Le vent a fini par faiblir durant la nuit, mais un ciel gris et couvert avec quelques maigres parcelles de ciel bleu m’accueille à mon lever, tandis que le soleil ne glisse qu'un œil sous les nuages avant de disparaître durablement. Il fera donc relativement froid aujourd’hui et c’est chapka en tête que je fais le relevé photographique de mon bivouac. | Santa Teresa Gallura : bivouac sur la place devant les Bocche di Bonifacio |
Santa-Teresa Gallura : soleil levant sur la Torre di Longosardo et les Bocche di Bonifacio, au loin la côte corse. |
Ensuite longue écriture du carnet de route au chaud, avec le magnifique panorama dans mes fenêtres, en faisant tourner un peu le moteur pour remonter les batteries. |
En quittant mon spot vers 10:00 je zigone un peu dans les rues de la petite ville, découvrant la grande place Victor Emanuele et l’église centrale où se dit la messe devant une assemblée assez dense (architecture des plus simples, mobilier quelconque). | Santa Teresa Gallura : Piazza Vittorio Emanuele |
Capo Testa: la pointe et, au delà des Bocche di Bonifacio, l'extrême sud de la Corse |
Je ne veux pas quitter Santa Teresa sans aller faire un tour au Capo di Testa, un chaos de gros rochers en granit jaune orangés, arrondis et creusés en toutes sortes de formes. Celles-ci feraient penser aux œuvres d'Henry Moore, suggère le G.V. … avec beaucoup d’imagination ! |
Pause déjeuner à 13:00
devant la Baia Vignola, une autre petite «station»
totalement déserte et une belle plage derrière de
nombreux et vastes terrains de camping sous les pins.
Malgré les interdictions, je m’avance jusque sur la
petite terrasse ronde juste au-dessus de la plage, dans
un splendide isolement, et y déguste une boite de chili
con carne vite réchauffé et, pour une fois, assez
réussi. Ma pause se prolonge un peu en écoutant des
musiques d’Art Tatum, avec vue sur la plage, la vieille
tour du XVIème dite « La Turra » et le cap
rocheux. |
Baia Vignola : la plage et la Turra du XVIème |
Isola Rossa : la tour espagnole du XVIème |
Je me rends jusqu’au
bout des petites rues neuves qui épousent la forme de la
pointe et vais planter mon bivouac, encore une fois des
plus solitaires, devant le port, là où Monique qui
m’appelle après souper me repérera grâce à Google Maps…
Longue soirée après un petit et bref tour - le vent est trop froid - jusqu’à une autre tour aragonaise qui garde le rivage côté mer. |
C’est la pluie
tambourinant sur le toit qui me réveille vers 6:00. Elle
s’adoucit, je sommeille encore jusque vers 8:00.
Heureusement le chauffage fonctionne bien, car la
température extérieure est nettement plus fraîche (11°)
qu'hier et je ne peux compter sur le soleil pour
réchauffer le camping-car. Le ciel est très bas, et il tombera des averses éparses presque toute la journée. Je dois donc faire tourner le moteur un moment pour remonter les batteries de l’habitacle et de l’ordi, très sollicitées puisque je profite de ce délai pour travailler un peu au chaud. |
Isola Rossa : bivouac devant l'île |
|
Si la pluie a cessé à mon lever passé 8:00, le ciel est encore bien gris et les couleurs trop ternes autour de moi… Le soleil fait seulement une très timide apparition mais se cache aussi vite, juste ce qu’il faut pour me faire apprécier l’ocre rouge des rochers et des îlots entourant le petit port. |
À 11:30 je me décide à bouger un peu, et suis la petite rue qui fait le tour du village en longeant du rivage; autre occasion de photographie la grosse tour aragonaise entrevue en arrivant avant-hier soir. Puis je remonte jusqu’à la SP 90, prenant une petite heure pour déjeuner dans le village haut de Paduledda, devant l’immense panorama des anses et des caps de rochers rouges. | Depuis Paduledda, les rochers rouges de la
Punta li Cannedi
|
Journée off, à profiter du beau temps devant la plage, sans autre activité d’exploration géographique ou touristique. Je passe l’essentiel de la journée à lire et à transcrire en .epub deux excellents bouquins d’Asimov recueillis en .pdf et inutilisables sur ma liseuse : Fondation et Empire, et Le livre d’or de la S-F, Isaac Asimov. Le soleil suffira à recharger les batteries et à maintenir l’ordi sur lequel je travaille assidument. |
La Ciaccia : bivouac au matin |
Castelsardo : la
Haute-ville au loin en arrivant depuis la SS134
|
Jolie route dans la campagne vallonnée, jusqu’à un superbe belvédère en arrivant sur la petite cité. Entourant son château médiéval, elle est perché sur une butte s'avançant dans la mer. Je m’approche autant que je peux du centre jusqu'à trouver à stationner dans une rue qui devait se trouver approximativement au niveau des anciens remparts, juste au pied de la pente. |
Laissant là l’Exsis, je gagne la
Piazza del Novocentenario maintenant centrale en
belvédère donnant sur la côte à l’Est. En plein milieu
d’une aire de rassemblement pavée, trône l'intrigante
statue d’une homme grimpant sur une corde tenue par
une femme pour (lui ?) décrocher la Lune…
Castelsardo : Piazza del Novecentenario au pied du château |
"Décroche-moi
la lune !"
