Italie du Sud
(3 838 km)


Février 2019

Jean-Paul MOUREZ à bord de l'Exsis


2. de VILLAMMARE à SIDERNO MARINA


20 393    Vendredi 8 février 2019 : de VILLAMARE à PAOLA (250 km) (à pied : 1,5 km)

Réveillé dès 6:30 après une excellente nuit reconstituante, j’attends que le chauffage, arrêté durant mon sommeil, ait remonté la température autour de 16° pour me lever, déjeuner et compléter le journal. Bivouac-devant-le-lungomare-de-Villammare
Bivouac devant le lungomare de Villammare

Mais j’ai à peine le temps de finir de prendre ma douche que l’eau arrête de couler ! Je vérifie le fusible (5 A), il est grillé. Je le change, il saute à nouveau. Il y a donc un pb sur le circuit, probablement au niveau de la pompe. Je l’extrais du réservoir et la teste dans la mesure de mes connaissances : elle semble en court-circuit. Elle aura sans doute rendu l’âme, après 12 ans de bons et loyaux services… Le pb est que je n’en ai pas de remplacement, celle (de secours) dont je m'étais pourvu est à Montréal, dans le Promaster, et j’ai oublié d’en acheter une autre ! Où faire confirmer mon diagnostic et éventuellement m’en procurer une sans trop me dérouter ? Ce ne peut être qu’à Cosenza, la seule grosse ville que je voie dans les environs et où je repère sur l’internet un loueur de CC, très bien coté, dont l’atelier pourra peut-être me dépanner.

En
                  route dans la montagne vers Cosenza
En quittant Sapri sur la route dans la montagne vers Cosenza
Je ne pense même plus à faire le plein d’eau sur la borne abreuvoir à disposition des baigneurs juste à côté de mon bivouac, ne songeant qu’à rattraper au plus court l’autoroute vers le Sud. Je longe ainsi la côte jusqu’à Sapri. Puis une suite de routes très accidentées et sinueuses me fait grimper dans la montagne enneigée (pas la chaussée, heureusement !), coupée et déviée en plein milieu, jusqu’à rejoindre la A3 (E45) au-dessus de Lauria.
Ensuite trajet facile et rapide vers le sud, interrompu par un long appel de Monique qui vient de se réveiller et planifie sa journée avec Mathieu venu lui donner un coup de main. Vingt km après avoir dépassé Cosenza je tombe pile sur la petite entreprise (visible depuis l’autoroute), portail fermée entre 13:00 et 15:30… J’ai donc amplement le temps de préparer mon déjeuner puis de commencer à mettre à jour mon journal. Rivello

Zoom sur Rivello : chiesa Santa Maria del Poggio
Zoom sur Rivello : chiesa Santa Maria del Poggio

À l’arrivée de la jeune propriétaire (qui ne parle pas un mot d’anglais ni de français…), je lui explique par geste mon problème. Elle saisit immédiatement qu’il s’agir de « la bomba de aqua» et appelle son technicien qui arrive tranquillement cinq minute plus tard, tasse d’expresso à la main. Il commence par vérifier ma pompe, qui ne réagit pas, ce qui confirme mon diagnostic : elle est morte et à changer. Puis il me fait signe de le suivre dans son minuscule magasin où il garde quelques pièces pour maintenir en état leur - petite - flotte de location, et met immédiatement la main sur une pompe immergée Reich toute semblable à la mienne, quoiqu’un peu plus petite et qui, vérification faite dans le catalogue, débite 12 l/minute (contre 19 pour la mienne). Cela me convient, ce sera un autre geste pour économiser l’eau ! Il se met alors à démonter, raccorder avec un tuyau un peu plus long, épisser, rebrancher les fils et, une demi-heure plus tard, me tend mon système à nouveau fonctionnel. Je vais le réinstaller dans la citerne, fais les branchements… et l’eau coule à nouveau dans l’évier et le lavabo. Ouf ! Je lui règle les 40 € demandés et reprends aussitôt l’autoroute vers le centre de Cosenza où je veux faire le plein d’épicerie au Carrefour et au Lidl.

Je retrouve bien le site du centre commercial visité à deux reprises dans le passé, mais la grande enseigne bleue et rouge française a disparu, remplacée par celle d’un Ipercoop bien italien ! Déception, qui se confirmera vite en parcourant les allées bien moins fournies que dans le magasin hexagonal. Les produits alimentaires sont surtout d’une qualité nettement inférieure, sans que pour autant les prix soient sensiblement différents. Je me perds un peu dans les rangées disposées de façon inusitées pour moi, demande l’aide d’un aimable magasinier qui a, lui aussi, «ben de la misère» avec son anglais. J’en ressors finalement assez dépité. Le Lidl est juste à côté, j’y retrouve plusieurs des produits recherchés, mais là encore l’inventaire me semble nettement moins variés qu’en France et la qualité nutritive des produit laisse à désirer (beaucoup de biscuits, de sucreries, de chips, etc.). Pas de gros pain aux graines dont j’ai fait mon ordinaire, mais des petits dont je fais ample provision.

La nuit tombe et avec elle la fraîcheur lorsque je retourne à l’Exsis pour ranger mes achats. Je reprends immédiatement la route pour rattraper la mer perpendiculairement à Cosenza, donc en ayant sauté une centaine de kilomètres de côte au sud de Sapri (dont Maratea dont je regrette le magnifique panorama depuis la statue du Christ Roi). La circulation dans le centre-ville de Cosenza est embrouillée et fort peu courtoise, chacun coupant l’autre pour se faufiler, mais je finis par en sortir et me retrouve sur l’autoroute A3, puis sur une excellent route express qui me fait parcourir la quarantaine de kilomètres de montagne jusqu’à Paola à travers tunnels et viaducs. La pluie se met de la partie lorsqu’à 19:00 j’atteins la petite ville au bord de l’eau où je me mets en peine de trouver un bivouac.

Le lungomare est coincé contre la voie ferrée dont la plupart des ponceaux me sont impraticables, tandis que le reste de l’agglomération, accoté à la montagne, est sillonné de ruelles très - trop - pentues. Continuant à longer la mer, je dépasse la gare et découvre en arrière une section de boulevard cette fois-ci accessible plein de stationnements pour les nombreux résidents qui viennent prendre le train et pour quelques restaurants de bord de mer, la plupart fermés. Je décide de m’arrêter là, ferme les stores et prépare enfin mon souper. Il est 19:30, je suis fatigué de tous ces cafouillages et de la longue route de montagne, je dîne et achève rapidement la rédaction de mon carnet de bord pour me coucher tôt.


20 643    Samedi 9 février 2019 : de PAOLA à CAPO VATICANO (137 km) (à pied : 3,9 km)

Nuit effectivement tranquille, aussi je dors bien jusqu’à mon réveil vers 7:30, lorsque le soleil commence à éclairer de rose l’arrière des nuages. La journée sera d’ailleurs pleine de lumière et de chaleur, malgré des passages nuageux qui n’occuperont qu’une partie du ciel bleu. Effectivement le compteur de Coulomb, qui montre une consommation nocturne d’une quinzaine d’Ampère, remontera bien vite et la batterie sera à nouveau complètement chargée 2 heures plus tard sous le seul effet du soleil, puisque dans un premier temps je ne roulerai guère. Paola : bivouac sur le lungomare
Paola : bivouac sur le lungomare

En effet le G.V. signale à Paola le sanctuaire consacré à la personnalité du lieu, San Francesco de Paola, qui commença sa carrière et la termina ici, là où il avait fondé son ordre autour de son ermitage et de ses dépendances. Cheminement assez acrobatique à travers les ruelles de la vieille ville dont je finis par me dépêtrer sans dégât, pour atteindre au-dessus de l’agglomération l’esplanade où se trouvent l’ancienne église, la nouvelle toute récente et le couvent enjambant un profond ravin où coule un torrent aux eaux blanches.

Esplanade du Sanctuaire de-San Francesco de
                  Paola
Esplanade du Sanctuaire de San Francesco de Paola

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San Francesco de Paola

Le terrain alentour a été transformé en une sorte de parc où l’on fait le pèlerinage des lieux sanctifiés par la vedette locale. De place en place, des dalles de marbre blanches portant une inscription en grandes lettres noires baptise chacun des sites et donne une brève explication de leurs liens avec la vie du saint. Tout cela est assez touchant, ce mélange de naïveté frisant la niaiserie et de religiosité à fleur de peau me surprend d’abord, puis m’amène à jeter sur le phénomène un regard plus détaché, quasi sociologique, surtout lorsque je vois plusieurs visiteurs s’adonner à une série de rituels caractérisés : génuflexions et signes de croix à répétition, touchers et baisers des statues ou autels supportant des effigies du saint, etc.

