Marina di Orosei : Exsis devant la plage |
Nuit passable, je ne
me suis pas réveillé avant 7:30 malgré le début de
circulation autour de moi. J'endure un moment, mais à
8:30 décide de gagner la plage 3 km plus loin. Là, dans le grand soleil et devant le sable, je prendrai un long moment pour mettre à jour mes affaires, scanner plusieurs documents avant de m'en débarrasser, imprimer lettres et formulaires, etc. ... et souffler un peu. |
Marina di Orosei : la plage |
Dans une paix royale je vaque à mes affaires sans trop voir le temps passer. Je finis par arriver au bout, range le matériel (scanner et imprimante) et, vers 16:00, commence à regarder vers où tourner mes roues. |
Une rapide consultation du G.V. suggère une
autre incursion à l’intérieur de la Sardaigne, en son centre
nord, i.e. du côté de Nuoro, une petite ville qui semble
active et pleine d’intérêt, avec entre autres un beau musée
archéologique qui expose les pièces trouvées dans les
environs. Ce n'est qu'une quarantaine de kilomètres sur des
bonnes routes, j’aurai encore le temps de les parcourir et de
découvrir en partie la ville avant le crépuscule. Je suis
effectivement assez vite rendu, et commence par passer à
l’Information touristique pour quérir un plan du centre
historique.
Accueil fort aimable de l’hôtesse qui, attentive à mes intérêts, m’annonce que le Musée archéologique est fermé pour rénovations… En revanche elle me sort une grande carte touristique de la Sardaigne où figure en bonne place la Tomba dei Giganti de S’Ena e’Thomes, à 24 km du centre ville. Je retiens sa suggestion, mais consacrerai d’abord ce début de soirée à un petit tour de découverte nocturne du Nuoro urbain.
La petite ville est assez soignée et je parcourrai tout au long les 2 rues principales (Via Roma et via Garibaldi) qui relient les 3 quartiers anciens de la cité. Animation commerçante d’assez bon goût (Monique apprécierait les boutiques de vêtement et d’accessoires), mais les vieilles façades manquent de chic et de caractère, formant au bout du compte un décor assez disparate et quelconque. Le cathédrale, milieu XIXème, est pâle et sans saveur, dépourvue d'élégance et d'originalité. | Nef de la cathédrale de Nuoro, en néo-roman sans beaucoup d'inspiration... |
Le Musée archéologique est fermé, tandis que
le Musée ethnographique (costumes et autres accessoires de la
vie populaire des derniers siècles), également étoilé par le
Michelin, ne me tente pas vraiment… Reste le plaisir de
déambuler dans le labyrinthe de ruelles en tâchant de m’y
retrouver sur mon plan, jusqu’à ce que, la fraîcheur
s’accentuant, je reprenne le chemin de la rue étroite et
pentue où j’ai casé l’Exsis.
Pas question de dormir en ville, vu le bruit,
la circulation et la difficulté d’y trouver un espace plan. Je
me rendrai plutôt dans la nuit jusqu’au site de la Tombe de
géant de S'Ena e' Thomes pour y dormir sur le petit
stationnement mentionné par l’hôtesse. Je peine un bon moment
à repérer sur le GPS le lieu indiqué sur l’extrait de la carte
d’État major, mais finis par recoupements à situer
l’emplacement probable du site (je n’ai pas encore pensé à
utiliser la version satellite de Google Maps !). Me voilà donc
en route, dévalant à nouveau la colline, puis filant sur la 4
voies SP 131 pour une dizaine de km, avant de sortir sur la
SP38 sud, à l’affut d’un petit panneau brun et d’une route
vicinale indiquant mon but.
Localisation Google a posteriori de S'Ena e'Thomes |
Dans la lumière des
phares la recherche est malaisée, il me semble bien
avoir repéré un panneau illustrant une tombe de géants,
puis la route rurale est bien là, mais au bout de
quelques centaines de mètre je ne vois aucune autre
indication ni même un stationnement. Vu l’obscurité maintenant complète, j’abandonne là ma quête pour ce soir, me gare sur un espace libre mais un peu pentu au bord du chemin (40°22'32.2"N 9°31'07.8"E -- 40.375604, 9.518833) et remets à demain la découverte de cet autre site apparemment remarquable. |
36 075 Jeudi 16 janvier 2020 : de S’Ena s’Thomes à OLBIA (111 km)
Excellent sommeil, après que les chiens des fermes voisines eussent cessé de manifester leur réaction à mon intrusion… Levé à 8:00 avec le soleil, j’examine mon environnement joliment campagnard sans rien découvrir du site mégalithique. | Au matin, depuis mon bivouac sur une route vicinale près de S'Ena e' Thomes |
Je reviens alors sur la grande route SP38 et
repère cette fois-ci le panneau et l’indication claire de la
Tombe des géants de S’Ena s’Thomes, une barrière de fer et un
petit espace pour stationner devant. C'était vraiment tout
près, mais invisible dans la nuit noire. Je m’y installe
beaucoup plus à plat pour prendre ma douche et déjeuner, avant
de franchir la clôture.
