26 570 Mercredi 20 juin 2018 : de MONTRÉAL à COLCHESTER (Burlington) (153 km)
Je mange sur le pouce, achève de transférer dans le Promaster les effets qui me semblent pertinents et heureusement listés sur une «check list» - quoique pas encore tout à fait au point. Monique ne désirant pas faire cette petite virée avec moi, c’est donc seul que je finis par décoller vers 14:00, direction le village de Champlain, juste au-delà de la frontière américaine. Je dois aller y réceptionner la batterie au lithium de 100 A (Battle Born) commandée il y a une dizaine de jours et livré hier par Fedex à mon entrepôt préféré Freeport Forwarding.
Route rapide (un petit 70 km d’autoroute),
passage de la frontière sans délai à Lacolle (pas de file
d’attente aujourd’hui); je suis presque aussitôt à l’entrepôt où
je récupère sans difficulté mon colis, peu volumineux mais assez
lourd (35 livres, soit 16 kg). Je le déballe immédiatement et me
rends au petit stationnement de Rouse Point dans l’intention de
m’y débarrasser de l’emballage, sans y trouver la poubelle
attendue. Qu’à cela ne tienne, après quelques minutes de pause
je prends aussitôt la jolie route bucolique qui traverse les
îles du lac Champlain en direction sud-est.
Objectif Burlington où j’ai repéré dans le
Guide Vert le Shelburne Museum étiqueté d’un alléchant ***. Il
fait chaud, le soleil tape et je m’arrête deux fois au bord de
l’eau pour prendre un peu la fraîche et contempler le paysage.
Hélas la route principale est très passante avec un gros trafic
de camions, je ne trouve donc pas le calme recherché…
Découverte inopinée à l’occasion d’un de ces arrêt d’un problème
inattendu : le réservoir d’eau fraîche se déverse de façon
assez significative à l'extérieur via son trop-plein. Il semble
que le tube plongeant sur lequel j’ai accroché les contacts de
la sonde s’amorce spontanément pour former un siphon qui
tranquillement vide le réservoir. Heureusement je m‘en suis
aperçu assez vite, avant de voir fondre ma précieuse réserve
d’eau ! Débranchement puis rebranchement du tuyau de
sortie, ce qui
désamorce le siphon et arrête l’écoulement, mais il faudra y
voir au retour…
Arrivant à Burlington, je me mets en quête d’un supermarché où je pourrai trouver à un prix raisonnable de l’eau en bouteille. Une première tentative dans l’épicerie accompagnant une station service est désopilante : 3 USD pour 2 litres ! Je me rends jusqu’à la «vieille ville» dont je fais le tour sans y découvrir la grande surface que je recherche. En gagnant la périphérie je me retrouve bientôt dans la campagne, fatigué, un peu découragée et aux prises avec une crise d’allergie qui me cause éternuements et migraine douloureuse. Roulant un peu au hasard, je finis par me trouver à Colchester. J’y avise un grand parking presque vide qui me semble adéquat pour le bivouac (il est passé 18:30), m’y engage et arrête juste devant un grand Dollarama encore ouvert. J’y trouve mon pack de 24 petites bouteilles d’eau pour 2,50 USD.
Prise immédiate d’un antihistaminique, puis
souper léger dans le soir qui finit par tomber avec une certaine
fraîcheur. Je consulte un peu le guide pour repérer le Shelburne
Museum où je me rendrai demain matin, tape ces quelques lignes
puis, après avoir stationné tout au fond du parking dans le coin
le plus silencieux, m’apprête à passer au lit : il est
20:30, je remets à demain matin le branchement de la batterie
lithium qui aura toute la journée pour charger.
Jeudi 21 juin 2018 : de COLCHESTER à CHARLOTTE (34 km)
Après une fort bonne nuit qui me mène jusque vers 7:00 je me lève tranquillement, déjeune puis regagne Burlington que je dépasse au sud pour aller m’arrêter sur le grand stationnement encore presque désert du Shelburne Museum. Comme celui-ci n’ouvre qu’à 10:00, j’ai largement le temps de procéder à l’installation de ma nouvelle batterie. Débranchement des 2 anciennes qui sont quasiment à plat et n’arrivent même plus à faire fonctionner le grille-pain, en dépit du moteur qui tourne et les recharge… Elles sont un peu lourdes à manipuler, en tout cas pas mal plus que la nouvelle, mise en place sans problème. Rebranchement, tout fonctionne à nouveau et le voltmètre indique presque immédiatement 13,5 volts.
