette fois pour objectif la visite de la citadelle, maintenant Site Historique National de Parcs Canada.

La citadelle
            d'Halifax vue du ciel
La citadelle d'Halifax vue du ciel

Grimpée assez raide jusqu’au stationnement devant la porte à pont-levis percée dans l’épais rempart. Une sentinelle en grande tenue de régiment écossais monte la garde, imperturbable. Porte de
                  la citadelle d,Halifax
Porte de la citadelle d'Halifax

Caserne-dans-la-cour de la citadelle d'Halifax
Caserne dans la cour de la citadelle d'Halifax
Nous le dépassons pour franchir le tunnel devant le poste de garde et entrer dans la grande cour. Le long bâtiment de la caserne où logeaient soldats et officiers en occupe tout le côté nord, tandis que des canons sur affut ou non sont disposés autour de la cour, et que des escaliers taillés dans le côté intérieur du talus donnent accès au chemin de ronde qui le surmonte.

Une guide en costume de travail (bleu avec liserés rouges et béret cylindrique) nous accueille pour une visite guidée durant laquelle elle nous présentera les armes utilisées (avec démonstration de tir) par un(e) soldat(e) en grand uniforme. Guide
                  et soldat en grand uniforme
Guide et soldat en grand uniforme présentant une cartouche

Dans la
                  citadelle d'Halifax : soldat et instructeur
Dans la citadelle d'Halifax : soldat et instructeur
Citadelle d'Halifax : soldat anglais du XIXe
                  sècle
Citadelle d'Halifax : soldat anglais du XIXe sècle

La poudriere de la citadelle d'Halifax
Dans la poudrière de la citadelle d'Halifax

Puis elle nous emmènera dans la poudrière, vaste et sombre, encombrée de centaines de barils de poudre…
Ambiance un peu mystérieuse, amplifiée par la présence - fictive maintenant - du formidable pouvoir de destruction accumulé dans les vieux barils de bois cerclés de cuivre.

Nous monterons enfin sur le rempart pour aller nous faire expliquer le système de double sémaphore (un pour le trafic du port, l’autre pour l’armée) dont les mâts s’élèvent bien haut au-dessus des murs. Les sémaphores sur le rempart sud de la citadelle
                  d'Halifax
Les sémaphores sur le rempart sud de la citadelle d'Halifax

Elle achève là son tour, un peu bref à mon goût et surtout dans un français approximatif où les nombreux mots techniques – apparemment ignorés d’elle – sont énoncés dans leur version anglaise. Dommage… Elle nous oriente ensuite vers les musées qui ont pris place dans les locaux vacants de la forteresse.

Nous nous contenterons de parcourir celui qui raconte l’histoire du monument et de la ville, en commençant par l’«invasion» du territoire Mi'kmaw par des colons anglais en 1749, au mépris des droits élémentaires des premiers occupants, bousillant allégrement un territoire que ceux-ci respectaient et soignaient selon la philosophie amérindienne. Pêche commerciale extensive, défrichement et mise à bas de grands espaces forestiers, disparition du gibier, appropriation des terrains, etc. furent leur quotidien. Il s’ensuivit une longue période de conflits qui ne prirent fin que par des traités finalement peu ou pas appliqués…

En
                  territoire m'ikmaw en 1749
Rencontre en territoire mi'kmaw en 1749
Cette œuvre murale montre un rassemblement de familles élargies près de Bedford au printemps 1749. Les familles se réunissaient pour partager leurs ressources et échanger des nouvelles avec des groupes de parents voisins.

Tout au long de l’année, les Autochtones se rendaient à des endroits précis pour accéder à des ressources ou célébrer des événements particuliers. La souplesse était la clé de la mobilité saisonnière. Les wigwams pouvaient être déplacés assez facilement (ou étaient reconstruits). Les rivières servaient d'autoroutes. Les familles voyageaient avec peu de bagages, sachant qu'elles pouvaient compter sur leur connaissance du Mi’kma'ki.

Le partage figure parmi les valeurs culturelles les plus importantes chez les Mi’kmaq. Villages et habitants partageaient librement. Ces échanges de cadeaux créaient des relations de réciprocité et renforçaient les liens entre hameaux et entre particuliers.


Puis ce fut la compétition avec les Français, la déportation des Acadiens, la prise de Louisbourg préludant à la fin de la nouvelle France avec la prise de Québec le 18 septembre 1759… Dans tous les cas, la forteresse d’Halifax servit de base aux opérations.

LOUISOURG, 1758

Un grand nombre de navires et de troupes britanniques se trouvaient à Halifax l'hiver de 1757-58, se préparant à une attaque de Louisbourg.  L'arrivée de renforts au printemps signifia que la force militaire dans la ville dépassait considérablement la population civile.

Début juin, 27 000 matelots et soldats britanniques, à bord de 40 bâtiments de guerre et 150 bâtiments de transport, arrivèrent au large de Louisbourg. Il s'agissait de la plus importante expédition dépêchée en Amérique du Nord par la Grande-Bretagne. Les forces françaises ne comptaient qu'un tiers de ces combattants, mais furent épaulées dans le combat par les Mi'kmag et les Acadiens, leurs alliés traditionnels.

Les forces britanniques débarquèrent et entreprirent un siège qui dura près de deux mois. Lorsque Louisbourg capitula enfin, les Britanniques firent la fête — y compris à Halifax. Ce fut un tournant décisif dans la guerre mondiale. Québec tomba en 1759 et le reste de la Nouvelle-France peu après. Ce dénouement eut des conséquences néfastes pour les Mi’kmaq et les Acadiens.

siege-de-Louisbourg-1758
Siège de Louisbourg en 1758

Halifax joua également un rôle important en accueillant de gros contingents de Loyalistes après la Guerre d’Indépendance américaine (y compris des Noirs loyalistes dont le destin fut des plus lamentables…), la guerre de 1812 contre les USA, et enfin le rôle très important du port d’Halifax dans l’envoi de troupes et de matériel en Europe durant les deux guerres mondiales de 1914-18 et 1939-45. L’Armée canadienne quitta le fort en 1951 et depuis Parcs Canada veille sur ses vieux murs éminemment liés à l’histoire du pays.

TERRITOIRE NON CÉDÉ

En 1760-61, la guerre de Sept Ans touchait à sa fin et la Grande-Bretagne chercha la paix avec les Mi’kmaq. Les deux côtés entamèrent les négociations dans l'espoir de nouer une relation nouvelle et mutuellement avantageuse.

Les hauts fonctionnaires britanniques à Halifax signèrent un traité avec les Mi’kmaq, les Wolastoaiyik et les Peskotomuhkati (Passamaquoddy). Ces traités sont désormais inscrits dans la Constitution du Canada et ont été confirmés à maintes reprises par la Cour suprême du Canada. Le jour anniversaire du traité (le 1er octobre) rend hommage à la relation entre la Couronne et les Mi'kmaq.

