35 324 Mercredi 8 janvier 2020 : de SAN’ANTIOCO à CALASETTA (13 km)
Temps couvert au lever à 8:30, sur le quai bordé de bateaux de pêche. Le soleil joue avec les nuages, ce qui retarde beaucoup la recharge de la batterie.
Bivouac sur le quai du port de pêche de Sant'Antioco |
Réveillé passé 8:00, je me lève un peu tard et commence par compléter le carnet de route avant de bouger. Le temps passe, je ne me sens pas vraiment le goût de me déplacer encore et, devant l’incertitude du temps et le grand calme qui m’entoure, décide plutôt de consacrer les prochaines heures à traiter les images des textes captés hier au Museo del Carbone pour digérer un peu la masse d’informations reçues. |
Le temps passe tranquillement; de temps à
autre un bateau de pêche vient accoster ou au contraire
s’éloigne vers le large. Le ciel se dégage et le soleil se met
de la partie, si bien que je rechargerai la batterie sans
avoir à faire tourner l’alternateur. Déjeuner, poursuite de
mes travaux dont je viens presque à bout vers 16:00. Téléphone
de Monique, puis courrier m’amènent à la descente du
soleil. Je décide alors de me rendre jusqu’à la pointe nord de
l’ile, à Calassetta, à une douzaine de kilomètres, pour
trouver un autre bivouac au bord de la mer; je reviendrai
demain à Sant Antioco faire les visites suggérées par le G.V.
Route rapide, je traverse les rues étroites et sinueuses de la vieille ville sans accroc pour aller stationner en face de l’île de San Pietro, sur le terre-plein précédent la plage. Le ciel rougeoie, la nuit tombe, j’achève mon courrier (Olivier, Pascale,... ), soupe et, à 21:30, monte au lit rejoindre Asimov sur ma liseuse. | Calasetta : l'isthme vers l'île de San Pietro au crépuscule |
35 337 Jeudi 9 janvier 2020 : de CALASETTA à BAIA DI CHIA (126 km)
Calasetta : bivouac devant l'isthme vers San-Pietro au matin |
Les épisodes de Lucky Starr s’enchainant les uns aux autres, tous bien écrits autour d’une intrigue policière bien montée, je me suis laisser prendre au jeu et n'ai trouvé le sommeil que bien après minuit… D'où un lever assez tardif, vers 9:00. J'ai alors découvert un ciel assez chargé illuminé pendant la journée de grandes éclaircies alternant avec des passages nuageux assez denses. |
À 10:00 je prends la toute petite route
longeant la côte Est de l’île. Pas grand chose à relever,
sinon de nombreuses et belles plages au bout d’un chemin de
terre, certaines superbes comme celle de Spiaggia Lunga, une
anse profonde entre deux murs de rochers blanchâtre
contrastant avec le bleu émeraude de la mer qui déferle
doucement sur son fin sable blanc.
Vers la Spiaggia Lunga... Ouf! c'est passé après un 4x4 ! |
Je me rends ainsi jusqu’au Cap Sperone, sans pouvoir atteindre le village, la route endommagée (le récentes tempêtes ?) étant coupée, comme un segment précédent la Spiaggia Lunga où le passage de l’étroite rivière s’est transformé en gué, heureusement peu profond, que je franchis avec circonspection à la suite d’un 4 x 4. |
Capo Sperone : la
Torre Canai (1757)
|
Je ne verrai donc pas le hameau, apparemment peu spectaculaire; en revanche la route panoramique ménage de superbes effets qu’il faut saisir sous un rayon de soleil, entre 2 bancs nuageux, comme à Coaquaddus puis auprès de la Torre Canai, bien restaurée, où je fais la pause déjeuner et capte quelques images du site assez pittoresque. |
Retour à S'Antioco et son isthme |
Ensuite retour vers
S’Antioco où je vais prendre du pain au Lidl, avant de
franchir à nouveau la digue qui me ramène au
«continent». Il fait assez beau, et la lumière brille sur les routes montagneuses de l’intérieur (SS195) sur lesquelles je m’engage puis m’égare en suivant la grande route SS293 qui prend la direction plein nord. |
Cela me vaut au moins quelques panoramas
superlatifs du côté de Teulada, et le constat d’une activité
rurale intense dans cette région relativement reculée de
l’Europe (hormis la visite des vacanciers sur la côte l’été).
Je vire de bord plein sud sur la SP70 pour
rejoindre à Teulada la SS 195 très sinueuse qui grimpe
jusqu’au col Nuraxi de Mesu à 400 m. Elle redescend ensuite
jusqu’au niveau de la mer à Chia. Du coup j’aurai raté la
bifurcation sur la SP 71 comprenant la magnifique
corniche de la Costa del Sud (de Porto Teulada à Chia)
et la fameuse plage de Tuerradda. Je parcourrai demain cette
route panoramique dans les deux sens si le temps est
favorable.
