Hiver et printemps 2005
France – Espagne - Maroc
6. Au Maroc
Monique et Jean-Paul MOUREZ
à bord de l’Aigle
Fin de nuit et début de matinée des
plus silencieux, pour un réveil sous un ciel glorieux, avec en
prime la vue panoramique sur la baie, le port et les montagnes.
Nous démarrons tranquillement, finissons le tour de la route de corniche ceinturant la vieille ville avant de nous diriger vers la frontière hispano-marocaine. | Depuis Ceuta le rivage Marocain |
À peine passée la première barrière,
Monique se rappelle d’avoir à faire viser les feuillets de
remboursement de la TVA sur nos achats de janvier par la douane à
notre sortie de la CEE. Il faut parlementer pour retourner du côté
espagnol, puis trouver un douanier qui nous renvoie au bureau du
port… Retour à la case départ ! Nous refaisons les 4 km qui nous
ramènent au quai, attendons une demi-heure l’ouverture du bureau
de la douane (il est maintenant midi et nous sommes dimanche…)
pour finalement nous faire dire que Ceuta étant une zone franche,
l’administration ne possède pas les « tampons » nécessaires qui
sont uniquement disponibles à la « vraie » frontière avec la CEE,
i.e. à Algeciras ! Nous abandonnons là nos démarches et retournons
à la frontière pour les longues transactions qui nous attendent du
côté marocain. Il est près de 14:00 lorsqu’enfin nous nous lançons
sur les routes du Rif, objectif Fès.
Nous longeons d’abord le rivage, parsemé d’hôtels et de villages de vacances entourés de grilles ou de murs, avec portail d’entrée, barrière et gardien… Plusieurs grandes constructions sont abandonnées, inachevées… Puis nous nous rapprochons de l’intérieur en traversant de petites villes dont la pauvreté et la saleté nous frappent : immeubles de béton et de briques bruts mal finis, ruelles tortueuses en terre défoncée encombrées d’ordure et de flaques d’eau boueuse, véhicules âgés et déglingués, nombreux jeunes pauvrement vêtus jouant dans tout ce désordre… À chaque carrefour, des policiers qui semblent distribuer des contraventions à foison.
Village du Rif
|
Au bout d’une cinquantaine de kilomètres, à la sortie de Tétouan, la route commence à monter et à virevolter dans la montagne. Arrêt déjeuner sur le terre-plein dans un grand virage, puis suite de notre itinéraire campagnard. Sur les pentes s’accrochent des petits villages blancs groupés autour du minaret carré de leur mosquée. Nous atteignons ainsi Chefchaouen dont nous réservons à une autre fois la visite de ses typiques ruelles blanches ou bleutées. |
Conduite un peu fatigante car la
chaussée semble ancienne et son revêtement usé est souvent bosselé
ou rude, tandis que les virages s’enchaînent sans interruption.
Heureusement la circulation est assez clairsemée, se réduisant à
des taxis ou à des minibus Mercedes 308D, d’anciens modèles
surchargés qui s’arrêtent à tout bout de champ. Quelques gros bus
filent à toute allure sur cette route pourtant accidentée, nous
doublant dans un gros nuage de diesel puant, tandis que c’est nous
qui dépassons péniblement d’immenses semi-remorques peinant dans
les innombrables côtes.
Après une zone assez déserte où seules quelques chèvres grappillent à droite et à gauche une maigre pâture sous l’œil indifférent d’un berger indolent, les vallées apparaissent plus cultivées, tandis que des oliviers grisonnent les pentes.
Le long de la route des moulins à huile traditionnels traitent la récolte : un âne hâle la grosse meule de pierre ronde dans l’auge circulaire, réduisant les olives en une pâte grasse noirâtre empilée ensuite en galettes rondes sous la vis d’un pressoir tout aussi rustique. Des bidons de plastique coloré sont accrochés dans les arbres ou aux poteaux de l’abri alentour, ils recueilleront le produit brut dont on peut garantir la première pression à froid ! | Un pressoir à olives
rustique
|
De temps à autre on traverse au pas un village envahi par la foule venue se ravitailler et échanger au marché haut en couleur : marchandises étalées à terre sous des abris de polythène, désordre, ânes à profusion, tout cela dans l’agitation et la bonne humeur du souk.