|
Castelsardo : le port et la tour en montant au château |
À partir de là je
tombe sur la volée d’escalier qui attaque directement la
montagne couronnée par les hauts murs de pierre du
château. En prenant de la hauteur, se découvrent de belles vues sur le port, l’ancien, protégé par une autre vieille tour ronde du XVème, et le nouveau qui abrite une foultitude de yachts derrière sa jetée en béton. |
Je m’arrêterai en chemin, essoufflé, pour bifurquer plutôt vers la gauche sur une rue circulaire qui vise le même but mais de façon pas mal moins brutale en passant sous les murailles du château. | Sous les murailles du château de Castelsardo |
La cathédrale San Antonio Abate sur sa terrasse |
Je me retrouve ainsi sur le chemin de la cathédrale San Antonio Abate isolée sur une terrasse juste au-dessous de la haute ville. |
Cathédrale San
Antonio Abate : fonts baptismaux
en marqueterie de marbre |
Cathédrale San Antonio Abate : chapelle de la Vierge |
Castelsardo cathédrale San Antonio Abate : chapelle de St Philippe de Neri, mystique et contemplatif |
Castelsardo : cathédrale San Antonio Abate : chapelle de St. François-Xavier (1506-1552) fondateur de l'ordre des Jésuites avec Ignace de Loyola qui diffusa le christianisme en Asie. Il est patron des missionnaires et des marins |
Cathédrale San Antonio Abate : Madonna in trono con Bambino e angeli par maestro di Castelsardo (XVème) |
Castelsardo: maitre-autel de la cathédrale San Antonio Abate |
Castelsardo : Santa Maria delle Grazie |
Puis, passant sous une porte grossière dans le rempart de la haute ville, je gagne un petite place bordée par la très ancienne église de Santa Maria delle Grazie. Sa façade latérale donne discrètement sur la petite Piazza della Misericordia, mais à l’intérieur se découvrent quelque beaux autels très décorés, dont une impressionnante Crucifixion du XIVe mi-peinte mi-sculptée (le Christ Noir : Lu Crittu Nieddu) et un émouvant Ecce Homo du XVIIème au centre du maitre autel. |
Santa Maria delle Grazie : autel de la Vierge |
Santa-Maria-delle-Grazie : Lu Crittu Nieddu (le Christ Noir) XIVème |
Maitre-autel de Santa Maria delle Grazie |
Ecce Homo (XVIIème) au centre de l'autel |
Je poursuis mon exploration de la Haute Ville, assez exigüe, en montant vers le château qui couronne la butte. Un vannier au travail dans un local très sombre me salue et semble fier de me montrer les abats-jours en forme de nasse qu’il est en train d’assembler. Appel du pied pour une possible vente ? L’ouvrage semble bien fait, mais comment transporter et où placer le volumineux accessoire… dont nous n’avons pas besoin de surcroit ! | Castelsardo : artisan vannier |
Ruelle dans la Haute-Ville de Castelsardo |
Castelsardo : tisseuse de paniers |
Encore quelques ruelles pentues et étroites, assez pittoresques, et une dernière grimpette me mène à la porte percée dans la muraille de la forteresse. Une chicane comme il se doit, et je vais prendre mon billet qui me donnera accès à la petite cour où l’on a rassemblé quelques grosses maquettes de machine de siège à la romaine.Les terrasses attenantes offrent une très vaste et superbe vue panoramique sur le ville et surtout sur la côte. |
Castelsardo : vue vers l'est depuis la terrasse du château |
Je redescends ensuite tranquillement ruelles et escaliers en musardant, profitant de l’ambiance des petites rues longeant quelques fort belles propriétés, avec des vues magnifiques sur la côte ou l’arrière-pays, puis entre les nombreux petits magasins de la basse ville qui pérennisent le côté populaire sans doute présent depuis le Moyen-Âge… | Castelsardo : Cala La Vignaccia au pied de la ville |