Comme ce fut le cas des traités précédents, les Mi'kmaq s'engagèrent à ne pas attaquer les Britanniques, tandis que les Britanniques reconnurent les droits mi’kmaw à la chasse, à la pêche et au rassemblement dans l'ensemble de Mi'kma'ki. Les Mi'kmaq ne cédèrent pas le territoire. Les Britanniques s'engagèrent aussi à établir des postes de traite de l'État.

Ces traités devaient mettre fin au cycle de violence et au climat de méfiance qui s'étaient intensifiés en 1749, mais réussiraient-ils à concrétiser cet objectif ?

LA RÉVOLUTION AMÉRICAINE

La Révolution américaine fut, essentiellement, une guerre civile, pendant laquelle les sujets britanniques se dressèrent les uns contre les autres et les colonies rebelles s’opposèrent à l’état impérial.

Lorsque les Treize colonies déclarèrent leur indépendance de l'Angleterre en 1776, une question essentielle se posait : l'importante population de Planters (colons) de la Nouvelle-Angleterre qui s'installa en Nouvelle-Écosse dans les années 1760, se joindrait-elle à la Révolution ? Quelques-uns de ces colons sympathisaient avec la cause des Patriotes, nourrissant une rancune à l'égard des taxes impériales. Or la colonie resta fidèle à l'Angleterre, en partie en raison de la forte présence militaire britannique à Halifax et de la relance de l'économie locale découlant des dépenses du gouvernement.

En fin de compte, la Révolution créa deux pays. Les treize colonies devinrent les États-Unis. La Nouvelle-Écosse et le Québec épaulés de milliers de Loyalistes américains, formèrent l'Amérique du Nord britannique, et ultérieurement, le Canada.


Variétés de canons exposés dans la cour de la
                  citadelle
Variétés de canons exposés dans la cour de la citadelle
Nous avons eu droit à une très belle présentation : des faits parfaitement exposés et résumés, des commentaires soulignant les enjeux et les dessous d’une politique essentiellement impérialiste où seuls comptaient les intérêts britanniques. Mépris des autres cultures vues comme inférieures, machiavélisme, fourberie, mépris de la parole donnée, recours éventuel au génocide… la panoplie de moyens employés par l’armée britannique en dit long sur les valeurs occidentales alors en vigueur et sur leur lecture par les dirigeants de l’époque. Je sors un peu saturé et sonné de cette rétrospective et renonce à m’immerger dans les autres musées ici présentés.

En
            franchissant à rebours la porte de la citadelle
En franchissant à rebours la porte de la citadelle

Je rejoins plutôt mes compagnons dans la grande cour. Nous cherchons un moment Gabriel parti vadrouiller on ne sait où dans le site… Finalement nous décidons de faire un tour sur le front du port semble-t-il joliment aménagé en parcours touristique.

Laissant la Bolt branchée et attelée à la roulotte sur le parking de la citadelle, nous descendons tous dans le ProMaster pour stationner juste au-dessus du Musée maritime – que nous ne visiterons pas en l’absence de ses bateaux partis en démonstration à l’extérieur, particulièrement le fameux Bluenose II. Nous parcourrons à pied le quai effectivement totalement désindustrialisé et joliment réaménagé, mais suréquipé en installations touristiques : restaurants, café et boutiques se succèdent sans presque aucune interruption… Halifax-sur-le-quai-le-CSS-Acadia
Sur le quai d'Halifax, une autre relique maritime le CSS Acadia

Le CSS Acadia,
                  fermé à la visite...
Le CSS Acadia, hélas fermé à la visite aujourd'hui...
Halifax-CSS-Acadia-notice

Dans le port d'Halifax, goélette de pêche passant
            devant le quai
Dans le port d'Halifax, ancienne goélette de pêche passant devant le quai

Nous nous lassons de cet environnement trop apprêté et commercial, revenons au ProMaster et donnons rendez-vous à Mathieu sur le parking de la piscine. J’accompagne alors Juliette, Hermione et Gabriel jusqu’à une pâtisserie renommée, le Fortune Doughnut.

Je les attends en relaxant un peu, puis nous prenons le chemin de la piscine où toute la famille va se doucher et éventuellement faire un plongeon, Mathieu qui a récupéré la Bolt à la Citadelle nous quitte pour gagner la banlieue sur un vaste stationnement muni d’une borne de recharge. Il pourra ainsi donner à sa voiture le maximum d’autonomie pour la suite de notre périple demain.

J’attendrai ensuite devant les vieilles maisons bordant le parc jusque passé 19:30 le retour d’Hermione et de Juliette reparties se baigner, tandis que Gabriel fait des tours de trottinette électrique dans les allées aux alentours.
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Halifax : vieilles maisons au 23, North Park Street

Enfin vers 20:00 nous partons rejoindre Mathieu à Clayton Park West, faisant au passage quelques emplettes dans une grande épicerie Atlantic Superstore (Loblaws?) où je ne trouve même pas de pain à mon goût, i.e. complet et sans sucre ni gras ajouté… Enfin nous retrouvons Mathieu qui a achevé sa recharge. Nous soupons, mais ne nous installerons pas sur le grand parking vide surveillé par un gardien soupçonneux. Nous préférons retourner sur notre bivouac de ce matin, à 10 mn à peine, où Juliette et Mathieu détellent rapidement la roulotte pour se coucher aussitôt au calme. Gabriel de son côté me demande de l’accueillir, je mets le couchage avant en place et il ne tarde pas à s’y endormir. Je m’installe moi aussi sur mon lit, écris ces quelques notes pour éteindre enfin à 23:45.


80 851 Mardi 15 août 2023 : de BEECHVILLE à MAHONE BAY (155 km)

de-Beechville-a-Mahone-Bay
De Beechville à Mahone-Bay

Levé à 8:30, je me prépare tandis que Gabriel venu dormir dans le ProMaster ronchonne en résistant à émerger. Il finira par quitter le lit lorsque je réclamerai la place pour déjeuner et il m’aidera alors à ranger son couchage dans la soute… Ciel partiellement dégagé qui laisse percer une agréable lumière, avec une température modérée toujours plaisante. Retour-au-bivouac-au-bout-de-Dominion-Crescent-a-Beechville
Départ de notre bivouac au bout de Dominion Crescent à Beechville

La côte près
                  de Peggy's-Cove
Le site de Peggy's Cove depuis la route côtière
Décollage de notre coin tranquille à 9:40 en direction de Peggy’s Cove. Nous roulons un bon moment, malheureusement en empruntant l’autoroute qui nous détourne de la route côtière endommagée par les derniers déluges et impraticable.

Nous rattrapons enfin le rivage très découpé, mais rocheux et assez plat qui me fait beaucoup penser à la Côte Nord du Québec, n’était-ce l’habitat beaucoup plus dense.