Après le passage de Ouezzane, la route redescend puis semble avoir atteint un plateau doucement ondulé dont les pentes se couvrent de vastes champs de céréales vert tendre. Nous passons l’Oued Ouerrha puis l’Oued Sebou presque complètement à sec. L’environnement semble un peu plus riche (ou un peu moins pauvre) dans les villages aux maisons alignées le long de la route. Je repère de nombreux petits ateliers de réparation automobile des plus artisanaux qui, à première vue, nous inspirent peu confiance, nous qui sommes habitués aux officines sophistiquées et hyper technicisées de nos coûteux concessionnaires… Le soir descend, la route semble longue tandis que nos approchons petit à petit de Fès et de la maison de nos amis. Enfin de longues lignes droites permettent d’accélérer un peu l’allure même si la chaussée continue de montrer une piètre qualité. Nous passons Moulay-Idriss dont les petites maisons blanches tachent à mi-pente le Jbel Zerhoun qui s’assombrit avec le soir tout proche. Quelques kilomètres encore, et nous voici dans les faubourgs de Fès dont nous tâchons d’éviter le centre ville pour gagner la route d’Imouzzer (Ifrane). Beaucoup de circulation plus ou moins disciplinée, au moins l’omniprésence de policiers à presque tous les carrefours modère-t-elle les élans des conducteurs du dimanche…
Tout irait bien si nous connaissions
l’adresse précise de nos amis B., mais le « route d’Ifrane »
inscrit dans notre carnet d’adresse reste un peu trop vague…
Impossible de les rejoindre via leur téléphone qui ne répond pas.
Nous voici bientôt arrêtés dans un restaurant près d’une mosquée,
demandant à consulter l’annuaire téléphonique… introuvable -
inexistant ? - lui aussi. Nous commençons à désespérer lorsque
nous sommes abordés en français par une dame joviale qui s’exclame
: « Alors vous êtes perdus, les gens du Calvados ? » Déconcertés,
nous lui expliquons que nous cherchons la maison de nos amis
Mariette et Houssine dans le quartier : « Ah ! mais je connais
Mariette, c’est une amie, j’ai enseigné à ses enfants à la Mission
française… » et fort gentiment, elle nous propose de nous mener
jusqu’à leur maison. Ravis de cet heureux hasard, nous nous
laissons mener – avec quelques errements dus à l’explosion de
constructions dans le quartier – jusqu’au coin de la rue. Une
dernière tentative au téléphone atteint enfin Mariette qui nous y
rejoint. Nous reconduisons notre charmante guide jusqu’à sa
voiture et entrons enfin dans la maison en laissant notre Aigle
stationné sur la placette paisible en avant.
144 398 Lundi 14 février 2005 : FÈS
Journée de repos et de conversation avec Mariette d’abord puis avec Houssine qui revient tôt de son officine et passe un bon moment avec nous en début d’après-midi. Déjeuner d'un délicieux tajine de poulet et légumes traditionnel préparé par notre hôtesse et servi sur la terrasse sous le soleil d'un 15 février ! Du jamais vu pour nous... | Déjeuner du 14 février sur la terrasse dans le jardin |
Monique commence à faire les retouches sur ses pantalons achetés en Espagne, pendant que je flâne dans le jardin puis mets de l’ordre dans mes photos.
Mardi 15 février 2005 : FÈS
Le repos continue durant la matinée. Nous commençons à regarder l’itinéraire que nous pourrions parcourir dans le sud du Maroc en compagnie de Mariette et Houssine qui aimeraient nous faire découvrir un coin de leur pays. Monique poursuit sa couture jusqu’au retour d’Houssine vers midi, tandis que j’enregistre deux disques inconnus de Compay Segundo découverts dans la discothèque de nos amis. Puis nous allons faire un tour dans la ville nouvelle pour quérir livres – sans grand succès -, cartes postales et d’appel téléphonique.
