Mardi 18 mars 1997 : de TRAPANI À PORTICELLO (Santa Flavia) (163 km)
Longue et dure journée aujourd’hui car nous dormons peu et mal sur nos durs fauteuils de salon. C’est pourtant le bruit de l’accostage qui nous réveille brusquement à 5:45, mais les formalités de débarquement sont si longues pour nos voisins de cale tunisiens qu’il nous faudra attendre presque jusqu’à 9:00 avant de franchir la passerelle de débarquement. Cela nous aura au moins laissé largement le temps de prendre notre douche et de déjeuner dans l'Aigle... |
Sans nous attarder à Trapani dont les ruelles un peu sales dans la vieille ville ne nous attirent guère, et sans remonter à Erice dont nous avons déjà découvert le charme il y a trois semaines, nous rattrapons l’autoroute côtière et filons vers Palerme. Beaux paysages de pentes douces intensivement cultivées entre des montagnes beaucoup plus dénudées qui limitent l’horizon. Quel contraste avec le nord de la Tunisie qui jouit pourtant d’un climat et d’un sol comparables mais dont la mise en valeur et l’aménagement (les gourbis sales et en perpétuel chantier...) sont si loin ! Ici les petites fermes dispersées sont blotties au milieu de quelques pins, eucalyptus ou même palmiers, les chemins vicinaux sont goudronnés, les clôtures nettes et propres. Pas de poussière, pas de vaches ou de petits troupeaux de moutons vaguant sous la surveillance nonchalante d’un berger en burnous...
Fontaine monumentale sur la Place Pretoria à Palerme |
Trafic intense, vacarme des klaxons, conduite anarchique, signalisation hermétique... J’erre pendant une demi-heure dans les différentes avenues, à la recherche du centre historique décrit dans le Guide Vert mais dont la carte a disparu... Découragés, fatigués et affamés (il est passé midi et nous avons déjeuné très tôt), nous arrêtons sur le premier espace libre venu, dévorons un lunch et nous reposons un peu. Après la recherche d’un téléphone pour rejoindre Juliette à Montréal, nous nous résignons à demander l’aide de passants... nous étions bien loin du coin recherché ! |
Il faut donc traverser à nouveau la moitié de la ville et contourner le port pour aller stationner devant le jardin Garibaldi. Au dessus de nous, de jolies fenêtres ogivales percent les hauts murs normands du Palazzo Chiaramonte (1307). Malgré notre méconnaissance de la ville, nous nous lançons à la découverte des places et églises citées par le Guide Vert, rejoignons le Corso Vittorio Emmanuele aux grands immeubles chic mais noirâtre, puis la Piazza Pretoria occupée par une superbe fontaine du XVIème qu’animent de multiples statues. | Fontaine de la Place Pretoria |
Nous faisons aussi le tour de San Cataldo, une autre église adjacente du XIIème dont le sévère volume rectangulaire, les trois coupoles en " chapeau tunisien " (chéchia) rouge et les merlons dentelés rappellent fortement l’architecture arabe. | San Cataldo |
Mosaïque de la Martorana : le couronnement du Roi René |
Mosaïque de la Martorana : détail du Couronnement du Roi René |
Saint Georges d'Antioche, le fondateur de l'église, aux pieds de la Vierge |
Mosaïques de la Martorana : Nativité |
Les portes de San Cataldo arborant la croix potencée sont malheureusement closes ; nous renonçons aussi à trouver les Quatro Quarti, une autre place originale, rejoignons notre Aigle en zigzaguant à travers les ruelles et décidons alors de dénicher l’Information touristique qui nous fournira le plan indispensable pour nous retrouver dans cette grande ville. Il faut à nouveau affronter la circulation affolante mais nous réussissons, au prix de quelques virages, de bien des tours de volant et de force coups de Klaxon, à trouver le bureau devant le théâtre Politeana. | L'Annonciation, par Antonello de Messina (Galleria Regionale della Sicilia) |
Nef et choeur de la Chapelle Palatine de Palerme |
Hélas il est passé 17:00 et la Chapelle Palatine aux merveilleuses mosaïques (dans le fameux Palais des Normands) vient juste de fermer. |
Christ en Gloire (Pantocrator) dans l'abside de la Chapelle Palatine |
Dôme de la Chapelle Palatine et ses mosaïques |
Nous prenons la direction du nord pour au moins contempler l’extérieur du bâtiment mais je dépasse le carrefour prévu, m’engage - pour me rattraper - dans la rue suivante et nous entraîne malencontreusement dans le dédale des ruelles étroites et encombrées menant au Marché Ballaro. J’en suis quitte pour arracher le portillon de la prise de courant extérieure accroché sur le pneu avant d’une voiture stationnée du mauvais côté. Échaudé par cette mésaventure, tancé par Monique pour ma légèreté à m’engager dans des rues si peu faites pour nous, lassé du tintamarre et du stress de la circulation urbaine, je préfère renoncer à nos velléités de visite palermitaine. Encore un peu de patience - c’est maintenant l’heure de pointe dans le centre ville de Palerme ! - et nous gagnons péniblement la sortie de l’agglomération. | Palerme : la Puerta Nova menant vers l'intérieur des terres |
Mercredi 19 mars 1997 : de PORTICELLO (Solunto) à CEFALÙ (64 km)
Rattrapant notre mauvaise nuit de traversée et nos déconvenues d’hier, nous dormons longtemps et décidons d’y aller doucement pour cette journée.
