Enfin vers 10:00 un mécanicien sort du garage et s'approche du
ProMaster; je lui explique comme je peux ce qui m'amène à le
consulter. En faisant démarrer le moteur il me fait remarquer
que le signal rouge «Batterie» n'apparait plus, il
mesure alors la tension aux bornes de la batterie et la trouve
tout à fait adéquate (autour de 14 V). Donc pas de pb lié à
l'alternateur ou à une batterie défectueuse. Quant au voyant «Vérifier
le moteur» (Check Engine) jaune qui demeure allumé, il
peut vouloir dire à peu près n'importe quoi, et selon lui, à
l'oreille et à l'apparence, ce moteur tourne rondement. Donc
pas de raison de s'inquiéter, il est probable que cette alerte
disparaitra d'elle-même au fil des kilomètres. Au pire, si
elle était encore présente à mon retour à Montréal, je ferais
vérifier les codes avec l'ordinateur par mon mécanicien de
confiance Setho et lui demanderai de remettre le système à
zéro.
Rassuré, je prends aussitôt le parti de retourner voir ce que
l'urgence apparente et l'inquiétude m'avaient fait sauter hier
: le Mt Edith-Cavell et les chutes de l'Athabaska. Je passe
donc faire le plein d'essence sur l'avenue Connaught où les
trois stations se suivent, prix identique, puis rejoins la
93A sur laquelle s'embranche la toute petite route
Cavell, qui monte et descend en virant constamment sur 26 km,
étroite, mais excellente. Elle grimpe allègrement à travers
une forêt sauvage, longe des abimes, et approche petit à petit
des énormes massifs constituant le but de l'excursion.
Abîme le long de la Route Cavell |
Le Mont Edith-Cavell se dégage de sa
gangue de nuage |
À mi-pente et sur le dessus des montagnes, on aperçoit encore
des taches blanches témoignant de la présence de glaciers, là
encore bien diminués par rapport à mon souvenir… Stationnant
sur le grand parking maintenant aménagé au bout de la route, à
l'orée de la vallée glaciaire, je tergiverse un peu, mais la
brume ou plutôt les nuages bas qui noyaient un peu les reliefs
en matinée achèvent de se dissiper, laissant apparaître dans
toute sa hauteur et sa masse écrasante le Mont Edith-Cavell
au-dessus de ma tête.
Je déjeune puis décide de passer l'aspirateur sur le tapis qui
s'encrasse décidément très vite. Pas de problème pour le
branchement, l'onduleur - et la batterie en amont - réagissent
correctement. Mais j'ai oublié de remettre le filtre sorti au
dernier usage pour le laver. Je me trouve tout à coup
enveloppé dans un nuage grisâtre qui se dépose partout… Et
c'est le corps de l'aspirateur qui en sort complètement
encrassé, moteur compris. Démontage, nettoyage, remontage,
puis après réinstallation du filtre, nouveau passage sur le
tapis, sur les banquettes, le lit, etc. Du coup j'en profite
pour secouer et aérer à l'air pur de la montagne toute ma
literie et les vêtements posés à droite et à gauche. J'achève
par un essuyage soigné des meubles et autres surfaces, qui en
avaient de toute façon bien besoin après presque trois
semaines de vadrouille.
Au pied du Mt Edith-Cavell
|
Sentier du Glacier Angel |
Une fois tout remis en place je peux me lancer dans la balade.
Ce délai aura au moins permis aux nuées de s'effacer
tout-à-fait et au soleil de percer timidement. Il reste
toujours un fort voile atmosphérique, mais au moins on y voit
quelque chose ! Je choisis de suivre le sentier qui monte au
pied du Glacier Angel et s'arrête au bord du petit lac
encombré de glaçons qu'il alimente. Je reconnais immédiatement
le glacier suspendu à sa forme de deux ailes étendues sur un
corps central, mais l'Ange me semble avoir perdu beaucoup de
plumes depuis mon dernier passage...
