CANADA OUEST
Août-sept. 2020

(10 138 km)

Jean-Paul en solo à bord de son ProMaster


Photos visibles en pleine grandeur et en diaporama sur Google Photo :
https://photos.app.goo.gl/WLKo5MkZShPB8exP8


Deuxième partie : les Rocheuses


Itinéraire dans
            les Rocheuses
Mon itinéraire dans les Rocheuses


42 642  Jeudi 3 septembre 2020 : de AIRDRIE (près CALGARY) à LONGVIEW (132 km)

Réveil et lever à 8:00, sans plus de sensation de fatigue, de rhinite ni de mal de dos… Est-ce le sentiment d'être arrivé au but, ou bien le grand air des montagnes, ou que sais-je encore ? Comme le magasin Visions ouvre à 11:00, j'ai tout le temps d'écrire un bout du carnet de bord laissé en plan hier soir, puis de répondre à mon courrier (en particulier Mathieu qui avance bien dans l'aménagement de sa Grand Caravan et demande des conseils pour l'assemblage de ses meubles), et enfin de travailler sur les dernières photos en mal d'identification et de finition. Je teste aussi le chauffage via le Webasto, craignant des nuit beaucoup plus fraîches en altitude. Le résultat ne m'emballe pas ! (je m'apercevrai plus tard que je n'ai pas ouvert la bonne vanne…).

Bivouac à
            Airdrie devant le Wal-Mart
Bivouac à Airdrie devant le Walmart

Enfin, après déjeuner et douche (en plaçant la roue arrière juste au-dessus du regard d'écoulement des eaux pluviales, histoire d'éviter un déversement malséant sur ce beau grand parking asphalté presque vide…) je me présente masqué au magasin où l'on me vend sans délai la pièce recherchée - et cette fois bien en stock ! Je prends aussi un câble audio qui me permettra de brancher mon MacBook Pro sur l'ampli et les hauts-parleurs du ProMaster, comme je le fais en France dans l'Exsis, avec une amélioration notable du confort d'écoute.

Et maintenant, que faire à Calgary dont je suis tout proche ? Je consulte le Guide Vert où principalement le Glenbow Museum retient mon intérêt (en dehors d'une balade dans la «vieille ville» déjà faite à 2 reprises), mais une vérification rapide sur le site web m'apprend qu'il n'est ouvert que les samedi et dimanche, et encore, avec réservation… MAUDIT COVID ! Les autres attractions à proximité se résument à deux parcs historiques de Parcs Canada dont je connais et apprécie la qualité. Consultant alors la carte, je vois que le premier «Bar U Ranch Nat'l Historic Site» se situe au sud, sur la route donnant accès à la partie méridionales des parcs des Rocheuses, à une centaine de km. Je pourrais aller y camper ce soir (puisqu'il ferme à 17:00) et consacrerai la matinée de demain à la visite, avant d'emprunter la route 40 passant près du Mount Head (2 782 m), puis de grimper le Highwood Pass (2 206 m) et de continuer vers le nord dans le massif.

En route donc. Il est passé 14:00, je déjeune rapidement d'une salade de carottes agrémenté d'olives et de houmous, un yaourt et une banane, et voilà mes batteries rechargées jusqu'à ce soir. Au tour du ProMaster : je dégote une station-service à bon compte pour refaire le plein de carburant avant de me lancer dans les vastes espaces montagneux. Ensuite je pointe le GPS sur le site de Parcs Canada et emprunte l'autoroute qui me fait descendre plein sud jusqu'à Okotoks. C'est déjà  l'heure de pointe, le trafic dense est rapide, nettement au-dessus de la limite autorisée de 100 km/h, et je fais figure de trainard en tâchant de maintenir le 90 km/h… au milieu des nombreux pick-up de toutes marques qui forment ici plus de la moitié du parc automobile. Au loin commence bientôt à se profiler la ligne bleutée des montagnes à laquelle j'aspire depuis tant de milles. Quittant la voie rapide à Okotoks après une heure de route,  je songe à faire provision d'un bidon d'huile de réserve (la dernière vidange est loin derrière moi) et aussi de liquide de refroidissement, au cas où mon chauffage hydronique ferait une autre fois des siennes. Là encore mon IPhone me facilite grandement la tâche en repérant le Canadian Tire le plus proche où je puis bientôt m'approvisionner et partir enfin l'esprit tranquille.


En route vers le sud et les montagnes

Ensuite c'est un zigzag de routes secondaires, quoiqu'excellentes comme des nationales françaises, qui me rapproche du site du ranch, au milieu des moissons en cours ou de riches pâturages beaucoup plus fournis que ceux des jours derniers. On sent les premiers contreforts de la montagne, l'eau et l'humidité sont beaucoup plus présents, le vents déferlant sur la plaine bien adoucis. Panorama magnifique avec la chaine continue des montagnes fermant l'horizon enfin présent, les couleurs vives du ciel bleu profond piqueté de touffes de nuages très blancs, la verdeur des pentes et l'or des blés...

Les montagnes se rapprochent
Les montagnes se rapprochent

Piemont
Me voici au Piémont

On approche
Près de Longview, bien nommé; à gauche le balancier
d'une pompe à pétrole émerge au-dessus des arbres


À 17:30 je finis par aboutir au ranch avec tous ses petits bâtiments de services dispersés dans un vallon, évidemment maintenant fermés. Je me mets en quête d'un petit espace pour passer la nuit; pas évident, les clôtures le long de la route ne s'interrompent que pour des chemins accédant aux fermes, et la berme pentue est uniformément envahie par une herbe touffue où je ne hasarderai certes pas mes roues ! Enfin, après quelques kilomètres sur la route gravelée qui se poursuit au delà du Ranch, je tombe sur une petite église anglicane ouverte seulement le dimanche. Chic, je vais pourvoir m'installer sur son stationnement désert ! Mais non, il est rendu inaccessible par une barrière... Après un courte hésitation et vu l'absence totale de circulation sur la route, je décide de me poser dans l'entrée même dont je déguerpirai tôt demain. J'ouvre en grand toutes les ouvertures après les avoir dûment protégées par des moustiquaires et m'apprête à jouir tranquillement de ma cabane à roulette, mettant à profit successivement ses différentes fonctions : voiture, bureau, cuisine et chambre à coucher.

Bivouac devant l'église
Bivouac devant l'église St Aidan Pekisko

Silence absolu, la lumière descend doucement sous un ciel en grande partie dégagé. La soleil se couche vers 19:00 en dorant les dessous des nuages ; je rédige le carnet de route en retard, prépare une casserole de riz et une délicieuse harrira Knorr qui seront mon ordinaire pour ce soir. Demain je verrai à brancher ma nouvelle radio, maintenant que je dois avoir tous les composants nécessaires. Coucher à la nuit, i.e tôt, pour continuer de récupérer la forme.