Après un autre déjeuner
sur la terrasse au soleil – car il fait un temps splendide,
Houssine nous emmène tous trois à la porte de la médina dans
laquelle nous nous promenons pendant deux heures, admirant
l’architecture hélas en bien mauvais état, magasinons
tissus, djellaba et quelques menus articles, dans la foule
colorée et l’agitation habituelle des souks. Le niveau de sollicitation reste acceptable mais nous sortons fatigués par ce bain de foule et de stimulations : bruit, odeurs, mouvements, espace, pour nous tout est nouveau dans cet environnement différent d’où sont absents nos repères familiers. |
Balade dans la médina de Fès |
Boutiques de dinandiers |
Une porte de la mosquée El Qaraouiyyine |
Plafond du couloir
d'accés à la mosquée El Qaraouiyyine
|
Cour de la mosquée
El Qaraouiyyine et
bassin d'ablutions
|
Minaret |
Heurtoir de porte de mosquée |
Zelliges
|
Décor d'angle de rue
|
Boutique de babouches |
Mercredi 16 février 2005 : FÈS
Lever tard et matinée tranquille.
Lavage, "cours" de cuisine marocaine avec notre hôtesse…
|
En fin d’après-midi Houssine nous emmène chez un céramiste où nous admirons longuement des artisans qui fabriquent des zelliges : subtilité des couleurs des carreaux vernissés, précision de la taille, beauté des réalisations (tables, fontaines, panneaux décoratifs…). |
Nous découvrons tous les stades de la fabrication, depuis le trempage de l’argile grise exploitée à quelques kilomètres dans Fès même, jusqu’au façonnage des carreaux ou des « briques », à leur séchage, leur émaillage et leur cuisson dans le vaste four, et enfin leur taille et leur assemblage en magnifiques et savants dessins géométriques. |
Fontaine et plateaux de table en zelliges |
Puis c’est bien sûr la salle de vente des assiettes, plats et autres vases où Monique hésite longtemps avant de fixer son choix. | Peintre miniaturiste
à l’œuvre
|
Jeudi 17 février 2005 : FÈS
Nous passons un bon moment à nous réchauffer au soleil sur la terrasse, après la fraîcheur de la nuit qui glace la maison malgré le petit poêle à bois allumé dans le salon et en dépit du radiateur électrique branché dans notre chambre. Tour du jardin, superbe mais malheureusement très abîmé par le gel des dernières semaines qui a brûlé le feuillage de la plupart des arbres et arbustes. Aidé par Houssine qui rentre en fin de matinée, je grimpe sur le toit plat pour changer l’interrupteur de l’un des projecteurs utilisés par le gardien lors de ses rondes nocturnes, puis en répare un autre dont l’ampoule est grillée. Je constate également une fuite du chauffe-eau solaire que le gel a endommagé et qu’il faudra faire réparer… Dans la foulée, changement du câble de l’antenne TV, occasion d’une course chez le fournisseur de matériel électronique de Houssine : celui-ci officie dans une toute petite boutique où les marchandises sont empilées sur des étagères de bois brut étroites et sombres; mais on y trouve presque tout, avec un service très personnalisé et à des prix 2 à 3 fois moins élevés qu’en Europe ou même au Canada. On est loin de notre Future Shop !
En après-midi Houssine nous laisse
au centre ville pour un tour dans un grand magasin de porcelaine
(Socema) : fabrication soignée, décors traditionnels et prix
raisonnables, mais il manque la touche de fantaisie, la petite
irrégularité de l’artisan.
Les patios de l'Ensemble artisanal |
Nous nous rendons ensuite jusqu’à l’Ensemble artisanal déjà visité lors de notre précédent voyage : au-delà du hall d’entrée où plusieurs tapis modernes exemplifient l’art actuel du tapis marocain, une suite de patios entoure fontaines et jardins aux plants régulièrement taillés. |
À l’intérieur du bâtiment, un vaste magasin présente toute une variété de productions de l’artisanat marocain : tapis, tissages, céramiques, poteries, et surtout un ensemble d’assiettes et de plats joliment décorés que Monique examine systématiquement jusqu’à sélectionner un service qu’elle fait mettre de côté.
