Watson Lake :
Guépard caché derrière les plaques souvenirs
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On en recense plus de 6000, de toutes formes et de toutes provenances, hétéroclites de forme, de couleur, de grandeur et de facture, depuis la banale plaque d’immatriculation jusqu’au panneau d’entrée de ville, en passant par la plaque gravée ad hoc dans le marbre rose (style ex voto…) et par la planchette de bois blanc que l’on peint soi-même dans une échoppe placée là exprès, moyennement quelques dollars… |
Reste le film et la petite exposition de photos anciennes consacrés à la construction de la Route de l’Alaska que présente l’Office du tourisme. J’y passe plus d’une demi-heure à examiner les images et lire les légendes illustrant la démesure de l’entreprise (moins d’un an en 1942 pour construire en urgence les 2 400 km d’une route carrossable à travers une nature sauvage et mouvementée dont la cartographie détaillée n’avait même pas été complétée…) Plus de 11 000 hommes, soldats et civils, Américains et Canadiens, y ont participé, réunis par la volonté de leurs gouvernements de contrer l’avance japonaise dans les Îles Aléoutiennes toutes proches. Un exploit du génie militaire qui a dû être repris deux fois avant de donner naissance à la magnifique highway que nous allons découvrir à notre tour. |
Construction
d'un ponceau... malgré les moustiques !
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L'Alaska Hwy passe au bord du Muncho Lake |
Ponton provisoire et pont sur la Donjek River |
Le camion chargé de bière destinée à célébrer le 4th of July sombre dans la Takhini River... |
Embourbé... |
Pont en construction sur la Slims River près de Kluane Lake |
Excavation le long de Kluane Lake (Soldier Summit) |
Passage de gué |
Conducteur de buldozer |
Convoi de matériel et de ravitaillement pour la construction de l'Alaska Hwy |
Au
bord de Kluane Lake
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Il est passé 18:00 et le soleil descend un peu tout en gardant longtemps sa vivacité et sa lumière chaude de fin d’après-midi lorsque nous reprenons la route. Nous sommes maintenant beaucoup plus haut en latitude et nous rapprochons de la zone du soleil de minuit. Monique d’ailleurs me fait remarquer la qualité particulière de cette lumière qui semble plus pure et plus dense. Quant à moi, c’est à la Norvège que je songe lorsque nous enfilons les longues courbes de l’Alaska Highway qui révèlent sans cesse d’amples paysages de petites montagnes, de larges vallées remplies d’une mer de conifères, de rivières sinuant paresseusement au milieu des arbres ou s’écoulant en rapides tumultueux. Nous parcourons ainsi plus de 170 kilomètres de cette route somptueuse avant de commencer à chercher un bivouac. |
La sinueuse
Alaska Highway
|
Swan
Lake
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Dans cette lumière nordique, les abords du Swan Lake nous paraissent particulièrement beaux... |
Dimanche 1er août 2004 : de SWAN LAKE à WHITEHORSE (289 km)
Bivouac au bord
du Swan Lake au matin
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Une autre nuit fort calme au bord du lac, qui encore une fois s’achève bien après le lever du soleil… Plein d’eau, puis départ vers 10:00 sur l’Alaska Hwy. |
La chaussée excellente au tracé remarquablement dessiné s’insinue en grandes courbes ou en droites tendues dans les vastes paysages toujours aussi sauvages. Si la variété des points de vue et des lignes ne donne guère de sentiment de monotonie, en revanche la longueur du trajet entre Watson Lake et White Horse (qui s’ajoute à celui d’hier après-midi) finit par lasser un peu. Un Nous longeons longuement le magnifique Teslin Lake (72 km…) avant de déboucher à son extrémité sur le village du même nom. |
Arrivée à
Teslin
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Teslin, Johnston Museum : artisanat tlingit |
Pas grand chose à l’épicerie du village où nous ne faisons que demander le chemin du Johnston Museum. Dans le petit bâtiment en bois rond sont présentées avec goût quelques créations artisanales des Indiens Tlingit (objets usuels et vêtements de cérémonie cultuels), quelques dioramas d’animaux comme ceux que trappait le héros du village George Johnston (superbe grizzli, loup, lynx, castor…)... |
Lynx au bord du lac Teslin |
Habits de fête Tlingit |
...et surtout toute une série de photographies prises par Johnston à partir de 1920 montrant la vie traditionnelle de ces gens proches de la nature. Ils virent leur vie complètement bouleversée par la construction de la Highway. Johnston lui-même en fut peut-être moins affecté, lui qui dès 1928, fut le premier autochtone à aquérir une voiture dans un pays qui ne possédait pas de route carrossable. Restait le lac, gelé les 3/4 de l’année… (voir le petit article ci-dessous traduit du journal local). |
La voiture de
George Johnston, une Chevrolet AB 1928
|
GEORGE JOHNSTON
MUSEUM, TESLIN
