CANADA OUEST

Août-sept. 2020
(10 138 km)

Jean-Paul en solo à bord de son ProMaster


Photos visibles en pleine grandeur et en diaporama sur Google Photo :
https://photos.app.goo.gl/uory1HAvdqfatVDM6


Quatrième partie : les Rocheuses (suite et fin)



44 002 Samedi 12 septembre 2020 : de SASKATCHEWAN CROSSING à POBOKTAN CREEK (90 km)

Ciel fort gris après un joli lever du soleil sur la rivière à 7:45. Photos, puis je traîne un peu après avoir allumé le chauffage. Une petite demi-heure et je peux prendre douche et déjeuner confortablement. Devant le paysage qui s'éclaire lentement sous la lumière grise, j'achève la rédaction du carnet pour décoller enfin à 9:15. Mes jeunes voisins dans un vieux Ford Econoline grossièrement aménagé sont encore au lit…

ProMaster au bivouac devant Saskatchewan Crossing
ProMaster au bivouac devant Saskatchewan Crossing

Panorama sur
              Saskatchewan Crossing au matin
Panorama sur Saskatchewan Crossing au matin

Je regagne la route et fais quelques photos du site qui m'a accueilli, surtout de la rivière en aval et de ses errements en multiples canaux caillouteux où tente de s'accrocher une végétation éparse. La route remonte ensuite jusqu'au site commémoratif de Howse Pass. Un ensemble de panneaux bien placés devant les larges paysages de rivière et de montagne, en soulignent l'importance historique pour le commerce des fourrures (Howse est le premier commerçant blanc passé ici en 1809, après l'explorateur Thompson en 1807).

Depuis-Saskatchewan Crossing l'ouverture vers le Col
            Howse
Depuis Saskatchewan Crossing l'ouverture vers Howse River et son col

Itinéraire du Col Howse entre Saskatchewan Crossing et
            Golden
Itinéraire du Col Howse entre Saskatchewan Crossing et Golden

Howse Pass
Importance historique de Howse Pass

Un peu plus loin je remplis la citerne sur un robinet du camping - complet - Rampart, perdu dans un boisé épais et bien à l'écart de la route. Un autre endroit tranquille où il doit faire bon séjourner au calme… Autre court arrêt photo un peu plus loin en remontant le cours de la Saskatchewan devant le Mt Amery (3 329 m) que son dédicataire, un Ministre britannique, engageant un guide suisse, entreprit aussitôt d'escalader malgré son âge déjà avancé…

Mt
            Amery (3 329 m)
Mt Amery (3 329 m)

La route 93 poursuit sa montée vers le Nord, passe au pied de la longue façade verticale du Mourning Wall (Mur des lamentation) et, après une large courbe précédant une rue montée, devant la Chute du Voile de la Mariée, que j'avais déjà vue bien plus abondante… Belle vue sur la vallée de la Saskatchewan Nord en arrière.

Mur des
            Lamentations
Mur des Lamentations (Mourning Wall)

La rivière Saskatchewan-Nord descendant du glacier
            Saskatchewan
            La rivière Saskatchewan-Nord descendant du glacier Saskatchewan

Vallée de la Haute-Saskatchewan en amont du col
                    Sunwapta
Vallée de la Haute-Saskatchewan sous le col Sunwapta
Bridal
                    Veil Falls
Chute Bridal Veil (du Voile de la Mariée)

Parker Ridge : vallée vers l'est (Mt Cimus, 3 135 m)
En face de Parker Ridge : vallée vers l'est (Mt Cimus, 3 135 m)

En haut de la côte, on atteint un stationnement très fréquenté d'où part la prochaine balade, la grimpée sur le Parker Ridge, une «colline» haute de 250 m. Elle est indiquée indiquée 2,5 km aller, mais s'avérera finalement de plus de 7,6 km A/R. On voit que la pente est plutôt raide, et l'effort à fournir assez conséquent pour mes vieilles jambes. L'environnement très varié et spécial contribuera à faire «passer la pilule», puisque l'on passe en très peu de temps d'une végétation sub-alpine de sapins et autres plantes de haute vallée, à une toundra où les arbres rabougrissent jusqu'à quasiment disparaitre tandis que le sol se couvre de plantes basses, plus ou moins rampantes, de formes et de couleurs multiples.
Parker-Ridge : au départ du sentier, vue en
                  direction du col Sunwapta au nord
Parker Ridge : au départ du sentier, vue en direction du col Sunwapta au nord
Flore
                  sub-alpine

Prairie
            alpine
Rocaille alpine

La rude montée continue, la vue se dégage sur les vallées et les cimes alentours, et l'on finit par atteindre, sous un vent froid grandissant, le dos arrondi des collines où, là, il ne pousse plus rien, le climat étant trop rude et l'été trop court : uniquement du gravier mêlé de terre, débris de l'érosion glaciaire… Je m'enveloppe dans mon coupe-vent que j'ai eu la bonne idée d'emporter, puis gagne le plus haut point qui donne un meilleur aperçu de ce que je crois être le Mt Athabasca (3 493 m) où se niche le reste d'un glacier.

Parker
            Ridge : vers le Mt-Athabasca
Parker Ridge: vers le Mt Athabasca
Mt Athabaska
Mt Athabasca vers l'est

En haut de Parker Ridge : panorama vers Columbia
            Icefield
En haut de Parker Ridge : panorama vers le nord : Nigel Peak etc.