La côte près de Peggy's-Cove
La côte près de Peggy's-Cove

Enfin c'est l'arrivée à Peggy’s Cove, quintessence de ces petits ports de pêche de l'Atlantique qui nichent au fond des anses. Les hangars abritant le matériel des pêcheurs s’y avancent au-dessus de l’eau sur de hauts pilotis pour compenser la marée ici encore d’une grande amplitude. Deux vastes parkings accueillent la foule des visiteurs (difficile de s’en plaindre puisque nous en sommes!) et Mathieu arrive à caser son équipage sans trop de difficulté.

Puis c’est la balade à pied dans les rares rues mouvementées du village dont les quelques maisons typiques en bois, colorées, semblent implantées un peu en désordre. Je m'attarde un moment à contempler le «Monument aux Pêcheurs» que l'artiste William DeGarthe sculpta dans un gros banc de granit gris au fond de son jardin.

Monument aux Pêcheurs de Peggy's Cove par William
                  E. DeGarthe.
Monument aux Pêcheurs de Peggy's Cove par William E. DeGarthe
« Cette œuvre d'art est un mémorial durable aux hommes braves de Peggy's Cove, en Nouvelle Écosse, qui moissonnent nos océans. Le monument dépeint de gauche à droite, la famille du pêcheur, Peggy de l'Anse et des pêcheurs au travail.

Ce monument a été donné à la Province de Nouvelle Écosse par Madame P. Agnes DeGarthe en 1984, en accord avec les souhaits de feu son mari William E. DeGarthe.»


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Monument aux Pêcheurs de Peggy's Cove, par William E. DeGarthe


Monument aux Pêcheurs de Peggy' Cove, par William E. DeGarthe

Peggy's-Cove
L'anse de Peggy's Cove devant la chaise rouge de Parcs Canada
Mais par-dessus tout, c’est l’anse avec ses quais et ses quelques barques amarrées qui polarise l’intérêt des photographes que nous sommes...

Peggy's-Cove.
Peggy's-Cove-pecheur-de-morue.
Pêcheur en doris et deux belles prises
Peggy's-Cove-l'anse

Peggy's-Cove-le-plan-incline
Peggy's Cove : la rampe de mise à l'eau en planches

Peggy's-Cove-Jean-Paul-et-Mathieu
Jean-Paul et Mathieu

Peggy's-Cove : le phare-sur-la pointe
Le phare de Peggy's Cove «débarrassé» de ses trop nombreux visiteurs
Nous nous rendons jusqu'au petit phare sur la pointe rocheuse, figure iconique de Peggy's Cove. Mais là, une foule vraiment trop envahissante a fait perdre son caractère sauvage à l’environnement typé : de longs rochers de granit gris et plats déboulent dans la mer, arrosés par les vagues aujourd’hui assez calmes.

Peggy's-Cove-le-phare-sur-la-pointe
Jean-Paul, Hermione, Juliette et Mathieu prennent la pose...

... pendant que Gabriel solitaire s’avance jusqu’au bord et restera un bon moment à contempler l’océan. Gabriel-devant-l'Ocean.

Peggy's-Cove-le-phare-sur-la-pointe
Peggy's Cove : le phare sur sa pointe
Peggy's-Cove-la-cote-vers-l'ouest
Peggy's Cove : la côte vers l'ouest depuis la phare

Nous revenons ensuite tranquillement vers notre parking en nous tournant davantage vers la côte sud et est de la péninsule, restée beaucoup plus sauvage.

Peggy's
            Cove panoramique vers l'est
Peggy's Cove panoramique vers l'est

De retour à nos homes à roulettes, chacun se met à la préparation du repas, Je m’interromprai bien vite, pris d’un malaise que j’attribuerai à un déséquilibre circulatoire lorsque je me suis penché puis relevé trop vite après avoir fouillé dans le frigo : étourdissement, cœur qui s’affole, suées froides, douleur abdominale et dans la poitrine… Je devrai interrompre mon repas, puis m’allonger pendant une bonne demi-heure pour que les symptômes se calment. Une autre heure de repos me permettra de retrouver ma forme habituelle, quoiqu’avec une certaine fatigue.

Pendant ce temps, la petite famille est allée prendre un café dans un restaurant belvédère, et l’après-midi sera bien entamé lorsque nous reprendrons la route vers le sud-ouest en direction de Chester. Nous suivons de très près la côte en voyant défiler les villages intéressants, mais sans en voir d’aussi charmant que celui de Peggy’s Cove. Pleins d’eau dans le Parc provincial de Graves Island, qui aurait pu constituer une étape agréable si son camping avait disposé d’une borne de recharge…

Finalement nous passerons Chester sans nous arrêter et nous rendrons jusqu’à Mahone Bay où Juliette a repéré deux bornes. Toutes deux sont libres, elle choisira celle près de l’école et de l’église, sur une place gravelée très tranquille et à l’écart de la grande route. Parfait pour notre bivouac de ce soir !
Arrivée à Mahone Bay avec ses trois église sur la
                  baie
Arrivée à Mahone Bay avec ses trois église sur la baie

Je vais faire le plein d’essence à la station Irving locale, et reviens m'installer près de la Bolt branchée pour la nuit. Je n’accompagnerai pas les enfants et leurs parents dans une promenade sous la pluie à travers le village pourtant charmant, préférant me reposer après ma crise de ce midi. Je profiterai de ce répit pour travailler sur mes photos et mettre à jour mon carnet de route. Pris par la lecture des dernières parutions de l’Actualité délaissées depuis plusieurs jours, je finirai par veiller assez tard jusqu’à éteindre à 23:30.


81 006 Mercredi 16 aout 2023 : de MAHONE BAY à LUNENBURG (14 km)

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De Mahone Bay à Lunenburg

Bivouac
                  devant la borne de Mahone Bay
Bivouac devant la borne de Mahone Bay
Lever à 8:30 après une nuit qui m’aura permis de bien récupérer fatigue et émotions de la veille. Après douche et déjeuner, déglaçage du frigo qui a commencé à perdre un peu de son efficacité (5° au lieu de 3°) et tourne plus souvent.

À 9:15 je suis prêt à accompagner mes compagnons pour une balade dans les rues du village qui a conservé beaucoup de son cachet. Le ciel est encore une fois très gris, température 19° avec max de 22°  : le climat océanique normal, mais sans pluie annoncée !


LES BELLES MAISONS DE MAHONE BAY


Une des belles
            maisons de Mahone Bay

Maison de Mahone Bay

Mahone-Bay-maison-a-vendre.
Celle-ci est à vendre...

Une des
          belles maisons de Mahone Bay

Mahone Bay : le quai sur la baie
Mahone Bay : le quai sur la baie

Une dernière sur la rue en quittant
Une dernière sur Main Street en quittant, transformée en luxueux B & B...

