36 328 Dimanche 19 janvier
2020 : de SANTA TERESA GALLURA à ISOLA ROSSA (61 km)
Le vent a fini par faiblir durant la nuit, mais un ciel gris et couvert avec quelques maigres parcelles de ciel bleu m’accueille à mon lever, tandis que le soleil ne glisse qu'un œil sous les nuages avant de disparaître durablement. Il fera donc relativement froid aujourd’hui et c’est chapka en tête que je fais le relevé photographique de mon bivouac. | ![]() Santa Teresa Gallura : bivouac sur la place devant les Bocche di Bonifacio |
![]() Santa-Teresa Gallura : soleil levant sur la Torre di Longosardo et les Bocche di Bonifacio, au loin la côte corse. |
Ensuite longue écriture du carnet de route au chaud, avec le magnifique panorama dans mes fenêtres, en faisant tourner un peu le moteur pour remonter les batteries. |
En quittant mon spot vers 10:00 je zigone un peu dans les rues de la petite ville, découvrant la grande place Victor Emanuele et l’église centrale où se dit la messe devant une assemblée assez dense (architecture des plus simples, mobilier quelconque). | ![]() Santa Teresa Gallura : Piazza Vittorio Emanuele |
![]() Capo Testa: la pointe et, au delà des Bocche di Bonifacio, l'extrême sud de la Corse |
Je ne veux pas quitter Santa Teresa sans aller faire un tour au Capo di Testa, un chaos de gros rochers en granit jaune orangés, arrondis et creusés en toutes sortes de formes. Celles-ci feraient penser aux œuvres d'Henry Moore, suggère le G.V. … avec beaucoup d’imagination ! |
Pause déjeuner à 13:00
devant la Baia Vignola, une autre petite «station»
totalement déserte et une belle plage derrière de nombreux
et vastes terrains de camping sous les pins. Malgré les
interdictions, je m’avance jusque sur la petite terrasse
ronde juste au-dessus de la plage, dans un splendide
isolement, et y déguste une boite de chili con carne vite
réchauffé et, pour une fois, assez réussi. Ma pause se
prolonge un peu en écoutant des musiques d’Art Tatum, avec
vue sur la plage, la vieille tour du XVIème dite
« La Turra » et le cap rocheux. |
![]() Baia Vignola : la plage et la Turra du XVIème |
J’écris un peu, traine, puis me décide à
poursuivre jusqu’à Isola Rossa où je ferai étape pour la nuit.
La plus grande partie du chemin sur la bonne SP90 se fait à l’intérieur des terres, au milieu du maquis très vert mais assombri par la lumière de plus en plus terne : ciel plombé… comme on en voit trop longtemps durant l'hiver nordique. La petite route qui tournicote en descendant vers le port prend à Paduledda où l’on découvre un vaste panorama sur la côte, les tuiles orangées du village et l'îlot de rocher rouge qui donne son nom à la localité.
![]() Isola Rossa : la tour espagnole du XVIème |
Je me rends jusqu’au bout
des petites rues neuves qui épousent la forme de la pointe
et vais planter mon bivouac, encore une fois des plus
solitaires, devant le port, là où Monique qui m’appelle
après souper me repérera grâce à Google Maps… Longue soirée après un petit et bref tour - le vent est trop froid - jusqu’à une autre tour aragonaise qui garde le rivage côté mer. |
J’achève mes transferts de notices captées dans les sites et musées, lis un peu et apure mes nombreuses photos (1730 jusqu’à maintenant !).
36 389 Lundi 20 janvier 2020 : ISOLA ROSSA
(0 km)
C’est la pluie
tambourinant sur le toit qui me réveille vers 6:00. Elle
s’adoucit, je sommeille encore jusque vers 8:00.