42 774 Vendredi 4 septembre 2020 : de LONGVIEW à KANANASKIS (122 km)

Calme étonnant et silence total comme j'en ai rarement expérimenté dans mes nombreux bivouacs sauvages. En revanche je suis réveillé vers 3:45 par la fraîcheur qui a peu à peu envahi l'habitacle. Je commence par lancer le moteur pour quelques minutes, histoire de vite réchauffer l'air avec la chaufferette à plein régime, mais aussi le liquide de refroidissement ; le Webasto que j'allume alors (en ouvrant bien les vannes ad hoc cette fois !) prendra le relais jusqu'au matin, en silence et pour une consommation minime de carburant. Si les turbines avant sont très silencieuses, en revanche le jeu de turbines arrière, lorsque lancées à fond, est un peu trop présent et fatigant, cela méritera d'être revu.

Réveil normal ensuite, passé 8:00, et sous le soleil. Il fait un 19° confortable bien suffisant pour ma douche et mon déjeuner; je prends ensuite mon temps, réfléchissant à ce qui peut bien causer la panne de la jauge d'eau fraîche dont seule la dernière DEL s'allume (vide) alors que le réservoir est encore plein aux 3/4. Je révise aussi un autre bout de mon carnet de bord pour l'envoyer à Monique, et m'interromps vers 9:45 pour gagner le Bar U (Ū) Ranch dont les installations ouvrent à 10:00.

Le
            site du Ranch Bar U
Site du Bar U Ranch dans son vallon le long de la Pekisko

Dans la grande lumière matinale, vue superbe sur le vallon un peu en contrebas de la route où les différents bâtiments rouges et blancs sont dispersés sur l'herbe, tandis qu'au delà de quelques basses collines arrondies, la ligne dentelée et bleutée des hautes montagnes Rocheuses ferme l'horizon. Je songe aux héros de Jack London découvrant le site de leur futur ranch à la fin de La Vallée de la Lune.

George Lane attaqué par des loups, aquarelle de
                  Ch. M. Russell
«George Lane attaqué par des loups», aquarelle et gouache
de Ch. Marion Russell, 1914.
George Lane attaqué par des loups
George Lane attaqué par des loups», sculpture de Rich Roenish, 1997.

En m'approchant de l'accueil, je suis attiré par une sculpture en bronze représentant un cavalier; m'approchant, je reconnais le cow-boys attaqué par des loups dans un paysage d'hiver dont l'image m'avait frappé lors de ma visite du Glenbow Museum en 2004. Il s'agissait alors d'une aquarelle bien tournée reproduite sur une affiche; ici comme l'avait fait le peintre G.M. Russell en 1914, le sculpteur Rich Roenish a voulu célébrer la personne de George Lane, ancien propriétaire du Bar U Ranch, qui fut le héros de cette mésaventure. L'idée est séduisante, et fort bien rendue par cette œuvre plus grande que nature qui évoque puissamment les conditions difficiles auxquelles devaient faire face les énergiques pionniers de l'époque (1886).

Plan du PArc Historique Bar U Ranch
Plan du Parc national historique

Passage au guichet installé dans ce qui aurait pu être la grande maison du propriétaire, placée au dessus du vallon qu'elle semble surveiller. Étonnamment l'hôtesse, aimable au demeurant, ne parle pas un mot de français (inattendu dans une organisme d'obédience fédérale), mais je réussis à obtenir avec mon charabia habituel suffisamment d'informations pour profiter de ma visite. La pandémie a fait couper la présentation de la vidéo d'introduction, et l'on n'a pas non plus imprimé cette année le plan de visite du domaine… je me débrouillerai donc pour en découvrir le maximum, allant d'un côté ou de l'autre au gré de l'inspiration… et des portes ouvertes. En effet un minimum de personnel est rentré cet été, aussi plusieurs des maisonnettes ou ateliers normalement gardés et animés par des guides en costume d'époque sont-ils restés fermés.

Cantines, provenderie et écurie des percherons
Cantines mobiles, pick-up haute époque devant la provenderie et l'écurie des percherons

Je commence par la provenderie, une petite grange/silo en planches rouges où un système de courroies garnies d'écuelles permettait de descendre du grenier une portion de grain. On la pesait, la passait au vannage (sur d'antiques vans encore en place) pour ensuite la distribuer ou l'envoyer éventuellement au moulin. En avant, une antique batteuse, portant déjà la marque «Case, Illinois» et un pickup Mercury haute époque qui prenait le relais d'un chariot hippomobile nettement plus antique - et délabré…

Batteuse Case ca.1919
Batteuse Case, Illinois, de 1919

Plus loin c'est une petite écurie où quantité de panneaux fort bien écrits et illustrés présentent la vocation spécifique donnée par son propriétaire d'alors George Lane au Ranch Bar U : l'élevage et la sélection de percherons dont il allait lui-même acheter des individus exceptionnels au haras du Pin, dans le Perche en France, et dont il dirigeait ici la reproduction, l'élevage et le dressage. Durant une dizaine d'années il rafla tous les prix dans les nombreux concours régionaux et nationaux de ce côté-ci de l'Atlantique. Puis vint le chemin de fer (versus les convois de rouliers), les tracteurs (versus les chevaux de trait) et la cavalerie devint blindée… Fin de la demande très importante en percheron durant tout le XIXe et le début du XXe siècle.

L'étalon percheron Halifax
L'étalon Halifax, le patriarche des percherons canadiens

Je gagne ensuite un autre petit groupe de bâtiments : garage de tracteurs (antiques : encore des Case qui avaient pris le virage technologique !), puis quelques entrepôts, un atelier de mécanique, et surtout la cuisine, une maison indépendante autour de laquelle se déroulait la vie de la vingtaine de cow-boys permanents. En saison et pour des tâches spécifiques, on engageait des saisonniers amérindiens Stoney ou des occasionnels pour s'occuper du troupeau de bovins qui compta jusqu'à 30 000 têtes ! Il fallait nourrir, et bien nourrir, tout ce monde là, un cuisiner (chinois) y travaillait dur et fut très populaire parait-il. Dans la salle à manger la nourriture était abondante sur le large plateau tournant placé au centre de la grande table ronde.

Salle à manger des cow-boys
La salle à manger des cow-boys
Poêle dans le salon
Le poêle du salon

On verra plus loin dans la visite la cantine mobile que le cook transportait sur le terrain lorsque le personnel s'éloignait de la base pour les opérations de marquage ou les rassemblements de bétail. Dans les pièces voisines, un salon très rustique où l'on a placé quelques objets rappelant les loisirs simples des ces grands travailleurs : jeux de carte, de dames, vieux gramophone avec disques d'époque, romans et illustrés aux thématique country, etc.

Salon des cow-boys dans la Cuisine
Salon des cow-boys dans le bâtiment « Cuisine »

Un dortoir à l'étage accueillait une partie de ces travailleurs susceptibles d'intervenir à n'importe quel moment et par n'importe quel temps. Quelques photos sur les murs illustrent les occupations quotidiennes et la camaraderie serrée qui régnait dans ce groupe masculin. Le métier de cow-boy s'apprenait sur le tas, et l'on ne restait pas toujours très longtemps au Ranch Bar U: beaucoup d'ancien cow-boys passés par ici sont devenus propriétaires et ont monté leur propre ranch, certains avec grand succès. La même chose s'applique aux hommes, moins nombreux mais plus spécialisés, qui s'occupaient des chevaux d'exception dont George Lane s'était fait la spécialité.

