Nuit un peu fraiche sur la hauteur, mal protégé du vent froid
par la tour… Mais encore une fois grand soleil au lever vers
8:00, après un réveil aux aurores.
Cornus : l'aire paléochrétienne |
Après quelques photos
du très bel environnement (anse, plage, falaise
blanche), je décolle pour gagner bientôt le site
archéologique de Cornus, d’abord carthaginois, puis
romain. En fait il ne reste rien de significatif de ces
deux époques, mais, plus intéressants, les vestiges d’un
ensemble ecclésial de 3 basiliques accolées, du VIème
siècle, encore fort lisibles et bien documentés. Au bout
du petit chemin de terre je découvre le champ bien
enclos et facile d’accès pour une agréable visite. |
S'Archittu : la tour en ruines |
Je dédaigne ensuite les stations balnéaires et les plages superlatives de San Archittu (j’y fais juste un tour rapide auprès de la vieille tour en ruines)... |
...et de La Capanna pour m’avancer dans la verte campagne vers le Sud-Ouest jusqu’à Putzu Idu. Autre lieu aménagé pour le plaisir des «plagistes» qui n’a rien pour m’enthousiasmer (restaurant, B&B, camping, etc.). Je profite seulement d’un long moment de soleil et de chaleur après mon repas pour lire et mettre au point quelques livres du vieux Maroc à republier en .epub sur le site Fourtoutici. Lorsque je vois le soleil descendre, je me replonge dans le G.V. pour décider de l’endroit à rallier pour ce soir. Ce sera le site ancien de Tharros, à une vingtaine de km plein sud, extrême pointe de la presqu’île de Sinis, avant de rejoindre demain la petite ville d’Oristano qui ne semble pas manquer d’attraits.
La route file à travers champs, je suis bientôt à San
Giovanni di Sinis, sur le grand parking du site, mais y
retrouve pas mal de camping-car et une réglementation
impressionnante y interdisant le bivouac. Je préfère me
replier à un km en arrière, près de la plage de Funtana
Meiga, derrière le cordon de dunes.
San-Giovanni di Sinis: Exsis ensablé dans la dune |
Hélas, le petit chemin repéré
devient vite très sableux, et je ne tarde pas à
m’ensabler. Impossible de faire machine arrière vu la pente, mes tentatives d’utiliser les plaques de désensablement n’aboutissent pas plus… Pas de pierres, de bois ni d’autre matériau solide en vue qui permettraient de prendre appui… |
Il ne me reste plus qu’à faire appel à l’assistance de la MACIF qui, heureusement, répond immédiatement. L’hôtesse très aimable enregistre ma demande d’aide et me met en communication avec son homologue italien. Je suis immédiatement pris en charge, parviens à retrouver sur le GPS mes coordonnées exactes, suggère l’envoi d’un tracteur avec un long treuil… Le remorqueur d’Oristano débordé ne peut intervenir ce soir, il pourra peut-être m’envoyer son tracteur demain Jour de l'An s’il trouve un chauffeur, sinon le dépannage ira au jeudi 2 janvier !
Heureusement le coin est super-tranquille - un peu trop peut-être pour obtenir de l’aide…- la météo s’annonce positive pour les prochains jours, et je ne manque de rien dans mon camion. Même la position un peu penchée du plancher n’est pas vraiment une gêne, je puis cuisiner, manger et même écrire sans difficulté. Patience, donc ! Et j’aurai amplement le temps de planifier la suite de mon voyage demain. | San Giovanni di Sinis : crépuscule sur la dune et sur l'Exsis ensablé |
La nuit tombe rapidement, je ferme toutes les ouvertures, allume un peu le chauffage et prépare le souper. En soirée, traitement des quelques photos de la journée, rédaction du carnet de route, un peu de lecture et coucher tôt.
