SARDAIGNE

Janvier 2020

Jean-Paul en solo à bord de l'Exsis


Photos pleine grandeur et en diaporama sur Google Photo :
 https://photos.app.goo.gl/pQBgfg6M2wWJsUBu7


SIXIÈME PARTIE

De Orosei à Santa Teresa Gallura

Itinéraire du voyage





36 003    Mercredi 15 janvier 2020 : d’OROSEI à S’Ena s’Thomes (ORGALI) (72 km)

Marina-di-Orosei : Exsis devant la plage
Marina di Orosei : Exsis devant la plage

Nuit passable, je ne me suis pas réveillé avant 7:30 malgré le début de circulation autour de moi. J'endure un moment, mais à 8:30 décide de gagner la plage 3 km plus loin.

Là, dans le grand soleil et devant le sable, je prendrai un long moment pour mettre à jour mes affaires, scanner plusieurs documents dont je veux me débarrasser, imprimer lettres et formulaires, etc. ... et souffler un peu.

Marina di Orosei : Exsis derriere la dune
Marina di Orosei : Exsis sur la dune

Marina-di-Orosei-la-plage
Marina di Orosei : la plage
Dans une paix royale je vaque à mes affaires sans trop voir le temps passer. Je finis par arriver au bout, range le matériel (scanner et imprimante) et, vers 16:00, commence à regarder vers où tourner mes roues.

Une rapide consultation du G.V. suggère une autre incursion à l’intérieur de la Sardaigne, en son centre nord, i.e. du côté de Nuoro, une petite ville qui semble active et pleine d’intérêt, avec entre autres un beau musée archéologique qui expose les pièces trouvées dans les environs. Ce n'est qu'une quarantaine de kilomètres sur des bonnes routes, j’aurai encore le temps de les parcourir et de découvrir en partie la ville avant le crépuscule. Je suis effectivement assez vite rendu, et commence par passer à l’Information touristique pour quérir un plan du centre historique.

Accueil fort aimable de l’hôtesse qui, attentive à mes intérêts, m’annonce que le Musée archéologique est fermé pour rénovations… En revanche elle me sort une grande carte touristique de la Sardaigne où figure en bonne place la Tomba dei Giganti de S’Ena e’Thomes, à 24 km du centre ville. Je retiens sa suggestion, mais consacrerai d’abord ce début de soirée à un petit tour de découverte nocturne du Nuoro urbain.

La petite ville est assez soignée et je parcourrai tout au long les 2 rues principales (Via Roma et via Garibaldi) qui relient les 3 quartiers anciens de la cité. Animation commerçante d’assez bon goût (Monique apprécierait les boutiques de vêtement et d’accessoires), mais les vieilles façades manquent de chic et de caractère, formant au bout du compte un décor assez disparate et quelconque. Le cathédrale, milieu XIXème, est pâle et sans saveur, dépourvue d'élégance et d'originalité. Nuoro-nef-de-la-cathedrale
Nef de la cathédrale de Nuoro, en néo-roman sans beaucoup d'inspiration...

Le Musée archéologique est fermé, tandis que le Musée ethnographique (costumes et autres accessoires de la vie populaire des derniers siècles), également étoilé par le Michelin, ne me tente pas vraiment… Reste le plaisir de déambuler dans le labyrinthe de ruelles en tâchant de m’y retrouver sur mon plan, jusqu’à ce que, la fraîcheur s’accentuant, je reprenne le chemin de la rue étroite et pentue où j’ai casé l’Exsis.

Pas  question de dormir en ville, vu le bruit, la circulation et la difficulté d’y trouver un espace plan. Je me rendrai plutôt dans la nuit jusqu’au site de la Tombe de géant de S'Ena e' Thomes pour y dormir sur le petit stationnement mentionné par l’hôtesse. Je peine un bon moment à repérer sur le GPS le lieu indiqué sur l’extrait de la carte d’État major, mais finis par recoupements à situer l’emplacement probable du site (je n’ai pas encore pensé à utiliser la version satellite de Google Maps !). Me voilà donc en route, dévalant à nouveau la colline, puis filant sur la 4 voies SP 131 pour une dizaine de km, avant de sortir sur la SP38 sud, à l’affut d’un petit panneau brun et d’une route vicinale indiquant mon but.

Localisation Google de S'Ena e'Thomes
Localisation Google a posteriori de S'Ena e'Thomes
Dans la lumière des phares la recherche est malaisée, il me semble bien avoir repéré un panneau illustrant une tombe de géants, puis la route rurale est bien là, mais au bout de quelques centaines de mètre je ne vois aucune autre indication ni même un stationnement.

Vu l’obscurité maintenant complète, j’abandonne là ma quête pour ce soir, me gare sur un espace libre mais un peu pentu au bord du chemin (40°22'32.2"N 9°31'07.8"E  -- 40.375604, 9.518833) et remets à demain la découverte de cet autre site apparemment remarquable. 

Il est passé 19:00, le temps est venu de souper, de compléter le carnet de route, puis de me coucher avec un autre bon roman, dans le grand silence de la campagne.

36 075    Jeudi 16 janvier 2020 : de S’Ena s’Thomes à OLBIA (111 km)

Excellent sommeil, après que les chiens des fermes voisines eussent cessé de manifester leur réaction à mon intrusion… Levé à 8:00 avec le soleil, j’examine mon environnement joliment campagnard sans rien découvrir du site mégalithique. Bivouac-pres-de-S'Ena_e-Thomes
Au matin, depuis mon bivouac sur une route vicinale près de S'Ena e' Thomes

Je reviens alors sur la grande route SP38 et repère cette fois-ci le panneau et l’indication claire de la Tombe des géants de S’Ena s’Thomes, une barrière de fer et un petit espace pour stationner devant. C'était vraiment tout près, mais invisible dans la nuit noire. Je m’y installe beaucoup plus à plat pour prendre ma douche et déjeuner, avant de franchir la clôture.