L'équipe des cow-boys employés réguliers en 1907
L'équipe des cow-boys employés réguliers en 1907

Je visiterai ensuite la petite poste/bureau en pièces sur pièces dont on est en train de restaurer et reblanchir les murs; on y voit le bureau d'administration du domaine, et la chambrette d'un «Mounty», officier de la Police Royale montée du Canada (RCMP), avec les pièces de son uniforme si caractéristique (hautes bottes noires, veste rouge, képis noir rond à galons dorés de gala… et large chapeau typique, le tout dans un dénuement presque monacal. Une vieille femme en robe ancienne garde la maison et sert de guide.  Bien qu'elle aussi unilingue, j'arrive à comprendre que son grand-père et quelques autres membres de sa famille ont travaillé dans ce ranch auquel elle semble très attachée.

Le bureau du ranch, faisant aussi office de poste
                  et de chambre occasionnelle pour le RCMP de passage
Le bureau du ranch, faisant aussi office de poste et de chambre occasionnelle
Le bureau du ranch, faisant office de poste et
                    de chambre occasionnelle pour le RCMP de passage
L'uniforme de Police Royale Montée du Canada dans la chambre

Le
                  bureau
Le bureau
LE BUREAU DU RANCH

Construit en 1902 par George Lane pour son nouveau comptable, Frank Pike.

Frank a vécu et travaillé ici pendant 15 ans, et ce bureau a également accueilli des employés du ranch pendant des décennies ensuite.

Frank Pike était un universitaire venu d'Angleterre pour devenir cow-boy, et il a été engagé au Bar Y au début seulement pour ça !

En tant que comptable, il était chargé de tenir un registre de toutes les activités du ranch, y compris les salaires, les achats et les dépenses, l'expédition et l'achat de bétail, les registres d'élevage des percherons, et les comptes et procès-verbaux mensuels du Pekisko Polo Club !

Le polo était très populaire dans cette région. Il y avait une équipe au High River, une autre à Millarville, ainsi que l'équipe ici composée d'hommes du Bar U et de ranchers des environs. Le Bar U avait même son propre terrain de polo, qui était utilisé la plupart des dimanches après-midi pour les entraînements. Les réunions régulières du Polo Club de Pékisto se tenaient dans ce bâtiment, et les copies des procès-verbaux et des relevés de compte étaient conservées sur le bureau pour que vous puissiez les consulter.


La forge
La forge, fonctionnelle mais hélas sans son forgeron et maréchal-ferrant

Les fers du maréchal pour les chevaux de monte et pour
            les percherons
Les fers du maréchal pour les percherons et pour les chevaux de monte (plus petits, à droite)

Au delà de la forge fort bien équipée et restaurée «dans son jus», mais à laquelle il manque l'entrain du forgeron… un dernier bâtiment retiendra mon attention : l'écurie des chevaux de monte. En plus de la vingtaine de stalles maintenant vides mais où l'on a exposé selles et harnais de belle facture, elle présente, sur tout une série de panneaux illustrés de photos d'époque, la trajectoire des maîtres et des travailleurs, les circonstances et les aléas de leur travail, bref tout ce qui constituait la vie particulière du lieu et de l'époque. Passionnant ! On est bien loin des cow-boys traditionnels de la presse et du cinéma, et encore plus des westerns, fussent-ils spaghetti !

L'écurie des chevaux de monte
L'écurie des chevaux de monte

J'aurais bien voulu visiter aussi l'écurie des chevaux de trait, elle aussi riche en informations spécifiques et étonnantes, mais elle est en complète rénovation/reconstruction (gros murs en pièces sur pièces sur lesquels s'affairent charpentiers et menuisiers), et l'on ne peut évidemment s'approcher du chantier bien clôturé.

Je franchis alors la petite rivière Pekisko sur un pont de bois traditionnel pour aller voir les 4 percherons blancs et noirs encore élevés sur place. On attelle deux de ces grosses bêtes puissantes au chariot faisant faire le tour de la propriété aux visiteurs qui le désirent. On les voit mal, à demi cachés derrière de hautes barrières qui empêchent de s'en approcher.

Percheron
L'un des quatre percherons résidant encore au Ranch

En retournant ensuite à l'accueil et en traversant à rebours l'établissement, je songe à toute cette vie dense, extrêmement importante pour le fonctionnement et le développement de l'époque, pleine de connaissances spécifiques, de savoir-faire maintenant presque totalement abandonnés et dépassés en si peu de temps…

Le site du
            Br U Ranch en quittant
Le site du Bar U Ranch en quittant

Il est passé 14:50 lorsque je retrouve mon Promaster dont c'est d'abord la fonction «cuisine» qui m'intéresse : après un repas léger je rejoins le village de Longview le bien nommé puisque c'est là que je trouve la route 541 qui devient bientôt la 40, pointant au nord vers le Mt Head à 2 782 m puis le Mt Invincible (2 700 m) et montant vers le Highwood Pass à 2 206 m. Je quitte alors bientôt le piémont très vallonné favorable à l'élevage et où se trouvaient les plus riches ranchs de l'Alberta, comme expliqué au Bar U Ranch, pour m'enfoncer dans la haute montagne aux pentes très accusées. Seule ressource : la forêt de conifères, touffue aux bas des pentes d'où émergent les cônes et pics rocheux séparés par de larges vallées.

Eden
            Valley sur la route 541
Route 541, Eden Valley

Je parcours ainsi près d'une centaine de kilomètres, avec un long arrêt sur un parking à l'écart de la route,  départ de balade dans le Peter Lougheed Provincial Park, pour réparer la sonde du réservoir d'eau fraîche : corrosion des contacts et coupure du câble de la sonde de référence. Je dois la démonter, décrasser les boulons en inox et procéder à une soudure provisoire; mon indicateur d'eau fonctionne désormais, mais il faudra penser à une construction plus  fiable… Je branche aussi la nouvelle radio qui finit par fonctionner de façon satisfaisante avec un son nettement meilleur que l'ancienne, mais elle ne s'allume que lorsque la clé de contact est tournée, si bien que je ne pourrai l'utiliser à l'arrêt. Donc alimentation à revoir !

Sur la
            Route 40, dans le Peter Lougheed Provincial Park
Sur la Route 40, dans le Peter Lougheed Provincial Park

Coucher
            de soleil sur la route 40
Coucher de soleil sur la route 40

Crépuscule
            sur la Route 40, Peter Lougheed Park
Crépuscule sur la Route 40, Peter Lougheed Park

Avec tout cela le soleil est largement descendu puisqu'il est passé 17:30, il est donc temps de songer à trouver un point de chute pour la nuit. J'hésite à rester à cet endroit pourtant bien tranquille, mais me laisse impressionner par le petit panneau «No camping, facility open from 7:00 AM to 11:00 PM », et reprends la route dans l'intention de me rendre jusqu'au village de Kananaskis à une trentaine de km. Après la longue et vive descente du col  (près de 800 m de dénivelé) j'aperçois des campers sur un autre petit parking départ de balade au dessus de la route. Pourquoi pas moi ? Je tente donc ma chance et y attendrai la tombée de la nuit en regardant rosir puis s'enténébrer les montagnes autour de moi. Un autre fourgon aménagé persiste dans la nuit, je l'imite, et après souper et écriture du carnet de route, ferai de cette halte mon bivouac.