S'Ena-'e-Thomes : le paysage |
L’environnement naturel commence par me sauter aux yeux : une prairie très verte coupée rase par les moutons qui y pâturent en liberté, un semi de petits rochers gris ou jaunes affleurant, puis un dédale d’arbustes méditerranéens aux feuilles persistantes vert sombre. Leurs arrondis délimitent des petits sentiers sinueux sur lesquels il faut s’engager pour se rapprocher du monument, guidé par de grosses flèches en pierre assemblées à même le sol. |
À distance, un
splendide décor de montagnes assez accusées, à défaut
d’être très hautes, et par dessus tout un grand ciel
d’un bleu intense. Je déambule sans me presser, jouissant de la beauté du site, en même temps stimulé par la curiosité : que vais-je découvrir au bout ? Enfin, au détour du sentier émerge d’abord la partie supérieure d’une haute stèle plate en granit jaunâtre, puis sa partie inférieure percée d’une petite ouverture au niveau du sol. |
S'Ena 'e Thomes : en vue du monument |
S'Ena 'e Thomes : l'exèdre |
Une suite d’autres dalles levées plus basses l’encadrent à droite et à gauche, diminuant vers les extrémités de l’arc. Au centre un espace dégagé, qui devait servir aux cérémonies rituelles. |
En arrière, dans l’axe de la grande stèle centrale servant de façade, un étroit couloir long d’une dizaine de mètres entre des grosses pierres plus rondes et à moitié enfouies dans le sol, surmontées à un mètre et demi par une couverture de très grosses dalles posées à plat sur les côté du couloir et formant plafond. | S'Ena 'e Thomes :
le couloir et la chambre funéraires depuis l'avant
|
S'Ena 'e Thomes : partie découverte du couloir funéraire |
Intérieur du couloir funéraire |
Le monument, qui d’après les photos a déjà dû être parfaitement dégagé, est aujourd’hui assailli par des herbes folles qui lui donnent un sympathique côté romantique… Sépulture collective d’un petit groupe d’hommes de l’Age du Bronze (XVIIIème - XVIème av. J-C.), elle semble avoir été utilisée pour tout le groupe, et non seulement pour quelques notables. De plus l’espace dégagé en avant (exèdre) servait de lieu de culte pour des célébrations des Ancêtres… Tout ceci demeurant assez mystérieux, faute de documents écrits et vu le peu de restes organiques. De toutes façon, voilà une superbe balade en nature qui commence bien ma journée.
TOMBA DI
GIGANTI DI S'ENA ‘E THOMES
Tumbas de los gigantes, Tumba de is gigantis ou - dans certaines parties de la Sardaigne centrale - di gigantinu, sont les noms populaires utilisés pour indiquer les "Tombes des Géants", les monuments funéraires en usage depuis le Bronze moyen (XVIIIème- XVIème siècles av. J.C.). La Tombe des Géants de S'Ena e Thomes a été restaurée en 1977, suite aux incursions constantes des pilleurs de tombes, surtout au centre de l'exèdre. Elle a été construite selon la technique orthostatique avec une stèle centrale incurvée. Elle est composé d'une pièce rectangulaire, délimitée par des dalles verticales enfoncées dans le sol, le toit est plat et il est réalisé à l'aide de grandes dalles de granit, dont trois sont encore en place, tandis que deux autres sont à l'envers. La chambre funéraire est couverte par deux petites dalles qui sont situées à un niveau inférieur à celui de la chambre elle-même. Même si le sol a été complètement détruit par les pilleurs de tombes, il conserve encore les traces d'un pavé de pierre. La tombe a une longueur de 16 mètres et une largeur de 7 mètres. L'EXEDRA est délimité par des plaques orthostatiques qui se réduisent progressivement à partir de la stèle centrale courbée, une énorme stèle qui pèse 7 tonnes et se distingue par sa décoration classique sur son pourtour. À sa base s'ouvre une petite ouverture en forme de porte. Les tombes des géants sont des tombes collectives utilisées pour les enterrements, et dans certaines situations, elles sont bien conservées ; en effet, des ossements humains ont été trouvés tout au long du couloir. On ne sait toujours pas si ces tombes ont été utilisées pour tous les habitants du village ou seulement pour un groupe privilégié. Cependant, il semble y avoir trop d'ossements humains pour penser qu’elles n'ont été utilisées que par un groupe social ou une unité familiale, même si elles ont été utilisées pendant plusieurs générations. Ces tombes doivent également être considérées comme faisant partie des manifestations religieuses nuragiques : l'exèdre est l'espace rituel par excellence destiné aux rites collectifs pour célébrer le culte des ancêtres. (Notice du panneau à l'entrée) |
