SIX MOIS D'ERRANCES EN EUROPE

(CONGÉ SABBATIQUE de janvier à juillet 1997)

Monique et Jean-Paul à bord de l'Aigle



Itinéraire
Notre périple autour de la Sicile : au nord lors du retour vers l'Italie




13. SICILE (côte nord) et retour en ITALIE


Mardi 18 mars 1997 : de TRAPANI À PORTICELLO (Santa Flavia) (163 km)


Longue et dure journée aujourd’hui car nous dormons peu et mal sur nos durs fauteuils de salon. C’est pourtant le bruit de l’accostage qui nous réveille brusquement à 5:45, mais les formalités de débarquement sont si longues pour nos voisins de cale tunisiens qu’il nous faudra attendre presque jusqu’à 9:00 avant de franchir la passerelle de débarquement. Cela nous aura au moins laissé largement le temps de prendre notre douche et de déjeuner dans l'Aigle...

Sans nous attarder à Trapani dont les ruelles un peu sales dans la vieille ville ne nous attirent guère, et sans remonter à Erice dont nous avons déjà découvert le charme il y a trois semaines, nous rattrapons l’autoroute côtière et filons vers Palerme. Beaux paysages de pentes douces intensivement cultivées entre des montagnes beaucoup plus dénudées qui limitent l’horizon. Quel contraste avec le nord de la Tunisie qui jouit pourtant d’un climat et d’un sol comparables mais dont la mise en valeur et l’aménagement (les gourbis sales et en perpétuel chantier...) sont si loin ! Ici les petites fermes dispersées sont blotties au milieu de quelques pins, eucalyptus ou même palmiers, les chemins vicinaux sont goudronnés, les clôtures nettes et propres. Pas de poussière, pas de vaches ou de petits troupeaux de moutons vaguant sous la surveillance nonchalante d’un berger en burnous...

Le parcours est rapide mais nous sommes si fatigués de notre mauvaise nuit que nous quittons l’autoroute peu avant Palerme pour tenter d’aller nous reposer sur une plage au calme. Malheureusement tous les espaces ont été bâtis directement sur l’eau et nous ne pouvons arrêter que devant un petit chantier naval, près de l’écoulement d’un égout à l’air libre, ce dont je ne m’aperçois que plus tard, lorsque l’odeur ténue mais nauséabonde aura suffisamment envahi l’air pour que je décide de continuer plus loin... Monique descend du lit haut pour s’installer sur le lit de la dînette et je reprends la direction de Palerme par un lacis de petites routes très étroites serpentant entre les murs des jardins et des petites propriétés rurales. Incapable de trouver quelque espace libre, je finis par reprendre l’autoroute qui nous entraîne jusque dans Palerme.

Fontaine
                  monumentale sur la Place Pretoria à Palerme
Fontaine monumentale sur la Place Pretoria à Palerme
Trafic intense, vacarme des klaxons, conduite anarchique, signalisation hermétique... J’erre pendant une demi-heure dans les différentes avenues, à la recherche du centre historique décrit dans le Guide Vert mais dont la carte a disparu... Découragés, fatigués et affamés (il est passé midi et nous avons déjeuné très tôt), nous arrêtons sur le premier espace libre venu, dévorons un lunch et nous reposons un peu. Après la recherche d’un téléphone pour rejoindre Juliette à Montréal, nous nous résignons à demander l’aide de passants... nous étions bien loin du coin recherché !

Il faut donc traverser à nouveau la moitié de la ville et contourner le port pour aller stationner devant le jardin Garibaldi. Au dessus de nous, de jolies fenêtres ogivales percent les hauts murs normands du Palazzo Chiaramonte (1307). Malgré notre méconnaissance de la ville, nous nous lançons à la découverte des places et églises citées par le Guide Vert, rejoignons le Corso Vittorio Emmanuele aux grands immeubles chic mais noirâtre, puis la Piazza Pretoria occupée par une superbe fontaine du XVIème qu’animent de multiples statues. Fontaine
                  de la Place Pretoria
Fontaine de la Place Pretoria

Juste en arrière, c’est la Piazza Bellini où nous visitons la Martorana, fondée en 1143 mais largement remaniée par la suite, jusqu'à ce que sa façade soit complètement remodelée au XVIIème dans le gout baroque. Ses merveilleuses mosaïques byzantines nous éblouissent, au delà de l’élégant clocher porche du XIIème. Un peu à côté, d’autres monuments (églises, théâtre Bellini) donnent son cachet à la petite place mais auraient bien besoin de ravalement...

Palerme : San Cataldo et la Martorana
Palerme : la Martorana à gauche et San Cataldo à droite

Nous faisons aussi le tour de San Cataldo, une autre église adjacente du XIIème dont le sévère volume rectangulaire, les trois coupoles en " chapeau tunisien " (chéchia) rouge et les merlons dentelés rappellent fortement l’architecture arabe. San
                Cataldo
San Cataldo

1997-0318-03=Palerme-San-Cataldo
Mosaïque de la Martorana : le couronnement du Roi René
osaïque de la Martorana : détail du Couronnement
                  du Roi René
Mosaïque de la Martorana : détail du Couronnement du Roi René

Saint Georges d'Antioche, le fondateur de
                  l'église, aux pieds de la Vierge
Saint Georges d'Antioche, le fondateur de l'église, aux pieds de la Vierge
Mosaïques de la Martorana : Nativité
Mosaïques de la Martorana : Nativité

Les portes de San Cataldo arborant la croix potencée sont malheureusement closes ; nous renonçons aussi à trouver les Quatro Quarti, une autre place originale, rejoignons notre Aigle en zigzaguant à travers les ruelles et décidons alors de dénicher l’Information touristique qui nous fournira le plan indispensable pour nous retrouver dans cette grande ville. Il faut à nouveau affronter la circulation affolante mais nous réussissons, au prix de quelques virages, de bien des tours de volant et de force coups de Klaxon, à trouver le bureau devant le théâtre Politeana. L'Annonciation, par Antonio de Messina
L'Annonciation, par Antonello de Messina (Galleria Regionale della Sicilia)

Nef et choeur de la Chapelle Palatine de Palerme
Nef et choeur de la Chapelle Palatine de Palerme
Hélas il est passé 17:00 et la Chapelle Palatine aux merveilleuses mosaïques (dans le fameux Palais des Normands) vient juste de fermer.

Christ en Gloire (Pantocrator) dans l'abside de
                    la Chapelle Palatine de Palerme
Christ en Gloire (Pantocrator) dans l'abside de la Chapelle Palatine
Dôme de la Chapelle Palatine et ses mosaïques
Dôme de la Chapelle Palatine et ses mosaïques

Nous prenons la direction du nord pour au moins contempler l’extérieur du bâtiment mais je dépasse le carrefour prévu, m’engage - pour me rattraper - dans la rue suivante et nous entraîne malencontreusement dans le dédale des ruelles étroites et encombrées menant au Marché Ballaro. J’en suis quitte pour arracher le portillon de la prise de courant extérieure accroché sur le pneu avant d’une voiture stationnée du mauvais côté. Échaudé par cette mésaventure, tancé par Monique pour ma légèreté à m’engager dans des rues si peu faites pour nous, lassé du tintamarre et du stress de la circulation urbaine, je préfère renoncer à nos velléités de visite palermitaine. Encore un peu de patience - c’est maintenant l’heure de pointe dans le centre ville de Palerme ! - et nous gagnons péniblement la sortie de l’agglomération. Palerme
                : la Puerta Nova
Palerme : la Puerta Nova menant vers l'intérieur des terres

Nous longeons la côte sur une vingtaine de kilomètres et finissons par aboutir, à la recherche d’un bivouac, sur le petit port de Porticello. Trouvant un stationnement fort tranquille à l’écart des quais animés, nous nous y installons près d’un chantier naval juste au dessus de l’eau, soupons et nous couchons aussitôt, épuisés.

Mercredi 19 mars 1997 : de PORTICELLO (Solunto) à CEFALÙ (64 km)

Rattrapant notre mauvaise nuit de traversée et nos déconvenues d’hier, nous dormons longtemps et décidons d’y aller doucement pour cette journée.

Le port de
                Porticello au pied du Mont Catafaldo
Le port de Porticello au pied du Mont Catalfano
De toute façon, le village est fort tranquille, le temps magnifique, la brise tiède et le cadre des plus agréables : devant nous la superbe Baie de Capo Zafferano entourée de montagnes qui limitent l’horizon, à notre gauche le Cap lui-même et derrière le Monte Catalfano portant les ruines de l’antique Solunto.

Nous prenons tranquillement le soleil lorsque nous sommes abordés par Antonio, un aimable pêcheur et batelier qui promène dans sa barque durant l’été les touristes sur les récifs de Formica (algues, corail et poissons extraordinaire) mais qui pour l’heure est libre comme l’air, pique une jasette avec nous et nous indique les points d’intérêt - nombreux et variés - de son village.

