France - Espagne - Maroc
5. Espagne
Monique et Jean-Paul MOUREZ
à bord de l’Aigle
Les festivités du Carnaval
dans la Salle des Fêtes communale (dont nous occupons le
stationnement) s’étant terminée vers 23:00, nous avons pu
profiter d’une bonne nuit. Lever passé 9:00, devant le
panorama qui semble encore plus vaste sous le soleil, malgré
les brumes matinales et la fumée des feux de broussailles
qui limitent l’horizon. |
Les olivaies d'Iznatoraf au matin devant notre bivouac |
Nous sommes maintenant tout près
d’Ubeda, une petite ville présentant une très riche architecture
Renaissance que nos 2 guides (Vert et Bleu) classent 2**. Montée à
travers les oliviers jusqu’à la ville moderne où nous nous perdons
un peu, faute d’indications claires pour atteindre la ville
ancienne qui se trouve sur le versant sud de la colline. Enfin
nous finissons par trouver une place de stationnement juste au
pied de l’église Santa Maria, sur une jolie placette où je fais le
plein de nos bouteilles d’eau potable à la fontaine, avant que
nous nous lancions dans le circuit proposé par le Guide Vert.
Plaza Vasquez de Molina |
Nous sommes tout de suite
sur la magnifique Plaza Vasquez des Molina, joliment
encadrée par le Palacio de las Cadenas et la façade de
l’église Santa Maria de los Alcazares. Celle-ci étant en
complète restauration, nous ne pourrons pénétrer ni dans sa
nef ni dans son cloître Renaissance. |
En revanche le Palacio de las Cadenas, bâti par Vandelvira comme résidence noble et maintenant hôtel de ville nous ouvre ses portes : beau patio Renaissance égayé de plantes vertes en pots, élégants escaliers, galerie à l’étage et surtout grande salle du deuxième étage abritant les archives municipales sous un plafond de bois travaillé. | Façade du Palacio de las Cadenas |
Vue sur les toits d'Ubeda depuis la salle des archives du palacio de las Cadenas |
Par ses fenêtres, vues intéressantes sur la place, ses monuments, les toits de tuile romaine vieux rose de la ville ancienne et sur la campagne où moutonnent à perte de vue les oliviers. |
Patio du palacio du doyen Ortega (parador) |
Ubeda : escalier du Parador |
Sagrada Capilla del Salvador : portail |
Capilla del Salvador : détail du portail |
|
Puis nous nous enfonçons
dans le dédale des ruelles où l’on découvre plusieurs autres
palais, plus ou moins vastes, ornés d’orgueilleux portails
surmontés de sculptures et blasons, comme celui des sauvages
emplumés présentant les armoiries de l’évêque Francisco de
Yago… |
Nous voici maintenant sur la place
du 1 del Mayo : bel alignement de maisons typiques, façade de
l’ancien Hôtel de Ville XVIIème,
et surtout charmante église San Pablo dont le portail sud de style
isabellin est illuminé par le grand soleil.
Les références arabo-andalouses sont
partout présentes, comme dans l'arc outrepassé de la
Puerta del Losal ou le patio de la Casa Mudejar. Ce style
mudéjar est un magnifique exemple de formes et de
techniques de construction musulmanes qui ont continué à
être utilisées après la conquête chrétienne.
|
Puerta del Losal |
Casa mudejar |
Vieille porte et entrée |
Palacio del Conde del Guadiana |
Puis c’est le Palais del Conde de Guadiana avec sa jolie tour et ses balcons d’angle, l’église San Pedro, le Palacio del Marques del Contadero (XVIIIème avec ses réminiscences Renaissance) et quelques autres enfin dont les nom finissent par se mélanger… |
Certains sont en fort mauvais
état, ou commencent à peine à être restaurés, comme celui proche
du couvent Santa Clara (fermé) que le Ministère de
l’Environnement vient de récupérer et dont il a ouvert patio et
jardin à l’arrière.