S'Ena-'e-Thomes-paysage
S'Ena-'e-Thomes : le paysage
L’environnement naturel commence par me sauter aux yeux : une prairie très verte coupée rase par les moutons qui y pâturent en liberté, un semi de petits rochers gris ou jaunes affleurant, puis un dédale d’arbustes méditerranéens aux feuilles persistantes vert sombre. Leurs arrondis délimitent des petits sentiers sinueux sur lesquels il faut s’engager pour se rapprocher du monument, guidé par de grosses flèches en pierre assemblées à même le sol. 

À distance, un splendide décor de montagnes assez accusées, à défaut d’être très hautes, et par dessus tout un grand ciel d’un bleu intense.

 Je déambule sans me presser, jouissant de la beauté du site, en même  temps stimulé par la curiosité : que vais-je découvrir au bout ? Enfin, au détour du sentier émerge d’abord la partie supérieure d’une haute stèle plate en granit jaunâtre, puis sa partie inférieure percée d’une petite ouverture au niveau du sol.
S'Ena 'e Thomes : en vue du monument
S'Ena 'e Thomes : en vue du monument

S'Ena 'e Thomes : l'exèdre
S'Ena 'e Thomes : l'exèdre

 Une suite d’autres dalles levées plus basses l’encadrent à droite et à gauche, diminuant vers les extrémités de l’arc. Au centre un espace dégagé, qui devait servir aux cérémonies rituelles.

Reconstruction virtuelle de l'exèdre
Reconstruction virtuelle de l'exèdre

En arrière, dans l’axe de la grande stèle centrale servant de façade, un étroit couloir long d’une dizaine de mètres entre des grosses pierres plus rondes et à moitié enfouies dans le sol, surmontées à un mètre et demi par une couverture de très grosses dalles posées à plat sur les côté du couloir et formant plafond. S'Ena-'e-Thomes-chambre-funeraire
S'Ena 'e Thomes : le couloir et la chambre funéraires depuis l'avant

S'Ena-'e-Thomes : le couloir funériare découvert
S'Ena 'e Thomes : partie découverte du couloir funéraire
S'Ena-'e-Thomes-interieur-du-couloir
Intérieur du couloir funéraire

S'Ena-'e-Thomes vu de l'arrière
S'Ena 'e Thomes:  le couloir funéraire recouvert  et la grande stèle vu de l'arrière

Le monument, qui d’après les photos a déjà dû être parfaitement dégagé, est aujourd’hui assailli par des herbes folles qui lui donnent un sympathique côté romantique… Sépulture collective d’un petit groupe d’hommes de l’Age du Bronze (XVIIIème - XVIème av. J-C.), elle semble avoir été utilisée pour tout le groupe, et non seulement pour quelques notables. De plus l’espace dégagé en avant (exèdre) servait de lieu de culte pour des célébrations des Ancêtres… Tout ceci demeurant assez mystérieux, faute de documents écrits et vu le peu de restes organiques. De toutes façon, voilà une superbe balade en nature qui commence bien ma journée.

S'Ena 'e Thomes ; l'aire céreémonielle
S'Ena 'e Thomes : l'aire cérémonielle

TOMBA DI GIGANTI DI S'ENA ‘E THOMES

Tumbas de los gigantes, Tumba de is gigantis ou - dans certaines parties de la Sardaigne centrale - di gigantinu, sont les noms populaires utilisés pour indiquer les "Tombes des Géants", les monuments funéraires en usage depuis le Bronze moyen (XVIIIème- XVIème siècles av. J.C.). 

La Tombe des Géants de S'Ena e Thomes a été restaurée en 1977, suite aux incursions constantes des pilleurs de tombes, surtout au centre de l'exèdre. Elle a été construite selon la technique orthostatique avec une stèle centrale incurvée. Elle est composé d'une pièce rectangulaire, délimitée par des dalles verticales enfoncées dans le sol, le toit est plat et il est réalisé à l'aide de grandes dalles de granit, dont trois sont encore en place, tandis que deux autres sont à l'envers. La chambre funéraire est couverte par deux petites dalles qui sont situées à un niveau inférieur à celui de la chambre elle-même. Même si le sol a été complètement détruit par les pilleurs de tombes, il conserve encore les traces d'un pavé de pierre. La tombe a une longueur de 16 mètres et une largeur de 7 mètres. L'EXEDRA est délimité par des plaques orthostatiques qui se réduisent progressivement à partir de la stèle centrale courbée, une énorme stèle qui pèse 7 tonnes et se distingue par sa décoration classique sur son pourtour. À sa base s'ouvre une petite ouverture en forme de porte.

Les tombes des géants sont des tombes collectives utilisées pour les enterrements, et dans certaines situations, elles sont bien conservées ; en effet, des ossements humains ont été trouvés tout au long du couloir. On ne sait toujours pas si ces tombes ont été utilisées pour tous les habitants du village ou seulement pour un groupe privilégié. Cependant, il semble y avoir trop d'ossements humains pour penser qu’elles n'ont été utilisées que par un groupe social ou une unité familiale, même si elles ont été utilisées pendant plusieurs générations. Ces tombes doivent également être considérées comme faisant partie des manifestations religieuses nuragiques : l'exèdre est l'espace rituel par excellence destiné aux rites collectifs pour célébrer le culte des ancêtres.

(Notice du panneau à l'entrée)

S'Ena-'e-Thomes-la-stele-centrale
S'Ena 'e Thomes : la stèle centrale


Sur la 4 voies vers Siniscola
Sur la 4  voies SP131 vers Siniscola
Je décide de poursuivre mon tour de Sardaigne par la côte en reprenant la 4 voies rapide et confortable (SP131) qui, longeant la vallée de la Siniscola, passe au pied du Mont Senes (863 m)  jusqu’au village de Siniscola où je mettrai à la poste la lettre préparée hier pour la banque de Caen et irai voir l’église peinte annoncée par le G.V.