Nous commençons par grimper sur le Mont Catalfano. Les ruines de l’ancienne Solonte s’étendent sur le flanc du mont, à 200 mètres au dessus de la mer. Si les restes des villas, des rues, du forum et des citernes ne sont plus pour nous étonner, le site en revanche est magnifique, offrant des vues très étendues sur le Golfe de Palerme du côté ouest et sur le Golfe du Cap Zafferano de l’autre.

Monique, un peu réticente à parcourir encore une fois un champ rempli de vieilles pierres, convient de la beauté du lieu et nous flânons un long moment dans les hauteurs, profitant pleinement du soleil, de l’espace et de l’air pur et tiède. 
Solunto sur le Monte
                Catalfano : ruine de la ville antique
Ruines de la ville antique de Solunto sur le Monte Catalfano

De retour sur le port de Porticello, nous croisons à nouveau Antonio sur son vieux scooter qui tient à nous guider vers d’autres attractions : son petit village de pêcheur de Santa Elia et le Cap Zafferano. Sympathique, il m’embarque sur son siège arrière pour explorer le chemin et en vérifier la viabilité pour notre gros véhicule. Sage précaution, car la route très étroite menant au phare aurait été trop délicate pour nous, mais son offre me vaut une bien belle balade au grand vent sur cette monture toute nouvelle. C’est en effet la première fois que j’enfourche cet engin pourtant si commun ici et dont nous avons côtoyé tant d’exemplaires depuis un mois. Paysage superbe et assez sauvage lorsqu’on atteint le phare inoccupé depuis que la lanterne a été automatisée.

Nous déjeunons ensuite devant la plage de Santa Elia où les pêcheurs - dont Antonio - ont tiré au sec leurs barques aux couleurs vives fraîchement repeintes en prévision de l’été. Un dernier tour du hameau nous mène des plantations de palmiers amoureusement soignées par notre guide à l’anse étroite aux eaux émeraudes dans laquelle Antonio plongeait depuis le rocher en surplomb lorsqu’il était enfant. Après embrassades avec notre nouvel et bref ami et sa jeune fiancée polonaise Judith, nous reprenons la route. Antonio, Judith et
                Jean-Paul devant le port de Santa Elia
Antonio, Judith et Jean-Paul devant le port de Santa Elia

Vue sur le
                Golfe de Zafferano à Termine Imerese
Vue sur le Golfe de Zafferano à Termine Imerese
Elle longe le golfe, offrant à plusieurs reprises de magnifiques vues sur le Cap et sa baie derrière nous. Le panorama est particulièrement étendu des deux côtés à Termine Imerese où nous grimpons sur le belvédère au dessus du port.

Nous arrivons enfin à Cefalù dont le vieux bourg s’étend au pied de sa Rocca, un promontoire abrupte s’élevant à 270 m au dessus de la plage bordant la ligne des vieilles maisons. Les deux tours carrées de sa cathédrale siculo-normande (XIIème) émergent des toits de tuiles unis, signalant de loin le monument exceptionnel. L'arrivée à
                Cefalu au pied de sa Rocca arrondie
L'arrivée à Cefalu au pied de sa Rocca arrondie

Plage
      et barques échouées à Cefalu en été
Plage et barques échouées à Cefalu en été

Jean-Paul sur la plage de Cefalu en fin d'après-midi 
Jean-Paul sur la plage de Cefalu en fin d'après-midi

Nous stationnons le long de la plage pour partir à la découverte des petites rues : façades anciennes à trois étages, grand pavé en dalles rectangulaires datant des Romains (1er siècle av. J.C.), ambiance chaleureuse et vivante d’une petite ville méditerranéenne en début de soirée. Le lavoir médiéval de Cefalu
Le lavoir médiéval de Cefalu


Barques sur la plage de Cefalu
Barques sur la plage de Cefalu

La vieille ville de Cefalu autour de sa
                      cathédrale
La vieille ville de Cefalu autour de sa cathédrale au pied de la Rocca


Façade de la cathédrale de Cefalu
Parvis et façade de la cathédrale de Cefalu

En approchant du vaste parvis devant l’église, la foule devient plus dense et nous croisons plusieurs groupes portant la chape et les insignes de différentes congrégations se dirigeant vers la nef.

Le bâtiment est magnifique, reflétant à la fois la tradition normande dans sa structure :
Cefalu : la cathédrale romane et son abside
Cefalu : la cathédrale romane et son abside

Tours
                « normandes » de la cathédrale de Cefalu
Tours « normandes » de la cathédrale de Cefalu
deux tours jumelles carrées et dissymétriques, large façade en avant..

...longue et haute nef aux colonnes élancées, croisée du transept surélevée et abside en cul-de-four ...
Nef romane de la cathédrale de Cefalù
Nef romane de la cathédrale de Cefalu

...et les inspirations arabes et byzantines dans le décor : arches du pro-narthex, merlons et fenêtres arrondis, remarquables mosaïques dorées du chœur.

Christ en gloire dans le choeur de la cathédrale de
          Cefalu
Christ en gloire dans le choeur de la cathédrale de Cefalu

Mosaïque des archanges et des séraphins au-dessus du choeur
        de la cathédrale de Cefalu
Mosaïque des archanges et des séraphins au-dessus
du choeur de la cathédrale de Cefalu


Mais nous détournons bientôt notre attention de cette superbe architecture lorsque nous découvrons l’origine de l’agitation qui nous entoure : une statue de St Joseph posée sur une civière attend devant le chœur, une douzaine de porteurs alentours. Une processions du clergé et des différentes congrégations se prépare car c’est aujourd’hui la fête du saint patron de la cité.  Fanfare en tête, chanteurs de cantiques ensuite, personnages costumés très dignes, le cortège s’ébranle, suivi par la foule, puis quitte lentement la place pour faire le tour des rues. Je capte tout ce que je peux à la vidéo, enchanté de ce spectacle impromptu si démonstratif du goût italien pour la fête et le théâtral.
Tour et nef de la cathédrale de Cefalu
Tour et nef de la cathédrale de Cefalu

Musée Mandralisca de Cefalu : Le vendeur de thon,
                  cratère provenant de Lipari, manufacture siciliote du
                  IVème s. av. J.C.
Musée Mandralisca de Cefalu : Le vendeur de thon,
cratère provenant de Lipari, manufacture siciliote du IVème s. av. J.C.

Musée Mandralisca de Cefalu : Portrait d'un
                  inconnu, (1465-1470) chef-d'oeuvre d'Antonello da
                  Messina
Musée Mandralisca de Cefalu : Portrait d'un inconnu,
(1465-1470) chef-d'oeuvre d'Antonello da Messina


La nuit est tombée pendant ce temps. Nous parcourons un peu la grande rue en chinant les bijoutiers et en admirant les monuments dont, en particulier, l’Osterio Magno aux belles fenêtres ogivales, maintenant transformé en musée. Un aimable couple de Romains nous aborde alors : lui est écrivain et nous raconte qu’il vient d’achever une traduction de l’article "Italie pittoresque" de Charles Didier qui passa 6 mois à parcourir à pieds l’Italie. Il nous conseille, en un français impeccable, un petit itinéraire qui nous fera découvrir la Sicile des montagnes et des villages de l’intérieur.
Enchantés par cette autre charmante rencontre - rarement aurons-nous été si bien accueillis ! - nous retournons vers notre Aigle dans la nuit maintenant complètement tombée, en échangeant au passage notre bouteille de Camping-Gaz vide dans un magasin encore ouvert (il ferme à 20:00 et il n’est encore que 19:30). Souper devant la plage, puis coucher au bout de la promenade en impasse devant la mer et dans la solitude. Coucher de soleil sur le port de Cefalu, à travers
                l'arc gothique de la porte Marina ou Pescara
Coucher de soleil sur le port de Cefalu, à travers l'arc gothique de la porte Marina ou Pescara

Jeudi 20 mars 1997 : de CEFALÙ à NICOSIA (120 km)

Le trafic au bout de la promenade le long de la plage diminue puis cesse complètement dès 22:00, ce qui nous garantit un sommeil paisible. Au matin, le ciel est variable, vent et mer assez agitée laissent flotter dans l’air une vapeur ténue et couvrent vitres et lunettes d’une fine couche d’embruns. Nous commençons par nous rendre à l’extrémité de la Baie, sur le cap bientôt barré par la porte cadenassée et bardée de fils barbelés du Club Med local, un vrai camp de concentration... La plage de
                Cefalu au matin
La plage de Cefalu au matin

Le site
                de Cefalu au pied de la Rocca
Le site de Cefalu au pied de la Rocca
De là bas, belle vue sur le village, sa plage et son énorme rocher trônant au dessus, au delà de la mer blanchie par l’écume des vagues qui déferlent violemment.