Une dernière,,,

Les 14 km qui nous séparent de la vieille base de pêche de Lunenburg sont vite parcourus à travers la campagne verdoyante et en longeant le rivage toujours aussi mouvementé. Nous trouvons une place juste devant le quai, à deux pas du Musée maritime que nous visiterons après un premier tour au bord de l’eau pour admirer les vieux navires amarrés.


Le fameux Bluenose II n’est malheureusement pas du nombre, mais au milieu des informations contradictoires et incomplètes, Juliette finit par comprendre qu’il devrait arriver ici en fin d’après-midi.
Lunenburg-sur-Bluenose-Drive
Lunenburg : notre caravane sur Bluenose Drive

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Mathieu en action devant le Theresa O'Connor (1938), dernière goélette à pêcher avec des doris en partance de Lunenburg


Le Theresa-O'Connor attend les visiteurs du Musée
                  maritime
Le Theresa O'Connor attend les visiteurs du Musée maritime

Lunenburg-l'Alvei-a-quai.
proue-de-l'Alvei.
Proue de l'Alvei (construit en Écosse en 1920 pour la pêche au hareng)

Le temps se lève et le soleil finit par s’établir pendant notre longue visite du musée qui, très complet et bien présenté, propose d'abord une excellente introduction sur l’histoire du territoire, à partir de son occupation par les Mi’kmaqs depuis des millénaires, jusqu’à sa découverte par les Européens qui en firent leur lieu de pêche privilégié en Atlantique Nord et en Amérique du Nord. Les poissons récoltés dans l'Atlantique Nord
Les poissons récoltés dans l'Atlantique Nord

PREMIERS PÉCHEURS

Lunenburg-les-premiers-pecheurs
Lunenburg : les premiers pêcheurs
Peinture d'un camp mi’kmaw


Cette aquarelle originale de H. N. Binney, un agent des douanes d'Halifax, donne un des premiers aperçus « authentiques » de la vie courante dans une communauté mi’kmaw. On y aperçoit un camp mikmaw de la fin du XVIII siècle — sans doute sur le territoire actuel de Tufts Cove, à Dartmouth, en Nouvelle-Écosse. Cette peinture illustre clairement le rôle primordial de la pêche dans la vie des Mikmaq.

Pendant plus de 13 500 ans, les Mi’kmaq ont vécu à Mi’kma’ki, leur territoire ancestral englobant ce que l'on connaît aujourd’hui comme la Nouvelle-Écosse et l’Île-du-Prince-Édouard, ainsi que des parties du Nouveau-Brunswick, du Québec, de Terre-Neuve et du Maine.
La pêche a toujours été une activité essentielle à la vie des habitants de Mi’kma’ki. Les Autochtones montaient des campements saisonniers au bord de la mer et sur les berges de rivières, de ruisseaux et de lacs intérieurs afin de profiter des riches fonds de pêche et des montaisons regorgeant de gaspareaux, de saumons, d’esturgeons et bien d’autres espèces. Bien entendu, une pêche aussi abondante devait inévitablement attirer de nouveaux colons sur les côtes de M'kma’ki. Les tout premiers pêcheurs européens - les Portugais, les Basques, les Français et les Britanniques - furent bien reçus par les Mi’kmaq. Plus tard, les premiers colons acadiens recevraient le même accueil. Ce n’est qu'au XVIIIe siècle que les relations entre les Mi’kmaq et les Européens se sont détériorées, lorsque la colonisation britannique commença à exercer une pression accrue sur les terres et les ressources, notamment les ressources halieutiques.

Les pratiques de pêche traditionnelles mi’kmaw, telles que les diverses techniques de pêche à la fascine décrites dans la présente exposition, font ressortir toute l’ingéniosité des Mi’kmq et leur profonde compréhension du monde naturel. Les connaissances et les compétences en matière de pêche des M’ikmaq sont des dons qui ont été transmis de génération en génération. Bon nombre des techniques de pêche traditionnelles ont résisté à l'épreuve du temps et sont encore en usage aujourd’hui. Et les Mi’kmaq continueront d’exploiter ces dons de leurs ancêtres tout en aidant à façonner l'avenir de la pêche au Canada atlantique.


TECHNIQUES DE PÊCHE TRADITIONNELLES

Les Mi’kmaq pratiquaient la pêche à longueur d'année. Ils connaissaient le lieu où se trouvaient les espèces qui les nourrissaient et le moment propice pour les pêcher. En mettant à profit le savoir accumulé et transmis de génération en génération, les pêcheurs mi’kmaw ont su concevoir des techniques de capture aussi complexes qu’ingénieuses. Ils harponnaient des mammifères marins et de grands poissons à bord de canots océaniques à parois hautes. Cette technique exige des compétences exceptionnelles en navigation et une conscience aigüe des vents, des vagues et des conditions climatiques. En outre, ils capturaient au moyen d’une foëne le saumon emprisonné dans des fascines. Pour ce faire, ils devaient puiser dans leur connaissance approfondie du comportement des poissons et de la configuration des cours d'eau. Les pêcheurs mi’kmaw connaissaient bien le moindre courant océanique, le plus infime changement dans le climat ainsi que toutes les courbes d’une rivière, et ils en tenaient toujours compte puisque tous ces facteurs environnementaux pouvaient avoir un effet sur leur pêche.

La pêche à la fascine est l’une des techniques de pêche traditionnelles des Mi’kmaq les mieux connues et les plus productives. Le concept qui sous-tend cette pêche n’est pas aussi simple qu'il y paraît : créer une obstruction dans l'eau pour capturer du poisson ou bloquer son passage. Mais comme vous allez le constater ici, la pêche à la fascine chez les Mi’kmag était très avancée. Ces derniers employaient une grande variété de matériaux et de stratégies, démontrant ainsi leur profonde et remarquable compréhension de l'habitat et du comportement des poissons.

Les Mi’kmaq utilisent encore aujourd’hui de nombreuses techniques de pêche traditionnelles.



Peche-a-la-foene
Peche-a-la-foene.
Pêche du saumon à la foëne

La foëne est un outil de pêche très efficace composé d'une tige centrale, utilisée pour percer le poisson, et de deux tiges latérales en pointe servant à retenir le poisson. Faites d’os d’orignal ou de caribou, les foënes servaient normalement à pêcher les gros poissons comme les saumons à leur montaison, qui restaient emprisonnés dans une fascine.


La-morue (sculpture)
La morue : sculpture contemporaine
La morue et son milieu

La morue est un des poissons les plus prolifiques. En moyenne, une femelle pond de un à trois millions d’œufs chaque printemps, dont quelques- uns seulement survivent et parviennent à maturité. Les jeunes morues vivent près de la surface de l'océan, où elles se nourrissent de zooplancton, de vers et d'animaux minuscules. Les morues adultes vivent au fond de l'océan dans un monde dépourvu de lumière et de vie végétale. Elles se nourrissent de crabes, de palourdes et d’autres coquillages ainsi que de petits poissons comme le hareng et le capelan.