Belle route en environnement montagneux, mais facile.
Une demi-heure plus tard je suis dans le bourg où je peine un peu à trouver la Poste, mais me fais guider par un vieil homme auquel j’ai réussi à faire comprendre mon besoin et qui s’y rend justement lui aussi. Coup de fil à Denis que je mets au courant, en le prévenant du délai possible…

Quant au village, son centre vieillot est identique à tant d’autres, i.e. assez quelconque et sans intérêt architectural particulier.
Siniscola-palabre-sur-la-place
 Palabre sur une place de Siniscola

Chiesa San Giovanni-Battista de Siniscola
Chœur de l'église St-Jean-Baptiste de Sinicola
En revanche les grandes voûtes blanches de l’église San Giovanni Battista ont effectivement été recouvertes de fresques au XIXème, le style en est assez éclectique, mais l’effet décoratif indéniable ; l’ambiance plus chaleureuse que d’habitude en ces lieux souvent trop solennels, voire austères, valait bien les détours au milieu des ruelles...

Coupole de San-Giovanni-Battista
Coupole de San Giovanni Battista

Fresques sur la voute de St-Jean-Baptiste de Siniscola
Fresques sur la voute de San Giovanni Battista de Siniscola

Plage-de-La-Caletta
La Caletta : piquenique devant la plage
Je gagnerai maintenant la mer à La Caletta pour déjeuner sur la plage. Petite station entièrement nouvelle, elle manque totalement d’originalité, mais la longue plage est splendide, la paix y est royale et le soleil brille…

En quittant je passe par la pointe San Giovanni où trône sur le rivage, comme à l’accoutumée, l’une des innombrables tours de guet en pierre jaune bâties par les Pisans ou plus tard par les Espagnols pour surveiller l’irruption des Barbaresques.

La Caletta : Torre de San-Giovanni
La Caletta : Torre de San Giovanni

Caletta : plage de San Giovanni
Caletta : plage de San Giovanni; au fond les falaises de l'Isola Tavolara
Je prends un peu de repos, écris quelques lignes, puis poursuis vers le Capo Coda Cavallo,  puisque les autres villages en bord de mer (Posada, Budoni, Ottiolu, San Teodoro…) semblent du même acabit.

En revanche les approches du Capo sur des petites routes à peine marquées sur le GPS offrent des vue remarquables : multiples découpes du rivages et reliefs rocheux très massifs  en jettent plein la vue. 

L’extrémité du cap a été colonisée par des «resorts» touristiques dont les routes et rues, privées, sont bloquées par des barrières. Heureusement les lieux sont actuellement déserts et plusieurs sont restées ouvertes pour entretien, si bien que je puis m’aventurer plus avant, gagnant ainsi des points de vue magnifiques sur la côte de tous côtés, jusqu’à la pointe Est environnée par la mer. En revanche les plages, privées et uniquement accessibles depuis les maisons, me demeureront inatteignables. Depuis Capo Coda Cavallo le Capo Ceraso et l'Isola
              Tavolara
Depuis Capo Coda Cavallo, le Capo Ceraso devant et l'Isola Tavolara à droite

Capo Coda Cavallo
 Capo Coda Cavallo depuis le « resort»

Isola-Tavolara-depuis-Capo-Coda -Cavallo
Isola Tavolara (au fond) et Isola Molara (à droite) depuis Capo Coda Cavallo

Le soleil descend déjà, le G.V. ne signale plus rien de notable d’ici Olbia que je gagnerai directement par la rapide SP125 en longeant la côte. En passant devant un grand Auchan en périphérie de la grande ville (60 000 h.) je recherche (et trouve !) quelques soupes déshydratées dont mon stock est épuisé : ce n’est pas la variété ni l’originalité des préparations françaises mais cela conviendra à mes entrées du soir.

Puis je programme sur le GPS l’Isolotto di Pedone, en plein centre ville près du port de yachts, au-delà du Musée archéologique, où je me poserai ce soir. Olbia-port-de-plaisance-et-musee-archeologique
Sur le quai d'Olbia (Isolotto di Pedone), les yachts et le musée archéologique

Olbia-bivouac-sur-le-quai
Olbia : bivouac sur le quai

Le soleil se couche lorsque je stationne sur le grand stationnement gratuit en plein cœur de l’ancien port où abordèrent les Phéniciens, puis les Grecs, les Carthaginois, les Romains, les Vandales (qui causeront sa ruine en 450 après J-C en y coulant des navires, le rendant impraticable) et les autres conquérants de l’île : Pisans, Gênois, Aragonais.…

extension-des-Pheniciens,-Grecs,-Etrusques

Dans le Musée archéologique, l'extension des Phéniciens, Grecs et Étrusques en Méditerranée


Le musée retrace bien cette histoire mouvementée avec une belle série de panneaux - pour une fois fort bien traduits sur l’application audio remise à la caisse - et l’on y voit une partie des coques de l’époque romaine (une grande rareté !) coulées par les Vandales, telles qu’elles ont été sorties du fond du port et ainsi préservées.
Musée archéologique d'Olbia: restes de navires
              romains antiques 450-ap.JC
Musée archéologique d'Olbia: restes de navires romains antiques coulés par les Vandales en 450  ap. J-C

Musée archéologique d'Olbia: restes de navires romains
        antiques 450-ap.JC
Coque et membrures de navire romain

Une grande maquette permet aussi de se faire une idée de l'apparence du port à cette époque, ainsi que des navires qui venaient accoster à ses quais.

Maquette du port romain avec ses bâtimenst et ses quais

Maquette du port romain d'Olbia avec ses bâtiments, ses temples et ses quais au IVème s. ap. J-C

Les quais romains d'Olbia au IVème s. ap.J-C

Navire marchand romain du IVème s. ap. J-C
Navire marchand romain du IVème s. ap. J-C à quai
Maquette-de-navire-marchand-dans-le-port-d'Olbia
Maquette de navire marchand échoué dans le port d'Olbia

Musee archéologique d'Olbia : maquette de navire de guerre
Musée archéologique d'Olbia : maquette de navire de guerre romain (birème)

Pour le reste, des vitrines assez complètes sinon très riches permettent de suivre l’évolution de cette très ancienne cité qui vécut des siècles de dépression avant de reprendre très récemment au XXème siècle sa progression avec l’essor du tourisme et des échanges avec l'Italie. Olbia-Musee-archeologique-Navicella-en-bronze-1100-800-av,JC
Navicella en bronze (1100-800 av. J-C)