35 024 Mercredi 1er janvier 2020 : SAN GIOVANNI DE
SINIS (39.888819°, 8.432422° Google Maps)
Plage et dune de San Giovanni di Sinis depuis le site de Tharros |
Journée
involontairement off, puisque malgré l’aide
d’un aimable autochtone au volant de sa vieille Land
Rover je ne parviendrai pas à m’arracher de mon puits
de sable… Heureusement il fait beau, le vent frais
n’est pas trop dérangeant, et n’était-ce l’inclinaison
prononcée du plancher qui me donne l’impression d’être
sur un bateau à la gite, je conserve mon confort
habituel. Je consacre tout ce temps libre à lire et mettre en forme un roman d’Asimov mal calibré en .epub - pour finalement m’apercevoir que j’ai dans ma liseuse ce même roman enchâssé dans la suite de Lucky Starr… quant à lui parfaitement mis en page ! |
Lecture jusque tard en soirée, après un long appel FaceTime de Monique qui a passé le réveillon au chalet du Mont Shefford en compagnie de Mathieu, son chauffeur, et des enfants. Tous viennent me souhaiter la bonne année, pour ma part commencée assez bizarrement.
Lever avec le soleil à 8:00; il flotte une brume matinale qui
voile les dunes et les quelques maisons autour de moi; elle
s’éclaircira progressivement en cours de journée.
Vue aérienne du site de mon ensablement (point rouge) communiqué à l'assistance |
Appel de l’assistance vers 8:45 : le remorqueur se met en route, il me demande de lui envoyer par SMS mes coordonnées sur Google Maps. Je tâtonne un peu, retrouve mon emplacement sur l’image satellite de Google, copie l’adresse et la colle dans le SMS… Ouf ! |
Pas fâché de me sortir de cette mésaventure qui aurait été tellement facile à éviter… Je signe le constat d’intervention, il me quitte après une bonne poignée de main de remerciements, je refais un ménage - définitif celui-là - de tout le sable embarqué dans le camion, et commence ma journée normale : petit déjeuner, douche. Puis écriture du carnet après avoir gagné le parking à l’entrée du site archéologique de Tharros, ma prochaine visite. | San Giovanni di Sinis : la plage et la tour San Giovanni depuis la dune |
Il fait très beau en
ce milieu de journée, et la grande lumière invite à se
mettre en route, veste bien fermée et Tilley sur la
tête. Je prends un billet d’entrée combinée avec le
Musée de Cabras, puisque c’est là que l’on expose les
pièces sculptées et autres objets retrouvés au cours des
campagnes de fouilles presque incessantes durant les 50
dernières années. C’est que le site est très ancien,
puisque, sur la hauteur, on a exhumé des restes
d’habitations nuragiques (néolithique) aux côtés de
fortifications (romaines ?) et d’un tophet carthaginois,
tandis que plus bas jusqu’à la mer s’étendait une ville
romaine prospère. Le site ne fut abandonné qu’autour de
1070. |
Tharros : le Cardo Maximus avec son collecteur d'égout central |
Circuit intéressant, autour du grand decumanus pavé de lave noire (basalte) au centre duquel passait l’égout drainant habitations et monuments aux alentours. C’est d’ailleurs une caractéristique de cette ville, bâtie à flanc de colline, que tous ces canaux couverts fort bien conservés drainant et servant d’égout. |
Égout dévalant la
pente et desservant les maisons
|
THARROS : LES MAISONS
La superposition complexe des
ruines en terrasses qui s'étendent de la pente de
la colline de San Giovanni jusqu’à la côte face au
forum ne permet pas toujours de bien distinguer une
maison de l'autre dans les quartiers de Tharros. Ces
quartiers sont séparés par les rues et les
canalisations pour l'écoulement des eaux.
