Découverte de Terre-Neuve

Août 2000

Monique et Jean-Paul MOUREZ
à bord du Guépard


Images de la page sur Google Photo :
https://photos.app.goo.gl/43QJ1A7TP39hA3pHA




Itinéraire


Lundi 7 août 2000 : de MONTRÉAL à MAGOG (115 km)

La nuit est déjà très noire lorsque, après des préparatifs de dernière minute (dont l’isolation de la glacière électrique achetée in extremis pour palier la défaillance soudaine de notre frigo…), je mets le contact et prends la direction de l’Autoroute des Cantons de l’Est.

Monique ajuste le revêtement de stratifié dans la
        cuisinette
Monique ajuste le revêtement de stratifié dans la cuisinette...

pendant que Jean-Paul installe le chauffe-eau dans son
          logement
...pendant que Jean-Paul installe le chauffe-eau dans son logement

Les derniers jours ont été une course harassante pour compléter au maximum les travaux de construction et, à défaut d’achever les aménagements de notre petit camper, le rendre au moins fonctionnel pour l’essentiel. Effectivement les réservoirs se remplissent et conservent leur contenu sans aucune fuite, les pompes tournent sans à-coups, les rideaux et le réceptacle de la douche sont étanches, le chauffe-eau produit rapidement une eau - presque trop – chaude. Côté cuisine, le réchaud brûle régulièrement son propane – malgré le bris de l’un des allumage piezo - et la glacière finit par atteindre un 8ºC suffisant pour conserver beurre et lait au frais. Enfin les banquettes repliables forment un lit relativement étroit (115 cm) mais suffisamment confortable pour prendre un repos réparateur après une journée bien remplie. Que demander de plus ? Évidement le train arrière du Guépard s’est beaucoup affaissé après le remplissage des 220 litres d’eau dans les réservoirs, et la plupart des rangements et coffres sont plus ou moins bien compartimentés. Mais on verra à l’usage les façons les plus économiques et les plus pratiques d'y remédier, tandis que le renforcement de la suspension attendra notre retour a Montréal.

Le Guépard dans la cour arrière prêt au départ
Le Guépard dans la cour arrière prêt au départ

Dans le confort de notre camion silencieux et bien lesté, nous roulons une heure et demie pour quitter l’autoroute à hauteur de Magog et chercher un bivouac près de l’eau. Après quelques errements sur les quais et les jardins qui bordent le lac, tous interdits au stationnement nocturne, nous finissons par dégoter au dessus du petit port un parc de stationnement municipal sur lequel nous nous installons pour la nuit, seuls à côté d’un gros classe A (intégral) américain.
 

Mardi 8 août 2000 : de MAGOG à L’ÎLE SAINTE-CROIX/ST-ANDREW

Nuit paisible et assez chaude, durant laquelle une ronde de police vient apposer puis enlever (?) une contravention sur notre pare-brise sans nous déranger autrement. Il fait un temps magnifique au réveil. Aussi, après quelques vues sur le petit port tout proche, allons nous faire un tour sur la rue principale de Magog. Maisons anciennes – pour l’Amérique -, façades fleuries, animation sans excès de la petite ville de province. Nous complétons notre équipement d’un superbe balai dont le bleu/vert s’assortit presque parfaitement au revêtement laminé des placards, et Monique trouve en librairie quelques bouquins destinés à meubler les longues périodes de roulage qui s’annoncent sur la route vers Terre-Neuve.

En route vers Sherbrooke, où nous faisons un petit marché au Sobbey local, avant de poursuivre vers les " lignes " américaines franchies à Coburn Gore. Les agréables paysages vallonnés et verdoyants se font vite plus sauvages dès que nous pénétrons dans le Maine.

Au bord du Lac Flagstaff, Pine Cathedral
Au bord du Lac Flagstaff, Pine Cathedral
Le douanier nous pose - en français - les questions d’usage et nous remet un itinéraire qui nous permettra de franchir, au plus court et sans nous y perdre, les vastes étendues de forêts assez sauvages où les villages sont rares, reliés par des petites routes plus ou moins bien signalisées. Comme notre carte est assez grossière, nous nous fions à lui pour gagner au plus vite la frontière avec le Nouveau-Brunswick et retrouver le Canada à St-Stephen, au fond de la baie de Passamaquoddy. Un seul arrêt pour pique-niquer et admirer les grands fûts de Pine Cathedral qui abritent un confortable camping au bord du lac Flagstaff, un peu avant Stratton.

Le soir tombe lorsque nous faisons un autre plein d’essence (ici nettement moins chère) avant de franchir le poste frontière établi sur la rivière Sainte-Croix. L’île Ste-Croix est à deux pas, son site fut choisi par Samuel de Champlain pour son premier - et malheureux - hivernage au Canada en 1604. Le petit observatoire établi sur la rive canadienne pour commémorer cet événement majeur de notre histoire nous servira de bivouac pour ce soir. Après quelques manœuvres destinées à y trouver une place à peu près plate, nous nous installons sur son stationnement pour une autre nuit des plus tranquilles, tandis que la silhouette de l’île au milieu de la baie s’estompe progressivement dans le crépuscule puis continue de se dessiner, fantomatique, sous la lueur blanchâtre de la pleine lune.

 

Mercredi 9 août 2000 : de L’ÎLE STE-CROIX/St-Andrew à NORTHPORT (près d’Ahmerst) NS

Nuit excellente sur notre belvédère en vue de l’île et réveil sous le grand soleil qui illumine le paysage et réchauffe notre cabine (quoique sans excès). Nous faisons bien sûr le tour des panneaux qui expliquent de façon très claire et bien illustrée l’odyssée puis le calvaire de l’expédition de 1604 où, en l’absence de provisions suffisantes et de connaissances - apprises plus tard des amérindiens de Port-Royal-, 40 des malheureux compagnons de Champlain périrent du scorbut, ce qui sonna le glas de cette première tentative de colonisation.

Suit une demi-heure de combat avec le tiroir - d'origine Ford - coincé sous le siège du passager qui refuse de livrer les guides qu’on y a entassé. Il faudra finalement démonter le fauteuil pour en venir à bout, au prix d’une bonne suée en plein soleil.
 

St-Andrew : entrée de Ross Museum
St-Andrew : entrée de Ross Museum
Nous démarrons enfin vers 9:30 pour traverser le Nouveau-Brunswick en diagonale mais en visitant auparavant le charmant village de St-Andrew : après le tour du fameux blockhaus restauré par Parc Canada, c'est celui des vieilles églises, du Musée commémoratif Ross meublé et décoré en style fin XIXème, de la maison du shérif restaurée dont les gardiennes nous reçoivent en robes d’époque… 
 Le cachet du village est indéniable, grâce aux belles grandes maisons en bois peintes en blanc ou parfois en brique, aux jardinets clos et fleuris, et grâce à la multiplicité des églises et chapelles consacrées aux cultes anglican, baptiste, presbytérien, catholique romain, etc. Jean-Paul fait la pause devant le Musée Ross
Jean-Paul fait la pause devant Ross Museum
Le
                  blockhaus de St Andrew
Le blockhaus de St Andrew
Mais l’afflux des touristes dans la rue principale (Water Street) nous fait achever rapidement le tour de la petite ville. Nous repassons devant le petit blockhaus à l’entrée du village et gagnons bientôt la grande route, une superbe autoroute neuve, rapide et sûre. Nous roulons jusqu’en milieu d’après-midi pour arriver à St-John où nous espérons trouver des livres en français.

Mal renseignés par le Tourist Office qui nous dirige vers un centre d’achat de banlieue, nous renonçons, faisons un autre plein d’essence et repartons vers Moncton. Il y a probablement quelques librairies françaises dans cette capitale francophone de la province (l'unique province officiellement bilingue du Canada !)  mais à cette heure (19:30) tout est fermé. Erreur d’aiguillage en direction de l’île du Prince-Édouard, nous passons finalement la frontière de la Nouvelle-Écosse à Amherst vers 21:00.

