Ciel gris encore ce matin au réveil,
quoique la température soit plus douce (moins humide ?) et
que parfois le soleil perce le couvert nuageux. Je démarre
lentement en complétant le carnet de route, puis m’ébranle
(10:30) vers le sud en quittant la Provincia d’Oristano pour
celle d’Iglesias.
Près de Porto Palma les montagnes de l'intérieur |
La petite route qui caracole sur les pentes ne tarde pas à s’éloigner de la mer pour escalader un relief assez vif de hautes collines ou de petites montagnes (400 à 500 m) entrecoupées de profonds ravins aboutissant à la mer. Virages incessants, mais partout asphalte en assez bon état. |
Puis descente vers Gutturu’e Flumini.
Je longe maintenant la superbe Costa Verde, assez peu habitée, et les quelques modestes stations estivales sont toutes désertes. Petite balade sur la plage et les rochers à Portu Maga, à la recherche des coquillages aux reflets nacrés signalés par le G.V., sans succès…
Tentant ensuite de rallier Piscinas par la côte, je finis par me heurter à un gué, certes peu profond, mais dont l’eau brune ne laisse pas voir le fond de gravier, ce qui ne donne guère gage de sûreté. |
Les dunes sont
pourtant toutes proches, à portée de roues
semble-t-il. Mais un panneau placé fort à propos juste
avant l'eau trouble avertit on ne peut plus
explicitement :« Guado non transitabile in caso di
piena ». Échaudé par ma mésaventure sur le dune de San Giovanni di Sinis, je préfère m’abstenir et faire demi-tour pour un long détour par l’intérieur. |
Depuis la petite route, les dunes de Piscinas inaccessible de ce côté |
Il me fait grimper par un chemin vicinal
très carrossable mais non fréquenté jusqu’au site minier de
Montevecchio situé dans le col. Impossible de trouver
quiconque pour une visite guidée des différentes parties de
l’exploitation qui a fermé en 1991 mais a été conservée en
l’état comme musée industriel et ethnographique.
Je mange sur la
place centrale entre le Palais du Directeur (la
bourgeoisie de l’époque avait grand train de vie !) et
un bâtiment d’accueil où personne ne répond… En faisant le tour du bâtiment je découvre une borne d’eau qui me permet de refaire très facilement le plein de ma citerne. Tout irait donc pour le mieux, si le ciel n’était si gris et le vent si frais. |
Montevecchio: halte devant le Palais directorial |
Les anciennes installations minières de Montevecchio maintenant désaffectées |
Contournant les anciennes installations minières maintenant désaffectées, je poursuis mon chemin vers Piscinas en redescendant vers le bord de mer via Arbus, un gros bourg accroché à la pente où je cherche vainement me procurer une carte de cette autre provincia (département). Il est 14:00, et l’Info Point municipal, bien indiqué, est fermé… |
La petite route (SP126) continue de dévaler
en tournicotant et, 24 km plus loin, traversant d’autres
sites miniers abandonnés, je finis par rejoindre le bord de
la mer.
Les derniers 5 km
sont en gravier comme il se doit dans un parc naturel
créé pour protéger flore et faune de magnifiques dunes
de sables - le plus grand site d’Europe, semble-t-il.
Stationnant sur le grand parking presque vide à deux cents mètres du rivage, dans le fracas des grosses vagues s’écrasant sur le sable doré, je pars faire une petites balade sur les pentes croulantes évoquant fortement les déserts stéréotypés de notre enfance… à part une maigre flore d’arbustes miniatures qui s’est implantée de peine et de misère sur les dessus. Dommage que la lumière soit si terne, les points de vue sont étrangement exotiques… Le vent cependant me parait vite assez froid, et trois-quart d’heure plus tard je suis de retour dans l’Exsis. |
La lumière descend vite, je commence à transféré et traiter les photos de la journée quand je reçois un appel de Monique qui s’apprête à aller déjeuner alors que je songe à mon souper… La nuit est tout à fait tombée lorsque nous raccrochons. Souper, puis fin du traitement des photos et enfin rédaction du carnet de bord me mènent vers 22:00 où, fatigué de cette journée de grand air assez fraiche, je descend le lit et me couche dans la grande rumeur des rouleaux déferlant à quelques centaines de mètres.