Deux autochtones se présentent à ma porte
maintenant grande ouverte puisqu’il fait très beau, avec un
petit vent frais qui rend agréable le soleil un peu piquant. Ils
veulent admirer le travail et me parlent de leur rêve de
posséder eux aussi le même genre de véhicule… Je leur fais faire
le tour de bonne grâce, puis coiffant mon Tiley, me dirige vers
la billetterie en laissant là le Promaster, espérant que le
grand soleil fera son office pour recharger la batterie.
Le tarif a augmenté d’un dollar pour les
non-résidents du Vermont (23 $ au lieu de 22 $), mais l’entrée
est valable pour 2 jours ; je comprendrai l’intérêt de la chose
en quittant ce soir à la fermeture, après n’avoir parcouru qu’un
peu plus de la moitié des 39 bâtiments dispersés sur le grand
campus…
Les exhibits très variés sont exposés dans une
quarantaine de bâtiments anciens qu’on a amené ici et restaurés,
dispersés sur un vaste domaine vallonné d’une trentaine
d’hectares. L’architecture typique du Vermont en soi est
intéressante, mais plus encore les objets, tantôt très rustiques
qui évoquent la vie des premiers pionniers au XVIIème jusqu’au
début du XXème (cottage salt box, mobilier et
accessoires terre à terre, etc.) tantôt très sophistiqués et
souvent liés à la riche famille Webb, fondatrice du musée
(meubles, tableaux, remarquable collection de calèches et autres
traineaux dont certains proviennent des plus grands
manufacturiers européens).
Je commence ma visite par la grange circulaire, de conception quaker, dont la fonctionnalité innovait à l’époque. On y a placé un premier échantillonnage des moyens de transport hippomobile du XIXème.
Vue extérieure de la Round Barn (grange
ronde) 1901
Sa très longue vitrine continue (160 m !)
présente une étonnante parade de cirque miniature, synthétisant
ce que les grands cirques américains ont fait de plus
spectaculaire (Barnum, Ringley etc.) : éléphants en pagaille,
Indiens, cow-boys,cow-girls, un régiment de chameaux et
dromadaire, quand ce ne sont pas des dizaines de chevaux,
trainant de lourds chariots hyper-décorés qui contiennent des
bêtes exotiques et/ou féroces, une bonne douzaine de fanfares et
orchestres juchés sur d’autres chariots décorés, des petits
groupes de cavaliers militaires de différents pays, des chars
allégoriques évoquant plusieurs régions du monde, etc.
De l’autre côté du long couloir, se succèdent
les animaux (chevaux de bois, mais aussi girafes, bouquetin,
lion, tigre, etc.) démontés du manège en carrousel installé à
deux pas au centre du fer à cheval, et superbement restaurés.
Chevaux de bois du manège (1902-1903)
Les bouquetins
Le lion du Carrousel
et pour finir, 2 panneaux décoratifs tout
imprégnés de la mentalité de cette Belle Époque !
Oncle Sam fessant un toréador espagnol (allusion à la guerre avec l'Espagne) |
Serveur nègre ébouillantant un client |
Le long corridor incurvé aboutit à une salle
carrée où, derrière une très grande vitrine, se découvre un
autre cirque miniature de plusieurs milliers de pièces. Sous le
chapiteau, des centaines de spectateurs assis sur les gradins
assitent aux multiples attractions présentées sur trois arènes
juxtaposées… tandis qu’au-dessus paradent équilibristes et
acrobates.
En sortant de ce bain coloré je gagne la petite
Gare victorienne dont j’ignorerai le décor intérieur, fasciné
plutôt par la voiture ferroviaire de grand luxe Grand Isle
ayant appartenu à la famille Webb (magnat du chemin de fer !) :
salon et chambres miniatures y compris salle de bain avec
baignoire, salle à manger et cuisine, rien ne manque à ce wagon
hôtel autrement plus stylé que nos modernes camping-car !
Et attelé devant, la superbe locomotive No.220 (1915) à vapeur à
6 grosses roues motrices en acier noir et en parfait état.
Loco No.220 à vapeur (1915) et voiture
ferroviaire Grande Isle (1899)
La salle à manger et la chambre avec salle de bain de la voiture ferroviaire Grande Isle
Un peu plus loin, sous les arbres, la Beach Gallery accueille une remarquable collection de fusils et pistolets fabriqués par des armuriers du Vermont. Leur ingéniosité et la qualité un peu kitch de leur décor ne me retiendront pas…
Les maisons en rondins de Beach Gallery
En revanche le Ticonderoga me
passionne, au point de parcourir d’un bout à l’autre, de la
passerelle à la salle des machines, les quatre ponts de ce
steamer à roue qui navigua depuis 1905 sur le Lac Champlain,
avant d’être amarré définitivement en 1952 puis d’être
transporté sur rail jusqu’au site du musée (un bel exploit
illustré par une vidéo impressionnante).