Glacier Angel : le bas du «corps» entre
les deux «ailes»
Quel spectacle que ce haut mur rocheux presque à-pic couronné
par la glace loin au-dessus de nous, la haute cascade qui s'en
écoule à travers le rocher nu à-pic et qui rejoint l'autre
reste de glacier fondant dans le petit lac en bas, en laissant
des mini-icebergs partir à la dérive…
Lac du Glacier Edith-Cavell |
Cascade du Glacier Angel alimentant le lac
|
Les mini-icebergs du Lac de Glacier
Edith-Cavell
Tout autour, s'étalent d'énormes restes de moraine
caillouteuse sur laquelle une maigre végétation tente de
s'accrocher et de se développer avec un apparence de toundra.
Il faut dire que l'on est sur la face nord du massif, l'été
est ici très court et l'altitude élevée. En redescendant vers
le parking je me laisse tenter par le début du sentier
montant aux Cavell Meadows, mais ils devient vite si raide et
caillouteux que je laisse tomber et rentre plutôt par celui
qui serpente près du torrent et offre de jolis points de vue.
Sentier du Mt Edith-Cavell
L'après-midi est encore jeune, et je me sens assez en forme
pour pousser jusqu'au bout de la route 93A et aller contempler
les chutes Athabasca. Longue descente en souplesse de la
petite route Cavell qui rejoint la 93A; puis parcours presque
plat au fond de la vallée en longeant un fort affluent de
l'Athabasca (la rivière Whirlpool, je les ai confondues un
temps) qui roule des eaux semblablement gris-vert sur près de
50 m de galets blanchâtres. Une petite demi-heure de trajet et
j'atteins le site des chutes, très aménagées et fréquentées.
Chute de l'Athabasca
Il faut dire que la rivière est importante tant par sa largeur
que par son débit. La vaste vallée environnée de montagnes
imposantes forme un cadre superlatif, et la chute elle-même
qui s'enfonce dans un profond canyon est des plus frappantes.
Je fais le tour des sentiers et belvédères qui permettent de
contempler sous différents angles et en sécurité cette
merveille de la nature, tourne quelques plans vidéos pour en
capter l'extraordinaire énergie, descends enfin au pied du
canyon en empruntant un ancien déversoir délaissé par les eaux
et aboutis au large cours à nouveau relativement paisible de
l'Athabasca qui poursuivra son long chemin vers le nord,
jusqu'à l'Océan Arctique.
Déversoir de la chute |
Déversoir de la chute |
Chute de l'Athabasca : déversoir
abandonné converti en escalier
|
Sortie de la gorge des chutes de
l'Athabasca
|
Fort satisfait d'être revenu sur mes pas au prix de quelques
kilomètres supplémentaires, je reprends la 93A vers Jasper où
je compte trouver un coin plus tranquille - i.e. plus éloigné
du chemin de fer… - pour dormir. Il est passé 18:00, le soir
descend maintenant tôt, et je préfère ne pas chercher dans
l'obscurité. Et par hasard, au moment d'entrer en ville,
j'avise une station de vidange-remplissage destinée aux
camping-cars et caravanes, séparée de la route par un petit
boisé. Voilà qui fera l'affaire ! Après avoir remis à niveau
mon réservoir encore bien pourvu, rempli mes bouteilles d'eau
potable puis utilisé l'eau sous pression pour rincer les
circuits d'eau grise (douche, urinoir et évier) je m'avance un
peu sur la voie d'accès et m'y installe pour la nuit sous les
arbres. Il passera bien deux autres utilisateurs dans l'heure
qui suit, puis plus rien ensuite et l'on entend à peine le
léger et rare trafic sur la route.
Bivouac sur l'aire de service de Jasper
au crépuscule
Souper, consultation du Guide (demain ce sera le lac Maligne),
écriture du carnet et transfert des photos; je me sens plus
reposé mais apprécierai mon lit je crois. Extinction des feux
à 22:00.
44 259 Mardi 15 septembre 2020 : de JASPER à MOOSE LAKE
(139 km)
Lever à 7:30 après une bonne nuit, mais sous une petite pluie
et dans une brume qui estompent les montagnes autour de moi.
Il fait 6°, je n'ai pas eu froid cette nuit, probablement
parce que j'avais pris la précaution de placer les rideaux
isolants sur toutes les ouvertures.