35 174 Dimanche 5 janvier 2020 : de
PISCINAS à BUGGERRU (65 km)
Piscinas dans le vent et les embruns au matin |
Lever un peu avant 9:00; le ciel variable ménage cependant une lumière nettement plus vive qu’hier. Je commence par dégager le pare-brise et les fenêtres de la couche de sel qui les obscurcit, les embruns ayant volé jusqu’ici malgré la distance du ressac, sous l’effet du vent qui a fraichi durant la nuit pour enfin s’apaiser ce matin. |
Un dernier petit tour au pied des dunes, et je tourne le dos à la mer pour remonter la vallée vers Naracauli puis Ingurstosu à travers les ruines des mines abandonnées. Le ciel s’est maintenant dégagé et un grand soleil règnera en maitre jusqu’au soir. | Bivouac devant les dunes |
Devant les restes de la Laveria Brassey |
Les premiers kilomètres sont très mauvais, pleins de trous et d’ornières; mais dès qu’elle retrouve l’asphalte à Naracauli, devant les restes de la Laveria Brassey où, avant de gagner le quai d'embarquement, le minerai brut était trié et lavé en laissant d’énormes amas de scories, la route sinueuse s’avère agréable. |
La laveria de
Naracauli est également appelée laveria de Brassey
d’après l'anglais Lord Thomas Alnutt Brassey,
propriétaire de la mine. Elle a commencé son
activité en 1900 pour la traitement du blend (le blend
est un minerai composite dont on a extrait le
zinc, le cadmium , le gallium et l'indium). En même temps, les puits principaux de Gennamari et Ingurtosu ont été approfondis et la construction du nouveau puits principal Lambert a commencé. Le transport de tous les matériaux extraits vers la laveria a été organisé avec des funiculaires, des câbles aériens et par rail. Ce nouveau système de traitement mécanique des minéraux (appelé « lavage » dans le but de mieux laver et de séparer le minerai de la matière stérile - gangue de quartz), a été parmi les plus importants systèmes de lavage hydrogravimétriques en Sardaigne pendant de nombreuses années. La Laveria a été rénovée à plusieurs reprises au cours des décennies suivantes, mais dans les années 70, elle a été démantelée. (Affiche)
|
La Laveria Brassey |
Palazzo della Direzione
Le bâtiment de la direction, également connu sous le nom de “castello” (château), a été construit dans le style néo-médiéval vers 1870 sous la direction de l'ingénieur allemand Hoffmann. Construit sur plusieurs étages, il abritait les bureaux administratifs et techniques de la mine. Les bureaux étaient répartis sur les différents étages selon une sorte de hiérarchie sociale : au bas se trouvaient les bureaux des employés, aux étages supérieurs les bureaux du directeur et du directeur adjoint (troisième étage), et enfin, le quatrième étage abritait toute la famille du directeur. La position dominante du château devait symboliser le pouvoir de contrôle exercé par les directeurs sur leurs employés, puisque le travail effectué dans la mine pouvait être observé d'ici sans déranger le travail qui se faisait dans la mine. L'ensemble de la construction, avec ses fenêtres à meneaux de style néo-gothique, est très austère et donne paradoxalement un air soumis aux alentours : c'est ainsi qu'apparaissent les pauvres habitations des mineurs, pour la plupart des taudis construits avec des pierres de schiste. Sa grande arche, qui surplombe la route, est une sorte de porte symbolique du village minier. (Notice) |
Le «Palazzo della Direzione» d'Ingurtosu |
Le temple d'Antas au fond du vallon et à flanc de colline |
Je rattrape peu après la SP 126 qui, virevoltant dans la montagne, finit par rejoindre Fluminimaggiore dans le massif de l’Arburese. Me perdant un peu dans les rues embrouillées de la petite ville, je finis par me faire indiquer le site du Tempio di Antas, en fait une dizaine de km plus au sud sur la SP 126. Autre route de gorges extrêmement sinueuse le long du rio Antas, pour enfin découvrir le site parfaitement aménagé au bout du vallon. |
Je commence par déjeuner, puis me lance
dans sa visite qui occupera tout mon après-midi. D’abord je
gagne le temple, merveilleusement serti dans un cadre de
verdure et de montagnettes qui me rappelle les plus beaux
sites de l’Acadie ou du Péloponnèse. Si la taille de ce
temple romain est réduite, sa restauration impeccable a
remis en place juste ce qu’il fallait pour évoquer la haute
époque de sa construction, sans refaire à neuf ce qui doit
demeurer une ruine… Informations complètes et bilingues (!)