Mais le plus beau reste à voir; en redescendant un peu et en suivant une autre branche du sentier vers la gauche, on surplombe la vallée du glacier Saskatchewan dont la mer de glace, descendant du champ de glace Columbia, occupe tout le fond. D'après les photos anciennes il a beaucoup diminué, mais demeure encore considérable, et vaut à lui seul la balade. Quelques photos, puis je reprends le chemin du retour en retrouvant progressivement une atmosphère plus tempérée et moins venteuse.

Glacier Saskatchewan et Mt Arthabasca
Glacier Saskatchewan et Mt Athabasca

Parker Ridge : le glacier Saskatchewan
Glacier Saskatchewan

Vallée du Glacier Saskatchewan (Google)
Vallée du Glacier Saskatchewan (photo Google)

Parker Ridge : glacier Saskatchewan depuis son lac
            (Google)
Parker Ridge - glacier Saskatchewan depuis son lac (photo Google)

Parker Ridge : naissance de la Saskatchewan River
            (Google)
Parker Ridge : naissance de la Saskatchewan River; au fond Saskatchewan Glacier (photo Google)

Parker Ridge : panorama vers le parking (Google).jpg
Parker Ridge : panorama vers le parking (photo Google)

La route achève alors sa montée du col Sunwapta à 2 030 m, et commence à lentement redescendre vers le Centre du Champ-de-Glace Columbia. Là se trouvent à portée de pas les 3 plus grands glaciers «survivants» du super glacier Columbia qui, il y a 10 000 ans, recouvrait toutes ces montagnes jusqu'aux Prairies. Il fait malheureusement très sombre, et si la glace éclatante ressort assez bien sur le rocher brun-noir qui l'encadre étroitement, le reste du panorama, de hautes montagne pointant leurs pics vers le ciel gris, montre nettement moins de relief, quand celles-ci ne s'estompent pas dans des lointains brumeux.

Columbia Icefield Centre : glaciers Athabasca et Dôme
Columbia Icefield Centre : glaciers Dôme et Kitchener

Glacier Andromede
Glacier Andromède

Zoom sur le Glacier Andromède
Zoom sur la Glacier Andromède

De plus il y a foule de touristes, et les trois fameux glaciers côte-à-côte que l'on voit sur toutes les cartes postales me semblent avoir sacrément diminué depuis notre précédent passage en 2 001. Je passe la visite du Centre d'interprétation des Glacier, de Parc Canada, certainement intéressante, mais la ligne d'attente m'apparait vraiment trop dissuasive.

Je me laisse plutôt tenter par l'escalade de la moraine du Glacier Athabasca, juste en avant, qui donne accès directement à la glace  : 1,8 km A/R, dénivelé 92 m, cela reste encore dans mes possibilités... Stationnant juste au-dessus du petit lac Sunwapta dont les eaux gris-beige semblent très chargées en farine de roche, je chausse à nouveau mes Clarks poussiéreuses pour grimper à petit pas, entre plaques de rocher glissantes et gravillons roulant sous la semelle. Là-haut, le spectacle est surprenant et un peu triste : l'eau grise coule à flot de sous la glace sale entassée au fond du cirque dénudé, la lumière terne donne une tonalité funèbre à la scène, et les petits panneaux indiquant les rétrécissements successifs de l'aire occupée par la glace donnent l'impression d'un décès annoncé, inexorable. Devant l'affluence et le long détour dans la pierraille nécessaire pour atteindre le glacier lui-même, au delà des rigoles de fonte, j'abandonne l'idée de toucher effectivement à la glace, geste symbolique bien dérisoire face à la catastrophe constituée par cette fonte généralisée de toutes les glaces mondiales. Je quitte le site en prenant une photo de la borne marquant l'avancée du glacier en 1948, année de ma naissance; en 72 ans de «développement» humain et technologique, quel gâchis !

Recul du Glacier Athabasca depuis ma naissance
Recul du Glacier Athabasca depuis ma naissance

Columbia-Icefield-ProMaster-devant-Dome-Glacier
Columbia Icefield : Promaster devant Dome Glacier

Dôme Glacier
Columbia Icefield : Dome-Glacier

Columbia-Icefield-le-nouveau-bassin-de-reception-de-la-fonte-au-pied-de-la-glace.
Athabasca Glacier : le nouveau bassin de réception de fonte au pied de la glace

Columbia Icefield : la roche mère rabotee par le
            glacier Athabasca
Plaque de roche mère rabotée et griffée au pied du glacier Athabasca;
à gauche le petit lac Sunwapta, source de la rivière homonyme.

À partir de ce Centre Columbia Icefield, la route descend continuellement en suivant la vallée de la Sunwapta, un torrent impétueux qui se calme un peu lorsqu'il s'étale en branches multiples à travers toute l'étendue plane limitée par les parois rocheuses.  J'en profite pour regagner toute l'autonomie (marge kilométrique restant jusqu'à assèchement du réservoir, indiquée par l'ordinateur de bord) entamée par l'escalade du col Sunwapta.

Sunwapta River Chaine Endless
Sunwapta River et Chaine Endless

Le soir descend, je longe la chaine Endless (Sans fin) sur ma droite, à la recherche d'un stationnement à l'écart de la route comme souvent au départ d'un sentier. Le petit camping Jonas est fermé, mais la halte du Ruisseau Poboktan, qui s'enfonce dans le maquis, fera l'affaire.

Parc
            Jasper : en longeant la Chaîne Endless
Parc Jasper : en longeant la Chaîne Endless

Il est 18:00, je suis fatigué par mes deux marches de la journée au dénivelé assez raide. Je m'installe pour souper et travaille un peu les photos captées aujourd'hui. Je n'ai pas pris de journée «OFF» (sans rouler ni sans bouger, à lire et écrire) comme je le fais d'habitude dans mes virées; il serait peut-être temps d'y penser avant la fin de mon séjour dans l'Ouest et le long retour vers Montréal. Coucher à 21:00, après le crépuscule.