Le port de Porticello au pied du Mont Catalfano |
De toute façon, le village
est fort tranquille, le temps magnifique, la brise tiède
et le cadre des plus agréables : devant nous la superbe
Baie de Capo Zafferano entourée de montagnes qui limitent
l’horizon, à notre gauche le Cap lui-même et derrière le
Monte Catalfano portant les ruines de l’antique Solunto. Nous prenons tranquillement le soleil lorsque nous sommes abordés par Antonio, un aimable pêcheur et batelier qui promène dans sa barque durant l’été les touristes sur les récifs de Formica (algues, corail et poissons extraordinaire) mais qui pour l’heure est libre comme l’air, pique une jasette avec nous et nous indique les points d’intérêt - nombreux et variés - de son village. |
Nous commençons par grimper sur le Mont
Catalfano. Les ruines de l’ancienne Solonte s’étendent sur
le flanc du mont, à 200 mètres au dessus de la mer. Si les
restes des villas, des rues, du forum et des citernes ne
sont plus pour nous étonner, le site en revanche est
magnifique, offrant des vues très étendues sur le Golfe de
Palerme du côté ouest et sur le Golfe du Cap Zafferano de
l’autre. Monique, un peu réticente à parcourir encore une fois un champ rempli de vieilles pierres, convient de la beauté du lieu et nous flânons un long moment dans les hauteurs, profitant pleinement du soleil, de l’espace et de l’air pur et tiède. |
Ruines de la ville antique de Solunto sur le Monte Catalfano |
Nous déjeunons ensuite devant la plage de Santa Elia où les pêcheurs - dont Antonio - ont tiré au sec leurs barques aux couleurs vives fraîchement repeintes en prévision de l’été. Un dernier tour du hameau nous mène des plantations de palmiers amoureusement soignées par notre guide à l’anse étroite aux eaux émeraudes dans laquelle Antonio plongeait depuis le rocher en surplomb lorsqu’il était enfant. Après embrassades avec notre nouvel et bref ami et sa jeune fiancée polonaise Judith, nous reprenons la route. | Antonio, Judith et Jean-Paul devant le port de Santa Elia |
Vue sur le Golfe de Zafferano à Termine Imerese |
Elle longe le golfe, offrant à plusieurs reprises de magnifiques vues sur le Cap et sa baie derrière nous. Le panorama est particulièrement étendu des deux côtés à Termine Imerese où nous grimpons sur le belvédère au dessus du port. |
Nous arrivons enfin à Cefalù dont le vieux bourg s’étend au pied de sa Rocca, un promontoire abrupte s’élevant à 270 m au dessus de la plage bordant la ligne des vieilles maisons. Les deux tours carrées de sa cathédrale siculo-normande (XIIème) émergent des toits de tuiles unis, signalant de loin le monument exceptionnel. | L'arrivée à Cefalu au pied de sa Rocca arrondie |
Nous stationnons le long de la plage pour partir à la découverte des petites rues : façades anciennes à trois étages, grand pavé en dalles rectangulaires datant des Romains (1er siècle av. J.C.), ambiance chaleureuse et vivante d’une petite ville méditerranéenne en début de soirée. | Le lavoir médiéval de Cefalu |
Barques sur la plage de Cefalu |
La vieille ville de Cefalu autour de sa cathédrale au pied de la Rocca |
Parvis et façade de la cathédrale de Cefalu |
En approchant du vaste parvis devant l’église, la foule devient plus dense et nous croisons plusieurs groupes portant la chape et les insignes de différentes congrégations se dirigeant vers la nef. |
Le bâtiment est magnifique, reflétant à la fois la tradition normande dans sa structure : |
Cefalu : la cathédrale romane et son abside |
Tours « normandes » de la cathédrale de Cefalu |
deux tours jumelles carrées et dissymétriques, large façade en avant.. |
...longue et haute nef aux colonnes
élancées, croisée du transept surélevée et abside en
cul-de-four ... |
Nef romane de la cathédrale de Cefalu |
Mais nous détournons bientôt notre
attention de cette superbe architecture lorsque nous
découvrons l’origine de l’agitation qui nous entoure :
une statue de St Joseph posée sur une civière attend
devant le chœur, une douzaine de porteurs alentours. Une
processions du clergé et des différentes congrégations
se prépare car c’est aujourd’hui la fête du saint patron
de la cité. Fanfare en tête, chanteurs de
cantiques ensuite, personnages costumés très dignes, le
cortège s’ébranle, suivi par la foule, puis quitte
lentement la place pour faire le tour des rues. Je capte
tout ce que je peux à la vidéo, enchanté de ce spectacle
impromptu si démonstratif du goût italien pour la fête
et le théâtral.
|
Tour et nef de la cathédrale de Cefalu |
Musée Mandralisca de Cefalu : Le vendeur de thon, cratère provenant de Lipari, manufacture siciliote du IVème s. av. J.C. |
Musée Mandralisca de Cefalu : Portrait d'un inconnu, (1465-1470) chef-d'oeuvre d'Antonello da Messina |
Enchantés par cette autre charmante rencontre - rarement aurons-nous été si bien accueillis ! - nous retournons vers notre Aigle dans la nuit maintenant complètement tombée, en échangeant au passage notre bouteille de Camping-Gaz vide dans un magasin encore ouvert (il ferme à 20:00 et il n’est encore que 19:30). Souper devant la plage, puis coucher au bout de la promenade en impasse devant la mer et dans la solitude. | Coucher de soleil sur le port de Cefalu, à travers l'arc gothique de la porte Marina ou Pescara |
Jeudi 20 mars 1997 : de CEFALÙ à NICOSIA (120 km)
Le trafic au bout de la promenade le long de la plage diminue puis cesse complètement dès 22:00, ce qui nous garantit un sommeil paisible. Au matin, le ciel est variable, vent et mer assez agitée laissent flotter dans l’air une vapeur ténue et couvrent vitres et lunettes d’une fine couche d’embruns. Nous commençons par nous rendre à l’extrémité de la Baie, sur le cap bientôt barré par la porte cadenassée et bardée de fils barbelés du Club Med local, un vrai camp de concentration... | La plage de Cefalu au matin |
Le site de Cefalu au pied de la Rocca |
De là bas, belle vue sur le village, sa plage et son énorme rocher trônant au dessus, au delà de la mer blanchie par l’écume des vagues qui déferlent violemment. |
De retour à l’Aigle, nous gagnons le centre du village en faisant le plein d’eau sur une fontaine au centre de la promenade le long de la plage. Je laisse ensuite l’Aigle sur une ruelle au pied de la Rocca, le promontoire qui culmine à 270 m au dessus de la petite ville et dont j’ai convaincu Monique d’escalader la pente abrupte. |
Cefalu : le
village de pêcheurs au pied de la citadelle sur la
Rocca
|
Si le sentier, maçonné sur presque toute sa longueur, est excellent, il n’en exige pas moins un bon coup de cœur. Mais au fur et à mesure qu’il s’élève au dessus des pins puis franchit les différents murs et fortifications qu’ont laissé les Byzantins, le superbe panorama s’élargit d’abord sur la courbe de la plage et sur la ville moderne à nos pieds, puis sur la suite de caps au loin et enfin, une fois atteinte la ligne de remparts restaurés ceignant la Rocca, sur la vieille ville aux toits de tuiles roses disposés en désordre autour de la cathédrale. |
Vieille ville
depuis la montée à la citadelle de Cefalu sur la
Rocca
|
La cathédale depuis la Rocca |
Vieille ville et cathédrale depuis la Rocca |
Celle-ci laisse apparaître en plongée les lignes remarquables de sa structure normande et les détails de son décor arabisant. Spectacle magnifique où l’architecture savante profite du grandiose cadre naturel qui l’entoure autant qu’elle l’enrichit. Malgré le vent qui nous gifle, nous flânons un bon moment sur le chemin de ronde, profitant des points de vue changeants sur le village, l’église et le cap en toile de fond. | La vieille ville et la plage de Cefalu |
Sur la Rocca, le « temple de Diane» (en fait un monument mégalithique proto-historique : V-IVème s. av. J.C.) associé au culte de l'eau |
Puis je me lance dans la deuxième partie de la balade sur un sentier beaucoup plus escarpé, seul car Monique essoufflée préfère m’attendre au pied d’un pin en prenant le soleil. La rude montée au milieu des fleurs et des plantes odoriférantes m’amène au sommet de la Rocca, dans les quelques restes du kastello byzantin entourés de citernes. Ruines peu significatives, mais vues magnifiques sur les deux golfes côtés ouest et est. |
Les caprices du soleil que cachent les nuages de plus en plus nombreux m’obligent à patienter pour les prises de vue que je veux pleines de lumière, rendant toute la vivacité des couleurs et la netteté des plans qui s’étagent jusqu’à l’horizon. Il est donc presque 13:00 lorsque je rejoins Monique sur la grande plate-forme inférieure, et 13:30 lorsque nous retrouvons notre salle à manger roulante. Nous sommes affamés mais la cambuse est vide... Le temps de faire le plein d’essence puis quelques courses dans une petite épicerie, et nous allons déjeuner au bord de la grande route à la sortie de la ville. | Ruines médiévales sur le promontoire à l'est de Cefalu (Kalura) |
Le reste de l’après-midi sera consacré à une longue excursion dans les montagnes de l’intérieur, vers les villages signalés par notre aimable traducteur rencontré hier soir. La petite route grimpe longuement vers Collesano en s’éloignant progressivement de la mer qui finit par disparaître derrière nous. Vastes pentes semi-désertiques, larges vallées verdoyantes, cimes encapuchonnées dans les nuages sombres qui masquent bientôt complètement le soleil. Un peu partout autour de nous, des petites maisons modestes sont dispersées sur les pentes jusqu’à ce que nous arrivions dans l’agglomération aux rues étroites et intriquées. Faute de signalisation, nous devons demander notre chemin à un autochtone qui, très serviable, nous conduit hors du dédale des ruelles sur la route de Polizzi Generosa.