S'Ena 'e Thomes : la stèle centrale |
Sur la 4 voies SP131 vers Siniscola |
Je décide de
poursuivre mon tour de Sardaigne par la côte en
reprenant la 4 voies rapide et confortable (SP131) qui,
longeant la vallée de la Siniscola, passe au pied du
Mont Senes (863 m) jusqu’au village de Siniscola
où je mettrai à la poste la lettre préparée hier pour la
banque de Caen et irai voir l’église peinte annoncée par
le G.V. Belle route en environnement montagneux, mais facile. |
Une demi-heure plus
tard je suis dans le bourg où je peine un peu à trouver
la Poste, mais me fais guider par un vieil homme auquel
j’ai réussi à faire comprendre mon besoin et qui s’y
rend justement lui aussi. Coup de fil à Denis que je
mets au courant, en le prévenant du délai possible… Quant au village, son centre vieillot est identique à tant d’autres, i.e. assez quelconque et sans intérêt architectural particulier. |
Palabre sur une place de Siniscola |
Chœur de l'église St-Jean-Baptiste de Sinicola |
En revanche les grandes voûtes blanches de l’église San Giovanni Battista ont effectivement été recouvertes de fresques au XIXème, le style en est assez éclectique, mais l’effet décoratif indéniable ; l’ambiance plus chaleureuse que d’habitude en ces lieux souvent trop solennels, voire austères, valait bien les détours au milieu des ruelles... |
La Caletta : piquenique devant la plage |
Je gagnerai maintenant
la mer à La Caletta pour déjeuner sur la plage. Petite
station entièrement nouvelle, elle manque totalement
d’originalité, mais la longue plage est splendide, la
paix y est royale et le soleil brille… En quittant je passe par la pointe San Giovanni où trône sur le rivage, comme à l’accoutumée, l’une des innombrables tours de guet en pierre jaune bâties par les Pisans ou plus tard par les Espagnols pour surveiller l’irruption des Barbaresques. |
Caletta : plage de San Giovanni; au fond les falaises de l'Isola Tavolara |
Je prends un peu de
repos, écris quelques lignes, puis poursuis vers le Capo
Coda Cavallo, puisque les autres villages en bord
de mer (Posada, Budoni, Ottiolu, San Teodoro…) semblent
du même acabit. En revanche les approches du Capo sur des petites routes à peine marquées sur le GPS offrent des vue remarquables : multiples découpes du rivages et reliefs rocheux très massifs en jettent plein la vue. |
L’extrémité du cap a été colonisée par des «resorts» touristiques dont les routes et rues, privées, sont bloquées par des barrières. Heureusement les lieux sont actuellement déserts et plusieurs sont restées ouvertes pour entretien, si bien que je puis m’aventurer plus avant, gagnant ainsi des points de vue magnifiques sur la côte de tous côtés, jusqu’à la pointe Est environnée par la mer. En revanche les plages, privées et uniquement accessibles depuis les maisons, me demeureront inatteignables. | Depuis Capo Coda Cavallo, le Capo Ceraso devant et l'Isola Tavolara à droite |
Le soleil descend déjà, le G.V. ne signale
plus rien de notable d’ici Olbia que je gagnerai directement
par la rapide SP125 en longeant la côte. En passant devant un
grand Auchan en périphérie de la grande ville (60 000 h.) je
recherche (et trouve !) quelques soupes déshydratées dont mon
stock est épuisé : ce n’est pas la variété ni l’originalité
des préparations françaises mais cela conviendra à mes entrées
du soir.
Puis je programme sur le GPS l’Isolotto di Pedone, en plein centre ville près du port de yachts, au-delà du Musée archéologique, où je me poserai ce soir. | Sur le quai d'Olbia (Isolotto di Pedone), les yachts et le musée archéologique |
Olbia : bivouac sur le quai |
Le soleil se couche lorsque je stationne sur le grand stationnement gratuit en plein cœur de l’ancien port où abordèrent les Phéniciens, puis les Grecs, les Carthaginois, les Romains, les Vandales (qui causeront sa ruine en 450 après J-C en y coulant des navires, le rendant impraticable) et les autres conquérants de l’île : Pisans, Gênois, Aragonais.… |
Le musée retrace bien
cette histoire mouvementée avec une belle série de
panneaux - pour une fois fort bien traduits sur
l’application audio remise à la caisse - et l’on y voit
une partie des coques de l’époque romaine (une grande
rareté !) coulées par les Vandales, telles qu’elles ont
été sorties du fond du port et ainsi préservées. |
Musée
archéologique d'Olbia: restes de navires romains
antiques coulés par les Vandales en 450 ap.