L’église ancienne présente une fort belle façade baroque surajoutée au XVIIIe, tandis que l’intérieur original roman est beaucoup plus sobre. Seuls le mobilier religieux (entre autre un reliquaire étincelant et l'autel de marbre rehaussé d’argent) chargent un peu la mise en scène, accusée par un éclairage théâtral.

-Paola-chapelle-des-2-Francesco
Paola : chapelle de S. Francesco d'Assisi et S. Francesco de Paola
Sanctuaire-de-San-Francesco-de-Paola-buste-du-saint
Sanctuaire de San Francesco de Paola : buste du saint

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Sanctuaire de San Francesco de Paola : le cloître...

et ses fresques
...et ses fresques narrant la vie du saint

Sanctuaire de San Francesco de Paola : nef de la
                  nouvelle église
Sanctuaire de San Francesco de Paola : nef de la nouvelle église

L’église moderne est plus originale, l’autel étant placé latéralement dans la nef, éclairée par deux grands panneaux de vitraux très colorés d’un bel effet. En revanche le mobilier (trône de l’évêque et de ses acolytes) ainsi que la grande mosaïque derrière l’autel me semblent plus «quétaines», pour ne pas dire carrément de mauvais goût, sacrifiant à une certain "modernisme" gratuit.

Sanctuaire de San Francesco de Paola vitrail de la
            nouvelle église
Sanctuaire de San Francesco de Paola : vitrail de la nouvelle église

Je parcours ensuite le «sous-sol» du site où plusieurs grottes supposée remonter au premier séjour du saint ermite, demeurées très rustiques, illustrent assez bien combien l’époque était rude. Sanctuaire-de-San-Francesco-de-Paola-la-chapelle-rupestre--initiale-construite-par-le-saint
Sanctuaire de San Francesco de Paola : la chapelle rupestre initiale construite par le saint
Sanctuaire-de-San-Francesco-de-Paola-le-torrent-et-le-pont-du-Diable
Sanctuaire de San Francesco de Paola : le torrent et le pont du Diable
La promenade se poursuit le long du torrent dont Francesco aurait utilisé la fraicheur pour se guérir d’une passion malsaine… (dixit l’inscription), passe un Ponte di Diavolo inattendu dans ces lieux sacrés (peut-être la tentation ?). J’arrête là mon pèlerinage, car le sentier se poursuit je ne sais où plus haut dans la montagne.

Sanctuaire-de-San-Francesco-de-Paola : plaque à
                    propos du torrent
Ce ruisseau d'Isca
a vu François
se désaltérer à ses eaux,
travailler sur ses rives,
prier au murmure de ses rugissements.
Se jeter dans ses flots glacés
pour étouffer dans l'œuf
les ardeurs d'une passion impure.

En faisant une pause devant la fontaine miraculeuse della Cucchiarella, je retourne donc tranquillement à l’Exsis garé sur l’esplanade en avant, Je m’apprête à repartir lorsque, avisant une borne destinée à fournir aux pèlerins l’eau bénie issue de ladite source miraculeuse (encore le Saint !), je décide de remplir mes bouteilles d’eau potable presque épuisées, et pourquoi pas, à compléter mon réservoir encore à moitié plein. Le débit est très faible et cela prend un bon moment, il faut mériter cette sainte ! Sanctuaire de San Francesco de Paola : la
                  fontaine-miraculeuse de Ciucchiarella
Sanctuaire de San Francesco de Paola : la fontaine miraculeuse de Ciucchiarella

J’ai donc le temps de préparer la suite de mon itinéraire sur la Costa Tirenica, essentiellement une plateforme côtière intensivement cultivée au pied de la chaine montagneuse courant à l’est. De nombreuses plages y sont aménagées pour un tourisme de masse brouillon et plutôt sales (heureusement en dormance en cette saison).

Amantea : les restes du château
Amantea : les restes du château
La route SS18 est dans l’ensemble bonne, seulement ralentie par la traversée incessante de zones bâties. Le ciel s’est maintenant à peu près totalement dégagé, baignant le paysage marin et montagneux d’une lumière chaude et faisant monter la température jusqu’au dessus de 25°C !

Je passe Amantea au pied des restes de son château, imposant, et trouve encore quelques petits pains aux graines dans le Lidl local, poursuis vers Marina di Grizzeria, puis Pizzo sans intérêt, mais crains d’y rester bloqué dans les ruelles de sa ville haute où m’a entraîné le GPS… Pizzo
                  sur sa falaise
Pizzo sur sa falaise
Vibo-Valentia-grand-palazzo-Corso-Umberto
Vibo Valentia : un grand palazzo Corso Umberto
Enfin vers 16:15 j’arrive à Vibo Valentia où j’ai repéré dans le Guide le château normand qui abrite, semble-t-il, un beau musée archéologique régional. Je m’égare d’abord un peu dans la ville moderne en bord de mer, reconstruite après un tremblement de terre majeur puis, apercevant les remparts plus haut en arrière, me dirige vers la ville haute.

Faute de plan et d’adresse dans le G.V. (problème récurrent), je vais stationner sur un large boulevard au pied des ruelles pentues et me lance dans une bonne marche à travers le vieux quartier. J’y observe une église classique typique, et plusieurs vieux palazzi dont la splendeur passée n’est plus qu’un souvenir et qui auraient grand besoin de restauration…
Valentia : nef de l'iglesia Sta- Maria degli
                  Angeli (XVIIIe)
Vibo Valentia : nef de l'iglesia Sta- Maria degli Angeli (XVIIIe)
Vibo Valentia : choeur de l'iglesia
                  Sta-Maria-degli-Angel (XVIIIe)
Vibo Valentia : choeur de l'iglesia Sta-Maria-degli-Angel (XVIIIe)

Vibo-Valentia : Palazzo Romei (XVII-XVIIIe)
Vibo Valentia : Palazzo Romei (XVII-XVIIIe)

Vibo Valentia : le castello normanno-svevo
Vibo Valentia : le castello normanno-svevo (souabe) au dssus de la ville
Enfin rendu au faite de la colline, me voilà devant les murailles et les tours normandes du castello. Il a été fort bien rénové quant à lui pour accueillir un musée archéologique riche des très nombreuses fouille et découvertes faites dans les environs, tant grecques (VIIe av. J.C) que romaines et médiévales.

J’y passe une bonne heure à explorer les vitrines, accompagné par une femme fort instruite (une responsable du musée ?) à laquelle j’ai livré ma déception de voir toutes les notices rédigées presque exclusivement en italien et donc pour moi quasiment incompréhensibles. Elle-même ne parle ni français (qu’elle aurait étudié à l’école…) ni anglais, mais s’applique à parler lentement et à me répéter ses explications lorsque je ne comprends pas. Bref un beau tour très édifiant sur le haut niveau de vie atteint par la population antique, que le Moyen-Âge n’a même pas égalé…


Entrée dans le castello normanno-svevode de
            Vibo-Valentia
Entrée dans le castello normanno-svevo de Vibo Valentia

Vibo-Valentia-Museo-Archeologico-Nazionale-casque-grec
Vibo Valentia , Museo Archeologico Nazionale : casque grec en bronze
Vibo-Valentia-Museo-Archeologico-Nazionale-tetes-votives
Vibo Valentia, Museo Archeologico Nazionale : têtes votives

Vibo Valentia Museo Archeologico Nazionale lustre
                  à huile circulaire en terre cuite
Vibo Valentia, Museo Archeologico Nazionale : lustre à huile circulaire en terre cuite
Vibo Valentia Museo Archeologico Nazionale
                  statuettte féminine en terre cuite
Vibo Valentia,  Museo Archeologico Nazionale : statuettte féminine en terre cuite

Vibo-Valentia-Museo-Archeologico-Nazionale-laminetta-in-oro-con-testo-orfico
Vibo Valentia : Museo Archeologico Nazionale : laminé en or gravé d'un texte orfique

Vibo Valentia Museo Archeologico Nazionale vase
                  à verser en forme de souris
Vibo Valentia, Museo Archeologico Nazionale :
vase à verser en forme de souris

Vibo-Valentia-Museo-Archeologico-Nazionale-vaisselle.
Vibo Valentia, Museo Archeologico Nazionale : vaisselle en terre cuite et en verre

Vibo-Valentia-Museo-Archeologico-Nazionale-lampes-a-huile
Vibo-Valentia, Museo Archeologico Nazionale : lampes à huile



Le buste d'Agrippa


Marco Vipsanio Agrippa (63-12 av. J.-C.) était un général romain, un fidèle assistant et un beau-fils d'Octave, le futur empereur. Il a joué un rôle clé dans les grandes victoires militaires d'Octave et a pris part à la bataille décisive de Philippes (42 av.J.-C.), en battant Sesto Pompeo à Mylae et à Nauloco.