Ancre primitive en pierre
Ancre primitive en pierre
Amphores puniques
Amphores puniques

La nuit est tombée lorsque je quitte le grand bâtiment moderne dont le budget apparemment anémique ne permet pas le plein développement - plusieurs grandes salles sont vides en attendant les fonds qui permettront, entre autres d’exposer d’autres restes de navires romains et de réparer le système vidéo en panne…

Le coin étant tranquille et à l’écart de la circulation, mon stationnement tout au bout de l’avancée sur le bassin de l’ancien port sera mon bivouac. Il fait encore très doux, je ferme les store vers 19:00, prépare mon souper que je consomme en longue conversation avec Monique qui m’explique les derniers développements de ses dossiers lyonnais… Je charge ensuite les photos de la journée - j’ai réussi à refaire fonctionner mon Lumix FZ200 en branchant et débranchant la batterie à chaque utilisation… - et entreprends la rédaction de ce carnet de route. Mais vaincu par la fatigue, j’abandonne là mes écritures et me couche vers 22:30 dans un silence suffisant pour tomber immédiatement endormi.


36 186 Vendredi 17 janvier 2020 : de OLBIA à CANNIGIONE (62 km)

Olbia : bivouac au bout du molo B
Olbia : au matin bivouac au bout du mollo B
Accueilli au réveil vers 7:45 par le soleil levant, je ne tarde pas à tomber du lit, tandis que le grand blond de son côté, après avoir diffusé une grande lueur rouge sous les nuages, s’évanouit bientôt derrière eux au fur et à mesure de son élévation. La matinée passera ainsi et ce n’est que vers midi que le ciel se dégagera complètement pour faire place à l’habituel et triomphant ciel bleu.

Olbia-les-pecheurs-a-la-ligne-et-la-ville
Olbia : sur le quai les pêcheurs à la ligne, au fond la ville


OLBIA VILLE HEUREUSE

Les premiers à s'installer sur le site de la ville d'Olbia furent les Phéniciens vers 750 avant J.-C., pour soutenir leur commerce avec l'Italie centrale. Vers 630 av. J.-C. la colonie passa sous le contrôle des Grecs de Phocaea, à qui elle doit le nom d'Olbia, qui signifie "ville heureuse". Vers 510 avant J.-C. la ville entre en possession de Carthage et, en 330 avant J.-C., elle prend la forme d'une ville hellénistique avec des murs d'enceinte. Une partie du mur occidental, avec sa porte d'entrée flanquée de tours, est encore visible dans la Via Torino et témoigne de l'importance de la colonie punique du point de vue urbanistique.

En 238 av. J.-C., Rome conquiert la Sardaigne et Olbia devient un municipio. C'est là que vivait Atte, la femme libre aimée par Néron, qui s'exila à Olbia après le mariage de Néron avec Poppée. En plus de ses grandes propriétés, Atte était également propriétaire d'une briqueterie, dont la marque Actes Aug [usti] L [iberta] a été retrouvée gravée dans de nombreuses briques dans diverses fouilles.

Avec la chute de Rome et la conquête vandale [vers 450 après J.-C.], Olbia entre dans une des périodes les moins heureuses de sa longue histoire. Quelques années après la reconquête de l'île par les troupes byzantines (534 après J.-C.), à la fin du 6ème siècle après J.-C., la ville est connue comme un évêché, mais sous un nouveau nom, Phausiana. En 1113 après J.-C. la ville réapparaît dans les Chroniques de l'histoire avec le nouveau nom de Civita, capitale du Giudicato de Gallura et voit également la reprise des activités dans son port, suite à la suppression de la menace arabe et à l'Alliance avec la République maritime de Pise. Dans cette période de prospérité retrouvée, entre la fin du XIème siècle et le début du XIlème siècle, l'église de San Simplicio a été construite en style romano-pisan, au milieu d'une importante zone de cimetière en dehors des murs de la ville. Au fil du temps, le Giudicato de Gallura perdit de plus en plus son autonomie, passant progressivement sous l'influence de Pise et de la famille Visconti, jusqu'à ce qu'en 1296, à la mort de Nino Visconti, [le même "juge Nin gentil" mentionné par Dante dans la Divine Comédie], il soit confisqué par la puissante République marine.

La présence des Pisans entraîna un nouveau changement de nom de la ville pour Terra-nova (Terre-Neuve). En 1323 commence la conquête de la Sardaigne par les Aragonais, et Terranova est l'une des premières villes à tomber aux mains des Espagnols, une domination que l'île entière a dû supporter pendant environ cinq cents ans. Entrant très tôt dans l'orbite de la féodalité, la ville fait d'abord partie de la seigneurie et de la baronnie de Terranova, puis est élevée au rang de marquisat en 1579. Au cours de ces siècles, la ville connaît un déclin inexorable, dû également au manque d'intérêt des Espagnols pour la partie orientale de l'île. A l’envasement progressif du Golfe, devenu inutilisable ou presque, s'ajoute le fléau des raids de pirates (le raid du Corsaire Dragut en 1553 étant dévastateur pour la ville). Au lendemain de la grave famine qui a frappé toute l'île au XVIIème siècle, la ville comptait 240 habitants à la fin du siècle.

Les choses commencèrent à s'améliorer lentement et régulièrement après 1718, lorsque, en vertu du traité de Londres, la Sardaigne passa à Victor Amadeus Il de Savoie en échange de la Sicile qui lui avait été attribuée par les traités d'Utrecht et de Rastadt [1714]. Sous le fascisme, en 1939, il fut décidé de rétablir l'ancien nom d'Olbia, ce qui était de bon augure. La ville a subi les sévères bombardements des Anglo-Américains parce qu'elle était le port le plus important de Sardaigne. Le tournant pour Olbia a commencé dans les années soixante, avec la création de la Côte d'Émeraude, présentée à la Région et à la Municipalité de Sardaigne par le Prince Aga Khan le 22 janvier 1962, avec pour conséquence le développement touristique tourbillonnant de la zone nord-est de la Sardaigne, favorisée par ses beautés naturelles. À l'heure actuelle, Olbia, qui compte environ 70 000 habitants, est le port de passagers le plus fréquenté de Sardaigne et l'un des plus importants ports d'Italie.