Bivouac à Grizzly Creek sur la Route 40
Au matin, bivouac à Grizzly Creek sur la Route 40

Carte des
            Parcs nationaux canadiens des Rocheuses
Carte des 7 parcs nationaux canadiens des Rocheuses


42 896 Samedi 5 septembre 2020 : de KANANASKIS à RADIUM HOT SPRINGS (249 km)

Excellente nuit durant laquelle le froid ne m'a même pas dérangé… et silence à peu près absolu jusqu'à 7:00, à l'arrivée des premiers excursionnistes du samedi. Je me lève tranquillement, lis la documentation remise hier au Bar U (Ū) Ranch, achève la rédaction du carnet et examine les cartes et guide. Décollage vers 9:30.

Sur la Transcanadienne
Sur la Route 40 près de Kananaskis

Je fais un petit bout sur cette même route 40, excellente et spectaculaires car encadrée de hautes montagnes. Mais la circulation y est intense, aussi je gagne le «village» de Kananaskis, en fait une genre de station de ski avec grand hôtel spa, restaurants etc. où grouille la foule des citadins de Calgary venus faire une sortie du samedi «à la montagne».

Je reste prudemment dans les vastes parkings ombragés qui entourent le centre bâti et procède à la mise en place de ma radio Boss, sans résoudre la question de son branchement moteur arrêté. Il faudrait la connecter sur la batterie de l'habitacle en repasant un câble. Après de longs tâtonnements je suis pourtant satisfait du résultat, déjeune en laissant passer le plus gros de la chaleur (27°) et du trafic, puis reprends la route vers Banff à 15:45.

Sur la
            Transcanadienne vallée de la Bow
Sur la Transcanadienne, vallée de la Bow

Entre Banff et Castle Junction
Entre Banff et Castle Junction

Vallée de la Bow et Castle Mountain
Vallée de la Bow; au fond Castle Mountain

Je ne tarde pas à rattraper la Transcanadienne qui s'avance elle aussi dans la montagne en larges courbes magnifiquement encadrées en suivant la vallée de la Bow River. Je ne prendrai pas de laisser-passer pour la visite du Parc National de Banff, car resterai en transit, ayant résolu de parcourir d'abord vers le sud la route 93S qui traverse tout le Parc Kootenay. Je ne ferai donc qu'une autre trentaine de km sur la Transcanadienne, jusqu'à côtoyer le Mt Castle dont je reconnais la forme massive et prendre le bifurcation sur la 93, elle aussi excellente quoique qu'à deux voies.

Kooetenay
            Park
Kootenay Park

Les paysages grandioses continuent de se succéder, avec maintenant l'avantage que la circulation est beaucoup plus légère, ce qui me permet d'adopter sans aucun complexe mon train pépère (80-85 sur les plats, 70 dans les montées), allure à la fois économique, confortable et qui me laisse tout le loisir de regarder, voire de photographier le paysage. Il ne me faudra pas plus de 85 km pour me rendre à la sortie du Parc, dans le gros village de Radium Hot Spring, en longeant le large cours sinueux et rocailleux de la Kootenay River, qui doit couler à flots au moment de la fonte des neiges, mais qui pour l'instant ne laisse voir qu'un mince filet d'eau transparente perdu dans une mer de cailloux blanchâtres.

Stanley Glacier
Parc national Kootenay : Stanley Glacier

Tout au long de la route, de grands panneaux invitent à quitter l'asphalte pour laisser la voiture sur un parking à proximité et se lancer dans des randonnées vers tels lac, tel sommet ou simplement tel parcours pittoresque en forêt. De temps à autre, l'annonce d'un camping est sous-titrée d'un petit panneau FULL; je pense plutôt me caser sur une rue tranquille de Radium Hot Spring, mais finis par me laisser tenter par une ballade vers les Paint Pots, en fait une ancienne exploitation d'ocre artisanale et abandonnée dont les fosses d'exploitation se sont remplies d'une eau colorée tout-à-fait étonnante.

Kootenay Park : sur le sentier des Paint Pots
Sur le sentier des Paint Pots
Paint Pots : le ruisseau ocre
Le lit coloré du torrent et ses cascadelles

Le grand parking à l'écart de la route est encore très plein malgré l'heure tardive, mais je ne vois personne : tous doivent être sur les sentiers dont des petits poteaux indicateurs indiquent la variété (de 2,4 à 18 km) et la difficulté. Celui que je choisis ne compte qu'un petit 5 km A/R, et est marqué facile. Large et bien empierré, il descend à travers les arbres jusqu'à la rivière qu'il franchit sur une longue arche d'acier soudé assez élégante, puis divague dans un marais dont la terre ocre crée un contraste marqué avec la verdure environnante; des planches facilitent la traversée des fondrière qui beurrent mes semelles de jaune vif  : c'est le débouché du Ochre Creek que je remonte ensuite, observant le fond intensément jaune de ce torrent où les pigments se sont déposés ou accrochés aux branches et troncs tombés dans son cours. Une bonne montée dans le sous-bois clairsemé qui longe les cascadelles très colorées, et j'atteins une esplanade où plusieurs bassins, vestiges des trous de 20 à 30 m de diamètre où l'on extrayait les pigments, présentent effectivement des colories jaunes, ocre, vermillons, etc. assez surprenant, surtout dans le contexte très vert du boisé.

Kootenay
            Park : Paint Pot en soirée
Couleurs vives des Paint Post en soirée

Désirant rejoindre le creek annoncé dont j'ai emprunté le sentier, je poursuis longuement ma marche à travers bois, attentif à la vie animale certainement présente mais qui reste invisible. Enfin, ne voyant pas le but survenir après une demi-heure de marche rapide sur un sentier bien tracé et peu accidenté, je fais demi-tour pour retrouver mon véhicule, bien délassé par cette bonne marche en pleine nature. J'hésite un peu à demeurer passer la nuit ici (mais il n'y a aucune couverture téléphonique) et je finis par repartir vers Radium Hot Spring. La large  route de vallée longeant le cours sinueux de la Kootenay continue de cheminer entre les hautes montagnes un peu distantes, avec de temps à autre de fort belles perspectives, rendues plus remarquables par la couleur rosée qui envahit les cimes.

Crépuscule sur la Kootenay River
Crépuscule sur Kootenay River

Ensuite vive descente sur plusieurs kilomètres, passage d'un défilé très sombre en quittant le parc, et je suis à la nuit dans le village de Radium Hot Springs où je trouve rapidement une rue résidentielle propice au stationnement. Je m'y installe pour y bivouaquer, rejoins Monique à Montréal, soupe et me couche bientôt sans écrire longuement, le cerveau embrumé par le sommeil après cette autre journée bien remplie.