L'une des histoires les plus colorées du Yukon concerne un trappeur de Teslin qui rêvait de posséder une voiture. Après une saison de piégeage réussie en 1928, George Johnston a réalisé son rêve et a acheté une Chevrolet modèle AB à quatre cylindres à Whitehorse. Il s'agissait de la première automobile appartenant à un membre des Premières nations. Le propriétaire du magasin Charlie Taylor a donné à Johnston une leçon de conduite rapide à l'aéroport avant qu'il n'expédie le véhicule à Teslin à bord d'un bateau à aubes. La voiture a été transportée sur plusieurs centaines de kilomètres en aval sur le fleuve Yukon, puis en amont sur la rivière Hootalinqua (aujourd'hui Teslin) pour atteindre Teslin. Les voisins de Johnston, dont beaucoup n'avaient jamais vu de voiture, n'arrivaient pas à croire la nouvelle de la nouvelle acquisition de Johnston. Mais bientôt, le véhicule rutilant arriva sur le bateau de ravitaillement et fut transporté à terre dans le Teslin sans route par dix jeunes hommes surpris. Johnston savait que la meilleure route était juste à côté de chez lui : Le lac Teslin offrait plus de 90 miles d'étendue gelée à explorer. Johnston a embauché des habitants de la région pour l'aider à élargir les sentiers autour de Teslin et à construire une route de huit kilomètres jusqu'à Fox Creek. En 1942, ce tronçon de route fera partie de l'Alcan. La légende raconte que des équipes de construction d'autoroutes furent stupéfaites, de ce cadeau de cinq milles de route. Sur sa ligne de piégeage en hiver, Johnston observait le lac depuis l'un de ses miradors, toujours à l'affût des loups, caribous et autres gibiers qui traversaient le lac. Bien avant l'antigel, il devait vider le radiateur dans un pot pour le réchauffer sur le poêle. Lorsqu'il apercevait un animal, Johnston replaçait l'eau dans le radiateur. "Un coup de manivelle et c'était parti". Johnston a découvert qu'une voiture sombre se détachait de la neige et alertait les animaux. Donc, chaque hiver, il peignait la voiture avec de la peinture blanche et la repeignait pour l'été. Parfois, il tirait un large traîneau chargé de marchandises et il transportait toujours son précieux appareil photo dans un sac sur le siège arrière. L'appareil photo de Johnston a enregistré de nombreux événements dans et autour du village de Teslin des années 1920 à 1940. Aujourd'hui, les photographies de Johnston font partie de la collection principale des archives du Yukon. Johnston utilisait également sa voiture comme taxi communautaire. Il habillait sa fille et sa nièce d'uniformes soignés, avec des casquettes de capitaine, et demandait un ou deux dollars pour les courts trajets et jusqu'à quinze dollars pour se rendre à Portage, Johnston's Town ou Johnson's Crossing, selon la distance à parcourir pour monter ou descendre le lac. Alors que la plupart des membres de la famille se déplaçaient en raquettes ou en traîneau à chiens pour se rendre à Johnston's Town pour le rassemblement saisonnier de Noël, la famille de George Johnston utilisait la voiture pour ce voyage. Johnston a fait preuve
d'ingéniosité dans l'entretien de sa voiture,
l'appelant " See Queet ", ce qui signifie " comme
mon fils " ou " petit esclave ". Lorsqu'un pneu
éclatait, il utilisait du fil de fer pour recoudre
le trou et plaçait une pièce de peau d'orignal
par-dessus pour éviter le gonflement. Comme
l'essence était rare, la voiture était souvent
alimentée par du naphte ou du carburant provenant de
l'aéroport. Seul le frère de Johnston, David, est
autorisé à conduire la voiture et c'était rare.
En 1962, George a rendu la Chevrolet à Taylor and Drury Motors Ltd à Whitehorse " sans aucune bosse " et l'a échangée contre une camionnette. La voiture a été restaurée et le président de la compagnie, Charlie Halliday, en a fait don au gouvernement du Yukon en 1992. La voiture est maintenant prêtée en permanence au George Johnston Tlingit Museum à Teslin, au Yukon. GEORGE
JOHNSTON MUSEUM
9 AM -7 PM. OPEN MAY TO SEPTEMBER Box 146 TESLIN,YUKON YOA 1BO TEL. (867) 390-2550 |
Nous reprenons la direction de Whitehorse, la capitale du Yukon qui se fait attendre. Le paysage est pourtant agréable, mais l’absence de sentiers permettant de marcher commence à nous peser. Monique s’est plongée dans un gros bouquin racontant la vie d’Hélène de Champlain, j’écoute un CD de trios de Mozart… Enfin nous longeons le très vaste et très beau Marsh Lake... |
En longeant le Lake Marsh |
Le Yukon en
amont de Whitehorse
|
...puis le fleuve Yukon pour quelques kilomètres de cours encaissé entre des rives de terre ravinée blanchâtre, et nous voilà en ville. |
Petite agglomération nette et propre que cette capitale de 23 000 habitants ! Nous la traversons par sa grande rue bordée d’une variété de magasins comme nous n’en avons pas vu depuis Prince George, il y a 1 500 km… À l’extrémité nord, une vaste esplanade rassemble les Wal-Mart, Canadian Tire et autres magasins des grandes chaînes commerciales. Juste à l’entrée du Wal-Mart, la voiture blanche au pare-brise fendu de Philippe et Chantal nous attend. Je me précipite à l’intérieur du magasin pour leur signaler notre arrivée et vérifier les pneus disponibles. Seuls des Goodyear sont en montre, Wal-Mart ne distribuant pas Michelin… je tâcherai d’en trouver demain en ville puisqu’il est passé 17:00 et que tous les magasins sont maintenant fermés. |
Whitehorse,
capitale du Yukon, au bord du fleuve homonyme
|
Il est passé 21:00 lorsque nous nous séparons, chacun prenant la route de son côté. Nous retournons sur le stationnement du Wal-Mart où nous passerons la nuit, au milieu d’une cinquantaine d’autre VR qui ont choisi ce vaste espace éclairé, calme et tolérant.
Lundi 2 août 2004 : WHITE HORSE (40 km)
Il pleut à peu près toute la
nuit, et au matin le ciel reste très gris, ce qui n’est pas
pour hâter notre lever, d’autant plus que le grand
stationnement où sont dispersés les motorisés reste très
calme. Petit-déjeuner vers 10:00, avant de commencer les
magasinages dont la liste s’allonge depuis plusieurs jours.
Épicerie d’abord qui nous permet de remplir notre petit
frigo de produits frais et d’autres moins courant comme du
lait UHT ou du vinaigre balsamique italien. En revanche le
rayon fromage fait pitié… Le vin dans le liquor store repéré
hier est cher, mais on trouve quand même de quoi compléter
la cave en cépages argentins et italiens.