Heureusement le chauffage fonctionne bien, car la
température extérieure est nettement plus fraîche (11°)
qu'hier et je ne peux compter sur le soleil pour réchauffer
le camping-car. Le ciel est très bas, et il tombera des averses éparses presque toute la journée. Je dois donc faire tourner le moteur un moment pour remonter les batteries de l’habitacle et de l’ordi, très sollicitées puisque je profite de ce délai pour travailler un peu au chaud. |
![]() Isola Rossa : bivouac devant l'île |
Finalement ce temps pourri se poursuivant toute la journée sans guère d’amélioration, je ne quitterai pas mon bivouac, espérant que la météo me sera plus favorable demain…
36 389 Mardi 21 janvier 2020 : de ISOLA
ROSSA à LA CIACCIA (37 km)
|
Si la pluie a cessé à mon lever passé 8:00, le ciel est encore bien gris et les couleurs trop ternes autour de moi… Le soleil fait seulement une très timide apparition mais se cache aussi vite, juste ce qu’il faut pour me faire apprécier l’ocre rouge des rochers et des îlots entourant le petit port. |
Du coup la température demeure assez fraiche,
d’autant plus que le vent se remet de la partie… Heureusement on
est loin de la tempête dont Denis a gentiment voulu me prévenir,
et les secousses de l’habitacle restent à peine perceptibles. Mais
je n’ai guère le goût de me hasarder au froid et crains trop
d’attraper une de ces sinusites ou autre angine dont je suis
spécialiste. Je reste donc dans mon petit intérieur, fais le
maximum de ménage et rangements, et poursuis ma
transcription des informations captées avec ma caméra (je
terminerai cette tâche de moine dans la soirée) jusqu’en fin de
matinée.
À 11:30 je me décide à bouger un peu, et suis la petite rue qui fait le tour du village en longeant du rivage; autre occasion de photographie la grosse tour aragonaise entrevue en arrivant avant-hier soir. Puis je remonte jusqu’à la SP 90, prenant une petite heure pour déjeuner dans le village haut de Paduledda, devant l’immense panorama des anses et des caps de rochers rouges. | ![]() Depuis Paduledda, les rochers rouges de la Punta
li Cannedi
|
J’examine ensuite les destinations que la
douzaine de jours me restant à passer sur l’île me donnent le
loisir de découvrir. Le G.V propose plusieurs circuits dans la
région de Sassari, probablement la plus riche de la Sardaigne, que
j’avais gardé pour la fin. Je les parcourrai donc les uns après
les autres, en commençant par celui qui part de Castelsardo, le
point le plus proche au bord de la mer en poursuivant la SP90.
Suite de la route très sinueuse mais excellente à travers les pentes couvertes de maquis, avec de temps à autre de grandioses panoramas sur la côte et sur la mer. Je suis sur l’ampèremètre la recharge progressive de la batterie, recharge à laquelle les panneaux solaires participent trop peu… Finalement je me rends jusqu’à la petite station de La Ciaccia, où presque toutes les maisons - de vacances - sont fermées et la circulation nulle. Me guidant sur le GPS je trouve un grand parking en bord de plage où je m’installe pour la soirée et pour la nuit. Le soir tombe bientôt, je travaille un peu sur l’ordi, prépare mon souper, puis me couche tôt dans les rafales qui ont repris de plus belle…
36 426 Mercredi 22 janvier 2020 : LA CIACCIA
(0 km)
Journée off, à profiter du beau temps devant la plage, sans autre activité d’exploration géographique ou touristique. Je passe l’essentiel de la journée à lire et à transcrire en .epub deux excellents bouquins d’Asimov recueillis en .pdf et inutilisables sur ma liseuse : Fondation et Empire, et Le livre d’or de la S-F, Isaac Asimov. Le soleil suffira à recharger les batteries et à maintenir l’ordi sur lequel je travaille assidument. |
![]() La Ciaccia : bivouac au matin |
36 426 Jeudi 23 janvier 2020 : de LA CIACCIA
à BULZI (33 km)
Réveil passé 9:00, bien reposé après cette autre journée d’inactivité physique. Le ciel a complètement retrouvé son bleu uniforme, et la température suit, autour de 20° à midi. Je musarde un peu, lis une autre nouvelle du recueil d’Asimov (elle aussi remarquable et fameuse : Quand les ténèbres viendront), puis finis par m’ébranler en quittant les lieux toujours aussi calmes et déserts pour gagner Castelsardo.