Bivouac sur la plage au pied de la Torre de Chia |
Le soir tombe (il est déjà 17:15,) je gagne la superbe Baia di Chia, au pied de la Torre di Chia que je visiterai à mon lever. Bivouac solitaire sur le petit parking à l’extrémité ouest de la plage. |
Dans la nuit j'admire la pleine lune illuminant les vague de l’anse. Traitement des photos et lecture au lit pour un coucher relativement tôt (22:30)… et la fin des aventures de Lucky Starr ! | Clair de lune sur la Baia de Chia depuis mon bivouac |
35 463 Vendredi 10 janvier 2020 : de
CHIA à LA MADDALENA (91 km)
Bivouac sur la plage Est de Chia |
Lever vers 8:00 et décollage vers 9:15. Je commence par faire un petit tour sur la plage, splendide, me rendant jusqu’au rio qui en coupe l’extrémité et offrait aux navigateurs de passage une aiguade (point où se ravitailler en eau douce) de qualité. |
Puis je grimpe jusqu’à
la tour de Chia d’où la vue sur les 2 plages de chaque
côté du promontoire est admirable. La tour elle-même est
fermée, et je ne puis accéder aux quelques restes de
l’acropole de Bithia, empêché d’avancer davantage par
des ouvriers qui s’emploient à sa préservation. Reste la
vue, superlative... |
La plage Est depuis la tour de Chia, juste au-dessus des fouilles de Bithia |
Torre de Chia (1592) |
La plage Ouest de Chia depuis le pied de la tour catalane |
Au pied de la tour, les travaux de consolidation de l'acropole de l'antique Bithia |
BITHIA port phénicien
Bithia était une ville située à l'extrême sud de la Sardaigne, située dans la localité de Chia (municipalité de Domus de Maria, province de Cagliari). Probablement centre nuragique, ce fut un port de mer phénicien à partir du VIIIème siècle avant J-C. La ville fut ensuite punique, puis romaine, et fut abandonnée au début du 7ème siècle après J-C, lorsque la population se replia sur les territoires intérieurs pour échapper aux raids des pirates barbaresques. En 1933, suite à de fortes tempêtes, quelques restes de la ville sont apparues: on distingue aujourd'hui les vestiges d'un temple punique sur l'îlot de Su Cardolinu, sur lequel ont également été retrouvés des artefacts suggérant la présence d'un tophet. D'autres vestiges de maisons et un deuxième temple, connu sous le nom de temple de Bes, se trouvent au pied du promontoire sur lequel se dresse la tour espagnole appelée "di Chia", du nom actuel de la ville. (Wikipedia) |
Je me dirigerai donc vers l’ouest pour parcourir la petite section de la Costa del Sud sautée hier. Le ciel s’est maintenant presque complètement dégagé, la lumière superbe met en valeur les formes et les couleurs de chaque anse, de chaque plage que la petite SP71 contourne systématiquement, dans un délire de virages offrant à chaque débouché des vues époustouflantes. | Costa del Sud sur la SP71 en direction ouest |
Porto di Teulada et Torre del Buddelo |
Je me rends jusqu’au quai du port de yachts, y fais quelques photos avec la tour de Buddelo en arrière plan, puis fais demi-tour pour revenir sur mes pas et contempler à nouveau les mêmes lieux, magnifiques, mais sous un angle et un éclairage différents… |
Nora : portion de pavage de la voie romaine à l'entrée du site |
L’après-midi est déjà bien avancé
lorsque je repasse à Chia, sans m’y attarder, puis
rattrape un peu plus loin vers l’est la SP195 pour
gagner sans détour le site archéologique de Nora, à
Pula.
|
ZONE ARCHÉOLOGIQUE DE NORA (notice historique à l'entrée du site) La ville de Nora fut fondée par
les Phéniciens probablement au VIIIème
siècle avant J-C. Les inscriptions et le matériel
des Phéniciens mis à jour sporadiquement lors des
fouilles et de la prospection sous-marine témoignent
de la présence des Phéniciens au cours de ce siècle,
bien que les restes de la colonie habitée puissent
être datés d'environ un siècle plus tard. La ville
phénicienne s'est élevée dans la zone où se trouvent
aujourd'hui les ruines du Forum romain, et un
important lieu de culte de la même période était
situé sur une élévation au sud-est. La ville punique
devait être très importante et considérablement
riche. Lorsque la nécropole a été découverte lors de
fouilles au XIXème siècle, quarante
chambres funéraires ont été mises au jour (non
visibles aujourd'hui en raison de l'érosion de la
mer) contenant de nombreux objets en céramique, à la
fois de l'artisanat local et importés de Grèce,
ainsi que de nombreux ornements personnels en or.
L'emplacement exact de la ville punique reste
incertain car les habitations d'origine ont été
démolies lorsque les Romains ont urbanisé la région.
Des traces puniques ont été trouvées sous le Forum
romain, le long de la côte sud-est et sur les pentes
du Colle di Tanit, en particulier sur son
versant ouest où une petite zone utilisée pour des
activités de production a été excavée.
La ville a subi plusieurs phases de développement à l'époque romaine. Les IIème et 1er siècles av. J.C. ont vu la naissance de grandes domus, des maisons de taille considérable qui caractérisaient la ville, et une zone dédiée au culte à été construite sur le point le plus au sud du promontoire - Sa punta e'su coloru (la pointe du serpent) - probablement sur le site d'un lieu de culte punique préexistant. Juste après 50 av. J.C., la première transformation de la ville a eu lieu. Des bâtiments ont été démolis et l’on a pavé au-dessus pour construire le Forum et le temple dont seules les fondations récemment excavées survivent. Peu de temps après, le théâtre a été construit. Au cours du IIème siècle après J.C., un vaste réaménagement urbain a eu lieu et plusieurs grandes domus ont été démolies pour faire place à la construction d'un certain nombre de routes que l’on peut encore voir aujourd'hui. Dès la fin du siècle et pendant les cent années suivantes, Nora était au sommet de sa splendeur. Toute la zone ouest de la ville a subi un développement important: les Thermes de mer ont été construits et un grand quartier de bâtiments à deux étages a vu le jour, avec des magasins au rez-de-chaussée et des logements au-dessus. Les Bains centraux, monumentaux avec leurs splendides mosaïques, et la maison avec portique à quatre colonnes dans la zone sud du promontoire peuvent également être datés de cette période. Avec l'arrivée des Vandales à peu près au milieu du Vème siècle après J-C, Nora a de nouveau subi une reconstruction importante, mais cette fois, des matériaux récupérés de bâtiments démolis ou abandonnés ont été utilisés. Le déclin de la ville se déroule pendant et tout au long de la période byzantine, du milieu du VIème siècle jusqu'à ce qu'elle soit complètement abandonnée au cours du VIIIème siècle, le tissu de la ville disparut peu à peu jusqu'à ce qu'il soit réduit à des noyaux habités dispersés où les activités productives étaient également réalisées, comme on peut le déduire des meules et des fours mis au jour et des grandes jarres trouvées sous le théâtre qui servaient à stocker le blé. Cependant, même pendant cette phase, le niveau de vie des habitants est resté assez élevé. En fait, des biens provenant de plusieurs régions méditerranéennes, tels que des objets en céramique et des vins précieux, ont été trouvés dans les tas de déchets de la ville byzantine. Les dernières traces de vie à Nora peuvent être datées de la fin du VIIIème siècle après J-C, lorsque les raids des pirates sarrasins ont poussé les derniers habitants à l'intérieur des terres où ils se sont installés dans des endroits plus sûrs. |