Roccia dell'Elefante au bord de la SS134 |
Je reprends donc la SS
134 par où je suis arrivé à Castelsardo, puis bifurque
vers l’intérieur en m’arrêtant d’abord à la Roccia
dell’Elefante. C'est un gros bloc de trachyte rouge tout érodé ressemblant vaguement à un éléphant trompe en l’air qui semble assis au bord de la route. Cette roche creuse contient plusieurs domus de janas (sépultures néolithiques) qui y nichent de toutes parts. |
Roccia
dell'Elefante et domus de janas
|
Domus de janas dans le Roccia dell'Elefante |
Domus de Janas
dans la Roccia dell'Elefante
|
La route domine assez largement la vallée et plus loin des plaines largement cultivées. De gros bourgs agricoles groupés autours de leurs églises sont plus ou moins accrochés aux pentes, dans un fouillis de ruelles où je ferai bien attention de ne pas engager l'Exsis. |
Sedini : Domus Sa Rocca |
C'est un énorme
amas de calcaire creusé au Néolithique récent pour
en faire une nécropole. L'hypogée, de type
multi-cellulaire, était accessible par une petite
porte sur le côté sud du bloc rocheux avant qu'il
roule en aval. Il a servi de prison et de maison
d'habitation.
|
Sedini : chiesa San Andrea |
Église San Andrea de Sedini
L'église paroissiale de San Andrea de
Sedini se présente sous la forme classique du
gothique aragonais, construite au début du XVIème
siècle, en s'appuyant sur une forme romane
antérieure ; des éléments gothiques de
l'ancienne église paroissiale sont visibles dans
l'arc du portail en arbalète et dans la deuxième
chapelle, sur les bases des colonnes de gauche du
presbytère, mis en lumière lors des travaux de
restauration effectués dans les années 1990.
Dans le chœur se trouve une toile du peintre
Andrea Lusso peinte en 1597, représentant la
Transfiguration du Christ sur le Mont Thabor, un
crucifix de belle facture avec des éléments
rappelant le XVème siècle.
La paroisse de San Andrea était autrefois géographiquement située à la périphérie sud de Sedini, à l'intérieur et dans le périmètre immédiat où les morts étaient enterrés dans le village. L'église n'était précédée d'aucune place ou parvis, la façade du bâtiment de l'église elle-même était presque étouffée par les bâtiments adjacents et les rues étroites qui s'y ouvraient, En les suivant en direction du sud se poursuivaient jusqu'à Colthi Ittoria, ce coin du pays était et est ainsi nommé par les Sedinesi. Ce nom dérive probablement d'un possible bâtiment ecclésiastique, dont les restes sont encore visibles dans le mur de tissu du bâtiment connu comme l'ancien asile de Sedini. |
Façade de la chiesa San Andrea de Sedini |
Chiesa San-Andrea de Sedini : chapelle gothique aragonaise début XVIème dans la nef à gauche du chœur |
Le soir tombe, je décide d’aller dormir
quelques km plus loin à Bolzi, un autre village rural du même
genre, où le G.V. annonce dans l’église un rare groupe sculpté
du début XIIIème : une Déposition de croix
enlevée d’une église aux champs des environs que j’ai
également l’intention de visiter demain. Il fait trop sombre
pour trouver l’église dans le centre du village, je reste donc
dans la partie plus moderne pour trouver un stationnement des
plus tranquilles près du Municipio, bien à l’écart de la rue
au demeurant fort peu passante. Position face à l’Est pour
recharger les batteries demain dès le lever du soleil, car je
travaillerai assez tard ce soir pour traiter les photos de la
journée et achever de mettre au point un dernier texte rare de
Jules Verne converti en .epub, le dernier de cet auteur culte
à intégrer dans ma grande bibliothèque numérique… Le carnet de
bord sera pour demain. Coucher à 23:30 dans le grand silence.