44 092 Dimanche 13 septembre 2020 : de POBOKTAN CREEK à JASPER (75 km)

Réveil passé 9:00, une nuit pour moi fort longue, entrecoupée de rêves dont certains m'ont réveillé. Mauvais présage ? En tout cas pas de dérangement en cours de nuit, c'est à se demander si toutes ces interdictions d'arrêts nocturnes le sont vraiment… ou si l'on patrouille pour les faire respecter ! D'autant plus que 2 voitures - apparemment inoccupées - ont également passé la nuit près de moi; des excursionnistes partis camper dans l'arrière-pays ?
Poboktan Creek : bivouac... et panne !
Poboktan Creek : bivouac... et panne !

Douche et début de déjeuner sans pb après allumage du chauffage comme d'habitude, mais lorsque je lance le moteur pour alimenter davantage l'onduleur et griller mes tartines matinales, le tableau d'instruments du ProMaster clignote bizarrement puis s'éteint. Impossible de le mettre en route, même une fois l'onduleur éteint. Je vérifie la batterie moteur, elle donne 2,40 V ! L'aurais-je vidée par inadvertance, ce qui m'étonne en si peu de temps. Me voilà mal pris, isolé et sans connexion téléphonique pour demander l'assistance du CAA dont Monique a eu la bonne idée de me faire prendre une carte…

Je songe alors à faire démarrer le moteur en utilisant la batterie habitacle comme appoint. Les câbles de survoltage sont vite sortis, le contact établi, et le moteur part ! Un bon point. Mais je ne suis pas sorti d'affaire car maintenant c'est le levier de vitesse qui reste bloqué sur le Park et refuse d'engager le Drive (marche avant) (voltage trop bas ?). Je me souviens alors d'un passage du manuel qui indiquait une manoeuvre à effectuer pour contourner ce blocage. Le nez dans le bouquin je le retrouve et applique les instructions : ça marche !  Me voici donc capable de me mouvoir, et même si le voyant Incident moteur reste allumé au tableau de bord, je peux au moins essayer de gagner Jasper à 75 km pour trouver un garagiste qui saura poser un diagnostic et remédier à la situation.  Mais d'ici là, pas question d'utiliser la position Park (je mettrai plutôt au Neutre et serrerai le frein à main) ni d'arrêter le moteur, la batterie moteur ayant grand besoin de recharge si ce n'est d'un remplacement. Heureusement il me reste la solution de laisser la batterie habitacle branchée en permanence, mais cela me semble un pis aller, et vu son prix, je ne voudrais pas prendre le risque de l'endommager.

Sur la 93N vers Jaspe dans le nuage
Sur la 93N vers Jasper dans le nuage

Me voilà donc regagnant la grande route, conduisant tout en douceur et avec un peu d'appréhension… Finalement le régime du moteur reste régulier et je progresse sans autre problème vers Jasper en voyant avec soulagement les kilomètres diminuer sur le GPS. Je me sens même suffisamment assuré pour faire un arrêt de quelques minutes, moteur tournant, pour aller admirer à une centaine de mètre de la grande route la chute spectaculaire de la Sunwapta qui engouffre son flot impétueux couleur jade dans un étroit canyon avec force tourbillons.

Chutes de la Sunwapta
Chute de la Sunwapta

Chutes de la
                  Suwapta
Chute de la Sunwapta
Canyon
                  des chutes de la Sunwapta
Canyon des chutes de la Sunwapta

Le moteur a continué à tourner en mon absence, mais c'est maintenant le voyant rouge de l'alternateur qui s'est allumé… Serait-ce lui la cause de l'incident et de la décharge excessive de ma batterie finalement en bon état ? En tout cas je souhaite que celle-ci ait suffisamment repris d'énergie durant ces premiers kilomètres pour me mener à l'étape.

Fin de la Promenade des Glaciers
Fin de la « Promenade des Glaciers »vers Jasper

Effectivement, je me rends sans faillir jusque dans le gros village de Jasper où un aimable pompiste m'indique - en français s'il vous plait ! - un atelier de mécanique apte à tout remettre en ordre. Je m'y rends immédiatement, constate bien sûr sa fermeture ce dimanche mais aussi qu'il porte l'estampille CAA, gage de qualité. Je m'installe au bord de la rue, juste en avant de la grand porte, en attendant son ouverture demain matin lundi à 8:30.

La voilà, ma journée off !!! et bien involontaire…

Du coup je commence par me préparer un repas un peu plus élaboré à base de riz auquel je mêle épice et sauce, accompagnant le reste - snif ! - de mon saucisson lyonnais. Puis j'achève de relire mon carnet de route et l'expédie à Olivier, maintenant que je dispose d'une connexion apparemment efficace (?). Enfin je reprends la fixation de l'armoire de la cuisine qui, glissant sur la structure métallique, couine et grince horriblement à chaque mouvement de la suspension. Cale mieux ajustée et épaisse couche de colle miracle Amazing Goop devraient faire l'affaire.

Après avoir mis à jour ce carnet je me plonge enfin dans guide et documentation pour envisager les suites que je pourrai donner à mon périple. En autant que la réparation ne pose pas trop de problème, et que le temps, qui a commencé à fraîchir et se couvrir, ne se détériore pas au point de virer à la neige - ce qui n'est pas rare ici fin septembre. Cela m'amènerait à reprendre au plus tôt la route de l'est. Inch Allah !