Nous décidons alors d’emprunter l’itinéraire touristique du nord (Sunrise Trail) et gagnons la côte par une petite route défoncée en quête d’un bivouac en bord de mer. Dans la nuit, nous croyons l’avoir trouvé sur le petit quai paisible de Northport, mais un énorme tracteur au puissant et bruyant moteur diesel s’installe près d’un bateau de pêche pour procéder à des réparations interminables. Découragés, nous finissons par lever le camp vers 23:00 pour aller établir nos pénates sur le vaste stationnement désert de la salle communale du village suivant…
 

Jeudi 10 août 2000 : de NORTHPORT (NB) à BAYFIELD (Tracadie) (NS) 424 km

Nous nous réveillons un peu tard et décollons seulement vers 12:00, la matinée ayant servi à récupérer après nos mésaventures d’hier soir. Il pleut, le ciel est plombé, les moustiques omniprésents. Ils nous ont d’ailleurs abondamment piqués cette nuit, faute d’utiliser l’insecticide en spirale et par manque de moustiquaires à nos fenêtres… Nous suivons sans enthousiasme une côte assez plate qui serait plaisante si le soleil consentait à se lever.

Pictou : le quai de construction du Hector
 Le Hector en construction sur le quai de Pictou
Long arrêt à Pictou pour visiter l’exposition consacrée aux 200 immigrants écossais partis du Loch Broom à bord du Hector, une flûte hollandaise, et surtout à sa réplique maintenant presque complétée sur le bout du quai. Évocation émouvante des conditions de vie pénibles des deux côtés de l’Atlantique à la fin du XVIIIème, et du voyage éprouvant de 12 semaines subi par ces familles à bout de ressources. La coque du petit navire est quasi terminée, on en achève les peintures pour le lancement en grande pompe dans un mois en présence de la Reine, commémoration oblige  !
Peinture du pont du Hector
Peinture du pont du Hector
Finition
              du pont du Hector
Finition du pont du Hector

L’après-midi est bien avancé lorsque nous rejoignons l’autoroute vers le Cape Breton ; route un peu monotone de forêts, assez vallonnée cependant mais sous un ciel qui reste gris. On aperçoit à nouveau la mer peu après Antigonish, et nous allons chercher un bivouac à proximité du rivage près du petit port de pêche de Bayfield. Stationnant sur une vaste esplanade derrière l’estacade, j’entreprends de condamner le déversoir de l’eau froide dans le réservoir du chauffe-eau (qui fonctionne sans cesse faute de vanne) pendant que Monique lit. Puis nous revenons quelques centaines de mètres en arrière pour bivouaquer sur le stationnement d’un petit parc provincial à proximité de la plage de galets sur laquelle nous faisons un tour rapide – vu l'acharnement des moustiques… - à la brunante.
 

Vendredi 11 août 2000 : de BAYFIELD (Tracadie) au CAPE SMOKEY (221 km) 

Phare de
                    Peggy Cove
Phare de Peggy Cove
Peggy
                  Cove dans la brume
Peggy Cove dans la brume

Lever beaucoup plus tôt aujourd’hui, après une nuit des plus calmes. Je suis de moins en moins réveillé par les fourmillements dans mon bras droit, trop sollicité ces derniers temps par les travaux de construction du Guépard. Douche, déjeuner, découpage d'une trappe dans le plancher au dessus du bouchon de visite du réservoir d’eau chaude, nous décollons vers 9:30.

Le détroit de Canso est bientôt franchi sur la longue digue qui relie l’Île du Cap Breton à la Nouvelle-Écosse continentale. Nous hésitons un peu sur le programme et décidons de gagner d’abord Sydney pour nous assurer une place sur le traversier de demain vers Terre-Neuve. Nous suivons donc la Transcanadienne (route 105) maintenant réduite à 2 ou 3 voies, entrecoupée de sections en réfection, mais beaucoup plus pittoresque grâce aux paysages bien plus mouvementés qu’elle traverse.

  Rivage-du-Bras-d_Or
Lac du Bras d'or

Le-Bras-d_Or

À la sortie 6 nous hésitons à emprunter l’itinéraire des lacs du Bras d’or mais un bac coupe très vite la route. Lassés d’attendre le retour du petit esquif amarré à l’embarcadère en face, nous renonçons à cette excursion, poursuivons la Transcanadienne et, quelques kilomètres plus loin, encouragés par un ciel qui semble s’éclaircir, empruntons la sortie 7 peu après Wagnatcook en direction du fameux Cabot Trail.
 

Vallee-de-la-Margaree
Vallée de la Margaree

Notre
          Guéépard dans la Vallée de la Margaree
Notre Guépard dans la Vallée de la Margaree

On longe une jolie suite de lacs et de rivières, puis la superbe vallée de Margaree où nous pique-niquons devant une pittoresque courbe de la rivière. Enfin apparaît la côte parsemée de villages acadiens aux noms français (Belle Côte, Cap Le Moine, Grand Étang…) jusqu’au fameux Chéticamp. Si les paysages sont agréables, l’architecture reste très banale et les grands panneaux publicitaires partout répandus enlaidissent la petite ville.
 
Cabot-Trail-par-beau-temps
Cabot Trail par beau temps (!)
Cabot
        Trail : Belle Cote les chardons de la Nova Scotia
Cabot Trail : à Belle Côte,  les chardons de la Nova Scotia

Juste après, le défilé de Grande Falaise donne accès au magnifique Parc des Hautes Terres du Cap-Breton. La route en corniche est superbe mais la vue reste limitée par la pluie qui s’installe en permanence dès que l’on grimpe un peu : les nuages sont tellement bas ici…

Cabot-Trail-dans-le-nuage
Cabot Trail dans le nuage

Cabot-Trail-arrivee-a-Pleasant-Bay
Cabot Trail : notre arrivée à Pleasant Bay

Cabot-Trail : arrivée à Pleasant-Bay par beau temps
Cabot-Trail : l'arrivée à Pleasant Bay par beau temps depuis le belvédère du Mt MacKenzie

Pour nous pas question de balades à pied, mais au moins les grandioses paysages sont-ils la plupart du temps visibles depuis les nombreux belvédères où j’arrête pour admirer, filmer et photographier.
 
Cabot-Trail-Sunrise-Valley-Cape-North
Cabot Trail : Sunrise Valley et Cape North
Petit détour en direction de North Cape jusqu’au Cabot Landing, pour faire quelques pas  sur la plage où Giovanni Cabotto, envoyé par Henry VII d’Angleterre sur les traces de Colomb, aurait abordé en 1597.

C’est du moins ce que prétendent les Néo-Écossais car l’atterrissage de Cabot est également revendiqué par les Terre-Neuviens près du Cap Bonavista…

La pluie persiste, nous amorçons alors notre retour vers le sud en côtoyant toujours de grandioses panoramas marins. Pause à Lakies Head, puis lente montée au pied des 366 m du Cap Smokey, avant de redescendre jusqu’à une plage sauvage à son pied qui nous servira de bivouac pour la nuit.

Cabot
          Trail : Lakies Head
Cabot Trail : Lakies Head

Cabot Trail-
        : le Cape Smokey
Cabot Trail : le Cape Smokey en allant vers le Sud


Monique-fait-la-vaisselle-dans-le-Guepard
Monique fait la vaisselle dans le Guepard

Samedi 12 août 200 : de CAPE SMOKEY (NS) à PORT-AUX-BASQUES (NFL) (110 km)

Calme et silence… Bercés par les rouleaux déferlant sur la plage de galets toute proche, nous nous réveillons tard sous un ciel toujours chargé. La route côtière se poursuit vers le sud, sans panorama exceptionnel jusqu’au belvédère donnant sur le grand pont qui franchit l’extrémité nord-est du Bras d’Or. On quitte les Hautes-Terres du Cap Breton pour se rapprocher de la mer. Encore une trentaine de kilomètres et, vers 12:00, nous sommes sur le quai de North Sydney pour apprendre le départ du prochain ferry vers Terre-Neuve à 14:30. Il reste encore quelques places, aussi achetons-nous immédiatement nos billets et passons le temps en allant faire quelques courses avant le départ : vis dans une quincaillerie locale, et recherche beaucoup plus longue et difficile d’une épicerie malheureusement introuvable. Nous nous rabattons sur un dépanneur logé dans une stations service Irving ! Ensuite déjeuner sur le quai, en ligne, en attendant l’embarquement.

Le vent très fort et le ciel couvert m’empêchent de demeurer longtemps sur le pont du Caribou. Longue traversée de 5 heures, où l'on tue le temps en lisant guides touristiques et revues...

De North-Sidney à Port-aux-Basques, le traversier Caribou
        en hiver
De North-Sidney à Port-aux-Basques, le traversier Caribou en hiver

L’arrivée à Port-aux-Basques me rappelle beaucoup celle à Lodingen dans les Îles Lofoten il y a 2 ans, les montagnes en moins : mêmes petites maisons de bois plantées en désordre sur une côte sauvage et rocheuse, terre semi-désertique…. Le soir tombe, nous faisons un petit tour du gros village et allons nous installer au bout d’une rue résidentielle, juste au dessus de la mer, après être allés acheter une carte routière dans le beau Tourist Information aménagé en haut de la côte qui domine Port-aux-Basques.
 