sur des panneaux bien disposés et agencés, fouilles annexes
de tombes et du petit oratoire punique origine du
sanctuaire… rien ne manque et tout est parfait, même la
fréquentation très raisonnable pour un dimanche après-midi
d’hiver.
Carrières romaines du temple d'Antas |
Je me rendrai même, sur un étroit sentier assez raide de près de 2 km, jusqu’à la carrière (romaine) d’où furent extraites les grosses pierres de taille du monument; là encore quelques panneaux expliquent en détail le pourquoi et le comment de l’exploitation. On y documente aussi toute l’importance des gisements minéraux pour la Sardaigne depuis la plus haute antiquité et comment “L’île aux veines d’argent” n'a fermé la plupart de ses mines, devenues non concurrentielles, qu'au milieu du XXème siècle. |
Le soleil descend déjà lorsque je fais
demi-tour pour revenir à Fluminimaggiore par la route de
gorges (SP 126) et rattraper ensuite la SP 83 vers la mer,
atteinte à Portixeddu.
Portixeddu : la courbe de la grande plage au sud-ouest |
J’assiste à la descente finale et à disparition du soleil dans les flots particulièrement agités dans cette petite station sans prétentions. Les gens plutôt emmitouflés procèdent à leur passagietta du dimanche soir, avant de rentrer chez eux (en ville ?). |
Ils profitent ainsi de la lumière éclatante diffusée par les grosses vagues déferlant longuement sur toute la courbe de la plage (plusieurs kilomètre) et sur les pointes rocheuses qui l’encadrent. | Portixeddu : les falaises rocheuses au nord-ouest |
Il est temps de songer à mon bivouac de ce
soir. Je me décide à gagner l’autre pôle de cette côte
magnifique à une dizaine de kilomètres au sud : Buggerru où
le G.V. annonce, en plus d’une vieille ville descendant en
escalier jusqu’à l’eau, de beaux espaces dévolus aux
camping-cars près du port.
Le crépuscule s’assombrit lorsque je
m’installe sur le quai garni de nombreux yachts au repos et
de quelques bateaux de pêcheurs, eux bien en activité comme
le suggèrent les entassements de filets colorés. Petit tour
sur les quais alors que la température est encore
étonnamment douce pour l’heure (il est passé 17:30).
Après cette autre belle journée de plein
air, je m’attelle au traitement des photos du jour (dont le
dépouillement des panneaux de textes à transférer en fichier
texte pour traduction) qui me mène fort tard après minuit,
brièvement interrompu par un souper réconfortant.