Coucher tôt pour continuer de récupérer et attendre de pied ferme le mécanicien demain matin.


44 167  Lundi 14 septembre 2020 : JASPER (92 km)

Levé à 7:30 après une bonne nuit reposante (malgré le passage incessant des trains…), je vais voir le patron du garage dès son arrivée peu après 8:30. La liste des clients en attente et sur rendez-vous (petits post-it jaunes collés sur un babillard) est fort longue, et il ne semble pas pressé de me recevoir. Il m'inscrit néanmoins, et je lui demande de venir me chercher sur le stationnement en avant dès qu'il aura un peu de temps… Je retourne travailler sur mon ordi dans le camion où je dois bientôt réactiver le chauffage : le ciel reste très gris, les nuages sont très bas et cachent les sommets alentour, et surtout la température frise les 10°.

ProMaster devant le garage de Jasper
ProMaster devant le garage de Jasper
 
Enfin vers 10:00 un mécanicien sort du garage et s'approche du ProMaster; je lui explique comme je peux ce qui m'amène à le consulter. En faisant démarrer le moteur il me fait remarquer que le signal rouge «Batterie» n'apparait plus, il mesure alors la tension aux bornes de la batterie et la trouve tout à fait adéquate (autour de 14 V). Donc pas de pb lié à l'alternateur ou à une batterie défectueuse. Quant au voyant «Vérifier le moteur» (Check Engine) jaune qui demeure allumé, il peut vouloir dire à peu près n'importe quoi, et selon lui, à l'oreille et à l'apparence, ce moteur tourne rondement. Donc pas de raison de s'inquiéter, il est probable que cette alerte disparaitra d'elle-même au fil des kilomètres. Au pire, si elle était encore présente à mon retour à Montréal, je ferais vérifier les codes avec l'ordinateur par mon mécanicien de confiance Setho et lui demanderai de remettre le système à zéro.

Rassuré, je prends aussitôt le parti de retourner voir ce que l'urgence apparente et l'inquiétude m'avaient fait sauter hier : le Mt Edith-Cavell et les chutes de l'Athabaska. Je passe donc faire le plein d'essence sur l'avenue Connaught où les trois stations se suivent, prix identique, puis rejoins la 93A  sur laquelle s'embranche la toute petite route Cavell, qui monte et descend en virant constamment sur 26 km, étroite, mais excellente. Elle grimpe allègrement à travers une forêt sauvage, longe des abimes, et approche petit à petit des énormes massifs constituant le but de l'excursion.
Abîme
                      le long de la Route Cavell
Abîme le long de la Route Cavell
Le Mont
                    Edith-Cavell se dégage de sa gangue de nuage Le Mont Edith-Cavell se dégage de sa gangue de nuage

À mi-pente et sur le dessus des montagnes, on aperçoit encore des taches blanches témoignant de la présence de glaciers, là encore bien diminués par rapport à mon souvenir… Stationnant sur le grand parking maintenant aménagé au bout de la route, à l'orée de la vallée glaciaire, je tergiverse un peu, mais la brume ou plutôt les nuages bas qui noyaient un peu les reliefs en matinée achèvent de se dissiper, laissant apparaître dans toute sa hauteur et sa masse écrasante le Mont Edith-Cavell au-dessus de ma tête.

Je déjeune puis décide de passer l'aspirateur sur le tapis qui s'encrasse décidément très vite. Pas de problème pour le branchement, l'onduleur - et la batterie en amont - réagissent correctement. Mais j'ai oublié de remettre le filtre sorti au dernier usage pour le laver. Je me trouve tout à coup enveloppé dans un nuage grisâtre qui se dépose partout… Et c'est le corps de l'aspirateur qui en sort complètement encrassé, moteur compris. Démontage, nettoyage, remontage, puis après réinstallation du filtre, nouveau passage sur le tapis, sur les banquettes, le lit, etc. Du coup j'en profite pour secouer et aérer à l'air pur de la montagne toute ma literie et les vêtements posés à droite et à gauche. J'achève par un essuyage soigné des meubles et autres surfaces, qui en avaient de toute façon bien besoin après presque trois semaines de vadrouille.

Arrivée
                      au pied du Mt Rdith-Cavell
Au pied du Mt Edith-Cavell

Sentier du Glacier Angel
Sentier du Glacier Angel

Une fois tout remis en place je peux me lancer dans la balade. Ce délai aura au moins permis aux nuées de s'effacer tout-à-fait et au soleil de percer timidement. Il reste toujours un fort voile atmosphérique, mais au moins on y voit quelque chose ! Je choisis de suivre le sentier qui monte au pied du Glacier Angel et s'arrête au bord du petit lac encombré de glaçons qu'il alimente. Je reconnais immédiatement le glacier suspendu à sa forme de deux ailes étendues sur un corps central, mais l'Ange me semble avoir perdu beaucoup de plumes depuis mon dernier passage...

Glacier Angel
Glacier Angel : le bas du «corps» entre les deux «ailes»

Quel spectacle que ce haut mur rocheux presque à-pic couronné par la glace loin au-dessus de nous, la haute cascade qui s'en écoule à travers le rocher nu à-pic et qui rejoint l'autre reste de glacier fondant dans le petit lac en bas, en laissant des mini-icebergs partir à la dérive…

Lac du Glacier Edith-Cavell
Lac du Glacier Edith-Cavell
Les icebergs du Lac de glacier Edith-Cavell Cascade du Glacier Angel alimentant le lac

Les
              icebergs du Lac de Galcier Edith-Cavell
Les mini-icebergs du Lac de Glacier Edith-Cavell

Tout autour, s'étalent d'énormes restes de moraine caillouteuse sur laquelle une maigre végétation tente de s'accrocher et de se développer avec un apparence de toundra. Il faut dire que l'on est sur la face nord du massif, l'été est ici très court et l'altitude élevée. En redescendant vers le parking  je me laisse tenter par le début du sentier montant aux Cavell Meadows, mais ils devient vite si raide et caillouteux que je laisse tomber et rentre plutôt par celui qui serpente près du torrent et offre de jolis points de vue.