Carte de Terre-Neuve
Notre itinéraire sur Terre-Neuve dont nous avons parcouru - presque - toutes les routes ici indiquées...



Dimanche 13 août 2000 : de PORT-AUX-BASQUES à DEER LAKE (457 km)

Monique-devant-Codroy-River
Monique devant Codroy River
Temps magnifique au réveil ! Mer et ciel bleus, maisons d’un blanc éclatant et gazon intensément vert. J’attends un peu à la station service pour ajuster la pression des pneus avant d’entreprendre notre longue route en direction du nord sur la belle grande TCH (Trans-Canadian Highway) qui traverse toute l'île. Paysage très vaste mais un peu monotone de forêts vallonnées coupées de quelques rivières torrentueuses aux eaux brunes et au lit caillouteux.

Port-au-Port-: Felix Cove
Port-au-Port-: Felix Cove

Port-au-Port-plage-Picadilly
La plage de Picadilly  à Port-au-Port

Port-au-Port : Felix Cove
Port-au-Port : Felix Cove
Les kilomètres se déroulent, dans le grand confort du Guépard puissant et silencieux. En début d’après-midi, nous bifurquons vers l’ouest et vers la côte pour aller explorer la péninsule de Port-au-Port, dite " Route des Ancêtres français " (le tout en anglais bien sûr, car le bilinguisme ici est inexistant et la francophonie quasi éteinte !).

Nombreux petits villages aux simples maisons blanches sans grande originalité, gazon partout tondu, paysage agréable de côte avec de rares embarcadères à bateaux.

De quoi vivent tous ces gens puisqu’on n’aperçoit aucune industrie ni trace d’agriculture ou d’élevage? Le moratoire sur la pêche à la morue a également éliminé cette ressource. Toujours impossible de trouver une épicerie… Que mange-t-on ici puisqu’on ne voit même pas de jardin potager autour des maisons… ?

Petit Jardin, Cap Saint-Georges, Grande Terre, Lourdes… quelques enseignes de boutiques aussi suggèrent une certaine présence francophone, mais c’est la seule indication restante de l’ancienne occupation française pourtant très importante sur la côte ouest de Terre-Neuve, il y a très longtemps, semble-t-il …

En milieu d’après-midi, nous reprenons la TCH vers le nord pour arriver vers 18:00 à Corner Brook, une grosse ville qui s’est développée autour de sa papeterie. Quelques courses d’épicerie dans une pharmacie qui fait également office de dépanneur (car ici tout est fermé le dimanche) et nous reprenons l’autoroute qui longe le beau Deer Lake jusqu’à la ville du même nom. Nous nous endormons assez tard sur le parking de l’église, après que les jeunes qui y jouaient bruyamment soient allés se coucher eux aussi.


Lundi 14 août 2000 : de DEER LAKE à PARSON’S POND (164 km)

Après un excellent sommeil en plein centre de la petite ville, départ vers 9:15, objectif le Parc National de Gros Morne. 

Vallee-et-lac

Route dans la forêt entre Deer Lake et Gros Morne National Park

Vallee-dans-la-foret

-Gros-Morne-depuis-Woody-Point
 Gros Morne depuis Woody-Point

Le beau temps se poursuit, incitant aux balades dans ce magnifique cadre montagneux. Une première petite incursion dans le sous-bois nous mène jusqu’à la chute Southeast Brook Falls mais il y a bien peu d’eau dans la cascade par ailleurs assez haute.
Balade vers Southest Brook Falls
Balade vers Southest Brook Falls

Gros-Morne-phare-de-Lobster-Cove
Phare de Lobster Cove

Gros-Morne : Bonne Bay depuis Lobster Cove
Gros Morne : Bonne Bay depuis Lobster Cove

Joli détour ensuite vers Rocky Harbour et le phare de Lobster Cove où nous descendons sur la plage de galets, avant d’aller admirer le panorama circulaire depuis les hauteurs de Berry Hill.

Plage
        de Lobster Cove
Plage de Lobster Cove

Western Brook Pond, au fond les montagnes de
                      Gros Morne
Western Brook Pond, au fond les montagnes de Gros Morne

Il est 15:30 lorsque nous mettons nos chaussures de marche pour franchir les 5 km menant à l’embarcadère du tour en bateau sur Western Brook Pond, malheureusement trop tard pour attraper la dernière ronde de 16:00… C’est quand même une bonne marche en nature (très bien accompagnée par d’intéressants panneaux explicatifs) qui nous ramène fatigués et contents à notre Guépard : nous avons fait notre plein de paysages et d’exercices pour la journée !

Gros
        Morne : Western Brook Pond
Parc National de Gros Morne : Western Brook Pond

Western Brook Pond
Le Gros Morne depuis Western Brook Pond

Encore une cinquantaine de kilomètres pour sortir du parc - en apercevant au passage trois orignaux occupés à brouter en bordure de la route - jusqu’au pauvre village de pêcheurs de Parson’s Pond. Après un grand tour dans les rues gravelées, nous allons dormir sur une grande esplanade nivelée à l’entrée sud du village. Femeille orighnale et son petit
«Moose, moose !» Femeille orignale et son petit; elle porte une blessure sanglante à la patte arrière droite

Gros
          Morne : deux jeunes orignaux
Gros Morne : deux jeunes orignaux


Mardi 15 août 2000 : de PARSON’S POND à FLOWERS COVE (477 km)

Nuit paisible, mais réveil assez tôt par le fracas des moteurs des gros camions passant sur la route dont nous sommes trop proches. Nous démarrons donc sans délai. Monique encore fatiguée par la marche d’hier ne tarde pas à somnoler tandis que je continue à rouler régulièrement vers le nord. Route sans grand relief qui longe le rivage plutôt plat à notre gauche, tandis qu' à l’horizon à droite se profilent les crêtes des Long Ranges.

Port-au-Choix-phare-Pointe-Riche
  Port-au-Choix
: le phare de Pointe Riche dans la brume
Deux heures plus tard, sous un ciel très nuageux, détour vers la péninsule de Port-au-Choix pour visiter le centre d’interprétation de Parcs Canada consacré à la vie préhistorique sur ce promontoire occupé depuis 8 000 ans av. J.C., comme l’ont montré plusieurs campagnes de fouilles. Le petit cimetière au centre du village, bordé d’un Heritage Centre (musée d’histoire locale), me semble de bien peu d’intérêt.

En revanche le Centre d’interprétation du Parc fédéral que nous finissons par découvrir au bout de la péninsule, s’avère très bien documenté.

Une belle exposition des objets découverts sur place et une présentation de l’évolution de l’occupation du site nous familiarise un peu avec les peuples qui se sont succédé ici depuis 10 000 ans.

Le temps continue d’être très gris lorsque nous poursuivons la route côtière vers le nord, semée de minuscules villages aux maisons blanches dispersées autour de petites anses sur des bosses rocheuses et gazonnées. Pas d’arbres ni de jardins, nature sauvage et rude qui nous amène encore à nous demander : " De quoi vivent tous ces gens ? ".

  Port-Daniel-observatoire-baleine
Port-Daniel : observatoire des baleines


La route vire bientôt vers l’intérieur. Elle traverse des paysages désolés où affleurent souvent les rochers dans une toundra confinant au désert. Paysage un peu plus riant en atteignant Griquet-St-Lunaire, puis enfin l’Anse-aux-Meadows, but de ce long détour à l’extrême pointe nord de la province que baigne le froid détroit de Belle-Isle.
St-Lunaire

L'Anse-aux-Meadows
L'Anse-aux-Meadows

L'Anse-aux-Meadows
Rivage de l'Anse-aux-Meadows et implantation viking

Le site historique des premiers débarquement et installation d’Européens il y a maintenant 1 000 ans (on en célèbre le millénaire cette année !) a été très bien mis en valeur par Parcs Canada : centre d’interprétation d’une belle muséographie, rappel des textes historiques des sagas noroises qui ont mis les archéologues norvégiens sur la piste.

  L'Anse-aux-Meadows
Site de l'Anse aux Meadows

Mais surtout, juste à côté de la terrasse herbeuse où l’on a retrouvé les traces des habitations, on a reconstruit 3 bâtiments traditionnels des Vikings du XIème, des huttes en briques de tourbe.