![]() Castelsardo : la
Haute-ville au loin en arrivant depuis la SS134
|
Jolie route dans la campagne vallonnée, jusqu’à un superbe belvédère en arrivant sur la petite cité. Entourant son château médiéval, elle est perché sur une butte s'avançant dans la mer. Je m’approche autant que je peux du centre jusqu'à trouver à stationner dans une rue qui devait se trouver approximativement au niveau des anciens remparts, juste au pied de la pente. |
Laissant là l’Exsis, je gagne la Piazza
del Novocentenario maintenant centrale en belvédère
donnant sur la côte à l’Est. En plein milieu d’une aire de
rassemblement pavée, trône l'intrigante statue d’une homme
grimpant sur une corde tenue par une femme pour (lui
?) décrocher la Lune…
![]() Castelsardo : Piazza del Novecentenario au pied du château |
![]() "Décroche-moi
la lune !"
|
![]() Castelsardo : le port et la tour en montant au château |
À partir de là je tombe
sur la volée d’escalier qui attaque directement la montagne
couronnée par les hauts murs de pierre du château. En prenant de la hauteur, se découvrent de belles vues sur le port, l’ancien, protégé par une autre vieille tour ronde du XVème, et le nouveau qui abrite une foultitude de yachts derrière sa jetée en béton. |
Je m’arrêterai en chemin, essoufflé, pour bifurquer plutôt vers la gauche sur une rue circulaire qui vise le même but mais de façon pas mal moins brutale en passant sous les murailles du château. | ![]() |
![]() |
Je me retrouve ainsi sur le chemin de la cathédrale San Antonio Abate isolée sur une terrasse juste au-dessous de la haute ville. |
![]() Cathédrale San
Antonio Abate : fonts baptismaux
en marqueterie de marbre |
![]() Cathédrale San
Antonio Abate : chapelle de la Vierge
|
![]() Castelsardo cathédrale San Antonio
Abate :
chapelle de St Philippe de Neri, mystique et contemplatif |
![]() Castelsardo cathédrale San
Antonio Abate : chapelle de
St. François-Xavier (1506-1552) fondateur de l'ordre des Jésuites avec Ignace de Loyola qui diffusa le christianisme en Asie. Il est patron des missionnaires et des marins |
![]() Cathédrale San
Antonio Abate : Madonna in trono con Bambino
e angeli par maestro di Castelsardo (XVème) |
![]() Castelsardo:
maitre-autel de la cathédrale San Antonio Abate
|
![]() Castelsardo : Santa Maria delle Grazie |
Puis, passant sous une porte grossière dans le rempart de la haute ville, je gagne un petite place bordée par la très ancienne église de Santa Maria delle Grazie. Sa façade latérale donne discrètement sur la petite Piazza della Misericordia, mais à l’intérieur se découvrent quelque beaux autels très décorés, dont une impressionnante Crucifixion du XIVe mi-peinte mi-sculptée (le Christ Noir : Lu Crittu Nieddu) et un émouvant Ecce Homo du XVIIème au centre du maitre autel. |
![]() Santa Maria delle Grazie : autel de la Vierge |
![]() Santa-Maria-delle-Grazie : Lu Crittu Nieddu (le Christ Noir) XIVème |
![]() Maitre-autel de Santa
Maria delle Grazie
|
![]() Ecce Homo (XVIIème) au centre de l'autel |
Je poursuis mon exploration de la Haute Ville, assez exigüe, en montant vers le château qui couronne la butte. Un vannier au travail dans un local très sombre me salue et semble fier de me montrer les abats-jours en forme de nasse qu’il est en train d’assembler. Appel du pied pour une possible vente ? L’ouvrage semble bien fait, mais comment transporter et où placer le volumineux accessoire… dont nous n’avons pas besoin de surcroit ! | ![]() Castelsardo : artisan vannier |
![]() Ruelle dans la
Haute-Ville de Castelsardo
|
![]() Castelsardo : tisseuse de paniers |
Encore quelques ruelles pentues et étroites, assez pittoresques, et une dernière grimpette me mène à la porte percée dans la muraille de la forteresse. Une chicane comme il se doit, et je vais prendre mon billet qui me donnera accès à la petite cour où l’on a rassemblé quelques grosses maquettes de machine de siège à la romaine.Les terrasses attenantes offrent une très vaste et superbe vue panoramique sur le ville et surtout sur la côte. | ![]() Castelsardo : vue
vers l'est depuis la terrasse du château
|
Enfin ce billet m’ouvre les portes de la dizaine
de salles du logis seigneurial des Doria où l’on a installé un
Musée de la Vannerie méditerranéenne.