Un dernier coup d’œil à l’église
San Domingo, dotée d’une jolie façade plateresque, puis à la
Casa Morales, et nous revoilà sur Prior Monteagudo où nous
attend notre cabane à roulettes. Nous quittons ces lieux très
pentus pour aller stationner sous les remparts de l’Avenuda de
Molina et y pique-niquer à l’horizontale devant les champs
d’oliviers qui dévalent au pied de la petite ville.
Nous gagnons ensuite au bout de 9 km de campagne l’autre cité Renaissance de Baeza. La circulation y est aussi difficile mais nous trouvons vite à nous stationner devant la vieille Puerta de Ubeda dont l’arc donne accès aux ruelles bordées de maisons anciennes. | Baeza : l'Aigle stationné devant la Puerta de Ubeda |
Celles-ci débouchent sur des
places ornées de grands monuments : jolie église romane Santa
Cruz, Palacio de Jabalquinto aux murs décorés de coins et de
fleurons, Ancienne Université, cathédrale aux puissantes voûtes
élevées mais dont le mobilier richissime et grandiloquent nous
laisse indifférents, séminaire de Philippe de Neri et fontaine
de Santa Maria, façade gothique des Casas Consistoriales Altas
ornée de blasons et de fenêtres géminées…
Nef et choeur de la cathédrale de Baeza |
Piliers et chapiteaux de la cathédrale de Baeza |
Casas
Consistoriales Bajas (ancien Hôtel de ville) sur la
Plaza de la Constitucion
|
Sur la Plaza de la Constitucion, la place centrale de la ville dotée d’une vaste esplanade dallée de marbre lisse et bordée de palmiers, des terrasses de café encadrent la jolie façade de l’ancien Hôtel de ville (Casas Consistoriales Bajas). |
Coupant court à travers
quelques ruelles au pavé irrégulier, nous retrouvons notre
Aigle en admirant au passage quelques « balcons fermés »
et autres façades sculptées, dont le Palacio de los
Salcedo en fin de restauration. |
Palacio de los Salcedo (XVIe) en restauration |
L’après-midi est maintenant bien
avancé et nos longues marches ont épuisé notre désir de
découvertes. Nous reprenons donc la route à travers les collines
couvertes d’oliviers jusqu’à la ville blanche de Jaen dont les
vastes espaces construits s’étalent sur les premières pentes de
la Sierra, au pied des tours de son castillo. Nous errons
longuement dans ses avenues fort mal signalisées (rares plaques
de rue, absence de poteaux indiquant les différents secteurs
d’une ville tentaculaire dont les immenses développements
modernes ont noyé la ville ancienne où se trouvent les points
d’intérêt). La circulation y est donc confuse et infernale, et
après plus d’une heure de recherche et d’inutiles allées et
venues, nous finissons par renoncer à gagner les Baños Árabes
qui nous semblent la curiosité la plus intéressante de la cité.
Superbe soleil et ciel bleu au
lever vers 9:00. À 10:00 nous sommes de retour au centre ville
mais cette fois avec une idée plus claire de l’organisation de
ce fouillis urbain… En ralliant la cathédrale et en longeant la
colline sur laquelle trône le castillo Santa Catalina, nous nous
rapprochons grandement du vieux quartier où se trouvent les
baños, jusqu’à stationner sur la Carretera de Cordoba. Mais il
nous faudra l’aide d’un aimable ambulancier pour nous guider
jusqu’à l’entrée du labyrinthe des ruelles, escaliers et détours
menant enfin au Palacio Villardompardo sous lequel ont été
exhumés les fameux bains.
Au passage, nous découvrons l’agréable église Santa Magdalena édifiée sur les vestiges d’une mosquée dont elle a conservé la cour adjacente avec péristyle, bassin d’ablution et orangers, tandis que le minaret a été tronqué pour recevoir le clocher. | Vieille ville de
Jaen au pied du castillo Santa Catalina et église
Santa-Magdalena
|
Quant au Palacio Villlardompardo et aux Banos moros, autant le premier nous séduit par l’élégance de son grand patio et nous déçoit par la froideur de sa grande chapelle ajoutée au XVIIIème... | Patio du Palacio Villardompardo |
Banos moros de Jaen |
...autant les seconds mystérieusement enfouis sous le premier révèlent une grande harmonie dans leur simplicité. Certes les sobres décors et les crépis ont disparu mais la disposition générale, la fonctionnalité des lieux, la puretés des lignes et les proportions des voûtes, l’ingéniosité des ouvertures vers le ciel apportant aération mesurée et éclairage zénithal, tous ces éléments d'architecture contribuent à montrer le raffinement auquel était arrivé cette civilisation arabo-andalouse dans une installation somme toute triviale. |
Quittant ces lieux souterrains,
nous retrouvons avec plaisir la grande lumière et la vitalité du
vieux quartier.