43 145 Dimanche 6 septembre 2020 : de RADIUM HOT SPRINGS à WAPTA FALLS (140 km)

Beau soleil et ciel dégagé au réveil vers 7:30, après une nuit pas trop fraîche, puisque j'ai bien dormi malgré les lanterneaux levés et la fenêtre restée descendue derrière la moustiquaire…  Paix du dimanche matin, aucune circulation. Je déjeune tranquillement lorsque j'ai la surprise de voir défiler près de moi sur la rue un petit groupe de 5 bouquetins venues faire leurs emplettes au village… Ils se dirigent vers l'une des maisons du Parc (administration) dont ils se mettent à brouter le gazon… trainent dans le coin une dizaine de minutes puis disparaissent brusquement.

Des mouflons sur mon bivouac à Radiuem Hot Springs

Des mouflons sur mon bivouac à Radium Hot Springs
 
Mouflons

Mouflons

Achevant de me préparer, je décide de suivre la grande route (Hgw 95) qui longe la vallée de la Columbia vers le nord jusqu'à Golden où je rattraperai la Transcanadienne (Hgw 1) pour entrer dans le Yoho Park et gagner Lake Louise.

Je commence par faire le plein d'essence (je ne sais quand je trouverai la prochaine pompe, mais en fait j'aurais dû attendre pour profiter d'un meilleur tarif). Puis j'enfile l'excellente grande route qui file vers le nord-ouest, dominant un peu le large fond de vallée parfois marécageux où la rivière s'étale et paresse en lacs, puis se resserre en accélérant son cours… De chaque côté, au delà de quelques km garnis de riches prairies, les pentes se relèvent, se couvrent de sapins puis culminent à haute altitude en grands pans de rochers nus, en pics découpés entre lesquels on aperçoit des plaques de neige ou de glace.

Columbia Valley vers Parson
Columbia Valley vers Parson

La température est douce, autour de 23°, quoique le ciel bien dégagé en matinée se couvre progressivement. Vu la circulation relativement lâche, je progresse facilement en appréciant cette ambiance de piémont très agricole mais aussi montagnarde qui fait penser à la Suisse ou à l'Autriche. Dans beaucoup de petits ranchs, on aperçoit des chevaux, mais aussi de petits troupeaux de vaches laitières.

Au bord de la Columbia River
Au bord de la Columbia River

Arrêt déjeuner sur un terre-plein en bord de route, au dessus de l'un des lacs sus-décrits et de la ligne de chemin de fer. J'y vois soudain défiler un très très long train de wagons aux bennes remplis de lignite noire bien tassée (plus de 200 wagons, 5 locomotives, j'en suis étonné). Je fais un semblant de sieste en profitant du charme du paysage, tout en  maudissant les grosses motos qui passent en pétaradant sur la route derrière moi…

Pause
Pause devant la Columbia

Train
Train de lignite au bord de la Columbia

Un dernier bout de route me mène à Golden, autre petite ville que je traverse sans m'arrêter pour gagner directement l'embranchent de la Transcanadienne vers le Nord-Est. Celle-ci ne tarde pas à grimper joliment en s'enfonçant dans le massif. Cette fois je veux prendre un laisser-passer pour les parcs, mais la guérite est fermée. Je continue sur une cinquantaine de km jusqu'à ce que, apercevant l'amorce d'un chemin indiqué Wapta Falls, je me laisse tenter par cette autre balade et me rends jusqu'au stationnement - bondé comme hier - y laisse le ProMaster et me lance sur le bon sentier pour les 3,4 km annoncés.

Sentier vers Wapta Falls
Sentier vers Wapta Falls

D'un pas régulier et sans effort je progresse sur le sol élastique bien compacté, relativement plat, franchissant quelques zones humides sur des passerelles en planches. Je croise quelques familles en sortie du dimanche qui reviennent, en rattrape d'autres, et finis par entendre à travers les arbres le fracas de la Kicking Horse River qui se précipite. La chute est haute d'une trentaine de mètres, mais surtout elle est très large (près d'une centaine) et son débit important, si bien que je me fait copieusement mouiller par les embruns lorsque je descends par un sentier beaucoup plus abrupt à son pied même sur le gravier.


Au-dessus
          de Wapta Falls
Au-dessus de Wapta Falls

Au-dessus de Wapta Falls
Au-dessus de Wapta Falls
Au pied de la chute de Wapta Falls Au pied de Wapta Falls

Wapta Falls
Wapta Falls

Bref une excellente impression, la balade valait la peine. Retour ensuite par le même chemin, sans que mes articulations sensibles me fassent trop traîner la patte...

Il est déjà près de 19:00, le soir tombe, je commence à préparer mon repas en voyant les voitures quitter petit-à-petit le stationnement autour de moi. Un gros camping-car reste jusqu'à 21:30 puis démarre à son tour, me laissant seul dans la paix et l'obscurité. Je barre les portes et me mets à l'écriture du carnet, achevée à 22:00. C'est alors le temps du repos, en  espérant ne pas me faire expulser durant la nuit...


43 285   Lundi 7 septembre 2020 : de WAPTA FALLS (Yoho Park) à REVELSTOKE (304 km)

Il a plu durant la nuit, les trous dans le stationnement se sont rempli d'eau… mais je n'ai pas été réveillé, seul dans le grand espace laissé vide par les visiteurs du dimanche. Pas d'animaux non plus. Le premier humain se manifeste vers 8:15, peu après mon lever et tandis que je prépare mon déjeuner. Le ciel est encore bien garni de nuages gris, avec de grands trous bleus qui vont en s'élargissant, et la température fraiche (6° à l'extérieur) : j'ai dû lancer le chauffage en sortant de sous mon duvet.

Démarrant lentement, je suis à 9:00 sur la route en direction de Field où, apparemment, je pourrai me procurer le laisser-passer indisponible hier soir.

En direction de Field
Sur la Transcanadienne en direction de Field

En direction de Field
Sur la Transcanadienne en direction de Field

C'est alors que j'aperçois sur la gauche un panneau indiquant «Natural Bridge» et «Emerald Lake». Je ne saurais parcourir les Rocheuses sans aller voir, au moins rapidement, ces deux sites renommés !


La Kicking Horse River en amont du Natural
                  Bridge
L'eau de la Kicking Horse River s'engouffrant sous Natural Bridge

Natural Bridge
Natural Bridge

Suite de la
            petite route vers le Lac Emerald
Suite de la petite route vers le Lac Emerald

Quelques kilomètres encore et j'arrive enfin devant les eaux bleues émeraude du lac Emerald qui l'ont rendu fameux. Le site en est fort beau, mais la lumière trop changeante et le ciel trop gris ne donnent pas aux eaux l'intensité que j'attendais... Je ne me lancerai donc pas dans le tour du lac que je m'apprêtais à faire, attends seulement qu'un rayon de soleil éclaire le paysage et reprends le chemin de Field.