Puis commence la quête de pneus de rechange pour le train arrière qui aura du mal, je le crains, à encaisser les routes de gravier qui nous attendent vers l’Alaska. Pas de Michelin chez Wal-Mart qui vise le marché le plus cheap, à des prix, il faut le reconnaître, imbattables. Chez Canadian Tire, on donne plutôt dans le tout-terrain ou déjà dans le pneu d’hiver qui ne saurait nous convenir. Enfin Kal-o-Tire m’assure avoir en stock les XAT que je recherche, mais à un prix nettement au-dessus de ce que j’avais trouvé à Montréal. Comme la situation n’est quand même pas urgente, je tâcherai de faire durer jusqu’à Anchorage où j’espère bien trouver un Costco qui m’offrira ce que je recherche.
Le S.S.
Klondike à sec à Whitehorse
|
Comme le temps ne s’améliore guère et qu’avec toutes ces allées et venues dans la petite ville, le temps a filé, il nous semble préférable de rester en ville pour visiter le « Klondike », le dernier vapeur à aube ayant assuré le trafic fluvial sur le Yukon entre White Horse et Dawson City. Le navire, désarmé en 1972, a été tiré au sec et converti en Parc historique national administré par Parcs Canada. |
C’est dire que la présentation est impeccable, avec film introductif fort bien monté par l’Office national du Film à partir de documents d’époque. Passerelle, salon des passagers, machinerie, chaudière, moteur à vapeur et contrôles en laiton poli, tout semble en parfait état de fonctionnement, et le mobilier comme les équipements sont prêts à accueillir voyageurs et cargaison. |
Passerelle du
SS Klondike
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Jean-Paul à la
barre du S.S. Klondike
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Le salon panoramique des Premières |
Salle à manger des passagers de Première Classe La cuisine
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« Café Boss ? » (Lucky Luke, "En descendant le Mississipi") Lit et poêle sur la passerelle du SS Klondike |
Pont du SS Klondike au-dessus du Yukon |
Placée en arrière de l'énorme chaudière à bois et entassée dans le pont inférieur, la cargaison, composée essentiellement de ravitaillement pour les agglomération de l’intérieur du Yukon, porte encore toutes ses étiquettes et inscriptions typiques de l’époque.
Miles Canyon |
En quittant le navire si
évocateur des temps héroïques, nous remontons la
rive du Yukon pour gagner par quelques kilomètres
d’une route étroite et sinueuse les rapides de Miles
Canyon.
|
Whitehorse : navigation moderne sur les rapides de Miles-Canyon |
Le fleuve puissant s’y resserre entre deux parois de basalte verticales et son cours s’y accélère considérablement, ce qui cause remous et courants d’une grande violence. L’eau bleu vert s’est certes bien assagie et le canyon a été en partie comblé par la montée des eaux du barrage. Mais les photos antérieures à son érection montrent bien quelle aventure dangereuse constituait le franchissement du défilé. |
Miles
Canyon vers l'amont
|
Whitehorse : remous du Yukon dans Miles Canyon |
Nous sommes seuls à
parcourir le sentier, sous le ciel gris qui laisse
une impression un peu triste, tandis que le
bruissement continu et le mouvement rapide de l’eau
rappelle la puissance concentrée à l’œuvre sous nos
yeux.
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Whitehorse :
rapides du Yukon à l'entrée de Miles Canyon
|
Whitehorse :
Legislature du Yukon, entrée nord
|
De retour au centre ville, nous passons devant le siège de l’Assemblée législative du Yukon, un bâtiment moderne aux formes dissymétriques recouvertes de clins d’aluminium gris-brun qui ne nous emballe guère, puis à l’Office du tourisme où Monique tente sans succès de rejoindre par téléphone Juliette à Montréal. |
Adopté en 1967, le drapeau est divisé verticalement en trois panneaux. Le panneau vert, longeant la hampe, symbolise les forêts du Yukon; le panneau du centre, blanc, évoque les neiges hivernales, et le panneau bleu évoque l'eau. Le panneau central porte les armoiries du Yukon surmontées d'un chien malamute; la croix de Saint-Georges se trouve en dessous. Les bandes verticales ondulées bleues et blanches représentent le fleuve Yukon et la rivière Klondike; les pointes rouges au bas de l'écus figurent les montagnes du Yukon et les disques d'or les ressources minérales du territoire. Sous les armoiries la fleur emblématique du Yukon : l'épilobe à feuilles étroite. |
Mardi 3 août 2004 : de WHITE HORSE à MINTO
(286 km)
Le rez-de-chaussée fait la part belle à la création de White Horse et à la navigation sur le Yukon au moyen de photos et de quelques exhibits touchants sinon originaux. Dans la salle consacrée au premier chantre du pays, le commis de banque et poète écrivain Robert Service, deux jeunes comédiennes mettent en scène l’un de ses textes les plus célèbres The cremation of Sam McGee tandis que sur les murs, une série de photos présentent l’homme et son destin. |
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Monique devant
les ours, noir et grizzlis
|
La vie sauvage n’est pas oubliée avec une superbe galerie d’animaux naturalisés dans des poses très dynamiques : ours noirs et bruns, grizzlis, loups, cerf, wapitis, bison, bœuf musqué tiennent la vedette, mais aussi renards de différentes couleurs, coyote, castor, écureuils et autres petits rongeurs ou carnassiers comme nous avons pu observer plusieurs le long des routes ou en balade depuis notre arrivée au pays. |
Patrouilleur de
la Police Montée du Nord-Ouest
|
Au sous-sol, changement de décor puisqu'ici c’est de l’or qu’il s’agit, de sa découverte, de l’extraordinaire afflux d’hommes qu’il a entraîné, des techniques variées utilisées pour l’extraire, des plus archaïques aux plus sophistiquées, et enfin du rôle difficile mais essentiel des agents de la Police Montée du Nord-Ouest, souvent seuls pour faire respecter la loi et l’ordre dans un immense territoire désert. |
Dans
la cour en arrière sont exposés plusieurs moyens de
transport en plus ou moins bon état (traîneau, premier
camion de livraison à moteur, et même la première
locomotive à vapeur de la White Pass & Yukon Route
qui reliait Skagway à Whitehorse aux temps héroiques
de la Ruée vers l'Or…). Au total un charmant petit musée qui emplit fort bien son rôle de mémoire collective auprès de ses habitants comme des touristes. |
Première
locomotive de la W.P & Y.R.