Je redescends ensuite tranquillement ruelles et escaliers en musardant, profitant de l’ambiance des petites rues longeant quelques fort belles propriétés, avec des vues magnifiques sur la côte ou l’arrière-pays, puis entre les nombreux petits magasins de la basse ville qui pérennisent le côté populaire sans doute présent depuis le Moyen-Âge… | ![]() Castelsardo : Cala La Vignaccia au pied de la ville |
De retour à l’Exsis, nouvelle planification : où me rendrai-je maintenent, durant la dizaine de jours qu’il me reste avant mon embarquement ? Quel circuit choisir parmi ceux que propose le G.V à l’intérieur du pays dont les paysages semblent variés et les curiosités anciennes très nombreuses et de bon niveau. Je commencerai par le plus proche, i. e. les collines de l’Anglona.
![]() Roccia dell'Elefante au bord de la SS134 |
Je reprends donc la SS 134
par où je suis arrivé à Castelsardo, puis bifurque vers
l’intérieur en m’arrêtant d’abord à la Roccia dell’Elefante.
C'est un gros bloc de trachyte rouge tout érodé ressemblant vaguement à un éléphant trompe en l’air qui semble assis au bord de la route. Cette roche creuse contient plusieurs domus de janas (sépultures néolithiques) qui y nichent de toutes parts. |
![]() Roccia dell'Elefante
et domus de janas
|
![]() Domus de janas dans le Roccia dell'Elefante |
![]() Domus de Janas dans
la Roccia dell'Elefante
|
La route domine assez largement la vallée et plus loin des plaines largement cultivées. De gros bourgs agricoles groupés autours de leurs églises sont plus ou moins accrochés aux pentes, dans un fouillis de ruelles où je ferai bien attention de ne pas engager l'Exsis. |
![]() Sedini : Domus Sa Rocca |
![]() C'est un énorme amas de calcaire creusé au
Néolithique récent pour en faire une nécropole. L'hypogée, de type
multi-cellulaire, était accessible par une petite
porte sur le côté sud du bloc rocheux avant qu'il roule
en aval. Il a servi de prison et de maison d'habitation.
|
En revanche je me hasarde un peu à pied dans le labyrinthe des ruelles pour découvrir la petite église Sant’Andrea de style gothique aragonais (au moins en partie) dont la porte est ouverte. Ensemble sans prétentions, mais qui présente des traits architecturaux charmants.