Retour à la maison en petit taxi au coût pharamineux de… 1,50 $ (10 DH) ! Décidément la vie ici ne nous paraît vraiment pas chère. Soirée tranquille à la maison
Vendredi 18 février 2005 : FÈS
Balade en ville du côté de l'Avenue Mohamed V pour acheter un livre de cuisine marocaine destiné à Juliette, et pour Mathieu quelques affiches début du siècle vantant les mérites touristiques du pays. | Le parc central sur l'avenue Mohamed V |
Après un autre retour à la maison par petit taxi, définitivement bien pratique, Monique achève la confection de son pantalon (dans lequel elle se sent enfin à l’aise !) puis passe quelques coups de fil avec ses cartes d’appel internationales à sa mère, à Juliette, et à Abdallah A. T. dont nous avons enfin retracé le numéro et qui nous attend à Dar Bouazza. Nous profitons également de l’accès Internet de Houssine pour expédier plusieurs courriels à la famille et aux amis.
Pendant ce temps, je travaille un bon moment à la page web de notre périple européen de 1997. Après un joyeux souper avec Houssine et Mariette, je termine les préparatifs du camion (plein d’eau et première couche d’apprêt sur les réparations de la carrosserie) ainsi que l’itinéraire de notre voyage dans le Sud.
144 398 Samedi 19 février 2005 : de FÈS à MIDELT (346 km)
Pour une fois nous voilà levés
relativement tôt (7:15) pour le départ de notre expédition.
Douches, petit-déjeuner, puis ré-emménagement dans l’Aigle des
effets dispersés dans la salle de bain, la chambre, le grand
salon, le frigo... À 8:05 nous sommes prêts, sauf Mariette encore
occupée dans sa cuisine à mitonner quelques plats typiques dont
elle a le secret (mais qu’elle a commencé à partager avec
Monique). Houssine m’accompagne faire le plein d’essence, et
enfin, à 9:15, c’est le départ.
Panorama d'Ito |
Nous empruntons la N8, la route d’Imouzzer et d’Ifrane, qui bientôt se met à monter dans le Massif du Kandar. Les pentes couvertes de chênes verts sont raides, et notre faible moteur, sous-alimenté semble-t-il par une essence très pauvre en énergie, peine à suivre le 110 ch CDI des B. qui grimpe comme un cabri. Cela nous laisse au moins le temps d’admirer le paysage fort agréable de petite montagne alpestre, déjà évident en approchant Imouzzer, mais plus encore Ifrane qui se donne des airs de station d’altitude. |
Peu de neige mais de nombreux
chalets appartenant, nous dit-on, à la bourgeoisie de Fès et de
Meknès qui vient prendre la fraîche ici à la saison chaude.
Plusieurs panoramas grandioses (panorama d’Ito) sur les pentes et
les vallons.
Peu après Azrou, un autre village
dont les maisons aux toits de tuile rose nous rappellent certains
villages méridionaux français, nous bifurquons à Tiouririne vers
Aïn-Leuh, sur une petite route de montagne qui s’avérera des plus
pittoresques.
Malgré quelques plaques de neige tassée rendant plusieurs virages restés à l’ombre un peu glissants, la chaussée reste acceptable et nous permet de pénétrer assez profondément dans la forêt de cèdres qui couvre une partie du massif du Kandar. Les grands arbres sont souvent dispersés, de larges zones sont dénudées et le reboisement semble encore embryonnaire, mais l’impression de vastes espaces déserts est omniprésente. |
Parfois un village rassemble quelques pauvres bicoques quasiment dignes d’un bidonville et, ici ou là une petite école rurale dessert la clientèle des environs. |
Concertation sur la route à suivre |
Nous pique-niquons dans la courbe d’un virage au-dessus d’un petit lac au niveau bien bas : le manque de pluie apparaît ici aussi catastrophique. |
Moutons du Kandar |
Sur les pentes autour de
nous des bergers tranquilles accompagnent des troupeaux de
moutons beiges dont le poil touffu brille au soleil, leur
dessinant comme une aura. |
Longue pause aux sources de
l’Oum-er-Rbia où plusieurs torrents jaillis de la montagne se
rassemblent au fond d’un cirque pour donner naissance à la plus
longue rivière du Maroc. Curieusement, plusieurs de ces ruisseaux
sont salés car leur cours souterrain traverse des gisements de
sel.