|
Paysage du Lac laberge |
Nous bifurquons bientôt sur la route 2 (Klondike Hwy) qui longe de loin le vaste Lac Laberge, formé par un trés vaste élargissement du Yukon peu après Whitehorse, et qu'on aperçoit à peine à travers la forêt toufffue. |
Forêt, marécages et collines de conglomérat sableuses et sans envergure se succèdent, faisant pousser des soupirs d’ennui à ma co-pilote qui regrette les Rocheuses autrement plus spectaculaires. | Toundra et
marécage en route vers Dawson
|
Sur la route 2 (Route du Klondike) entre Whitehorse et Dawson City |
Je demeure quant à moi sensible à la dimension et à la sauvagerie de l’espace qui nous entoure, d’autant plus que la circulation est quasi-nulle sur cette grande route parfaitement dessinée et revêtue. |
Courbe du Yukon près de Carmacks
Nous retrouvons le grand fleuve au niveau des Five Finger Rapids. Vue spectaculaire depuis le belvédère au bord de la route; nous descendons les 217 marches jusqu’au sentier qui, au bout d’un km, nous amène sur la rive même, devant les 4 îlots rocheux barrant le fleuve en laissant le flot s’écouler rapidement et en tourbillonnant via cinq chenaux, les Five Finger Rapids. |
Five Fingers Rapids depuis la Route du Klondike |
Five Fingers |
Five Fingers Rapids sur le Yukon |
Vapeur poussant
une barge devant les Five Fingers
|
Le moins difficile à franchir par les vapeurs était le premier, le long de la rive, juste à nos pieds, et encore devaient-ils se hâler sur un câble attaché au rocher et engagé dans un treuil sur le côté du bateau. |
Superbe site naturel encore plein de souvenirs « historiques » habilement rappelés par quelques notes et photos placées sur des panneaux explicatifs in situ. |
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Bivouac à Minto au bord du fleuve |
Nous ferons encore une vingtaine de km jusqu’au hameau de Minto où le Guide Vert Michelin annonce, au prix d’un petit détour, une belle vue sur le Yukon. Nous découvrons, au bout d’un kilomètre d’une route de gravier passable, une vaste esplanade traversée par l’ancienne route postale, maintenant abandonnée, qui reliait Whitehorse à Dawson City. Trois tentes et un autre fourgon aménagé se sont installés sur le gazon au-dessus des eaux s’écoulant rapidement mais en silence. Quelques manœuvres tâtonnantes pour placer le Guépard de niveau, et nous installons notre bivouac en ces lieux superbes et paisibles. |
Après le souper d’un sauté de courgettes au jambon fort bien réussi par le cordon-bleu de service, lecture et écriture jusqu’à ce que le soleil se couche dans l’eau à 22:25. |
Soleil couchant
sur le Yukon
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Mercredi 4 août 2004 : de MINTO à DAWSON CITY (306 km)
Silence total durant la nuit mais température assez fraîche. Je ne sors le nez de sous le duvet que lorsque le soleil a suffisamment réchauffé l’habitacle, soit vers 10:00… Départ en conséquence vers 11:00. Le temps est superbe, le ciel sans nuage et la température atteindra un beau 24ºC en milieu de journée.
Monique déjeune à Minto au bord du Yukon
La route, en général excellente avec de rares passages non goudronnés, file à travers la forêt, souvent dévastée par des incendies. Ils ont laissé les collines piquetées de troncs noirs dispersés au milieu des arbustes de feuillus en pleine croissance, et des flaques roses de milliers d’épilobes, bien nommées fireweeds. i.e. premières plantes à repousser après le feu. |
Route de Dawson : forêt incendiée |
Route de Dawson : après le pont de Pelly Crossing |
À Pelly Crossing, un grand pont métallique nous fait franchir la Pelly, une autre large rivière qui se jette un peu plus loin dans le Yukon. J'y cherche en vain à faire le plein d’eau dans le camping tout neuf, mais il n'est pas encore raccordé au réseau d'aqueduc... |
Passage d’un autre affluent du Yukon à Stewart Crossing, qui servit autrefois de voie navigable aux petits vapeurs transférant jusqu'au Yukon le minerai d’argent extrait de Mayo et de Keno. Nous n’emprunterons pas cette Route de l’Argent (Silver Trail) qui semble surtout offrir 112 km (plus le retour…) de route gravelée et poussiéreuse sans beaucoup d’attraits naturels ou culturels au bout. |
Route de Dawson
: Stewart Crossing
|
Dempster Highway : Mount Richardson |
Les 100 derniers kilomètres sont donc parcourus
tranquillement et avec prudence mais sans aucun arrêt
jusqu’au dispensaire de Dawson City, pas même devant
le croisement avec la Dempster Highway. Celle-ci monte directement vers le nord sur 765 km jusqu'à Inuvik, dans les territoires du Nord-Ouest, bien au delà du Cercle Arctique. Vu l'état d'usure avancée de nos pneus et les risques que leur feraient courir ces centaines de kilomètres de gravier, nous devons renoncer à emprunter cette route pourtant spectaculaire, d'après les photos collectées à droite et à gauche. |
Arrivant enfin
dans le centre de la petite ville de Dawson City
posée sur une terrasse au confluent de la Rivière
Klondike avec le grand Yukon, nous cherchons un
endroit ombragé pour le lunch, car notre
petit-déjeuner est maintenant assez loin. L’ombre
portée par le clocher de la petite église St Paul
Anglican Church fera l’affaire.