Place de la morue dans l'Histoire

Cela fait plusieurs centaines d'années que les Européens capturent la morue. Principal produit de la pêche sur les bancs à l'époque de la voile, la morue était un poisson de prédilection, d'abord parce qu'il y en avait en abondance des deux côtés de l'Atlantique Nord et aussi parce que sa chair tendre et gélatineuse sèche rapidement et se conserve bien sans réfrigération. La morue, étant facile à entreposer et à transporter, constituait un élément important de l'alimentation lors de longs voyages en mer et de campagnes militaires. C'était aussi une des formes les moins chères de protéines animales, ce qui en fit une nourriture de base pour les pauvres d'Europe, des Antilles et d'Amérique du Sud.


Se succédèrent sur les Bancs les Basques et les Français, les Anglais et les Espagnols, et tous ceux pour qui la morue était devenue la principale source de protéines économiques, sans compter les innombrables jours maigres institués par la papauté. Même les Antilles en importaient beaucoup pour nourrir les nombreux esclaves asservis dans les plantations de canne à sucre…

En entrant, plusieurs salles contigües présentent la géographie et l’écologie du milieu physique avec quelques belles maquettes illustrant la situation et l’étendue des Grands Bancs. Puis on nous montre les différentes espèces tant végétales que fauniques aux destins intriqués. Au premier étage, ont pris place quelques autres fort belles présentations des différents âges et techniques de pêche qui se sont succédé dans la région.

La découverte des bancs de pêche

Cinq ans après la découverte du Nouveau Monde par Christophe Colomb en 1492, Giovanni Caboto partait d'Angleterre à bord d'un voilier à destination de la Chine, dans l'espoir de  découvrir un passage vers l'ouest. Au lieu de cette route, il trouva des mers “grouillantes de poissons pêchables non seulement au filet, mais aussi avec des paniers lestés d'une pierre pour mieux s enfoncer dans l'eau”. À peine quelques années après cette expédition, des centaines de navires traversaient, tous les printemps, les eaux traitresses de l'Atlantique nord pour aller pêcher dans les parages de la « terre neuve »
.

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Les Grands Bancs et leurs courants en bordure des Maritimes et de Terre-Neuve

Les bancs

Les bancs hauturiers abritent une des plus grandes ressources naturelles du Canada, les stocks de poisson du Nord-Ouest de l'Atlantique. C'est une ressource que l'on exploite depuis plus de cinq cents ans, ce qui fait de la pêche sur les bancs l’une des plus vielles industries du Canada.

Les bancs sont une suite de plates-formes surélevées du plateau côtier de l'Est de l'Amérique de Nord. Ce plateau formait à l'origine une très vaste plaine côtière, mais la fonte du dernier glacier submergea cette plaine, voila environ 10 000 ans, provoquant une élévation de 150 mètres du niveau de la mer.


Les courants océaniques

Les bancs sont le point de convergence de plusieurs courants océaniques :
1. Le courant du Labrador, courant froid et profond qui, dans sa course vers le sud, accumule des substances nutritives.
2. Le courant du Saint-Laurent, également riche en substances nutritives provenant de l'écoulement des eaux du continent.
3. Le Gulf Stream, courant de surface chaud, relativement stérile.

Ces courants se mêlent aux eaux peu profondes des bancs et fournissent, aux très nombreux poissons, les matières nutritives nécessaires à leur subsistance.


La pêche verte

À partir de 1540, on vit des Européens s'embarquer chaque printemps pour aller pêcher sur les bancs du large. Les poissons pêchés étaient apprêtés et empilés dans les cales entre des couches de sel destinées à les conserver. Lorsque, plusieurs mois plus tard, le navire rentrait au port, le poisson était encore humide ou "vert"; c'est ainsi que la pêche sur les bancs en vint à être connue comme ‘la pêche verte’.

La pêche sur les bancs était faite surtout par les Français, qui disposaient d'abondantes provisions de sel de mer pour la conservation du poisson à bord. Les Anglais, qui n'avaient pas de sel, rapportaient leurs prises à terre et les faisaient sécher au soleil.

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Lunenburg : poste de pêche sur le pont du navire de pêche verte : baril ouvert et écran en toile
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Bateau de «pêche verte» vers 1650
Un bateau français de pêche errante ou pêche verte, v.1650

Les navires de la pêche verte qui osaient traverser l'Atlantique nord étaient étonnamment petits: moins de 100 pieds de long en général. La vie à bord était rude et souvent risquée. Pendant les quatre à six mois que durait l'expédition, les 15 ou 20 pêcheurs et mousses pêchaient depuis l'aube jusqu'au coucher du soleil et s'occupaient des voiles par tous les temps.

Le bateau ne jette pas l’ancre; seule la voile appelée tapecul est hissée et sert à garder la maîtrise du bateau et à empêcher les lignes de s’emmêler.

L’équipage s’affairaient à boetter les hameçons, à pêcher en donnant aux lignes à main un mouvement de va-et-vient et à remonter le poisson.

Les mousses apportaient à la table d'apprêtage les dernières prises des pêcheurs à la ligne. C'est là que l'équipe d’apprêtage éviscérait le poisson, l'étêtait et le tranchait avant de le jeter dans la cale où le saleur l'empilait entre des couches de sel.

Pendant ce temps, le capitaine consigne les prises de chacun sur l'ardoise.
La pêche à la ligne était un travail éreintant. Le pêcheur enferrait une ou deux lignes à main plombées et garnies d'un ou deux hameçons. Toutes les fois qu’un poisson mordait, on devait haler toute la ligne, qui mesurait souvent 300 pieds. Le pêcheur pouvait répéter ce geste jusqu’à 350 fois par jour.

Lorsqu'il pêchait à la ligne (a), le pêcheur se plaçait souvent dans un baril (b) attaché au pont du  navire (c). C'était pour lui une façon de se tenir au sec et de se ménager un appui lorsque le navire roulait. En outre, des écrans en toile (d) installés le long de la rambarde du navire l'abritaient du vent et des embruns.

La pêche à la
                  ligne sur un bateau de pêche verte au XVIIe siècle
La pêche à la ligne sur un bateau de pêche verte du XVIIe siècle

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Goélette (shooner) de pêche coloniale vers 1830

La pêche coloniale


La pêche côtière était la principale source de revenus des premières colonisations du Canada Atlantique. Lorsque les eaux côtières devinrent encombrées, les colons se hasardèrent davantage au large. La goélette, née en Nouvelle-Angleterre au début du XVIIIe siècle, devint très tôt le bâtiment type de la pêche hauturière.