Thermes du Levant (IVème ap. J-C) et Torre di Coltellazo ou Sant'Efisio |
J’y aurai juste le temps de parcourir la péninsule qui abrita la plus grosse ville punique de Sardaigne, mais dont il ne reste quasiment rien, les Romains ayant à peu près rayé de la carte les constructions antérieures des Phéniciens et des Carthaginois dont c’était pourtant la plus grande fondation. |
Théâtre romain |
Entrées latérales (aditi maximi) du théâtre romain |
En revanche ce qu’on a identifié comme la colline sacrée couronnée d’un petit temple à Tanit, la divinité punique, n’est plus qu’un informe tas de cailloux… J’achève mon tour à la fermeture du site vers 17:00, jette un dernier coup d’œil au beau site du promontoire terminé par la grosse Torre di Sant’Efisio (ou Torre di Coltellazo) construite par les Aragonais au XVIIIème. | Coucher de soleil sur la Torre San Efisio ou Torre di Coltellazo |
Église de Sant Efisio et plage de Nora |
La lumière du couchant dore ses pierres comme celles du sanctuaire roman de Sant Efisio, protecteur de Cagliari, tout proche, et fait ressortir le dessin des montagnes de l’arrière pays en toile de fond… |
Je regagne alors l’Exsis et me fixe la petite
ville de Capoterra juste avant Cagliari comme bivouac pour ce
soir. Mais la circulation, d’abord rapide sur la 4 voies,
ralentit puis fige bientôt en arrivant à la Maddalena, la
grande banlieue au sud de la capitale de l’île, Cagliari (155
000 hab.). Je renonce à aller plus loin et prends la première
rue sur la droite qui me fait aboutir sur le Lungomare se
terminant en impasse… Ce sera mon havre pour ce soir, les
pieds dans le sable, sans aucune circulation si ce n’est celle
des piétons venant faire sur la plage leur promenade
vespérale.
Traitement des photos, souper puis coucher tôt vers 22:30 après cette autre belle journée de vadrouille. Réveillé dans mon sommeil en milieu de nuit par Monique qui s’inquiète de la tempête de verglas annoncée et se demande si elle ferait mieux d’accompagner Juliette au chalet de Shefford ou de demeurer à Montréal. Je lui conseille de ne pas d’éloigner de la grande ville et de se munir d’un peu de bois de chauffage, au cas où l’électricité manquerait de façon durable… et me rendors aussitôt.
35 554 Samedi 11 janvier 2020 : de LA
MADDALENA à PUNTA PORCEDDUS (Castadias) (80 km)
Réveil à 9:00 après une grosse nuit d’un sommeil profond… J’en avais besoin ! Je démarre quand même assez rapidement vers 10:15 pour gagner le centre ville de Cagliari. Il fait beau, les promeneurs du matin étaient redevenus nombreux sur la plage, qui faisant son footing, qui promenant son chien, qui en grande discussion animée avec un pair… Toujours est-il que personne ne m’a dérangé sur mon «Lungomare delle Stelle».
La route est assez rapide, dans une plaine alluviale asséchée où se trouvent raffineries de pétrole et aéroport, entre mer et étangs ou lagune. Le trafic est fluide, quoique intense, et la ville étagée sur la montagne me parait d’emblée assez dense. Où stationner, sachant que la circulation est réglementée, voire prohibée aux étrangers dans le périmètre ancien ? Je cherche donc un espace disponible le plus près possible du Turismo qui se trouve dans le Palazzo Civico, sur la Via Roma, devant le port de passagers et de yachts. | Cagliari: Via Roma |
Cagliari : Via
Roma sous la Torre dell'Elefante
|
Je finis par laisser
l’Exsis dans un petit parking gardé juste devant
l’Administration portuaire, et file à l’Office du
Tourisme quérir une carte un peu plus détaillée que
celle du G.V., illisible. Mieux équipé, je décide de voir tout ce que je pourrai en montant à la Citadella dei Musei, où une reconversion de l’ancien castello a remodelé de fond en comble l’espace intérieur pour y aménager trois très beaux musées provinciaux : le fameux Musé archéologique, la Pinacothèque et le Musée d’Art du Siam. Je fais l’impasse sur le troisième, mais priorise le premier que l’on trouve partout en référence, et tâcherai de voir l’essentiel du deuxième. |
Les petites rues montent raide à flanc de colline, après la traversée plus aisée de l'ancienne basse ville portuaire, quartier bourgeois du XIXème avec ses rues relativement larges bordées de multiples boutiques chic, au pied de gros immeubles de style classique peinturlurés dans toutes les teintes du jaune pâle à l’ocre foncé, jusqu'au lilas en passant par les verts pistache… |
Cagliari : vue
sur la ville basse et le port depuis le bastion
St-Remy
|
Cagliari : vue
sur la ville basse depuis bastion St-Remy
|
Puis ce sont quelques
volées d’escaliers donnant accès à des ruelles beaucoup
plus étroites et sinueuses, elles-mêmes débouchant sur
une vaste esplanade posée sur les remparts : le bastione
de Saint-Remy d’où la vue s’étend largement sur les
toits colorés et les clochers de la ville basse, sur le
port, la baie et les montagnes bleutées à l’horizon. |
Je suis à deux pas de la Piazza di Palazzo rassemblant la grande façade classique de l’ancien Hôtel de ville et la cathédrale di Santa Maria, d’origine romane du XIIIème (ce dont témoigne sa belle façade) mais amplement remaniée ensuite à l'époque baroque (XVIIème et XVIIIème). | Façade de la cathédrale di Santa-Maria |
L’intérieur présente de grandes lignes romanes, mais a été complété (ou recouvert ?) par tout un décor baroque voire rococo… fort joliment articulé. Le travail des marqueteries de marbre (chœur, chaire, etc.) me parait remarquable, et plusieurs retables des chapelles latérales retiennent mon attention, particulièrement leurs fines sculptures de marbre blanc.