Sentier
              du Mt Edith-Cavell
Sentier du Mt Edith-Cavell

L'après-midi est encore jeune, et je me sens assez en forme pour pousser jusqu'au bout de la route 93A et aller contempler les chutes Athabasca. Longue descente en souplesse de la petite route Cavell qui rejoint la 93A; puis parcours presque plat au fond de la vallée en longeant un fort affluent de l'Athabasca (la rivière Whirlpool, je les ai confondues un temps) qui roule des eaux semblablement gris-vert sur près de 50 m de galets blanchâtres. Une petite demi-heure de trajet et j'atteins le site des chutes, très aménagées et fréquentées.

Chute de
              l'Athabasca
Chute de l'Athabasca

Il faut dire que la rivière est importante tant par sa largeur que par son débit. La vaste vallée environnée de montagnes imposantes forme un cadre superlatif, et la chute elle-même qui s'enfonce dans un profond canyon est des plus frappantes. Je fais le tour des sentiers et belvédères qui permettent de contempler sous différents angles et en sécurité cette merveille de la nature, tourne quelques plans vidéos pour en capter l'extraordinaire énergie, descends enfin au pied du canyon en empruntant un ancien déversoir délaissé par les eaux et aboutis au large cours à nouveau relativement paisible de l'Athabasca qui poursuivra son long chemin vers le nord, jusqu'à l'Océan Arctique.

Chute
                    de l'Athabasca
Déversoir de la chute
Chute
                    de l'Athabasca
Déversoir de la chute

Déversoir abandonné
Chute de l'Athabasca : déversoir abandonné converti en escalier
Sortie de la gorge des chutes de l'Athabasca
Sortie de la gorge des chutes de l'Athabasca

Fort satisfait d'être revenu sur mes pas au prix de quelques kilomètres supplémentaires, je reprends la 93A vers Jasper où je compte trouver un coin plus tranquille - i.e. plus éloigné du chemin de fer… - pour dormir. Il est passé 18:00, le soir descend maintenant tôt, et je préfère ne pas chercher dans l'obscurité. Et par hasard, au moment d'entrer en ville, j'avise une station de vidange-remplissage destinée aux camping-cars et caravanes, séparée de la route par un petit boisé. Voilà qui fera l'affaire ! Après avoir remis à niveau mon réservoir encore bien pourvu, rempli mes bouteilles d'eau potable puis utilisé l'eau sous pression pour rincer les circuits d'eau grise (douche, urinoir et évier) je m'avance un peu sur la voie d'accès et m'y installe pour la nuit sous les arbres. Il passera bien deux autres utilisateurs dans l'heure qui suit, puis plus rien ensuite et l'on entend à peine le léger et rare trafic sur la route.

Bivouac sur l'aire de service de Jasper
Bivouac sur l'aire de service de Jasper au crépuscule

Souper, consultation du Guide (demain ce sera le lac Maligne), écriture du carnet et transfert des photos; je me sens plus reposé mais apprécierai mon lit je crois. Extinction des feux à 22:00.


44 259 Mardi 15 septembre 2020 : de JASPER à MOOSE LAKE (139 km)

Lever à 7:30 après une bonne nuit, mais sous une petite pluie et dans une brume qui estompent les montagnes autour de moi. Il fait 6°, je n'ai pas eu froid cette nuit, probablement parce que j'avais pris la précaution de placer les rideaux isolants sur toutes les ouvertures.

Je prends immédiatement le chemin du centre de Jasper où je déjeunerai, me doucherai et tenterai de trouver quelque chose d'appétissant dans la plus grosse épicerie locale (pas de chaine comme IGA, Metro, Safeway ou Sobeye ici). J'espère que le ciel s'éclaircira pour l'excursion prévue du côté de la Maligne. En fin de compte le détour à l'épicerie est décevant : trop peu de variété (fromages presque exclusivement locaux, donc industriels et fadasses, fruits de mer congelés sans goût, choix de conserves limité, charcuterie et «plats préparés» inexistants, etc.) et des prix 30% plus élevés qu'à Montréal. J'y prends quand même salade toute prête et bananes, et renouvelle mon stock de riz brun déjà épuisé.

Route du Lac
              Maligne
Sur la route du Lac Maligne

Légèrement indisposé (migraine et rhinite) je me repose un moment avant de prendre la route de la vallée de la Maligne, fort jolie, qui suit le cours de la rivière jusqu'au Medicine Lake. Son niveau est bien bas, comme normal en fin d'été puisqu'il laisse «fuir» une partie de son eau qui resurgit plus bas dans la Maligne. Vue assez fantastique (ou romantique…) de son étendue grise encadrée par les montagnes à moitié cachées derrière des écharpes de nuages.