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Dawson City
au bord du Klondike depuis Midnight Dome
|
Rue de Dawson City, au pied de Midngh Dome |
Puis nous tournons un peu dans les rues poussiéreuses du village où l'on a conservé une bonne partie des maisons de planches ou de tôles du début du siècle. |
Certaines, non consolidées ni restaurées, ont pris un air penché dû aux variations de niveau irrégulières du pergelisol... | Dawson City : maison penchée, suite aux mouvements du pergilesol |
Dawson City : General Store et Office du Tourisme sur Front Street |
...tandis que d’autres, dont les fondations ont été stabilisées et les façades rénovées, ont retrouvé les couleurs vives et l’attrait folklorique des maisons frontier. L’Office du tourisme est logé dans un ancien magasin général. Une hôtesse en costume d’époque nous indique les principaux points d’intérêt et les horaires des visites des bâtiments restaurés par Parc Canada. |
Mais d'abord nous allons faire un tour du Tr’ondëk Hwëch’in Cultural Center, consacré au peuple Han, la Première Nation locale, dont l'architecture contemporaine s'inspire des longues maisons traditionnelles des Première nations. Depuis la terrasse à l'arrière du bâtiment, jolie vue sur le fleuve Yukon. Puis nous retournons à l’Office du tourisme assister à une projection sur la Ruée vers l’Or dans la région. |
Dawson City :
Tr'ondek Hwech'in Cultural Center
|
Le vapeur à roues à aube arrière SS Keno |
Nous flânons ensuite un bon moment dans les rues pittoresques, filmant et photographiant les maisons et le Keno, un autre vapeur à aubes tiré au sec sur la digue au-dessus du Yukon. |
Diamond Tooth Guertie's Gambling Hall |
Je suis fort déçu par le manque d’envergure du spectacle donné par les quatre jolies filles du French Cancan et par la vulgarité de la plantureuse chanteuse qui semble cependant beaucoup amuser l’auditoire américain d’âge mûr qui remplit la salle. | La chanteuses et son pianiste |
Dawson City
depuis Midnight Dome en soirée
|
Le soir descend sur la petite ville coincée entre la boucle du Yukon et les pentes raides du Midnight Dome. Je songe alors à aller dormir là-haut, dans la solitude et devant un superbe panorama sur le fleuve, les vallées du Klondike et du Bonanza Creek d’où furent extraites des tonnes d’or. |
La montée des 2 911 pieds (888 m) par la petite route étroite et très raide est rude pour le Guépard, mais là-haut, une vue spectaculaire nous récompense largement : superbe courbe du fleuve encombré d’îles en amont, damier du village à nos pieds, cours sinueux du Yukon en aval, du côté du ferry qui donne accès à la suite de la route vers l’Ouest, la Top of the World Hwy. | Vallée du Yukon vers l'aval depuis Midnight Dome |
Panorama sur Dawson City et le Yukon depuis le sommet du Midnight Dome |
Nous soupons puis j’admire le coucher du soleil à 22:45. À 0:15, lorsque j’achève l’écriture de cette page, une grande lueur orangée illumine encore toute la partie nord-ouest du ciel : si ce n’est pas vraiment le soleil de minuit, nous n’en sommes pas loin ! Coucher dans le vent et l’air pur qui souffle sur les hauteurs. |
Jeudi 5 août 2004 : de DAWSON CITY à Top of the World Hwy (100 km)
Dawson City
au matin depuis Midnight Dome
|
Journée presque entièrement consacrée à la visite de Dawson City. Lorsque enfin nous nous levons, le soleil est déjà haut et illumine le site aperçu hier dans la lumière dorée et la légère brume du soir. |
Nous avons donc juste le temps d’emprunter la petite route de terre longeant le cours du Creek Bonanza pour faire la visite de la Drague nº4, une énorme construction industrielle sauvée de la ruine par Parc Canada qui en a fait un monument à la gloire de l’exploitation aurifère maintenant presque entièrement abandonnée ici. | Dawson City : la drague No 4 |
Monique
devant les énormes mécansimes
|
Monique ne comprend pas grand chose aux explications abondantes fournies - uniquement en anglais - par la guide qui nous fait parcourir en tous sens l’énorme construction de bois. Une puissante machinerie électrique de grandes dimensions actionnait la chaîne à godets affouillant le lit caillouteux de la rivière, ... |
Poste de commande du mât porte-godets... |
...le mât porte-godet à l'avant de la drague |
La résidence
du Commissioner à Dawson
|
Sur le perron de la grande maison nous attend notre hôtesse, une charmante dame en costume du début XXème qui joue le rôle de Madame Black, l’épouse du Commissaire et « châtelaine » de la résidence. |
Mistress
Black, épouse du Commissioner, nous accueille
|
Là encore le récit que notre guide fait de sa vie dans cette maison nous échappe en grande partie, mais le décor raffiné, très fidèlement reconstitué grâce aux photos d’époque, parle de lui-même. |
Bureau du Commissaire Black |
La salle à manger |
Statuette décorant le boudoir de Madame Black |
Plante en pot dans le boudoir de Madame Black |
Monument au Propecteur Dawson City : monument aux mineurs |
|
Dawson City : Palace Grand Theatre sur King Street |
Palace Grand Theatre de Dawson City |
La Banque |
Guichet de la banque |
Au bar... |
|
Depuis la Top
of the World Hwy, vue sur Dawson City au pied
du Midnight Dome
|
L’après-midi est bien avancé lorsque nous empruntons le bac qui nous fait gagner la rive gauche du Yukon et entreprendre la Top of the World Hwy. La route monte très rapidement en un large virage à flanc de colline qui nous offre une autre belle vue sur le site de Dawson City, sur la vallée de la Klondike et son confluent avec le Yukon. |