De retour à l’Aigle, nous gagnons le centre du village en faisant le plein d’eau sur une fontaine au centre de la promenade le long de la plage. Je laisse ensuite l’Aigle sur une ruelle au pied de la Rocca, le promontoire qui culmine à 270 m au dessus de la petite ville et dont j’ai convaincu Monique d’escalader la pente abrupte. Cefalu : le village de pêcheurs au pied de la
                citadelle sur la Rocca
Cefalu : le village de pêcheurs au pied de la citadelle sur la Rocca

Cefalu : barques de
      pêche échouées sur la plage devant la vieille ville
Cefalu : barques de pêche échouées sur la plage devant la vieille ville

Cefalu : on joue au foot sur le quai devant la vieille
        ville
Cefalu : on joue au foot sur le quai devant la vieille ville

Si le sentier, maçonné sur presque toute sa longueur, est excellent, il n’en exige pas moins un bon coup de cœur. Mais au fur et à mesure qu’il s’élève au dessus des pins puis franchit les différents murs et fortifications qu’ont laissé les Byzantins, le superbe panorama s’élargit d’abord sur la courbe de la plage et sur la ville moderne à nos pieds, puis sur la suite de caps au loin et enfin, une fois atteinte la ligne de remparts restaurés ceignant la Rocca, sur la vieille ville aux toits de tuiles roses disposés en désordre autour de la cathédrale. Vieille ville depuis la montée à la citadelle de
                Cefalu sur la Rocca
Vieille ville depuis la montée à la citadelle de Cefalu sur la Rocca

La cathédale depuis la Rocca
La cathédale depuis la Rocca
Vieille ville et cathédrale depuis la Rocca
Vieille ville et cathédrale depuis la Rocca

Celle-ci laisse apparaître en plongée les lignes remarquables de sa structure normande et les détails de son décor arabisant. Spectacle magnifique où l’architecture savante profite du grandiose cadre naturel qui l’entoure autant qu’elle l’enrichit. Malgré le vent qui nous gifle, nous flânons un bon moment sur le chemin de ronde, profitant des points de vue changeants sur le village, l’église et le cap en toile de fond. La
                vieille ville et la plage de Cefalu
La vieille ville et la plage de Cefalu

Le «
                temple de Diane» (en fait monument mégalithique
                proto-historique) sur la Rocca
Sur la Rocca, le « temple de Diane» (en fait un monument
mégalithique proto-historique : V-IVème s. av. J.C.) associé au culte de l'eau

Puis je me lance dans la deuxième partie de la balade sur un sentier beaucoup plus escarpé, seul car Monique essoufflée préfère m’attendre au pied d’un pin en prenant le soleil. La rude montée au milieu des fleurs et des plantes odoriférantes m’amène au sommet de la Rocca, dans les quelques restes du kastello byzantin entourés de citernes. Ruines peu significatives, mais vues magnifiques sur les deux golfes côtés ouest et est.

Les caprices du soleil que cachent les nuages de plus en plus nombreux m’obligent à patienter pour les prises de vue que je veux pleines de lumière, rendant toute la vivacité des couleurs et la netteté des plans qui s’étagent jusqu’à l’horizon. Il est donc presque 13:00 lorsque je rejoins Monique sur la grande plate-forme inférieure, et 13:30 lorsque nous retrouvons notre salle à manger roulante. Nous sommes affamés mais la cambuse est vide... Le temps de faire le plein d’essence puis quelques courses dans une petite épicerie, et nous allons déjeuner au bord de la grande route à la sortie de la ville. Ruines médiévales sur le promontoire à l'est de
                Cefalu
Ruines médiévales sur le promontoire à l'est de Cefalu (Kalura)

Le reste de l’après-midi sera consacré à une longue excursion dans les montagnes de l’intérieur, vers les villages signalés par notre aimable traducteur rencontré hier soir. La petite route grimpe longuement vers Collesano en s’éloignant progressivement de la mer qui finit par disparaître derrière nous. Vastes pentes semi-désertiques, larges vallées verdoyantes, cimes encapuchonnées dans les nuages sombres qui masquent bientôt complètement le soleil. Un peu partout autour de nous, des petites maisons modestes sont dispersées sur les pentes jusqu’à ce que nous arrivions dans l’agglomération aux rues étroites et intriquées. Faute de signalisation, nous devons demander notre chemin à un autochtone qui, très serviable, nous conduit hors du dédale des ruelles sur la route de Polizzi Generosa.

Nous continuons de monter dans le vent et dans la pluie jusqu’à cet autre village perché sur une crête. L’architecture reste très simple dans l’ensemble, les hautes maisons sans décor particulier sont toutes serrées les unes sur les autres... Impression d’austérité mais aussi de beaucoup de vitalité dans ces gros bourgs isolés à plus de 1000 m d’altitude, bien loin des plages à touristes et des ports de la côte. Nous passons ensuite Petralia puis Gangi sous des averses de grêle qui refroidissent l’atmosphère jusqu’à 5° C. Vastes paysages encadrés par de hautes montagnes couronnées de neige et culminant à 1 500 - 2 000 m, lumière grise parfois égayée par un rayon perçant les nuées épaisses... Nous arrivons à la nuit tombante à Nicosia, un autre bourg pittoresque perché à 1 100 m, où nous allons poser notre bivouac sur la grande place centrale. Elle est encombrée de voitures mais offre une fort belle vue sur les maisons et les églises accrochées aux pentes. Il pleut encore, l’obscurité envahit le paysage, nous nous enveloppons dans notre cocon, soupons puis Monique fait la vaisselle pendant que je rédige ce journal en écoutant la retransmission radio du " Turc en Italie " de Rossini donné en direct depuis la Scala de Milano... Plus Italien, tu meurs...

Vendredi 21 mars 1997 : de NICOSIA à VILLAFRANCA TIRRENA (220 km)

Le temps clair et dégagé réchauffe l’atmosphère après une nuit très fraîche et pluvieuse. C’est même la chaleur du soleil tapant sur notre toit qui nous réveille à 7:45, au bout de cette excellente nuit de repos. La vue sur les différents rochers autour de nous couverts de maisons et dominés chacun par une église est fort pittoresque, mais ne suffit pas à décider Monique à une quelconque excursion à pieds. Nous prenons donc la route vers 8:45 en direction de Troina.

Paysage de montagnes peu élevées (entre 1000 et 1500 m) mais dont le relief assez accusé amène la route à serpenter continuellement en épousant les courbes de niveau. De plus la nature marneuse du sol a entraîné des glissements de terrain et des affaissements de la chaussée qui entravent sans cesse le parcours, soit que la moitié en soit condamnée, soit que de grands creux dans l’asphalte bordés de fissures obligent à des ralentissements considérables. Les terres semblent assez pauvres, souvent livrées au pâturage de quelques moutons portant clochette, ou montrent les débuts timides d’un reboisement de toute évidence indispensable. Notre progression est bien entendu très lente; la circulation demeure assez clairsemée, mais les constants ralentissements dus au mauvais état de la route, aux virages qui s’enchaînent sans interruption et aux longues rampes assez raides rendent la conduite fatiguante sans que les kilomètres défilent rapidement au compteur.

Troina
Troina
De temps à autre, le panorama s’élargit ou montre des lignes frappantes qui m’amènent à sortir la vidéo. C’est surtout le cas lorsqu’apparaissent les villages perchés caractéristiques, entassés sur une crête au dessous d’un rocher ruiniforme. Il pointe comme la tour d’un château fort protecteur, alors que souvent c’est plutôt une église ou quelques gros blocs nus qui couronnent le village.

Nous passons ainsi Troina, puis Cesarò où nous grimpons jusqu’à la base d’un grand " Christ Rédempteur de la Montagne " en bronze qui tend ses bras largement étendus sur le grandiose paysage de montagnes. Celles-ci s’élèvent encore plus lorsque nous bifurquons vers le nord en direction de Monte Soro (1 847 m). La neige apparaît sur les bermes puis dans le sous-bois des forêts de chênes que nous traversons alors. Il fait froid (7 °C), partout on entend l’eau ruisseler, la route est humide, la neige encombre encore suffisamment la piste menant au sommet du mont pour nous empêcher de la gravir, Monique refusant que je pose les chaînes... C’est ensuite la longue descente qui commence vers San Fratello. Nous déjeunons à côté d’une fontaine abreuvoir où, pendant que Monique prépare le déjeuner je puise l’eau nécessaire à un lavage extérieur complet de notre Aigle vraiment crasseux. Il sort resplendissant du traitement et nous achevons notre descente vers la mer dont le bleu se confond avec celui du ciel.

Nous y retrouvons une température et une végétation méditerranéennes : 15° à 16°, oliviers, palettes de figuiers de barbarie et même citronniers lorsque nous atteignons les plages de San Agata de Militello. Malheureusement la route 113, pourtant surlignée de vert sur notre carte Michelin, n’a pas grand chose de panoramique : elle suit le chemin de fer qu’elle croise parfois ou franchit par des ponts trop bas, nous obligeant à de grands détours, ou bien traverse d’interminables zones bâties comme à Capo Orlando ou à Brolo sans offrir aucune perspective intéressante sur la côte. Passage un peu plus spectaculaire lorsqu’elle monte en corniche sur quelques kilomètres jusqu’à Patti mais au prix de virages incessants aussi fatigants que la montagne de ce matin.