Le Lac Emerald à
                  mon arrivée
Le Lac Emerald à mon arrivée
Le
                  la Emerald sousle soleil à mon départ
Le Lac Emerald sous un rayon de soleil à mon départ

Dix minutes plus tard je suis devant le Centre d'accueil du parc… fermé ! Peu après, en faisant le tour je découvre une petit guichet improvisé avec contreplaqué et panneau en plexi, dépassant devant les grandes portes de verre laissées ouvertes, où une hôtesse, au demeurant francophone (de Rimouski !)et fort aimable me conseille l'achat d'une carte annuelle, à peine plus coûteuse qu'un laisser passer de 5 jours, et qui, pour un senior comme moi, vaut 59,17 $. Avec cela, admission gratuite et illimitée dans tous les Parcs nationaux du Canada (y compris historiques et autres). Ensuite elle me remet les brochures de chacun des 5 parcs que j'entends visiter et me conseille précisément sur les attractions qui m'intéressent et sont à ma portée (pas d'excursion pédestres de plus de 5 km, par ex.).

Je constate alors que la seule route pour se rendre au Parc du Mt Revelstoke dont je garde un merveilleux souvenir des champs de fleurs sauvages au sommet du Mont, la seule route donc passe par Golden au Sud, que j'ai quitté hier soir, alors que je comptais bien me diriger maintenant vers le Nord… Qu'à cela ne tienne, cela ne fait guère que 58 km, et par l'autoroute qui plus est ! Rendu là, il me faudra encore parcourir 150 km pour rallier Revelstoke et en (re) découvrir le parc.

Je me mets aussitôt en route, reprenant en sens inverse la route parcourue ce matin et hier. Une petite faim me prend au moment de quitter le parc, je m'arrête sur l'aire de pique-nique opportunément placée devant moi sur le Finn Creek. L'eau claire du torrent en question se semblant sympathique et certainement non polluée puisque tombant directement de la montagne, je décide de refaire le plein de ma citerne plus qu'à moitié vide. Une aller/retour de cinq ou six bidons de 10 l. fera l'affaire, et en plus d'avoir avalé ma pitance dans un cadre agréable, j'aurai le plaisir d'utiliser dorénavant une eau sans l'odeur un peu chimique de mon dernier plein sur le boyau d'une station-service du Manitoba.

Plein d'eau et déjeuner à Finn Creek
Plein d'eau et déjeuner sur l'aire de piquenique de Finn Creek

Le GPS me fait contourner le centre de Golden et rattraper la Hgw 1 par une petite route rurale qui me met à nouveau en contact avec ces petites fermes agricoles ou d'élevage (y compris chevaux) qui semblent le lot de ces larges vallées encadrant de grosses rivières, ici les affluent de la Columbia, au pied des montagnes. Je poursuis bientôt sur la Transcanadienne qui me semble fort chargée pour un lundi, jusqu'à ce que je comprenne que c'est le week-end (prolongé) de la Fête du Travail… Conduite peinard néanmoins, où les gros et longs camions sont rares, et ont été remplacés par d'énormes motorisés ou des gros pick-up trainant longue caravane ou fifth-wheel. La chaussée, toujours excellente, virevolte entre les montagnes, monte et descend en longues rampes où je tâche de limiter la consommation de mon glouton, tout en admirant la grandeur des paysages qui se renouvellent sans cesse. Je passe le Parc de Glaciers que je visiterai éventuellement à mon retour puisque je devrai emprunter la même route pour gagner le Lac Louise.

En passant le Parc des Glaciers
En passant le Parc national des Glaciers

Enfin vers 15:00 j'approche de mon but. Un premier panneau annonce Le Sentier des Cèdres géants, un petit tour d'à-peine 500 m sur des passerelles circulant au pied de cèdres très âgés dont on nous dit qu'ils étaient encore plantules quand Christophe Colomb mit la voile vers le Nouveau Monde. Atmosphère dense, un peu mystérieuse à l'ombre profonde des grands fûts qui s'élèvent droit vers le ciel sans qu'on puisse voir leur sommet, tandis qu'à leur pied, des géants tombés se décomposent lentement en permettant la naissance d'une autre génération. De nombreux panneaux fort bien faits attirent l'attention sur les caractéristiques bien particulières de ce biotope assez rare pour qu'on l'ait inclus et protégé dans ce fort beau parc.

Sentier des Cédres géants notice Promenade des Cèdres géants
Parc national du Mt-Revelstoke : Sentier des Cèdres-géants

Mais, dans ce domaine, la vedette est volée par la route menant aux Prés-dans-le-Ciel (Meadows-in-the-Sky) : 26 km de lacets qui escaladent les 1 600 m du Mt Revelstoke à travers rocs et forêt.

Parc du Mt Revelstoke - montée aux Près-dans-le-Ciel,
            vue sur la Columbia et sur la ville
Parc national du Mt Revelstoke, route des Près-dans-le-Ciel (Meadows-in-the-Sky) :
vue sur la Columbia et sur la ville


Au sommet, elle donne accès à un plateau très vallonné avec petits lacs, rocailles naturelles et belvédères.

Près-dans-le-Ciel Meadows-in-the-Sky
Parc national du Mt-Revelstoke : Près-dans-le-Ciel (Meadows-in-the-Sky)

Parc du Mt Revelstoke-Prés-dans-le-Ciel
                  au-dessus de la Columbia
Parc national du Mt Revelstoke - Prés-dans-le-Ciel au-dessus de la Columbia
Parc du Mt Revelstoke : Près-dans-le-Ciel
Parc national du Mt-Revelstoke : dans les «Meadows-in-the-Sky», au-dessus de la Columbia

De multiples sentiers tournicotent au milieux de près verdoyants et touffus garnis d'un tapis de fleurs sauvages : j'en compte cinq ou six sortes au maximum, mais qui forment un tapis tout-à-fait charmant. Voir la page web du parc. Évidement la saison est déjà avancée, le summum de la floraison est, paraît-il, à la mi-août, et tant la densité que l'état des fleurs laisse à désirer. Il faudra revenir plus tôt en saison…

Parc du Mt-Revelstoke: Indian Paintbrush
Parc national du Mt Revelstoke - Prés-dans-le-Ciel : Indian Paintbrush (Castillegie rouge)

Parc-du-Mt-Revelstoke: vergerette voyageuse
Parc national du Mt Revelstoke - Prés-dans-le-Ciel : vergerette voyageuse

Arnica
Parc national du Mt Revelstoke - Prés-dans-le-Ciel : arnica

Parc du Mt-Revelstoke: valériane de Sitka
Parc national du Mt Revelstoke - Prés-dans-le-Ciel: valériane de Sitka

Parc du Mt Revelstoke : Prés-dans-le-Ciel : lupins,
              arnica, castillegie
Parc national du Mt Revelstoke - Prés-dans-le-Ciel : lupins nains, arnicas et castillegies


Je passe un bon moment à errer dans le lacis de petits sentiers qui parcourent le sommet, admirant et photographiant fleurs et points de vue sur les montagnes environnantes; je cueille un modeste échantillon de celles qui j'aimerais planter dans notre jardinet de Montréal, puis reprends le sentier me ramenant au stationnement 2 km plus bas (aux aguets, au cas où se pointerait l'ours errant annoncé sur les pancartes!). En fin de compte pas de quoi s'alerter, je ne rencontre que quelques rares promeneurs comme moi et des joggers qui me croisent rapidement…


Parc national du Mt Revelstoke - Prés-dans-le-Ciel : Sentier des Premiers Pas

Parc national du Mt Revelstoke - Prés-dans-le-Cie :
            Sentier des Premiers Pas
Parc national du Mt Revelstoke - Prés-dans-le-Ciel : Sentier des Premiers Pas

Dans le soir qui s'annonce, longue descente des 26 km de lacets, avec 2 arrêts-photos aux belvédères donnant sur la ville et sur la vallée de la Columbia, maintenant que la lumière est plus chaude et met mieux en valeur les cimes enneigées au loin.