Un canal de dérivation prélève une partie des eaux claires et bondissantes à la sortie de la gorge dans laquelle nous nous hasardons sur quelques dizaines de mètres, au pied d’une haute falaise verticale, et une petite centrale électrique fournira dans les prochains jours un minimum d’électricité à quelques villages des alentours. | Vers la source de
l'Oum r'bia
|
Le site est évidemment très
touristique mais heureusement peu investi si tôt en saison.
Houssine nous offre le thé dans une gargote installée au bord de
l’eau vive, puis nous reprenons la route de montagne qui nous mène
à Khénifra la rouge, après un détour vers le joli – mais bien bas
– lac Aguelmame Azigza.
Dans les rues de Khenifra |
Traversée de la rue
principale haute en couleur et en scènes pittoresques bien
difficiles à photographier sans déranger nos sujets…
Houssine préfère ne pas faire étape dans la petite
ville, aussi poursuivons-nous la N 8 retrouvée en direction
de Midelt. Il est passé 17:00 et le soleil descend, rougissant les murs ocres de la ville qui s’éloigne derrière nous. |
Passage de l’Oued Serrou dans la chaude lumière typique de cette heure qui avive l’ocre de la terre ravinée et le vert tendre complémentaire des champs de céréales alentour. À l'embranchement sur la route régionale R 503 la chaussée se rétrécit et présente trop souvent des nids-de-poule plus ou moins bien comblé... mais elle offre continuellement des vues agréables sur la campagne très vallonnée. | En passant l'Oued
Serrou
|
On aperçoit même dans la pénombre
qui maintenant s’installe les contreforts du Jbel Ayachi culminant
à 3 737 m, tout couvert de neige. Malheureusement la nuit tombe
bientôt sur le paysage et nous passons la dernière heure à rouler
rapidement vers l’étape qui nous attend à Midelt, pestant devant
les phares mal réglés qui nous éblouissent ou derrière un gros
camion empestant le diesel mal brûlé qui joue les tortues en nous
obstruant la route.
Enfin nous sommes « en ville ».
Recherche d’un hôtel confortable pour nos co-équipiers qui
ont gelé toute la journée dans leur voiture en panne de chauffage…
Bivouac à Midelt
devant l'hôtel Kasbah Asmaa au matin
|
Nous le trouvons à la
sortie sud : la Kasbah Asmaa, logée dans une architecture
originale calquée sur les fermes fortifiées du sud
maintenant proche. Souper communautaire sur le stationnement devant l’entrée qui nous servira de bivouac tandis que nos amis gagnent leur chambre. Monique liquide rapidement la vaisselle et se met au lit, je rédige le journal, charge les photos sur l’ordi et recharge les batteries des walkie-talkies et celles de l’appareil photo pour me coucher enfin vers 23:15. |
144 744 Dimanche 20 février 2005 : de MIDELT à ZOUALA (183 km)
Nuit sans problème devant
le superbe morceau d’architecture que représente la Kasbah
Asmaa, malgré le passage des gros camions sur la grande
route juste derrière nous (qui heureusement a cessé après
22:00). Il a fait froid cette nuit (nous sommes à près de 1 500 m d’altitude) et un coup de chauffage relève la température plutôt fraîche dans la chambrée, facilitant le lever. Sous un ciel superbe, le grand soleil du matin met en valeur les formes et les couleurs des tours et autres fantaisies architecturales de la casbah hôtel. |
Les tours de la
Kasbah Asmaa
|
En route vers le cirque de Jaffar, notre guide Ismaïl & Monique dans le VW |
Il propose de nous conduire par un autre chemin dès son service achevé. Il ne faudra que quelques minutes pour préparer notre excursion et libérer Ismaïl. Celui-ci nous fait parquer l’Aigle dans un coin de la station, et nous voilà en route dans le petit Transporter VW des B. |
Direction nord sur la N13 jusqu’à l’embranchement avec le route rurale R7314 (à 14 km de Midelt), en face d’un belle tabla calcaire tranchant sur la vallée à notre droite.