![]() Sedini : chiesa San Andrea |
Église San Andrea de Sedini L'église paroissiale de San Andrea de Sedini se présente sous la forme classique du gothique aragonais, construite au début du XVIème siècle, en s'appuyant sur une forme romane antérieure ; des éléments gothiques de l'ancienne église paroissiale sont visibles dans l'arc du portail en arbalète et dans la deuxième chapelle, sur les bases des colonnes de gauche du presbytère, mis en lumière lors des travaux de restauration effectués dans les années 1990. Dans le chœur se trouve une toile du peintre Andrea Lusso peinte en 1597, représentant la Transfiguration du Christ sur le Mont Thabor, un crucifix de belle facture avec des éléments rappelant le XVème siècle. La paroisse de San Andrea était autrefois géographiquement située à la périphérie sud de Sedini, à l'intérieur et dans le périmètre immédiat où les morts étaient enterrés dans le village. L'église n'était précédée d'aucune place ou parvis, la façade du bâtiment de l'église elle-même était presque étouffée par les bâtiments adjacents et les rues étroites qui s'y ouvraient, En les suivant en direction du sud se poursuivaient jusqu'à Colthi Ittoria, ce coin du pays était et est ainsi nommé par les Sedinesi. Ce nom dérive probablement d'un possible bâtiment ecclésiastique, dont les restes sont encore visibles dans le mur de tissu du bâtiment connu comme l'ancien asile de Sedini. |
![]() Façade de la chiesa
San Andrea de Sedini
|
![]() Chiesa San-Andrea de Sedini : chapelle gothique aragonaise début XVIème dans la nef à gauche du chœur |
Le soir tombe, je décide d’aller dormir quelques km plus loin à Bolzi, un autre village rural du même genre, où le G.V. annonce dans l’église un rare groupe sculpté du début XIIIème : une Déposition de croix enlevée d’une église aux champs des environs que j’ai également l’intention de visiter demain. Il fait trop sombre pour trouver l’église dans le centre du village, je reste donc dans la partie plus moderne pour trouver un stationnement des plus tranquilles près du Municipio, bien à l’écart de la rue au demeurant fort peu passante. Position face à l’Est pour recharger les batteries demain dès le lever du soleil, car je travaillerai assez tard ce soir pour traiter les photos de la journée et achever de mettre au point un dernier texte rare de Jules Verne converti en .epub, le dernier de cet auteur culte à intégrer dans ma grande bibliothèque numérique… Le carnet de bord sera pour demain. Coucher à 23:30 dans le grand silence.
36 459 Vendredi 24 janvier 2020 : de BULZI à
SANT’ANTIOCO DI BISARCIO (55 km)
Lever un peu tard, mais bien reposé après la
bonne journée de marche d’hier. À nouveau le grand soleil règne
dans un ciel bleu ; pourvu que ça dure ! Comme prévu la recharge
de la batterie a déjà commencé pendant que je me prépare avant de
gagner l’église finalement toute proche.
![]() |
Façade
typiquement pisane de la chiesa San-Sebastiano de Bulzi![]() |
La porte au milieu de la façade pisane
traditionnelle (bandes alternées de pierre sombre et claire) est
ouverte et, comme attendu, derrière l’autel et en forme de retable
je découvre le groupe sculpté tout à fait exceptionnel; les cinq
personnages de bois peint sont assez bien proportionnés mais
montrent une naïveté, un côté fruste plutôt inattendu, quand on
connait un peu tout ce que la statuaire antique bien antérieure
avait développé en terme de qualité esthétique et expressive…
![]() |
![]() |
![]() Bulzi, chiesa
San-Sebastiano : Déposition (XIIIème) : la
Vierge
|
![]() Bulzi, chiesa
San-Sebastiano : Déposition (XIIIème) : le
Christ
|
Je ne ferai pas le plein sur la fontaine de la
place derrière le Municipio, comme je l’avais d'abord espéré en
l'apercevant de loin, car le robinet en a été démonté…
Il est temps de prendre le
départ pour visiter au passage, en route vers Martis, la
très ancienne (1113-1120) église rurale de San Pietro di
Simbranos, d’où provient justement le groupe sculpté que je
viens de voir. Cette jolie petite église est du même style pisan, mais beaucoup plus ancienne et raffinée, et surtout isolée au fond d’un vallon. |