Nous errons un petit moment ensuite dans la petite ville à la recherche du site de Tyndaris, très mal indiqué, avant de gravir enfin le promontoire qui se signale surtout par une grande église de pèlerinage à une Vierge noire... Des ruines, il ne reste pas grand chose; même la haute porte dite « Basilique » est trop déglinguée pour donner une bonne idée de sa grandeur antique. Le théâtre a gardé presque tout son volume, mais ses gradins, tout comme son mur de scène, sont très dégradés... Quelques curiosités intéressantes ont trouvé refuge dans le petit musée - statues, céramiques - mais c’est surtout le site, superbe entre les deux golfes éclairés par le soleil couchant, qui aura valu le déplacement. Tyndari : le banc de sable Marinello au-dessus du
                promontoire
Tyndari : le banc de sable Marinello au-dessus du promantoire

Villa romaine de Tyndaris
Villa romaine de Tyndaris
Tyndaris : ruines du gymnasium romain
Tyndaris : ruines du gymnasium romain; au fond la basilique à la Vierge Noire

Théâtre grec de
          Tyndaris
Théâtre grec de Tyndaris

Nous hésitons à dormir sur le petit parc de stationnement très calme car il nous semble encore trop venteux et froid. Nous préférons nous avancer en filant sur l’autoroute en direction de la pointe extrême nord-est de la Sicile, à Villafranca, où nous allons dormir au bord de la plage, en vue des Îles Éoliennes baignées par les dernières lueurs violacées du jour finissant.

Coucher de soleil sur les Îles Éoliennes
Coucher de soleil sur les Îles Éoliennes

Samedi 22 mars 1997 : de VILLAFRANCA TIRRENA à MELITO DI P.S. (140 km)

Nuit calme que nous prolongeons comme pour compenser la fatigue de la longue route montagneuse d’hier. C’est donc assez tard que je vais flâner un peu sur le boulevard en bord de mer où des pêcheurs débarquent leurs prises qu’ils offrent aux badauds de plus en plus nombreux. Nous nous avançons un peu en direction du Cap en empruntant la petite route verte (sur la carte). Déception : le village de vacances vide où nous arrêtons un moment ainsi que la route en corniche  présentent un intérêt fort limité, n’étant entourés que de maisons de vacances, de clubs et autres restaurants fermés, ou de cultures maraîchères fort peu esthétiques. Qui plus est, la voie est bientôt coupée par un éboulement qui nous oblige à un détour fort mal fléché.

Messine
                et son détroit, au fond la Calabre
Messine et son détroit, au fond la Calabre
Nous atteignons alors Torre Faro qu’un " urbanisme " brouillon a transformé, de modeste village de pêcheurs ayant grandi trop vite, en annexe de loisir de la grande ville de Messine toute proche, avec son cortège de gargotes, de restaurants et de dancings... Depuis la grève en dessous du phare, à la pointe nord-est de la Sicile, nous jetons quand même un coup d’œil au détroit, le " stretto ", puis allons déjeuner un peu plus loin au bord de la route pour admirer le panorama : de notre côté s’étale l’agglomération messinienne au pied du Monte Peloritani, de l’autre Villa San Giovanni et, plus au sud, Reggio de Calabre dominés par les hauteurs de l’Aspromonte.

Lorsque nous repartons, c’est pour gagner directement le traversier (36 000 Lires, soit 30 $) qui nous ramène rapidement sur le continent en offrant de belles vues sur les deux rives du détroit.




14. Remontée de l'ITALIE jusqu'aux sources du CLITUNNO (Ombrie)


Samedi 22 mars 1997 : de VILLA SAN GIOVANNI à MELITO di PS (après-midi)

Troupeau de chèvres sur une petite route de
                l'Aspromonte (Calabre)
Troupeau de chèvres sur une petite route de l'Aspromonte (Calabre)
Nous cherchons un peu notre chemin en débarquant, voulant suivre la route nationale SS 18 vers le sud plutôt que l’autoroute pour rejoindre ensuite la petite route S 184 qui grimpe à 1100 m jusqu’à Grambarie, au centre du massif de l’Aspromonte. Les abords de San Giovanni, puis des autres bourgs côtiers sont comme souvent sales, désordonnés et mal construits, mais la vallée dont nous escaladons la pente ensuite par une très longue suite de virages serrés et d’épingles à cheveux nous réconcilie avec une nature plus nette et plus sauvage.

Notre progression très lente nous fait traverser plusieurs villages assez pauvres, tandis que les pentes sont envahies par les oliviers jusque vers 700 à 800 m. Au dessus, ce sont des feuillus qui occupent les terres jusqu’à ce que nous atteignons la station de Grambarie. Pensions, hôtels et chalets d’été sont fermés et la lumière grise (car nous sommes juste sous le nuage qui fait chuter la température à 7 degrés) confèrent à l’ensemble un air de grande tristesse et d’abandon. Nous ne nous attardons donc pas et cherchons la S 183. Aucun panneau indicateur en vue encore une fois, pas plus que d’indigène... Il nous faut parcourir une bonne dizaine de kilomètres dans un paysage fantomatique (solitude complète, écharpes de nuages flottant entre les arbres, route en corniche au dessus de précipices) pour nous confirmer enfin que nous sommes dans la bonne direction.

La descente ensuite vers Melito est spectaculaire, à coup d’épingles à cheveux qui se succèdent sans interruption et dont nous apercevons les méandres successifs loin en dessous de nous. Enfin apparaît la mer, nous sortons de la forêt pour retrouver les oliviers et longer le large lit caillouteux et sec d’un torrent aboutissant au petit port. Celui-ci est aussi minable que les villages de montagne qui l’ont précédé, aussi préférons-nous longer le rivage un peu plus loin vers l’est pour aller dormir sur une plage totalement déserte. Silence presque complet - le ressac est assez loin - petites lumières des navires qui doublent la pointe sud de l’Italie au large, lune évanescente masquée par de vastes bancs de nuages à la dérive...


Dimanche 23 mars 1997 : de MELITO di PS à COSENZA (313 km)

Nuit tranquille sur notre plage déserte où le seul bruit qui nous atteigne est la cloche du passage à niveau par lequel nous avons franchi la ligne du chemin de fer longeant la côte. Niveaux du moteur, fin du lavage du linge, plein d’eau sur le robinet d’une douche de plage désaffectée pour l’hiver avant de reprendre à 9:10 la route côtière vers l’est puis vers le nord.  Le paysage se déroule sans grandes variations devant nous : à droite la mer bleu émeraude qui étincelle sous le soleil de plus en plus chaud, en avant la route, dans l’ensemble excellente, qui traverse d’interminables villages, des cultures maraîchères ou le large lit de torrents rocailleux qui tombent des montagnes plus ou moins proches à notre gauche.

Près de Soverato, nous arrêtons sur un petit promontoire entre une belle plage et une anse rocheuse pour déjeuner à 12:30. Bientôt Cantazaro apparaît à l’intérieur des terres, juché sur les premières pentes du massif de la Sila. Nous faisons deux fois le tour de la petite ville (sens uniques et ruelles tortueuses encerclant le pic que coiffent les maisons) avant de trouver l’entrée du Jardin Trieste signalé par le Guide Vert pour son beau panorama. En fait, ce petit parc d’une luxueuse villa du siècle dernier transformé en jardin public ne découvre qu’une faible partie du paysage, mais le profond ravin creusé par un torrent impétueux - lit à sec - et les monts sauvages qui l’entourent valent à eux seuls le léger détour.
Déjeuner sur le
                  promontoire de Soverato, entre plage et anse rocheuse

Massif de
                la Silla : Cormigliato, village de Gozzolino Soprano
Massif de la Silla : Cormigliato, village de Gozzolino Soprano
Nous avons décidé de traverser le Massif de la Sila par les petites routes très accidentées qui le parcourent. Longue montée jusqu’à Villagio Mancuso, au dessus de  1 000 m d’altitude, qui se révèle une nouvelle station de villégiature en plein développement (avec marchands de souvenirs atroces...) où il fait actuellement très froid (4°C). Les quelques promeneurs du dimanche portent anorak et manteaux de fourrure et nous dévisagent les yeux ronds lorsque nous allons quérir quelques cartes postales en chemisette à manche courte et sandales pieds nus.

Le long de la route en montant, belles vues sur les ravins à pic, le moutonnement des collines et montagnes à perte de vue, les villages assez nombreux perchés sur les sommets ou accrochés à mi-pente. Une petite d’erreur d’orientation nous ramène 12 km plus bas vers Cantazaro : la signalisation en dehors des grandes routes n’est guère meilleure qu’en France et notre carte au 1/1 000 000 est nettement insuffisante... Nouvelle grimpée pénible, les virages serrés de la petite route mettant à dure épreuve la direction et la suspension de l’Aigle comme les bras du chauffeur. Lac
                de barrage dans le Massif de la Sila : Lago del
                Passante 
Lac de barrage dans le Massif de la Sila : Lago del Passante

Descente
                abrupte du Massif de la Sila sur Cosenza
Descente abrupte du Massif de la Sila sur Cosenza
Après 2 heures de route de montagne, nous écourtons un peu la balade prévue autour des lacs, le paysage de forêts et les incessants virages finissant par nous sembler répétitifs. Une fois escaladé le col d’Ascione à 1384 m, nous traversons une sorte de plateau très " montagne à vaches " où, sur un terrain relativement plat, des troupeaux paissent dans des prairies à l’herbe drue. Puis la route reprend ses lacets ininterrompus pour une vingtaine de kilomètres de descente vers Cosenza que nous atteignons à la tombée de la nuit.