Vendredi 21 mars 1997 : de NICOSIA à VILLAFRANCA TIRRENA (220 km)
Le temps clair et dégagé réchauffe l’atmosphère après une nuit très fraîche et pluvieuse. C’est même la chaleur du soleil tapant sur notre toit qui nous réveille à 7:45, au bout de cette excellente nuit de repos. La vue sur les différents rochers autour de nous couverts de maisons et dominés chacun par une église est fort pittoresque, mais ne suffit pas à décider Monique à une quelconque excursion à pieds. Nous prenons donc la route vers 8:45 en direction de Troina.
Troina |
De temps à autre, le panorama s’élargit ou montre des lignes frappantes qui m’amènent à sortir la vidéo. C’est surtout le cas lorsqu’apparaissent les villages perchés caractéristiques, entassés sur une crête au dessous d’un rocher ruiniforme. Il pointe comme la tour d’un château fort protecteur, alors que souvent c’est plutôt une église ou quelques gros blocs nus qui couronnent le village. |
Nous passons ainsi Troina, puis Cesarò où nous grimpons jusqu’à la base d’un grand " Christ Rédempteur de la Montagne " en bronze qui tend ses bras largement étendus sur le grandiose paysage de montagnes. Celles-ci s’élèvent encore plus lorsque nous bifurquons vers le nord en direction de Monte Soro (1 847 m). La neige apparaît sur les bermes puis dans le sous-bois des forêts de chênes que nous traversons alors. Il fait froid (7 °C), partout on entend l’eau ruisseler, la route est humide, la neige encombre encore suffisamment la piste menant au sommet du mont pour nous empêcher de la gravir, Monique refusant que je pose les chaînes... C’est ensuite la longue descente qui commence vers San Fratello. Nous déjeunons à côté d’une fontaine abreuvoir où, pendant que Monique prépare le déjeuner je puise l’eau nécessaire à un lavage extérieur complet de notre Aigle vraiment crasseux. Il sort resplendissant du traitement et nous achevons notre descente vers la mer dont le bleu se confond avec celui du ciel.
Nous y retrouvons une température et une végétation méditerranéennes : 15° à 16°, oliviers, palettes de figuiers de barbarie et même citronniers lorsque nous atteignons les plages de San Agata de Militello. Malheureusement la route 113, pourtant surlignée de vert sur notre carte Michelin, n’a pas grand chose de panoramique : elle suit le chemin de fer qu’elle croise parfois ou franchit par des ponts trop bas, nous obligeant à de grands détours, ou bien traverse d’interminables zones bâties comme à Capo Orlando ou à Brolo sans offrir aucune perspective intéressante sur la côte. Passage un peu plus spectaculaire lorsqu’elle monte en corniche sur quelques kilomètres jusqu’à Patti mais au prix de virages incessants aussi fatigants que la montagne de ce matin.
Nous errons un petit moment ensuite dans la petite ville à la recherche du site de Tyndaris, très mal indiqué, avant de gravir enfin le promontoire qui se signale surtout par une grande église de pèlerinage à une Vierge noire... Des ruines, il ne reste pas grand chose; même la haute porte dite « Basilique » est trop déglinguée pour donner une bonne idée de sa grandeur antique. Le théâtre a gardé presque tout son volume, mais ses gradins, tout comme son mur de scène, sont très dégradés... Quelques curiosités intéressantes ont trouvé refuge dans le petit musée - statues, céramiques - mais c’est surtout le site, superbe entre les deux golfes éclairés par le soleil couchant, qui aura valu le déplacement. | Tyndari : le banc de sable Marinello au-dessus du promantoire |
Villa romaine de Tyndaris |
Tyndaris : ruines du gymnasium romain; au fond la basilique à la Vierge Noire |
Théâtre grec de Tyndaris
Nous hésitons à dormir sur le petit parc de
stationnement très calme car il nous semble encore trop venteux et
froid. Nous préférons nous avancer en filant sur l’autoroute en
direction de la pointe extrême nord-est de la Sicile, à
Villafranca, où nous allons dormir au bord de la plage, en vue des
Îles Éoliennes baignées par les dernières lueurs violacées du jour
finissant.