Le buste a été découvert par hasard dans la zone frigidarium des bains publics de S. Aloe en 1973, et fut donné à la Soprintendenza per i Beni Archeologici della Calabria par Raniero Pacetti, collectionneur bien connu de Vibo Valentia, à la requête de l’Inspecteur honoraire Vincenzo Nusdeo.

La silhouette était très flatteuse avec un regard fort et fier, destinée à impressionner le spectateur et ne différait pas de celle des expressions farouches mentionnées par Pline dans "Naturalis Historic" (XXXV, 9, 26). Cette œuvre est comparable aux meilleures œuvres de l’époque d’Auguste et prouve le présence d’une classe opulente dans la Vibo Valentia ayant des contacts étroits avec Rome. Le marbre jaune antique dont est fait le buste était très apprécié et vient peut-être de Numidie.

Vibo Valentia, Museo Archeologico Nazionale :
                  buste d'Agrippa
Vibo Valentia, Museo Archeologico Nazionale : buste d'Agrippa

Cour du castello normanno-svevo de Vibo Valentia
Cour du castello normanno-svevo de Vibo Valentia
Porte du castello-normanno-svevo de
                  Vibo-Valentia
Porte du castello normanno-svevo de Vibo Valentia

La nuit tombe et les nuage se sont à nouveau appesantis sur la ville lorsque je retrouve l’Exsis vers 18:30. À travers la circulation folle de l’heure de pointe, dans des rues étroites où les autochtones abandonnent leur voiture stationnée «à la va comme j’te pousse»,  je parviens à m’éloigner du centre en direction du Cap Vaticano que je me suis fixé comme bivouac rural ce soir. Routes provinciales en état pitoyable, je dois me méfier du GPS qui prétend me mener au plus rapide en me faisant emprunter des chemin vicinaux… Fatigué de cette conduite de nuit un tantinet hasardeuse, je m’arrête à quelques centaines de mètres de mon but, sur la place déserte du village de San Nicolo où je compte passer une nuit sans souci. Coucher à 22:00 après souper, traitement des photos et début de cette page du carnet de bord.


20 780    Dimanche 10 février 2019 : de SAN NICOLO à LAZZARO (146 km) 2,6 km

Bivouac sur la place de San Nicolo
Bivouac sur la place de San Nicolo
Nuit effectivement des plus tranquilles, jusqu’au réveil à l’aube vers 6:30. Les vitres sont couvertes d’une légère rosée qui se dissipe vite sous le grand soleil dès 7:45. Fin de mes écritures, déjeuner et douche, je quitte mon havre de paix où seul le roucoulement des tourterelles meuble le silence pour gagner la mer toute proche à Capo Vaticano.
Comme annoncé, le panorama, tant au sud qu’au nord depuis les deux belvédères, est splendide, la grande lumière avivant couleurs et perspectives, même si les lointains restent un peu estompés. Du côté sud la vue plonge sur les rochers et sur deux petites plages baignées par des eaux turquoises, puis 3 ou quatre caps sombres et élevés se suivent à contrejour jusqu’à en être à peine perceptibles.

Depuis le belvédère nord, des pentes beaucoup plus douces viennent mourrir dans une mer dont l’émeraude ressort encore davantage comme par effet de transparence.
Capo Vaticano : panorama vers le sud à
                  contrejour
Capo Vaticano : panorama vers le sud à contrejour

Capo Vaticano panorama coté sud
Capo Vaticano panorama côté sud

Capo Vaticano : belvédère nord
Capo Vaticano : depuis le belvédère nord

En consultant le guide au moment de repartir, je constate que je suis tout près de Tropea, dont la vieille ville mérite apparemment une visite. Quelques kilomètre de route de campagne fleurie - assez défoncée, d’ailleurs, comme le seront du reste presque toutes celles de la journée - et j’arrive « en ville ». Échaudé par mes aventures d’hier, je ne me hasarde pas dans le centro historico dont je crains maintenant les pièges, mais laisse l’Exsis sur un espace suffisant à quelques 500 m des lieux intéressants cités par le G.V. : les belvédères donnant sur la mer et sur l’église byzantine de Santa Maria dell’Isola juchée sur un îlot rocheux en face du promontoire de Tropea.
Tropea la Isola depuis la haute ville
Tropea : la Isola depuis la haute ville
Tropea l'église Sa Maria del l'Isola
Tropea : l'église Sta Maria del l'Isola

Me fiant sur le GPS faute de plan, j’en prends la direction et tombe pile dessus : elle a effectivement belle allure, mais la grille qui délimite l’accès aux jardins semble fermé, pas la peine de descendre la longue volée de marches - et la remonter - pour me heurter à une porte close !

Tropea : Corso-Vittorio-Emanuele III
Tropea : Corso-Vittorio-Emanuele III
Je me contente donc de continuer ma balade dans les ruelles de la haute ville, ponctuée de palazzi en plus ou moins bon état, jusqu’à la Piazza Vittorio Emanuele III (turismo fermé, bien entendu) puis jusqu’à la cathédrale romane, qui fut très affectée par divers tremblements de terre.
Tropea : la cathédrale romane
Tropea : la cathédrale romane
Tropea : porte latérale de la cathédrale
Tropea : porte latérale de la cathédrale
Cathédrale de Tropea : Vierge de 1605
Cathédrale de Tropea : Vierge de 1605
Tropea : nef de la cathédrale romane
Tropea : nef de la cathédrale romane

Tropea-cathedrale-icone-du-choeur
Cathédrale de Tropea : icone du choeur

À l’extérieur demeurent le côté gauche de la nef et l’abside, austères mais élégants, et à l’intérieur une nef aux belles proportions, abritant quelques oeuvres de belle qualité, Au gré des ruelles colorées je continue mon tour des belvédères et des palazzi en revenant vers l’Exsis. Tropea : abside de la cathédrale romane
Tropea : abside de la cathédrale romane
Tropea-Palazzo-dans-les-ruelles
Tropea : Palazzo au détour des ruelles

Tropea panorama au nord depuis le Largo Duomo
Tropea panorama au nord depuis le Largo Duomo

Tropea, Piazza Municipio : « palazzo en ruines
            attendant mécene »
Tropea, Piazza Municipio : « palazzo en ruines attendant mécene »

Tropea : belvédère sur le port depuis la Piazza
                  Municipio
Tropea belvédère sur le port depuis la Piazza Municipio
Tropea : Palazzo Gabrielli Mottola (XVIIIe)
Tropea : Palazzo Gabrielli Mottola (XVIIIe)

Tropea : l'Isola et la plage de Mare Piccolo
En bouclant le tour de Tropea : l'Isola et la plage de Mare Piccolo

La consultation du guide me suggère de rallier directement Scilla par la route côtière, mais je suis bientôt dévié de la SS18 (glissement de terrain ?) sur une toute petite route vicinale qui grimpe à pic (et redescend de même) sur la montagne séparant de la vallée suivante. L’Exsis doit faire donner tous ses chevaux, mais la vue depuis la crête est époustouflante sur les caps et vallées que je viens de parcourir (Cap Vaticano aperçu de très haut entre autres). Capo Vaticano et autres depuis la petite route du
                  Sud
Capo Vaticano et autres depuis la petite route du Sud
Bagnara Calabra dimanche sur le lungomare
Dimanche sur le lungomare à Bagnara Calabra
Descente vertigineuse ensuite sur Pellegrina où je retrouve la SS18, puis autre montée et descente, plus raisonnable cette fois, sur Bagnara Calabra, une jolie station coincée entre mer et montagne, très encombrée par les promeneurs du dimanche qui ont pris possession des rues au mépris total de la circulation automobile…

Ensuite jolie route de moyenne corniche jusqu’à Scilla dont le site (gros château médiéval sur le rocher mythique) est enchâssé entre deux plages tout à fait pittoresques.