Nous décidons alors d’aller
contempler Jaen depuis les terrasses du Castillo de Santa
Catalina dont les tours et les remparts crénelés dominent la
ville au-dessus d’une pente abrupte plantée de pins.
La cathédrale de Jaen en montant au Castillo de Santa Catalina |
Coup d’œil à la cathédrale depuis le mirador installé juste en face sur la Carretera de Circonvolucion, puis longue montée jusqu’au parador installé au sommet. |
Nous stationnons dans la cour,
allons voir les points de vue sur la ville et sur les montagnes
depuis l’allée passant au pied des hauts murs et depuis le
Belvédère de la Croix, à l’extrémité sud du rocher. C'est
ensuite l'heure du déjeuner dans notre Aigle stationné devant
l’immense panorama. La ville ancienne à nos pieds semble bien
exiguë au milieu de l’énorme développement d’immeubles, de parcs
d’activités et autres constructions qui s’étalent de plus en
plus loin dans la plaine.
Un vieil homme qui m’aborde en me disant revenir voir sa ville après 50 ans d’exil à Paris me confie la même impression : comme les choses ont changé ! Mais comment ne pas être encore conquis par la lumière et la sensation d’espace qui demeurent et restent la marque de ce pays !
Sur l'autoroute vers Granada |
L’après-midi est déjà bien entamé lorsque nous redescendons pour prendre la route de Granada. Trajet rapide sur une superbe autoroute dont les grandes courbes épousent le relief des vallées et des cols traversant la montagne. Les nuages envahissent bientôt le ciel et quelques gouttes frappent le pare-brise. |
L’approche de Granada est un autre choc : là aussi l’agglomération a largement débordé l’ancien cadre que nous lui connaissions. Dévalant les dernières pentes de la Sierra Nevada contre laquelle elle est accotée, la ville a essaimé vers toutes les directions dans la large vallée, formant une immense zone construite dans laquelle nous nous engageons avec circonspection. | Arrivée à Granada au pied de la Sierra Nevada |
Jeudi 10 février 2005 : de
SALOBREÑA à Los Berengueles (LA HERRADURA) (35 km)
Bien peu à rapporter aujourd’hui, puisqu’après un lever tardif, nous avons consacré la journée à des tâches d’entretien. Elle a bien mal commencé par un débordement de la douche, causé par une accumulation de carottes râpées dans le tuyau d’évacuation : inondation du « sous-sol », démontage intégral de la canalisation, il faut plus d’une demi-heure pour remettre les choses en ordre. Tant qu’à jouer dans le camion, autant profiter du grand soleil et de la douceur de la température pour avancer un peu sa remise en ordre. Nous commençons par un lavage extérieur au karscher de la station-service, puis nous allons confier notre linge sale accumulé depuis près d’un mois à la tenancière de la tintureria qui nous le remettra ce soir frais lavé et plié.