Il fait juste assez clair pour découvrir, après quelques recherches, l’Hypermercato Carrefour dont nous avions vu les publicités lors de notre descente vers la Sicile il y a un mois. Puis nous retournons au centre ville pour téléphoner à Juliette : Monique éprouve bien des déboires avec plusieurs cabines téléphoniques défectueuses avant de rejoindre enfin Mathieu venu faire la veille à la place de sa sœur partie en week-end de ski. Tout va bien... il change de boulot pour un mieux payé ! La conversation est presque inaudible tant la ligne est mauvaise. Après un vrai gymkhana dans les ruelles étroites de la vieille ville, nous retrouvons le parking de Carrefour où nous nous installons pour la nuit. Un garde de sécurité vient pour nous en chasser, mais lorsqu’il aperçoit notre immatriculation française puis lorsque je lui affirme que nous attendons pour magasiner demain matin, il laisse faire et disparaît... Coucher tôt à 9:25.

Lundi 24 mars 1997 : de COSENZA à SANTERAMO in COLLE (256 km)

Encore une autre nuit paisible sans aucun dérangement. A 9:00 je passe les barrières du grand stationnement devant le magasin pour constater que, malgré la présence des voitures des employés rassemblées dans un coin, les portes de l’hypermarché et de la galerie marchande restent closes, et pour cause, puisqu’elles ouvrent seulement à 14:00 le lundi... Nous renonçons donc à remplir notre cambuse d’épicerie française et poursuivons notre remontée vers le nord. Pas pour longtemps, car en quittant l’autoroute à la bifurcation vers Sibari, des vibrations dans le train arrière m’obligent à arrêter pour constater qu’une grosse enflure affecte la roue arrière droite de l’Aigle. Il s’agit en fait de la roue de secours d’origine du véhicule (qui a plus de 14 ans !) et que j’avais dû monter lors de notre première crevaisons à Matmata, dans le sud tunisien. Les plis d’acier de sa semelle devaient être rouillés à l’intérieur du caoutchouc et ont fini par céder maintenant. Je dois donc réinstaller l'actuelle roue de secours sur laquelle j’avais fait monter l’un des pneus avant usés, et nous repartons vers Sibari.

Je suis épouvanté par la conduite automobile des Italiens qui doublent sur les lignes blanches, sans visibilité, en comptant que la voiture en face se tassera suffisamment pour les laisser passer. C’est encore pire en ville où l’on ne respecte pas les stops et où l’on stationne n’importe où, en travers voire perpendiculairement à la rue si l’espace le long du trottoir est insuffisant. Il n’est pas rare non plus que l’on arrête son véhicule en pleine rue pour piquer une jasette avec un ami passant sur le trottoir, ou même dans une voiture que l’on croise ! Tout cela à grand renfort de coups de klaxon ou d’appels de phares... La conduite est plus sage sur l’autoroute fort bien dessinée ou sur la route express qui prend le relais le long de la côte. Nous progressons dans les paysages un peu monotone du Golfe de Tarente : rivage bas, plages assez belles mais côte parfois marécageuse, jusqu'au détour après Trabisacce pour aller voir le village médiéval dominé par le château de Frédéric de Souabe à Rocca Imperiale. Le site est joli : les petites maisons s’entassent autour de la masse imposante du château qui couronne la colline, et les ruelles raides mais bien pavées serpentent entre les maisons anciennes plus ou moins bien retapées. Mais en arrivant devant la grille tout en haut, nous devons constater que celles-ci sont verrouillées et que, de toute façon, les bâtiments ne sont plus que ruines... Au moins la balade nous aura-t-elle valu un bon bol d’air - assez frais d’ailleurs - et une large vue sur le vaste Golfe de Tarente. Nous déjeunons et poursuivons la route côtière rapide jusqu’à Metaponto où nous bifurquons à l’intérieur vers l’ouest par une grande 4 voies très rapide suivant en longues courbes la vallée du Basento, au pied de l’arrière pays montagneux.

Une petite route plus pittoresque et accidentée ensuite mène jusqu’à Matera où le Guide Vert signale une curieuse agglomération de " sassi ", en fait un entassement de maisons mi troglodytes mi voûtes de calcaire très tendre. Ce quartier populaire date de l’époque médiévale et occupe les deux versants d’une crête où se trouvent églises, duomo et maisons plus bourgeoises ou nobles d’allure beaucoup plus conventionnelle.
Effectivement le coup d’œil est pittoresque et la balade dans ce quartier plébéien a dû valoir le déplacement lorsqu’il était vivant et habité. Pour l’heure il est en complète " réhabilitation ", vidé de ses occupants, livré aux pioches des démolisseurs, des poseurs d’égout, d’adduction d’eau et autres aménagements ou simplement aux maçons qui remontent les murs croulants ou remplacent les pierres très friables et donc très abîmées. Impression de ville morte, coup d’œil insolite sur ces murs blancs percés des sombres trous béants des fenêtres vides, déception de trouver fermées les petites églises à demi troglodytes contenant, paraît-il, de jolies fresques naïves. Les sassi
                caveaso de Matera
Les sassi caveaso de Matera

Nous flânons un peu puis remontons sur la colline en empruntant un lacis de ruelles défoncées par les travaux. En haut, on découvre quelques bâtiments nobles dont la cathédrale au beau décor extérieur sculpté en fin de restauration mais dont l’intérieur lourd ne nous retient pas. Téléphone à Jehanne pour lui préciser les dates de notre passage à Florence au cas où elle désirerait nous y rejoindre, puis retour à l’Aigle que des automobilistes malotrus ont coincé en stationnant tout contre sur des espaces interdits...

Il faut trois tentatives malheureuses avant de trouver un Bancomat (guichet automatique) fonctionnel et retirer un peu d’argent. Nous arrêtons dans quelques boutiques d’alimentation pour quérir de quoi souper ce soir et quittons la ville à la nuit. Dans les collines aux douces ondulations couvertes de cultures de céréales, les maisons sont rares ou invisibles... Nous arrêtons 25 kilomètres plus loin en bordure du gros village rural de Santeramo in Colle, pour manger et dormir sur une rue peu passante. Coucher à 9:45.

Mardi 25 mars 1997 : de SANTERAMO IN COLLE à ZAPPONETA (289 km)

Il pleut durant la nuit et le ciel reste très chargé au matin. Nous nous levons assez tôt et sommes sur la route à 8:15, après un bon sommeil sans dérangement. La pluie reprend lorsque nous nous mettons en route pour tâcher de gagner Alberobello, la ville destrulli. Ce sont des maisons de pierres sèches constituées d’une base carrée surmontée d’un cône de pierres plates se chevauchant. Mais la signalisation confuse sur la route - ou carrément l’absence d’indications - fait que notre itinéraire d’une quarantaine de kilomètres se trouve presque doublé lorsque nous nous engageons dans de mauvaises directions et devons faire demi-tour par deux fois.

Trulli rural près d'Alberobello
Trulli rural près d'Alberobello
Autour de nous, dans des champs de terre très rouge semés de cailloux en calcaire blanc, des trulli encore debout servent de maisons rurale, de bergerie ou même encore parfois d’habitation. Certains sont isolés, d’autres groupés en se raccordant par leurs angles, leurs courbes se mariant avec élégance.

 Courses d’épicerie dans un supermarché moderne bien équipé mais où nous sommes encore une fois surpris du peu de variété des produits, en particulier conserves de légumes, plats préparés, pâtes (en Italie, pourtant !) et desserts.

Lorsque nous atteignons enfin Alberobello, c’est pour découvrir un quartier entier de trulli qui comprend plusieurs rues et a été préservé depuis son classement en 1924. Rue
                d'Alborobello : la Via Montenero en 1920
Rue d'Alborobello : la Via Montenero en 1920

Les
                  toits d'Alberobello
Les toits d'Alberobello
Rue d'Annunzio à Alberobello
Rue d'Annunzio à Alberobello

Malheureusement le site est devenu uniquement commercial, tous les trulli alignés le long des ruelles de pierres abritent maintenant des magasins de " souvenirs " et d’artisanat locaux. Les produits sont tous un peu pareils : tissage et broderies, poterie, cuirs, etc., le plus souvent d’un mauvais goût criard. Une autre
                rue d'Alborello
Une autre rue d'Alborello

Trulli urbain à Alborello
Trulli urbain à Alborello
De plus les habitants qui vivent uniquement de l’exploitation des touristes sont assez agressifs, depuis le gardien de la place au pied du quartier transformé en parking lucratif (5 000 lires pour les " campers " !) que je m’empresse d’éviter jusqu’au moindre commerçant qui vient nous racoler jusqu’au milieu de la rue.