Scilla Chianalea (nord) et le fameux rocher
Arrivée à Scilla Chianalea (nord) et le fameux rocher

Scilla-Chianalea-(nord)-et-castello-Ruffo-1255
Scilla Chianalea (nord) et castello Ruffo (1255)

Scilla : spiaggia delle Sirene au sud du rocher
Scilla : spiaggia delle Sirene au sud du rocher

En
            quittant Scilla et son chateau vers le sud
En quittant Scilla, sa plage et son château vers le sud

Sur cette route panoramique mais par définition lente je suis encore retardé et finalement agacé par l’inconduite notoire de trop de conducteurs du dimanche qui traînent à 40 km/h sur la nationale, roulent au milieu de la chaussée, changent de file ou de direction voire même s’arrêtent sans signaler, et dans les villes ou villages traversés, stationnent n’importe où, voire en deuxième file sans se soucier de la gêne voire du blocage qu’ils entrainent pour les autres chauffeurs. Ajouter à cela l’état déplorable des chaussées, particulièrement lorsque leur entretien est à la charge des municipalités : asphalte disjoint voire profonds nids de poule, plaques ou grille d’égout en creux, caniveaux non nivelés, bosses et virages en dévers). Il faut signaler aussi le fouillis inextricable des rues mal ou pas indiquées dans les villes, ce qui rend très aléatoire l’itinéraire vers la nationale ou l’autoroute, ainsi que les changements d’orientation des rues non prises en charge par le GPS,. On comprendra que vers 16:00 je me sente très las de conduire et décide de passer la zone urbanisée et peu intéressante de Villa San Giovanni et Reggio di Calabria en empruntant un bout d’autoroute A3.

Au
            delà du Détroit de Messine, la Sicile
Au delà du Détroit de Messine, la Sicile

Je la quitte une vingtaine de kilomètres plus loin, lorsque je vois apparaitre sur l’écran du GPS des plages à peu près libres de constructions et surtout accessibles par des voies passant sous le chemin de fer qui longe le rivage.

Lazzaro barques devant le détroit et l'Etna
Lazzaro barques devant le détroit et l'Etna
Au troisième essai j’aboutis à la petite plage de Lazzaro, très rustique, que quittent les promeneurs du dimanche en laissant derrière eux les barques de pêcheurs tirées sur le sable. En prime, une vue spectaculaire sur l’Etna de l’autre côté du détroit, qui se détache sur un ciel embrasé par le soleil couchant.

Crépuscule sur les barques; au fond la côte nord de la
            Sicile
Crépuscule sur les barques de pêche; au fond la côte nord de la Sicile

Je m’y installe, solitaire, profite du reste de lumière et de chaleur pour changer le joint de la cassette dont je suis las de sentir les effluves s'isinuer dans mon atmosphère. À la nuit noire je me retire au chaud, charge et traite les photos de la journée, rédige ce carnet de bord et soupe pour me coucher une autre fois assez tôt à 22:00, la fatigue se faisant vite sentir.


20 926    Lundi 11 février 2019 : de LAZZARO à MARINA DI ARDORE (100 km) (à pied : 2,9 km)

Réveil tôt sous le soleil ; des pêcheurs mettent leurs barques à l’eau devant moi, tandis que l’Etna aux pentes couvertes de neige brille à l’horizon, dépassant ses basses pentes encore embrumés. Très Vue du Mont Fuji ! Je démarre lentement ma journée, bien reposé mais avec l’envie de goûter au max de la qualité de cet environnement de rêve. Lazarro-bivouac-au-matin
Lazarro : bivouac sur la plage au matin

Départ pour la pêche sur la plage de Lazarro devant l'Etna

Lazarro : départ pour la-pêche

Lazarro : départ pour la pêche

Lazarro : départ pour la pêche Lazarro : départ pour la pêche

Je ne quitte donc mon super-spot que passé 9:30 pour rattraper la grande route longeant la mer. Elle me mène, une trentaine de km à l’est, à l’embranchement d’une toute petite route s’enfonçant plein nord dans le massif de l’Aspromonte, vers le village fantôme de Pentidattilo. En-route-vers-Pentidatttilo
En route vers Pentidattilo
Pentidattilo-restes-du-village
Pentidattilo : restes du village
Le site est grandiose et me rappelle un peu les Météores, en Grèce. Les maisons du hameau, accrochées aux pentes abruptes de la montagne, sont abritées/menacées par d’énormes rochers en roche friable dont on a craignit l’effondrement dans les années ’60, ce qui mena à son évacuation.

Il ne semble pas que la catastrophe appréhendée se soit produite, et du coup quelques amateurs de site sauvage et reculé ont racheté certaines bicoques pour en faire des résidences de vacance.

En arrivant je rencontre un aimable couple de retraités néerlandais en fourgon Sprinter auto-aménagé ; nous échangeons un peu sur notre passion commune puis nous lançons ensemble dans un petit tour des lieux qui s’arrêtera vite, faute de chemin «piétonnable» sur les pentes et dans les buissons. De toute façon la petite église signalée par le GV est fermée et le château normand à peu près totalement ruiné.

Depuis Pentidattilo la vue vers la côte
Depuis Pentidattilo la vue vers la côte sud

Depuis Pentidatiilo, vue vers l'intérieur :
            l'Apsromonte
Depuis Pentidatiilo, vue vers l'intérieur : l'Apsromonte

Pentidattilo : les rochers ruiniformes et l'Etna
            enneigé
Pentidattilo : les rochers ruiniformes et l'Etna enneigé

Bova : le village au loin sur la montagne
Bova : le village au loin sur la montagne
En redescendant jusqu’à la côte, je me décide à une autre - courte - incursion dans l’arrière-pays jusqu’à Bova, un autre village encore très vivant celui-là, perché à 900 m sur un éperons rocheux. Il constitue la capitale de la minorité linguistique grecque de Calabre (grecanico) qui remonterait à la Grande Grèce (VIIIe av. J-C). La petite route très sinueuse qui grimpe jusque là-haut réserve quelques surprises question pente, trous et étroitesse. Mais nous réussissons à nous rendre jusqu’au pied des maisons pour y laisser les campers et nous lancer ensuite dans les ruelles labyrinthiques coupées d’escaliers.

Surprise en atteignant la place centrale : une énorme locomotive à vapeur F740 (1911-1927) trône au milieu de cette Piazza Ferrovieri d'Italia, occupant presque la moitié de l’espace ! Décision ubuesque des habitants d’avoir leur train, même si aucune ligne de chemin de fer n’atteindra jamais leur nid d’aigle ? Bova-la-loco-F740-sur-la-Piazza-Ferrovieri-d'Italia
La loco F740 sur la Piazza Ferrovieri d'Italia, la place centrale de Bova

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Bova : vue vers la mer depuis la Piazza Ferrovieri d'Italia

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Bova : montée vers le haut du village
Pour le reste, architecture assez simple, églises fermées, ruines du château tout en haut se limitant aux murs de soutènement...

Cathédrale
                  de Bova
Cathédrale de Bova
Bova-fer-forge
Bova : une élégante grille en fer forgé

...mais superbes panoramas sur le massif de l’Aspromonte aux vallées encaissées, semées de petites fermes et de champs minuscules où paissent quelques rares moutons escortés d’un berger…

Bova-montee-au-chateau
Bova : montée au château
Bova ;
                  l'Aspromonte depuis l'accès au château
Bova : les montagnes de l'Aspromonte depuis l'accès au château

Dernier coup d'oeil sur la la Plazze Ferrovieri
            d'Italia et sa locomotive 1911
Dernier coup d'oeil sur la la Plazze Ferrovieri d'Italia et sa locomotive de 1911

En tous cas deux bonnes marches matinales m’auront amplement essoufflé pour parcourir les 3 km (qui en valent plus du double, vu les dénivellations !) enregistrés par mon IPhone.

Voilà qui m’a ouvert l’appétit ! Je me prépare un copieux déjeuner avant de descendre à nouveau jusqu’à la côte que je continue de longer vers l’est. Mais le temps se gâte progressivement, le vent en rafales qui nous a saisis sur la montagne se poursuit en bas, je roule sans me presser et pour finir, vers 16:30, décide de trouver un autre bivouac en vue de la mer. Celle-ci n’est que difficilement accessible car il faut franchir la voie ferrée qui suit de près la plage. Je trouve enfin un passage à niveau dans le bourg de Marina di Ardore, attend un bon moment le passage d’une rame devant une barrière fermée, puis vais m’installer tout au bout d’un lungomare en cours d’aménagement pour relaxer et poursuivre ma deuxième lecture de Homo Deus.