(Notice dans le musée)


Olbia-le-Municipio
Olbia : le Municipio

Je consacre la matinée à la découverte des quelques monuments dispersés dans une Olbia sans grandes richesses architecturales. Pas étonnant, vu son histoire mouvementée et difficile après son grand rayonnement antique.

Au delà du bel édifice "méditerranéen" du Municipio (construit en béton en 1932, mais dans le plus pur style Riviera des années 1850…) la rue Victor Emanuele I sert de principal axe commerçant, ponctué de plusieurs agréables placettes (palmiers, fleurs, fontaine…).

Olbia : Via Victor-Emanuele I
Olbia : sur la Via Victor-Emanuele I, la principale artère de la ville

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Olbia : église San-Paolo
Un peu à l’écart je découvre l’église San Paolo (1747) toute en granit assez sévère et flanquée de son campanile; en revanche le décor est assez fourni à l’intérieur, d’inspiration rococo mais sans unité ni caractère bien affirmé.
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Église San Paolo d'Olbia : la nef depuis le chœur

Façade de San Simplicio
Façade de San Simplicio

Je continue le long de la rue principale et, après un petit détour, tombe sur San Simplicio une jolie église romane du XIIème, la plus grande de la région, la Gallura. 

Intérieur très sobre, avec pour seul décor quelques chapiteaux sculptés sur les colonnes séparant la nef des deux bas côtés. Plus de caractère ici, mais sans génie…

Détail de la façade de San Simplicio
Détail de la façade de San Simplicio : le campanile

Nef de San Simplicio
Nef de San Simplicio

San-Simplicio-chapiteau
Chapiteau de la nef de San Simplicio

Olbia-San-Simplicio-abside
Abside de San Simplicio

Côté gauche et abside de San-Simplicio d'Olbia
Côté gauche et abside de San Simplicio d'Olbia

Et c’est pratiquement tout ce que le touriste aura à se mettre sous la dent, puisque les restes du mur punique du IVème av. J-C se réduisent à une cinquantaine de gros blocs de pierres équarries sans aucune originalité, si bien que je ne me donnerai même pas le mal de les chercher…

Je reviens vers le port  en reprenant la Via Victor-Emanuele I, puis en empruntant quelques petites rues perpendiculaires et parallèles qui présentent, aux linteaux de leurs maisons basses en granit, des dates remontant au XVIIème et XVIIIème.

PIazza Regina Margherita

Piazza Regina Margherita


Fontaine moderne Piazza Matteotti
Fontaine plazza Matteotti
Olbia-rue-aux-maisons-anciennes
Olbia : rue aux maisons anciennes
linteau-de-maisons-anciennes-XVIIIe

Linteaux de maisons anciennes XVIIIème

linteau-de-maisons-anciennes-XVIIIe

Le soleil réapparait au moment où je retrouve le quai de l'Isolotto di Pedone et, tout au bout derrière le musée, l’Exsis où je me réchauffe un moment, avant de planifier la suite de mon tour. Je commencerai par aller voir le nuraghe de Cabu Abbas, ou nuraghe Riu Mulinu, à 8 km au nord-est d’Olbia. Olbia-Exsis-sur-le-quai-Isolotto-di-Pedone

Chemin plus que vague sur le G.V., difficile recherche sur le GPS qui ne connait pas l’endroit. Je me rends quand même jusqu’à la petite église rurale de Santa Maria, but de pèlerinage rural et pour l’instant déserte, mais ensuite, où diriger mes roues faute d'aucune indication ?

Sur la petite route menant au Nuraghe Cabu-Abbas
Sur la petite route menant au Nuraghe Cabu Abbas
 Il fait maintenant très beau, le cadre champêtre invite à faire la pause déjeuner. Je branche aussi l’ordi sur le net et, en utilisant Google Map, découvre le petit site nuragique à 3 km à peine,  - plus connu sous le vocable Riu Mulinu - et surtout un chemin pratique pour l’atteindre.

Pointant approximativement le lieu désiré sur le GPS et naviguant ensuite à vue,  je rejoins une toute petite route où parfois l’asphalte disparait, mais qui grimpe jusqu’au départ du sentier menant au nuraghe.

Cabu-Abbas-plan-de-randonnee
Le panneau raté au départ...

Des flèches me confirment que je suis sur la bonne piste, mais je rate alors le panneau donnant la longueur (600 m), le dénivelé (140 m) et surtout l’état du sentier (chaussures de marche) qui monte droit dans la montagne. Je m’y engage néanmoins et, de peine et de misère, faisant de nombreuses pauses pour retrouver mon souffle et surtout garder un rythme cardiaque raisonnable, je progresse dans la garrigue, choisissant les pierres sur lesquelles poser mes semelles, prenant garde de ne pas glisser, m’élevant pas après pas vers le but toujours plus haut. Le sentier malaisé vers le Nuraghe Cabu-Abbas
Le sentier malaisé vers le Nuraghe Cabu Abbas
Au moins le panorama s’élargit-il au fur et à mesure de ma montée, jusqu’à ce qu’enfin j’aperçoive sur un piton des restes de mur en pierres sèches. Panorama en montant vers le Nuraghe Cabu-Abbas
Panorama en montant vers Nuraghe Cabu-Abbas
Mur d'enceinte en pierre sèche Nuraghe-Cabu-Abbas-porte-dans-l'enceinte-basse
Au bout du sentier, le mur d'enceinte en pierres sèches autour de la porte (C)

C’était bien la façon de faire des hommes de l’Âge du Bronze, édificateurs de cette tour fortifiée entourée, une dizaine de mètre plus bas, d’un mur de défense dont je franchis la porte.