Une dizaine de kilomètres de route asphaltée en assez mauvais état nous mène à travers un paysage semi désertique jusqu’au village d’Aït Oumghar dont les pauvres maisons de terre cachent d’immenses plantations de pommiers. Elles feraient, selon notre guide, la fortune de ses habitants. La route se mue alors en piste poussiéreuse pour traverser la petite agglomération (3,5 km). On la quitte à gauche pour longer de grands champs juste défrichés destinés à la plantation d’autres pommiers. | La grande rue d'Aït Oumghar au pied des montagnes enneigées |
Sur la piste vers le Cirque de Jaffar |
Là, un chemin de terre se dirige plein sud vers la chaîne du Jbel Ayachi dont les hautes pentes blanches de neige barrent l’horizon. Notre sentier défoncé sinue à travers champs et steppe sur un peu plus de 11 km. La conduite prudente de Houssine, puis de Mariette, nous rapproche lentement du pied de la montagne, jusqu’à ce qu’enfin il faille arrêter devant une brusque descente impraticable : nous sommes arrivés au débouché de la gorge par laquelle s’écoule le torrent issu du Cirque de Jaffar. |
Le panorama sur la vallée est
magnifique, pas un bruit hormis les piaillements d’un grand vol de
corbeaux tourbillonnants haut dans le ciel bleu. L’air pur est
vif.
Descente vers l'oued
|
Nous continuons à pied la balade en descendant dans le large lit de l’oued à sec qui se resserre et s’élève jusqu’aux deux hauts piliers de roche rouge orangé marquant l’entrée du canyon. |
Nous parcourons ainsi quelques centaines de mètres tandis que la gorge devient plus étroite et que le sol caillouteux se couvre de neige durcie. Mes compagnes et compagnon craignent de s’enfoncer davantage dans la montagne et de s’engager dans la longue balade de 9 km remontant l’oued jusqu’à sa source dans le Cirque de Jaffar. | Monique & Mariette remontent le lit de l'oued |
Ismaïl & Houssine dans la gorge Nous n'irons pas plus
loin...
|
Nous faisons donc demi-tour. À mon grand regret car j’aurais aimé profiter du temps splendide et de la beauté des lieux pour pousser pas mal plus loin. Je prends le maximum de photos, et nous voilà sur la longue route de retour qui, au bout de 38 km, nous ramène au centre de Midelt où nous récompensons Ismaïl en le remerciant de son aide précieuse et retrouvons l’Aigle.
Petit marché avant de reprendre la
route vers 13:30 pour aller pique-niquer un peu plus loin en
dehors de la ville, sur un grand espace caillouteux écarté de
l’asphalte et au pied de la montagne. Puis nous repartons en
direction d’Er Rachidia, grimpant d’abord dans la montagne les 1
907 m du Tizi-n-Talrhemt (Col de la Chamelle) qui offre des vues
superbes sur le Jbel Ayachi que l’on contourne et la vaste vallée
de la Haute Moulouya.
L’essence du dernier plein semble de
nettement meilleure qualité puisque notre petit Aigle avale sans
renâcler les épingles à cheveux et virages serrés qui se
succèdent. Nous redescendons ensuite progressivement sur la vallée
du Ziz en franchissant d’abord le défilé de N’zala, spectaculaires
falaises de rocher rouge et route de corniche au-dessus d’une
maigre eau bleu-vert.
Après le défilé de N'zala |
La végétation disparaît, les pentes sont ravinées par l’érosion, les couleurs de terre brûlée par le soleil s’imposent partout où porte le regard, quelques ksars dispersés semblent monter la garde aux détours de la route. |
Nous passons le court Tunnel du
Légionnaire pour longer enfin les belles gorges du Ziz qui
prennent vite l’allure d’une oasis linéaire avec palmiers et
jardinets soignés.
Le soleil descend en accusant l’ocre des rochers qui entourent le lac du barrage d’Hassan Addakhil aux eaux vertes. Nous sommes aux abords de la ville d’Errachidia, dont les grandes avenues sont bordées de bâtiments officiels et de portails de casernes.