  L'Anse-aux-Meadows-maison-viking-&-riviere
L'Anse-aux-Meadows : maisons viking à toit de chaume et rivière

L'Anse-aux-Meadows-maison-reconstituee
L'Anse-aux-Meadows : la maison viking reconstituée

Deux gardiens en costumes d’époque expliquent - malheureusement uniquement en anglais - la façon dont ces hardis navigateurs se sont adaptés au milieu hostile et ont réussi à tenir plusieurs années cet avant-poste de colonisation occidentale. Le cadre naturel est lui aussi superbe, si bien que la visite du site s’avère une promenade très agréables en plus d’être passionnante, sous le soleil et le ciel bleu maintenant dégagé.

L'Anse-aux-Meadows-scene-dans-la-maison
L'Anse-aux-Meadows: veillée dans la hutte viking
L'Anse-aux-Meadows-femme-viking-cousant
L'Anse-aux-Meadows : femme viking cousant

L’après-midi est bien avancé lorsque nous reprenons la route vers le sud. Le soir qui tombe tôt à cause du ciel à nouveau bas nous arrête au dessus de la plage à Flower’s Cove, sur une vaste terrasse herbeuse entre mer et route, en compagnie de trois autres camping-cars qui ont choisi cet espace tranquille pour passer la nuit.

St-Lunaire
Griquet-St-Lunaire au couchant


Mercredi 16 août 2000 : de FLOWER’S COVE (Ste-Barbe) à NORRIS ARM (608 km)

Lever tôt sur notre grève déserte pour un décollage bien avant nos voisins motorisés, vers 9:00. Ciel gris, brouillard et quelques déchirures de ciel bleu, avec des petites pluies fines et serrées de temps à autre… La route assez monotone - déjà empruntée à l’aller - suit la côte en traversant les mêmes petits villages aux maisons blanches dispersées parallèlement au rivage. Il ne fait pas assez clair pour qu’on aperçoive la côte du Québec ou du Labrador dont nous nous sommes distants de moins de 20 km. Nous roulons longuement sans détour ni arrêt, puisque les quelques sites ou attractions touristiques ont déjà été découverts à l'aller.

Comme il faut néanmoins se dégourdir les jambes et profiter du soleil qui apparaît quand même parfois à éclipse, nous allons faire un tour sur la plage de Broom Point, une petite pêcherie aménagée pour la visite par Parc Canada sur le rivage du Parc de Gros Morne. L'exposition sur la pêche locale ne nous attire guère mais la petite anse entourée de rochers et les points de vue sur la côte ici assez accidentée ne nous font pas regretter notre pause. Gros Morne : Monique devant Broom Point
Gros Morne : Monique devant Broom Point

Gros-Morne : Broom-Point
Gros-Morne: Jean-Paul sur Broom Point

Gros-Morne-Broom-Point
Gros Morne : la petite pêcherie de Broom Point



Dès notre départ, le ciel se couvre à nouveau et il pleut lorsque nous arrêtons sur la berge de Bonne Bay pour déjeuner. La bruine et les nuées estompent le paysage frappant, si semblable à ceux d’Écosse ou même de Norvège : falaises et petites montagnes aux pentes accusées, vastes étendues d’eau calme et limpide, nature verdoyante et sauvage…

Parc
                  national de Gros-Morne : Bonne Baie
Parc national de Gros-Morne : Bonne Baie

Birchy Lake
Birchy Lake
Nous repartons bientôt pour rattraper la TCH à Deer Lake où nous regarnissons la cambuse dans le Foodland déjà visité à l’aller. Le beau temps nous a rejoint et nous accompagne tandis que nous contournons le vaste Sandy Lake (Lac de Sable) puis longeons l'interminable Birchy Lake (Lac aux Bouleaux) dans une large vallée où la route file toute droite. À peine avons-nous rejoint le rivage maritime du fond de la Halls Bay à South Brook que la route s’incurve vers l’intérieur et s’enfonce à travers forêt et lacs.
L’après-midi touche à sa fin lorsque nous arrivons à Grand Falls-Windsor qui vit surtout de l’exploitation forestière et de sa grande usine de papier. Celle-ci profite de l’énergie produite par le barrage installé sur une chute impressionnante de la rivière Exploits.

La rivière est aussi renommée pour ses saumons, une abondante et précieuse ressource connue et exploitée depuis des siècles par les Béothuks, un peuple amérindien aujourd’hui disparu suite aux massacres et aux épidémies transmises par les Européens au fur et à mesure de leur occupation du pays. Restent les saumons qui continuent à remonter nombreux les flots tumultueux de la rivière et pour lesquels on a aménagé une spectaculaire échelle à poisson au niveau des chutes. 
Grand-Falls
  Grand-Falls

Dans le Centre d’interprétation des salmonidés installé sur son trajet, on découvre une riche information sur l’espèce et surtout, dans le sous-sol, une grande vitre donnant sur le sas par lequel transitent les migrateurs. Spectacle étonnant que ces longs corps fuselés et brillants nageant puissamment dans bassin, comme pour se reposer de leur suite de sauts acrobatiques tout au long de l’échelle. À l’extérieur du petit bâtiment, une ouverture dans la couverture du canal permet de voir les poissons se lancer dans les tourbillons et franchir un seuil où court l’eau vive. Spectacle fascinant qui me retient un long moment et que je tente de filmer à la vidéo.

Le soir tombe lorsque nous reprenons la grande route vers l’ouest pour encore une quarantaine de kilomètres. Quand nous atteignons le fond de la Bay of Exploits, nous longeons un petit peu la côte près de Norris Arm jusqu’à trouver un stationnement entre deux grandes maisons de campagne, au bout d’une impasse donnant sur la mer. L’air est tiède, la vue agréable mais ici encore les moustiques veillent !


Jeudi 17 août 2000 : de NORRIS ARM à TRAYTOWN

Il pleut beaucoup durant la nuit, nous nous consolons en constatant encore une fois la parfaite étanchéité du Guépard…

Route-des-Iles
Route des Iles
Devant le peu d’intérêt de la route de l’intérieur, je décide de parcourir la " Route des Îles ", à la découverte des fameux " outports ", ces minuscules ports de pêche typiques de Terre-Neuve. Nous ne sommes pas déçus : la petite route sinueuse ne tarde pas à longer continuellement la mer en offrant sans cesse de jolis points de vue sur l’eau bleue, les anses rocheuses environnées de sapins, les petits quais de bois plus ou moins branlants où accostent des barques de pêche tandis que des hameaux, voire des maisons isolées aux couleurs vives se nichent près le rivage.

À Boyds Cove les archéologues ont retrouvé les restes d’un campement béothuk qui a été fouillé et dont le site a été admirablement préservé. C’est pour nous l’occasion d’une visite intéressante et émouvante du Centre d’interprétation fort bien conçu qui présente l’histoire et les mœurs de ce peuple amérindien aujourd’hui disparu, des chasseurs/pêcheurs/cueilleurs qui surent admirablement profiter des ressources variées de leur île, exploitant la côte et ses richesses en été, se repliant sur l’intérieur pour pêcher le saumon et chasser le gibier en hiver.

 Malheureusement ici encore on constate l’illusion - soigneusement entretenue par le fédéral à Ottawa - d’un Canada bilingue : toutes les notices, vignettes et autres informations sont exclusivement unilingues anglaises, oubliant et niant carrément l’autre peuple fondateur et réservant aux francophones un sort - culturel - bien proche des celui des pauvres Béothuks… Un petit billet bien senti pour signaler ce paradoxe aux gestionnaires du Musée, puis nous enfilons un joli sentier dans le boisé pour aboutir sur le site de l’ancien village d’été.

Au fond d’une anse bien abritée, un ruisseau à saumons fournissait l’eau fraîche, tandis qu’une ancienne moraine offrait une terrasse bien drainée à l’établissement des habitations. Il ne reste bien entendu plus rien des huttes de bois et de peaux, mais une statue de bronze dans le sous-bois évoque la silhouette d’une femme autochtone dans ses beaux vêtements de peaux. Silence et solitude poignants lorsqu’on se prend à songer au destin de ce peuple rayé de l’histoire essentiellement par les maladies transmises par les Blancs,  comme pour tant d’autres amérindiens.
Fantôme des Beothuks
Fantôme des Beothuks...