Après avoir terminé les fouilles du centre urbain, Gennaro Fesce en résume ainsi l'aspect général: les maisons de Tharros présentent «un agrégat de quelques pièces avec une cour sur le devant ou au centre. Le pavage en dalles de basalte, typique des pièces à ciel ouvert, la présence d’un puits où d’une citerne permettent de reconnaître une cour (...). Certaines maisons présentent un étage supérieur parce qu'il y a un petit escalier en pierres ou un seuil sur un mur à hauteur élevée ou encore des ouvertures pour les poutres en haut sur un mur qui continue, signe que les poutres soutenaient un pavement et non pas un toit (...). Il s’agit d’une technique de construction punique qui subsiste à l’époque romaine tardive (...) Aujourd’hui elles ressemblent à des taudis habités par des pauvres gens. Mais il faut considérer que nous voyons seulement des squelettes: des murs sans enduits et des sols sans pavements. Il existe cependant des éléments qui nous invitent à croire qu’autrefois elles étaient moins misérables». Tharros ne connaît pas la maison romaine de typologie riche et moyenne avec le développement longitudinal des pièces de réception, de vie domestique et de service qui entouraient la structure centrale constituée par l’atrium et le tablinium . En outre, il ne faut pas oublier que les témoignages que nous avons sont relatifs aux phases de vie les plus tardives et que les techniques de construction dominantes employant des pierres irrégulières de petite et moyenne dimension enduites par un mortier de boue et argile avec l'insertion de pierres plus grandes et résistantes (technique du mur à chaînage) ne sont pas uniquement propres à la culture punique. Cependant, on peut vraisemblablement penser que les plans des maisons n’ont pas connu de modifications radicales dans le temps, du moins au niveau de la division et de la composition des espaces. Récemment, en outre, quatre types de maisons ont été identifiés, tous dérivant de la tradition punique. Le premier présente un couloir latéral qui donne accès à une cour autour de laquelle se disposent quelques chambres. Le second type montre une large cour qui donne sur la rue et sur laquelle s'ouvrent quelques chambres tout au fond. Ces deux schémas sont comparables à des exemples puniques et même phéniciens de la zone du Proche-Orient et de la Méditerranée occidentale. Le troisième type est tellement simple qu’on ne pourrait pas vraiment parler de «maison»: il s’agit d’une petite pièce allongée et bipartie. Le dernier type présente un plan allongé avec développement séquentiel et longitudinal des pièces, séparées par une cour centrale, peut-être à ciel ouvert. De très beaux exemples se trouvent dans le centre punique africain de Kerkouane. Ce type de maison appartenait peut-être à la classe riche ou moyenne de Tharros. L'aménagement des rues de la ville ancienne est l'adaptation des schémas classiques du monde romain, basés sur le système des cardi (voies en sens nord-sud) et des decumani (voies en sens est-ouest). Cette réorganisation routière devait s'adapter à la morphologie naturelle du site d'un côté et de l’autre au système routier irrégulier et complexe de l'époque punique précédente, notamment dans la partie de la ville aux pieds de la tour de San Giovanni. Le système ordonné romain du 1e siècle après J.-C. est évident dans la régularisation routière de la colline septentrionale de Murru Mannu qui présente des rues larges et rectilignes interrompues en sens orthogonal par des voies régulières. Sur les rues s’ouvraient des édifices à portiques appelés tabernae, destinés à la vente et à l'exposition des marchandises. Au Ille siècle après J.-C. les rues de Tharros avaient peut-être déjà leur aspect actuel: de larges voies pavées en blocs réguliers de basalte et aux relevés (crepidines). Sous les routes principales se trouvait la canalisation des égouts, l’une des meilleures réalisations urbaines romaines du point de vue architectural et hydraulique en Sardaigne: le conduit principal, à section rectangulaire avec couverture en dalles plates, recevait les écoulements des maisons et des édifices publics et les déchargeait dans la mer. Un nombre très élevé de puits et citernes dans les cours des maisons assurait l'approvisionnement en eau aux habitants de la ville; de grand intérêt est la survivance en époque romaine du type de la citerne, dite à baignoire, à plan allongé et aux extrémités courbes. |
Accès au château d'eau par le dessus |
LE
CASTELLUM AQUAE (CHÂTEAU D’EAU) Le réservoir d'eau, qui était le point d'arrivée de l'aqueduc, a été construit dans la tête du pâté de maison qui donne sur le compitum, une petite place à l'intersection des rues principales, et est limité par deux rues parallèles qui montent sur la colline de Su Murru Mannu. Le bâtiment a un plan rectangulaire (13,80 x 11,75 mètres) et est réparti en trois nefs avec huit piliers carrés qui soutenaient un toit voûté. |
La technique de construction était la
même que celle de l'aqueduc : une maçonnerie avec
un parement extérieur en opus vittatum mixtum,
composé de deux rangées de briques alternées avec
deux rangées de blocs de grès, et un parement
intérieur en opus testaceum, c'est-à-dire
entièrement en briques. La maçonnerie était
recouverte à l'extérieur d'un enduit à la chaux
blanche tandis que l'intérieur était
imperméabilisé par une épaisse couche de faïence
cocciopesto. Sur le côté sud se trouve une
pièce rectangulaire ayant fonction de bassin de
décantation des eaux, qui s'écoulaient à travers
des tuyaux de plomb traversant les parois du
réservoir.