Les ouvriers et leurs machines quittent peu après, je reste seul dans un grand calme en voyant le soir descendre progressivement. Le ciel s’assombrit, quelques averses viennent pimenter les rafales qui secouent l’Exsis. Écriture du carnet de bord et transfert des photos, je me couche chauffage allumé à 22:30.

Bivouac-sur-le-lungomare-de-Marina-di-Ardore
Bivouac sur le lungomare (extremité nord de la Via Marina) de Marina di Ardore


21 026    Mardi 12 février 2019 : MARINA DI ARDORE à SIDERNO MARINA (41 km) 6,1 km

Il a fait frais cette nuit, et j’ai été réveillé avant le lever du jour par le bruit de la pluie crépitant sur le toit ou, poussée par le vent, sur les fenêtres. Je finis par sommeiller un peu et me lève vers 7:30 sous un ciel assez chargé et surtout, un vent
qui, bien qu’atténué, continue de souffler. À 8:30 je quitte mon lungomare (Via Marina) et suis en route (S.S.106) pour gagner le site archéologique de Locri Epizefri, à cinq kilomètres environ.


LOCRI EPIZEFIRI


Locri Epyzephyroi a été fondée vers la fin du VIIIe siècle av. J-C. par des colons de Locris, une région du centre de la Grèce. Dès les premières décennies de son existence, la colonie fut dirigée par un gouvernement aristocratique rigoureux, appliquant un code juridique attribué à Zaleukos, le plus ancien législateur du monde grec. À la fin du VIIe siècle av. J.-C. les Locriens ont fondé deux sous-colonies sur la mer Tyrrhénienne; Medma (Rosarno) et Hipponion (Vibo Valentia). Vers le milieu du siècle suivant, sur les rives de la rivière Sagas, ils remportèrent une bataille épique contre Kroton (le Crotone moderne), devenu légendaire à la suite de l'intervention miraculeuse des Dioscures, Castor et Pollux. Par la suite, Locri entra dans l'orbite de la ville de Syracuse. Lorsque le tyran Dionysos II fut chassé dans la seconde moitié du IVe siècle av. J.-C., un régime démocratique modéré fut instauré. Devenu municipium romain (ville libre dotée du droit de citoyenneté romaine) à la suite de la romanisation de la Calabre, Locri survécut jusqu’au VIIIe siècle après J-C, lorsque les habitants, menacés par des raids arabes, se déplacèrent vers les hauteurs de l'arrière-pays et, en particulier, vers le Gerace d'aujourd'hui.

Par chance, la ville moderne n’a pas été construite sur l’ancienne cité, ce qui a facilité la recherche archéologique et permis de se faire une idée générale de ce à quoi une bonne partie de la colonie a pu ressembler. La ville occupait une très grande superficie (1 km sur 2,5 km à l'intérieur), entourée de murailles d'environ 7 km. À l'extérieur de cet anneau de murs se trouvaient les nécropoles. À l’intérieur, l’espace était organisé selon un plan urbain comportant des rues droites et d’autres perpendiculaires à celles-ci, définissant des blocs réguliers pour des bâtiments. Au pied des collines se trouvait le théâtre, et pas bien loin - bien qu’on ne l’ait pas encore identifié - il devait y avoir eu l’agora, la grande place où se déroulait la vie sociale, politique et commerciale qui animait chaque cité grecque. Les sanctuaires étaient parfois dotés de temples construits sur une échelle architecturale considérable, alors que dans d'autres cas, ils n'étaient pas aussi monumentaux, mais cela ne veut pas dire qu'ils étaient moins importants, comme en témoigne l'abondance des offrandes votives.

La zone archéologique de Locri Epyzephyroi est située à environ 4 km au sud de l'actuelle ville de Locri, et elle gravite autour du musée archéologique, accessible depuis la route Ionic Highway 106. Derrière le bâtiment du musée, on peut voir la zone sacrée de Parapezza, une longue partie des fortifications de la ville et le Sanctuaire de Marasa, avec les vestiges du temple ionique, En empruntant la route qui passe à l'est du musée, les visiteurs arrivent au théâtre. Sinon, en continuant plutôt le long de la route nationale sur environ 200 mètres, ils atteignent le quartier de Centocamere, où l’on peut visiter un grand secteur de la ville, caractérisé par un pan de muraille urbaine et une zone sacrée dédiée à Aphrodite. Un chemin de campagne mène à la région plus haute, au cœur de la ville antique à l'époque romaine. lci, près du Casino Macri, doit être inauguré en 2003 un bâtiment du musée, qui sera consacré aux phases de la vie romaine et de la fin de l'antiquité, à Locri Epyzephyroi.

Le Musée archéologique national de Locri propose une riche sélection de matériaux provenant des différentes zones de fouilles; objets provenant de tombes, offrandes votives des Sanctuaires, vaisselle courante, outils artisanaux et ménagers, produits manufacturés, témoins de la période qui a précédé la colonisation grecque. Enfin, un autre groupe important de trouvailles faites à Locri est exposé au musée archéologique national de Reggio Calabria.


Bien couvert, je me lance dans le parcours d’une partie du site, fort étendu (1 km x 2,5 km) pour me rendre d’abord au Musée consacré aux trouvailles romaines qui ferme autour de midi. Parcours agréable au milieu des plantations de citronniers et d’orangers entre lesquels certaines zones ont été fouillées et où l’on présente les soubassements de ce que fut cette grande ville pour l’époque. Quelques panneaux explicatifs, avec pour une fois des résumés en anglais, aident un peu à comprendre de quoi il s’agit, les restes se réduisant finalement à peu de choses significatives pour un béotien comme moi en archéologie, et du reste étant un peu envahis par les broussailles…
On a installé le petit musée romain dans une ancienne maison de maitre, le Casino Macri, elle-même bâtie sur les restes des thermes du quartier, assez lisibles. On y présente quelques pièces intéressantes que je photographie bien sûr, mais les plus belles trouvailles, dit-on, sont conservées au Museo nazionale de Reggio… Locri-Epizefiri : amphores
Locri Epizefiri : amphores

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Tête en calcaire d'un jeune homme portant le bonnet phrygien (IIe à IIIe av. J-C.)

Le type de coiffure caractérise le personnage en tant qu'oriental; il pourrait donc s'agir d'un héros troyen (Paris ou Ganymède) ou d'une figure divine liée à l'un des cultes d'origine orientale (Adonis, Attis ou Mithra) particulièrement suivis à l'époque impériale romaine. L'emplacement précis de la découverte, qui s'est produite dans les années 1920 dans le lit du torrent Milligri, est incertain.





Locri-Epizefiri-casque-romain
Casque de type italique (dit de type Montefortino) dont le sommet se termine par une grenade

Fabriqué probablement en ltalie centrale, on peut le dater de la première moitié du IIIe siècle av. J-C, à l'époque où Locri était impliqué dans les guerres entre Rome et Pyrrhus, roi d'Épire (280-270 av. J.-C.) et devait accueillir des garnisons romaines, tel que défini dans les traités d'alliance avec Rome.

Le casque a été trouvé dans des circonstances inconnues dans la vallée du torrent Gerace, peut-être dans une tombe, et constitue un témoignage direct, rare et précieux des phases les plus anciennes de la présence militaire romaine en Magna Graecia; il s'agit d'un vestige emblématique de la perte d'indépendance des cités grec au profit de Rome, présence dominante de la péninsule italienne.


Bsssin et
                  amphores
Bassin décoré "à bandes rouges" (6e-7e siècle av. J-C) utilisé comme couvercle de la tombe 1 et Amphores à fond rond décorées "à bandes rouges" (6e-7e siècle après J.-C.), utilisées comme sépulture d'enfants.