Nous poursuivons la Route des îles le long de laquelle se succèdent de jolis points de vue sur les anses où nichent de minuscules ports : quelques maisons colorées, un vieux quai de bois, quelques barques qui dansent sur le clapot… comme à Summerford ou, plus loin, à Purcell’s Harbour où nous nous arrêtons pour pique-niquer.

Purcell's Harbour
Purcell's Harbour

Nous finissons par arriver au bout de l'archipel dont les îlots sont reliés par des digues ou des ponts, à Durell.

Durell
Durell

Durell
Durell

Beau point de vue circulaire sur les différents petits ports et les maisons de bois dispersées autour d’une large baie, depuis le stationnement du musée d’histoire locale.

Le port de
        Twillingate
Le port de Twillingate

Twillingate
Twillingate

Twillingate
Twillingate : maison de maître
 Nous poursuivons jusqu’à Twilingate dont les quais de bois sur pilotis, les cabanes de planches rouges ou blanches et les barques colorées me rappellent vivement la Norvège, y compris la belle maison de maître que nous attribuons à un hardi capitaine ou à un opulent marchand…

Twillingate Outport
Twillingate Outport

Nous poussons jusqu’à Crow Head, là où la route s’arrête sur un cap à pic avec vue étendue sur d’autres îles à l’horizon, comme dans les Hébrides en Écosse…

Crow Head
Crow Head

Crow Head
Crow Head

Happy
                Adventure
Happy Adventure

Cape
          Bonavista
Cape Bonavista

Cape-Bonavista
Cape Bonavista
Puis c’est le magnifique panorama depuis le phare. Si le bâtiment en lui-même nous semble assez quelconque, la succession des caps aux rochers rouges s’avançant dans les eaux émeraudes de l’océan, tout ourlés d’écume et de rouleaux qui déferlent violemment en vagues énormes, forme un spectacle prenant et captivant.
La route de retour vers l’intérieur est évidemment beaucoup moins spectaculaire, et nous passons rapidement Gander et son musée de l’aviation, là ou nous rattrapons la Transcanadienne. Après un autre section de lacs et forêts assez monotone, dans le soleil couchant et le ciel qui grisaille nous passons le Joey’s Lookout qui offre un large panorama sur le village de Gambo. Ses maisons dispersées s’étalent entre deux lacs, dans un zone apparemment marécageuse assez pittoresque.

Encore quelques kilomètres dans le soir qui descend, et nous cherchons un bivouac au bord de l’eau. Nous le trouvons au bout d’un impasse, entre deux vastes maisons de campagne à Trayton. La nuit s’annonce humide…
Gambo : Joey's-Lookout
Gambo : Joey's Lookout


Vendredi 18 août 2000 : de TRAYTOWN à ELLISTON (près Bonavista) (211 km)

Effectivement la pluie ne cesse de tambouriner sur le toit durant la nuit, et le remblai sur lequel nous avons élu domicile est devenu un bourbier heureusement sur fond de caillasse. Le démarrage ne pose donc pas de problème mais l’enthousiasme n’est guère au rendez-vous, sous le ciel bas et gris qui nous accompagne durant toute la matinée. Nous nous engageons bientôt dans la vaste étendue sauvage du Parc national de Terra Nova : ici les signes d’occupation humaine disparaissent pour laisser place à la seule forêt occupant toutes les pentes des collines jusqu’à l’horizon maritime. Nous quittons la grande route pour gagner le Centre d’interprétation de l’Océan, tout au fond du Newman Sound, un magnifique fjord qui pénètre profondément dans le territoire du parc. Malheureusement les tours d’observation en bateau sont complets et, qui plus est, unilingues anglais… Tant pis, nous tâcherons d’aller observer les baleines ailleurs. Ignorant l’existence du belvédère de Blue Hill et incapable de trouver le chemin menant à celui de Ochre Hill, nous quittons le parc dont les balades nous semblent peu attirantes sous les nuages et le crachin.

Le ciel se dégage peu à peu lorsque nous bifurquons à partir de Port Blandford pour aller explorer la péninsule de Bonavista. Si les sections de la route traversant l’intérieur des terres manque d’intérêt (forêt et tourbières sur fond rocheux), en revanche les aperçus sur la mer au fond des baies sont autrement pittoresques car le rivage est extrêmement découpé et parsemé de hameaux, voire de maisons de pêcheurs isolées, dont les planches colorées et les quais sur pilotis de bois rappellent beaucoup la Norvège. Mais ici on parle de Coves, i.e. d’anses souvent étroites et de forme tarabiscotée, qui font la réputation des " outport " de Terre-Neuve.

Enfin nous arrivons à Bonavista dont la tradition locale fait le premier sol américain touché par le grand navigateur Giovani Cabotto en 1497. Dans le charmant petit port, quelques bateaux de pêche occupent le plan d’eau bordé de maisons aux couleurs vives et d’anciens quais sur pilotis. Profitant d’un coup de soleil et du ciel maintenant complètement dégagé, nous prenons la route du fameux Cap Bonavista, découvert et nommé par Cabot réconforté par la vue de la terre ferme après sa longue et hasardeuse navigation. Une statue de bronze commémore son heureuse arrivée.

Cape Bonavista : le phare
Un peu plus loin, à l’extrémité des falaises abruptes dominant une magnifique côte rocheuse se dresse le premier phare (1843) construit sur la côte nord de Terre-Neuve. Si des travaux de restauration en empêchent la visite, au moins les abords en sont-ils accessibles.
Ils offrent des vues splendides sur la côte et sur une colonie de macareux moines établie sur un gros rocher à quelques dizaines de mètres du cap. Après ce grand bol d’air et de longues minutes d’observation des oiseaux allant et venant de la mer à leur nid, nous retournons au village de Bonavista. Le phare de Bonavista en restauration
Le phare de Bonavista en restauration

Bonavista : le port
 Port de Bonavista

Bonavista : le port
Bonavista : le port

Plusieurs bâtiments anciens se disputent l’intérêt des touristes; nous retenons d’abord et surtout le Matthew, une magnifique réplique de la caravelle de John Cabot qui est mouillée à l’entrée du port, devant son garage hivernal. Elle a été construite par les Anglais de Bristol en 1995 pour commémorer le 500ème anniversaire de la première conquête de l’Empire britannique : Terra Nova.  

Bonavista-Mathew
Bonavista : le Mathew toutes voiles dehors
De la proue surélevée au château arrière, l’espace est limité, et l’on admire le courage de la vingtaine d’homme accompagnant le hardi navigateur pour deux mois de traversée sur un océan encore inconnu. Dans le pont inférieur où la lumière pénètre parcimonieusement par le panneau de pont, on n’entend que clapotis de l’eau le long de la coque aux grosses membrures de chêne.

Sur les trois mâts en longs pins rectilignes, tout un arsenal d’agrès permettait de hisser et d’orienter les grandes voiles carrées. Sous le pont arrière, le timonier manœuvrait une longue barre directement frappée sur le haut gouvernail d’étambot, tandis que de chaque côté, deux petites cellules abritaient le capitaine et son second.

Visite émouvante et instructive, qui laisse songeur devant l’ingéniosité déployée et la rusticité des moyens de l'époque, maintenant que l’on traverse le même Atlantique Nord en quelques heures…
Bonavista-le-Mathew
Bonavista : le Mathew
 
Bonavista-le-Mathew
Bonavista : le Mathew tribord 3/4 arrière
Bonavista : le Mathew arrière
 
Le-Mathew-de-John-Cabbot
Réplique du Mathew de John Cabbot
Bonavista-le-Mathew
Bonavista : le Mathew babord 3/4 arrière
 
Bonavista-Monique-sur-la-passerelle-du-Mathew-de-John-Cabbot
Bonavista : Monique sur la passerelle du Mathew de John Cabbot

Jean-Paul sur le pont du Mathew
Jean-Paul devant le Mathew

Bonavista-Monique-a-bord-du-Mathew
Bonavista : Monique à bord du Mathew

Port de Bonavista en 1912, Ryam Premises au
                    2ème plan
Port de Bonavista en 1912, Ryan Premises en 2ème plan
Autre visite attrayante, celle des Ryan Premises, l’ancien établissement d’un de ces marchands qui contrôlaient le marché du poisson - et la vie des pêcheurs - sur la côte de Terre-Neuve au XIXème. Les différents bâtiments ont été racheté en et réaménagés par Parc Canada qui en a fait un passionnant centre d’interprétation sur la morue et sa pêche à Terre-Neuve. Il est malheureusement déjà tard et nous n’aurons pas le temps d'en visiter toutes les salles avant la fermeture.