Parc
            national du Mt Revelstoke : la ville depuis la route des
            Prés-dans-le-Ciel
Parc national du Mt Revelstoke : la ville depuis la route descendant des Prés-dans-le-Ciel

Puis je gagne le centre ville - si l'on peut dire - de Revelstoke, une grande avenue commerçante avec hôtels et stations-service, quelques rues résidentielles au carré, dont l'une longe le fleuve. J'y découvre bientôt un petit terrain quasi vague où je place le ProMaster face au large cours de la Columbia et aux montagnes, et m'y installe pour la nuit. Souper à base d'une boite de lentilles à laquelle je dois ajouter pas mal de choses pour les rendre ingérables, puis chargement et traitement des photos de la journée, j'en ai pour un moment ! Si bien que je remets le carnet de bord au lendemain. Cette autre grande journée de plein air m'aura brûlé, et je m'endors avant 22:00.


43 589 Mardi 8 septembre 2020 : de REVELSTOKE à GOLDEN (160 km)

Nuit paisible. Réveillé à 5:30 je dois mettre en fonction le Webasto pour réchauffer la cabine descendue à 10°C, si bien qu'à mon lever à 7:00 il fait bon pour le déjeuner et la douche. Je consacre les 2 heures suivantes à l'écriture du carnet de bord et à un long téléphone de Monique qui m'a repéré «au bord d'un lac »… le tout devant le superbe paysage. Sous le grand ciel bleu, le soleil prend le relai du chauffage pour tempérer l'atmosphère.

Revelstoke : montagne et fleuve depuis mon bivouac
Depuis mon bivouac à mon lever à Revelstoke...


Revelstoke : bivouac devant la Columbia River
Revelstoke : bivouac devant la Columbia River

A 10:15, décollage pour remonter vers le Parc des Glaciers. La route est grandiose, bien sûr, avec les hauts sommets des Mont Mackenzie, du Pic Albert  et autres qui font face ou encadrent la Transcanadienne. Avant de quitter le Parc national du Mt-Revelstoke, arrêt décevant à la Promenade du Chou-Puant : tout a l'air normal, aucun avertissement ni sur les panneaux indicateurs ni sur l'aire d'accueil, mais au moment de franchir la passerelle donnant accès au sentier, un panneau barre l'entrée et une lettre signée du Surintendant du Parc indique : accès interdit car «l'état du sentier n'est pas sécuritaire», comme si des précautions et l'entretien n'aurait pas dû être faits en début de saison…

Promenade-du-Chou-puant

Contrarié, je fais part de ma déception à deux agents de Parcs Canada en train de discuter sur le parking ; l'un, qui parle assez bien français, convient que l'information devait être davantage diffusée (et pas seulement sur le net!) puis s'enquiert de mon itinéraire. Il m'indique aimablement deux autres points d'intérêt majeurs dans le Parc des Glaciers : le Sentier de la Prucheraie et, plus loin, une balade plus considérable vers le Grand Glacier ou Glacier Illecillewaett, qui découvre des vues superbes sur l'environnement. Faute de carte à me remettre il me détaille longuement le chemin pour m'y rendre; pourvu que je n'oublie pas toutes ses indications…

La Transcanadienne en direction du Parc des Glaciers
La Transcanadienne en direction du Parc des Glaciers

La route assez accidentée entre les deux parcs est courte, si bien que 20 minute plus tard je pénètre sur le Sentier de la Prucheraie, en fait une autre longue passerelle suspendue qui fait une boucle sous les hauts fûts d'une prucheraie.

Parc national des Glaciers : le tronc massif mais
                  élancé d'un thuya
Parc national des Glaciers : le tronc massif mais élancé d'un thuya géant
Pruche
Sentier de la Prucheraie : l'emprise plus robuste d'une pruche

C'est en fait une forêt naturelle originelle où poussent sans intervention humaine depuis toujours des pruches, variété de cèdres bien connue pour la longévité et la durabilité de leur bois qui met des siècles à pourrir. Une aubaine pour la construction, mais une caractéristique qui amène des conditions particulières à leur reproduction : le sous-bois est envahi d'énormes troncs longilignes qui se décomposent très lentement et fournissent leur milieu de vie au développement des jeunes pruches, mais aussi de toute une flore et une faune qui y trouve abris. Plusieurs petits panneaux fort bien faits attirent l'attention sur tel ou tel aspect du spectacle. Ambiance sombre, hauts fûts parfaitement cylindriques qui s'élancent verticaux comme des piliers de cathédrale ou de mosquée, tapis dense de fougères au sol qui cachent la mousse sous laquelle se décompose les arbres morts, milieu nourricier pour les jeunes pousses… On sent s'exercer ici pleinement le cycle de la vie qui modèle lentement la Terre…

Parc des Glaciers - Sentier de la Prucheraie :
                  futaie
Parc national des Glaciers - Sentier de la Prucheraie : futaie
Parc des Glaciers - Sentier de la Prucheraie-
                  sous-bois d'oplopanax
Parc national des Glaciers - Sentier de la Prucheraie : sous-bois d'oplopanax

Sur la Transcanadienne, dans le Parc national des
            Glaciers
Sur la Transcanadienne, dans le Parc national des Glaciers : Mont Sir Donald

Quelques kilomètres ensuite entre les montagnes, et je trouve le camping Illecillewaett - fermé - que la ranger m'a indiqué comme point de départ de la randonnée à travers bois, le long du torrent et vers le glacier du même nom. Laissant le ProMaster devant l'entrée du camping, je commence par rejoindre le tracé de l'ancienne voie ferrée qui faisait une grande boucle sur elle-même pour gagner de l'altitude avant d'attaquer le col Rogers; au creux de la courbe je trouve un peu plus loin le site de Glacier House, l'ancien hôtel de luxe créé par le Canadian Pacific à l'intention des touristes aisés venus voir le Glacier, d'une ampleur exceptionnelle à l'époque, au point qu'on le désignait comme the Great Glacier.