NURAGHE CABU ABBAS, ÉGALEMENT CONNU SOUS LE NOM DE RIU MULINU

Ce monument, qui date peut-être de 1400 avant J.-C., consiste en un grand mur circulaire (A) avec deux entrées opposées (B et C), qui renferme un grand espace dans lequel se trouve un petit nuraghe. Le nuraghe n'a qu'une seule tour (D) et son plan est canonique : entrée, marches menant à l'étage supérieur (qui n'existe plus), pièce avec deux niches et un petit puits étroit qui servait peut-être de réserve de nourriture. Le nuraghe est aussi plus directement entouré d'autres les structures (murs). (E) Les dimensions massives du mur circulaire (A), en hauteur comme en épaisseur, et les dimensions inhabituellement petites du nuraghe font de ce complexe monumental une véritable rareté parmi les 7000 nuraghi de Sardaigne.

Lors des fouilles de 1939, on a trouvé, entre autres objets, des bronzes : une femme portant un vase sur la tête («La Porteuse d'eau»), des couteaux miniatures, une petite faucille.

La dégradation de la structure après 1939 a été causée par les agents climatiques qui ont ruiné le mur fragile, construit selon la méthode de l'opera a sacco, qui consiste à construire une muraille avec deux murs extérieurs en maçonnerie séparés par un noyau rempli de gravats.

Ce monument a parfois été considéré à tort comme un château médiéval, mais il n'y a aucune preuve d'une telle construction dans cette région.

(Notice apposée à côté du plan ci-dessous au départ de la balade)


Cabu-Abbas-Nuraghe-Riu-Mulinu-l'enceinte-rapprochee
Cabu Abbas ou Nuraghe-Riu-Mulinu : l'enceinte rapprochée entourant le nuraghe (Photo Google)

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Statuette de bronze «La porteuse d'eau» (1400 av. J-C)
trouvée au fond du puits dans le nuraghe
exposée au Musée archéologique de Cagliari
Porteuse-d'eau

Nuraghe-Cabu-Abbas-dans-la-tour-du-nuraghe
Dans la tour du nuraghe Cabu Abbas

La tour du nuraghe au grand angle (Photo Google) : les deux niches et le puits servant de réserve (à gauche)  au premier plan l'amorce de l'escalier montant à la terrasse supérieure dans-la-tour-du-nuraghe Google

Depuis Nuraghe-Cabu-Abbas vue vers la mer
Depuis le Nuraghe Cabu Abbas, la vue vers la mer
Les vestiges, bien que lisibles, sont modestes mais le lieu est splendide et la vue extraordinairement étendue sur tous les environs. Voilà qui valait bien l’effort ! 

Le panorama sur Olbia depuis le nuraghe Cabu Abbas
Le panorama sur la baie d'Olbia depuis le nuraghe Cabu Abbas


Nuraghe-Cabu-Abbas-panorama-sur-Olbia
Vue sur le port d'Olbia depuis le Nuraghe Cabu-Abbas

Descente précautionneuses - mes chevilles ! - mais nettement moins souffrante, je retrouve l’Exsis quelques centaines de mètres plus bas avec soulagement… Plein d’eau sur la fontaine providentielle, pure source de montagne garantie !

***

Sous la magnifique lumière qui commence déjà à jaunir je m'engage alors dans le tour de la Costa Esmeralda proposé par le G.V.. La côte, rocheuse et très découpée, bordée d’une multitude d’îles et d’îlots, a été littéralement colonisée de façon très planifiée par un groupe de capitalistes (l'Aga Khan en tête !) qui ont développé stations balnéaires, hôtels et villas de luxe, accompagnés de restaurants et boîtes de nuit.

Costa-Esmeralda
«Développement» touristique...

Bref tout l’arsenal indispensable pour polluer irrémédiablement une côte jusque là presque déserte, connue seulement des pêcheurs qui y avaient aménagés des petits ports fort modestes. On en a fait un St-Tropez sarde, particulièrement au plus gros, au plus riche, à Porto Cervo où je m’arrête quelques minute devant le port de yachts, après avoir traversé Portisco, le golfe de Cugnana, et avant Cala Liscia et Baia Sardinia…

Porto-Cervo
Porto Cervo

Baie
          de Portisco
Baie de Portisco

Les paysages sont vraiment magnifiques, quel dommage qu’on les ait ainsi sacrifiés à des intérêts touristiques, essentiellement financiers…

La Costa Esmaralda
Costa Esmaralda au nord d'Olbia

Il reste qu’à l’extérieur de ces «résidences de rêve» pour Européens fortunés, l’essentiel de la campagne, une garrigue accidentée et très rocheuse, semble avoir été assez bien préservée. Sitôt sorti de ces agglomérations léchées de grandes villas et de vastes marinas, on retrouve un environnement assez sauvage et resté à son état naturel. Costa-Esmeralda

Après quelques autres détours pour vérifier ce phénomène de colonisation de plus près, j’aboutis vers 17:15, donc peu avant le coucher du soleil, sur le grand stationnement libre et presque désert de Cannigione dont les quelques rues de modestes maisons de pêcheurs, groupées autour de leur église, ont été amplifiées d’un port à yachts considérable, et de quelques villas, restaurants et hôtels périphériques, sans trop d’excès cependant.

Cannigione-bivouac-sur-le-port
Exsis au bivouac devant le port de Cannigione

Je me case dans un coin du grand parking en orientant le nez de l’Exsis vers l’est, comme il se doit pour capter le maximum du soleil matinal,  puis vais faire un petit tour sur les quais, histoire de me faire une idée sur les magnifiques embarcations qui gîtent là pour l’hiver. L’un des plus beaux, un 41 pieds d’Amsterdam m’impressionne beaucoup par ses lignes et l’apparence luxueuse de son équipement; mais il y en a bien d’autres…

Cannigione
Les yachts de Cannigione

Le vent frais qui se lève et l’obscurité qui tombe me ramènent au bercail bien chauffé; j’en profiterai pleinement car le vent du nord-ouest s’établit pour de bon, faisant vibrer les haubans des nombreux voiliers devant moi. Leurs hurlements me réveilleront d’ailleurs dès l’aube, tandis que je sommeillerai doucement enroulé dans ma couette jusqu’à l’aurore un peu avant 8:00. Exsis à travers les bateaux du port
Exsis pointe son nez à travers les bateaux du port


Au menu ce soir : une soupe passée de légume achetée au Lidl en quittant Olbia : passable - quoique que comme toujours trop salée -  et une casserole de flageolets accompagnés de confit de canard. Je me suis décidé à en ouvrir ma première boite de confit pour débarrasser les cuisses de leur os et de leur graisse. Ainsi je peux disposer de ces déchets salissants dans l’une des poubelles mise ici à disposition des passants, ce qui n’est pas si fréquent en Sardaigne.