Lac Medicine
Lac Medicine, depuis sa pointe nord-est

Lac Medicine, niveau bas
Lac Medicine, niveau bas

Puis la route suit la rive du lac pour aboutir un peu plus loin au Lac Maligne, amplement aménagé avec bateaux d'excursion (non fonctionnels, le covid…) et vastes parkings pour accueillir les randonneurs. Étonnamment ils sont encore nombreux malgré le temps maussade. Trouvant l'atmosphère trop froide et humide pour mon état, je préfère rester au chaud pendant un moment à écrire, à lire, ne sortant que de temps à autres pour prendre quelques vues. Puis je  tente une autre fois de brancher la radio sur le courant permanent avec un interrupteur. Et cette-fois-ci ça marche ! Probablement un mauvais contact lors de mes essais préliminaires. Après avoir rangé tout mon matériel de bricolage que j'avais étalé sur table et comptoir, je me sens plus remonté et décide d'aller prendre l'air, d'autant plus que le ciel parait plus clair et que la température a fini par s'adoucir. Je déjeune légèrement d'une salade et d'un morceau de Roquefort (qui tire trop rapidement à sa fin…), couronne mon festin d'un expresso bien tassé et gagne le bord du lac à deux pas.

Lac Maligne
Lac Maligne près de la rampe de mise à l'eau devant laquelle je suis stationné

Ici le chemin qui longe la berge est très court, à peine quelques centaines de mètres, et encore est-il envahi par des moustiques voraces. Heureusement ils n'osent se poser sur moi, vu la dose de Off (puissant insectifuge…) que j'ai vaporisé sur mes vêtements, mon chapeau et mon cou. Mais leur bourdonnement incessant et leur intérêt manifeste pour ma personne me tapent sur les nerfs. Aussi je poursuis ma balade vers l'ouverture sur le grand lac en marchant sur la grève de caillasse découverte par les basses eaux d'été, juste à la lisière de l'eau. Les mosquitos y sont nettement moins nombreux et actifs, et la vue y est pleinement dégagée sur le lac et son entourage de montagnes. Je passe ainsi plusieurs petites pointes jusqu'à une dernière qui me donne enfin vue sur toute la longueur du plan d'eau, encore qu'il soit très long. On ne peut en découvrir les îles (dont la fameuse Ile des Esprits) et autres éléments du décor que depuis le bateau qui en parcourt le tour, ce que nous avions fait en 2001. Mais les bateaux d'excursion sont amarrés pour de bon aujourd'hui (le covid….) et la très longue navigation en kayak solo ne me tente vraiment pas…

Lac Maligne vers le Sud-Est
Ouverture sur la longueur du Lac Maligne vers le Sud-Est
Arnica
Arnica

Je prends quelques vues du vaste paysage, puis reviens sur mes pas (2 km A/R) jusqu'à la rampe de mise à l'eau des canots sur le parking de laquelle j'ai laissé le ProMaster. Je gagne alors l'autre stationnement sur la rive droite de la Maligne, déversoir du lac, et entreprend le même tour de lac sur l'autre rive.

Le déversoir, source de la Maligne
Le déversoir du Lac Maligne, source de la Maligne


Lac Maligne: départ du sentier sur la rive droite de
              la rivière
Lac Maligne: départ du sentier sur la rive droite de la rivière

Autres vues superbes, jusqu'à un petit belvédère où s'embranche le sentier Marie Shaffer Loop qui revient à mon point de départ par une large boucle à travers la montagne.

Belvédere depuis la rive droite
Belvédère sur le lac depuis le départ de la Boucle Mary Shaffer

Sculpture chinoise
Sculpture à la chinoise ?

Agréable chemin qui me fait apprécier une autre fois ce très ancien milieu naturel totalement préservé. La forêt y est souvent plus clairsemée, une végétation basse d'arbrisseaux, de mousses, de champignons et autres fleurs recouvre densément le sol, mêlant formes et couleurs. Parfois une vaste clairière où pousse drue une haute herbe jaune (celle dont se nourrissait le bison des bois, aujourd'hui presque disparu ?). Après 3 km de marche et près de ¾ d'heure je retrouve mon ProMaster, bois un bon coup et me délasse un peu avant de prendre le chemin du retour vers Jasper.

Début du Mary Shaffer Loop près du lac Maligne
Début du Mary Shaffer Loop sur le lac Maligne
Clairière sur le Mary Shaffer Loop
Clairière sur la Boucle Mary Shaffe
Lac Maligne : Prairie vers la Boucle des
                    Collines-Opal
Lac Maligne, Mary-Shaffer-Loop : prairie vers la Boucle des Collines-Opal
Mary-Shaffer-Loop : lichen-Usnée vert de gris
                    dont se nourrissent les caribous des bois Touffe de lichen Usnée vert-de-gris dont se nourrissent les caribous des bois

Il est passé 17:00, le ciel s'est partiellement dégagé et quelques rayons de soleil percent entre les nuages. L'excellente route descend tranquillement à travers la forêt jusqu'à longer le Medicine Lake sans que l'on y aperçoive les chèvres de montagne ou mouflons contre lesquels des panneaux mettent en garde (rester à distance et surtout ne pas les nourrir !). Je suis frappé à nouveau par le bas niveau de l'eau qui laisse à découvert une haute bande de caillasse sous le niveau «normal » de la rive.