36 459 Vendredi 24 janvier 2020 : de
BULZI à SANT’ANTIOCO DI BISARCIO (55 km)
Lever un peu tard, mais bien reposé après la
bonne journée de marche d’hier. À nouveau le grand soleil
règne dans un ciel bleu ; pourvu que ça dure ! Comme prévu la
recharge de la batterie a déjà commencé pendant que je me
prépare avant de gagner l’église finalement toute proche.
Façade typiquement pisane de la chiesa San-Sebastiano de Bulzi |
La porte au milieu de la façade pisane
traditionnelle (bandes alternées de pierre sombre et claire)
est ouverte et, comme attendu, derrière l’autel et en forme de
retable, je découvre le groupe sculpté tout à fait
exceptionnel. Les cinq personnages de bois peint sont assez
bien proportionnés, mais ils montrent une naïveté, un côté
fruste plutôt inattendu, quand on connait un peu tout ce que
la statuaire antique bien antérieure avait développé en terme
de qualité esthétique et expressive…
Bulzi, chiesa
San-Sebastiano : Déposition (XIIIème) :
la Vierge
|
Bulzi, chiesa
San-Sebastiano : Déposition (XIIIème) :
le Christ
|
Je ne pourrai faire pas le plein d'eau sur la
fontaine de la place derrière le Municipio, comme je l’avais
d'abord espéré en l'apercevant de loin, car le robinet en a
été démonté…
Il est temps de
prendre le départ pour visiter au passage, en route vers
Martis, la très ancienne (1113-1120) église rurale de
San Pietro di Simbranos, d’où provient justement le
groupe sculpté que je viens de voir. Cette jolie petite église est du même style pisan, mais beaucoup plus ancienne et raffinée, et surtout isolée au fond d’un vallon. |
Site de San
Pietro di Simbranos
|
San Pietro di Simbranos |
San Pietro di Simbranos à Bulzi L'église de Saint Pierre se
dresse, isolée dans la campagne de Bulzi. Cette
église est dite ‘du Crucifix”, car elle a
hébergé, jusqu'à récemment, le groupe en bois
intitulé la «Déposition» qui se trouve,
aujourd'hui dans l'église du village. Le bâtiment,
niché au creux d'une belle vallée, a été
construit en deux phases au début et à la fin du
XIlème siècle. Il est constitué d'un corps
longitudinal formé par une seule nef coupée par un
transept et flanquée d'une abside orientée
nord-est. L'église est construite en roche
volcanique et elle se distingue par l'utilisation du
calcaire clair sur la façade en alternance avec de
la pierre sombre. Cette pratique se retrouve
également dans la construction du cul-de-four de
l'abside et dans les voûtes en berceau du transept.
On peut aussi noter un petit bas-relief contenant
une figure humaine sur la lunette du portail de la
façade.
Le groupe en bois représentant la Déposition du Christ de la Croix est d'un grand intérêt. Autrefois, il était conservé dans l'église de Saint Pierre de la Croix et se trouve maintenant dans l'église paroissiale dédiée à Saint-Sébastien. Le groupe est composé de cinq statues polychromes qui représentent le Christ sur la Croix, Notre-Dame, Saint- Jean, Saint-Joseph d'Arimathie et un ange. Elles ont toutes été sculptées dans le peuplier. Elles sont de production toscane et datées des années 1220 à 1230. |
Portail de San Pietro di Simbranos |
Tympan du portail de San Pietro di Simbranos |
Intérieur de San
Pietro di Simbranos
|
Là - et las ! - la porte est fermée (une photo permet cependant d’en imaginer l’intérieur dénudé mais fort harmonieux), je devrai me contenter d’en faire longuement le tour en remarquant et photographiant tous les détails qui marque son style roman et son origine pisane… |
Chemin faisant dans la verte campagne assez
montueuse où paissent quantité de troupeaux de moutons,
j’arrive à Martis, autre bourg du même style accoté à sa
colline. Les édifices du centre n’ont rien d’exceptionnel,
aussi je ne m’y attarderai point. Je me dirige plutôt vers le
secteur périphérique où se trouve l'attraction locale, San
Pantaleon.