36 248 Samedi 18 janvier 2020 : de CANNIGIONE à SANTA TERESA GALLURA (80 km)

Cannigione-bivouac-sur-le-port
 Bivouac sur le port de Cannigione
Lever passé 8:00, je veux souffler un peu après ma journée d’hier assez active et laisser s’estomper mes courbatures… Le ciel est variable  : d’un côté un grand ciel bleu, de l’autre de gros bancs de nuages gris poussés par le violent vent d’ouest, si bien que le soleil brille par moments, disparait puis revient… « Belles éclaircies avec vent d’ouest à 50 km/h, température de 13° avec max à 15°», annonce la météo. Finalement l’ensoleillement sera suffisant pour remettre à niveau la batterie et permettre quelques photos agréablement lumineuses.

Petit tour au cœur du village pour commencer. Oh, le centro storico se réduit à peu de chose : les quelques rues autour de l’église ont été complètement reconstruites, l’église elle-même ne doit pas avoir plus d’une cinquantaine d’années… mais au moins son architecture s’apparente-t-elle au style local (surfaces en pierres taillées assemblées à sec, forme rectangulaire comme il se doit, haut campanile étroit sur le côté). Cannigione : la rue menant à l'église
Cannigione : la rue menant à l'église
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 Nef de l'église de Cannigione
L’intérieur, comme blanchi à la chaux, est très sobre, le statuaire réduit et de qualité, et quelques vitraux modernes jettent des couleurs vives qui égaient l’ensemble.

Fonts baptismaux originaux, mais sans outrance.
Crucifix de l'église de Cannigione
Le grand Crucifix d'autel de l'église de Cannigione
Fonts baptismaux de l'église de Cannigione
Fonts baptismaux de l'église de Cannigione

Je poursuis ma découverte des quelques rues avoisinantes où, à côté des sempiternels restaurants et bars, quelques boutiques de fripes aux prétentions chic attendent - malgré la morte saison - une clientèle problématique… Encore quelques boutiques de souvenirs, à peine moins atroces que d’habitude, et me revoilà sur le port où je découvre la seule vraie maison basse de pêcheur toujours debout, et encore est-elle en rénovations et agrandissements qui lui ôteront une partie de son cachet… En revanche le panorama, lui, est toujours aussi séduisant, avec son ouverture vers le large et les Îles de la Maddalena, surtout lorsque des coups de lumière dispensés par le soleil entre les nuages avivent les couleurs de l’eau émeraude, des rochers gris ou jaunes et de la végétation vert sombre.

Ouverture vers la mer et les îles de la Maddalena
Ouverture vers la mer et les îles de la Maddalena

Je reprends ma route passé 10:30, sans avoir sacrifié au plein d’eau - inutile - sur le gros bloc de béton jaune (entre bord de rue et parking) où vient de se brancher un gros camping-car Laïca. Direction : les deux belles Tombi di giganti signalées par le G.V. comme parmi les plus belles de la Sardaigne. Toutes deux dépendent d’Arzachena dont je suis encore à une dizaine de km. Là où ça se «corse», c’est lorsque je cherche à les localiser : le GPS n’en mentionne qu’une, le G.V. ne propose que son flou artistique habituel, il me reste heureusement Google Map qui, une fois de plus, me tire d’affaire en quelques secondes. Il suffit ensuite de reporter les coordonnées sur le GPS (en modifiant le format de coordonnées à utiliser, ce que je découvre sans trop de peine) et je suis en route.

Petit détour de près de 2 km sur la SP115, et me voilà devant la barrière de Lil Lolghi… fermée ! ce qui bloque l’accès à la billetterie et au chemin menant au monument. Je marque le coup, déçu, puis me demande s’il n’y aurait pas moyen de trouver une solution à l’italienne (ou à la française…).

Un examen rapide du muret qui clôt le vaste espace du parc archéologique ne tarde pas à me montrer un endroit où quelques pierres manquent, le grillage et surtout le barbelé ont disparu, et comme par hasard une grosse pierre opportunément placée peut servir de marche-pied...

Personne dans les environs (je suis en pleine cambrousse), ni une ni deux je fais le pas et me retrouve dans une pinède en cours d’exploitation, marche une centaine de mètres en zigzagant entre les buissons… et débouche sur le monument.
Tomba-di-Giganti-Li-Lolghi
L'exèdre de la Tomba di giganti 'Li Lolghi

TOMBE DE GÉANTS DE ‘LI LOLGHI

La tombe des Géants de Li Lolghi est une sépulture collective de l’époque nuragique. Elle fut bâtie en deux phases différentes. Autour de 1800 av. J-C., on construisit une tombe formée d’un dolmen allongé, à l’origine couvert par un monticule de terre et de pierres. Plus tard, entre 1600 et 1400 av. J-C, les populations nuragiques ajoutèrent un long couloir sépulcral, plus en bas par rapport à la partie originelle. Il se termine par un édicule à deux étages qui, probablement, devait contenir les offrandes des participants aux cérémonies.

A la même époque fut ajoutée une exèdre, l’élément caractéristique des Tombes de géants. Il s’agit d’un espace semi-circulaire délimité par des dalles de pierre de hauteur dégressive fichées verticalement en terre. Au centre, une grande stèle cintrée monolithique symbolise ‘la porte de l’au-delà”, à la base de laquelle se trouve une petite porte pour introduire les offrandes destinées aux morts. Toute la partie postérieure de l’exèdre fut incluse dans un grand tumulus (un monticule) de terre et pierres d’une longueur totale de 27 m. et dont on peut encore voir les restes.

Les fouilles du monument ont mis à jour de nombreuses trouvailles, surtout en céramique, utilisées, peut-être, pour faire des offrandes de nourriture pendant un banquet donné en honneur des ancêtres.