35 239 Lundi 6 janvier 2020 : de
BUGGERRU à CORTOGHIANA (58 km)
Mon bivouac au matin sur le port de Buggerru; en arrière les ruines d'un ancien entrepôt ou atelier lié aux mines |
Nuit excellente devant les bateaux au calme dans le bassin. Je me lève un peu tard et dans le grand soleil, pour décoller autour de 10:00, non sans avoir vidé la cassette et fais le plein d’eau sur l’aire de service toute proche (personne pour collecter les € indiqués à l’entrée…). |
Autour de moi, tassés dans l'espace restreint au pied des falaises, demeurent les restes des installations minières et portuaires qui ont animé la ville jusqu'en 1979, vagues bâtisses industrielles qui enlaidissent un site autrement superbe. | Buggerru : installations désaffectées de la laveria Malfidano |
La montagne entamée par la mine |
Je traverse alors la petite ville nichée au fond du vallon sur une rue (principale) qui serpente entre les maisons en grimpant le long de la vallée, dévoilant bientôt une grande entaille dans le rocher rouge : ici l'on extrayait le riche minerai à l'origine du développement de la cité, activité abandonnée à laquelle on cherche depuis près de 50 ans une relève. |
Quelques kilomètres sur la S(trada)
P(rovinciale) panoramique, et je bifurque à droite sur un
chemin vicinal menant à la Cala Domestica, une superbe plage
au fond d’une anse aux eaux bleues transparentes, encadrée
par des falaises tombant à pic dans la mer.
En fait on ne peut s’approcher du bord des
falaises trop abruptes, et le plateau aux pierres acérées ne
permet guère de s’y déplacer.
En revanche, au retour vers la Cala Domestica, les vues sur l’eau bleue, le sable blond et la minuscule Caletta, atteignable par un tunnel dans le roc, sont de toute beauté. |
Plage de la Caletta et son tunnel la
reliant à Cala Domestica
Masua : la mine et le Pan di Zucchero |
Après ce bain de nature je déjeune puis poursuis ma route qui coupe à travers la montagne avant de rejoindre bientôt la côte en descendant vertigineusement vers la grosse installation minière de Masua. Elle en contourne les restes considérables pour donner accès à une autre jolie plage et surtout à une belle vue sur le Pan di Zucchero (pain de sucre), un gros îlot semblable à de gros blocs rectangulaires empilés, à deux ou trois kilomètre au large, dont la couleur jaunâtre contraste avec les falaises presque verticales de pierre rougeâtre. |
Les couleurs vibrent sous le grand soleil, je me rends jusqu’à la pointe pour jouir du panorama le plus large, fais quelques photos puis poursuis la route côtière en corniche. Elle offre elle aussi quelques vues superlatives sur les falaises, la mer émeraude et les îlots. |
Masua : le Pan di Zucchero |
Nebida : maisons accrochées à la pente |
Un peu plus loin le gros village de Nebida, lui aussi autrefois essentiellement minier, m’offre une pause en vue de ses maisons colorées accrochées en terrasse sur la pente de la montagne, entourant la belle maison de maître de la direction minière… |
Ultime descente jusqu’à l’immense plage de
Fontanamare que je longe un moment avant de prendre dans les
terres la direction de la préfecture provinciale d’Iglesias
où le G.V. signale un pittoresque centre ville ancien.
Dans la lumière qui diminue déjà (il est passé 16:00) je trouve une toute petite place devant la chiesa di San Francisco, à la limite de la zone à circulation limitée, interdite à mon gros véhicule. | Iglesias : Exsis devant l'église de San Francesco |
Municipio d'Iglesias |
De là je rejoins sans trop de difficulté la place du Municipio où se trouve l’Office du Tourisme. Hélas, tous les bureaux sont fermés le lundi (et peut-être aussi pour l’Épiphanie ?), je ne pourrai donc obtenir le plan dont le Michelin nous prive encore une fois. |
Tant pis, je me débrouillerai en suivant
ses indications rédigées pour une fois assez précisément, et
fais le petit tour suggéré : la cathédrale et sa place, le
Corso Mateoti présentant quelques belles façades Liberty
(comme le Teatro Electra, de 1928)...