Ryan
            PremisesBonavista :
Bonavista : Ryan Premises,  maintenant Parc national historique du Canada

Bonavista Ryan Premises maison
Bonavista : maison de maître des Ryan Premises

Suivant les conseil de l’un des jeunes guides, nous prenons la direction du petit port d’Elliston, le long de la côte rocheuse au sud de Bonavista, pour établir notre bivouac dans la paix du soir juste au dessus de l’anse. Bivouac
                    devant le mouillage d'Elliston
Le mouillage d'Elliston devant notre bivouac


Samedi 19 août 2000 : de ELLISTON à FORTUNE (Péninsule de Burin)

Elliston : caveau à légumes
Elliston : caveaux à légumes
Nuit super-tranquille devant la plage déserte et les quelques maisons au dessus du petit quai. Un grand soleil accompagne notre lever à 7:30. Départ une heure plus tard. Petit détour sur la côte  pour voir une île aux oiseaux et des caveaux à légumes bientôt masqués par un épais banc de brouillard qui s’estompe peu après.

P
uis nous filons au sud. Après quelques kilomètres à l’intérieur des terres (maigre forêt de pins et de sapins comme d’habitude),  nous retrouvons la côte découpée à Trinity, l’un des plus anciens petits ports de Terre-Neuve (1501).

Il a évidemment perdu la plus grande part de son activité avec le déclin de la pêche mais a conservé ses petites maisons blanches anciennes entourées de clôtures basses en planches également blanches, ses églises et bâtiments publics (cour de justice maritime, magasins des négociants en poisson du XIXème, etc.). Trinity
Centre de Trinity près de l'église

Centre
                    de Trinity
Centre de Trinity
Longue promenade dans les petites rues aérées typiques, en visitant au passage Hiscock House, la maison familiale d’une marchande de la fin du siècle dernier, puis une boutique d’artisanat sur le port. Monique y achète un superbe chandail de laine en torsades pour Mathieu. Puis c’est la grande maison reconstruite de l’un des seigneurs du commerce de Terre-Neuve (XVIIIème/XIXème). Bref une agréable balade dans des temps révolus…

Hiscock-House
Hiscock House

Trinity : l'église
Trinity : l'église de 1830

Après le pique-nique sur le port, nous rattrapons la Transcanadienne par une longue route d’intérieur (230) monotone (forêt maigre dans un paysage vallonné) au revêtement assez défoncé. À Clarenceville reprend la grande nationale confortable et rapide. Plein d’essence avant de bifurquer cette fois sur la 210 vers le sud pour explorer maintenant la Péninsule de Burin.

Le temps est malheureusement maussade, si bien que les paysages de landes et de tourbières se noient dans la grisaille. Nous descendons au sud-est vers Fortune où nous comptons prendre le bateau pour les îles françaises de St-Pierre et Miquelon. Quelques courses au centre d’achat de Marystown, la " capitale " de la péninsule, après un plein d’eau sur le boyau du Bureau d’information touristique où l’on nous répond en français (!). Nous rattrapons bientôt la côte, plutôt déserte, qui devient de plus en plus sombre avec le crépuscule qui descend. On passe rapidement Grand Bank et son Musée de la Pêche pour arriver pas trop tard dans le petit port de Fortune et y prendre les renseignements concernant le passage vers St-Pierre. Il y a effectivement une vedette qui part demain matin à 8:00 et revient en milieu de journée, ce qui laisse amplement le temps de prendre le pouls de tout ce qui reste de France en Amérique du Nord… Nous verrons demain à confirmer notre embarquement en fonction du temps. En attendant nous passerons la nuit sur le quai, à deux pas du bateau.

Pecherie-a-Trinity-East
Pêcherie à Trinity East

Trinity :
          ruine à British Harbour
Trinity : ruine à British Harbour


Dimanche 20 août 2000 : de FORTUNE à ST-JOHN’S

Vent et pluie se succèdent toute la nuit, si bien que c’est du fond de notre couchette que nous entendons le bateau partir vers St-Pierre à 8:00. Lorsqu’enfin nous émergeons, la bruine et le brouillard cachent une bonne part du paysage.

Molliers : la maison aux animaux en bois
                    découpé
Molliers (Burin) : la maison aux animaux en bois découpé
Nous poursuivons néanmoins notre tour de la péninsule de Burin, le long d’une côte basse voire marécageuse ponctuée de quelques hameaux de pêcheurs comme Point May, Lamaline ou Point au Gaul. Impossible d’apercevoir les îles françaises à l’horizon bouché... Seule une maison au décor naïf, coloré et exubérant vaut un arrêt, tant sa débauche d'animaux en bois découpé et peint (muettes, oises, vhe et cheval, élan...) au milieu de nulle part touche au surréaliste…

Coup d’œil pittoresque sur le petit port de Lawn au fond de sa baie envahie par la brume, avant de gagner St-Lawrence où eut lieu en 1942 un naufrage spectaculaire et catastrophique. En pleine tempête de neige aveuglante, deux destroyer américains se sont égarés et jetés à la côte avant de couler au pied des falaises de Chamber Cove. Lawn dans
                    la brume
Descente vers le village de Lawn dans la brume

Jean-Paul devant Chamber Cove à St Lawrence
Jean-Paul devant Chamber Cove à St Lawrence
Si le village est égal à ceux que nous avons déjà découverts avec ses petites maisons de planche colorées et ses quais où sont amarrés quelques barques de pêche, la visite du site du naufrage est le prétexte d’une belle balade sur la côte, au bout d’une mauvaise piste en terre.

Après une longue montée dans un maquis que l'on appelle ici tuckamore, formé d'herbes hautes et de résineux nains étêtés par le vent et le sel, on approche un large panorama sur la côte rocheuse sur laquelle viennent se briser avec fracas les grosses lames de l'Atlantique. Paysage sauvage et rude, le décor idéal pour le tragique naufrage rapporté par la chronique.  Burin - St-Lawrence L plage devant Ship Cove
Burin - St-Lawrence : plage devant Ship Cove

Monique devant Ship Cove bay St-Lawrence
Burin : Monique devant Chamber Cove (près de St-Lawrence)
Il ne reste plus rien des épaves de deux grands navires d'acier, dont on ne devine même plus la silhouette à travers l'eau émeraude et transparente, sinon une poutrelle rouillée accoté contre un gros rocher au pied des éboulis. Le sauvetage des 150 survivants dut être un exploit, lorsqu'on considère les falaises à pic et la violence de la mer. Le temps gris et bruineux s'accorde à l'aspect désolé des lieux pour contribuer à l'ambiance toute minérale, froide, et mélancolique.

De retour à la chaleur réconfortante du Guépard, un bon repas nous remet en forme pour la suite de la route qui nous ramène vers la TCH, après une longue traversée de la péninsule sous la pluie jusqu'à Marystown, puis dans un épais brouillard qui nous ralentit beaucoup.

Burin-Marystown
Marystown

  Burin Harbour depuis Collin's Hill
Burin Harbour depuis Collin's Hill
Petit port à Burin Bay
Petit port à Burin Bay
Nous n'aurons donc guère l'opportunité d'admirer les landes désolées traversées hier et encore moins de les filmer… Nouveau plein d'essence à Goobies, avant de filer sur l'autoroute en direction de St-John's. Le ciel se dégage très progressivement lorsque nous approchons la péninsule d'Avalon et traversons d'autres landes rocheuses parsemées de tourbières et de petits lacs. Le soleil brille enfin sur la dernière section d'autoroute nous menant au cœur de la capitale terre-neuvienne, pour enfin disparaître lorsque nous abordons la rude montée menant à Signal Hill, au dessus du goulet donnant accès au port. 
Vent froid et bruine à nouveau tandis que nous admirons la ville illuminée et son large bassin abrité où pénètrent quelques navires attardés dans la pénombre. Nous hésitons à dormir sur le stationnement du monument, Parc national et donc très fréquenté, ou près de son centre d'interprétation pourtant fort joliment situé à flanc de montagne. Nous préférons jeter notre dévolu sur une ruelle paisible un peu plus bas qui devrait nous garantir un sommeil paisible. Crépuscule sur Signal Hill et le goulet donnant
                    accès au port de St John's
Crépuscule sur Signal Hill et le goulet donnant accès au port de St John's


Lundi 21 août 2000 : de ST-JOHN‘S à WHITBOURNE (carrefour de la route 81)
St-John's : la maison rose
St-John's : bivouac devant la maison rose
Sommeil effectivement tranquille sur une ruelle transversale au flanc de Signal Hill, devant une maison un peu kitsch agrémentée de décorations roses naïves et populaires qui étonnent à défaut de plaire.