Les Tombes des géants étaient des lieux de culte en l’honneur des ancêtres, mais aussi des symboles de possession et de contrôle du territoire, comme on peut facilement l’imaginer en regardant la grandeur de ces monuments. À environ 1500 m du monument se trouve un Nuraghe entouré d’un grand village.

(Notice apposée à côté de la barrière du site avec le plan ci-joint)

Tomba-di-Giganti-Li-Lolghi-plan

Tomba-di-Giganti-Li-Lolghi
Le monument a été très bien préservé et mis en valeur, et j’y retrouve les caractéristiques propres à ces tombes collectives de l’Âge du Bronze (1800 à 1400 av. J-C) : en avant un exèdre semi-circulaire limité par quelques grande pierres plates levées de taille dégressive, de chaque côté d’une stèle centrale plus haute (2 m 50).

En arrière et dans l’axe, le couloir menant à la chambre funéraire collective, recouvert de grosses dalles de pierres plates, autrefois recouverts de petites pierres et de terre en tumulus de 27 m de long.

En bas de la stèle centrale, une petite ouverture en forme de porte, de 40 à 50 cm de haut, servait à «passer» les offrandes qu’on y déposait lors de cérémonies aux défunts, lors de banquets rituels probablement pour se concilier leurs faveurs comme dans la plupart des cultes animistes.
Li Lolghi : l'allée centrale à travers le portillon
'Li Lolghi : l'allée funéraire centrale à travers le portillon en bas de la grande stèle

Tomba di Giganti Li Lolghi vue de l'arrière
Tomba di Giganti 'Li Lolghi vue de l'arrière ; la chambre funéraire au centre, 
les pierres dispersées au sol marquent l'espace occupé par le tumulus


Tomba di Giganti Li Lolghi : le couloir funéraire
Tomba di Giganti 'Li Lolghi : le couloir funéraire et la chambre mortuaire surélevée depuis la grande stèle
Li Lolghi : la grande stele centrale et son
              portillon
'Li Lolghi : la grande stèle centrale et son portillon par lequel on passait des offrandes destinées aux Anciens

Quelques bonnes photos sous le soleil de plus en plus présent, lecture des panneaux explicatifs dûment enregistrés, je me remets en route pour découvrir la deuxième Tomba di giganti de la région, tout aussi belle et encore mieux mise en valeur: celle de Coddu Vecchiu, à une dizaine de km.

Tombe de géants de Coddu Ecchju
Tombe de géants de Coddu Ecchju depuis la billetterie
Cette fois-ci la billetterie est ouverte et je règle dûment les frais d’admission de 4€. On m'ouvre la barrière (je suis le seul visiteur…) donnant accès à la petite clairière où je contemple le même type de monument, encore plus grand (stèle centrale haute de 4 m) et surtout mieux dégagé et en meilleur état.

Tombe de géants Coddu Ecchju
Coddu Ecchju : l'exèdre et  la grande stèle centrale
Coddu Ecchju : le couloir vu de l'arriere
Coddu Ecchju : les dalles recouvrant le couloir vu de l'arrière

Coddu-Ecchju-le-tumulus-et-les-dalles-de-couverture
Coddu Ecchju : côté gauche du tumulus et dalles de couverture en arrière de l'exèdre

Coddu-Ecchju
Coddu Ecchju : côté droit du tumulus et la grande stèle de l'exèdre, vue arrière

J’en fais à nouveau le tour, puis regagne assez rapidement l’Exsis, le vent froid devenant plus sensible avec la descente progressive du soleil.

Golfo-di-Azarchena
Golfo di Azarchena depuis la petite route suivant la côte
Décidant de poursuivre mon tour du nord de l’île après cette petite incursions dans les terres, je retourne à Cannigione où je retrouve la mer, et suis la route côtière vers le nord-ouest puis vers l’ouest. Je passe sans m’arrêter dans les ex-ports devenus des stations balnéaires sans attrait pour moi, admirant surtout les perspectives sur les anses et les rochers plus ou moins sculptés par l’érosion.

Capo-d'Orso-la-colline
Capo d'Orso : la colline et son rocher en forme d'ours

Au Capo di Orso je tente une petite promenade pour monter jusqu'à la «statue» de l’ours, mais le sentier est barré au cadenas sans possibilité de ses faufiler dans ces lieux clôturés très habités et assez chics. Capo d'Orso : l'ours
Capo d'Orso : l'ours
Golfo delle Saline
Golfo delle Saline
Sur des petites routes privées abondamment pourvues en panneaux «passage prohibé», «interdit au camping-car», je descends néanmoins jusqu’au bord de l’eau, pour de belles échappées sur le Golf delle Salline sous le soleil du soir.

Ensuite je file le plus souvent hors de vue de l’eau et dans une belle garrigue mouvementée jusqu’à l’étape que je me suis fixé  pour ce soir, Santa Teresa Gallura, sur une pointe d’où part un petit ferry pour Bonifacio.

Je me rends jusqu’au bout de la petite ville, sur une belle esplanade récemment aménagée, avec vue à 180° sur les Bocce di Bonifacio. On aperçoit très bien la côte corse et ses blanches falaises, ainsi que les montagnes de l’arrière-pays couvertes de neige avec, au premier plan de ce côté-ci, la Torre di Longosado construite au XVIème par les Aragonais.
Santa Teresa Gallura : la Torre di Longosardo et la
                Corse
Santa Teresa Gallura : la Torre di Longosardo et la Corse au matin

Bref un superbe panorama pour ce xème bivouac en liberté; seul petit problème : le vent assez froid qui balaie ce vaste espace dégagé. Je me case donc au plus près des maisons bordant la place pour m’abriter en autant que possible, tout en mettant le chauffage en route sans trop tarder après un petit tour de reconnaissance assez frisquet, merci.

En soirée, transfert et traitement des photos de la journée, péniblement captées avec une caméra de plus en plus défectueuse, début de rédaction du carnet de route, souper puis coucher tôt vers 22:30 en poursuivant mes lectures d’Asimov décidément excellent…


Suite :  2020-01 Sardaigne p.7

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