J-C
|
Pour le reste, des vitrines assez complètes sinon très riches permettent de suivre l’évolution de cette très ancienne cité qui vécut des siècles de dépression avant de reprendre très récemment au XXème siècle sa progression avec l’essor du tourisme et des échanges avec l'Italie. | Navicella en bronze (1100-800 av. J-C) |
La nuit est tombée lorsque je quitte le grand
bâtiment moderne dont le budget apparemment anémique ne permet
pas le plein développement - plusieurs grandes salles sont
vides en attendant les fonds qui permettront, entre autres
d’exposer d’autres restes de navires romains et de réparer le
système vidéo en panne…
Le coin étant tranquille et à l’écart de la circulation, mon stationnement tout au bout de l’avancée sur le bassin de l’ancien port sera mon bivouac. Il fait encore très doux, je ferme les store vers 19:00, prépare mon souper que je consomme en longue conversation avec Monique qui m’explique les derniers développements de ses dossiers lyonnais… Je charge ensuite les photos de la journée - j’ai réussi à refaire fonctionner mon Lumix FZ200 en branchant et débranchant la batterie à chaque utilisation… - et entreprends la rédaction de ce carnet de route. Mais vaincu par la fatigue, j’abandonne là mes écritures et me couche vers 22:30 dans un silence suffisant pour tomber immédiatement endormi.
36 186 Vendredi 17 janvier 2020 : de OLBIA à CANNIGIONE
(62 km)
Olbia : au matin bivouac au bout du mollo B |
Accueilli au réveil vers 7:45 par le soleil levant, je ne tarde pas à tomber du lit, tandis que le grand blond de son côté, après avoir diffusé une grande lueur rouge sous les nuages, s’évanouit bientôt derrière eux au fur et à mesure de son élévation. La matinée passera ainsi et ce n’est que vers midi que le ciel se dégagera complètement pour faire place à l’habituel et triomphant ciel bleu. |
OLBIA VILLE HEUREUSE
Les premiers à s'installer sur
le site de la ville d'Olbia furent les Phéniciens
vers 750 avant J.-C., pour soutenir leur commerce
avec l'Italie centrale. Vers 630 av. J.-C. la
colonie passa sous le contrôle des Grecs de
Phocaea, à qui elle doit le nom d'Olbia, qui
signifie "ville heureuse". Vers 510 avant J.-C. la
ville entre en possession de Carthage et, en 330
avant J.-C., elle prend la forme d'une ville
hellénistique avec des murs d'enceinte. Une partie
du mur occidental, avec sa porte d'entrée flanquée
de tours, est encore visible dans la Via Torino et
témoigne de l'importance de la colonie punique du
point de vue urbanistique. En 238 av. J.-C., Rome conquiert la Sardaigne et Olbia devient un municipio. C'est là que vivait Atte, la femme libre aimée par Néron, qui s'exila à Olbia après le mariage de Néron avec Poppée. En plus de ses grandes propriétés, Atte était également propriétaire d'une briqueterie, dont la marque Actes Aug [usti] L [iberta] a été retrouvée gravée dans de nombreuses briques dans diverses fouilles. Avec la chute de Rome et la conquête vandale [vers 450 après J.-C.], Olbia entre dans une des périodes les moins heureuses de sa longue histoire. Quelques années après la reconquête de l'île par les troupes byzantines (534 après J.-C.), à la fin du 6ème siècle après J.-C., la ville est connue comme un évêché, mais sous un nouveau nom, Phausiana. En 1113 après J.-C. la ville réapparaît dans les Chroniques de l'histoire avec le nouveau nom de Civita, capitale du Giudicato de Gallura et voit également la reprise des activités dans son port, suite à la suppression de la menace arabe et à l'Alliance avec la République maritime de Pise. Dans cette période de prospérité retrouvée, entre la fin du XIème siècle et le début du XIlème siècle, l'église de San Simplicio a été construite en style romano-pisan, au milieu d'une importante zone de cimetière en dehors des murs de la ville. Au fil du temps, le Giudicato de Gallura perdit de plus en plus son autonomie, passant progressivement sous l'influence de Pise et de la famille Visconti, jusqu'à ce qu'en 1296, à la mort de Nino Visconti, [le même "juge Nin gentil" mentionné par Dante dans la Divine Comédie], il soit confisqué par la puissante République marine. La présence des Pisans entraîna