Iglesias : façade de la cathédrale |
Nef de la cathédrale d'Iglesias |
Bénitier de la cathédrale |
Retable de
Sant' Antioco dans la cathédrale d'Iglesias
|
Sant'Antioco dans son retable |
Autre saint sur le retable de Sant'Antioco |
Vierge à l'Enfant dans la cathédrale d'Iglesias |
Chapiteau ange présentant des armoiries dans la cathédrale d'Iglesias |
Teatro Electra (1928) |
Antiqua
Offeleria (pâtisserie) : caffé La Marmora (1904)
|
Piazza Quintino Sella |
Piazza Quintino
Sella : le monument au ministre
promoteur des mines sardes |
Via Cagliari |
... puis retour par d’autres pittoresques petites rues jusqu'au Municipio pour finir par l’église San Francesco (XVème-XVIème), qui allie des formes gothiques de qualité à la simplicité franciscaine. |
Le soleil s’est couché, le crépuscule
ne saurait se prolonger longtemps, il est temps de trouver
un point de chute pour la nuit. En route pour l’île
d’Antioco au sud, je m’arrêterai dans le gros bourg de
Cortoghiana, Fondé par Mussolini, le G.V. en décrit
brièvement l’urbanisme très Razionalismo de la fin des
années '30. J’y jetterai un coup d’œil demain matin; en
attendant je me case sur un petit stationnement sur l’une
des rues perpendiculaires au seul grand axe central, et
entame ma soirée vers 18:30.
Souper, appel de Monique qui suit mon périple grâce à la localisation sur mon IPhone… Je charge les photos et prends longuement le temps de convertir en format texte les nombreuses notices en italien captées à droite et à gauche (pour les traduire plus tard) et finalement me couche sans avoir ouvert mon carnet de route, trop fatigué pour penser me mettre à l’écriture. La nuit assez fraîche nécessitera de laisser le chauffage allumé en permanence.
35 297 Mardi 7 janvier 2020 : de
CORTOGHIANA à SANT’ANTIOCO (27 km)
Réveil assez reposé vers 8:30, tandis que quelques locataires des petits immeubles voisins font démarrer leur voiture. Je me douche, positionne l’Exsis vers l’Est de façon à favoriser une recharge solaire optimale, et branche l’ordi dont la batterie s’est épuisée hier soir. |
Place centrale
de Cortoghiana
|
Douche et déjeuner près de la place centrale dont je fais ensuite le tour : décidément l’urbaniste ici a fait au minimum, les petites immeubles en brique crépie sont strictement cubiques sans aucune fioriture ni recherche, installés le long de l’axe central ou par petits blocs réguliers sur les rues perpendiculaires… Une vraie ville dortoir destinée aux ouvriers en surnombre de Carbonia (ville minière voisine). |
Seule la place centrale a eu droit à un traitement différent de cette organisation austère et minimaliste : le grand espace rectangulaire pavé est entouré d’arcades en lourds piliers quadrangulaires de pierre équarrie rougeâtre… Valait à peine le détour ! Un ensemble qui me fait penser à l’architecture socialiste de la RDA avant la chute du Mur… | Cortoghiana (1939) : la place centrale |
Je ne m’attarde pas et grimpe bientôt la
petite route étroite qui monte au site du Monte Sirai : il
offre de fort belles vue sur la plaine aux pied de la
colline, mais surtout une autre agréable balade dans la
campagne autour de ruines pré-romaines : l’établissement ici
remonte aux Phéniciens qui s’allièrent aux Nuragiques dès le
VIIIème s. av. J-C pour
développer une petite cité sur le plateau étroit couronnant
le Mont.
BRÈVE
HISTOIRE DU MONTE SIRAI
Dans la région du Sulcis, les
seuls établissements identifiés jusqu'à présent
comme ayant certainement été fondés à l'époque
phénicienne sont au nombre de cinq : S.Giorgio
(Portoscuso), Monte Sirai (Carbonia), Sulcis (S.