Cagliari : nef de la cathédrale di Santa Maria |
Cagliari : dôme de la cathédrale di Santa Maria |
Cagliari : bénitier angélique |
St Luc évangéliste sur un pendentif à la base du dôme |
Chaire de la cathédrale di Santa Maria de Cagliari |
Escalier de la chaire de la cathédrale di Santa Maria |
À noter les deux remarquables chaires pisanes
de 1162 (ambons
de Guglielmo), offertes au XIVème
à Cagliari par la cité de Pise (scènes de la vie du Christ en
très beau marbre gris veiné).
Les deux chaires
pisanes en marbre dans la cathédrale di Santa
Maria
|
À l'intérieur, l'attraction
principale est l'ambon de Guglielmo. Il s'agit de
deux chaires du 12ème siècle sculptées par un Maître
Guglielmo, à l'origine destinées à la cathédrale de
Pise. Il a été transporté à Cagliari en 1312 et
placé dans la nef, près des troisièmes colonnes. Les
quatre lions de marbre qui ont soutenu l'ambon sont
maintenant placés aux pieds des balustrades du
presbytère (Wiki).
|
Cagliari : façade de la cathédrale di Santa Maria |
Cagliari : chapiteau de la cathédrale di Santa Maria |
Piazza Carlo-Alberto, à restaurer ! |
Palazzo di Citta de Cagliari, siège du Conseil de ville depuis 1331, restauré au XVIIIème, maintenant Museo Civico |
Je préfère emprunter la Via Mazzini, parallèle, pour gagner plus haut encore la Piazza della Independenzia puis la Via Martini, limitée au N-E par la Torre di San Pancrazzio, ouverte du côté de la Place et laissant voir ses multiples étages supportés par de grosses poutres de bois. |
Passant alors sur la
Piazza Arsenale, je passe enfin la Porta Arsenale qui
donne accès à l’esplanade de l’ex-citadelle (castello)
où l’on a, dans les années 1970, construits les 3
prestigieux musées qui m’intéressent : le Muse
archéologique, la Pinacothèque et le Musée d'art
siamois. |
Cagliari : Porta Arsenale |
La «Citadelle des Musées» dans le Castello de Cagliari |
Bâtiments modernes asymétriques en pierre blanche et verre, étagés au milieu de massifs d’arbustes locaux, l’ensemble est assez harmonieux et donne envie d’en voir plus. Déception au moment de prendre les billets combinés : la Pinacothèque en réaménagement est fermée, je devrai me contenter du Musée archéologique, puisque l'art siamois m'attire moins. |
LE NÉOLITHIQUE EN SARDAIGNE
L'âge néolithique en Sardaigne
a duré près de trois mille ans, du début du 6ème
au 3ème millénaire avant J.-C. Le tournant
de cette période, par rapport au paléolithique
précédent, est implicite dans la signification du
mot néolithique lui-même, littéralement "nouvel
âge de pierre" (du grec neos "nouveau" et lithos
"pierre"). L'homme apprend à ébrécher des morceaux
de pierre pour façonner différents types d'objets,
d'armes et d'outils agricoles. L'agriculture est
en effet l'une des innovations les plus
importantes du néolithique, marquant la transition
d'une économie basée sur la chasse et la
cueillette, vers un système économique plus
avancé, axé sur la production de nourriture par
l'élevage et l'agriculture. Une autre découverte
importante caractérise cette période : l'invention
de la poterie. L'homme du néolithique apprend à
fabriquer de la poterie en cuisant l'argile pour
produire des pots de différentes tailles et
fonctions.
Dans la première phase du Néolithique (6800-4800 av. J.-C.), on trouve en Sardaigne, comme dans tout le bassin méditerranéen, la poterie cardiale, appelée ainsi pour la décoration particulière de lignes parallèles réalisée par l'impression du bord d'une coquille (cardium edule) sur le récipient en argile avant la cuisson. Parmi les précieux témoignages de cette période, on peut citer les microlithes géométriques en obsidienne, petits éclats travaillés, utilisés principalement pour former les pointes des armes de chasse, comme les lances et les flèches, ou des parties d'outils composites, comme les harpons. La caractéristique la plus typique et la plus fascinante du Néolithique moyen (4800-4300 av. J.-C.) est certainement les statuettes de pierre et d'argile, sculptées dans un style volumétrique et représentant des figures féminines au corps obèse et opulent. interprétées de manière courante comme des "déesses mères”, elles sont liées à la culture dite Bonu Ighinu - de la grotte homonyme dans la région de Sassari, où les premiers spécimens ont été découverts. Le dernier millénaire du néolithique, différencié entre le néolithique tardif (4300-4000 av. J.-C.) et le néolithique final (4000-3300 av. J.-C.), révèle une amélioration du travail de la pierre (en particulier l'obsidienne) et de la production de poterie. |
Statuette en calcarenite d'une déesse avec coiffure en tambourin (nécropole hypogéenne de Cuccuru S'Arrius, Cabras) Néolithique moyen. |
Statuette en albâtre d'une déesse accroupie (Néolithique moyen) |
PRODUCTIONS
NÉOLITHIQUES EN SARDAIGNE
Les preuves archéologiques du Néolithique précoce proviennent principalement des encorbellements et des abris sous roche, qui servaient à la fois de maisons et de tombes. Cependant, quelques petits établissements extérieurs ont également été préservés, probablement utilisés pendant les saisons douces comme alternative aux abris sous roche. C'est le cas de la colonie "Su Stangioni" à Portoscuso (CA), où la présence humaine continue depuis le Néolithique est attestée par des traces de feux répétés et prolongés, ainsi que par des fragments de poterie avec la décoration "cardiale" caractéristique, trouvés avec des cristaux d'obsidienne. La nature périssable des matériaux avec lesquels les maisons ont été construites, a entraîné la dégradation et la disparition presque complète des structures d'origine. Cependant, il est possible de déduire la disposition complexe des cabanes par leurs fondations. Presque toujours