On suppose que l'eau s'écoulait également dans un complexe thermal par des tuyaux en plomb (Therme n°3). Adjacente au mur sud du bassin de décantation, une fontaine semi-circulaire est reconnaissable à un soubassement construit en blocs de grès, aujourd'hui en très mauvais état. |
Piliers du château d'eau de Tharros |
< Le château d'eau depuis le Cardo Maximus |
LES RUES
Entre le IIe
et le IIIe siècle après J.-C. eut lieu la
romanisation de Tharros : c'est à cette époque
que les bâtiments fonctionnels les plus
importants pour la civilisation romaine (thermes,
amphithéâtre, aqueduc et réservoir) ont été
construits. C'est plus précisément à la fin du
Ier siècle que remonte l'aménagement global de
toutes les rues avec le revêtement en basalte que
nous pouvons encore admirer aujourd'hui.
Les voies urbaines, équipées d'une conduite d'égout en dessous et couverte de dalles rectangulaires, sont pavées de basalte à cinq côtés irréguliers, parfois de taille considérable. La surface de la rue était contenue par un gradin plus haut, également en basalte, qui retenaient les pluies et dont les ouvertures permettaient aux eaux de pluie de s'écouler dans les canalisations d'assainissement. /td> |
Si plusieurs monuments ont gardé une forme suffisamment claire pour inspirer, en revanche les explications sur place sont trop souvent absentes, à l’exception de quelques grands vieux panneaux devenus presque illisibles. Comme trop souvent aussi, pas assez de dessins reconstituant pour les yeux novices l’aspect antique… Reste une belle balade dans un magnifique cadre naturel et la présence maritime du Golfo di Oristano. | Les thermes No.1 de Tharros |
Façade de l'église de San Giovanni di Sinis en fin d'après-midi |
Une des plus anciennes de Sardaigne (VIème s.), cette petite église basse et allongée autour de son dôme était autrefois en forme de croix grecque, avant que de multiple modifications altèrent beaucoup son apparence. La pierre rouge, nue, lui donne un caractère d’austérité qu’elle n’avait certainement pas autrefois, lorsqu’un crépi peint (comme on en voit en Grèce) recouvrait ses murs intérieurs. |
Long appel FaceTime de Monique qui me conte son séjour au
chalet pour la Saint-Sylvestre. Le soir descend déjà. J’ai
largement le temps d’aller faire le tour du petit Museo Civico
Giovani Marongiu de Cabras qui rassemble la plupart des
découvertes archéologiques faites sur quelques grands sites du
Sinis.
Déesse mère du néolithique |
Je suis encore une fois étonné par la qualité des productions, poteries en particulier, des hommes du néolithique et de l’âge du bronze : finesse des parois, raffinement du décor incisé, vivacité et imagination des petites sculptures de bronze probablement votives. Deux autres points d’intérêt majeur : d'abord les énigmatiques statues nuragiques géantes, retrouvées brisées en mille morceaux à Mont’e Prama (XIème-IXème av. J-C) qui représentent des archers, des guerriers, des boxeurs et des modèles de nuraghe, ensuite l'épave de Mal di Ventre.