Samedi 22 mars 1997 : de VILLAFRANCA TIRRENA à MELITO DI P.S. (140 km)
Messine et son
détroit, au fond la Calabre
|
Nous atteignons alors Torre Faro qu’un "
urbanisme " brouillon a transformé, de modeste village de
pêcheurs ayant grandi trop vite, en annexe de loisir de la
grande ville de Messine toute proche, avec son cortège de
gargotes, de restaurants et de dancings... Depuis la grève
en dessous du phare, à la pointe nord-est de la Sicile,
nous jetons quand même un coup d’œil au détroit, le "
stretto ", puis allons déjeuner un peu plus loin au bord
de la route pour admirer le panorama : de notre côté
s’étale l’agglomération messinienne au pied du Monte
Peloritani, de l’autre Villa San Giovanni et, plus au sud,
Reggio de Calabre dominés par les hauteurs de
l’Aspromonte. Lorsque nous repartons, c’est pour gagner directement le traversier (36 000 Lires, soit 30 $) qui nous ramène rapidement sur le continent en offrant de belles vues sur les deux rives du détroit. |
Samedi 22 mars 1997 : de VILLA SAN GIOVANNI à MELITO di PS (après-midi)
Troupeau de chèvres sur une petite route de l'Aspromonte (Calabre) |
Nous cherchons un peu notre chemin en débarquant, voulant suivre la route nationale SS 18 vers le sud plutôt que l’autoroute pour rejoindre ensuite la petite route S 184 qui grimpe à 1100 m jusqu’à Grambarie, au centre du massif de l’Aspromonte. Les abords de San Giovanni, puis des autres bourgs côtiers sont comme souvent sales, désordonnés et mal construits, mais la vallée dont nous escaladons la pente ensuite par une très longue suite de virages serrés et d’épingles à cheveux nous réconcilie avec une nature plus nette et plus sauvage. |
Notre progression très lente nous fait traverser plusieurs villages assez pauvres, tandis que les pentes sont envahies par les oliviers jusque vers 700 à 800 m. Au dessus, ce sont des feuillus qui occupent les terres jusqu’à ce que nous atteignons la station de Grambarie. Pensions, hôtels et chalets d’été sont fermés et la lumière grise (car nous sommes juste sous le nuage qui fait chuter la température à 7 degrés) confèrent à l’ensemble un air de grande tristesse et d’abandon. Nous ne nous attardons donc pas et cherchons la S 183. Aucun panneau indicateur en vue encore une fois, pas plus que d’indigène... Il nous faut parcourir une bonne dizaine de kilomètres dans un paysage fantomatique (solitude complète, écharpes de nuages flottant entre les arbres, route en corniche au dessus de précipices) pour nous confirmer enfin que nous sommes dans la bonne direction.
La descente ensuite vers Melito est spectaculaire, à coup d’épingles à cheveux qui se succèdent sans interruption et dont nous apercevons les méandres successifs loin en dessous de nous. Enfin apparaît la mer, nous sortons de la forêt pour retrouver les oliviers et longer le large lit caillouteux et sec d’un torrent aboutissant au petit port. Celui-ci est aussi minable que les villages de montagne qui l’ont précédé, aussi préférons-nous longer le rivage un peu plus loin vers l’est pour aller dormir sur une plage totalement déserte. Silence presque complet - le ressac est assez loin - petites lumières des navires qui doublent la pointe sud de l’Italie au large, lune évanescente masquée par de vastes bancs de nuages à la dérive...
Dimanche 23 mars 1997 : de MELITO di PS à COSENZA (313 km)
Près
de Soverato, nous arrêtons sur un petit promontoire
entre une belle plage et une anse rocheuse pour déjeuner
à 12:30. Bientôt Cantazaro apparaît à l’intérieur des
terres, juché sur les premières pentes du massif de la
Sila. Nous faisons deux fois le tour de la petite ville
(sens uniques et ruelles tortueuses encerclant le pic
que coiffent les maisons) avant de trouver l’entrée du
Jardin Trieste signalé par le Guide Vert pour son beau
panorama. En fait, ce petit parc d’une luxueuse villa du
siècle dernier transformé en jardin public ne découvre
qu’une faible partie du paysage, mais le profond ravin
creusé par un torrent impétueux - lit à sec - et les
monts sauvages qui l’entourent valent à eux seuls le
léger détour.
|
Massif de la Silla : Cormigliato, village de Gozzolino Soprano |
Nous avons décidé de traverser le Massif de la Sila par les petites routes très accidentées qui le parcourent. Longue montée jusqu’à Villagio Mancuso, au dessus de 1 000 m d’altitude, qui se révèle une nouvelle station de villégiature en plein développement (avec marchands de souvenirs atroces...) où il fait actuellement très froid (4°C). Les quelques promeneurs du dimanche portent anorak et manteaux de fourrure et nous dévisagent les yeux ronds lorsque nous allons quérir quelques cartes postales en chemisette à manche courte et sandales pieds nus. |
Le long de la route en montant, belles vues sur les ravins à pic, le moutonnement des collines et montagnes à perte de vue, les villages assez nombreux perchés sur les sommets ou accrochés à mi-pente. Une petite d’erreur d’orientation nous ramène 12 km plus bas vers Cantazaro : la signalisation en dehors des grandes routes n’est guère meilleure qu’en France et notre carte au 1/1 000 000 est nettement insuffisante... Nouvelle grimpée pénible, les virages serrés de la petite route mettant à dure épreuve la direction et la suspension de l’Aigle comme les bras du chauffeur. | Lac de barrage dans le Massif de la Sila : Lago del Passante |
Descente abrupte du Massif de la Sila sur Cosenza |
Après 2 heures de route de montagne, nous écourtons un peu la balade prévue autour des lacs, le paysage de forêts et les incessants virages finissant par nous sembler répétitifs. Une fois escaladé le col d’Ascione à 1384 m, nous traversons une sorte de plateau très " montagne à vaches " où, sur un terrain relativement plat, des troupeaux paissent dans des prairies à l’herbe drue. Puis la route reprend ses lacets ininterrompus pour une vingtaine de kilomètres de descente vers Cosenza que nous atteignons à la tombée de la nuit. |
Lundi 24 mars 1997 : de COSENZA à SANTERAMO in COLLE (256 km)
Encore une autre nuit paisible sans aucun dérangement. A 9:00 je passe les barrières du grand stationnement devant le magasin pour constater que, malgré la présence des voitures des employés rassemblées dans un coin, les portes de l’hypermarché et de la galerie marchande restent closes, et pour cause, puisqu’elles ouvrent seulement à 14:00 le lundi... Nous renonçons donc à remplir notre cambuse d’épicerie française et poursuivons notre remontée vers le nord. Pas pour longtemps, car en quittant l’autoroute à la bifurcation vers Sibari, des vibrations dans le train arrière m’obligent à arrêter pour constater qu’une grosse enflure affecte la roue arrière droite de l’Aigle. Il s’agit en fait de la roue de secours d’origine du véhicule (qui a plus de 14 ans !) et que j’avais dû monter lors de notre première crevaisons à Matmata, dans le sud tunisien. Les plis d’acier de sa semelle devaient être rouillés à l’intérieur du caoutchouc et ont fini par céder maintenant. Je dois donc réinstaller l'actuelle roue de secours sur laquelle j’avais fait monter l’un des pneus avant usés, et nous repartons vers Sibari.