marquée par une seule pièce circulaire ou elliptique (bien qu'il existe des exemples de forme rectangulaire), la structure surélevée était constituée de poteaux en bois fixés profondément dans le sol et sur lesquels étaient posés des murs en argile. Parfois, le fond de la hutte pouvait être une base en pierre. Le toit était fait de troncs d'arbres, disposés radialement ou en pente, recouverts de branches et de brindilles et isolés davantage avec des peaux ou de l'argile. Le toit comportait une ouverture pour la sortie de la fumée du feu, placée au milieu de la hutte et véritable centre de la vie domestique, étant donné ses différentes fonctions : de la cuisine au chauffage et à l'éclairage. À l'intérieur, le sol était principalement fait de boue ou de pavés, et les murs pouvaient être isolés avec des nattes tissées. Dans les maisons, on trouve tous les objets et outils de la vie domestique nécessaires aux différentes activités de production : pilons, pots, vases en terre cuite et en pierre, haches, couteaux, grattoirs et plusieurs autres outils d'usage divers. Il y avait aussi des meules et des métiers à tisser, comme le prouve la découverte de fusaioles (petits objets percés en argile ou en pierre, utilisés comme contrepoids pour les fuseaux) et de poids pour métiers à tisser. |
L'ÂGE DU CUIVRE
La transition du Néolithique à l'Énéolithique est marquée par la capacité d'extraire et de traiter les métaux, en particulier le cuivre, d'où le nom d’Âge du Cuivre. En Sardaigne, il dure environ un millénaire (3300-2300 av. J.-C.). Bien entendu, ces limites chronologiques ne sont que conventionnelles, mais les frontières entre la phase finale d'une période et le début de la suivante sont tout sauf claires. En archéologie, il existe des phénomènes d'anticipation et/ou de retard, ainsi nous pouvons trouver des traits caractéristiques d'une période culturelle dans la phase précédente ou dans la phase suivante. C'est le cas de la période sub-Ozierl, qui s'étend du Néolithique tardif à l’Âge du Cuivre. Les scientifiques ont appelé cette période ainsi afin de souligner le lien explicite entre les matériaux typiques de cette phase chronologique ainsi qu'avec la culture néolithique précédente de San Michele di Ozieri. Ces objets sont sculptés de manière très stylisée, avec des bras ramenés à la taille mais nettement distancés de l'homme. Il sont donc définis comme des «idoles de l'Âge du Cuivre » Parmi les produits céramiques typiques de la fin de l'âge du cuivre (2700-2200 av. J.-C.), il convient de citer ceux de la culture du Monte Claro (appelé ainsi pour la colline homonyme de Cagliari où des matériaux appartenant à cette culture ont été trouvés). Cette poterie se compose de grands vases de formes diverses tels que des trépieds, des bols et des plats à surface brun-rouge et décorés de rainures verticales et horizontales. À la même époque, la culture du « gobelet-cloche » arrive en Sardaigne, dont on peut encore constater la présence au début de l’Âge du Bronze et qui s’est répandue dans toute l'Europe. Elle tire son nom de l'objet typique qui caractérise cette culture : le gobelet, un récipient à boire en forme de "cloche inversée" et orné de motifs décoratifs gravés ou en pointillés. Outre la céramique, les biens funéraires de cette culture comprennent des articles ornementaux tels que des pendentifs semi-lunaires, des boutons en os avec des perforations en forme de V ainsi que des pointes de flèche en silex et des brassards. Ces petites plaques de pierre rectangulaires à deux ou quatre trous étaient utilisées par les archers pour protéger l'avant-bras de la corde de l'arc après le tir. Des comparaisons précises avec les poteries en forme de gobelet trouvées au Portugal, en Espagne et dans le sud de la France prouvent l'origine occidentale de ces prototypes. Les porteurs de cette culture en Sardaigne étaient probablement des métallurgistes itinérants qui ont habilement absorbé les influences sardes locales. |
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L'ÂGE
DU BRONZE
La subdivision traditionnelle de l’Âge du Bronze (3e et 1er millénaire avant J.-C.) en Âge du Bronze précoce, moyen, tardif et final, généralement acceptée et partagée - mais avec des variations si nécessaire - dans la chronologie des différentes civilisations en Méditerranée et en mer Égée, acquiert une importance particulière en Sardaigne. En effet, la phase comprenant l’Âge de Bronze moyen, tardif et final. coïncide avec la floraison et le développement de la civilisation nuragique, dont certaines anticipations peuvent être observées dès le début de l'âge de bronze. Le début de l’Âge du Bronze en Sardaigne est caractérisé par la large diffusion de la culture Bonnanaro, autrefois considérée par les savants comme le point de départ de la civilisation nuragique. Le matériel funéraire révèle des éléments de continuité avec la phase tardive de la culture des gobelets : brassards, colliers avec des perles en coquillage et dents d'animaux. Cependant, la culture de Bonnanaro diffère de celle du "gobelet" par l'absence totale de décoration dans la céramique, un indice qu'un changement important était en train de se produire. Les formes typiques des récipients de cette période sont des vases à trois pieds (trépieds), souvent équipés d'une "poignée coudée". À partir de la fin de l’Âge du Bronze moyen, la Sardaigne est impliquée dans la diffusion des produits minoens, mycéniens et chypriotes, en particulier la poterie ; on en trouve des preuves archéologiques dans de nombreux endroits. Les vastes ressources minérales (cuivre et plomb argenté) de l'île ont peut-être attiré les marins orientaux vers 1400 av. La preuve de cette hypothèse est que les plus