Déesse mère du néolithique |
Coupe à boire (kylix) à gauche, et kantharos miniature peints de la Grande Grèce (Vème - IIIème s. av. J-C) |
Vase tripode du néolithique récent (4000-3500-a.C.) |
Vase à col relevé du néolithique moyen (4000-3500 av. J.C) Culture d'Oziéri |
Statuette votive en bronze, en forme de chèvre |
Dagues décorées en bronze |
Restitution du tophet de Tharros avec ses stèles, ses amphore et ses pots Tophet de Tharros
- ère punique (IVe av. J-C)
Amphore à épaule oblique peinte de motifs végétaux> |
Les
modèles de nuraghi
Les modèles de nuraghi sont tout aussi importants. Ils montrent le monument dans sa double formule architecturale: tour unique et tours multiples. Représentations à haute valeur symbolique, les modèles traduisent en expression artistique un phénomène qui s’est produit dans le paysage insulaire entre la fin de l’âge du bronze et le début de l'âge du fer. Au cours de cette période, les nuraghi ont progressivement perdu leur fonction originelle et en ont certainement acquis de nouvelles, mais leur signification principale est devenu un héritage du passé. De toute évidence, cette transformation culturelle ne pouvait se faire sans peine. Les enjeux étaient très importants: pour se dérouler sans revers violents, les symboles de l'identité collective devaient être l’objet de soins aimants et continus, et le nuraghe semble être le symbole le plus puissant de l'identité et de la cohésion de cette culture. |
Guerrier du Mont'e Prama |
Guerrier du Mont e Prama |
Salle des mystérieuses statues de Mont'e Prama |
Les
sculptures de Mont'e Prama
Nous sommes maintenant devant les protagonistes de cette exposition : les sculptures. L'émotion que cette rencontre éveille est très forte. Le silence étonné est la première réaction. Puis se pose une question: que représentent-elles ? Qu'est-ce qu'elles semblent représenter ? Ces sculptures nous sont parvenues démembrées en 5 178 fragments, mais beaucoup d'autres ont disparus, ont été détruites, peut-être dispersées. Visages, bras, bustes fracturés, corps démembrés: elles sont donc apparues telles quand on les a trouvées. Des motivations inconnues ont conduit la main qui les a réduites en miettes. Un fait semble évident. Les statues ont été mutilées pour détruire leur capacité à transmettre le sens, pour les empêcher de transmettre le pouvoir symbolique qu'elles portaient et préservaient. Face à cette violence, un acte d'amour a permis de redonner vie aux statues : une restauration qui donne aux fragments une chance de se reconstituer, de redevenir des individus et de retrouver leur pouvoir symbolique. Ainsi, elles ont pu se relever, reprendre leur position debout et, bien que partiellement mutilées, retrouver leurs traits. Mais pas une seule statue n'a pu être totalement reconstruite. Plusieurs figures humaines réapparaissent : archers, guerriers, " boxeurs "; des modèles de nuraghi simples et complexe (c'est-à-dire avec une ou plusieurs tours). Et les baetyis tronconiques. Après les avoir aidées à se relever, nous devons maintenant les aider à communiquer. Ce ne sera pas un défi facile à relever. Même le simple fait de les nommer et de les décrire est incroyablement difficile car l'univers linguistique qui résonnait autour d'elles nous manque. Mais nous devons essayer de leur donner une voix, de les traduire, sans les trahir. |
L'ÉPAVE DE MAL DI VENTRE
Et puis ce sont les salles consacrées au naufrage d’un navire romain rempli de plus de 1000 lingots de plomb, navigant des mines de Cartagena en Espagne vers Rome au Ier s. av. J-C. (voir les fiches traduites de l’italien). Ce sont là encore des objets superbes et très évocateurs dans ce musée, mais si la documentation semble cette fois très complète, manque absolument sa traduction en anglais, français, etc. qui viendrait nous éclairer sur ces anciennes civilisations européennes qui sont pourtant nos racines.
Musée archéologique de Cabras : lingots de plomb dans l'épave |
Ancre en plomb et amphores |
C’est presque le crépuscule lorsque j’entre, quelques km plus loin, à Oristano où je compte me réapprovisionner, d’abord en carburant (gasoil à 1,439 le l, ce qui est plutôt bon pour la Sardaigne) et GPL, trouvé avec un peu de difficulté beaucoup plus tard au sud de la ville. Entre temps j’ai repéré le Lidl que je parcours systématiquement pour remplir le frigo de produits frais. Il est maintenant trop tard pour le tour prévu au centre ville. Je gagne donc le gros village de San Giusta, en bord de mer, pour me glisser sur une rue des plus calmes au bord de l'eau, juste devant la Poste. La nuit sera tranquille !