En suivant le cours de la Maligne vers Jasper
En longeant le cours de la Maligne vers Jasper

Route-de-la-Maligne-Descente-vers-le-canyon
Route de la Maligne : descente vers le canyon

Puis une autre longue descente qui suit souvent le cours torrentueux de la Maligne m'amène à la section où celle-ci a creusé un très profond canyon dont je ne me souviens plus. Arrêt sur le parking ad hoc de cet autre site très couru, et en route pour l'un des parcours fléchés et très encadrés par des barrières et grillages qui longent le bord vertigineux du canyon. Sa profondeur et les reliefs tourmentés que la rivière a creusé au fil des siècles sont extraordinaires. Des sentiers suivant la pente relient les 6 ponts qui franchissent le gouffre en des points marquants, offrant une vue ahurissante sur l'abîme et les marmites de géant créées par la rivière qui coule en bouillonnant tout au fond. J'en traverserai 4, prenant photos et vidéos qui tenteront d'en conserver le souvenir ou de suggérer l'étrangeté de la chose.
Début du canyon de la Maligne
Début du canyon de la Maligne
Canyon
Canyon de la Maligne : bloc enchâssé
Canyon de la Maligne : bloc enchâssé
Canyon de la Maligne : cascade
Canyon de la Maligne : cascade


Canyon de la Maligne
Canyon de la Maligne : vestiges de marmites de géants
Canyon de la Maligne
Le canyon profondément creusé

Salon de thé du Canyon de la Maligne
Salon de thé du Canyon de la Maligne

Il est maintenant 18:00, et temps d'aviser : ou je cherche une autre fois un point de chute à Jasper, ou je m'avance en direction du Mt Robson, le plus haut sommet des Rocheuses canadiennes, dont j'ai décidé de faire le prochain but de mon périple. Cela ne fait qu'un petit 100 km sur une excellente route (la suite de la Transcanadienne), le trafic devrait y être léger vu l'heure et la saison, et je trouverai un lieu propice au bivouac avant la tombée de la nuit. Décision prise, je quitte le Canyon, non sans admirer l'architecture harmonieuse du salon de thé dont les plans horizontaux successifs font penser aux maisons japonaises (mais aussi à bien des maison californiennes d'après-guerre ou autres maisons finlandaises). Je rallie Jasper puis enfile vers l'ouest la route de Tête Jaune Cache qui monte vers Prince George et ultimement jusqu'à Prince Rupert, sur la côte du Pacifique.

Sur la
              Yellow Head Highway (Hgw 16) en direction du Mt Robson
Sur la Yellowhead Highway (Hwy 16) en direction du Mt Robson

Le soir tombe doucement, les silhouettes des hautes montagnes qui encadrent la haute vallée où vagabonde la route se profilent, impressionnantes, puisque ce sont parmi les plus hautes du Canada. Je franchis le Yellow Head Pass à 1 146 m, quittant enfin le parc de Jasper pour entrer dans celui du Mt Robson, provincial celui-là (British Columbia) et non plus fédéral, mais tout aussi beau. En revanche on y trouve moins de petits stationnements de départ en randonnée sur le bord de la route, propices au bivouac. Mais en longeant le Lac Yellowhead, j'aperçois un chemin menant à une rampe de mise à l'eau, avec évidemment son vaste parking vide. Malgré la proximité de la route où le passage de gros camions continuera tard, je décide d'arrêter là : il est passé 19:00 et la nuit ne tardera pas à tomber. Souper, écriture et traitement des photos me mènent jusque vers 22:30 où je m'endors après lecture de quelques pages de S-F sur ma liseuse.

Bivouac
              au bord du Lac Yellow Head
Bivouac au bord du Lac Yellowhead sur un stationnement de mise-à-l'eau


44 398 Mercredi 16 septembre 2020 : du YELLOWHEAD LAKE à EDSON (315 km)

Ciel un peu brumeux après une nuit franchement froide: le thermomètre indique une température extérieure de 2°. Je suis d'ailleurs sorti de sous mon duvet vers 5:15 pour allumer le chauffage…  En revanche le couvert nuageux très présent hier s'est complètement évanoui, la vue sur le Mt Robson et consorts devrait être excellente.

Sur la route vers l'ouest, en longeant le Moose Lake
Sur la Yellowhead Hwy vers l'ouest, en longeant le Moose Lake où flotte encore un banc de nuages

Je démarre dès 7:45, remettant à plus tard douche et déjeuner que je prendrai 54 km plus loin, sur le grand stationnement du Visitor Centre au pied même du Mt Robson, avec une vue superlative qui s'est effectivement bien clarifiée. Sa masse presque pyramidale s'élève à 3 954 m d'une élan puissant. Les Amérindiens en avaient fait un lieu sacré, séjour des Esprits...

ProMaster devant le Mont Robson
ProMaster devant le Mont Robson en matinée

J'y passe une bonne partie de la matinée à admirer le paysage et les couleurs changeantes du mont au fil des heures, et à parcourir le Guide Vert pour orienter la suite de mon voyage  Je discute un peu avec un Québécois qui a possédé un Safari Condo, s'en est séparé et rêve lui aussi de se construire un camper-van sur ProMaster. Je lui enverrai ma page web sur la construction…

Le Mont Robson à 16:00
Le Mont Robson (3 954 m) à 14 heures

Je déjeune, puis range ma chaise dans la soute et, rassasié de haute montagne, reprends la route de Jasper, en observant et admirant en sens inverse le grandiose spectacle de la nature qui se déroule devant mon pare-brise : lacs vastes et tranquilles, rivières tumultueuses, pentes garnies du manteau vert sombre de la forêt et, par dessus tout, les hautes pentes et les cimes acérées de rocher nu. La route file, large et rapide, les grandes courbes se prennent sans jamais ralentir, et les côtes sont assez douces pour se monter presque toutes en 6ème. Je suis même étonné de me retrouver en haut du Yellow Head Pass sans même m'en apercevoir. À partir de là on quitte la Colombie Britannique, change de fuseau horaire - ce qui ne m'a guère dérangé ! - et redescend doucement vers Jasper en suivant le cours de la Miette qui, cette fois, paresse de méandres en marais.