Effectivement le coup d’œil est pittoresque et la balade dans ce quartier plébéien a dû valoir le déplacement lorsqu’il était vivant et habité. Pour l’heure il est en complète " réhabilitation ", vidé de ses occupants, livré aux pioches des démolisseurs, des poseurs d’égout, d’adduction d’eau et autres aménagements ou simplement aux maçons qui remontent les murs croulants ou remplacent les pierres très friables et donc très abîmées. Impression de ville morte, coup d’œil insolite sur ces murs blancs percés des sombres trous béants des fenêtres vides, déception de trouver fermées les petites églises à demi troglodytes contenant, paraît-il, de jolies fresques naïves. | Les sassi caveaso de Matera |
Nous flânons un peu puis remontons sur la colline en empruntant un lacis de ruelles défoncées par les travaux. En haut, on découvre quelques bâtiments nobles dont la cathédrale au beau décor extérieur sculpté en fin de restauration mais dont l’intérieur lourd ne nous retient pas. Téléphone à Jehanne pour lui préciser les dates de notre passage à Florence au cas où elle désirerait nous y rejoindre, puis retour à l’Aigle que des automobilistes malotrus ont coincé en stationnant tout contre sur des espaces interdits...
Mardi 25 mars 1997 : de SANTERAMO IN COLLE à ZAPPONETA (289 km)
Trulli rural près d'Alberobello |
Autour de nous, dans des champs de terre
très rouge semés de cailloux en calcaire blanc, des
trulli encore debout servent de maisons rurale, de
bergerie ou même encore parfois d’habitation. Certains
sont isolés, d’autres groupés en se raccordant par leurs
angles, leurs courbes se mariant avec élégance. Courses d’épicerie dans un supermarché moderne bien équipé mais où nous sommes encore une fois surpris du peu de variété des produits, en particulier conserves de légumes, plats préparés, pâtes (en Italie, pourtant !) et desserts. |
Lorsque nous atteignons enfin Alberobello, c’est pour découvrir un quartier entier de trulli qui comprend plusieurs rues et a été préservé depuis son classement en 1924. | Rue d'Alborobello : la Via Montenero en 1920 |
Les toits d'Alberobello |
Rue
d'Annunzio à Alberobello
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Malheureusement le site est devenu uniquement commercial, tous les trulli alignés le long des ruelles de pierres abritent maintenant des magasins de " souvenirs " et d’artisanat locaux. Les produits sont tous un peu pareils : tissage et broderies, poterie, cuirs, etc., le plus souvent d’un mauvais goût criard. | Une autre rue d'Alborello |
Trulli urbain à Alborello |
De plus les habitants qui vivent uniquement de l’exploitation des touristes sont assez agressifs, depuis le gardien de la place au pied du quartier transformé en parking lucratif (5 000 lires pour les " campers " !) que je m’empresse d’éviter jusqu’au moindre commerçant qui vient nous racoler jusqu’au milieu de la rue. |
Vite lassés de leur insistance agressive qui enlève beaucoup du plaisir à la découverte, et un peu déçus de l’uniformité qu’une restauration trop " utilitaire " masquant toutes différences a imposé au quartier, ainsi que du vide culturel ou anthropologique (aucune notice ni indication architecturale ou sociologique sur ce type d’habitat), nous abrégeons notre balade. | Maquette du quartier des trulli à Alberobello |
|
Nous récupérons notre Aigle laissé sur
une rue voisine et prenons la direction de Castellana
Grotte où se trouve l’autre attraction *** de la région.
C’est un extraordinaire couloir souterrain de plus d’un
kilomètre de long creusé par les eaux souterraines dans le
sous-sol calcaire. Le long de la route, sous les champs
d’oliviers et au milieu des cultures, entre les murets de
pierres blanches, de nombreux trulli en même pierre
blanche, la plupart encore en très bon état, montrent
combien ce style d’habitat était répandu dans les années
passées. En arrivant sur le site de la grotte - très aménagé lui aussi, on doit se presser en foule ici en saison - l’accueil plus qu’empressé du gardien du parking me fait bondir et quitter les lieux à peine arrivé. Nous allons stationner un peu plus loin; Monique me calme et nous revenons à pieds pour visiter - sans gardien agressif dans les jambes cette fois-ci - les fameuses grottes. Si le prix de la visite est assez élevé (15 000 lires chacun), le long parcours souterrain vaut largement le déplacement. |
Il dévoile des concrétions étonnement élégantes accrochées un peu partout dans les grandes salles ou les couloirs qui s’enchaînent, subtilement mises en valeur par un éclairage indirect discret mais efficace. Après les vastes salles vues au Mexique, l’Aven Armand et les grottes de Han/Lesse en Belgique - les plus belles selon nous - en voilà une autre qui complète bien notre collection... | Stalagmites de la grotte de Castellana |
Mercredi 26 mars 1997 : de ZAPPONETTA à CAMPOBASSO (347 km)
Nous parcourons beaucoup de route aujourd’hui car nous avons décidé de faire le tour du Promontoire de Gargano. Après une longue nuit qui heureusement mène à un jour radieux, nous longeons la côte assez plate du Golfe de Manfredonia jusqu’à la petite ville éponyme. Au dessus des terrains marécageux bonifiés d’abord pour l’agriculture et maintenant pour le tourisme (nombreux campings et villages de vacances) se profilent bientôt les hauteurs du Gargano encore relevées par une couronne de nuages. Nous en escaladons les pentes par une bonne route où s’enchaînent les épingles à cheveux jusqu’à Monte San Angelo, un gros bourg en balcon. Le grand nombre de maisons anciennes en rangées et de grands immeubles récents nous questionne sur l’origine de la richesse locale, car les ressources tant agricoles qu’industrielles semblent minces... Coup d’œil aux ruines du château médiéval fort peu restaurées et closes de toute façon avant de s’enfoncer dans la foresta umbra qui recouvre la presque totalité du massif. La route traverse d’abord des terres aux pentes douces plus ou moins cultivées, puis des pentes odorantes de maquis avant de franchir une vraie forêt de plus en plus dense, très bien soignée - clairières, belles futées - lorsqu’elle devient domaniale et aménagée en parc naturel.