Peu emballés par son allure de ville
de garnison, nous débattons un moment de l’étape, puis suivons
Houssine et Mariette pour une vingtaine de kilomètres rapides à
travers la hamada (désert caillouteux) en direction sud.
Beaucoup de vélos, de piétons et de camions sur la route qui
s’assombrit progressivement. Nous passons l’oasis entourant la
Source bleue de Meski puis, au détour d’un grand virage,
retrouvons la vallée du Ziz remplie de palmiers au-dessous de
nous.
Délaissant la grande route, nous
descendons dans la vallée à Zouala où nos amis ont repéré la
maison d’hôtes qui sera notre étape ce soir. Traversée des rues
étroites du village dans la palmeraie, accueil sympathique du
jeune propriétaire dans le ksar familial. Nous dégustons le tajine
dans la grande salle décorée de tapis et de tissus traditionnels,
avant d’aller dormir sur le stationnement tandis qu’Houssine et
Mariette gagnent leur chambre tempérée par notre petit soufflant
(le chauffage est inconnu dans cette région pourtant assez fraîche
cette année).
Ciel semé d’étoiles autour de la pleine lune et grand silence de la campagne profonde…
144 927 Lundi 21 février 2005 : de ZOUALA à MERZOUGA (160 km)
La nuit fut silencieuse et pas trop
froide, mais elle s’achève quand même par l’habituel « coup de
chauffage » qui facilite le lever… Autour de nous les enfants
commencent à arriver à la petite école toute proche, sous un
soleil brillant qui éclabousse de lumière le paysage de roches
rouges et violacées. Pendant que Monique finit de se préparer, je
vais faire quelques photos de notre environnement : jardinets très
verts sous les arbres dans la palmeraie, arcs outrepassés de
fenêtres décorant la façade d’un vieux ksar, petit cimetière
rustique dont les tombes de pierre et de terre se fondent dans le
paysage…
Dans la palmeraie de Zouala |
Ksar dans la palmeraie de Zouala |
Cimetière à Zouala |
À mon retour auprès de l’Aigle, Monique et les B. ont disparu, en grande discussion politico-ethnographique avec leur hôte licencié en droit, si bien que nous décollons passé 9:00. |
Nous remontons un peu en arrière sur la grand-route, jusqu’à un belvédère offrant une vue panoramique sur la vallée du Ziz et sur ses oasis, comme celle où nous avons dormi. La mer de palmiers dont émergent les murs de terre de quelques maisons en occupe le fond, tandis que des murailles de rocher rouge orangé quasi à-pic marquent la frontière entre la zone cultivée et le plateau désertique. |
La route continue durant un bon moment à suivre la vallée fertile, presque continuellement bordée de villages entourés d’aires de battage de céréales (cultivées dans les parcelles irriguées sous les palmiers), tandis qu’ici et là pointent les tours carrées et les hauts murs des ksars imbriqués dans d’autres bâtiments plus modestes. |
La vallée s’élargit un peu et nous atteignons Erfoud, sans grand caractère hormis les habituelles scènes de rue dont Monique enregistre quelques images à la vidéo. | Maçons moulant un mur traditionnel à Erfoud |
Nous trouvons avec un peu de
difficultés la route puis la piste malaisée menant au Borj Est
dont les virages pleins de profondes ornières escaladent les
flancs du Jbel Erfoud. Elle est tellement mauvaise que nous ne
nous rendrons pas jusqu’en haut, d’autant plus que la halte dans
un virage offre déjà une vue spectaculaire sur la petite ville et
sur le Ziz qui la traverse.
Nous continuons ensuite vers le sud à la découverte du Tafilalt, cette petite régions fertile arrosée par deux fleuves : les Oueds Ziz et Rheris.
Rissani : porte
monumentale de la ville
|
On ne voit plus guère les puits à delou dont parle le Guide Vert mais les villages plus ou moins riches – suite à la sécheresse – abondent le long de la route vers Rissani. Pas grand chose à dire de cette petite ville berceau de la dynastie alaouite (régnant encore sur le Maroc) où nous sommes vite assaillis par des vendeurs de fossiles et les rabatteurs des auberges et campings de Merzouga. |
Nous ne nous attardons pas et filons
vers le hameau de Tinrheras et sa kasbah juchée sur une éminence,
puisque c’est à son pied que nous avons décidé de pique-niquer.