Locri Epizefiri : grande vasque en Aleppo
                    Breccia
Grande vasque en Aleppo Breccia

L’Aleppo Breccia est un marbre précieux et rare qui vient de l'île grecque de Chios. Son nom moderne dérive de l'époque où il a été confondu avec une pierre d’aspect semblable à celle que l’on extrayait à Alet, en Provence, au XVIIIe siècle, appelé “brèche d'Alep" dans un important article de minéralogie datant de 1774.Introduit en Italie à la période d’Auguste et particulièrement recherché pour sa variété caractéristique de couleurs et ses inclusions de marbre, il a été utilisé jusqu’à la période Flavienne, quand la carrière fut épuisée.Le bassin de Petrara est l’un des plus grands objets jamais réalisés dans cette pierre que l’on ait jamais trouvé. Réutilisé comme abreuvoir, il a été trouvé dans la citerne du bâtiment des bains de Petrara mais devait être situé à l'intérieur, sur un support qui n'a pas été retrouvé.
Locri Epizefiri Torse d'un jeune homme nu,
                    réplique dite « Hermès Richelieu » (IIe s. ap.
                    JC)
Torse d'un jeune homme nu, réplique dite « Hermès Richelieu » (IIe s. ap. J-C)

Copie à l’époque impériale d'une sculpture du IVe siècle av. J-C de l’école du Péloponnèse, dite « Hermès Richelieu », d'après une réplique appartenant au XVIIe siècle au célèbre cardinal français et maintenant conservée au Musée du Louvre à Paris.

Les copies de l’époque romaine étaient souvent utilisées à des fins de célébration et de transformation en portrait.Le torse fut signalé à P. Orsi en 1890 dans le Casale Merici, près de Locri, et provient probablement de la zone de la ville antique.


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La statue drapée d'une toge de Petrara

En 2003, une statue de marbre de près de 2,30 mètres de haut, renversée et divisée en trois parties à l'abandon de la région (IVème-Vème siècle de notre ère), fut découverte dans un petit bâtiment public, à l’intersection de deux grandes rues traçant le réseau urbain, dans la quartier de Petrara. La sculpture représente un homme d’âge mûr portant une toge magnifiquement plissée, avec une tête splendidement vivante et réaliste, et l'expression stricte et autoritaire d'un homme, peut-être un magistrat du Locri municipium, digne d'être honoré par ses concitoyens d’une statue commémorative.
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Tête de la statue drapée d'une toge de Petrara

La sculpture de Petrara, le premier exemple de type « en toge » trouvé jusqu'à présent à Locri, constitue un travail de grande qualité, réalisé par un atelier actif au début de l'ère impériale (1er siècle ap. J.-C.). Avec les exemples bien connus de Scolacium, on peut la considérer comme l’un des témoignages les plus remarquables du travail de portrait romain en Calabre, ce qui soulève la question de l’existence éventuelle de sculpteurs de la région correspondant qualitativement à ceux de Rome.




Locri-Epizefiri-Torse-revetu-d-une-armure-(1e-2e-s.-ap-J-C) Torse revêtu d’une armure
(Ier-IIème siècle ap. J-C)

Torse d'une statue de personnage honoraire portant une armure hellénistique avec une tête en gorgone sur la poitrine, un baudrier et un cingulum pour soutenir l'épée et une cape d'officier sur l'épaule gauche.

Le type d'armure, avec un corset en lin, n'est pas très courant à l'époque romaine et est représenté dans la mosaïque de la «bataille d'Alexandre le Grand» de Pompéi, au musée archéologique national de Naples. Le torse a été signalé par P. Orsi en 1890 dans le Casale Merici, près de Locri, et provient probablement de la zone de la ville antique.
Moulage réalisé en 2003 par A. Danesi - DART de Rome, à l'occasion de la restauration de l'original, au Musée national de Reggio Calabria.

En revenant vers le musée principal consacré à l’époque grecque ou hellénistique, je traverse quelques autres fouilles. Les plus parlantes ont mis à jour les soubassements du quartier Centocamere, le plus proche du port, une concentration d’ateliers et d’entrepôts situés au pied du mur d’enceinte dont on voit quelques soubassements. À son abri, côté terre, dans un quadrillage de ruelles parallèles s’entassait la population ouvrière et pauvre dans des logements plutôt étroits, dont les petites pièces donnaient sur une cour centrale à tout faire. Locri-Epizefiri : ruines de Centocamere
Locri Epizefiri : ruines du quartier populaire de Centocamere

Musee archéologique maquette d'une habitation
              populaire à Centocamere
Musée archéologique : maquette d'une habitation populaire à Centocamere

Locri Epizefiri. tour d'angle du rempart
Locri Epizefiri : tour d'angle du rempart au dessus de Centocamere
L’aire «sacrée» et ses temples se trouvaient du côté est, près de l’entrée du site où l’on a placé le musée. S‘y découvrent les restes (là encore bien bas…) de la tour d’angle du rempart et quelques bases de temple (dont celui de Déméter) et leurs dépendance (salle où les fidèles déposaient leurs offrandes). Mais là encore je ne vois rien de très spectaculaire, les invasions, les tremblements de terres, les inondations et surtout l’abandon du site ayant fait leur œuvre, couronnée par la récupération de matériaux pour construire la nouvelle ville de Locri à deux pas.


Le SANCTUAIRE de DÉMETER dans le quartier de PARAPEZZA

Le sanctuaire de Déméter dans le quartier de Parapezza est situé juste à l'extérieur des remparts de la ville et couvre environ 3 000 mètres carrés.

Les fouilles dans ce secteur ont été commencées en 1889 par Paolo Orsi qui, en procédant par petits essais et en seulement trois mois, a découvert 114 dépôt votifs : de grandes fosses débordant de tasses empilées (kotylai), de petites jarres (hydriskai) et des statuettes de terre cuite et de nombreux autres matériaux, représentent le nombre considérable de 16 000 articles. Orsi a attribué ces dépôt votifs au temple voisin de Marasa, situé à l'intérieur des murs non loin de Parapezza.

Les explorations entreprises par le service archéologique de Calabre en 1989 et toujours en cours ont permis de déterminer que le secteur de Parapezza était occupée du milieu du VIe siècle au IIIe siècle av. J.-C. par un sanctuaire dédié à Déméter, totalement indépendant du sanctuaire de Marasa. Déméter, mère de Perséphone, est une déesse liée au cycle de l'agriculture qui était vénérée ici en tant que Thesmophoros (thesmos = loi; phoros = porteur), protectrice du mariage et des rites de passage de la petite fille à la femme adulte.

Les sanctuaires de Déméter Thesmophoros n'avaient pas de vrais temples: c'était des espaces verts où il pouvait y avoir des autels, de petits bâtiments utilisés soit pour la pratique des rites, soit pour la conservation des offrandes votives les plus précieuses. Il existe des preuves particulières de deux phases de fréquentation : la première va de la seconde moitié du VIe au |Ve siècles av. J.-C. et la seconde à la seconde moitié des IVe au IIIe siècle av. J.-C.

Au cours de la première phase, le sanctuaire était très vaste et était entouré d’une enceinte (temenos) qui le séparait de la ville et des nécropoles de Parapezza. Il y avait de grandes fosses votives à l'intérieur, dont l'une a été mise en lumière par les fouilles les plus récentes menées près de la tour (dépôt A), ainsi qu'un petit bâtiment sacré (sacellum).

Au IVe siècle av. J.-C., lors de la reconstruction des murs d'enceinte et de la tour d'angle, le sanctuaire fut réduit à une petite enceinte rectangulaire contenant un autel et de petits dépôts votifs.

On voit également l’importance du culte de Déméter à Locri par le nom du mois Damatarios sur les tablettes des archives du temple de Zeus Olympien et par la représentation de la déesse dans divers documents artistiques locaux (catalogues de bibliothèques et certaines statuettes du sanctuaire de la grotte Caruso).

LA THESMOPHORIE

Une période de festivités d'automne de trois jours, appelée Thesmophoria, était dédiée à Déméter; elles ont eu lieu dans la période précédant l'ensemencement et étaient réservées exclusivement aux femmes. C'était l’une des fêtes les plus répandues dans le monde grec, liée à la fertilité de la terre par le sacrifice de porcelets, jetés dans des fosses puis récupérés l’année suivante, maintenant putréfiés et placés sur les autels pour la but d'obtenir une bonne récolte. Des banquets rituels avaient lieu lors de ces célébrations et on faisait des offrandes de toutes sortes (céramique, statuettes en terre cuite, objets de valeur,..,).


La visite du Museo archeologico nazionale est beaucoup plus instructive que le premier petit musée, car on y a concentré pas mal de pièces bien conservées ou restaurée datant de l'époque hélléniques.