Promontoire du Gargano : Peschici |
Une très longue descente dans cette fûtée nous amène à Peschici, petite ville juchée sur un promontoire, vivant autrefois surtout de la pêche et maintenant plutôt du tourisme. Beau panorama sur la côte accidentée qui se poursuit pendant tout le long parcours de route de corniche au dessus de la mer, dans le maquis et les pins odorants. La route fait le tour de chaque anse, tournicotant sans arrêt mais offrant sans cesse des vues renouvelées sur la mer bleu émeraude, les rochers de calcaire blancs qui s’y précipitent et les pentes couvertes de la verdure sombre des pins et du maquis. |
Les innombrables installations touristiques - campings, villages de vacances, pizzeria et quelques hôtels club - sont nichées au creux des anses et entourées d’arbres, si bien qu’on ne les voit pas trop. Si le spectacle vaut le détour, il nous rappelle cependant beaucoup le tour de la Chalcidique en Grèce, autrement plus sauvage, et les incessants virages finissent par fatiguer surtout lorsqu’ils ne révèlent plus de nouvelles vues surprenantes. | Promontoire du Gargano : route côtière |
Jeudi 27 mars 1997 : de CAMPODIPIETRA (Campobasso) à POPOLI (Abruzzes) (210 km)
Montagne autour de Campobasso dans les Abbruzzes |
Notre premier choix de bivouac (un
petit terrain vacant à côté du jardin d’enfants local)
s’avérant être le point de ralliement nocturne des ados
du coin (cris, jeux, bousculades, pétrolettes et tutti
quanti...), nous nous éloignons un peu pour nous
installer au milieu d’une petite route dans un grand
champ encore vide (probablement un futur lotissement),
et trouvons là le calme recherché pour toute la nuit. Grand soleil au matin, qui réchauffe notre chambre assez fraîche durant la nuit (nous sommes à une altitude de près de 600 m). Il est assez difficile de se diriger dans la ville de Campobasso fort mal signalisée, et je m’enrage encore une fois devant un chauffard qui brûle un stop juste devant moi et manque de percuter mon aile avant... |
Difficultés d’orientation identiques à Isermia, quelques 50 km plus loin. Le paysage compense largement pour ces quelques désagréments si habituels ici : notre route longe une haute chaîne de montagnes enneigées dont les cimes dessinent l’horizon loin au dessus de nos têtes. Cette route de vallée, large et rapide aux courbes redressées, laisse place à un chemin beaucoup plus lent à partir d’Alfedena : le voie se rétrécit, devient plus inégale, adopte des virages serrés et très pentus pour escalader de front la montagne. Vue pittoresque sur le lac bleu et les vieilles maisons du village de Barrea, puis de Viletta Barrea. | Dans les Abbruzzes : Lac Barrea et son village homonyne |
Passage du Col de Godi à 1 630 m |
Nous gagnons ensuite de merveilleux paysages de haute montagne puisque nous finissons par atteindre le niveau de la neige. Vastes horizon, pentes éblouissantes, terres sauvages d’où disparaissent villages et maisons... Seul le refuge signale le passage du Col de Godi, à 1 630 m d’altitude. |
Longue descente ensuite dans l’autre vallée aboutissant au pittoresque - et encore assez peu touristique - village de Scanno. | Le village de Scanno accroché à la montagne |
Vieilles rues pentues de Scanno |
Scanno : procession traditionnelle de la Semaine Sainte |
Quelques vieilles femmes en lourd habit noir typique demeurent encore dans le lacis des ruelles où se serrent les maisons grises, autour des églises fichées sur un éperon rocheux, au dessus de la vallée profonde. Tout en bas, la route fait le tour d’un petit lac aux eaux bleues enchâssé entre les pentes abruptes. Plein d’eau sur une fontaine dont l’eau coule directement de la montagne. | Femmes de Scanno tout en noir |
Sulmona : N.D. de l’Annunziata |
Puis le chemin se creuse, nous entrons dans les gorges profondes du Sagittario dont les eaux remplissent plusieurs barrages successifs très étroits mais très hauts. La vallée s’élargit ensuite jusqu’à atteindre la ville de Sulmona. Nous stationnons juste devant la belle porte médiévale de Napoli et allons faire un tour au centre ville : agréable place Garibaldi, vaste, bien construite et bordée par les arches d’un ancien aqueduc, et surtout superbe façade de N.D. de l’Annunziata dont une restauration parfaite permet d’apprécier pleinement les fines et élégantes sculptures (fenêtres gothiques, portail Renaissance). Ambiance plaisante dans les rues qui commencent à s’animer (il est 18:30) mais qui demeurent paisibles en l’absence de circulation automobile. Magasins aux vitrines soignées, belles façades débarrassées de leurs anciennes publicités, fils et autres enlaidissements sans pour autant avoir été ravalée, rues sinueuses et pavées... |
Vendredi 28 mars 1997 : de POPOLI à SPOLETO (279 km)
Abbazia de San Clemente (IXe- XIIème s.) : façade |
Aucun bruit durant la
nuit au milieu des maisons, au point de penser que nous
avons quitté l’Italie ! Le soleil réchauffant le toit et
le grand ciel bleu nous promettent une belle journée. Un bref parcours dans la vallée entourée de hautes pentes aux sommets enneigés nous mène au petit enclos entourant l’Abbazia di San Clemente. Tout ce qui reste de la riche abbaye fondée au IXème siècles (871) par l’Empereur Louis II est l’église, assez petite mais d’une grande finesse ornementale, la façade en particulier. Une merveilleuse restauration met pleinement en valeur les sculptures délicates de ses trois arcades, sa frise et ses quatre fenêtres décorées. |
Ambon de San Clemente |
Candélabre pascal de San Clemente |
Dans le chœur en cul-de-four, un
ciborium protège un autel constitué d’un sarcophage du
IVème siècle. Une architecture romane très sobre,
cistercienne, sert d’écrin à ces chefs d’œuvre auxquels
il faudrait ajouter le précieux coffret d’albâtre
servant de reliquaire aux restes de St-Clément. Dans la crypte, plusieurs colonnes nervurées montrent clairement une origine antiques. Trésor architectural, mais aussi ambiance particulière dans les restes de ce monastère situé en pleins champs, donc au calme et dans la verdure, avec tout autour le grandiose décor des montagnes. Luxe supplémentaire, nous sommes les seuls visiteurs durant l’heure passée dans ses murs. |
Le ciborium de San Clemente et son sarcophage antique |
Nous faisons demi-tour vers Popoli puis parcourons 80 km de belle route de vallée, dans le cadre montagnard des Abruzzes : sous la neige des sommets, des villages de pierre grise s’accrochent à mi-pente ou sur des crêtes intermédiaires, serrés autour de leur église ou de leur château, tandis que de riches cultures occupent le fond des vallées. En atteignant la grande ville de L’Aquila, capitale des Abruzzes, séduits par l’air pur et la grande lumière, nous décidons de faire un tour du cœur de la cité. Balade un peu décevante, la cathédrale St-Bernardin étant assez lourde malgré un beau - mais chargé - plafond baroque en bois peint et doré derrière une façade assez carrée et sans grâce. Les rues aussi manquent d’originalité, seule la façade en pierre rose de la Basilica Santa Maria di Collemagio vaut le détour. Nous déjeunons devant le parc municipal un peu quelconque malgré ses beaux arbres bien entretenus puis prenons la direction du Gran Sasso d’Italia, le sommet des Abruzzes à 2 914 m.