Antioco), Panilonga (Santadi) et Bitia
(Domusdemaria). L'emplacement de ces centres est
certainement optimal d'un point de vue
stratégique. En particulier, le Monte Sirai
contrôlait l'accès nord de la région du Sulcis
vers la partie ouest des vallées du Cixerri.
L'agglomération du Monte Sirai, défendue
naturellement en raison des caractéristiques
structurelles et morphologiques particulières de
la colline avec ses flancs abrupts et son sommet
plat, s'élève pendant la deuxième moitié du
VIIIème siècle av. J.-C. (environ 725 av. J.-C.)
comme une agglomération civile autour d'un lieu
sacré contenu à l'intérieur d'un petit nuraghe ;
elle conserve des traces d'occupations antérieures
des âges néolithique et nuragique.
La stratégie de son établissement fait partie de la prédisposition commune des centres phéniciens, tant côtiers qu'intérieurs, à être situés le long des voies de communication naturelles. À l'époque phénicienne, c'est-à-dire entre la seconde moitié du VIllème et la fin du Vlème siècle avant J.-C., le site disposait d'une zone de peuplement de près de deux hectares, constituant ainsi, avec le Sulcis, l'un des plus grands centres de la période. En fait, les recherches montrent que la communauté phénicienne disposait d'une surface habitable égale à celle du centre, aujourd'hui visible, d'un âge plus avancé (récent). Il est habituel d'attribuer la fondation de la colonie aux Sulcitains, mais la récente découverte de la nécropole de San Giorgio, sur la côte et à six kilomètres au maximum, place Monte Sirai au moins théoriquement aussi comme une possible filiation de la colonie phénicienne anonyme de Portoscuso, à laquelle la nécropole de San Giorgio fait référence. On a émis l'hypothèse, suite aux premières recherches sur la montagne, d'une occupation violente du site par les Phéniciens avec destruction conséquente des structures préexistantes ; mais le fait que le nuraghe n'ait pas été rasé lors de la fréquentation phénicienne est maintenant démontré sans équivoque par les données stratigraphiques liées au niveau de piétinement de l'entrée de la tour nuragique. L'établissement phénicien est évoqué par la nécropole d'incinération avec ses tombes à fosse et à ciste, qui témoigne des liens entre la fin du VIlème et la fin du Vlème siècle avant J.-C. La phase punique de l'établissement, introduite par la conquête et la destruction de la colonie phénicienne par les milices carthaginoises vers 525 avant J.-C., s'est ouverte par une réduction radicale du centre ; une grande partie de l'établissement a été abandonnée et les quelques habitants, quelques dizaines, comme on peut le voir dans la nécropole avec tombes de chambre qui appartient à cette période, ont exploité et utilisé un secteur réduit de l'acropole, près et autour du donjon, la tour qui a été construite sur le nuraghe préexistant. La renaissance du Monte Sirai a eu lieu au début du IVe siècle avant J.-C., dans le contexte du développement général de la présence punique sur l'île, lorsque la communauté a commencé à étendre ses espaces de vie. Le fait que le Monte Sirai ait atteint à cette époque une dimension de ville bien définie est documenté par la construction de la première muraille fortifiée et l'introduction du sanctuaire de tophet vers 380 avant J.-C. Les murs, typologiquement et structurellement identiques à ceux de nombreux autres centres puniques de Sardaigne, étaient composés de plusieurs rangées de pierre travaillée et étaient formés de blocs de trachyte rouge quadrillée et rustiquée. Le centre habité s'est agrandi et, en tant qu'extension, il recouvrait au moins en bonne partie les ruines des anciennes habitations de la période phénicienne. Mais la période de plus grande expansion correspond encore à la phase qui suit la conquête romaine (238 av. J.