Quelques recherches dans le centre du village nous mènent à la ferrateria (quincaillerie) pour quérir quelques feuilles de papier à poncer et une spatule destinées à remettre en état la carrosserie de l’Aigle. Je commence par redresser au marteau l’aile arrière emboutie il y a 4 jours sur les balises de béton d’un stationnement, avant que Monique entreprenne les applications de mastic qui cacheront la réparation. Puis j’essaie de gratter et de poncer les bulles de peinture que la rouille a fait sortir sur les portes avant et le long du bas de caisse. Travail long et difficile avec pour seul outil un petit couteau de cuisine et des bandes de papier à poncer…
L’après-midi passe ainsi au grand air, puisque j’en profite également pour nettoyer les autres petites égratignures de la peinture un peu partout sur l’Aigle et les protéger avec du Rustol. Pendant ce temps, Monique fait un grand ménage intérieur de notre maisonnette (vitres, placards, douche…). Nos travaux ont bien avancé lorsque nous nous interrompons pour aller récupérer notre linge, puis faire le plein d’eau sur un tuyau repéré ce matin, là où les pêcheurs tirent leur barque sur la plage. Dernier tour sur l’avenue bordant la longue plage qu’une trentaine de camping-cars allemands, néerlandais, anglais et français ont choisi pour étape ou pour séjour…
Le disque doré du soleil disparaît lorsque nous décidons de faire quelques kilomètres le long de la côte vers Malaga, histoire de recharger la batterie en faisant tourner l’alternateur, et de remonter la température du chauffe-eau tout juste rempli. La route de corniche, très mouvementée et assez chargée, traverse continuellement des zones qui seraient jolies si elles n’étaient aussi densément construites : hôtels, villas, lotissements de maisons de vacances en rangées occupent toutes les pentes et cernent les anses où se devinent quelques petites plages. Après 17 km de virages presque continus, nous quittons la N 340 à la sortie du tunnel de La Herradura et descendons la Punta de la Mona jusqu’au niveau de la mer pour nous installer au bout d’une impasse devant de grands immeubles en terrasse, juste au dessus de la belle courbe de la Playa. Souper puis coucher dans la rumeur des rouleaux se brisant sur la plage…
Vendredi 11 février 2005 : de LA HERRADURA à PUERTO BAÑUS(224
km)
Bivouac à La Herradura au matin |
Nuit tranquille et ciel
superbe au matin, avec une température enfin agréable
(plus de 10°C) à 9:00. |
Au moment de repartir, Monique constate l’absence d’un soutien-gorge dans le linge remis hier soir par la lavandière, et nous reprenons la route de corniche cette fois en pleine lumière pour retourner à Salobreña. Malheureusement impossible de retrouver le morceau manquant dans la boutique, et nous repartons en laissant notre adresse en France, au cas improbable où la cliente qui s’est vu attribuer le dit soutien-gorge dans son lot de linge propre le rapporterait …
La route entre montagne et mer jusqu’à Nerja est assez belle quoique lente, tant à cause du trafic important que du relief assez tourmenté. Mais le plus frappant - et décevant - est la densité des constructions neuves plus ou moins heureuses qui ont envahi et continuent d’envahir tous les espaces disponibles, au point qu’il est parfois difficile d’apercevoir la mer pourtant superbe. Toute cette côte n’est plus qu’une suite de stations balnéaires, et le beau rivage de la Méditerranée a littéralement été « bétonné » jusqu’aux pentes trop abruptes à quelques kilomètres de l’eau. Corollaire de cette densité des constructions, l’intensité de la circulation sur les routes et la foule qui s'empresse dans les rues commencent à nous déranger, particulièrement lorsque nous pénétrons dans le cœur des villages ou lorsque nous tentons de trouver l’Office du Tourisme à Malaga. Ville énorme, dont le cœur ancien est maintenant inaccessible aux voitures, bien qu’il continue à regrouper les services, à toute fin pratique impossibles à atteindre et utiliser… Comme à Granada avant-hier, nous finissons par renoncer, comptant trouver dans une plus petite agglomération une agence de voyage qui nous renseignera sur le coût et les horaires des traversées pour le Maroc. C’est finalement sur une aire de service de l’autovia en quittant Malaga que nous trouverons un bureau nous donnant les informations recherchées.
Nous poursuivons le parcours obligé de cette Costa del Sol que nous ne reconnaissons plus du tout, qui a pris des allures de grande conurbation à la Los Angeles et qui, n’était-ce la lumière et la chaleur, ne présente plus guère d’intérêt à nos yeux. Déjeuner sur un terre-plein au-dessus d’une plage près d’El Palo, avant de poursuivre l’autoroute très chargée contournant Torre Molinos, Benalmadena, Fuengirola…
Montée à Mijas dont nous avions beaucoup apprécié il y a 16 ans le site en balcon au-dessus de la côte. Si le village lui-même semble avoir gardé son caractère, les pentes alentour, bien que très raides, sont peu à peu elles aussi envahies par les constructions neuves. Reste la vue extraordinaire sur les murs blancs, les terrasses et les toits roses depuis le petit mirador au bord de la route de Coin, avec en prime au loin les tours et lotissements de Fuengirola qui ourlent la mer à perte de vue… L’agitation ici s’est calmée, la lumière est splendide, la température des plus douces (un petit 18ºC au thermomètre, mais une sensation plus élevée sous les rayons du soleil et en l’absence de vent). Nous profitons de la pause pour écrire notre courrier en souffrance.