La goélette était un bâtiment à voile à deux mâts, gréé de voiles auriques disposées sur la longueur du navire. Elle se manœuvrait mieux que le navire typique de la pêche verte, gréé de voiles carrées montées sur sa largeur, et était plus facile à manier par mauvais temps, vu que la commande des voiles pouvait s’effectuer du pont. La goélette type des bancs de pêche des colonies mesurait environ 60 pieds de long et transportait un équipage de dix à douze hommes.

En règle générale, le bateau ne jetait l'ancre qu'une fois parvenu sur un bon fond de pêche. Ici, le capitaine et deux membres d'équipage s’activent au guindeau (à l’avant) pour filer du câble à l’ancre et l'empêcher ainsi de se rompre sous la force des grosses vagues qui déferlent. L’équipage pêche aux lignes à main. La tâche est ardue et l’un des hommes s’est arrêté pour se désaltérer à la cruche. Chacun dépose dans son propre baquet ses prises, qui seront ensuite tranchées.


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Goélette de pêche coloniale sur les bancs vers 1830
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Pêche aux lignes en doris

Un dorissier pêche la morue à l’aide de deux lignes à main qu'il fait aller et venir dans l’eau par saccades. L'utilisation des doris, à partir du milieu de XIXe siècle, marquait une amélioration par rapport à la pêche aux lignes depuis la goélette, car chaque pêcheur jetait l'ancre à quelque distance de celle-ci, augmentant ainsi l'étendue de la zone de pêche.
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Dorissier pêchant dans son doris

Doris

La fin de l’époque de la voile

La grande pêche a été transformée par l’arrivée des chalutiers à vapeur au tournant du XXe siècle, puis, au milieu du siècle, par celle des navires à moteur diesel dotés d'installations de transformation et de réfrigération. L’époque où les goélettes venaient sur les bancs pêcher aux lignes du poisson destiné à être salé et séché pour l'exportation était désormais révolue. La mécanisation des méthodes de capture, de transformation et de transport a abouti à une plus grande efficacité et au développement d’une importante pêche industrielle internationale. Les chalutiers eurent tôt fait de remplacer les goélettes et le poisson frais ou congelé la morue salée.

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L’effondrement de la pêche de
la morue sur la côte est du Canada



Avec l'avènement du chalutage et la participation d’un plus grand nombre de pays, la pression exercée sur les stocks de pêche augmente rapidement. Le Canada participe pleinement à cette expansion et, à l'instar d’autres nations, subventionne le développement d’une flotte de pêche hauturière. Des inquiétudes au sujet de la viabilité mènent à la création d’une zone économique exclusive de 200 milles en 1977. Les mesures comme celle-là sont toutefois compromises par l'expansion croissante de la propre flotte du Canada et par l'incapacité à maîtriser la surpêche étrangère au-delà de la limite des 200 milles.

En 1991, les stocks de morue sont déjà dévastés. L'année suivante, le gouvernement du Canada déclare un moratoire sur la pêche de la morue du Nord dans les eaux qui vont du nord des Grands Bancs au Labrador. Les fermetures et réductions imposées dans la pêche mettent au chômage près de 40 000 pêcheurs et travailleurs d'usine de poisson, occasionnant le plus vaste licenciement industriel de l’histoire du Canada. Pourtant, malgré ces mesures, l'avenir des stocks de morue reste encore incertain.


LE BLUENOSE

Bluenose-II Abeam of Peggy's-Cove Light, par Tom
            Forrestal
Bluenose II Abeam of Peggy's Cove Light (Bluenose II par le travers du phare de Peggy's Cove), par Tom Forrestal

Le dernier étage est consacré au Bluenose, ses trophées et son capitaine… Je passe vite, captant seulement quelques photos, gravure et notices à propos du fameux et magnifique voilier.


Lunenburg - Port d’attache du
Bluenose et du Bluenose II


Le 26 mars 1921, Smith & Rhuland lance la goélette de pêche baptisée Bluenose, qui porte le numéro de coque 121. Construit selon un plan de William J. Roué, le Bluenose de 258 tonneaux est la plus grande goélette lancée à Lunenburg. Bien que construit principalement pour se mesurer aux Américains, vainqueurs de la première course de l'International Fishermen’s Trophy, il doit payer son passage en travaillant comme bateau de pêche. En 1921, sous le commandement du capitaine Angus Walters de Lunenburg, il bat la goélette Elsie de Gloucester au Massachusetts. Par la suite, il défendra son titre avec succès à quatre reprises entre 1922 et 1938. Chaque fois, il devra au préalable battre d’autres concurrents canadiens pour pouvoir se mesurer aux Américains...

La Bluenose représente le Canada dans 1e cadre des célébrations des 25 ans de règne du roi George V et de la reine Mary en 1935, Il est également le représentant des provinces Maritimes lors de l'exposition universelle de Chicago en 1933.

Tout au long de sa glorieuse carrière de goélette de course, le Bluenose fait également les campagnes de pêche, assurant  à ses propriétaires un bon rendement sur leurs investissements. En 1942, après avoir fait son temps, il est vendu à la West Indies Trading Company. Il fait naufrage au large de Haïti en janvier 1946.

L’héritage du Bluenose survit par l'émission d'un timbre à son effigie dans les années 1930 et d'une pièce de 10 cents canadiens ainsi que par le Bluenose II sa réplique - également conçue par Roué et construite par Smith and Rhuland pour le compte de la brasserie Oland, en 1963. Le Bluenose II, qui est maintenant exploité par la Société Lunenburg Musée de la Marine au nom de la province de la Nouvelle- Écosse, est l'ambassadeur maritime de la Nouvelle-Écosse et un symbole du grand patrimoine marin de Lunenburg. Lorsqu’il est à quai, il est ouvert au public pour des excursions. 


Bluenose comme bateau de pêche

Bluenose pêchait sur les Grands Bancs au large des côtes de Terre-Neuve. Chaque voyage durait de 6 à 8 semaines.

Son équipage se composait de 21 hommes: 16 pêcheurs (2 hommes par doris), 4 fileteurs et un cuisinier. Quatre fois par jour, à raison de 2 à 3 heures, les pêcheurs remontaient et remettaient en place leur ligne de chalut (1,5 à 2,5 km). La journée ne se terminait que lorsque tout le poisson avait été découpé et entreposé. Cela signifiait souvent une journée de travail de 17 heures.

Après la gloire des International Fishermen's Races de l'automne, Bluenose, comme beaucoup d’autres goélettes de pêche de Lunenburg, transportait de la morue salée séchée à Porto Rico et revenait avec un chargement de sel des îles Turques.


Une journée dangereuse

Bluenose a frôlé la catastrophe au large de l’île-de-Sable le 7 avril 1926.

L'Île-de-Sable, connue comme le cimetière de l'Atlantique, peut être un endroit dangereux. L'Île de Sable est une petite île en forme de croissant, loin de la côte, avec de longues barres de sable s'étendant de chaque côté. C'est l'endroit idéal pour la morue, mais la région peut être mortelle pour les pêcheurs.