-C.), lorsqu'un développement urbain tumultueux affecte à la fois les lieux de culte et les quartiers d'habitation de l'acropole, qui n'avaient jamais atteint de telles dimensions auparavant. L'établissement a totalement changé d'apparence, le réseau routier a été entièrement tracé et de nouvelles habitations ont été construites sur l'ancienne implantation phénicienne et sur les ruines plus récentes de la ville et des fortifications puniques ; ces dernières ont été complètement détruites et tous les matériaux ont été réutilisés pour la reconstruction de la nouvelle ville. Soudainement, et pour des raisons encore mal établies, vers 110 avant J.-C., la ville de Monte Sirai a été abandonnée. Cela ne s'est pas produit lentement et progressivement, mais immédiatement et soudainement et peut être déduit de l'état des maisons et des objets laissés sur place par les habitants. Cet événement peut peut-être être lié à l'action de répression du brigandage menée avec énergie par le pouvoir de Rome À partir de cette période, la montagne ne connaît qu'une fréquentation occasionnelle qui dure au moins jusqu'au IVe siècle après J.-C., comme en témoignent quelques objets sporadiques. |
À l’entrée de l'acropole côté route, une porte donne passage entre deux murs de grosses pierres empilées, fortifiée d’une tour dont on voit encore les soubassements. | Entrée de l'Acropole en arrivant |
Maisons «cubes
» au bord des rues
de l'Acropole
|
Plusieurs rues assez rectilignes séparent les maisons accolées, le plus souvent un cube divisé en 2 ou trois pièces. Apparemment plusieurs portaient un étage (puisqu'on retrouve des traces d'escalier); parfois une petite cour au creux d’un L faisait partie de l’espace domestique. |
Au centre et à l'intersection des quelques rues, se trouvait le temple dédié à l’Astarté phénicienne et à son homologue masculin Bes (d’origine égyptienne celui-là). | Temple d'Astarté |
Vue aérienne du temple d'Astarté avec sa cour antérieure et ses trois petites chambres accolées. Alentour, le quadrillage des maisons et les rues donnant accès à leur cour. |
L’environnement est magnifique, au milieu d’une garrigue vert foncé et d’espaces herbus semés de fleurs. La vue porte au loin sur les vallées de chaque côté et sur la mer à quelques kilomètres; le soleil avive les couleurs de cet univers encore très naturel, quoique la main de l’homme se voie partout, lui qui occupe ces lieux depuis des millénaires… | Depuis Monte Sirai ,panorama sur la vallée en-dessous à l'est |
À proximité se trouvent les nécropoles phéniciennes et puniques, qui ont été intensivement fouillées pour tirer toutes les informations généreusement transmises par plusieurs panneaux bien disposés. Qui plus est, textes et images ont été émaillés sur des carreaux de céramique, ce qui leur donne une lisibilité et une fraîcheur durable. (Voilà une idée à généraliser…). |
Tombes puniques hypogéennes taillées dans le rocher |
Descente dans
un tombeau punique
|
Entrée d'une tombe punique hypogéenne |
La chambre funéraire est accessible par un couloir en escalier taillé dans la roche. Il s'agit de tombes familiales, réservées à la famille et à ses membres sur de nombreuses générations. Elles appartenaient aux familles dominantes. Chaque enterrement s'accompagnait d'un ensemble d'objets funéraires composé d'accessoire de table (poteries, assiettes, tasses, pots). L'ensemble des biens personnels était composé d'objets plus intimes et précieux en pierre (sceau, bijoux et amulette). |
Ici plus question
d’antiquité dans cette ville bâtie de toute pièce en
1938-39 par Mussolini pour abriter les 15 000 ouvriers
de la mine de Serbaiu dont il avait fait entreprendre
l’exploitation. Il visait alors l’autosuffisance
énergétique de l’Italie entrant en guerre. Je ne m’attarderai pas en ville, ayant déjà vu à Cortoghiana (l’un de ses «faubourgs de dégorgement») ce que valait l’architecture ouvrière fasciste de l’époque. |