![]() Site de San Pietro di
Simbranos
|
![]() |
San Pietro di
Simbranos à Bulzi
L'église de Saint Pierre se dresse, isolée dans la campagne de Bulzi. Cette église est dite ‘du Crucifix”, car elle a hébergé, jusqu'à récemment, le panneau en bois intitulé la «Déposition» qui se trouve, aujourd'hui dans l'église du village. Le bâtiment, niché au creux d'une belle vallée, a été construit en deux phases au début et à la fin du XIlème siècle. Il est constitué d'un corps longitudinal formé par une seule nef coupée par un transept et flanquée d'une abside orientée nord-est. L'église est construite en roche volcanique et elle se distingue dans l'utilisation du calcaire clair sur la façade en alternance avec de la pierre sombre. Cette pratique se retrouve également dans la construction de le cul-de-four de l'abside et dans les voûtes en berceau du transept. On peut aussi noter un petit bas-relief contenant une figure humaine sur la lunette du portail de la façade. Le groupe en bois représentant la Déposition du Christ de la Croix est d'un grand intérêt, autrefois, il était conservé dans l'église de Saint Pierre de la Croix et se trouve maintenant dans l'église paroissiale dédiée à Saint-Sébastien. Le groupe est composé de cinq statues polychromes qui représentent le Christ sur la Croix, Notre-Dame, Saint- Jean, Saint-Joseph d'Arimathie et un ange. Elles ont toutes été sculptées dans le peuplier. Elles sont de production toscane et datées des années 1220 à 1230. |
![]() Portail de San Pietro di Simbranos |
![]() Tympan du portail de San Pietro di Simbranos |
![]() Intérieur de San
Pietro di Simbranos
|
Là - et las ! - la porte est fermée (une photo permet cependant d’en imaginer l’intérieur dénudé mais fort harmonieux), je devrai me contenter d’en faire longuement le tour en remarquant et photographiant tous les détails qui marque son style roman et son origine pisane… |
Chemin faisant dans la verte campagne assez
montueuse où paissent quantité de troupeaux de moutons, j’arrive à
Martis, autre bourg du même style accoté à sa colline. Les
édifices du centre n’ont rien d’exceptionnel, aussi je ne m’y
attarderai point. Je me dirige plutôt vers le secteur périphérique
où se trouve l'attraction locale, San Pantaleon.
![]() Martis : San Pantaleo (XIVème) |
Église San Pantaleo à Martis Dominant la vallée de la rivière Carrucana, l'église de San Pantaleo peut être datée du premier quart du XIVème siècle. Dans les documents historiques le toponyme est mentionné à partir de 1341. Objet d'importantes restaurations, l'édifice présente un plan original à trois nef. La façade tripartite se caractérise par le vaisseau central plus haut que les collatéraux et par les pilastres d’angle qui délimitent le champ médian en se raccordant au fronton par des bandes lombardes ogivales trilobées. Un oculus et le portail s'ouvrent dans l’axe du sommet du fronton. En archivolte ébrasée décorée de tores et gorges, l'oculus présente une bichromie obtenue par l'alternance de voussoirs en trachyte et d'autres en calcaire. Sa rosace disparue reste dans la mémoire grâce à de vieilles photographies. Le portail architravé est en style gothique mais ses contours aplatis et son profil anonyme dénotent une exécution approximative par des Maîtres locaux. |
Je rencontre pas mal de
difficultés car les ruelles sont étroites et surtout
tournent à angle droit de façon fort peu praticable pour un
Ducato d’un format pas mal plus gros que les Punto et autres
petites Fiat qui se faufilent partout. Enfin après plusieurs détours parfois scabreux je stationne tout près de San Pantaleon, une superbe ruine assez bien consolidée du XIVème qui règne sur une avancée dégagée au dessus d’un vallon verdoyant et d’une large vallée cultivée. |
![]() Martis : San-Pantaleo (XIVème) au-dessus de la vallée du Rio Carrucana |
![]() Portail de San Pantaleo et autel |
![]() Restes de la rosace de San-Pantaleo
(Martis)
|
Je rattrape ensuite avec beaucoup plus de
facilité la grande route pour prendre le chemin de Chiaramonti,
toujours sur l’excellente SS132 qui se faufile entre les monts par
une multitude virages.