Orage et pluie durant la nuit, mais ciel sec au réveil et dégagement progressif en matinée. Nous décollons vers 9:30 après douche et vaisselle, puis écriture du courrier et tri des prospectus et autres catalogues touristiques ramassés depuis notre départ. 

Nous remontons à la Cabot Tower noyée dans la brume, puis je risque quelques photos et plans vidéo depuis le centre d’interprétation de Parcs Canada à mi-pente.  

Le
          port de St Johns depuis Signal Hill
Monique devant le port de St John's depuis Signal Hill


Cabot
          Tower sur Signal Hill
Cabot Tower sur Signal Hill

 Toujours à la recherche d’une librairie francophone, une visite à la Fédération des Francophones de Terre-Neuve et du Labrador nous fait rencontrer deux jeunes permanentes, toutes deux québécoises, avec lesquelles nous avons une longue discussion sur la faible visibilité des quelques 0,5% Terre-Neuviens francophones (c’est tout ce qu’il en reste…), et sur le peu d’attention portée à notre langue par les autorités locales.

Nantis de 2 adresses fournies par les demoiselles, nous poursuivons notre exploration de la rue principale de St-John’s (Water Street), et nous lançons à la recherche de bouquins pour Monique arrivée au bout de son stock, mais avec bien peu de succès. La première petite librairie tenue par une française originaire de Marseille donne dans l’ésotérique, et propose à peine une dizaine de romans acadiens sur ses tablettes.

Dans l’autre, l’une des principales librairies anglaises de la capitale, il faut 5 minutes de recherche au libraire pour découvrir dans le sous-sol une travée de vieux livre usagés écrits dans la langue de Molière, livres destinés aux étudiants en français langue seconde et donc essentiellement composés de classiques " plates " et de grammaires… Plutôt congrue, la diffusion de la culture française dans cette province pourtant membre de la francophonie canadienne et mondiale !
 

Nous montons ensuite au site de Quidi Vidi pour déjeuner. Joli panorama sur l’étroit goulet du petit port de pêche, mais les 5 dollars exigés pour accéder au Parc provincial de la Batterie nous semblent exagérés. 
Le minuscule port de Quidi Vidi
Le minuscule port de Quidi Vidi

Retour au Newfoundland Hotel pour une visite guidée du vieux St-Jean avec une jeune étudiante bilingue (père québécois, mère hollandaise…) qui nous fait faire le tour de la vieille ville en nous informant consciencieusement des dates de construction de tel ou tel édifice et de quelques événements marquant l’histoire de la ville. La demoiselle est gentille, mais son commentaire nous semble pauvre et sans perspective, tandis que son sujet (petites maisons de bois colorées en rangée) s’avère sans grande originalité ni style. Il faut dire qu’il y a peu matière à voir, car toute la vieille ville a brûlé en 1896 et sa reconstruction a été des plus ordinaires.  

Les maisions de bois aux couleurs vives de St-John's
Maisons de bois aux couleurs vives de St John's reconstruites après l'incendie de 1896

 Rue du
            vieux St-John's (début XXème)
Rue du vieux St John's (début XXème)

St-John's Downtown
St-John's Downtown et la cathédrale
St-Johns-Signal-Hill-depuis-le-port
St John's : Signal Hill depuis le port

  Centre ville de St John's
Centre ville de St John's

St-John's : Signal Hill et le goulet
St-John's : Signal Hill et le goulet

Signal Hill, et un iceberg devant le goulet
Signal Hill et un iceberg dans l'axe du goulet

Un peu déçu par cette capitale (de faible dimension il est vrai puisqu’elle compte à peine 150 000 habitants), nous décidons d’aller contempler les vastes paysages marins depuis le Cap Spears, le point le plus oriental de l’île et donc du Canada, site du plus ancien phare canadien. Grandiose panorama avec les falaises de Signal Hill et de Quidi Vidi à l’horizon. Dans le parc historique intégrant l’ancien phare maintenant désaffecté, deux batteries enterrées munies d’énorme canons datent de la IIème guerre mondiale. Mais le clou de la balade est incontestablement le troupeau de baleines qui s’ébattent dans la baie en soufflant et en faisant le gros dos au milieu des vagues. 

Phare
                    du Cape Spears
Phare du Cape Spears sur son rocher face à l'Atlantique Nord
Le
                    phare du Cape Spears et ses annexes
Le phare du Cape Spears et ses annexes maintenant musée

Cap Spears, au fond Signal Hill et l'entrée du port de
            St John's
Cap Spears, au fond Signal Hill et l'entrée du port de St John's

Guépard sur la route du Cape Spears vers
                    St-John's
Guépard sur la route du Cape Spears vers St-John's
De retour à St-John’s en fin d’après-midi, nous prenons Marine Drive vers le nord. Rien de bien extraordinaire : si la  côte rocheuse est jolie, elle est surtout devenue lotissement pour une flopée de maisons de banlieusards... Interrompant notre tour à Torbay, nous traversons la péninsule au plus court vers St-Philipps et rattrapons la TCH pour filer vers l’est en direction de Port-aux-Basques. 

Magnifique coucher de soleil sur les tourbières et les étangs de l’intérieur. Bivouac dans la nuit 80 km plus loin, à l’intersection de la route 81, sur le stationnement d’un centre d’achat rural (long hangar en tôle grise dont les divisions constituent autant de magasins…).  
Depuis la Transcanadienne, soleil couchant en quittant St
          John's
Depuis la Transcanadienne, soleil couchant en quittant St John's


Mardi 22 août 2000 : de WHITBOURNE à PORT-AUX-BASQUES (872 km)

Lever tôt (7:00) pour partir à 8:00. La route derrière nous était assez passante dès 5:30 et notre emplacement donc pas vraiment bien choisi…

Le ciel est radieux au départ, la grande lumière élargit les paysages et embellit les points de vue sur la campagne déserte et les échappées vers la mer qui apparaît de temps à autre. Puis le ciel se charge progressivement au cours de notre longue progression vers l’ouest. En traversant à nouveau le Parc national de Terra Nova, 2 brefs arrêts aux belvédères de Ochre Hil puis de Blue Hill (d’ailleurs mal signalés, heureusement nous utilisons le Guide Vert Michelin !) nous permet d'admirer le grandiose paysage de petites montagnes arrondies et couvertes de forêts à perte de vue qui s’arrêtent sur des fjords découpés (Newman’s Sound).

Parc de Terra Nova : vue depuis Ochre Hill
Parc de Terra Nova : vue depuis Ochre Hill

Parc de Terra Nova : vue depuis la tour de
                      Blue Hill
Parc de Terra Nova : vue depuis la tour de Blue Hill

Terra-Nova-Blue-Hill-panorama
Parc national  de Terra-Nova : depuis Blue Hill belvédere,  panorama sur le Newman Fjord

Ce seront nos seuls arrêts de la journée, avec un plein d’essence en passant à Badger. Nous parcourons donc en sens inverse presque toute la Transcanadienne terre-neuvienne, en coupant les nombreux embranchements qui nous ont permis de si belles excursions, nous enfonçant progressivement dans la grisaille puis dans la bruine. Il est 19:30 lorsque nous arrivons enfin à Port-aux-Basques, sous un ciel qui a fini par se dégager. Peu de chance d’avancer notre passage sur le prochain bateau à 7:00 demain matin, (un voyage précédent ayant dû être annulé, ce qui a fait grimper la liste d’attente à 150 voitures !). Nous laissons donc le quai d’embarquement derrière nous et prenons le temps d’un long tour en voiture entre les maisons de pêcheurs dispersées sur le promontoire très découpé et pittoresque. D’anse en anse, nous finissons par découvrir un vaste terrain dégagé face à la mer où nous nous installons à la brunante pour passer la nuit.