35 063 Vendredi 3 janvier 2020 : de SAN
GIUSTA à PORTO PALMA (43 km)
|
Effectivement, aucun bruit jusqu’à ce que les premiers clients, groupés devant la porte close, fassent la causette en attendant la postière vers 8:00. Hélas aujourd’hui le soleil ne me lèvera pas, puisqu’il est complètement absent du ciel gris et le demeurera toute la journée. Il s’ensuit une atmosphère humide et froide assez désagréable que la marche et les visites intérieures en ville me rendront supportable. |
...et le Stagno di Santa Giusta
D’abord je gagne la cathédrale de Santa Giusta qui se
signale sur son éminence à l’entrée nord du village : élevée
en grès doré du Sinis vers le milieu du XIIème,
sa façade austère en impose, d’autant qu’elle trône seule sur
une petite esplanade dont on est en train de refaire,
magnifiquement, le sol en dalles de pierres noires et
blanches. Extérieur roman assez classique, avec un haut cocher
campanile indépendant sis près de l’abside, tandis que la
façade plutôt nue montre un portail orné de 2 fauves dévorant
sculptés dans un fin marbre blanc, très toscans.
La nef, majestueuse dans son élévation, n’est pas trop
sombre, et le chœur surélevé (presbyterium) , où le
trône de l’évêque fait face aux fidèles, coiffe une crypte.
Crèche dans la crypte de Santa Giusta |
Un petit escalier à
droite de l’autel y donne accès; impression d'une forêt
de colonnes mais le centre est envahi par une vaste
crèche représentant l’église elle-même perchée sur sa
butte et au milieu d’un paysage rural peuplé de santons,
d’animaux et petites maisons, le tout dans un fouillis
accentué par le manque de lumière… |
Contre un mur la
chasse contenant des reste de la sainte patronne martyre
Sta Giustia Enedina, - plutôt macabre cette exposition
d’osselets sur un coussin violet… - un beau grand Christ
crucifié, bref quelques icônes de la religiosité
catholique auxquelles on peut s’attendre en ces lieux. Un dernier tour extérieur du monument, et je prends la route pour retourner au centro historico d’Oristano. |
Dans la crypte de Santa Giusta, la statue de la sainte et le beau Christ en croix |
Oristano : vestiges des remparts et de la porte San-Antonio |
Visant d’abord l’Information
touristique pour obtenir une carte du centre, sans
laquelle je ne parviendrai pas à trouver les
curiosités mentionnées par le G.V. (qui s’abstient
bien entendu d’en donner la localisation…), j’ai
la chance de tomber rapidement sur un petit parking où
laisser l’Exsis. 1,60€ pour 3 heures de stationnement,
rien à dire… Je franchis alors les restes - bien ténus
- de la porte San Antonio et m’enfonce dans les
rues sinueuses...
|
... jusqu’à tomber sur la Piazza Eleonora d’Arborea, de forme irrégulière et bordée de grands palais où se trouvent la majorité des édifices publics de style classique : le Municipio, bien sûr et quelques autres, aux façades colorées assez vives. L’hôte du Turismo me fournit les cartes demandées, et une moisson d’autres informations qui m’aideront dans la suite de mon périple vers le sud : il est guide en saison et connaît fort bien la région. | Piazza Eleonora d'Arborea et Municipio |
Façade de Sta Maria Assunta à Oristano |
Détour vers la cathédrale, romane à l’origine mais fort remaniée à l’intérieur, et dont l’extérieur est paré des échafaudages des restaurateurs. Son beau clocher de section polyédrique et son bulbe quasi-turque trahissent une certaine influence islamique. |
Nef de la cathédrale di Santa Maria Assunta |
Putti candélabres dans la cathédrale di Santa Maria Assunta |
Corso Umberto, ses terrasses et ses commerces |
Torre di Mariano (1290) au milieu de la Piazza Roma |
Statuette nuragiques en bronze du IXème-VIIIème av. J.C |
Statuettes nuragiques en bronzes du IXe-VIIIe av. J.C |
Triptyque de San-Martino : la Vierge trônant avec l'Enfant et des anges musiciens |
Triptyque de San-Martino : St Martin divisant son manteau |