Monique et Houssine préparent le déjeuner tandis que Mariette
m’accompagne sur le piton rocheux. Nous sommes fort mal accueillis
par un habitant du ksar installé sur le sommet qui prétend nous en
interdire l’accès. Mais le panorama sur la palmeraie, le Haut
Atlas au nord-ouest, la hamada du Guir à l’est et les crêtes de
l’erg Chebbi au sud-est vaut vraiment le déplacement.
Repas rapide avant de revenir au nord à Rissani pour prendre la nouvelle route bien asphaltée vers Merzouga et les dunes de l’erg Chebbi. Elle file sur une trentaine de kilomètres rapides à travers la hamada caillouteuse et totalement dénudée, en dévoilant progressivement les pentes rose orange des dunes qui s’allongent du nord au sud contre le ciel bleu. En arrivant à Merzouga, nouvel assaut des rabatteurs qui se pressent autour de nous pour nous diriger vers un hôtel ou un camping. Nous nous échappons bien vite pour gagner directement le pied de la plus grande dune et partir à sa découverte.
Paysage merveilleusement exotique
qui nous donne le privilège de marcher en toute liberté dans un
"vrai désert" en tous points conforme aux stéréotypes de notre
enfance. La lumière est intense mais la chaleur reste agréable,
surtout grâce au petit vent qui souffle en continu et fait
virevolter les gros grains de sable jaune.
Laissant l’Aigle et le VW devant
l’hôtel où nous passerons probablement la nuit, nous nous lançons
sur la crête des vagues de sable entourant la grande dune dont
nous approchons lentement, Houssine entouré de deux guides
enturbannés de bleu qui lui font la conversation, nous un peu à
l’écart de leur bavardage intempestif. Ils l’entraînent dans
l’ascension d’une ligne de crête trop raide à mon goût, tandis que
je dirige Monique vers un large détour permettant une approche
plus modérée.
Nous gagnons lentement de la hauteur en admirant le panorama sur la région qui se dégage petit à petit avec, en premier plan, les vagues de petites dunes venant battre le pied de la plus haute culminant 170 m au-dessus de nos têtes. | Au pied de la pente qui s'accuse |
Le dernier tiers de l’ascension
s’avère beaucoup plus ardu, car la raideur de la pente s’accentue
et demande un effort considérable tandis que le sable croule sous
chaque pas, nous ramenant presque d’autant en arrière.
Attaquant la pente en diagonale, puis plus directement à 4 pattes, entrecoupant notre effort de longues pauses pour reprendre souffle, nous finissons par atteindre le sommet... | Escalade... et pause au flanc de la dune |
Enfin sur la crête ! |
...peu avant que le soleil se couche derrière les pentes du Haut Atlas à l’horizon, au-delà de l’étendue plate de la hamada caillouteuse envahie par les mirages. |
La lumière rasante accuse le relief des dunes et avive leur couleur chaude, conférant un pittoresque certain à l’ensemble du panorama. Le vent toujours présent qui nous mitraille sans cesse de grains de sable se rafraîchit et forcit, la lumière diminue, il est temps de redescendre à grandes enjambées faciles sur la pente qui s’affaisse sous le pied. | La descente dans le sable croulant sous le pied |
Nous retrouvons nos amis qui nous attendent depuis un bon moment sur le sable, Houssine ayant renoncé par deux fois à gravir la pente trop raide indiquée par ses guides et Mariette ayant préféré patienter en contemplant le paysage. |
De retour à nos véhicules en jetant derrière nous de fréquents coups d’œil aux pentes rosées qui s’assombrissent puis disparaissent dans le crépuscule, nous allons nous installer dans le parc de l’auberge voisine, au milieu des tentes berbères fermées pour l’hiver. Je trouve à y brancher l’Aigle dont la batterie accessoire, pourtant neuve, continue à donner des signes de faiblesse. |