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Museo archeologico : grandes amphores en céramique de la nécropole grecque de Parapezza (VIème av. J-C)

Il s’agit d’amphores de transport de denrées alimentaires d’origines diverses, notamment de l’huile et du vin, et des grands récipients pour l’eau (hydriai), reconnaissables à la présence de trois poignées, deux horizontales et une verticale. Ces conteneurs ont été réutilisés à des fins funéraires pour y déposer les corps de très jeunes enfants ou pour contenir les restes de l'incinération encore en combustion.
Locri Epizefiri Musee archéologique Pinakes
                    ex-voto en argile Enlèvement de Persephone par
                    Hades Ve s. av.JC
Pinax : ex-voto en argile figurant l'Enlèvement de Perséphone par Hades (Ve s. av. J-C)

Pinax ou « tableau », désigne une tablette votive en bois peint ou en terre cuite, marbre ou relief en bronze, qui servait d'offrande votive déposée dans une réserve ou dans une chambre funéraire. (Wikipedia)


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Antéfisxe à tête de jeune satyre (IV-IIIe-s. av. J-C)

L'antéfixe est un motif placé sur les toits ou corniches d'un édifice à l'extrémité d'une rangée de tuiles ou d'une partie saillante d'une toiture, par exemple pour orner ou pour masquer. (Wikipédia)
tete-de-statuette-feminine-polychrome
Tête de statuette féminine avec de larges traces de rouge dans les cheveux et de blanc sur le visage (4e-3e siècle av. J-C.)
vases-a-parfum-en-forme-d'amphore-en-pate-de-verre-polychrome
Vases à parfum en forme d'amphore en pâte de verre polychrome,
origine Phénicienne ou gréco-orientale (Ve av.J-C)
Balsamari-en-forme-de-truie-allaitant-ses-petits,-greco-orientale-560-530-av-JC.
Unguentarium (contenant à onguents) en forme de truie allaitant ses petits (origine gréco-orientale, 560-530 av. J-C.)

L'unguentarium est une fiole fusiforme, en verre ou céramique, destinée à conserver du parfum ou des huiles. Chez les Romains, elle avait parfois la forme d'un poisson. (Wikipédia)
figurines-en-terre-cuite-IVe s. av. J-C
Musée archéologique de Locri Epizefiri : figurines en terre cuite (IVe s. av. J-C)

La terre cuite figurée au IVe siècle avant J-C


Au IVe siècle avant J-C, l'usage de la figurine en terre cuite, sporadique au cours des siècles précédents, se répand largement. En particulier, apparaissent les statuettes féminines nues, interprétées comme des représentations d’Aphrodite ou comme une sorte de poupée. De plus, une série de statuettes représentant des personnages liés au cercle du dieu Dionysos, dieu du vin et de la fertilité, mais aussi du monde souterrain, font leur apparition.

Serpent en bronze du Sacetto-Ve-av. J-C
Serpent en bronze trouvé dans le  Sacettum (Ve av. J-C)

Convive au banquet, bronze (540-500 av. J-C)
Convive au banquet, bronze (540-500 av. J-C)

De plus cette institution a manifestement une mission de sensibilisation de la clientèle scolaire au passé de sa région, se traduisant par de nombreux panneaux illustrés et simples à comprendre (même en italien dont j’ignore à peu près tout…). Là aussi je prends quelques photos des objets, maquettes et autres reconstitutions qui font comprendre la vie menée par les ancêtres il y a maintenant plus de 2 500 ans.

Locri-Epizefiri-Musee-archeologique-stratigraphie
EN PARCOURANT LA TERRE, ON RECONSTRUIT L'HISTOIRE

Dans les agglomérations de la Grande-Grèce, les maisons avaient des murs en briques de terre crue, peut-être avec des cadres en bois, des fondations en pierres irrégulières, en cailloux et en éléments réutilisés, des toits en tuiles de terre cuite et des sols en terre. Souvent, il était nécessaire de les rénover. Ainsi, les murs étaient démolis, la masse de briques désagrégées élevait le niveau du sol, sur lequel, en réutilisant les tuiles, on construisait une nouvelle maison, qui était à son tour reconstruite après quelques décennies, avec le sol à nouveau élevé.
Progressivement, on a également relevé le niveau des routes qui, faites de terre battue, étaient soumises à l'usure du piétinement continu des hommes et des animaux, au passage des charrettes et à l'écoulement des eaux de pluie. Chaque nouvelle couche a été superposée aux précédentes, formant une séquence stratigraphique qui comprend également les structures des murs avec leurs étages, du plus ancien (en bas) au plus récent (en haut).
Dans chaque couche, on trouve de nombreux objets, pour la plupart fragmentaires, tels que des vases de différents types et fonctions, des briques, des outils de travail, des statuettes et des reliefs, etc. Ces objets, une fois brisés, étaient utilisés pour rendre les sols des maisons ou des routes plus compacts ou pour combler des dépressions accidentelles, ou encore étaient jetés dans des fossés de drainage pour améliorer l'écoulement des eaux.
L'analyse de ces objets, auxquels s'ajoutent les monnaies perdues par les passants ou par les habitants des maisons, et leur comparaison avec les types déjà étudiés par les savants permettent de dater l'époque à laquelle la strate a été formée.
À Centocamere, les fouilles archéologiques stratigraphiques mettent en évidence une série de phases dans la vie de l'établissement, dont les vestiges (structures murales et couches connexes) se sont superposés pendant plus de cinq siècles, du VIe au Ier siècle avant J.-C., lorsque la zone a été abandonnée.
Seuls les niveaux supérieurs, plus récents (à partir du IVe siècle avant J.-C.), ont pu être explorés en profondeur, car les nombreuses structures murales de cette période ne permettent d'atteindre les couches plus anciennes et plus profondes qu'avec des sondages limités.

LA POTERIE COMME «GUIDE DES FOSSILES»

La faïence étant très résistante, les fragments de céramique constituent le matériau le plus abondant dans chaque couche d'un établissement ancien et peuvent fournir de nombreuses références chronologiques qui nous "guident" dans la reconstruction de la séquence historique des différentes phases de l'établissement.
À l'époque grecque, le type de poterie le plus connu dans son évolution chronologique est la vaisselle fine, à glaçure noire, dont la production a débuté en Grèce au VIe siècle avant J.-C. ; elle a été largement exportée en Grande-Grèce et a suscité une imitation importante de la part des artisans locaux.

Les fragments de céramique, apparemment modestes et négligeables, peuvent fournir des données scientifiques importantes pour les spécialistes, afin de comprendre les modes de vie, les commerces et les productions artisanales qui avaient lieu dans la zone habitée de Centocamere.


Au total j’aurai passé plus de deux heures sur le site, fort intéressante, sans compter le bol d’air pris à marcher dans la campagne florissante.

Je déjeune de bon appétit dans l’Exsis chauffé par le soleil et à l’abri du vent, avant de reprendre mon chemin vers l’autre point d’intérêt de la journée, la petite ville de Gerace très riche en histoire et en monuments. Une fois encore le GPS me fait emprunter un itinéraire fantaisiste - une toute petite route étroite et défoncée - pour grimper jusqu’à cet autre nid d’aigle à une quinzaine de kilomètres à l’intérieur, sur les premières pentes de l’Aspromonte. La-cote-depuis-la-route-vers-Gera
La côte depuis la route vers Gerace

Le
                    château normand de Gerace
Ruine du château normand de Gerace
Cette fois-ci je me risque à m’avancer le plus loin possible sur la route circulaire bien carrossable qui s’achève sur un beau stationnement tout en haut de la butte, juste devant les reste du château normand, avec même un point d’eau sur lequel je ferai le plein avant de repartir.