Je prends immédiatement le chemin du centre de Jasper où je
déjeunerai, me doucherai et tenterai de trouver quelque chose
d'appétissant dans la plus grosse épicerie locale (pas de
chaine comme IGA, Metro, Safeway ou Sobeye ici). J'espère que
le ciel s'éclaircira pour l'excursion prévue du côté de la
Maligne. En fin de compte le détour à l'épicerie est décevant
: trop peu de variété (fromages presque exclusivement locaux,
donc industriels et fadasses, fruits de mer congelés sans
goût, choix de conserves limité, charcuterie et «plats
préparés» inexistants, etc.) et des prix 30% plus élevés qu'à
Montréal. J'y prends quand même salade toute prête et bananes,
et renouvelle mon stock de riz brun déjà épuisé.
Sur la route du Lac Maligne
Légèrement indisposé (migraine et rhinite) je me repose un
moment avant de prendre la route de la vallée de la Maligne,
fort jolie, qui suit le cours de la rivière jusqu'au Medicine
Lake. Son niveau est bien bas, comme normal en fin d'été
puisqu'il laisse «fuir» une partie de son eau qui resurgit
plus bas dans la Maligne. Vue assez fantastique (ou
romantique…) de son étendue grise encadrée par les montagnes à
moitié cachées derrière des écharpes de nuages.
Lac Medicine, depuis sa pointe nord-est
Lac Medicine, niveau bas
Puis la route suit la rive du lac pour aboutir un peu plus
loin au Lac Maligne, amplement aménagé avec bateaux
d'excursion (non fonctionnels, le covid…) et vastes parkings
pour accueillir les randonneurs. Étonnamment ils sont encore
nombreux malgré le temps maussade. Trouvant l'atmosphère trop
froide et humide pour mon état, je préfère rester au chaud
pendant un moment à écrire, à lire, ne sortant que de temps à
autres pour prendre quelques vues. Puis je tente une
autre fois de brancher la radio sur le courant permanent avec
un interrupteur. Et cette-fois-ci ça marche ! Probablement un
mauvais contact lors de mes essais préliminaires. Après avoir
rangé tout mon matériel de bricolage que j'avais étalé sur
table et comptoir, je me sens plus remonté et décide d'aller
prendre l'air, d'autant plus que le ciel parait plus clair et
que la température a fini par s'adoucir. Je déjeune légèrement
d'une salade et d'un morceau de Roquefort (qui tire trop
rapidement à sa fin…), couronne mon festin d'un expresso bien
tassé et gagne le bord du lac à deux pas.
Lac Maligne près de la rampe de mise à
l'eau devant laquelle je suis stationné
Ici le chemin qui longe la berge est très court, à peine
quelques centaines de mètres, et encore est-il envahi par des
moustiques voraces. Heureusement ils n'osent se poser sur moi,
vu la dose de Off (puissant insectifuge…) que j'ai
vaporisé sur mes vêtements, mon chapeau et mon cou. Mais leur
bourdonnement incessant et leur intérêt manifeste pour ma
personne me tapent sur les nerfs. Aussi je poursuis ma balade
vers l'ouverture sur le grand lac en marchant sur la grève de
caillasse découverte par les basses eaux d'été, juste à la
lisière de l'eau. Les mosquitos y sont nettement moins
nombreux et actifs, et la vue y est pleinement dégagée sur le
lac et son entourage de montagnes. Je passe ainsi plusieurs
petites pointes jusqu'à une dernière qui me donne enfin vue
sur toute la longueur du plan d'eau, encore qu'il soit très
long. On ne peut en découvrir les îles (dont la fameuse Ile
des Esprits) et autres éléments du décor que depuis le bateau
qui en parcourt le tour, ce que nous avions fait en 2001. Mais
les bateaux d'excursion sont amarrés pour de bon aujourd'hui
(le covid….) et la très longue navigation en kayak solo ne me
tente vraiment pas…
Ouverture sur la longueur du Lac
Maligne vers le Sud-Est
|
Arnica
|
Je prends quelques vues du vaste paysage, puis reviens sur mes
pas (2 km A/R) jusqu'à la rampe de mise à l'eau des canots sur
le parking de laquelle j'ai laissé le ProMaster. Je gagne
alors l'autre stationnement sur la rive droite de la Maligne,
déversoir du lac, et entreprend le même tour de lac sur
l'autre rive.
Le déversoir du Lac Maligne, source de la
Maligne
Lac Maligne: départ du sentier sur la
rive droite de la rivière
Autres vues superbes, jusqu'à un petit belvédère où
s'embranche le sentier Marie Shaffer Loop qui revient à mon
point de départ par une large boucle à travers la montagne.