![]() |
Apercevant une fontaine en bord de route avec un large espace pour stationner, je décide d’y compléter ma citerne tout en préparant un lunch reconstituant. |
La petite cité de
Chiaramonti me semble égale aux précédentes déjà vues dans
la région, mais elle se signale surtout par les ruines d’un
imposant château XIIIème
appartenant à la grande famille des Doria. On aperçoit de
loin au dessus des maisons quelques restes de ses tours.
Laissant l’Exsis sur la place à la limite du quartier ancien
à flanc de la pente, je me lance dans les ruelles qui
grimpent raide jusqu’au sommet et à la forteresse. En passant, brève incursion dans San Matteo, l’église princeps du village, qui s'avère une grand bâtisse néoclassique sans grande classe. Mais j'y suis frappé par l’abondance de statues de tous les saints possibles qui encombrent murs et chapelles latérales, débordant même dans les allées. Voilà qui reproduit de façon frappante le Panthéon et les aires sacrées antiques avec leur dieu principal sur le grand autel central, et puis la ribambelle de demi-dieux, de héros et consorts susceptibles de prières et d’interventions propitiatoires, sait-on jamais… |
![]() Montée au château de Chiaramonti |
Je poursuis ma montée à travers le tissu serrés
des maisons. Le panorama ne tarde pas à apparaître puis à
s’élargir sur les larges vallées entourant le bourg, assez variées
: boisés, blocs rocheux, quelques autres villages essaimés comme
au hasard sur le lointain des pentes, entourés de grands espaces
verts, ou labourés, ou piquetés de troupeaux de moutons blancs qui
paissent en désordre.
Quant aux ruines,
conservées plutôt que restaurées - il en reste si peu
qu'elles évoquent davantage la gloire passée qu’elles ne la
manifestent par leur étendue ou leur hauteur. Je profite un peu de la qualité de cet environnement exceptionnel, errant au milieu de la vaste esplanade convertie en parc municipal, en compagnie d’un petit chien amené faire sa promenade par sa maitresse accrochée à son téléphone et enfermée dans sa voiture… |
![]() Chiaramonti : vestiges du Castello dei Doria |
Parcourant en sens inverse le chemin déboulant
jusqu’à l’Exsis, je repars aussitôt voir une autre église très
ancienne, Santa Maria Maddalena, recommandée par le G.V.
![]() Santa Maria Maddalena
en fin de journée au milieu des champs
|
Je dois d’abord revenir
jusqu’à la fontaine où j’ai fait le plein, avant d’emprunter
sur quelques kilomètres une toute petite route en fort
mauvais état qui virevolte au flanc des collines pour
découvrir enfin la chapelle, posée au milieu des champs
tondus par les moutons. Aucune indication, aucun panneau explicatif, pas même un chemin; je dois enjamber la barrière du champ pour m’en approcher sur le gazon ras, entre les touffes de chardon délaissés par les ovins. |
J’en fais le tour - elle est bien entendu fermée - pour admirer et photographier cet émouvant souvenir remontant à 1205, seul reste d’une petite fondation des Camaldules (bénédictins) établis dans cette riche région rurale qu’ils contribuèrent à développer. L’emploi alterné de roches claires calcaire et de trachyte rouge sombre est identique à San Pietro de Simbranos visité ce matin, mais les proportions sont plus modestes et la façon plus rustique… | ![]() Façade de Santa Maria Maddalena |
J’ai pratiquement épuisé les points d’intérêt
relevé par le G.V. sur ce premier itinéraire roman proposé depuis
Castelsardo. Je l’abandonnerai donc là pour rattraper le tracé
voisin intitulé La route du Roman qui me mènera à Sassari,
la capitale provinciale (chef lieu de département) et qui, elle,
propose semble-t-il pas mal plus de richesses. En effet cette
route me permettra d’admirer quelques uns des plus anciens et des
plus conséquents monuments romans de la Sardaigne. En revanche les
dix premiers kilomètres pour me sortir de ce fond de campagne,
s’ils sont jolis, se montrent assez difficiles : asphalte défoncé,
arbres et arbustes empiétant sur la chaussée très étroite…
Heureusement elle n’est guère fréquentée, et la suite sur la SS
132, puis la SP47 sera nettement meilleure et plus rapide.