Retour vers
            Jasper, le long de Moose Lake
Retour vers Jasper, le long de Moose Lake

Retour en Alberta et au Parc naional de Jasper
Retour en Alberta et au Parc national de Jasper

Je me rends directement au centre-ville à l'Office du Tourisme du Parc pour savoir si les sources chaudes de la Miette (Miette Hot Springs) sont ouvertes, si les bassins publics sont accessibles et jusqu'à quelle heure je peux m'y présenter. C'est le dernier grand site des environs de  Jasper que je ne connais pas, et j'aimerais bien aller faire trempette, et surtout relaxer dans son eau thermale à 40°. Hélas, l'aimable préposé francophone me confirme mes craintes : la route est close, cause covid… En revanche il me propose bien d'autres choses dans les alentours, mais j'en viens. Quand je lui demande quoi voir en route pour Edmonton, puisque ce sera là ma prochaine destination, ayant renoncé pour cette année à l'Alaska Highway, il fait une grimace et pousse un soupir significatif… En revanche il me recommande chaudement un petit parc fédéral (donc géré par Parcs Canada) passé Edmonton, le Elk Island National Park où les animaux sont variés, nombreux et facilement visibles, y compris le rare bison des bois.

Plus rien ne me retient à Jasper, je prends donc immédiatement la route - après avoir photographié sous tous les angles la grosse locomotive à vapeur de 1923 qui trône devant la gare, à l'intention de Denis bien sûr. Un monstre de 261 tonnes qui faisait franchir les Rocheuses à ces nombreux et très longs trains de marchandise que l'on voit encore, mais aussi aux luxueux wagons de tourisme que les grandes compagnies d'alors affrétaient à l'intention d'une clientèle huppée (qu'elle recevait en plus dans les fameux grands hôtels de prestige dont plusieurs demeurent, comme celui du Lake Louise).

Jasper-Locomotive-a-vapeur-6015
Jasper : locomotive à vapeur matricule 6015 (1923) - Canadian National Railway

Jasper : Locomotive à vapeur 6015 (1923)

Locomotive-a-vapeur-6015-type-Montagne-plaque Locomotive-a-vapeur-6015-type-Montagne-avant

Quant à moi je reprends mon poste de chauffeur au volant de mon petit ProMaster, et gagne la sortie de la ville sur la Hwy 16, suite vers l'Est de la Yellowhead Hwy qui m'a mené au Mt Robson.
Elle est très belle, à la fois par la qualité de son tracé et de son revêtement, mais aussi par les paysages grandioses qu'elle traverse et qui seront mon souvenir des Rocheuses. Hautes montagnes isolées ou en chaines, vastes errements caillouteux de l'Athabasca qui devient lac (Jasper Lake, et plus loin Brulé Lake).

Athabasca River en aval de Jasper
Athabasca River en aval de Jasper

Aire Palissades : prairie fleurie
Aire Palissades : prairie fleurie

Puis les hauteurs s'estompent derrière moi dans une brume dorée qui annonce le soir, on n'en voit bientôt plus que les silhouettes découpées qui finissent par disparaitre derrière une dernière côte, cachées par la forêt omniprésente.

Adieux, les
              Rocheuses !
Adieux, les Rocheuses !

La route descend doucement mais de façon continue, si bien que la consommation est très faible et l'autonomie affichée tend vers des valeurs jamais vue : plus de 450 km à mi-réservoir, soit moins de 10 l/100 km ! Je progresse lentement mais régulièrement vers l'est et vers Edmonton (360 km) que je n'atteindrai pas ce soir, me fixant plutôt comme étape la petite ville d'Edson; mais en traversant Hinton, une autre agglomération fort bien équipée en stations services et en centres commerciaux, je décide d'aller faire un tour au Safeway, espérant refaire le plein de ma cambuse… J'y trouve au moins salades et quelques légumes, mais les plats cuisinés et autres desserts préparés y sont rares et peu attirants. Pas de vin ni de bière, il faudra aller dans un Liquor Store spécialisé.

Je reprends la route passé 18:30, et poursuis mon petit bonhomme de chemin, après avoir refait aussi le plein de carburant sur un Cardlock, système que je ne connaissais pas : on s'abonne (façon de fidéliser la clientèle), on entre sa carte personnalisée dans la machine, puis on se sert; la facture peut être envoyée à la maison, débitée sur un compte ou payée immédiatement avec une carte de crédit ou de débit. À la clé, un tarif imbattable : le litre d'essence à 0,935 $ (soit 0,62 €) ! Un client aimable, me voyant sans carte d'accès, introduit la sienne pour moi, et je repars quelques minutes plus tard avec de quoi faire près de 800 km (selon l'ordinateur de bord se basant sur la conso précédente de 12, 29 l/100 km…).

La nuit tombe, la route se poursuit égale à elle-même, et je la suis à mon train peinard, continuellement doublé par de gros camions au moteur ronflant. Je finis par arriver 91 km plus loin à Edson. Long faubourg linéaire bordé de sites industriels jusqu'au centre lui aussi commerçant, mais entouré de quelques rues résidentielles en carré. Je me glisse entre elles, découvre en passant un Liquor Store où je trouve des produits (vins, bières et alcools) en abondance, mais à des prix presque doubles de ceux de Montréal… Pour finir j'aboutis sur une rue transversale où personne ne passe et m'y stationne discrètement pour la nuit. Vite les volets sont sur fenêtres et pare-brise, je prépare mon souper (il est passé 21:00). Puis je remplis cette page du carnet de bord, transfère les quelques photos de la journée et me couche à 23:00.


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