Belvédère sur le lac depuis le départ de la Boucle
Mary Shaffer
|
Sculpture à la chinoise ? |
Agréable chemin qui me fait apprécier une autre fois ce très
ancien milieu naturel totalement préservé. La forêt y est
souvent plus clairsemée, une végétation basse d'arbrisseaux,
de mousses, de champignons et autres fleurs recouvre densément
le sol, mêlant formes et couleurs. Parfois une vaste clairière
où pousse drue une haute herbe jaune (celle dont se
nourrissait le bison des bois, aujourd'hui presque disparu ?).
Après 3 km de marche et près de ¾ d'heure je retrouve mon
ProMaster, bois un bon coup et me délasse un peu avant de
prendre le chemin du retour vers Jasper.
Début du Mary Shaffer Loop sur le
lac Maligne |
Clairière sur la Boucle Mary Shaffe |
Lac Maligne, Mary-Shaffer-Loop :
prairie vers la Boucle des Collines-Opal
|
Touffe
de lichen Usnée vert-de-gris dont se nourrissent
les caribous des bois |
Il est passé 17:00, le ciel s'est partiellement dégagé et
quelques rayons de soleil percent entre les nuages.
L'excellente route descend tranquillement à travers la forêt
jusqu'à longer le Medicine Lake sans que l'on y aperçoive les
chèvres de montagne ou mouflons contre lesquels des panneaux
mettent en garde (rester à distance et surtout ne pas les
nourrir !). Je suis frappé à nouveau par le bas niveau de
l'eau qui laisse à découvert une haute bande de caillasse sous
le niveau «normal » de la rive.
En longeant le cours de la Maligne vers
Jasper
Route de la Maligne : descente vers le
canyon
Puis une autre longue descente qui suit souvent le cours
torrentueux de la Maligne m'amène à la section où celle-ci a
creusé un très profond canyon dont je ne me souviens plus.
Arrêt sur le parking ad hoc de cet autre site très couru, et
en route pour l'un des parcours fléchés et très encadrés par
des barrières et grillages qui longent le bord vertigineux du canyon. Sa
profondeur et les reliefs tourmentés que la rivière a creusé
au fil des siècles sont extraordinaires. Des sentiers suivant
la pente relient les 6 ponts qui franchissent le gouffre en
des points marquants, offrant une vue ahurissante sur l'abîme
et les marmites de géant créées par la rivière qui coule en
bouillonnant tout au fond. J'en traverserai 4, prenant photos
et vidéos qui tenteront d'en conserver le souvenir ou de
suggérer l'étrangeté de la chose.
Début du canyon de la Maligne
|
|
Canyon de la Maligne : bloc
enchâssé |
Canyon de la Maligne : cascade
|
Canyon de la Maligne : vestiges
de marmites de géants
|
Le canyon profondément creusé
|
Salon de thé du Canyon de la Maligne
Il est maintenant 18:00, et temps d'aviser : ou je cherche une
autre fois un point de chute à Jasper, ou je m'avance en
direction du Mt Robson, le plus haut sommet des Rocheuses
canadiennes, dont j'ai décidé de faire le prochain but de mon
périple. Cela ne fait qu'un petit 100 km sur une excellente
route (la suite de la Transcanadienne), le trafic devrait y
être léger vu l'heure et la saison, et je trouverai un lieu
propice au bivouac avant la tombée de la nuit. Décision prise,
je quitte le Canyon, non sans admirer l'architecture
harmonieuse du salon de thé dont les plans horizontaux
successifs font penser aux maisons japonaises (mais aussi à
bien des maison californiennes d'après-guerre ou autres
maisons finlandaises). Je rallie Jasper puis enfile vers
l'ouest la route de Tête Jaune Cache qui monte vers Prince
George et ultimement jusqu'à Prince Rupert, sur la côte du
Pacifique.