anciens objets mycéniens proviennent précisément des colonies situées près d'importants districts miniers, surtout dans la région de l’Iglesiente : une tête en ivoire d'un guerrier portant le typique "casque en défense de sanglier" a été trouvée à Mitza Purdia (Decimoputzu). Sur un autre site crucial, le Nuraghe Arrubiu à Orroli, qui contrôlait l'accès aux mines de cuivre de Funtana Raminosa, nous avons récupéré un alabastron (vase pour l'huile et le parfum) qui avait été produit dans le nord-est du Péloponnèse. À cette époque, le contact direct entre les Nuragiques et les marins de l'Est s'est probablement fait le long des côtes, bien que les premières découvertes archéologiques mentionnées ci-dessus se trouvent dans des sites de l'intérieur des terres ; ces objets pourraient être arrivés grâce à une médiation entre les communautés côtières nuragiques et ceux qui, depuis l'intérieur des terres, contrôlaient l'accès aux zones métallifères et géraient l'exploitation minière et le traitement des métaux. La majorité des matériaux égéens-mycéniens en Sardaigne date de la fin de l’Âge du Bronze et se concentre autour du golfe de Cagliari. Les fragments de plusieurs vases mycéniens, trouvés entre 1979 et 1985 à l'intérieur du nuraghe Antigori, juste en face du port de Sarroch, ont donné une impulsion à la recherche sur l'activité mycénienne dans l'île. Cette poterie, à la fois importée et produite localement, a probablement fait du site l'un des principaux centres de l'intérieur des terres où les produits mycéniens étaient utilisés comme objets d'échange pour l'achat de métaux. |
Haches en bronze à bords relevés (Âge du Bronze Moyen, Iscalas) |
Collier en coquillages (début de l'Âge du Bronze) |
ÈRE NURAGIQUE
Depuis le début de l’Âge de Bronze moyen, la protohistoire de la Sardaigne est caractérisée par l'émergence et l'établissement de ce que nous appelons la civilisation nuragique. Son développement se poursuit sans interruption jusqu'au début de l’Age du Fer. Cette civilisation, grâce à des milliers de monuments impressionnants et fascinants, domine l'archéologie sarde au fil du temps. Le Nuraghe est le monument phare de cette civilisation. Ces constructions mégalithiques frappantes avec leurs cônes tronqués sont uniques parmi les anciennes civilisations de la Méditerranée. Outre les simples Nuraghi à une seule tour, il existe également des forteresses complexes, qui ont été construites avec plusieurs tours (dénommées bilobées, tréflées, quadrilobées, etc. selon le nombre de tours), avec des dispositions variables et reliées par des murs-rideaux. En règle générale, on trouve des vestiges de villages composés d'un nombre variable de huttes près des sites des Nuraghi. Sur les plus de 7000 Nuraghi disséminés sur l'île, seul un petit nombre a été fouillé. La compréhension de ces monuments manque encore de nombreux éléments jusqu'à aujourd'hui. La science a émis plusieurs hypothèses sur leur fonction. Les matériaux trouvés dans les fouilles (poteries, restes de nourriture et outils divers), montrent qu'ils étaient utilisés pour des activités domestiques. Cependant, certaines caractéristiques architecturales (telles que les tours, les embrasures et la ceinture défensive extérieure) en font des bâtiments fortifiés équipés pour la protection des personnes ou des biens. Il ne fait aucun doute que les Nuraghi ont joué un rôle important dans le contrôle des territoires et la gestion des ressources. Leur localisation dans des lieux dominants souligne la valeur symbolique de ces monuments en tant que signe de pouvoir et de richesse des communautés qui les possédaient. Les tombes des Géants sont un autre exemple d'architecture mégalithique à l'époque Nuragique. Ces tombes sont constituées d'une longue chambre funéraire (galerie) et d'un demi-cercle (exèdre) devant elles qui ont été utilisées pour les cérémonies funéraires. Leur disposition rappelle la forme d'une tête de taureau. Pourtant, leur nom populaire fait référence à la dimension de la galerie, qui rappelle un cimetière pour un individu gigantesque. Mais en fait, ces tombes ont servi à l'enterrement de dizaines ou de centaines d'hommes. La religiosité nuragique a laissé des traces importantes dans les temples dits puits sacrés qui peuvent être liés au culte de l'eau. Fréquemment, ces temples peuvent être associés à des villages cultuels tels que Santa Vittoria de Serri et Sant'Anastasia de Sardara. En revanche, le culte des temples à mégarons est beaucoup plus difficile à explorer. L'authenticité de cette architecture va de pair avec la grande valeur et la préciosité des chefs-d'œuvre artistiques nuragiques, tels que les bronzes figuratifs et les grandes sculptures en pierre qui ont été trouvés dans le complexe de Mont'e Prama à Cabras. |
Maquette de nuraghe |
Coupe intérieure d'un
nuraghe
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TOMBES DES
GÉANTS
Les tombes des Géants sont des tombes mégalithiques nuragiques. Sur la base des caractéristiques architecturales et des techniques de construction, les tombes des géants peuvent être divisées en deux groupes de base : - le type dit "à dalles" est une tombe à structure orthostatique (les dalles non coupées formant l'exèdre sont disposées côte à côte) et généralement une "stèle" centrale qui est percée d'une porte - les tombes dites "de type bloc" sont faites de blocs à coupe rectangulaire et possèdent une entrée avec architrave . Un développement ultérieur des tombes orthostatiques est la tombe des géants construite en "isodomie", i.e. qui est construite en couches régulières, à la fois dans la chambre et sur la façade de l'exèdre. |
Tombe de géant : maquette de tombe (type isodome) |
Boxeur ou
orant ?