Vite lassés de leur insistance agressive qui enlève beaucoup du plaisir à la découverte, et un peu déçus de l’uniformité qu’une restauration trop " utilitaire " masquant toutes différences a imposé au quartier, ainsi que du vide culturel ou anthropologique (aucune notice ni indication architecturale ou sociologique sur ce type d’habitat), nous abrégeons notre balade.  Maquette du
                quartier des trulli à Alberobello
Maquette du quartier des trulli à Alberobello

 Gouffre de
                Castellana : la Grave
Gouffre de Castellana : la Grave
Nous récupérons notre Aigle laissé sur une rue voisine et prenons la direction de Castellana Grotte où se trouve l’autre attraction *** de la région. C’est un extraordinaire couloir souterrain de plus d’un kilomètre de long creusé par les eaux souterraines dans le sous-sol calcaire. Le long de la route, sous les champs d’oliviers et au milieu des cultures, entre les murets de pierres blanches, de nombreux trulli en même pierre blanche, la plupart encore en très bon état, montrent combien ce style d’habitat était répandu dans les années passées.

En arrivant sur le site de la grotte - très aménagé lui aussi, on doit se presser en foule ici en saison - l’accueil plus qu’empressé du gardien du parking me fait bondir et quitter les lieux à peine arrivé. Nous allons stationner un peu plus loin; Monique me calme et nous revenons à pieds pour visiter - sans gardien agressif dans les jambes cette fois-ci - les fameuses grottes. Si le prix de la visite est assez élevé (15 000 lires chacun), le long parcours souterrain vaut largement le déplacement.

Il dévoile des concrétions étonnement élégantes accrochées un peu partout dans les grandes salles ou les couloirs qui s’enchaînent, subtilement mises en valeur par un éclairage indirect discret mais efficace. Après les vastes salles vues au Mexique, l’Aven Armand et les grottes de Han/Lesse en Belgique - les plus belles selon nous - en voilà une autre qui complète bien notre collection... Stalagmites de la grotte de Castellana
Stalagmites de la grotte de Castellana

  Balade au centre de la Terre dans la Grotte Blanche
            (Castellana)
Balade au centre de la Terre dans la Grotte Blanche (Castellana)
 
En sortant de Castellana Grotte, nous essuyons encore quelques averses sur la route de la côte rattrapée à Polignano a Mare, une quelconque station balnéaire où seul le petit promontoire sur lequel se serrent les modestes maisons de l’ancien village de pêcheur vaut le coup d’œil. Longue route côtière ensuite dans des terres basses, un peu marécageuses, traversant d’autres petites stations balnéaires tout aussi insignifiantes. Nous contournons Bari par la tangenzialle (périphérique) sans trouver le grand hypermercato français Auchan pourtant annoncé tout le long de la route. Dommage, notre stock de conserves est devenu bien bas...

La morne route côtière se poursuit ensuite. Après une tentative avortée - et exaspérante tant les Italiens conduisent mal - pour suivre le rivage, nous rejoignons la quatre voies rapide qui le longe un peu en retrait dans les terres. La nuit tombe, nous essayons de trouver un bivouac à Margherita di Savoia sans succès, poussons un peu plus loin au milieu des lagunes et des salins dans le village très rural - maraîchages - de Zapponetta où nous arrêtons sur une rue peu bâtie, proche de la caserne des carabinieri. Petit tour coloré sur la place du village très animée : les hommes discutent un peu partout, jouent aux cartes ou au billard dans les sièges des partis politiques, les femmes et les enfants - et quelques rares hommes – s’entassent dans l’église pour une lecture de la Passion. Bruit, cris, agitation, klaxons jusque tard dans la nuit.

Mercredi 26 mars 1997 : de ZAPPONETTA à CAMPOBASSO (347 km)

Nous parcourons beaucoup de route aujourd’hui car nous avons décidé de faire le tour du Promontoire de Gargano. Après une longue nuit qui heureusement mène à un jour radieux, nous longeons la côte assez plate du Golfe de Manfredonia jusqu’à la petite ville éponyme. Au dessus des terrains marécageux bonifiés d’abord pour l’agriculture et maintenant pour le tourisme (nombreux campings et villages de vacances) se profilent bientôt les hauteurs du Gargano encore relevées par une couronne de nuages. Nous en escaladons les pentes par une bonne route où s’enchaînent les épingles à cheveux jusqu’à Monte San Angelo, un gros bourg en balcon. Le grand nombre de maisons anciennes en rangées et de grands immeubles récents nous questionne sur l’origine de la richesse locale, car les ressources tant agricoles qu’industrielles semblent minces... Coup d’œil aux ruines du château médiéval fort peu restaurées et closes de toute façon avant de s’enfoncer dans la foresta umbra qui recouvre la presque totalité du massif. La route traverse d’abord des terres aux pentes douces plus ou moins cultivées, puis des pentes odorantes de maquis avant de franchir une vraie forêt de plus en plus dense, très bien soignée - clairières, belles futées - lorsqu’elle devient domaniale et aménagée en parc naturel.

Promontoire du Gargano : Peschici
Promontoire du Gargano : Peschici
Une très longue descente dans cette fûtée nous amène à Peschici, petite ville juchée sur un promontoire, vivant autrefois surtout de la pêche et maintenant plutôt du tourisme. Beau panorama sur la côte accidentée qui se poursuit pendant tout le long parcours de route de corniche au dessus de la mer, dans le maquis et les pins odorants. La route fait le tour de chaque anse, tournicotant sans arrêt mais offrant sans cesse des vues renouvelées sur la mer bleu émeraude, les rochers de calcaire blancs qui s’y précipitent et les pentes couvertes de la verdure sombre des pins et du maquis.

Les innombrables installations touristiques - campings, villages de vacances, pizzeria et quelques hôtels club - sont nichées au creux des anses et entourées d’arbres, si bien qu’on ne les voit pas trop. Si le spectacle vaut le détour, il nous rappelle cependant beaucoup le tour de la Chalcidique en Grèce, autrement plus sauvage, et les incessants virages finissent par fatiguer surtout lorsqu’ils ne révèlent plus de nouvelles vues surprenantes. Promontoire du Gargano : route côtière
Promontoire du Gargano : route côtière

Lorsque nous bouclons notre itinéraire peu après Mattinata, le soleil descend et nous avons vidé le réservoir rempli à Castellana hier, ce qui représente 359 km... Nous décidons de nous avancer vers le nord et empruntons alors d’excellentes 4 voies et autoroutes jusqu’à Foggia que nous contournons par la tangenziale, puis filons sur la route expresse vers Campobasso, dans les montagnes des Abbruzes. D’abord assez plate, la route s’élève progressivement puis adopte de grandes courbes en fond de vallée en approchant de notre but. Nous arrêtons pour bivouaquer à la nuit tombée dans le village de Campodipietra, quelques kilomètres avant Campobasso.


Jeudi 27 mars 1997 : de CAMPODIPIETRA (Campobasso) à POPOLI (Abruzzes) (210 km)

Montagne
                  autour de Campobasso dans les Abbruzzes
Montagne autour de Campobasso dans les Abbruzzes
Notre premier choix de bivouac (un petit terrain vacant à côté du jardin d’enfants local) s’avérant être le point de ralliement nocturne des ados du coin (cris, jeux, bousculades, pétrolettes et tutti quanti...), nous nous éloignons un peu pour nous installer au milieu d’une petite route dans un grand champ encore vide (probablement un futur lotissement), et trouvons là le calme recherché pour toute la nuit.

Grand soleil au matin, qui réchauffe notre chambre assez fraîche durant la nuit (nous sommes à une altitude de près de 600 m). Il est assez difficile de se diriger dans la ville de Campobasso fort mal signalisée, et je m’enrage encore une fois devant un chauffard qui brûle un stop juste devant moi et manque de percuter mon aile avant...

Difficultés d’orientation identiques à Isermia, quelques 50 km plus loin. Le paysage compense largement pour ces quelques désagréments si habituels ici : notre route longe une haute chaîne de montagnes enneigées dont les cimes dessinent l’horizon loin au dessus de nos têtes. Cette route de vallée, large et rapide aux courbes redressées, laisse place à un chemin beaucoup plus lent à partir d’Alfedena : le voie se rétrécit, devient plus inégale, adopte des virages serrés et très pentus pour escalader de front la montagne. Vue pittoresque sur le lac bleu et les vieilles maisons du village de Barrea, puis de Viletta Barrea. Dans
                  les Abbruzzes : Lac Barrea et son village homonyne
Dans les Abbruzzes : Lac Barrea et son village homonyne

Passage du Col de Godi à 1 630 m
Passage du Col de Godi à 1 630 m
Nous gagnons ensuite de merveilleux paysages de haute montagne puisque nous finissons par atteindre le niveau de la neige. Vastes horizon, pentes éblouissantes, terres sauvages d’où disparaissent villages et maisons... Seul le refuge signale le passage du Col de Godi, à 1 630 m d’altitude.
Longue descente ensuite dans l’autre vallée aboutissant au pittoresque - et encore assez peu touristique - village de Scanno. Le village de Scanno accroché à la montagne
Le village de Scanno accroché à la montagne

Vieilles rues pentues de Scanno
Vieilles rues pentues de Scanno
Scanno : procession traditionnelle de la
                    Semaine Sainte
Scanno : procession traditionnelle de la Semaine Sainte