Sur la Yellowhead Highway (Hwy 16) en
direction du Mt Robson
Le soir tombe doucement, les silhouettes des hautes montagnes
qui encadrent la haute vallée où vagabonde la route se
profilent, impressionnantes, puisque ce sont parmi les plus
hautes du Canada. Je franchis le Yellow Head Pass à 1 146 m,
quittant enfin le parc de Jasper pour entrer dans celui du Mt
Robson, provincial celui-là (British Columbia) et non plus
fédéral, mais tout aussi beau. En revanche on y trouve moins
de petits stationnements de départ en randonnée sur le bord de
la route, propices au bivouac. Mais en longeant le Lac
Yellowhead, j'aperçois un chemin menant à une rampe de mise à
l'eau, avec évidemment son vaste parking vide. Malgré la
proximité de la route où le passage de gros camions continuera
tard, je décide d'arrêter là : il est passé 19:00 et la nuit
ne tardera pas à tomber. Souper, écriture et traitement des
photos me mènent jusque vers 22:30 où je m'endors après
lecture de quelques pages de S-F sur ma liseuse.
Bivouac au bord du Lac Yellowhead sur un
stationnement de mise-à-l'eau
44 398 Mercredi 16 septembre 2020 : du YELLOWHEAD LAKE à
EDSON (315 km)
Ciel un peu brumeux après une nuit franchement froide: le
thermomètre indique une température extérieure de 2°. Je suis
d'ailleurs sorti de sous mon duvet vers 5:15 pour allumer le
chauffage… En revanche le couvert nuageux très présent
hier s'est complètement évanoui, la vue sur le Mt Robson et
consorts devrait être excellente.
Sur la Yellowhead Hwy vers l'ouest, en
longeant le Moose Lake où flotte encore un banc de
nuages
Je démarre dès 7:45, remettant à plus tard douche et déjeuner
que je prendrai 54 km plus loin, sur le grand stationnement du
Visitor Centre au pied même du Mt Robson, avec une vue
superlative qui s'est effectivement bien clarifiée. Sa masse
presque pyramidale s'élève à 3 954 m d'une élan puissant. Les
Amérindiens en avaient fait un lieu sacré, séjour des
Esprits...
ProMaster devant le Mont Robson en matinée
J'y passe une bonne partie de la matinée à admirer le paysage
et les couleurs changeantes du mont au fil des heures, et à
parcourir le Guide Vert pour orienter la suite de mon
voyage Je discute un peu avec un Québécois qui a possédé
un Safari Condo, s'en est séparé et rêve lui aussi de se
construire un camper-van sur ProMaster. Je lui enverrai ma
page web sur la construction…
Le Mont Robson (3 954 m) à 14 heures
Je déjeune, puis range ma chaise dans la soute et, rassasié de
haute montagne, reprends la route de Jasper, en observant et
admirant en sens inverse le grandiose spectacle de la nature
qui se déroule devant mon pare-brise : lacs vastes et
tranquilles, rivières tumultueuses, pentes garnies du manteau
vert sombre de la forêt et, par dessus tout, les hautes pentes
et les cimes acérées de rocher nu. La route file, large et
rapide, les grandes courbes se prennent sans jamais ralentir,
et les côtes sont assez douces pour se monter presque toutes
en 6ème. Je suis même étonné de me retrouver en haut du Yellow
Head Pass sans même m'en apercevoir. À partir de là on quitte
la Colombie Britannique, change de fuseau horaire - ce qui ne
m'a guère dérangé ! - et redescend doucement vers Jasper en
suivant le cours de la Miette qui, cette fois, paresse de
méandres en marais.
Retour vers Jasper, le long de Moose Lake
Retour en Alberta et au Parc national de
Jasper
Je me rends directement au centre-ville à l'Office du Tourisme
du Parc pour savoir si les sources chaudes de la Miette
(Miette Hot Springs) sont ouvertes, si les bassins publics
sont accessibles et jusqu'à quelle heure je peux m'y
présenter. C'est le dernier grand site des environs de
Jasper que je ne connais pas, et j'aimerais bien aller faire
trempette, et surtout relaxer dans son eau thermale à 40°.
Hélas, l'aimable préposé francophone me confirme mes craintes
: la route est close, cause covid… En revanche il me propose
bien d'autres choses dans les alentours, mais j'en viens.
Quand je lui demande quoi voir en route pour Edmonton, puisque
ce sera là ma prochaine destination, ayant renoncé pour cette
année à l'Alaska Highway, il fait une grimace et pousse un
soupir significatif… En revanche il me recommande chaudement
un petit parc fédéral (donc géré par Parcs Canada) passé
Edmonton, le Elk Island National Park où les animaux sont
variés, nombreux et facilement visibles, y compris le rare
bison des bois.