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Femme portant
une offrande (pain plat)
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Chef
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Chef |
Guerrier avec casque, épée et bouclier |
Guerrier avec casque, épée et bouclier |
Archer portant une épée |
Lames d'épée en bronze |
Géant de Monte e' Prama |
Géant pugiliste de Monte e' Prama |
MINES
ET LINGOTS La demande de ressources minérales sardes a sans aucun doute intensifié les relations avec d'autres civilisations contemporaines de la Méditerranée, en particulier avec les civilisations mycéniennes et chypriotes de l’Âge du Bronze tardif et final (vers 1380-930 av. J.-C.). L'exploitation des mines de l'île à l'époque Nuragique peut être observée sur plusieurs sites, situés à courte distance des amarrages ainsi que dans l'arrière-pays. Parfois, on a trouvé sur place des outils en pierre liés à l'exploitation minière. Les preuves les plus cohérentes de l'activité métallurgique proviennent de ce que l'on appelle les «placards». Dans ces dépôts, on a pu trouver des réserves d'objets de valeur ou d'objets à fondre. Parfois, ces ressources métalliques étaient stockées dans des conteneurs d'argile, contenant des lingots. Ces "lingots" circulaires grossiers à section plano-convexe, ainsi que des objets intacts ou cassés et d'autres déchets ont pu être trouvés dans ces conteneurs. De nombreuses découvertes ont la forme d'une peau de bœuf (connue sous le nom de lingots en peau de bœuf), que l'on trouve également dans toute la Crète, en Méditerranée orientale et à Chypre en particulier, où ils ont été produits et transportés jusqu'en Sardaigne par mer, Sur la base des données issues des fouilles, il est possible de fixer le développement maximal des lingots en peau de bœuf à l’Âge du Bronze final, en parallèle avec une utilisation plus fréquente des lingots en brioche. Les preuves sont bien documentées à ce stade, mais ces lingots ont ont été utilisés dans des temps encore plus anciens. La présence de marques linéaires A ainsi que d'écritures chypriotes sur certains lingots en peau de bœuf prouve l'origine étrangère de ces artefacts qui a été démontrée par des méthodes d'analyse chimique et métallurgique. Cependant, il n'existe pas d'éléments sûrs (tels que des fours à scories, à cendres et à carbone, etc.) permettant d'identifier ces sites de découverte comme des installations de production pour le traitement primaire des métaux. Ces faits conduisent à l'hypothèse que la Sardaigne nuragique accueillait principalement des centres de traitement secondaire du métal purifié. Cette hypothèse est confirmée par d'énormes découvertes de moules en pierre simples et multiples qui portent des formes différentes pour l'empreinte de divers instruments, tels que des haches, des lances et des poignards. |
DE L’ÂGE DU BRONZE À L’ÂGE DU FER Dans les
études portant sur le monde nuragique, le
passage de l’Âge du Bronze final à l’Âge du
Fer (du IXe au VIe siècle avant J.-C.) pose
un problème difficile. En particulier, les
deux premiers siècles de cette période -
connus sous le nom de « Premier Âge du Fer" -
ont été longtemps considérés par les
spécialistes de la préhistoire comme la
phase finale du Nuragique, tandis que les
spécialistes de la civilisation phénicienne
et punique les considéraient comme les
précurseurs de la colonisation qui commence
au milieu du VIIIe siècle.
Aujourd'hui, aucune de ces deux approches n'est considérée comme suffisante, et des études récentes ainsi qu'une étude plus approfondie des archives archéologiques montrent clairement qu'à cette époque, les éléments nuragiques et phéniciens en Sardaigne ne sont pas nécessairement opposés, comme le montre la coexistence de colonies nuragiques et phéniciennes dans des centres comme Tharros et Othoca, dans le golfe d'Oristano. C'est pourquoi nous avons explicitement choisi de qualifier la période comprise entre la fin du VIIIe et le début du VIe siècle avant J.-C. (le « Deuxième Âge du Fer") de "tradition nuragique et âge phénicien", afin de souligner les influences mutuelles entre ces civilisations, dont les conséquences en Sardaigne sont absolument uniques. Un phénomène déjà présent en nuance à la fin de l'âge du bronze mais qui s'accroît dans certaines régions à cette époque est l'abandon des colonies et le démantèlement partiel et la réutilisation des nuraghi. Beaucoup de ces monuments changent de disposition, comme le montrent le nuraghe "Su Nuraxi" à Barumini et le nuraghe "Genna Maria" à Villanovaforru, où des parties entières de l'ante-mur (tours et murs extérieurs) sont démolies afin de construire les maisons de la colonie. La production
d'armes en bronze augmente, comme en témoigne
la pratique de la thésaurisation : des
réserves de bronzes, probablement propriété
de la communauté, sont conservées dans des
sanctuaires ou cachées soit sous les
trottoirs des huttes, soit dans les murs des
nuraghi. Dans la production de poteries, la persistance de récipients déjà répandus à la fin de l'âge du bronze s'accompagne de l'apparition parallèle de nouvelles formes qui enrichissent le répertoire céramique : les askos, c'est-à-dire les cruches à bec, et les cruches à mono-poignée sont typiques de cette étape. Les vases sont à nouveau richement décorés de motifs gravés dans le style dit géométrique. Les relations entre la Sardaigne, l'Étrurie et la Campanie deviennent particulièrement intenses entre le IXe et le VIIIe siècle av. J.-C., comme en témoignent de nombreuses découvertes de production ou d'imitation nuragique, principalement à Populonia et Vetulonia, mais aussi à Vulci, Tarquinia, Cerveteri et Pontecagnano : de petites cruches, des armes, des bronzes figuratifs, des navires votifs, des boutons et des carquois miniatures, et des chaudrons en bronze sont attestés dans les tombes de l'aristocratie étrusque. De même, des épées, des haches, des rasoirs en forme de croissant et des fibules utilisées pour attacher les étoffes, arrivent en Sardaigne. Des cruches et autres vases nuragiques ont également été trouvés en Sicile (Pantalica, Mozia), en Tunisie (Carthage, Utica), en Andalousie (Cadix, Huelva) et même en Crète (Khaniale Tekké). La complexité des contacts culturels entre la Sardaigne et le reste du monde méditerranéen, bien que par la médiation des Étrusques ou dans le cadre des routes commerciales gérées par les Phéniciens, confirme, au début de l'âge du fer, l'existence d'une civilisation spécifique sur l'île, dont l'identité ethno-culturelle a été reconnue par les différents peuples méditerranéens. |
Modèle en pierre d'un nuraghe avec trous pour fixer des armes votives - Sta Virroria di Serri (Âge du Fer) |
Archet et son reflet montrant le carquois dans son dos |