L’agitation reprend dès que nous redescendons près du rivage et poursuivons notre chemin. Dans Fuengirola à la circulation très embouteillée – et encore sommes-nous hors saison !!! – nous trouvons difficilement la Poste (Correos) sans aucun stationnement à proximité. Arrêté en double file en attendant qu’une place se libère sur une avenue devant la plage, je me la fais « souffler » par un malotrus qui se glisse devant moi pendant que je manœuvre… tandis que Monique renonce à se faire servir devant la file d’attente de 18 personnes. Excédés par toute cette bousculade, nous abandonnons la partie et décidons de tenter notre chance plus loin.
Nous n’essayons même pas d’entrer dans l’énorme Marbella, mais nous hasardons dans les rues du centre de San Pedro d’Alacantara où un camping-cariste français nous a suggéré de chercher bivouac pour la nuit. Même déconvenue, la circulation y est inextricable, et lorsqu’enfin une brave dame nous indique le bon chemin, elle nous apprend aussi qu’à cette heure les Correos sont fermés… Écoeurés, nous gagnons la plage derrière son rideau d’immeubles et de luxueuses villas pour découvrir au bord de la large avenue toute une ligne de camping-cars. En faisant un petit tour aux alentours pour chercher un bureau de tabac qui nous vendra quelques timbres, nous nous retrouvons sur l’autovia sans possibilité de faire demi-tour…
Finalement nous sortons au niveau de Puerto Banus, enfilons au hasard quelques petites rues qui nous amènent au bord de l’eau, semble-t-il à quelques mètres de l’endroit où nous avions dormi il y a 15 ans ! Évidemment l’environnement sauvage d’alors a complètement disparu puisque autour de nous ce sont des immeubles et une promenade pavée qui bordent la plage, là où nous avions dormi sur la dune, les roues dans le sable. Mais au moins le coin est-il tranquille, on n’entend que le roulement des vagues, et la circulation dans cette impasse est presque nulle. Souper et coucher rapide après cette journée décevante qui nous a épuisés et qui, surtout, nous enlève pour longtemps le goût d’explorer cette côte beaucoup trop « développée » à notre gré.
Samedi 12 février 2005 : de PUERTO BAÑUS à CEUTA (103 km)
Peu de kilomètres aujourd’hui mais un changement de continent… Dans notre impasse, nous avons passé une autre nuit tranquille dans le cadre superbe qui se révèle au matin (plage immense de sable impeccablement tamisé, mer idéalement bleue sous un ciel d’azur, montagne abrupte à l’orée de l’arrière pays). Nous finissons par décoller pour retrouver à quelques mètres le lieu où nous avions effectivement campé il y a 16 ans, alors que la plage était encore vierge de résidences, d’hôtels, de restaurants, de promenade dallée bordée de plate-bande, plantée de palmiers et de réverbères rococos… Photos pour comparer à notre retour à Montréal, puis reprise de la grande route côtière qui continue de dérouler le même spectacle d’une urbanisation hypertrophiée et abusive. La recherche de la plus grande densité possible par les promoteurs mène à des aberrations ridicules, du genre maisons en rangées quasiment londoniennes perdues sur une pente dans la garrigue… ou au spectacle d’une douzaine de « châteaux » andalous absolument identiques serrés les uns contre les autres, chacun contenant évidemment une dizaine d’appartements de luxe au minimum ! Et parfois, à travers tout cela, on devine un petit bout de mer, quelques mètres de plage de sable ou un petit promontoire rocheux…
Nous nous arrêtons une première
fois au Carrefour d’Estepona, dans le but de compléter
nos provisions avant notre proche embarquement pour le Maroc.