un nouveau changement de nom de la ville pour
Terra-nova (Terre-Neuve). En 1323 commence la
conquête de la Sardaigne par les Aragonais, et
Terranova est l'une des premières villes à tomber
aux mains des Espagnols, une domination que l'île
entière a dû supporter pendant environ cinq cents
ans. Entrant très tôt dans l'orbite de la
féodalité, la ville fait d'abord partie de la
seigneurie et de la baronnie de Terranova, puis
est élevée au rang de marquisat en 1579. Au cours
de ces siècles, la ville connaît un déclin
inexorable, dû également au manque d'intérêt des
Espagnols pour la partie orientale de l'île. A
l’envasement progressif du Golfe, devenu
inutilisable ou presque, s'ajoute le fléau des
raids de pirates (le raid du Corsaire Dragut en
1553 étant dévastateur pour la ville). Au
lendemain de la grave famine qui a frappé toute
l'île au XVIIème siècle, la ville
comptait 240 habitants à la fin du siècle. Les choses commencèrent à s'améliorer lentement et régulièrement après 1718, lorsque, en vertu du traité de Londres, la Sardaigne passa à Victor Amadeus Il de Savoie en échange de la Sicile qui lui avait été attribuée par les traités d'Utrecht et de Rastadt [1714]. Sous le fascisme, en 1939, il fut décidé de rétablir l'ancien nom d'Olbia, ce qui était de bon augure. La ville a subi les sévères bombardements des Anglo-Américains parce qu'elle était le port le plus important de Sardaigne. Le tournant pour Olbia a commencé dans les années soixante, avec la création de la Côte d'Émeraude, présentée à la Région et à la Municipalité de Sardaigne par le Prince Aga Khan le 22 janvier 1962, avec pour conséquence le développement touristique tourbillonnant de la zone nord-est de la Sardaigne, favorisée par ses beautés naturelles. À l'heure actuelle, Olbia, qui compte environ 70 000 habitants, est le port de passagers le plus fréquenté de Sardaigne et l'un des plus importants ports d'Italie. (Notice dans
le musée) |
|
Je consacre la matinée
à la découverte des quelques monuments dispersés dans
une Olbia sans grandes richesses architecturales. Pas
étonnant, vu son histoire mouvementée et difficile après
son grand rayonnement antique. Au delà du bel édifice "méditerranéen" du Municipio (construit en béton en 1932, mais dans le plus pur style Riviera des années 1850…) la rue Victor Emanuele I sert de principal axe commerçant, ponctué de plusieurs agréables placettes (palmiers, fleurs, fontaine…). |
Olbia : église
San-Paolo
|
Un peu à l’écart je découvre l’église San Paolo (1747) toute en granit assez sévère et flanquée de son campanile; en revanche le décor est assez fourni à l’intérieur, d’inspiration rococo mais sans unité ni caractère bien affirmé. |
Façade de San Simplicio |
Je continue le long de
la rue principale et, après un petit détour, tombe sur
San Simplicio une jolie église romane du XIIème, la plus grande de la
région, la Gallura. Intérieur très sobre, avec pour seul décor quelques chapiteaux sculptés sur les colonnes séparant la nef des deux bas côtés. Plus de caractère ici, mais sans génie… |
Chapiteau de la
nef de San Simplicio
|
Abside de San
Simplicio
|
Et c’est pratiquement tout ce que le touriste
aura à se mettre sous la dent, puisque les restes du mur
punique du IVème av. J-C se
réduisent à une cinquantaine de gros blocs de pierres
équarries sans aucune originalité, si bien que je ne me
donnerai même pas le mal de les chercher…
Je reviens vers le port en reprenant la
Via Victor-Emanuele I, puis en empruntant quelques petites
rues perpendiculaires et parallèles qui présentent, aux
linteaux de leurs maisons basses en granit, des dates
remontant au XVIIème et
XVIIIème.