Mère avec son
enfant
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ÈRE PHÉNICIENNE ET PUNIQUE Les preuves archéologiques montrent que dès la fin du IXe siècle avant J.-C., les premiers groupes de Phéniciens ont commencé à arriver sur la côte sarde, dans le but de faire du commerce avec les Nuragiques. La première présence permanente des Phéniciens est documentée dans la région du Sulcis, avec la fondation de Sulki (Sant'Antioco) en 780-750 avant J.-C. et la construction, entre le VIIIe et le VIIe siècle, d'autres établissements dans la région de Portoscuso, à Inosim (Carloforte), à Monte Sirai et à Pani Loriga (Santadi). En même temps, de nombreux autres centres situés dans le golfe de Cagliari et le golfe d'Oristano se sont rapidement développés : Karalis (Cagliari), Tharros (San Giovanni di Sinis), Nora (Pula) et Bithia (Chia-Domus de Maria), Otheca (Santa Giusta), Cuecureddus (Villasimius). Plusieurs produits significatifs de l'artisanat phénicien proviennent de ces sites, révélant des aspects importants de la culture et de la religion, étant donné qu'ils ont été trouvés pour la plupart dans des contextes funéraires ou domestiques. Les cruches à large bord plat et circulaire, également appelées "cruches en champignons" en raison de leur forme caractéristique, et les cruches à embouchure en trèfle, ainsi que les plats et autres récipients, sont particulièrement populaires parmi les objets à bord rouge. La rencontre entre les Phéniciens et la civilisation nuragique locale a produit des résultats absolument uniques en termes d'influences réciproques, révélées par les objets et les monuments. En outre, elle marque l'entrée sur l'île de formes d'échange culturel basées sur l'écriture, visant les registres commerciaux et les dédicaces religieuses. Parmi les documents les plus anciens, la stèle de Nora est remarquable malgré son sujet énigmatique : malgré les difficultés de traduction, on peut discerner la plus ancienne référence écrite au nom de la Sardaigne ("SRDN"), et probablement à celui de la ville de Nora elle-même ("NGR"), À la fin du VIème siècle avant J.-C., Carthage, la plus puissante et la plus connue des colonies phéniciennes fondées en Afrique du Nord, après s'être développée militairement en Sicile, commence à se tourner vers la conquête de la Sardaigne. En 509 av. J.-C., le premier traité entre Carthage et Rome sanctionne l'hégémonie carthaginoise sur les côtes sardes. Le fort impact de la culture punique sur l'île est particulièrement évident dans le peuplement fondé plus tôt par les Phéniciens, ainsi que dans les nouveaux établissements situés soit dans les grandes zones de culture du maïs du Campidano, soit près des principales mines. C'est le cas à Neapolis (Guspini) et Cornus (Cuglieri) dans le centre de la Sardaigne du Nord, mais aussi à Villamar, Santu Teru (Senorbi), Sanluri, San Sperate et plusieurs autres centres. Durant cette phase, l'activité agricole devient particulièrement intense, orientée vers la production de céréales. Comme
dans le cas de l'avènement des
Phéniciens, la conquête de l'île par
Carthage a fortement affecté l'artisanat
local, en particulier la poterie, qui
s'est progressivement libérée de
l'influence orientale, créant des
produits que l'on peut considérer typique
d'un faciès culturel sardo-phénicien.
Par exemple, nous pouvons inclure le vase
dit «biberon », avec un ou deux becs
coniques étroits dépassant du haut du
corps, dont le décor peint représente
les traits d'un visage humain, ainsi que
des figurines en terre cuite trouvées en
grande quantité, des stèles figuratives
et de nombreux autres objets artisanaux. |
La stéle
de Nora
La stèle de Nora est le plus ancien document écrit de Sardaigne et, probablement, de tout l'Occident, datant de 850 a 725 avant J.-C. L'inscription, gravée sur le grès local, est disposée sur 8 lignes ; le texte est considéré comme complet, même si la pierre a probablement perdu quelques fragments. La traduction est controversée, mais les spécialistes s'accordent a identifier la pierre comme le plus ancien témoignage du nom de la Sardaigne, qui apparait a la troisième ligne (de droite a gauche, de la deuxième à la cinquième lettre). Cependant, il n'est pas possible de vérifier si ce nom était déjà utilisé à cet âge pour identifier l’île. Quelle que soit la signification de l'inscription, cette stèle démontre que les Phéniciens ont identifié le lieu avec le nom qu'ils ont trouvé à leur arrivée, adapté à leur propre alphabet. Après tout, de nombreux noms de villes phéniciennes en Sardaigne ont conservé la racine linguistique locale : parmi celles-ci, il y a même Nora, qui a la même racine que le mot "nuraghe". C'est un signe clair de cette intégration profonde et réussie entre les populations locales et les nouveaux arrivants, révélée par la recherche archéologique contemporaine. La stèle de Nora a été trouvée en 1773 dans le mur d'enceinte du monastère de l'ordre de la Bienheureuse Vierge Marie de la Miséricorde à Pula. Elle est entrée dans les collections du musée en 1830 et a toujours été exposée depuis lors. |
Poteries de Bithia - Époque phénicienne |
Cruche et pichet phéniciens (Bithia) |
Boucles d'oreille en or et perles vitrifiées (Bruncu S'Olia, VIème- VIIème s. av. J-C) |
Biberon double avec col à forme humaine - Age phénicien-punique (IIIème - Ier-s. av. J-C). |
Masque apotropaïque (conjurant le mauvais sort) en argile (Tharros, âge punique (VI-IVème s. av. J-C) |
Statuettes en argile, dites "idoles en forme de bouteille". Trouvées dans le stipe* votif du temple de Bès** à Bithia, Domus de Maria (CA), ces figurines masculines et féminines invoquent le dieu de la santé Bes pour leur guérison. Chaque spécimen montre une souffrance, en indiquant la partie du corps qui est douloureuse ou affligée par la maladie, selon les différentes positions de ses bras et de ses mains. Âge punique, 3ème-1er s. av. J-C. *stipe (du latin stipa) : dépôt d'offrandes votives. **Bes était un dieu
guérisseur d'origine égyptienne.
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Statuettes votives en argile (ère punique, 3ème-1er-s.-av. J-C) |
Portrait d'un Romain inconnu, d'époque Républicaine (Ier s.av. J-C) |
Portrait de l'Empereur Néron. Tête rapportée, Olbia (54-59-ap. J-C) |
Verrerie de table
Modiolus (verre avec poignée) utilisé comme urne funéraire, (2ème moitié du 1er S. ap. J-C.) Verre soufflé avec décoration de feuilles de palmes et inscription grecque (Cornus, 1er s. ap. J-C). Hydria : bouteille cylindrique avec poignées (Cornus, 1er-2ème s. ap. J-C.) |
Urne cinéraire globulaire avec inscription commémorative de la défunte (Olbia, époque impériale romaine Ier s. ap. J.-C) |
Coupe en calcédoine en forme de feuille (début de l'ère impériale romaine) |