J’oblique donc au sud pour rejoindre le premier site noté, celui de Sant’Antioco di Bisarcio dont les hauts murs de pierre rouge sombre et le clocher tronqué, brunis plus encore par le soleil du soir, apparaissent au détour d’un virage, juste avant de rejoindre la SS597. Autre site bucolique pour cette cathédrale du XIIème qui s’élève sur un petit éperon dominant une campagne assez mouvementée.
![]() Sant'Antioco di Bisarcio Sur le territoire d'Ozieri, l'église
dédiée à Sant'Antioco, mérite d'être visitée;
c'était anciennement une cathédrale qui est
d'aujourd'hui loin du centre-ville. On peut
supposer, d'après certains documents, qu'il y avait
déjà une église, à Bisarcio, au XIème siècle,
qui a été détruite puis reconstruite au milieu du
XIlème siècle. La
salle à trois nefs séparées par des arcs et des
colonnes, l'abside orientée vers l'est et le
clocher carré adossé au flanc sud, appartiennent
à cette époque.
|
À l’intérieur, la nef
centrale est couverte d'une charpente en bois
apparent, les nefs latérales sont en pierre à
voûtes croisées. L'utilisation des matériaux de
construction est remarquable: une roche volcanique
brun-rougeâtre, utilisée pour fabriquer des pointes
de diamants échelonnées en gradins avec des
insertions d'éclats de couleur verte. La construction
du porche remonte au XIIIème siècle, il se projette
sur deux étages et s’adosse à la façade. La partie
inférieure formée d'une voûte croisée, sert de
hall d'entrée à l'église, tandis que l'étage
supérieur était la chapelle de l'évêque, reliée
directement à l'évêché qui se trouvait le long du
côté sud de la cathédrale.
Dans
l'église, on note les chapiteaux, créés
principalement avec des motifs de plantes
décoratives, sauf le dernier à gauche avant le
presbytère. Surmontant un des piliers il est
décoré de figures humaines. Parmi les éléments
d'intérêt, on note les motif de la partie basse
du porche et une forme particulière en mitre de
la cheminée à l'intérieur de la chapelle de
l'évêque.
|
Personne à la barrière ouverte donnant sur le stationnement et le centre d'accueil. Je m’avance donc pour contourner la haute abside qui me domine; le sentier bien pavé et éclairé monte jusqu’au parvis pour révéler une façade atypique par son asymétrie, d’origine française semble-t-il. En tout cas l’ensemble des décors et des sculptures animant une façade par ailleurs assez sobre a grande allure, le soleil rougeoyant du couchant dramatisant la couleur des pierres qui semblent brûler. | ![]() Façade et clocher de
Sant'Antioco di Bisarcio dans le rougeoiement du soir
|
![]() Effigie de
San'Antiocio et croix au centre de la façade
|
![]() Sant'Antioco di Bisarcio : base sculptée des arcatures |
![]() Porche de Sant'Antioco di Bisarcio |
![]() Sant'Antioco di Bisarcio : le
lion-gardien
|
Faisant un dernier tour extérieur de la grande église, je regagne donc mon home où je ne tarderai pas à descendre les stores, brancher le chauffage et entreprendre, avec mon souper, les routines habituelles du transfert des photos et de la rédaction du carnet de bord négligé hier. Coucher vers 23:00 dans une fraîcheur humide plus accentuée qu’en bord de mer.