Puis la Top of the World Hwy file sur les crêtes. Si la chaussée est trop souvent entrecoupée de passage non asphaltés, en revanche la circulation est rare et les panoramas sur la chaîne montagneuse des Ogilvie superbe, au delà de vallées profondes aux pentes couvertes d’arbres vert sombre dorés par le soleil à son déclin. | Top of the World Hwy : vue sur les Monts Ogilvie au nord |
Guépard sur
la Top of the World Hwy
|
Il fait encore chaud (24º C), la lumière
est intense, l’impression puissante. Au bout d’une
centaine de kilomètres qui nous met tout proches de
la frontière américaine, j’aperçois une petite route
qui mène à un ensemble de rochers et à un belvédère
un peu à l’écart de la route. Nous nous y engageons
et y découvrons un bel espace dégagé et plat déjà
occupé par un fourgon Fiat immatriculé en Allemagne
! |
Comme il est passé 19:00, nous décidons d’y rester pour la nuit. Nous prenons position sur un coin bien horizontal et y soupons d’une boite de chile con carne enrichi de saucisses rapidement préparé par la cuisinière. Lecture et écriture, préparation des photos des deux derniers jours, nous nous couchons alors que s’installe auprès de nous un troisième fourgon occupé cette fois par des Ontariens… | Bivouac au
bord de la Top of the World Hwy
|
Vendredi 6 août 2004 : Top of the World Hwy à MENTASTA LAKE (236 km)
Longue nuit silencieuse dans notre désert. Le ciel superbe est toujours là au matin lorsque, vers 10:00, nous reprenons la Top of the World Hwy, toujours aussi belle. |
Elle s’achève par le passage d’un col, une trentaine de kilomètre plus loin, juste avant la frontière américaine. Formalités réduites au minimum par la douanière-officier d’immigration qui se hâte de retourner dans son bureau fermé à l’abri de la poussière. | Sur la Top-of-the-World-Hwy, en vue de la frontière Yukon-Alaska |
Enfin nous y voilà !
Welcome to Alaska |
Où sommes-nous ? |
Adieu la
"Top-of-the-World Hwy", nous voici sur la
poudreuse "Taylor Hwy" qui prend la suite !
|
Car de la poussière et du sable, il n’y a
que ça sur les 50 kilomètres suivants, jusqu’à
Chicken, car la route non seulement n’est pas
revêtue d’asphalte mais plutôt d’un mélange de
graviers et de sable dont la partie la plus volatile
s’envole en un grand et dense nuage sous les roues.
La circulation est heureusement assez sporadique, mais à chaque croisement d’un énorme RV américain ou d’un camion, il faut fermer fenêtres et aération, ralentir au maximum pour éviter les impacts de graviers dans le pare-brise et attendre une minute ou deux que le nuage se disperse. Et encore, même ainsi, nous finissons par ingurgiter une bonne dose de cette farine crissante et irritante qui laisse une couche rosâtre légère comme de la farine sur toutes les surfaces lisses à l’intérieur du Guépard. |
Quelques kilomètres plus loin, nous sommes à Boundry, un pauvre mais pittoresque relais d’essence où Monique ne trouve même pas un téléphone… | Taylor Hwy : l'ancien poste frontière |
Drague abandonnée au bord du torrent : la Jack Wade gold dredge |
La route quitte bientôt les hauteurs pour descendre serpenter près du cours d’un torrent plein de déblais de dragues (dredges), comme celle dont nous découvrons les ruines imposantes au détour d’un virage. |
Viennent ensuite une série de superbes vallées où coulent des rivières profondes mais dont les pentes couvertes d’arbres ont été dévastées par des incendies récents, ce qui crée parfois des patchworks de couleurs surprenants. | Pente
dévastée par un incendie le long de la Taylor
Hgw
|
Un peu plus loin, la même vallée épargnée par le feu |
Les boutiques de Chicken |
À Chicken, arrêt pique-nique sur la grande esplanade derrière la station d’essence-RV Park-boutique de souvenir remplie de « bébelles » insignifiantes. Il ne reste quasiment rien de ce petit centre minier jadis bien vivant, hormis les ruines d’une drague et trois anciennes boutiques dans leurs cabanes de rondins. Le ciel devient de plus en plus voilé, estompant les lointains et éteignant les couleurs derrière une fumée légère à peine perceptible. |
Nous reprenons la route (la Taylor Hwy) maintenant le plus souvent goudronnée, dont le tracé vallonné traverse des paysages de petites montagnes déserts mais là encore noircis par les feux de forêts. L’air devient bientôt de plus en plus épais et les lointains disparaissent dans une brume bleutée, des colonnes de fumée s’élèvent de plusieurs petits foyers actifs autour de nous, tandis qu'une vague odeur de bois brûlé imprègne l'atmosphère. | Fumées des feux de brousse autour de nous depuis la Taylor Highway |
Sur la Taylor
Highway, la fumée diffuse qui bleuit et
estompe les lointains
|
Le même spectacle se poursuit sur les quelques 150 km qui nous amènent au carrefour avec l’Alaska Highway à Tetlin Junction. Nous quittons alors la montagne pour une vingtaine de kilomètres de route plate et droite jusqu’à Tok. Je suis fatigué de la route difficile, de la chaleur, de la poussière et de la fumée qui m’ont un peu irrité les yeux… |
La grande route, excellente, serpente dans une large vallée encadrée de montagnes et le ciel s’est maintenant beaucoup éclairci. Je pense à aller dormir dans le Col de Mentasta à 800 m d’altitude, que j’ai repéré sur une carte, mais les kilomètres défilent sans qu’apparaisse la montée attendue. Comme la grande route n’offre guère d’emplacement favorable, nous la quittons pour prendre la petite route de Mentasta Lake et allons nous installer quelques kilomètres plus loin sur le stationnement du rustique terrain de base-ball du hameau. Tri de l’abondante documentation amassée jusqu’à présent, puis coucher tôt (10:30, heure du Pacifique).