Martis : San Pantaleo (XIVème) |
Église San Pantaleo à Martis
Dominant la vallée de la rivière Carrucana, l'église de San Pantaleo peut être datée du premier quart du XIVème siècle. Dans les documents historiques le toponyme est mentionné à partir de 1341. Objet d'importantes restaurations, l'édifice présente un plan original à trois nef. La façade tripartite se caractérise par le vaisseau central plus haut que les collatéraux et par les pilastres d’angle qui délimitent le champ médian en se raccordant au fronton par des bandes lombardes ogivales trilobées. Un oculus et le portail s'ouvrent dans l’axe du sommet du fronton. En archivolte ébrasée décorée de tores et gorges, l'oculus présente une bichromie obtenue par l'alternance de voussoirs en trachyte et d'autres en calcaire. Sa rosace disparue reste dans la mémoire grâce à de vieilles photographies. Le portail architravé est en style gothique mais ses contours aplatis et son profil anonyme dénotent une exécution approximative par des Maîtres locaux. |
Je rencontre pas mal
de difficultés car les ruelles sont étroites et surtout
tournent à angle droit de façon fort peu praticable pour
un Ducato d’un format pas mal plus gros que les Punto et
autres petites Fiat qui se faufilent partout. Enfin après plusieurs détours parfois scabreux je stationne tout près de San Pantaleon, une superbe ruine assez bien consolidée du XIVème qui règne sur une avancée dégagée au dessus d’un vallon verdoyant et d’une large vallée cultivée. |
Martis : San-Pantaleo (XIVème) au-dessus de la vallée du Rio Carrucana |
Portail de San Pantaleo et autel |
Restes de la rosace de
San-Pantaleo (Martis)
|
Je rattrape ensuite avec beaucoup plus
de facilité la grande route pour prendre le chemin de
Chiaramonti, toujours sur l’excellente SS132 qui se faufile
entre les monts par une multitude virages.
Apercevant une fontaine en bord de route avec un large espace pour stationner, je décide d’y compléter ma citerne tout en préparant un lunch reconstituant. |
La petite cité de
Chiaramonti me semble égale aux précédentes déjà vues
dans la région, mais elle se signale surtout par les
ruines d’un imposant château XIIIème
appartenant à la grande famille des Doria. On aperçoit
de loin au dessus des maisons quelques restes de ses
tours. Laissant l’Exsis sur la place à la limite du
quartier ancien à flanc de pente, je me lance dans les
ruelles qui grimpent raide jusqu’au sommet et à la
forteresse. En passant, brève incursion dans San Matteo, l’église princeps du village, qui s'avère une grand bâtisse néoclassique sans grande classe. Mais j'y suis frappé par l’abondance de statues de tous les saints possibles qui encombrent murs et chapelles latérales, débordant même dans les allées. Voilà qui reproduit de façon frappante le Panthéon et les aires sacrées antiques avec leur dieu principal sur le grand autel central, et puis la ribambelle de demi-dieux, de héros et consorts susceptibles de prières et d’interventions propitiatoires, sait-on jamais… |
Montée au château de Chiaramonti |
Je poursuis ma montée à travers le tissu
serrés des maisons. Le panorama ne tarde pas à apparaître puis
à s’élargir sur les larges vallées entourant le bourg, assez
variées : boisés, blocs rocheux, quelques autres villages
essaimés comme au hasard sur le lointain des pentes, entourés
de grands espaces verts, ou labourés, ou piquetés de troupeaux
de moutons blancs qui paissent en désordre.
Quant aux ruines,
conservées plutôt que restaurées - il en reste si peu
qu'elles évoquent davantage la gloire passée qu’elles ne
la manifestent par leur étendue ou leur hauteur. Je profite un peu de la qualité de cet environnement exceptionnel, errant au milieu de la vaste esplanade convertie en parc municipal, en compagnie d’un petit chien amené faire sa promenade par sa maitresse accrochée à son téléphone et enfermée dans sa voiture… |
Chiaramonti : vestiges du Castello dei Doria |
Parcourant en sens inverse le chemin
déboulant jusqu’à l’Exsis, je repars aussitôt voir une autre
église très ancienne, Santa Maria Maddalena, recommandée par
le G.V.