Hélas, le choix dans cette succursale de la grande chaîne
française nous apparaît bien limité. La même route côtière se
poursuit, identique à elle-même, jusqu’à ce qu’au détour d’un
virage surgisse le rocher de Gibraltar, imposant et marquant
impérialement la limite sud de l’Europe.
Autre arrêt Carrefour, cette fois dans celui de La Linea où Monique fait encore quelques achats dont celui d’un pantalon - choisi dans un magasin précédent mais sans trouver la bonne taille ! – et celui d’un soutien-gorge pour remplacer celui égaré chez la lavandière de Salobreña. Tandis que je l’attends au grand soleil, la température monte au-dessus de 20° et je goûte avec délices la douceur de cet hiver méditerranéen presque équivalent à notre mois de juin montréalais…
Déjeuner sur place, avant de gagner Algeciras où nous nous dirigeons directement vers la Gare maritime. Monique y négocie un moment nos billets pour Ceuta (Sebta) dont on aperçoit, de l’autre côté du détroit, les montagnes environnantes.
Monique à bord du ferry |
Embarquement
presque immédiat puisqu’à 17:00 nous sommes à bord du
fast-ferry de la Trasmediterranea qui déborde
aussitôt. Je regrette l’absence de pont découvert sur ce catamaran rapide qui met 45 minutes seulement à relier les deux continents mais les larges verrières entourant l’unique et vaste salon donnent une vue panoramique grandiose du détroit et de ses côtes accidentées. C’est bientôt le débarquement, rapide lui aussi car le navire n’est pas rempli au dixième de sa capacité. |
Nous décidons de passer la nuit
dans la petite enclave espagnole de Ceuta dont le Guide Vert
décrit positivement le bel environnement naturel, plutôt que de
nous retrouver de nuit sur les routes marocaines. Évitant les
festivités du Carnaval qui commencent à encombrer les rues de la
vieille ville, nous longeons les quais du port et nous dirigeons
vers les hauteurs du Monte Hacho couronnées d’un ensemble de
fortifications. Celles-ci restent inaccessibles car l’armée
espagnole continue de les utiliser, en revanche le belvédère de
l’Ermita de San Antonio offre une vue superbe sur la courbe de
la baie avec le Jbel Moussa en arrière-plan, sur la ville et sur
l’isthme qui relie Ceuta au Maroc. Au fond du détroit se devine
la mer libre, en fait l’Océan Atlantique, et sur la rive opposée
le Jbel Tarik (Gibraltar), l’autre colonne d’Hercule.
Castillo del Desnarigado |
Notre petit tour nous mène ensuite au
Castillo del Desnarigado (du nom d’un pirate au nez
coupé d’un coup de sabre qui aurait débarqué à Ceuta en
1417 !). Campée à mi-pente dans un vallon désert, la
petite poudrière encadrée de deux massives tours rondes
est maintenant fermée à la visite. Mais l’ambiance très
sauvage et la vue sur les côtes rifaines nimbées de rose
et de violacé par le couchant nous fait mesurer tout le
charme perdu par la Costa del Sol fréquentée ces
derniers jours…
|
Il est 19:00, le soleil disparaît alors derrière le Jbel Musa lorsque nous remontons de la crique. Plutôt que d’aller dormir sur un quai du port, nous préférons remonter nous installer sur le stationnement de l’ermita de San Antonio. Souper dans ce cadre*** en contemplant le crépuscule napper de rose et d’or la baie, l’isthme, le détroit… | Ceuta au crépuscule depuis l'Ermita de San Antonio |
La soirée est ensuite fort bruyante car autour de nous les allées et venues s’éternisent en ce tiède samedi soir de février où les jeunes de Ceuta montent en voiture et en moto fêter la fin de la semaine (notre Mont-Royal en quelque sorte !) et le Carnaval. Lorsque je me couche passé minuit, la musique et les éclats de voix continuent alentour pour une bonne heure, jusqu’à ce qu’intervienne le propriétaire du restaurant voisin qui met le couvre-feu. Nous nous endormons enfin dans la paix retrouvée.