Cette journée là, dans un coup de vent et entre les deux bancs de sable, Bluenose avait perdu son ancre. Le seul moyen de s'en sortir était de « traverser la barre », un exploit rarement réussi.

Le capitaine Angus Walters s’est attaché à la barre et a renvoyé tout l'équipage sous le pont. L'équipage s’est assis autour de la table de la cuisine, convaincu qu’il n'y avait aucun moyen de s’en sortir. Ils décidèrent qu’une fois que le navire serait bloqué sur le banc de sable, ils monteraient sur le pont, se prendraient par la main et sauteraient ensemble par-dessus bord, croyant que c'était leur seul espoir de survie.

Mais la chance et le savoir-faire du capitaine Walters étaient de leur côté. Il réussit à faire passer Bluenose au- dessus de la barre de sable sans la heurter, et les ramena tous en sécurité. Le lendemain, Angus est retourné à l’île de Sable dans le but de récupérer une partie du matériel qu'ils avaient perdu dans la tempête, mais il n'y avait plus rien.  Cette nuit-là, Angus a ordonné que les voiles soient levées. Il a dit qu'ils rentraient chez eux pour être de retour le lendemain matin pour Pâques.

Angus et Bluenose avaient réussi à s’en sortir.


Le Déclin

En 1942, Bluenose a été acheté pour 20 000 dollars par les propriétaires de la West Indies Trading Co, Jessie Spalding et Tim Higgins. Le fait que notre champion emblématique ait été vendu à nos rivaux, les Américains, était une dure réalité pour beaucoup de Canadiens et Canadiennes.

Le port d'attache du Bluenose était désormais à Cuba où il a travaillé comme un navire de charge. Son rôle consistait à transporter des marchandises entre les îles - un travail habituel pour les anciennes goélettes de pêche. Sa cargaison se composait de munitions de guerre, de carburant d’avion et de dynamite destinés à l'Administration de la marine de guerre pour aider à la construction d’aéroports dans les Caraïbes afin de lutter contre la menace des U-boots.

C'est à cette époque que la notoriété du Bluenose l’a sauvé. Il se trouvait dans le détroit de Floride lorsqu'il a été repéré par un U-boot allemand. Ce n'est qu'en raison de l'admiration du capitaine du U-boot pour Bluenose qu'il l'a laissé passer, en ordonnant à l'équipage de quitter ces eaux. Le capitaine leur a dit que s’il les recroisait, il les torpillerait.



La perte de la légende

Ce fut une soirée qui a touché de nombreux Canadiens. Bluenose était perdu.

Le capitaine Angus Walters était au club de curling de Lunenburg lorsqu'il a appris la nouvelle. Ce n’était pas un secret ni une surprise qu'il eut le cœur brisé.

Le capitaine Wilson Berringer, qui était aux commandes lorsque Bluenose a été perdu, a raconté ce jour fatidique au capitaine Walters. C'était le soir du 28 janvier 1946 et ils avaient quitté Jackmel Bay en direction d'Aux Cayes, en Haïti. Il devait recevoir un chargement de bananes. Il y avait un passage entre deux récifs d'environ 2 1/2 miles (4 km) de large, mais il n’y avait pas de bouées lumineuses. Il était 19 h 40 lorsque la poupe du navire a heurté le récif.

Tous les membres de l'équipage ont pu quitter le navire sains et saufs, mais Bluenose était perdu à jamais. Le célèbre bateau de pêche de Lunenburg a disparu. Une fin tragique pour cette légende.


Buenose II toutes voiles dehors

Bluenose II

Les souvenirs et la fierté des réussites de Bluenose sont toujours restés forts. Au cours de la construction de la reproduction du HMS Bounty en 1960, l’idée est venue que l’on pourrait construire une reproduction du Bluenose. Un comité a été formé pour examiner la possibilité.

En même temps, la société Olands & Sons a eu l’idée de construire une goélette de pêche pour promouvoir la bière Schooner. Lorsqu'ils ont entendu parler de l'intérêt pour une reproduction du Bluenose, ils ont commencé à planifier. Il a été construite au chantier naval Smith & Rhuland et lancé le 24 juillet 1963.

Il était une reproduction, à l'exception de l’intérieur, qui était aménagé pour accueillir des passagers. Au cours des six années suivantes, sous le commandement du capitaine Elsworth Coggins, Bluenose II a effectué des tours de port à partir de Halifax et a travaillé comme navire affrété dans les Caraïbes pendant les mois d'hiver.

Le 7 septembre 1971, Olands & Sons a vendu Bluenose II à la province de la Nouvelle-Écosse pour un dollar. En raison de la pourriture sèche, une campagne « Save the Bluenose » était nécessaire pour le remettre en état. En 1973, Bluenose II naviguaïit à nouveau depuis Halifax et d'autres ports de Nouvelle- Écosse.

Son voyage en 1974 à Norfolk, en Virginie, a renforcé l'idée que Bluenose II était le symbole parfait pour promouvoir le tourisme dans la province ; il devenait notre ambassadeur maritime.

Comme souvent avec les navires en bois, la coque du Bluenose II s'était déformée, ce qui a mené à la reconstruction de la coque qui a été complétée en 2012.



Puis répondant à un message de Juliette, je retourne à notre stationnement, nous déjeunons avant d’aller saluer l’arrivée du Bluenose à quai, malheureusement au moteur… Beaucoup d’animation sur son pont où l’équipage brique les accessoires en prévision d’une réception. Le navire est entre deux courses et nous ne pourrons le visiter comme nous l’aurions souhaité. L'équipage au travail sur la poupe du
                  Bluenose-II
L'équipage au travail sur la poupe du Bluenose II

Blue-Nose-II à quai

Jean-Paul-devant-la-proue-du-Bluenose-II
Jean-Paul devant la proue du Bluenose II
Bluenose-II.
Bluenose-II-notice

Nous nous rabattrons sur le Theresa O’Connor, la dernière goélette de pêche au doris soigneusement conservée par le Musée Maritime de Nova-Scotia. Nous en parcourrons les deux ponts d’un bout à l’autre, observant un peu la réalité vécue par les marins pêcheurs qui embarquaient à son bord pour de longues et dures périodes de labeur. Lunenburg-le-Theresa-O'Connor-a-quai
Le Theresa O'Connor à quai

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Le Theresa O'Connor vu de l'arrière
Le Theresa E. Connor, mis à l'eau en 1938 au chantier naval Smith & Rhuland (Lunenburg), est une goélette à deux mâts de type knockabout. Le navire a été construit pour la "pêche fraîche", une méthode qui permet de conserver le poisson dans la glace. La goélette a également été utilisée pour la pêche au sel, où les prises sont conservées dans du sel.