Quelques vieilles femmes en lourd habit noir typique demeurent encore dans le lacis des ruelles où se serrent les maisons grises, autour des églises fichées sur un éperon rocheux, au dessus de la vallée profonde. Tout en bas, la route fait le tour d’un petit lac aux eaux bleues enchâssé entre les pentes abruptes. Plein d’eau sur une fontaine dont l’eau coule directement de la montagne. Femmes de Scanno tout en noir
Femmes de Scanno tout en noir


Sulmona-Casa Santa della SS. Annunziata
Sulmona : N.D. de l’Annunziata
Puis le chemin se creuse, nous entrons dans les gorges profondes du Sagittario dont les eaux remplissent plusieurs barrages successifs très étroits mais très hauts. La vallée s’élargit ensuite jusqu’à atteindre la ville de Sulmona. Nous stationnons juste devant la belle porte médiévale de Napoli et allons faire un tour au centre ville : agréable place Garibaldi, vaste, bien construite et bordée par les arches d’un ancien aqueduc, et surtout superbe façade de N.D. de l’Annunziata dont une restauration parfaite permet d’apprécier pleinement les fines et élégantes sculptures (fenêtres gothiques, portail Renaissance). Ambiance plaisante dans les rues qui commencent à s’animer (il est 18:30) mais qui demeurent paisibles en l’absence de circulation automobile. Magasins aux vitrines soignées, belles façades débarrassées de leurs anciennes publicités, fils et autres enlaidissements sans pour autant avoir été ravalée, rues sinueuses et pavées...

Il fait nuit lorsque nous reprenons la route après avoir requis l’aide d’un agent de police pour dégager notre Aigle coincé par un malotru stationné juste derrière. Encore une vingtaine de kilomètres et nous allons nous installer sur une rue résidentielle tranquille de la petite ville de Popoli. Souper, courrier, journal et coucher à 20:45.

Vendredi 28 mars 1997 : de POPOLI à SPOLETO (279 km)

Abbazia de San Clemente (IXe- XIIème s.) :
                  façade
Abbazia de San Clemente (IXe- XIIème s.) : façade
Aucun bruit durant la nuit au milieu des maisons, au point de penser que nous avons quitté l’Italie ! Le soleil réchauffant le toit et le grand ciel bleu nous promettent une belle journée.

Un bref parcours dans la vallée entourée de hautes pentes aux sommets enneigés nous mène au petit enclos entourant l’Abbazia di San Clemente. Tout ce qui reste de la riche abbaye fondée au IXème siècles (871) par l’Empereur Louis II est l’église, assez petite mais d’une grande finesse ornementale, la façade en particulier. Une merveilleuse restauration met pleinement en valeur les sculptures délicates de ses trois arcades, sa frise et ses quatre fenêtres décorées.

Tympan du
            portail de l'Abbazia de San Clemente
Tympan du portail de l'Abbazia de San Clemente

A l’intérieur, trois pièces extraordinaires : un ambon (chaire) monumental d’une grande richesse, surtout si l’on considère son ancienneté (1176-1182), et un candélabre pascal supportant un double chapiteau très travaillé orné de mosaïques.

Ambon (chaire) de San Clemente
Ambon de San Clemente

Candélabre pascal de San Clemente
Candélabre pascal de San Clemente

Dans le chœur en cul-de-four, un ciborium protège un autel constitué d’un sarcophage du IVème siècle. Une architecture romane très sobre, cistercienne, sert d’écrin à ces chefs d’œuvre auxquels il faudrait ajouter le précieux coffret d’albâtre servant de reliquaire aux restes de St-Clément.

Dans la crypte, plusieurs colonnes nervurées montrent clairement une origine antiques. Trésor architectural, mais aussi ambiance particulière dans les restes de ce monastère situé en pleins champs, donc au calme et dans la verdure, avec tout autour le grandiose décor des montagnes. Luxe supplémentaire, nous sommes les seuls visiteurs durant l’heure passée dans ses murs.
Le ciborium de San Clemente et son sarcophage
                  antique
Le ciborium de San Clemente et son sarcophage antique

Nous faisons demi-tour vers Popoli puis parcourons 80 km de belle route de vallée, dans le cadre montagnard des Abruzzes : sous la neige des sommets, des villages de pierre grise s’accrochent à mi-pente ou sur des crêtes intermédiaires, serrés autour de leur église ou de leur château, tandis que de riches cultures occupent le fond des vallées. En atteignant la grande ville de L’Aquila, capitale des Abruzzes, séduits par l’air pur et la grande lumière, nous décidons de faire un tour du cœur de la cité. Balade un peu décevante, la cathédrale St-Bernardin étant assez lourde malgré un beau - mais chargé - plafond baroque en bois peint et doré derrière une façade assez carrée et sans grâce. Les rues aussi manquent d’originalité, seule la façade en pierre rose de la Basilica Santa Maria di Collemagio vaut le détour. Nous déjeunons devant le parc municipal un peu quelconque malgré ses beaux arbres bien entretenus puis prenons la direction du Gran Sasso d’Italia, le sommet des Abruzzes à 2 914 m.

La route, évidemment très sportive (virages, fortes montées), met encore une fois à dure épreuve les 75 petits chevaux de notre moteur et les bras du chauffeur... A 1 100 m, nous atteignons la gare inférieure du téléphérique au pied de la longue barre rocheuse dont les hauts disparaissent dans les nuages. En effet le ciel s’est progressivement couvert depuis notre départ de L’Aquila, au point que le soleil a pratiquement disparu. Plusieurs camping-cars près de la station attendent une bonne cinquantaine de skieurs en tenue qui se déharnachent et semblent gelés. Le froid et le manque de visibilité nous font renoncer à l’ascension en téléphérique. Nous décidons plutôt de suivre l’itinéraire contournant le Gran Sasso vers Campo Imperatore, par une route qui continue de s’élever au milieu des pentes désertiques où la neige devient de plus en plus présente. Sauvage grandeur du paysage couvert d’herbe rase, totalement dénué d’arbres, semé d’affleurements rocheux et de plaques de neige glacée, encadré de hautes pentes grises qui disparaissent dans les nuages... Nous faisons une vingtaine de kilomètres ainsi, jusqu’à ce qu’une barrière vienne nous arrêter : la route " pericolissima" est fermée à la circulation, nous devons renoncer à notre circuit autour de la montagne.

Terni
              cascade de Marmore
Cascade de Marmore en pleine eau...
Il ne nous reste donc qu’à faire demi-tour dans le vent très froid (7 degrés) et la grisaille, redescendre jusqu’à L’Aquila puis filer sur une route express vers l’ouest. Les montagnes s’abaissent, retrouvant une dimension plus habituelle (de 800 à 1 000 m), la neige disparaît, nous quittons les Abruzzes pour gagner Rieti puis Terni en suivant de profondes vallées.

Arrêt de quelques minutes pour contempler la grande triple cascade (165 m) créée par les Romains à Marmore, mais elle manque à peu près totalement d’eau (elle alimente alternativement une usine hydroélectrique...) et il commence à faire très sombre. Je préfère nous avancer un peu plus vers Spoleto, nous roulons donc encore un moment sur la route très vallonnée, suivant et croisant de nombreux camping-cars (le week-end de Pâques qui commence ?).

Nous quittons la grande route juste avant Spoleto et allons dormir sur un terre plein au bord d’une piste en pleine montagne. Monique sollicite l’hospitalité du proprio voisin qui la lui accorde chaleureusement. Repos dans le grand silence de cette petite montagne.

Samedi 29 mars 1997 : de SPOLETO à ASSISI (89 km)

La pluie et surtout le vent violent qui secoue l’habitacle nous réveillent à plusieurs reprises, empêchant Monique de dormir tout son saoul. Nous nous levons donc assez tard sous un ciel bleu ensoleillé parsemé de nuages. Sortant de notre campagne, nous rattrapons la grande route juste à l’entrée de Spoleto dont la vieille ville, bâtie à flanc de colline et dominée par les tours et les murs de son château, offre un coup d’œil impressionnant.

Spoleto sous son château
Spoleto sous son château

Temple des
              sources du Clitunno et son entrée latérale
Temple des sources du Clitunno et son entrée latérale
Une quarantaine de kilomètres de route rapide nous fait parcourir la vallée d’Ombrie où nous découvrons les sources sacrées du Clitunno près du charmant petit temple qui les célèbre.
Malgré sa petitesse, il présente les volumes et les décors habituels à ce type de bâtiment : une jolie colonnade travaillée supporte de fins chapiteaux et deux frontons (avant et arrière) couverts de fines sculptures refaites à l’époque chrétienne lorsqu’il fut converti en église. Temple des sources du Clitunno : façade
Jean-Paul dans le Temple des sources du Clitunno

Sources du
              Clitunno
Sources du Clitunno
Quant aux sources elles-même, à quelques centaines de mètres, ce sont de beaux bassins avec îles et cygnes formant un parc soigné qui rassemble des dizaines de sources s’écoulant du rocher à la base de la montagne et surgissant du sol ou du fond des bassins.