Piazza Regina
Margherita
Fontaine moderne Piazza Matteotti |
Olbia : rue aux maisons anciennes |
Linteaux de maisons anciennes XVIIIème |
Le soleil réapparait au moment où je retrouve le quai de l'Isolotto di Pedone et, tout au bout derrière le musée, l’Exsis où je me réchauffe un moment, avant de planifier la suite de mon tour. Je commencerai par aller voir le nuraghe de Cabu Abbas, ou nuraghe Riu Mulinu, à 8 km au nord-est d’Olbia. |
Sur la petite route menant au Nuraghe Cabu Abbas |
Il fait
maintenant très beau, le cadre champêtre invite à faire
la pause déjeuner. Je branche aussi l’ordi sur le net
et, en utilisant Google Map, découvre le petit site
nuragique à 3 km à peine, - plus connu sous le
vocable Riu Mulinu - et surtout un chemin pratique pour
l’atteindre. Pointant approximativement le lieu désiré sur le GPS et naviguant ensuite à vue, je rejoins une toute petite route où parfois l’asphalte disparait, mais qui grimpe jusqu’au départ du sentier menant au nuraghe. |
Le panneau raté
au départ...
|
Des flèches me confirment que je suis sur la bonne piste, mais je rate alors le panneau donnant la longueur (600 m), le dénivelé (140 m) et surtout l’état du sentier (chaussures de marche) qui monte droit dans la montagne. Je m’y engage néanmoins et, de peine et de misère, faisant de nombreuses pauses pour retrouver mon souffle et surtout garder un rythme cardiaque raisonnable, je progresse dans la garrigue, choisissant les pierres sur lesquelles poser mes semelles, prenant garde de ne pas glisser, m’élevant pas après pas vers le but toujours plus haut. | Le sentier
malaisé vers le Nuraghe Cabu Abbas
|
Au moins le panorama s’élargit-il au fur et à mesure de ma montée, jusqu’à ce qu’enfin j’aperçoive sur un piton des restes de mur en pierres sèches. | Panorama en
montant vers Nuraghe Cabu-Abbas
|
Au bout du sentier, le mur d'enceinte en pierres sèches autour de la porte (C) |
NURAGHE CABU ABBAS, ÉGALEMENT CONNU SOUS LE NOM DE RIU MULINU Ce monument, qui date peut-être
de 1400 avant J.-C., consiste en un grand mur
circulaire (A) avec deux entrées opposées (B et
C), qui renferme un grand espace dans lequel se
trouve un petit nuraghe. Le nuraghe n'a qu'une
seule tour (D) et son plan est canonique :
entrée, marches menant à l'étage supérieur
(qui n'existe plus), pièce avec deux niches et un
petit puits étroit qui servait peut-être de
réserve de nourriture. Le nuraghe est aussi plus
directement entouré d'autres les structures
(murs). (E) Les dimensions massives du mur
circulaire (A), en hauteur comme en épaisseur, et
les dimensions inhabituellement petites du nuraghe
font de ce complexe monumental une véritable
rareté parmi les 7000 nuraghi de Sardaigne. Lors des fouilles de 1939, on a
trouvé, entre autres objets, des bronzes : une
femme portant un vase sur la tête («La
Porteuse d'eau»), des couteaux miniatures,
une petite faucille. La dégradation de la structure après 1939 a été causée par les agents climatiques qui ont ruiné le mur fragile, construit selon la méthode de l'opera a sacco, qui consiste à construire une muraille avec deux murs extérieurs en maçonnerie séparés par un noyau rempli de gravats. Ce monument a parfois été
considéré à tort comme un château médiéval,
mais il n'y a aucune preuve d'une telle construction
dans cette région. (Notice apposée à côté du
plan ci-dessous au départ de la balade) |
Statuette de
bronze «La porteuse d'eau» (1400 av. J-C)
trouvée au fond du puits dans le nuraghe exposée au Musée archéologique de Cagliari |
La tour du nuraghe au grand angle (Photo Google) : les deux niches et le puits servant de réserve (à gauche) au premier plan l'amorce de l'escalier montant à la terrasse supérieure |
Depuis le
Nuraghe Cabu Abbas, la vue vers la mer
|
Les vestiges, bien
que lisibles, sont modestes mais le lieu est splendide
et la vue extraordinairement étendue sur tous les
environs. Voilà qui valait bien l’effort ! |
Descente précautionneuses - mes chevilles ! - mais nettement moins souffrante... Je retrouve l’Exsis quelques centaines de mètres plus bas avec soulagement… Plein d’eau sur la fontaine providentielle, pure source de montagne garantie !
***
Sous la magnifique lumière qui commence déjà
à jaunir je m'engage alors dans le tour de la Costa Esmeralda
proposé par le G.V.. La côte, rocheuse et très découpée,
bordée d’une multitude d’îles et d’îlots, a été littéralement
colonisée de façon très planifiée par un groupe de
capitalistes (l'Aga Khan en tête !) qui ont développé stations
balnéaires, hôtels et villas de luxe, accompagnés de
restaurants et boîtes de nuit.