La route, évidemment très sportive (virages, fortes montées), met encore une fois à dure épreuve les 75 petits chevaux de notre moteur et les bras du chauffeur... A 1 100 m, nous atteignons la gare inférieure du téléphérique au pied de la longue barre rocheuse dont les hauts disparaissent dans les nuages. En effet le ciel s’est progressivement couvert depuis notre départ de L’Aquila, au point que le soleil a pratiquement disparu. Plusieurs camping-cars près de la station attendent une bonne cinquantaine de skieurs en tenue qui se déharnachent et semblent gelés. Le froid et le manque de visibilité nous font renoncer à l’ascension en téléphérique. Nous décidons plutôt de suivre l’itinéraire contournant le Gran Sasso vers Campo Imperatore, par une route qui continue de s’élever au milieu des pentes désertiques où la neige devient de plus en plus présente. Sauvage grandeur du paysage couvert d’herbe rase, totalement dénué d’arbres, semé d’affleurements rocheux et de plaques de neige glacée, encadré de hautes pentes grises qui disparaissent dans les nuages... Nous faisons une vingtaine de kilomètres ainsi, jusqu’à ce qu’une barrière vienne nous arrêter : la route " pericolissima" est fermée à la circulation, nous devons renoncer à notre circuit autour de la montagne.
Cascade de Marmore en pleine eau... |
Il ne nous reste donc qu’à faire demi-tour
dans le vent très froid (7 degrés) et la grisaille,
redescendre jusqu’à L’Aquila puis filer sur une route
express vers l’ouest. Les montagnes s’abaissent, retrouvant
une dimension plus habituelle (de 800 à 1 000 m), la neige
disparaît, nous quittons les Abruzzes pour gagner Rieti puis
Terni en suivant de profondes vallées. Arrêt de quelques minutes pour contempler la grande triple cascade (165 m) créée par les Romains à Marmore, mais elle manque à peu près totalement d’eau (elle alimente alternativement une usine hydroélectrique...) et il commence à faire très sombre. Je préfère nous avancer un peu plus vers Spoleto, nous roulons donc encore un moment sur la route très vallonnée, suivant et croisant de nombreux camping-cars (le week-end de Pâques qui commence ?). Nous quittons la grande route juste avant Spoleto et allons dormir sur un terre plein au bord d’une piste en pleine montagne. Monique sollicite l’hospitalité du proprio voisin qui la lui accorde chaleureusement. Repos dans le grand silence de cette petite montagne. |
Samedi 29 mars 1997 : de SPOLETO à ASSISI (89 km)
La pluie et surtout le vent violent
qui secoue l’habitacle nous réveillent à plusieurs
reprises, empêchant Monique de dormir tout son saoul.
Nous nous levons donc assez tard sous un ciel bleu
ensoleillé parsemé de nuages. Sortant de notre campagne,
nous rattrapons la grande route juste à l’entrée de
Spoleto dont la vieille ville, bâtie à flanc de colline
et dominée par les tours et les murs de son château,
offre un coup d’œil impressionnant.
|
Spoleto sous son château |
Temple des sources du Clitunno et son entrée latérale |
Une quarantaine de kilomètres de route rapide nous fait parcourir la vallée d’Ombrie où nous découvrons les sources sacrées du Clitunno près du charmant petit temple qui les célèbre. |
Malgré sa petitesse, il présente les volumes et les décors habituels à ce type de bâtiment : une jolie colonnade travaillée supporte de fins chapiteaux et deux frontons (avant et arrière) couverts de fines sculptures refaites à l’époque chrétienne lorsqu’il fut converti en église. | Jean-Paul dans le Temple des sources du Clitunno |
Sources du Clitunno |
Quant aux sources elles-même, à quelques centaines de mètres, ce sont de beaux bassins avec îles et cygnes formant un parc soigné qui rassemble des dizaines de sources s’écoulant du rocher à la base de la montagne et surgissant du sol ou du fond des bassins. |
Nous voici bientôt en vue d’Assisi dont les murs, les maisons anciennes et les églises dominés par les tours du Rocca Magiore (le château fort) sont accrochés aux basses pentes (424 m) du Monte Subasio (1 290 m). | Assise et la Rocca Maggiore sous la neige |
La Rocca et la ville au dessus de la plaine d'Ombrie |
Le site est superbe, dominant la plaine et entouré des montagnes en arrière fond. La vieille cité déborde de richesses monumentales, principalement des églises toutes reliées à la tradition franciscaine. |
Ermitage des Prisons et olivier du Prêche aux Oiseaux |
Puis nous grimpons au flanc du Subasio pour une petite balade à l’Eremo delle Carceri (Ermitage des Prisons), oasis de paix et de silence au cœur de la forêt. Un petit couvent a été élevé au dessus d’une grotte minuscule où François venait prier dans la solitude. |
Le vieil olivier du Prêche aux Oiseaux |
Cour de l'Ermitage des Prisons |
De retour à Assise, nous commençons notre parcours découverte par la cathédrale San Rufino, dont la belle et sobre façade romane (1140) présente plus d’intérêt que son intérieur classique refait au XVIème. Puis nous gagnons la basilique Santa Chiara (Sainte Claire) construite en style gothico-italien (1260). Ses murs sont presque tous crépis blanc, sauf quelques fresques fort peu éclairées dans le chœur, mais cette église est surtout fameuse pour le beau Christ de San Damiano que François entendit lui parler. Vu l’affluence, nous renonçons à descendre dans la crypte pour aller voir le tombeau de Sainte Claire. | Basilique Santa Chiara |
Cour avec au fond Santa Chiara |
Tour du beffroi (Torre del Popolo) et façade de Santa Chiara |
Nous préférons nous rendre dans le centre (l’ancien Forum) et y admirer le Palais Communal caché derrière l’étonnante façade du temple de Minerve datant du 1er siècle avant J.C. , la Tour du Peuple et le Palais du Capitaine du Peuple (XIIIème). Beaucoup de monde dans les ruelles mais surtout un vent très froid qui nous saisit et nous fait battre en retraite. | Palais communal et Tour du Peuple en fin de journée |
Basilica di San Francesco vue depuis la Rocca |
De retour à l’Aigle, nous nous reposons et nous réchauffons avant d’aller stationner dans un champ d’oliviers rempli de camping-cars au dessous de la Porta San Pietro, à l’autre bout de la petite ville. |
De là nous grimpons à pied à travers d’autres vieilles ruelles jusqu’à la Basilica di San Francesco. | Vers la Basilica di San Francesco, basique inférieure |
Église inférieure de la Basilica di San Francesco |
Foule un peu partout, église inférieure très sombre, dont les spots aveuglants sont tournés vers les yeux des fidèles et des visiteurs plutôt que vers les magnifiques fresques de Giotto, Lorenzetti et Cimabue. |
Voûte et
autel de la basilique inférieure
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La Fuite en Egypte par Giotto |