Glacier-House et Great-Glacier en 1916
Glacier-House et Great Glacier en 1916
Sentiers du Glacier Illecillewaett - Vestiges de
                  Glacier House
Sentiers du Glacier Illecillewaett : vestiges de Glacier House

Les avalanches très nombreuses et coûteuses en aménagements multiples - il neige ici énormément en hiver - ont amené la compagnie ferroviaire à construire un long tunnel sous la montagne et à abandonner cette section de la ligne; l'hôtel n'étant plus desservi par le train - et la route n'existant pas à l'époque - il périclita et on le démolit en 1929. Je contourne les ruines qui demeurent dans la vaste clairière, abondamment illustrées de panneaux explicatifs et de photos de cette haute époque (1887 à 1925) qui vit les début de l'alpinisme canadien (on fit même venir des guides de haute montagne suisses pour accompagner les visiteurs !). À partir de là je commence par gagner le confluent des deux gros torrents (Illecillewaett et Asulkan Creeks) issus des glaciers qui me dominent et que j'aperçois plus ou moins à travers les arbres touffus.

Sentiers du Glacier Illecillewaett : La Rencontre des
            eaux
Sentiers du Grand Glacier : la «Rencontre-des-Eaux» de l'Illecillewaett et de l'Asulkan

Après quelques photos et vidéos des eaux blanches qui dégringolent en tourbillonnant à qui mieux-mieux entre les rochers, et suivant le conseil de mon guide, je m'engage sur le Sentier du Grand-Glacier, annoncé pour 4,7 km. Je ne compte pas le parcourir jusqu'au bout, mais il offre, paraît-il, de belles ouvertures sur le site après un certaine distance où je ferai demi-tour.

Sentier du Grand Glacier : Illecillewaett River
            descendant du glacier
Sentier du Grand Glacier : Illecillewaett River descendant du glacier

Ce qui reste du «Grand Glacier» Illecillewaett
Ce qui reste du «Grand Glacier» Illecillewaett loin au-dessus de moi

Parcours facile sous les arbres et le long du torrent ; cela se corse ensuite un peu lorsque je dois franchir et escalader assez rudement la barre d'énormes rochers que le glacier a poussé en bas de son cône d'étalement (moraine frontale); des marches grossières montent directement à leur flanc en zigonant.

Sentier du Great Glacier : sous les arbres le long du
          torent
Sentier du Great Glacier : sous les arbres le long du torrent

Sentier du Grand Glacier (Illecillewaett) : à
                  travers la moraine
Sentier du Grand Glacier (Illecillewaett) : à travers la moraine
Cascade source de l
Cascade source de l'Asulkan Creek

Sentier du Grand Glacier : premier dégagement
Sentier du Grand Glacier : premier dégagement

Ensuite une autre longue marche sous les arbres qui ont envahi les éboulis pentus, et enfin la vue s'élargit pour ouvrir sur les pentes rocheuses où culminent les glaciers, ou du moins ce qui en reste car ils ont énormément fondu depuis la Belle Époque…

Je souffle et je sue comme un bon, ralentis mon pas, fais des pauses de plus en plus longues pour reprendre souffle et jambes. Mais au bout d'une longue montée très raide où le sentier n'est qu'une suite de rochers empilés plus ou moins régulièrement comme un pierrier, je finis par aboutir à une coulée de rocher brun-rouge dénudé, décrit comme la roche mère constituant la base atteinte par le glacier dans son énorme travail de rabotage.

Le sentier rocailleux Le bout du chemin

Sentier du Grand Glacier : le sentier rocailleux et le bout du chemin

Là, plus de sentier, la pente est trop raide et glissante pour que je m'y hasarde sans équipement ni formation. De toute façon je suis à bout d'énergie… La vue est maintenant splendide et se développe largement sur la vallée boisée en dessous et les autres cimes au-delà, tandis que tout autour de moi ce sont les pentes rocheuses abruptes couronnées par des pics entre lesquels s'étalent des champs de glace.

Panorama général
Vue sur le Mont Sir Donald et les sources de l'Illecillewaet

D'après photos et dessins ils devaient être beaucoup plus étendus il y a un siècle, mais apparemment le réchauffement planétaire a fait son œuvre, et c'est à se demander si d'ici quelques années on verra encore de la glace ici ! Perché sur mon rocher rouge je reste quelques minutes à admirer le magnifique panorama et à récupérer, puis me lance posément dans la longue descente où ce n'est plus le souffle qui  manque ou le cœur qui s'emballe, mais mes vieilles articulations qui souffrent et mes muscles peu entraînés qui tirent...

Vue sur la vallée de l'Illecillewaett en dessous de
            moi
Vue sur la vallée de l'Illecillewaett en-dessous de moi

Je retrouve avec soulagement le terrain plus régulier de la zone boisée quelques centaines de mètres plus bas. Un peu titubant mais content d'être allé jusqu'au bout, je réintègre mon refuge à roulette après ces 3 heures de rude balade. Il est 17:00, j'en ai plein les jambes, mon IPhone a enregistré 12 865 pas, soit plus de 8,3 km, sans parler du dénivelé !

Écureuil

Je récupère un peu, affalé sur le lit accueillant du ProMaster, bois beaucoup et avale quelques dattes puis, jugeant avoir atteint mon quota de marche - pour aujourd'hui au moins - je reprends la route qui achève d'escalader le Rogers Pass, à 1 327 m. C'est un remarquable travail d'ingénierie que l'on continue d'améliorer par des chantiers gigantesques visant à la protéger davantage des avalanches, ici catastrophiques, et à doubler la chaussée unique en une autoroute plus rapide et sécuritaire.

Rogers Pass et Mt Tupper
Rogers Pass et Mt Tupper

Longue descente ensuite vers l'autre vallée de la Columbia (elle forme une épingle à cheveux) dans la lumière vespérale qui dore progressivement le paysage toujours montagneux, mais moins à-pic. De bons passages en roues libres permettent de récupérer la consommation élevée engouffrée dans les montées nombreuses et raides, aussi lorsque je fais le plein d'essence en arrivant à Golden après avoir magasiné les stations étalées le long de la grande route (1,059 $/l) j'arrive à une consommation de 12,38 l/100 km pour les 600 derniers kilomètres, ce qui me semble plutôt satisfaisant, vu la motorisation et le poids du ProMaster.

Gollden : bivouac le long d'un parc
Golden : bivouac en soirée le long d'un parc

Je tourne ensuite un peu dans les quelques rues au carré du village, et finis par établir mon bivouac sur une rue résidentielle et peu passante, en bordure d'un parc où se balancent quelques enfants. Un temps pour relaxer, téléphoner à Monique qui me localise de loin en loin, au fils des connexions pas toujours présentes dans le parc, puis souper des restes d'hier et transfert des photos de la journée; je prendrai bien le temps de les traiter (dénomination et corrections) mais n'aurai plus l'énergie ni l'esprit assez clair pour entreprendre la rédaction du carnet de bord, remis à demain matin. Coucher à 22:00.


Suite dans : 2020-09 : Canada Ouest 3. Les Rocheuses (suite)

Accueil de Mon-Aigle