Bref tout l’arsenal indispensable pour
polluer irrémédiablement une côte jusque là presque déserte,
connue seulement des pêcheurs qui y avaient aménagés des
petits ports fort modestes. On en a fait un St-Tropez sarde,
particulièrement au plus gros, au plus riche, à Porto Cervo où
je m’arrête quelques minute devant le port de yachts, après
avoir traversé Portisco, le golfe de Cugnana, et avant Cala
Liscia et Baia Sardinia…
Il reste qu’à l’extérieur de ces «résidences de rêve» pour Européens fortunés, l’essentiel de la campagne, une garrigue accidentée et très rocheuse, semble avoir été assez bien préservée. Sitôt sorti de ces agglomérations léchées de grandes villas et de vastes marinas, on retrouve un environnement assez sauvage et resté à son état naturel. |
Le vent frais qui se lève et l’obscurité qui tombe me ramènent au bercail bien chauffé; j’en profiterai pleinement car le vent du nord-ouest s’établit pour de bon, faisant vibrer les haubans des nombreux voiliers devant moi. Leurs hurlements me réveilleront d’ailleurs dès l’aube, tandis que je sommeillerai doucement enroulé dans ma couette jusqu’à l’aurore un peu avant 8:00. | Exsis pointe son nez à travers les bateaux du port |
Bivouac sur le port de Cannigione |
Lever passé 8:00, je veux souffler un peu après ma journée d’hier assez active et laisser s’estomper mes courbatures… Le ciel est variable : d’un côté un grand ciel bleu, de l’autre de gros bancs de nuages gris poussés par le violent vent d’ouest, si bien que le soleil brille par moments, disparait puis revient… « Belles éclaircies avec vent d’ouest à 50 km/h, température de 13° avec max à 15°», annonce la météo. Finalement l’ensoleillement sera suffisant pour remettre à niveau la batterie et permettre quelques photos agréablement lumineuses. |
Petit tour au cœur du village pour commencer. Oh, le centro storico se réduit à peu de chose : les quelques rues autour de l’église ont été complètement reconstruites, l’église elle-même ne doit pas avoir plus d’une cinquantaine d’années… mais au moins son architecture s’apparente-t-elle au style local (surfaces en pierres taillées assemblées à sec, forme rectangulaire comme il se doit, haut campanile étroit sur le côté). | Cannigione : la rue menant à l'église |
Nef de l'église de Cannigione |
L’intérieur, comme
blanchi à la chaux, est très sobre, le statuaire réduit
et de qualité, et quelques vitraux modernes jettent des
couleurs vives qui égaient l’ensemble. Fonts baptismaux originaux, mais sans outrance. |
Le grand Crucifix d'autel de l'église de Cannigione |
Fonts baptismaux de l'église de Cannigione |
Je poursuis ma découverte des quelques rues
avoisinantes où, à côté des sempiternels restaurants et bars,
quelques boutiques de fripes aux prétentions chic attendent -
malgré la morte saison - une clientèle problématique… Encore
quelques boutiques de souvenirs, à peine moins atroces que
d’habitude, et me revoilà sur le port où je découvre la seule
vraie maison basse de pêcheur toujours debout, et encore
est-elle en rénovations et agrandissements qui lui ôteront une
partie de son cachet… En revanche le panorama, lui, est
toujours aussi séduisant, avec son ouverture vers le large et
les Îles de la Maddalena, surtout lorsque des coups de lumière
dispensés par le soleil entre les nuages avivent les couleurs
de l’eau émeraude, des rochers gris ou jaunes et de la
végétation vert sombre.
Un examen rapide du
muret qui clôt le vaste espace du parc archéologique ne
tarde pas à me montrer un endroit où quelques pierres
manquent, le grillage et surtout le barbelé ont disparu,
et comme par hasard une grosse pierre opportunément
placée peut servir de marche-pied... Personne dans les environs (je suis en pleine cambrousse), ni une ni deux je fais le pas et me retrouve dans une pinède en cours d’exploitation, marche une centaine de mètres en zigzagant entre les buissons… et débouche sur le monument. |
L'exèdre de la Tomba di giganti 'Li Lolghi |
TOMBE DE GÉANTS DE ‘LI LOLGH La tombe des Géants de Li Lolghi
est une sépulture collective de l’époque
nuragique. Elle fut bâtie en deux phases
différentes. Autour de 1800 av. J-C., on
construisit une tombe formée d’un dolmen allongé,
à l’origine couvert par un monticule de terre et de
pierres. Plus tard, entre 1600 et 1400 av. J-C, les
populations nuragiques ajoutèrent un long couloir
sépulcral, plus en bas par rapport à la partie
originelle. Il se termine par un édicule à deux
étages qui, probablement, devait contenir les
offrandes des participants aux cérémonies.