Décevant mais étonnant - et émouvant - quand même de voir ces si célèbres images sur le mur devant nous. Dans la crypte en dessous du chœur de l’église inférieure dont la pierre rose taillée carrée dépare avec le calcaire doré des autres murs (un legs du mauvais goût XIXème) on fait la queue pour défiler devant le caveau contenant les restes du Saint. Rien de bien extraordinaire sauf une grande religiosité chez la foule des visiteurs. |
Sainte Claire et Saint François par Samartini
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Porte et rosace de l'Église supérieure |
Quant à l’église supérieure vers laquelle nous nous dirigeons ensuite, elle est fermée depuis 30 minutes et sa façade est complètement masquée par des échafaudages... |
Dimanche 30 mars 1997 : d’ASSISI à FAENZA (262 km)
Nuit étonnamment calme : pas de cris, de chants ni d’autres bruits alors que nous sommes environnés de plus de 70 camping-cars remplis d’Italiens qui nous ont si souvent habitués à plus d’expansivité ! Est-ce le froid qui les tient ainsi claustrés ? Au réveil, le ciel bleu est parcouru de grandes masses nuageuses entraînées par un vent toujours présent. Nous en ressentons particulièrement les effets lorsque, quittant notre " champ de camping-cars ", nous remontons jusqu’à la Basilica di San Francesco à travers les ruelles où se pressent les pèlerins en ce beau matin de Pâques. | Retour à la basilique San Francesco |
Façade
supérieure de la basilique San Francesco
|
Accélérant le pas pour nous réchauffer, nous traversons la grande esplanade pour pénétrer dans l’église supérieure maintenant ouverte. |
Les offices s’y succèdent et l’éclairage nettement plus efficace permet d’admirer les splendides fresques de Giotto. Une pause entre deux messes nous laisse faire le tour des murs, aux côtés d’un groupe de Japonais béats devant les scènes aux couleurs encore très vives narrant les Fioretti de Saint François. | Assisi : nef de la basilique supérieure de San Francesco |
François restitue ses vêtements à son père |
François prie devant le Crucifix de San Damiano |
Giotto : le rêve d'Innocent III |
Giotto : François chasse les démons d'Arrezzo |
Giotto :
Homélie aux oiseaux
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Giotto : François réconforte l'Homme assoiffé |
Nous prenons alors la route pour descendre à Santa Maria degli Angeli, une énorme église à coupole XVIIème construite sur le Porticulum, l’un des premiers sanctuaires et couvents franciscains. La foule dévote se presse dans la grande nef et fait la queue pour aller toucher le crucifix installé dans la pauvre chapelle qui se trouve maintenant sous la coupole. La simplicité du Povorello en prend pour son rhume... Restent le symbole éminemment franciscain (François mourut dans cette chapelle, épuisé, à 44 ans), les belles peintures à fond or à moitié effacées derrière l’autel et, près de la sacristie, la " cabane " de pierre où vécut le saint. |
Le Porticulum
dans Santa Maria degli Angeli
|
Peruggia : église et cloître San Pietro |
Nous finissons par aboutir devant l’église San Pietro que je visite assez à fond (plan basilical peu courant, décor de fresques et de peintures qui évoque pour moi les anciennes basiliques romaines, superbe grand orgue doré, stalles du chœur en bois finement sculpté...). |
Nef de
l'église San Pietro de Perugia
|
Orgue de San Pietro de Perugia |
Lac Trasimène |
Vaste paysage baigné par la chaude lumière de l’après-midi en contournant le Lac Trasimène puis route très vallonnée en quittant l’Ombrie pour rattraper la route express qui file dans des paysages de plus en plus sauvages jusqu’à déboucher dans la plaine du Pô à Caserra. Le soleil est couché, nous faisons encore une trentaine de kilomètres jusqu’à aller bivouaquer dans un village un peu avant Faenza, sur la grande route de Ravenne à Bologne, la Via Emilia. |
Lundi 31 mars 1997 : de FAENZA à AVIGLIANA (près Torino) (540 km)
En nous éloignant vers l’ouest, nous tâtonnons un bon moment avant de trouver la sortie puis le chemin du Sacra de San Michele (les instructions données par le Guide Vert étant pour une fois totalement inefficaces). Nous finissons par revenir à Avigliana et nous faisons indiquer la toute petite route grimpant à flanc de montagne jusqu’au couvent bâti en nid d’aigle à 940 m au dessus de la vallée. Site et panorama extraordinaire puisque, de là-haut, la vue porte à la fois sur les cimes enneigées des Hautes Alpes au nord, à l’ouest et au sud, et sur la vallée et la plaine de Lombardie à l’est où se devine, à demi cachée par un vaste nuage gris bleuâtre de pollution, la grande agglomération de Torino. | Avigiana : Sacra de San Michele |
Entrée du
Sacra de San Michele
|
D’architecture rustique romano-gothique, l’abbaye est bâtie toute en hauteur, avec accès et défenses ressemblant un peu au Mont Saint-Michel, quoiqu’elle soit beaucoup plus simple et exiguë. |
La campagne et la forêt tout autour
sont en pleine éclosion printanière, avec jeunes
feuilles vert tendre et arbres en fleurs. Les chauds
rayons du soleil jouent sur la scène... Bref une
splendide excursion qui clôt en beauté cette journée de
" roulage " et de retour à notre base en France. En redescendant vers Avigliana, nous cherchons un bivouac près de l’un des deux jolis lacs et finissons par choisir le stationnement d’un petit parc naturel au bord de l’eau, avec canards et poules d’eau barbotant dans les reflets des cimes. Souper, courrier et coucher à 22:20. |
Monique sur le parapet du Sacra de San Michele |
Mardi 1er avril 1997 : d’AVIGLIANA à COUTY
(France) (238 km)
Bardonecchia |
Finallement le bruit de la route trop proche nous a fait
rechercher un autre stationnement désert en impasse,
près de l’autre lac, où nous avons joui cette fois d’un
sommeil paisible. Temps superbe au matin ; j’en profite pour ouvrir le capot du moteur afin de resserrer la fixation d’une Durit d’essence qui fuit au démarrage et nettoyer le filtre à air très chargé en poussière (les pistes du sud tunisien y sont certainement pour quelque chose...). Nous achevons le courrier destiné aux enfants pour l’expédier un peu plus loin avant de franchir la frontière italo-française et nous mettons en route vers la France. Vastes paysages sur la vallée puis sur les chaînes de montagnes enneigées en grimpant vers le Traforo (tunnel) de Frejus, particulièrement en passant le fort d’Exillero. |
Nous déjeunons juste devant l’entrée du tunnel dont nous parcourons ensuite les longs et chers (43 000 lires) 13 kilomètres. La route rapide redescend ensuite vers St-Jean-de-Maurienne, entremêlée avec le gigantesque chantier de l’autoroute A 43 qui la doublera bientôt. |
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