Port-aux-Basques bassin des pêcheurs
Port-aux-Basques : bivouac devant une anse de pêcheurs

Mercredi 23 août 2000 : de PORT-AUX-BASQUES à IRISH COVE (Nouvelle-Écosse)

Lever peinard sous un beau soleil qui met en valeur le panorama de côte rocheuse découpée, le bleu profond de la mer et les petites maisons blanches ou pastels dispersées sur les gros rochers arrondis où niche le havre de Port-aux-Basques. Nous démarrons lentement la matinée puisque nous n’aurons pas le temps de faire grand chose avant de nous présenter à l’enregistrement des véhicules sur le port. Autre petit tour dans les ruelles sinueuses et montueuses du gros village, mise à pression des pneus à la station-service locale, achat d’huile à moteur au Canadian Tire pour retarder encore un peu la vidange maintenant due depuis plus de 2 000 km…  

Le petit port de Rose-Blanche en hiver
Le petit port de Rose-Blanche en hiver

Le petit port de Rose-Blanche en été
Le petit port de Rose-Blanche à la belle saison

En quittant Port-aux-Basques sur le Caribou
En quittant Port-aux-Basques sur le Caribou
Au départ de Port-aux-Basques, Monique sur le pont du
            Caribou
Au départ de Port-aux-Basques, Monique sur le pont du «Caribou»

Il est maintenant temps de gagner le quai d’embarquement mais nous devons attendre un bon moment l’arrivée du " Caribou " avant de prendre enfin la mer, toujours très belle, à 13:15, soit avec près d’une heure de retard. Temps superbe, seul le vent assez fort et frais finit par me faire abandonner le pont soleil.
 
Arrivée à North Sydney
Arrivée à North Sydney

Je passe quelques minutes auprès de Monique dans le grand salon, mais l’odeur de poussière, la crasse incrustée dans la tapisserie des fauteuils ainsi que le manque d’air et de lumière me ramènent sur le pont après un dîner rapide – et quelconque – à la cafétéria du bord. Nous passons donc le reste de la traversée sur les bancs au grand air, jusqu’à ce qu’apparaissent les côtes de la Nouvelle-Écosse que notre navire suit longuement (je crois même reconnaître la silhouette du Cap Smokey au pied duquel nous avions dormi à l’aller).
Débarquement bienvenu à North Sydney où nous nous engageons bientôt sur la route paisible qui suit la rive sud du Bras d’Or, le vaste lac intérieur occupant tout le centre de l’île du Cap-Breton. Plein d’essence (10 cents de moins qu’à Terre-Neuve !) et d’eau. Le soir tombe en nous gratifiant d’une magnifique coucher de soleil sur le lac. Une section de route désaffectée offrant une large vue sur le lac nous servira de bivouac pour la nuit. Nova Scottia : bivouac au crépuscule à Irish
                    Cove sur-Bras-d'Or
Nova Scotia : bivouac au crépuscule à Irish Cove sur le Bras d'Or


Jeudi 24 août 2000 : de IRISH COVE (Bras d’Or) à GRAND LAKE (Waterborough)

Nuit des plus paisibles et silencieuses que le ciel nuageux au réveil nous invite à poursuivre passé 9:30… La jolie route de campagne longeant le Bras d’Or se poursuit jusqu’à St-Peters, extrémité sud du lac et écluse qu'un gros remorqueur de l'Atlantique s'apprête à franchir sous le ciel gris… Nous rejoignons alors la grande route 104 (TCH) qui nous mène rapidement à Port Hawkesbury où je fais procéder au changement d’huile. Nous y  faisons aussi quelques course d’épicerie dans un grand Sobbeys où l'on trouve enfin presque tous les produits auxquels nous sommes habitués... Passage du Canso Causeway, la jetée qui relie l’île du Cap-Breton au continent. Puis l’autoroute rapide nous fait traverser d’est en ouest et non-stop toute cette partie de la Nouvelle-Écosse, trajet un peu long et monotone surtout sous le crachin et les averses passagères.

Aulac : Fort-Beausejour vu du ciel
Aulac : Fort-Beausejour vu du ciel
Il est 17:30 lorsque nous atteignons le Nouveau-Brunswick à Aulac. À peine avons-nous le temps de gagner le site de Fort-Beauséjour que vent violent et bruine nous accueillent sur les terre-pleins et les talus herbeux de l’une des dernières places-fortes de l’Acadie royale, mal défendue par les Français et vite tombée aux mains des Anglais beaucoup plus nombreux. Quelques artefacts intéressants dans le Centre d’interprétation…
Nous reprenons bientôt l’autoroute rapide et excellente jusqu’à Moncton où nous bifurquons sur la petite route 112 pour rattraper au plus court Fredericton. Campagne boisée et déserte, avec de rares maisons de forestiers disséminées le long de la route sinueuse.

Rattrapant la TCH (Trans Canada Highway) à Coles Island, nous faisons encore quelques kilomètres jusqu’au rivage du Grand Lake rougi par le soleil couchant. Nous y dressons bivouac sur un quai désert où accostaient autrefois (borne datée de 1926) les vapeurs sillonnant le lac.
New Brunswick : bivouac au bord du Grand-Lake
New-Brunswick : bivouac au bord de Grand-Lake


Vendredi 25 août 2000 : de WATERBOROUGH à MONTRÉAL (174 669) (950 km)

Nuit relativement tranquille, en dépit de la proximité de la route surchargée de gros camions et malgré les nuées de moustiques qui nous assiègent dès la nuit tombée : il va falloir améliorer notre système de moustiquaires !

Le
                      majestueux fleuve Saint-Jean (même si on dit « la
                      rivière »)
Le majestueux fleuve Saint-Jean (même si on dit « la rivière »)
Nous évitons Fredericton tout proche pour enfiler la grande route remontant le fleuve St-Jean. Si la circulation est assez dense dans cette large vallée qui relie les Provinces Maritimes au reste du Canada, la chaussée est excellente, rapide et offre tout au long de superbes dégagements sur le cours puissant de la rivière coupé de quelques barrages. Nous pique-niquons dans le parc aménagé près de l'un d'entre eux, admirons au passage le plus long pont couvert du Canada à Hartland et poursuivons notre remontée de la St-Jean.

Son lit devient plus étroit et agité, les maisons se raréfient tout en se montrant plus rustiques, l'altitude s'élève progressivement et le relief s'accentue. Nous évitons la grosse agglomération d'Edmunston, industrielle et semble-t-il peu attrayante, pour une autre centaine de kilomètres à travers pâturages et forêts et enfin rallier notre Québec en milieu d'après-midi, à Notre-Dame-du-Lac, au bord du grand lac Témiscouata. L'ambiance toute différente de ce village typiquement québécois, groupé autour du clocher pointu de son église nous frappe immédiatement, et nous prenons le temps d'en faire lentement le tour, nous attardant devant telle galerie fleurie ou tel petit jardin soigné, le long des rues descendant vers le lac.
 
Une affiche indiquant "Fromage frais" nous arrête brièvement dans une fromagerie au bord de la route, à la recherche d'un mythique "fromage blanc" hélas encore inconnu ici. Rivière-du-Loup n'est pas bien loin ; le temps maintenant radieux nous incite à une longue traînerie dans ses rues commerçantes, à la recherche d'une librairie - francophone ici bien sûr ! - où Monique pourra renouveler sa provision de bouquins. En quittant la petite ville, nous " tombons " littéralement sur le St-Laurent dont le vaste et majestueux estuaire commence à arborer des teintes mêlées d'or, de bleu profond et de violet. Son apparition au détour de la route nous fait pousser un Oh ! d'admiration, nous en profitons encore plus lors d'une longue pause au bord des battures de N.D. du Portage. Pause à la halte routière de N-D-du-Portage
Pause à la halte routière de N-D-du-Portage
Saint -André-de-Kamouraska
Une pimpante maison d'hôte à Saint -André-de-Kamouraska

Délaissant l'autoroute d'ailleurs assez chargée, nous suivons ensuite la petite et sinueuse mais combien charmante vieille route 132 pour remonter le "Bas du fleuve", admirant les îles des Pèlerins ancrées à quelques encablures dans le soleil couchant, puis les vieilles maisons de St-André et de Kamouraska, les fermes bien rangées parallèlement au rivage, sur la large terrasse fluviale au pied des derniers talus des Appalaches. La nuit finissant par tomber comme un sombre rideau sur le spectacle, nous nous promettons de revenir nous balader dans ce coin attachant dès que possible. Il faut alors se résoudre à rattraper l'autoroute vers Québec puis Montréal où nous arrivons en milieu de nuit après un voyage sans histoire.

Les battures du Saint Laurent devant Kamouraska
Les battures du Saint Laurent devant Kamouraska

Outremont, le 12 octobre 2000

____________________

Pour conclure en beauté, je vous propose quelques photographies extraites du livre " One Hundred Outports",

  par Ben HANSEN, Vineland Press, St. John's, Newfoundland, 1990



Accueil de l'Aigle

© 2003