A la même époque fut ajoutée une exèdre, l’élément caractéristique des Tombes de géants. Il s’agit d’un espace semi-circulaire délimité par des dalles de pierre de hauteur dégressive fichées verticalement en terre. Au centre, une grande stèle cintrée monolithique symbolise ‘la porte de l’au-delà”, à la base de laquelle se trouve une petite porte pour introduire les offrandes destinées aux morts. Toute la partie postérieure de l’exèdre fut incluse dans un grand tumulus (un monticule) de terre et pierres d’une longueur totale de 27 m. et dont on peut encore voir les restes. Les fouilles du monument ont mis à jour de nombreuses trouvailles, surtout en céramique, utilisées, peut-être, pour faire des offrandes de nourriture pendant un banquet donné en honneur des ancêtres. Les Tombes des géants étaient des lieux de culte en l’honneur des ancêtres, mais aussi des symboles de possession et de contrôle du territoire, comme on peut facilement l’imaginer en regardant la grandeur de ces monuments. À environ 1500 m du monument se trouve un Nuraghe entouré d’un grand village. (Notice apposée à côté de la barrière du site avec le plan ci-joint) |
Le monument a été très bien préservé et mis en valeur, et j’y retrouve les caractéristiques propres à ces tombes collectives de l’Âge du Bronze (1800 à 1400 av. J-C) : en avant un exèdre semi-circulaire limité par quelques grande pierres plates levées de taille dégressive, de chaque côté d’une stèle centrale plus haute (2 m 50). |
En arrière et dans
l’axe, le couloir menant à la chambre funéraire
collective, recouvert de grosses dalles de pierres
plates, autrefois recouverts de petites pierres et de
terre en tumulus de 27 m de long. En bas de la stèle centrale, une petite ouverture en forme de porte, de 40 à 50 cm de haut, servait à «passer» les offrandes qu’on y déposait lors de cérémonies aux défunts, lors de banquets rituels probablement pour se concilier leurs faveurs comme dans la plupart des cultes animistes. |
'Li Lolghi :
l'allée funéraire centrale à travers le portillon
en bas de la grande stèle
|
Tomba di Giganti 'Li Lolghi : le couloir funéraire et la chambre mortuaire surélevée depuis la grande stèle |
'Li Lolghi : la grande stèle centrale et son portillon par lequel on passait des offrandes destinées aux Anciens |
Tombe de géants de Coddu Ecchju depuis la billetterie |
Cette fois-ci la billetterie est ouverte et je règle dûment les frais d’admission de 4€. On m'ouvre la barrière (je suis le seul visiteur…) donnant accès à la petite clairière où je contemple le même type de monument, encore plus grand (stèle centrale haute de 4 m) et surtout mieux dégagé et en meilleur état. |
Coddu Ecchju : l'exèdre et la grande stèle centrale |
Coddu Ecchju : les dalles recouvrant le couloir vu de l'arrière |
Golfo di Azarchena depuis la petite route suivant la côte |
Décidant de poursuivre mon tour du nord de l’île après cette petite incursions dans les terres, je retourne à Cannigione où je retrouve la mer, et suis la route côtière vers le nord-ouest puis vers l’ouest. Je passe sans m’arrêter dans les ex-ports devenus des stations balnéaires sans attrait pour moi, admirant surtout les perspectives sur les anses et les rochers plus ou moins sculptés par l’érosion. |
Au Capo di Orso je tente une petite promenade pour monter jusqu'à la «statue» de l’ours, mais le sentier est barré au cadenas sans possibilité de ses faufiler dans ces lieux clôturés très habités et assez chics. | Capo d'Orso : l'ours |
Golfo delle Saline |
Sur des petites routes privées abondamment pourvues en panneaux «passage prohibé», «interdit au camping-car», je descends néanmoins jusqu’au bord de l’eau, pour de belles échappées sur le Golf delle Salline sous le soleil du soir. |
Ensuite je file le
plus souvent hors de vue de l’eau et dans une belle
garrigue mouvementée jusqu’à l’étape que je me suis
fixé pour ce soir, Santa Teresa Gallura, sur une
pointe d’où part un petit ferry pour Bonifacio. Je me rends jusqu’au bout de la petite ville, sur une belle esplanade récemment aménagée, avec vue à 180° sur les Bocce di Bonifacio. On aperçoit très bien la côte corse et ses blanches falaises, ainsi que les montagnes de l’arrière-pays couvertes de neige avec, au premier plan de ce côté-ci, la Torre di Longosado construite au XVIème par les Aragonais. |
Santa Teresa Gallura : la Torre di Longosardo et la Corse au matin |