LE RETABLE DE SAN MARTINO Les deux panneaux, provenant de l'ancienne église de San Martino in Oristano, mais longtemps conservé dans la salle du conseil de cette ville, faisaient partie d'un triptyque dont le panneau gauche a disparu. Le tableau dans le compartiment central représente la Vierge trônant avec l'Enfant et des anges musiciens, avec au-dessus la Crucifixion. Dans le compartiment de droite, se trouve un portrait de Saint Martin dans la scène où il partage son manteau avec le pauvre homme ; au-dessus figure sa consécration comme évêque. Ce triptyque est d'une grande importance pour le développement de la nouvelle culture ibérique en Sardaigne ; en effet, sa présence dans la ville d'Oristano autour du premier quart du XVe siècle coïncide, avec une signification particulière, avec la reddition du Giudicato d'Arborea à la Couronne d'Aragon, stipulée le 29 mars 1410, précisément au couvent de San Martino in Oristano. L'atmosphère particulière et la recherche chromatique des figures sur fond doré sont caractéristiques, typiques de la nouvelle peinture influencée par le gothique international. Le goût décoratif raffiné dans l'encadrement des scènes et sa tendance marquée au naturalisme et à la représentation féerique des personnages sont les signes évidents de l'expérience italienne plongés dans un nouveau goût. L'artiste, qui révèle ici une forte individualité autonome dans ses inventions iconographique et sa manière formelle, a d'abord été identifié à un peintre Catalan de la ligne du Maître de Guimerà, plus tard, bien que pas en d'une manière pleinement acceptée, avec un maître anonyme du cercle de Ramon de Mur. Une critique récente considère que le peintre est stylistiquement proche du catalan Maten Ortoneda. |
Oristano au XIVème siècle |
La cathédrale di Santa Maria Assunta Tour de Mariano |
La reine Eleonora d'Arborea |
Déplorant encore une fois le manque
d’infos en français ou anglais (j’en serai quitte
pour traiter sur Google Trad. mes photos des
notices en italien…), je regagne la place Eleonora, y
fais encore quelques photos de l’imposante statue de
la reine qui trône en son centre, puis retrouve
l’Exsis, affamé. Je renonce pourtant à manger sur
place, attendant d’avoir gagné la campagne au sud en
direction d’Arborea.
|
Je quitte rapidement la Strada Provinciale pour emprunter un
réseau de chemins vicinaux quadrillant la campagne très riche,
issue du dessèchement des grands marais qui occupaient cette
région plate jusqu’au début du XXème.
Entreprise considérable à mettre au bénéfice de Mussolini qui
voulait augmenter au maximum le patrimoine cultivable de
l’Italie et éradiquer le paludisme de la région.
La ville centrale d'Arborea créée à cette occasion reflète donc le style de l’époque, moderniste, éclectique, incluant des éléments grandiloquents liés au régime fasciste. Témoins de cette « fantaisie architecturale », l’église indescriptible (style chalet, dit le G .V.). | Église d'Arborea en style « chalet » (?) |
J’atteins le long barrage-pont isolant le Stagno (étang) di Marceddi du Golfo di Oristano, dans un environnement vaste et plat, presque désert, accentué par la lumière grisâtre, et m’engage sur le long pont étroit (comme quelques autres voitures et fourgons italiens…) malgré les indication en interdisant formellement son franchissement. |
Bivouac en bord de mer à Porto Palma |
Dans le soir qui tombe (il est déjà près de 17:00) je traverse la langue de terre surmontée par le Capo Frasca et vais bivouaque juste au-dessus de la mer, sur le quai de mise à l’eau d’une des quelques stations balnéaires qui ourlent la côte, à Porto Palma. |
Après un long appel de Denis (qui s’occupe de
la vente des actions laissées par Maman), puis de Monique, le
chargement et le traitement des nombreuses photos de la
journée me prendra toute la soirée, à peine interrompu par un
bon repas passé 20:00. J’achève assez tard mon agréable
besogne, entreprends l’écriture du carnet de bord sans avoir
le courage de terminer et me couche fatigué vers 23:00, bercé
par le ressac à mes pieds.