Samedi 7 août 2004 : de MENTASTA LAKE à BLUEBERRY LAKE CAMPGROUND (près de VALDEZ) (336 km)
Aucun bruit avant notre réveil qui nous laisse bien reposés passé 8:00… Nous décollons vers 9:30, mais l’absence de téléphone dans les environs empêche Monique de contacter la France. La Route 1 (Tok Cut-Off) est vite rattrapée, puis reprise vers le sud. La chaussée et le tracé, excellents, nous permettent de filer sans aucun des inconvénients vécus hier. Malheureusement le ciel continue d’être voilé, comme si une brume de chaleur – et non plus la fumée cette fois – filtrait la lumière en brouillant les lointains dans une grisaille bleutée. | Bivouac devant le base-ball field de Mentasta |
Vallée de la Copper River : Tok-Cut-off & Wrangell-St-Elias-Park par temps clair |
On aperçoit donc à peine le contour des hautes montagnes et des pics du Wrangell-St-Elias Park (jusqu’à 5 000 m) qui culminent au-delà d’une vingtaine de kilomètres de la large vallée boisée où sinue et s’étale largement la Copper River. |
Je vérifie auprès de l’un
des centres d’information du Parc la condition des deux
routes qui permettent de s’y enfoncer mais la perspective
de 46 miles (jusqu’à Nabesna) ou de 61 miles (jusqu’à
McCarthy) de gravier poussiéreux et agressif pour les
pneus me dissuade bien vite de nous y engager. Nous
poursuivons donc vers le sud.
Lors d’un arrêt pour filmer le vaste panorama, rencontre d’un couple de cyclistes français qui, partis d’Anchorage, veulent rallier l’Argentine en une ambitieuse Panaméricaine. Nous sympathisons et passons une bonne demi-heure à échanger avec eux sur la France, l’évolution des mentalités et des perceptions à mesure que l’on prend de la distance… Nous leur suggérons, bien entendu, d’emprunter la Cassiar-Stewart pour rejoindre le Parc des Rocheuses canadiennes, mais ils avaient prévu le bateau de Skagway à Prince Rupert… Plein d’essence à Glennallen, un autre relais de quelques maisons et magasins le long de la grande route, là où je m’attendais à un village ! Pas moyen de trouver de l’eau pour remplir la citerne d’eau fraîche, aussi tentons-nous notre chance dans le village ancien de Copper Center, aux modestes maisons de bois dispersées le long d’une loop road. Au bord de la Klutina aux eaux torrentueuses et vertes, nous finissons par tomber sur un petit pourvoyeur de pêche au saumon Aimablement il nous offre de faire le plein sur son puits. Nous cherchons ensuite un coin frais pour déjeuner car il fait chaud (28ºC) et lourd. L’ombre offerte par un arbre sur le stationnement de la poste ne suffit pas à nous assurer ce confort, et nous devons laisser tourner l’air climatisé pendant notre repas pour ne pas transpirer. Décidément nous ne nous attendions pas à ce temps et à cette température dans un pays aussi nordique que l'Alaska !
Suite de notre long itinéraire vers Valdez en empruntant maintenant la Richardson Hwy. Nous entrons dans un paysage plus encaissé, la route se faufile dans des vallées dont les pentes se rapprochent et s’élèvent progressivement. En même temps l’air semble devenir plus transparent et plus vif. | Sur la Richardson Hwy |
Devant, les montagnes... |
Bientôt nous nous retrouvons dans un environnement de hautes montagnes, bien que nous roulions seulement entre 800 et 1 000 m d’altitude, probablement à cause de la latitude et de la rigueur et de la longueur de l’hiver (phénomène identique à celui que nous avions observé en Scandinavie lors de notre montée vers la Cap Nord). |
Richardson Hwy : épilobes dans Tsaina Valley |
Tsaina River |
Puis ce sont les glaciers qui apparaissent, un premier frappant dans l’axe de la route, puis d’autres de tailles et de formes diverses qui s’étalent en haut de pentes étonnamment boisées de feuillus vert tendre. |
Les glaciers
depuis Tsaina Valley
|
Balade au
pied du Worthington Glacier
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Après plusieurs arrêts photos et vidéo devant ces superbes vues de la Tsaina Valley qui nous rappellent les Rocheuses, nous tombons directement sur le Worthington Glacier (mile 28), classé parmi les grands sites naturels d’Amérique par le Service des Parcs U.S. |
Lac de moraine sous Worthington Glacier |
Cela lui vaut un aménagement de qualité qui permet de l’observer dans les meilleures conditions et d’approcher au plus près son petit lac glaciaire vert émeraude et le bas de sa langue de glace. Superbe ! |
La même route de grande classe passe
ensuite au pied du Twentyseven Mile Glacier, puis
franchit à 2 854 pieds d’altitude le Thomson Pass
qui ouvre sur un autre magnifique panorama alpin
formé par la longue chaîne des Chugach Mountains. |
Chaîne des Chugach Mountains |
Bivouac au dessus de Blueberry Lake |
En descendant, nous découvrons au creux d’une grande courbe un modeste camping sauvage aménagé autour du petit Blueberry Lake. Voilà qui conviendra parfaitement à notre bivouac de ce soir puisqu’il est déjà 18:45. Nous y trouvons un emplacement libre bien horizontal avec vue sur le lac et les montagnes alentour. Je profite de cet arrêt précoce pour démonter le capot du moteur côté cabine et tâcher de localiser un bruit bizarre apparu depuis ce matin. Sans succès. |
Le spectacle d’avant souper est assuré par deux jeunes qui viennent embourber leur Jeep jusqu’aux moyeux juste devant nous dans la tourbière entourant le lac. Dépannage haut en couleur par des copains en 4 x 4 qui manquent d’y rester eux aussi… Coucher vers 22:30, après que le coucher du soleil ait été suivi par la descente d’une brume cotonneuse et épaisse qui noie progressivement le grandiose décor autour de nous.