Theresa E. Connor pouvait contenir 425 000 livres (192 777 kg) de poisson salé. Le navire a été construit pour la Maritime National Fish Company (Halifax) et nommé en l'honneur de l'épouse du président de la société. En 1952, Zwicker and Company Limited (Lunenburg) a acheté la goélette.

Theresa E. Connor fut la dernière goélette à pêcher avec des doris à partir de Lunenburg. En mai 1963, le capitaine Harry Oxner et un petit équipage se rendirent à Terre-Neuve afin de rassembler suffisamment de pêcheurs pour une dernière sortie sur les bancs. Ils n'y parviennent pas. Les pêcheurs préfèraient monter à bord des chalutiers modernes.

En 1966, la Lunenburg Marine Museum Society achète le Theresa E. Connor. Le 23 juillet 1967, Lunenburg a célébré le centenaire de la Confédération canadienne en ouvrant le Theresa E. Connor en tant que musée. Il s'agissait du premier musée flottant du Canada.

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Juliette à la barre du Theresa E. Connor
Lunenburg la chaise et le porte-voix du capitaine
                  du Theresa O'Connor
La chaise et le porte-voix du capitaine du Theresa O'Connor
Office dans la cuisine du Theresa O'Connor
Comptoir dans la cuisine du Theresa O'Connor
Le carré du navire, la table de salle à manger et
                  les couchettes sur les côtés
Le carré du navire, la table de salle à manger et les couchettes sur les côtés

Coin du capitaine de la Theresa O'Connor
Coin du capitaine à bord de la Theresa O'Connor
Salle des machines du Thersa O'Connor
Salle des machines du Theresa O'Connor

Un doris équipé- sur le pont du Theresa O'Connor
Un doris équipé sur le pont du Theresa O'Connor

Doris empilés sur le pont de la goélette
Doris empilés sur le pont d'une goélette
Histoire du doris de Lunenburg...
le petit cheval de trait



Pêcher à bord d'une goélette à bancs de sel ne signifiait pas pêcher à partir de la goélette elle-même, mais plutôt à partir d'un doris, le petit cheval de trait de la mer. Un doris est un bateau à rames à fond plat, à étambrai et à tableau en forme de pierre tombale. La taille typique des doris utilisés à bord des goélettes était le doris à fond de 15 pieds (4,6 m). Un doris de cette taille pouvait contenir 2000 livres. (907 kg). Il est considéré comme une petite embarcation très résistante à la mer qui garde sa proue haute hors de l'eau. Et il y avait d'autres avantages. Grâce à leur fond plat et à leurs sièges amovibles (les bancs), les doris pouvaient être empilés, comme des bols dans une armoire, ou "emboîtés" comme disaient les pêcheurs. L'emboîtement permettait aux goélettes d'embarquer plus d'une douzaine de doris sans perdre d'espace de travail sur le pont.

À l'apogée de la pêche à la goélette à Lunenburg, quatre magasins de doris produisaient des centaines de doris par an. Mais avec l'apparition de la pêche hauturière à l'aide de chalutiers, la demande a diminué. Malgré la baisse de la demande, en 1944, W. Lawrence Allen reprend le Dory Shop situé sur Bluenose Drive, un magasin de doris en activité depuis 1917. La première année, il construit 75 doris, principalement pour des intérêts locaux. Au fur et à mesure qu'il acquiert une réputation de maître constructeur de bateaux, les commandes de doris continuent d'affluer en provenance de nombreux ports.

L'atelier a changé de mains à plusieurs reprises depuis W. Lawrence Allen, mais il continue de mettre en valeur les compétences des charpentiers navals des Maritimes. Un siècle plus tard, les doris sont toujours construits à la main, ainsi que d'autres petites embarcations. L'atelier de construction de doris évoque avec nostalgie le temps passé, un souvenir du lien profondément enraciné de notre culture locale avec la mer.

Lunenburg : retour de pêche miraculeuse à bord du
            doris
Lunenburg : retour de pêche miraculeuse à bord d'un doris


Entre temps le ciel s’est éclairci et je propose à mes compagnons une petite balade dans les rues du vieux Lunenburg réputé pour avoir conservé à peu près intact son patrimoine immobilier. Balade dans la vieille ville de Lunenburg
Balade dans la vieille ville de Lunenburg

Comme la ville a connu une grande prospérité pendant plus d’un siècle jusqu’à ce que la pêche périclite, nous découvrirons au hasard de notre promenade quantité de vieilles façades en bois peint de style victorien, toutes différentes les unes des autres, qui forment un ensemble unique et a reçu la prestigieuse bénédiction de l’Unesco.

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Lunenburg : boutique avec sa vitrine ancienne

Lunenburg : maison grise
Lunenburg : maison grise
Église -
                  Noter la girouette en forme de morue...
Église - Noter la girouette en forme de morue...

Lunenburg : la maison jaune
Lunenburg : la maison jaune
Lunenburg-mansarde
Lunenburg : mansarde fleurie

Lunenburg-maison


Lunenburg-coin-jardinage
Lunenburg : coin jardinage

Nous nous attardons à détailler telle fenêtre moulurée, tel encadrement de porte fleuri ou autre fantaisie architecturale, jusqu’à rejoindre le quai pour songer à chercher le bivouac de ce soir. (Entre-temps, Juliette sera tombée sur une vente de garage où elle fait l’emplette d’une chaufferette électrique pour la roulotte et d’une essoreuse à salade des années ‘60).

Lunenburg : la maison- de la vente de
                    garage...
Lunenburg : la maison de la vente de garage...
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Lunenburg: chiens assis

Une
                  autre maison particulièrement soignée dans son jardin
Une autre maison particulièrement soignée dans son jardin
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Lunenburg : groupe de maisons colorées au dessus du
            quai>
Groupe de maisons colorées au dessus du quai de Lunenburg

Nous nous dirigeons alors vers la piscine municipale un peu à l’extérieur de l’agglomération pour la douche quotidienne à laquelle Gabriel se montrera une autre fois rétif… Grand stationnement encadré de bâtiments publics : piscine, marché fermier, patinoire, curling… mais aussi point de rendez-vous populaire pour la parade du soir devant les copains au volant d’un « beau char » pétaradant !
Lunenburg : ouper sur le présumé bivouac devant
                  la piscine
Lunenburg : après le bain, souper sur le bivouac pressenti devant la piscine

Après un souper animé par la faune locale, nous décidons de porter notre bivouac un peu plus loin, au bord d’une rue peu passante où nous aurons plus de chance de trouver le calme nocturne auquel nous aspirons. Un bout de gazon un peu à l’écart de l’asphalte et à quelques dizaines de mètres de la plus proche maison fera l’affaire. À 22:30 nous fermons nos portes, je charge les photos de la journée, entame la rédaction du carnet de bord, vite abandonnée pour tomber dans mon lit
et sombrer dans le sommeil.


2023-08- Acadie 5
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