Carbonia : implantation de la ville en 1939 autour de la mine située au centre |
Je consacrerai
plutôt l’après-midi à la visite du Musée du Carbone,
installé dans la lampisterie de la mine désaffectée
depuis une cinquantaine d’année. Muséographie moderne, avec une foule de panneaux explicatifs bien illustrés et des photos saisissantes, montrant autant les aspect historiques, scientifiques, techniques et anthropologiques du charbon, ainsi que son origine, ses variétés et son utilisation, les technologies mises en œuvre pour sa prospection et son extraction, et même toute la procédure de “lavage” pour le rendre propre à la consommation. |
La
lampisterie de Carbonia, vaste salle où
étaient entreposées et entretenues
les lampes des mineurs. Ceux-ci défilaient dans ce local avant de descendre ou en remontant des galeries souterraines. |
Équipe de mineurs : l'ancien et le jeune |
Trieuses séparant le charbon des déchets ou résidus |
Mais on y expose aussi les dimensions politiques, industrielles et surtout humaines que traduit la vie du mineur : au tout début condamnation à une mort plus ou moins lente dans des conditions de travail de forçat (on condamnait aux mines comme aux galères…) puis très lente évolution des conditions de travail, de sa durée, de la sécurité, de la santé, etc. jusqu’à sa mécanisation et son automatisation de plus en plus poussée : ce sera bientôt une activité primaire et fondamentale réservée à des robots (voir Asimov…).
Lampe de sûreté de type Wolf à essence, Wilhelm Seippel GmbH Bochum (1940) |
Résidu et charbon à l'issue du tri |
Je suis seul à faire ce tour de près d’une heure, et en français s’il vous plait, ce qui me donne amplement la possibilité de me faire expliquer en détail les points plus obscurs, de poser des questions, bref de me faire une idée personnelle de cette branche de l’activité humaine. On voit en particuliers les différents types de galeries, le système de transport du minerai, la machinerie utilisée, les problèmes d’aération, de drainage, de sécurité, etc. | Foreuse
installée dans une galerie de la mine de
Carbonia
|
Bref je sors extrêmement content de cette grande excursion dans un monde que je connais peu. Voilà qui complète bien ma visite à la mine de fer géante de Fermont, à la frontière du Labrador. Une grande question demeure, à laquelle la guide pourtant bien informée n’a pu répondre : quel avenir pour le charbon, maintenant que sa combustion apparait avoir des effets catastrophiques sur l’évolution climatique…? Allez-voir sur le site de l’ENI (Energie Italie, équivalent de l’Hydro Québec ou EDF) qui travaille fort sur le sujet, me répond-elle ! En effet les Italien ont repoussé par référendum l’utilisation de la filière nucléaire, les ressources hydro-électriques du pays sont limitées, le solaire manque d’un système d’accumulation tampon (comme l’hydroélectricité), et l’éolien est trop aléatoire…
Le ciel s’est couvert durant mon long
séjour à l’intérieur et sous terre, et il fait presque froid
lorsque je regagne l’Exsis. Le soir descend déjà, dans ¾
d’heure il fera nuit, j’ai donc juste le temps de me diriger
vers l’ile d’Antioco, ma prochaine destination, où je
poserai mon bivouac ce soir. Plein de gasoil en passant
devant une station où on l’annonce à 1,43 €…
Bivouac dans l'isthme de Sant'Antioco |
Un premier essai de
stationnement au bord de la lagune sur la digue
s’avère trop bruyant car trop proche de la route très
passante. Je me rends un peu plus loin et, avisant le port de pêche, m’enfile jusqu’au bout du quai d’où je jouirai d’une belle vue sur la ville au delà du dernier pont, et d’une tranquillité presque absolue. Traitement des nombreuses photos et début d’écriture me mènent jusqu’après minuit… |