Cabine de la «stewardess» |
Cabine de passager ordinaire |
The River par Ogden M. Pleissner |
Blue boat on the Ste-Anne River, 1958 par Ogden M. Pleissner |
J’ai ensuite juste le temps de faire un tour
dans le General Store encombré d’un inimaginable fatras d’objets
hétéroclites, puis de pénétrer dans la Boutique de
l’Apothicaire, dont étagères et vitrines sont remplies de fioles
tout aussi hétéroclites et d’une belle collection de pots à
pharmacie.
Dans l'Apothecary Shop, le laboratoire de préparations |
Une belle vitrine de pots à pharmacie |
Il est déjà 15:00, l’heure de la visite -
uniquement guidée - des maisons Prentis et Stencil, que leur
silhouette caractéristique a fait nommer «Salt box », i.e. boîte
à sel.
Plan des plus simple, fort commun en Nouvelle
Angleterre : cheminée en pierre ou en brique centrale alimentée
par plusieurs foyers autour, y compris à l’étage, petite entrée
carrée avec un escalier menant à l’étage divisé en 2 chambres et
un grenier, au rez-de-chaussée une vaste cuisine sur l’arrière
avec petite chambre de la servante.
De chaque côté de l’entrée en façade, un salon
d’un côté et une salle à manger d’apparat de l’autre, pouvant
aussi faire office de chambre. Décor au pochoir sur les murs de
bois ou de plâtre, mobilier des plus simples ou, selon les
moyens des propriétaires, largement inspiré des mobiliers
européens importés, principalement anglais.
Salon de Stencil House, avec son décor au
pochoir
La Dutton House, qui servit d’auberge, est à peine plus sophistiquée bien qu’un peu postérieure.
Chambre de Dutton House (1824)
En revanche la Vermont House Gallery,
reconstruite en pierre sur un modèle plus classique (ca. 1790),
offre une belle rétrospective sur l’évolution de styles aux USA,
depuis ses origines (1620) jusqu’à la fin XIXème. Quelque
chose de vieux, quelque chose de nouveau, Continuité
et Changement, le mobilier américain de 1700 à 1820. Entre
des panneaux synthétiques, on découvre de beaux spécimens
intelligemment commentés sur des notices claires.
Je repasse devant la façade régulière de la
Meeting House baptiste dont la salle, totalement nue, ne
présente guère d’intérêt,
puis me dirige vers la Weaving Shop où l’on expose plusieurs
métiers à tisser, dont un grand et haut Jacquard dont je
comprends mieux la conception innovatrice avec son système à
cartes perforées. Autre petit tour dans la Print Shop voisine,
garnie d’une dizaine de presses à imprimer, essentiellement du
XIXème, qui illustre l’importance de la presse écrite pour cette
société avide d’information (de propagande ?); importance
relayée maintenant par les media électroniques…
L’heure de la fermeture approchant, j’ai juste
le temps de traverser les 2 longues galeries, sur 2 étages, de
la Horseshoe Barn en jetant un œil rapide sur l’énorme
collection de voitures à chevaux qu’on y a rassemblé. La famille
Webb était férue de transports et a voulu conserver le maximum
de ces engins jusqu’aux années 1900, lorsque l’automobile prit
le relai sous des formes très semblables : la filiation, y
compris au niveau des dénominations, y est évidente.
Horseshoe-Barn : les véhicules hippomobiles |
Horseshoe-Barn: Runabout ou Buggy, le plus répandu et le plus économique ca.1900 |
Sur le stationnement le Promaster n’est pas trop chaud sous le soleil et la batterie affiche toujours les 13,5 V notés à mon départ ce matin : le régulateur solaire s’est probablement mis en mode floating… Je tente ensuite de trouver un coin calme pour manger et passer la nuit, et pense le trouver au bord de l’eau sur une plage publique (Town Beach) que je découvre tout au bout d’une petite route repérée avec le GPS. Le site est fort agréable, mais ferme au coucher du soleil… J’aurai le temps d’attaquer un déjeuner souper bien attendu depuis 8:00 ce matin, puis repars jusqu’au petit village de Charlotte où je trouve un espace favorable à l’écart de la route, sur le parking de l’US Post Office maintenant fermée. En espérant ne pas me faire jeter, je m’installe en regardant la nuit tomber, planifie mes visites de demain avec le Guide Vert, puis rédige ces pages avant de me coucher une fois l’obscurité installée. Coup d’œil au voltmètre qui s’est éteint : la - nouvelle - batterie serait-elle complètement à plat ? … On verra demain.