Plus rien ne me retient à Jasper, je prends donc immédiatement
la route - après avoir photographié sous tous les angles la
grosse locomotive à vapeur de 1923 qui trône devant la gare, à
l'intention de Denis bien sûr. Un monstre de 261 tonnes qui
faisait franchir les Rocheuses à ces nombreux et très longs
trains de marchandise que l'on voit encore, mais aussi aux
luxueux wagons de tourisme que les grandes compagnies d'alors
affrétaient à l'intention d'une clientèle huppée (qu'elle
recevait en plus dans les fameux grands hôtels de prestige
dont plusieurs demeurent, comme celui du Lake Louise).
Jasper : locomotive à vapeur matricule
6015 (1923) - Canadian National Railway
Quant à moi je reprends mon poste de chauffeur au volant de
mon petit ProMaster, et gagne la sortie de la ville sur la Hwy
16, suite vers l'Est de la Yellowhead Hwy qui m'a mené au Mt
Robson.
Elle est très belle, à la fois par la qualité de son tracé et
de son revêtement, mais aussi par les paysages grandioses
qu'elle traverse et qui seront mon souvenir des Rocheuses.
Hautes montagnes isolées ou en chaines, vastes errements
caillouteux de l'Athabasca qui devient lac (Jasper Lake, et
plus loin Brulé Lake).
Athabasca River en aval de Jasper
Aire Palissades : prairie fleurie
Puis les hauteurs s'estompent derrière moi dans une brume
dorée qui annonce le soir, on n'en voit bientôt plus que les
silhouettes découpées qui finissent par disparaitre derrière
une dernière côte, cachées par la forêt omniprésente.
Adieux, les Rocheuses !
La route descend doucement mais de façon continue, si bien que
la consommation est très faible et l'autonomie affichée tend
vers des valeurs jamais vue : plus de 450 km à mi-réservoir,
soit moins de 10 l/100 km ! Je progresse lentement mais
régulièrement vers l'est et vers Edmonton (360 km) que je
n'atteindrai pas ce soir, me fixant plutôt comme étape la
petite ville d'Edson; mais en traversant Hinton, une autre
agglomération fort bien équipée en stations services et en
centres commerciaux, je décide d'aller faire un tour au
Safeway, espérant refaire le plein de ma cambuse… J'y trouve
au moins salades et quelques légumes, mais les plats cuisinés
et autres desserts préparés y sont rares et peu attirants. Pas
de vin ni de bière, il faudra aller dans un Liquor Store
spécialisé.
Je reprends la route passé 18:30, et poursuis mon petit
bonhomme de chemin, après avoir refait aussi le plein de
carburant sur un Cardlock, système que je ne connaissais pas :
on s'abonne (façon de fidéliser la clientèle), on entre sa
carte personnalisée dans la machine, puis on se sert; la
facture peut être envoyée à la maison, débitée sur un compte
ou payée immédiatement avec une carte de crédit ou de débit. À
la clé, un tarif imbattable : le litre d'essence à 0,935 $
(soit 0,62 €) ! Un client aimable, me voyant sans carte
d'accès, introduit la sienne pour moi, et je repars quelques
minutes plus tard avec de quoi faire près de 800 km (selon
l'ordinateur de bord se basant sur la conso précédente de 12,
29 l/100 km…).
La nuit tombe, la route se poursuit égale
à elle-même, et je la suis à mon train peinard,
continuellement doublé par de gros camions au moteur
ronflant. Je finis par arriver 91 km plus loin à Edson. Long
faubourg linéaire bordé de sites industriels jusqu'au centre
lui aussi commerçant, mais entouré de quelques rues
résidentielles en carré. Je me glisse entre elles, découvre
en passant un Liquor Store où je trouve des produits
(vins, bières et alcools) en abondance, mais à des prix
presque doubles de ceux de Montréal… Pour finir j'aboutis
sur une rue transversale où personne ne passe et m'y
stationne discrètement pour la nuit. Vite les volets sont
sur fenêtres et pare-brise, je prépare mon souper (il est
passé 21:00). Puis je remplis cette page du carnet de bord,
transfère les quelques photos de la journée et me couche à
23:00.