Gerace-chevet-de-la-cathedrale
Gerace : chevet de la cathédrale

À partir de là je gagne la cathédrale à travers les ruelles très pittoresques bordées de vénérables façades avec portails en anse de panier et fenêtres géminées médiévales… La cathédrale n’ouvrira qu’à 15:00, en attendant je poursuis mon petit tour, assiste quelques minute à des funérailles dans l’unique église ouverte Chiesa del Sacre Cuore, au décor de stucs sur fond pastel bleu ciel (1851), remonte faire le plein d’eau sur le parking devant le château, puis redescends stationner sur la place devant la cathédrale. Vieilles rue de Gerace
Vieilles rue de Gerace

Nef de la cathédrale de Gerace
Nef de la cathédrale de Gerace
Celle-ci est maintenant ouverte, j’y pénètre en même temps que le cortège funèbre venu de la Chiesa del Sacre Cuore, puisque la cérémonie s’y déroulera, vue la foule attendue. Je n’ai donc que le temps de faire un petit tour rapide de la nef, étonnamment vaste, remarquable par ses piliers et chapiteaux variés issus du réemploi de monuments antiques. À mentionner aussi de très beaux autels baroques en marbres polychromes, ceux-ci issus semble-t-il de toutes sortes de sources, dont certaines antiques…

Gerace-chapiteaux-de-la-cathedrale



Cathédrale de Gerace : colonnes et chapiteaux antiques de réemploi
Gerace-colonnes-et-chapiteaux-de-la-cathedrale

Gerace-maitre-autel-de-la-cathedrale-en-marbres-polychromes
Gerace : maître-autel de la cathédrale en marbre polychrome

Gerace-maitre-autel-de-la-cathedrale-en-marbres-polychromes
Les marbres polychromes du maître-autel

Visite ensuite de l’église San Francesco d’Assisi, désaffectée, bâtie pour abriter le cénotaphe de Ruffo di Calabria et maintenant salle de concert. Elle est surtout remarquable par l’autel de marbres polychromes superbement dessiné et travaillé là encore, sous un grand arc séparant la nef du presbyterium où se trouve le tombeau.

Accueil très sympathique de la préposée à l’accueil, une bénévole ou quasi, qui me vend 3€ le billet groupant les visites de tous les lieux culturels de la ville, me fournit plans et brochures présentant l’histoire et les attractions de Gerace, bref me fait partager son enthousiasme pour sa petite cité.
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Gerace : zoom sur le portail de la chiesa San-Francesco d'Assisi

Gerace-chiesa-San-Francesco-d'Assisi-portail
Gerace : portail de la chiesa San Francesco d'Assisi
Chiesa San-Francesco d'Assisi de Gerace : nef
                      et choeur
Chiesa San-Francesco d'Assisi de Gerace : nef et choeur

Gerace-autel de la
                    chiesa-San-Francesco-d'Assisi
Gerace : autel de la chiesa San Francesco d'Assisi (1664)
Fronton de la porte menant au tombeau
Fronton de la porte à droite menant au tombeau

Gerace-chiesa-San-Francesco-d'Assisi
Panneau en marbre de l'autel

Gerace-chiesa-San-Francesco-d'Assisi oiseau
Détail de l'oiseau du panneau à gauche du tabernacle

Oiseau à droite du tabernacle
Oiseau à droite du tabernacle
La ville dans ses remparts
La ville dans ses remparts

tombeau-de-Nicola-Ruffo-de-Calabria-dans-le-presbyterium
Tombeau de Nicola Ruffo de Calabria dans le presbyterium
cénotaphe de Nicola Ruffo de Calabre
Cénotaphe de Nicola Ruffo de Calabre : les anges gardiens


Gerace-chiesa-San-Francesco-d'Assisi-cenotaphe-de-Nicola-Ruffo-de-Calabre
Côtés du cénotaphe de Nicola Ruffo de Calabria

Gerace-chiesa-San-Francesco-d'Assisi-cenotaphe-de-Nicola-Ruffo-de-Calabre
cénotaphe de Nicola Ruffo de Calabre

Chiesa-di-Santa-Caterina-d'Alessandria-nef
Nef de Sta Caterina d'Alessandria de Gerace
Sur ses conseils je visite alors la modeste église de Santa Caterina d’Alessandria, vide mais possédant quelques fresques intéressantes sur les côté de la nef.
Retour en empruntant quelques autres ruelles typiques vers la cathédrale où je peux enfin visiter la crypte, très ancienne puisque ses multiples et fines colonnes correspondraient, au moins en partie à la cathédrale byzantine primitive. crypte de la cathedrale de Gerace
Crypte de la cathédrale de Gerace

Tresor-de-la-cathedrale-de-Gerace De là le gardien, lui aussi très aimable et souriant, s’empresse de m’ouvrir les portes du Trésor, très riche d’objets de culte en argent ciselé d’une grande finesse, mais dont le clou pour moi restera la grande tapisserie flamande du XVIIe sur un carton de Lebrun : «La rencontre de Méléagre et Castor», ou «La partie de chasse» qui, remarquablement restaurée, trône dans l’entrée.

Trésor de la cathedrale tapisserie flamande du 1680
              Rencontre de Méléagre et Castor laine et soie
Trésor de la cathédrale de Gerace : «Rencontre de Méléagre et Castor» (laine et soie tapisserie flamande 1680)

Tresor-de-la-cathedrale de Gerace :
            detail-de-la-tapisserie-flamande
Trésor de la cathédrale de Gerace : détail de la tapisserie-flamande

-Tresor-de-la-cathedrale de Gerace :
              detail-de-la-tapisserie-flamande
Trésor de la cathédrale de Gerace : détail de la tapisserie flamande

Trésor de la cathédrale de Gerace : détail de la
                tapisserie flamande
Trésor de la cathédrale de Gerace : détail de la tapisserie flamande

Staurotheque-ou-Croix-reliquaire-du-bois-de-la-Sainte-Croix-en-argent-doré-cisellé-et-filigrane,-perles-et-pierre-dure.-XIIe.s
Trésor de la cathedrale de Gerace : Staurothèque ou Croix reliquaire du bois de la Sainte Croix en argent doré cisellé et filigrane, perles et pierres dures (XIIe s)
Gerace-Tresor-de-la-cathedrale-de-Gerace-Assomption-1772-par-Gaetano-Dattilo
Trésor de la cathédrale de Gerace : Assomption par Gaetano Dattilo (1772)


Gerace Trésor de la cathedrale de Gerace
                      Couronne or, argent et émeraude de Calabre par
                      Gerardo Sacco 1998
Trésor de la cathedrale de Gerace : Couronne en or, argent et émeraude de Calabre, par Gerardo Sacco (1998)
Trésor de la cathedrale de Gerace Crosse
                      pastorale en argent fondu et cisellé, argenterie
                      napolitaine XVIIIe s.
Trésor de la cathédrale de Gerace : Crosse pastorale en argent fondu et cisellé, argenterie napolitaine XVIIIe s.

Tresor-de-la-cathedrale-de-Gerace-ostensoir

Tresor-de-la-cathedrale-de-Gerace
Trésor de la cathédrale de Gerace : ostensoir de Domenico Barillaro da Serra San Bruno à la demande de l'évêque Giuseppe Pellicano.

Argenterie estampée et éléments fondus en argent doré et pierres semi-précieuses (rubis et émeraudes), datant des vingt premières années du XIXe siècle.


Tresor-de-la-cathedrale-de-Gerace : base de
                l'ostensoir-au-pelican
Trésor de la cathédrale de Gerace : le péllican nourrissant ses petits à la base de l'ostensoir de Domenico Barillaro da Serra San Bruno

Le soleil est plus timide en cette fin d’après-midi riche en découvertes et rencontres, et le vent a forci, rendant l’atmosphère des plus fraîches… Je me rends quand même jusqu’au petit Museo archéologico civico qui présente fort bien (mais hélas encore uniquement en italien…) la préhistoire et l’histoire locale depuis ses origines.  Nombreuses sont les trouvailles faites dans le territoire de la commune abondamment fouillé par quelques passionnés fort instruits. Occasion de leur rendre hommage… Coupe vernie noire à parois minces
Coupe à boire vernie noire à parois minces (Ve s. av. J-C)

Museo Civico Archeologico de Gerace : céramiques
                grecques (VIIe-av.-JC)
Museo Civico Archeologico de Gerace : céramiques grecques (VIIe av. J-C) : aryballos, olpe, oinochoe.

Ayant épuisé une bonne part du catalogue des trésors locaux et mon intérêt à les découvrir, je retrouve avec plaisir l’abri et la chaleur de l’Exsis. J’amorce la descente vers le bord de la mer en empruntant cette fois la Strada Statale, un peu plus longue, mais assez sinueuse comme ça et beaucoup plus sûre pour regagner Locri.

Je n’irai pas loin, la nuit s’annonçant bientôt. je cherche à nouveau un bivouac sur le lungomare d’une petite ville au bord de la Costa Ionica en direction de Stilo, ma prochaine destination. Ce sera à Siderno où je trouve assez facilement un passage à niveau franchissant la voie ferrée côtière; je m’installe juste au dessus de la plage pour une autre nuit tranquille, après que la circulation habituelle du soir se soit estompée.


Italie du Sud 3. de Siderno Marina à

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