Santa Maria
Maddalena en fin de journée au milieu des champs
|
Je dois d’abord
revenir jusqu’à la fontaine où j’ai fait le plein, avant
d’emprunter sur quelques kilomètres une toute petite
route en fort mauvais état qui virevolte au flanc des
collines pour découvrir enfin la chapelle, posée au
milieu des champs tondus par les moutons. Aucune indication, aucun panneau explicatif, pas même un chemin; je dois enjamber la barrière du champ pour m’en approcher sur le gazon ras, entre les touffes de chardon délaissés par les ovins. |
J’en fais le tour - elle est bien entendu fermée - pour admirer et photographier cet émouvant souvenir remontant à 1205, seul reste d’une petite fondation des Camaldules (bénédictins) établis dans cette riche région rurale qu’ils contribuèrent à développer. L’emploi alterné de roches claires calcaire et de trachyte rouge sombre est identique à San Pietro de Simbranos visité ce matin, mais les proportions sont plus modestes et la façon plus rustique… | Façade de Santa Maria Maddalena |
J’ai pratiquement épuisé les points d’intérêt
relevé par le G.V. sur ce premier itinéraire roman proposé
depuis Castelsardo. Je l’abandonnerai donc là pour rattraper
le tracé voisin intitulé La route du Roman qui me
mènera à Sassari, la capitale provinciale (chef lieu de
département) et qui, elle, propose semble-t-il pas mal plus de
richesses. En effet cette route me permettra d’admirer
quelques uns des plus anciens et des plus conséquents
monuments romans de la Sardaigne. En revanche les dix premiers
kilomètres pour me sortir de ce fond de campagne, s’ils sont
jolis, se montrent assez difficiles : asphalte défoncé, arbres
et arbustes empiétant sur la chaussée très étroite…
Heureusement elle n’est guère fréquentée, et la suite sur la
SS 132, puis la SP47 sera nettement meilleure et plus
rapide.
J’oblique donc au sud pour rejoindre le premier site noté, celui de Sant’Antioco di Bisarcio dont les hauts murs de pierre rouge sombre et le clocher tronqué, brunis plus encore par le soleil du soir, apparaissent au détour d’un virage, juste avant de rejoindre la SS597. Autre site bucolique pour cette cathédrale du XIIème qui s’élève sur un petit éperon dominant une campagne assez mouvementée.
Sant'Antioco di Bisarcio
Sur le territoire d'Ozieri,
l'église dédiée à Sant'Antioco, mérite d'être
visitée; c'était anciennement une cathédrale qui
est d'aujourd'hui loin du centre-ville. On peut
supposer, d'après certains documents, qu'il y avait
déjà une église, à Bisarcio, au XIème siècle,
qui a été détruite puis reconstruite au milieu du
XIlème siècle. La salle à trois nefs séparées
par des arcs et des colonnes, l'abside orientée
vers l'est et le clocher carré adossé au flanc
sud, appartiennent à cette époque.
|
À l’intérieur,
la nef centrale est couverte d'une charpente en bois
apparent, les nefs latérales sont en pierre à
voûtes croisées. L'utilisation des matériaux de
construction est remarquable: une roche volcanique
brun-rougeâtre, utilisée pour fabriquer des pointes
de diamants échelonnées en gradins avec des
insertions d'éclats de couleur verte. La construction
du porche remonte au XIIIème siècle, il se projette
sur deux étages et s’adosse à la façade. La partie
inférieure formée d'une voûte croisée, sert de
hall d'entrée à l'église, tandis que l'étage
supérieur était la chapelle de l'évêque, reliée
directement à l'évêché qui se trouvait le long du
côté sud de la cathédrale. Dans l'église, on note les chapiteaux, créés principalement avec des motifs de plantes décoratives, sauf le dernier à gauche avant le presbytère. Surmontant un des piliers il est décoré de figures humaines. Parmi les éléments d'intérêt, on note les motif de la partie basse du porche et une forme particulière en mitre de la cheminée à l'intérieur de la chapelle de l'évêque. |
Personne à la barrière ouverte donnant sur le stationnement et le centre d'accueil. Je m’avance donc pour contourner la haute abside qui me domine; le sentier bien pavé et éclairé monte jusqu’au parvis pour révéler une façade atypique par son asymétrie, d’origine française semble-t-il. En tout cas l’ensemble des décors et des sculptures animant une façade par ailleurs assez sobre a grande allure, le soleil rougeoyant du couchant dramatisant la couleur des pierres qui semblent brûler. | Façade et clocher
de Sant'Antioco di Bisarcio dans le rougeoiement
du soir
|
Effigie de
San'Antiocio et croix au centre de la
façade
|
Sant'Antioco di Bisarcio : base sculptée des arcatures |
Porche de Sant'Antioco di Bisarcio |
Sant'Antioco di Bisarcio : le
lion-gardien
|
Faisant un dernier tour extérieur de la grande église, je regagne donc mon home où je ne tarderai pas à descendre les stores, brancher le chauffage et entreprendre, avec mon souper, les routines habituelles du transfert des photos et de la rédaction du carnet de bord négligé hier. Coucher vers 23:00 dans une fraîcheur humide plus accentuée qu’en bord de mer.