Dimanche 8 août 2004 : de BLUEBERRY LAKE à VALDEZ (83 km)
Blueberry-Lake
: bivouac du Guépard embrumé au matin
|
Ciel gris et chargé au lever en milieu de matinée, qui s'accompagne d'une fraîcheur inconnue depuis plusieurs jours. |
Les cimes autour de nous restent cachées dans les nuages, et nous ne profitons guère de l’environnement que nous devinons pourtant superbe. | Effet de
brume sur les Chugach Mountains
|
Lowe River dans
Keystone Canyon
|
Nous sommes seulement à une vingtaine de kilomètres de Valdez que nous atteindrons bientôt, au bout d’une longue et raide descente en ligne droite le long de la Lowe River. Celle-ci nous ramène au niveau de la mer à travers un profond défilé, le Keystone Canyon, orné de deux belles chutes. : Bridal Veil Falls (une autre...) et Horse Tail Falls. |
Bridal Veil Falls |
Zoom sur Bridal Veil Falls |
Avant d’entrer dans l’agglomération, brève observation d’une autre aire de frai de saumons moribonds qui barbotent dans quelques centimètres d’eau sur le lit de gravier d’un torrent issu d’une chute dévalant la montagne. | Aire de frai
de saumons
|
Chalutier
dans le port de pêche de Valdez |
Petite ville qui nous apparaît essentiellement touristique - du moins en été – avec ses centaines de motorisés stationnés en ligne dans une vingtaine de RV Parks dispersés au détour des rues, Valdez est aussi un important port de pêche et de plaisance. |
Comme le temps bouché nous décourage
d’entreprendre aujourd’hui la balade prévue en mer
vers les glaciers du Prince Edward Sound, nous
commençons par nous rendre sur le quai du port de
pêche pour assister au débarquement du poisson,
spectacle toujours impressionnant surtout lorsqu’on
voit comme ici l’abondance et la grosseur des prises
récoltées par un - pourtant petit - bateau… Le site de Valdez est magnifique, puisqu'en fait il s'agit d'un fjord pénétrant très profondément dans les terres (on n’aperçoit pas la pleine mer depuis la ville), mais cependant très large entouré de tous côtés par des montagnes acérées et couvertes de glaciers. Un type de paysage comme nous n’en avons vu que dans le nord de la Norvège ou dans les Lofoten. |
Valdez :
proue fleurie
|
Le port de
plaisance de Valdez
|
Nos errements nous ramènent toujours près du bassin des petits bateaux (Small Boats Harbor) où nous trouvons un stationnement libre à l’extrémité est. Tous les quais sont pour leur part envahis par les gens du voisinage venus embarquer sur l’un des nombreux yachts amarrés dans la marina ou mettre à l’eau leur hors-bord pour partir à la pêche en mer qui semble le grand loisir de la saison et du dimanche. |
Nous déjeunons sous un ciel qui se dégage progressivement en révélant le paysage vraiment magnifique. Je prends le temps de flâner un peu alentour, photographiant et filmant le spectacle. |
Fond du fjord
de Valdez
|
Valdez
Glacier
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En fin d’après-midi, profitant du ciel
maintenant à peu près totalement dégagé et très
lumineux, nous revenons une quinzaine de kilomètres
en arrière pour nous approcher du Valdez Glacier. La petite route s’enfonce dans la vallée, de plus en plus sauvage, puis le revêtement d’asphalte disparaît sur quelques centaines de mètres jusqu’à une barrière de grosses pierres bordant le lac dans lequel viennent mourir deux langues glaciaires issues de deux vallées différentes. Dans celle qui nous fait face, trône le Valdez Glacier, qui étale sa mer de glace sinueuse bien au-dessus de nous. Impossible d’aller plus loin, aussi après quelques minutes de contemplation du saisissant paysage, nous faisons demi-tour et rentrons « en ville ». |
Puisque le temps semble s’annoncer positif
pour demain, on peut maintenant commencer à
concrétiser la balade prévue de longue date vers les
glaciers marins Columbia et Meares. Nous finissons par dénicher le comptoir de la compagnie Stan Stephens qui semble, selon les guides, offrir les plus beaux trajets dans les meilleures conditions : 9 heures de navigation dans les détours du Prince Edward Sound à bord d’un petit bateau de 130 passagers, avec commentaires de naturalistes et deux repas - fort simples - servis au cours de la journée, le tout pour 125 $US. |
Small Boats Harbor |
Small Boats
Harbor
|
Comme le temps change vite ici, nous attendrons demain matin, à l’ouverture de la billetterie dès 7:00 pour réserver. Nous repérons ensuite une autre épicerie mieux fournie que celle de ce matin pour remplir demain soir à notre retour d’excursion le frigo que nous laisserons vide et éteint – faute de panneau solaire pour l’alimenter… |
Il ne nous reste plus qu’à contempler le
soir descendant lentement sur le Small Boats Harbor,
à observer les heureux pêcheurs nettoyer leurs
prises et trancher d’énormes filets dans le vaste
choix de poissons ramenés de leur promenade en
mer... à bord d'une flotille de yachts superbement
équipés. |
Pêcheur
découpant une raie
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Monique
relaxe au bord du fjord de Valdez avant le
souper
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Nous allons souper un peu à l’écart devant une petite plage de galets donnant sur le fond du fjord, avec les montagnes rosies par le soleil couchant pour décor. |
Nous dormirons sur une bande de stationnement où le camping n’est pas interdit - comme sur le quai des yachts - pour être prêt demain aux aurores. | Bivouac
devant le port de plaisance de Valdez au
crépuscule
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Crépuscule sur le Small Boat Harbor de
Valdez