15. ASSISE et retour en FRANCE à COUTY


Arrivée à Assisi : basilique supérieure de San Francesco
Arrivée à Assisi : basilique San Francesco

Nous voici bientôt en vue d’Assisi dont les murs, les maisons anciennes et les églises dominés par les tours du Rocca Magiore (le château fort) sont accrochés aux basses pentes (424 m) du Monte Subasio (1 290 m). Assise et la Rocca Maggiore sous la neige
Assise et la Rocca Maggiore sous la neige
La Rocca et la ville au dessus de la plaine
                d'Ombrie
La Rocca et la ville au dessus de la plaine d'Ombrie
Le site est superbe, dominant la plaine et entouré des montagnes en arrière fond. La vieille cité déborde de richesses monumentales, principalement des églises toutes reliées à la tradition franciscaine.

Panorama d'Assise depuis la plaine
Panorama d'Assise depuis la plaine

Nous commençons par nous rendre à San Damiano dont nous contemplons le petit cloître et le réfectoire juste avant leur fermeture à 12:15.

Ermitage des Prisons
Ermitage des Prisons et olivier du Prêche aux Oiseaux
Puis nous grimpons au flanc du Subasio pour une petite balade à l’Eremo delle Carceri (Ermitage des Prisons), oasis de paix et de silence au cœur de la forêt. Un petit couvent a été élevé au dessus d’une grotte minuscule où François venait prier dans la solitude.

Le vieil olivier du Prêche aux Oiseaux
Le vieil olivier du Prêche aux Oiseaux
Cour de l'Ermitage des Prisons
Cour de l'Ermitage des Prisons

Avant de revenir en ville, nous grimpons sur la montagne pour découvrir, presque à son sommet, une vue extraordinaire sur toute la région, la large vallée au sud et à l’ouest, une zone rapprochée beaucoup plus vallonnée dont les parcelles cultivées montrent une large palette de verts, et tout autour au loin les crêtes d’autres montagnes saupoudrées de neige. Magnifique.

De retour à Assise, nous commençons notre parcours découverte par la cathédrale San Rufino, dont la belle et sobre façade romane (1140) présente plus d’intérêt que son intérieur classique refait au XVIème. Puis nous gagnons la basilique Santa Chiara (Sainte Claire) construite en style gothico-italien (1260). Ses murs sont presque tous crépis blanc, sauf quelques fresques fort peu éclairées dans le chœur, mais cette église est surtout fameuse pour le beau Christ de San Damiano que François entendit lui parler. Vu l’affluence, nous renonçons à descendre dans la crypte pour aller voir le tombeau de Sainte Claire. Basilique Santa Chiara
Basilique Santa Chiara
Cour avec au fond Santa Chiara
Cour avec au fond Santa Chiara
Tour du beffroi (Torre del Popolo) et façade de
                    Santa Chiara
Tour du beffroi (Torre del Popolo) et façade de Santa Chiara

Nous préférons nous rendre dans le centre (l’ancien Forum) et y admirer le Palais Communal caché derrière l’étonnante façade du temple de Minerve datant du 1er siècle avant J.C. , la Tour du Peuple et le Palais du Capitaine du Peuple (XIIIème). Beaucoup de monde dans les ruelles mais surtout un vent très froid qui nous saisit et nous fait battre en retraite. Palais communal et Tour du Peuple
Palais communal et Tour du Peuple en fin de journée


Basilica di San Francesco vue depuis la Rocca
Basilica di San Francesco vue depuis la Rocca
De retour à l’Aigle, nous nous reposons et nous réchauffons avant d’aller stationner dans un champ d’oliviers rempli de camping-cars au dessous de la Porta San Pietro, à l’autre bout de la petite ville.

De là nous grimpons à pied à travers d’autres vieilles ruelles jusqu’à la Basilica di San Francesco. Vers la Basilica di San Francesco
Vers la Basilica di San Francesco, basique inférieure

Église inférieure de la Basilica di San Francesco
Église inférieure de la Basilica di San Francesco
Foule un peu partout, église inférieure très sombre, dont les spots aveuglants sont tournés vers les yeux des fidèles et des visiteurs plutôt que vers les magnifiques fresques de Giotto, Lorenzetti et Cimabue.

Voûte et autel de la basilique inférieure
Voûte et autel de la basilique inférieure
La Fuite en Egypte par Giotto
La Fuite en Egypte par Giotto

Décevant mais étonnant - et émouvant - quand même de voir ces si célèbres images sur le mur devant nous. Dans la crypte en dessous du chœur de l’église inférieure dont la pierre rose taillée carrée dépare avec le calcaire doré des autres murs (un legs du mauvais goût XIXème) on fait la queue pour défiler devant le caveau contenant les restes du Saint. Rien de bien extraordinaire sauf une grande religiosité chez la foule des visiteurs. Sainte Claire et Saint François par Samartini
Sainte Claire et Saint François par Samartini

Portail et rosace de l'Église supérieure
Porte et rosace de l'Église supérieure

Quant à l’église supérieure vers laquelle nous nous dirigeons ensuite, elle est fermée depuis 30 minutes et sa façade est complètement masquée par des échafaudages...

Le soleil se couche, le froid devient pénétrant dans les ruelles médiévales où quelques façades offrent encore les éléments architecturaux typiques de l’époque : arches, fenêtres à double ogive, haute tour à balcon, etc. Un appel à Jehanne confirme son arrivée à Florence mardi matin; nous passerons donc quelques jours là-bas la semaine prochaine, malgré le froid et la foule prévisible des visiteurs durant la fin des vacances de Pâques. J’aurais préféré poursuivre notre balade en Méditerranée, ou bien remonter au plus vite en France réparer nos avaries, en particulier le chauffage qui, je le crains, va beaucoup nous manquer.

Gelés, nous regagnons notre stationnement auquel tous les camping-cars alignés pour la nuit donnent une allure de camping ou de foire aux C.C. Dire qu’il y a même une pancarte à l’entrée du champ indiquant que ce terrain n’est destiné qu’au stationnement et non au séjour des " campers " et roulottes ! Voilà bien le respect des Italiens pour les règles... Nous ne nous en plaignons pas puisque cela nous évitera pour ce soir de courir après un bivouac. Souper chaud bienvenu, vaisselle, rédaction du journal et coucher - au frais - à 22:20.

Dimanche 30 mars 1997 : d’ASSISI à FAENZA (262 km)

Nuit étonnamment calme : pas de cris, de chants ni d’autres bruits alors que nous sommes environnés de plus de 70 camping-cars remplis d’Italiens qui nous ont si souvent habitués à plus d’expansivité ! Est-ce le froid qui les tient ainsi claustrés ? Au réveil, le ciel bleu est parcouru de grandes masses nuageuses entraînées par un vent toujours présent. Nous en ressentons particulièrement les effets lorsque, quittant notre " champ de camping-cars ", nous remontons jusqu’à la Basilica di San Francesco à travers les ruelles où se pressent les pèlerins en ce beau matin de Pâques. Retour à la basilique San Francesco
Retour à la basilique San Francesco

Façade de la basilique supérieure de San Francesco
Façade supérieure de la basilique San Francesco
Accélérant le pas pour nous réchauffer, nous traversons la grande esplanade pour pénétrer dans l’église supérieure maintenant ouverte.

Les offices s’y succèdent et l’éclairage nettement plus efficace permet d’admirer les splendides fresques de Giotto. Une pause entre deux messes nous laisse faire le tour des murs, aux côtés d’un groupe de Japonais béats devant les scènes aux couleurs encore très vives narrant les Fioretti de Saint François. Assisi : nef de la basilique supérieure de San
                Francesco
Assisi : nef de la basilique supérieure de San Francesco

François restitue ses vêtements à son père
François restitue ses vêtements à son père
François prie devant le Crucifix de San
                    Damiano
François prie devant le Crucifix de San Damiano

Giotto : le rêve d'innocent III
Giotto : le rêve d'Innocent III
Giotto : François chasse les démons d'Arrezzo
Giotto : François chasse les démons d'Arrezzo

Giotto : Homélie aux oiseaux
Giotto : Homélie aux oiseaux

Giotto : François réconforte l'Homme assoiffé
Giotto : François réconforte l'Homme assoiffé

François reçoit les stygmates
François reçoit les stygmates

En revenant vers notre Aigle, nous achetons deux livres reproduisant les fresques de Giotto et Lorenzetti que nous avons eu tant de difficulté à apercevoir hier soir dans la pénombre et la presse. Belle vue sur le Valle d’Umbria dans la douce lumière du matin printanier.
Nous prenons alors la route pour descendre à Santa Maria degli Angeli, une énorme église à coupole XVIIème construite sur le Porticulum, l’un des premiers sanctuaires et couvents franciscains. La foule dévote se presse dans la grande nef et fait la queue pour aller toucher le crucifix installé dans la pauvre chapelle qui se trouve maintenant sous la coupole. La simplicité du Povorello en prend pour son rhume... Restent le symbole éminemment franciscain (François mourut dans cette chapelle, épuisé, à 44 ans), les belles peintures à fond or à moitié effacées derrière l’autel et, près de la sacristie, la " cabane " de pierre où vécut le saint. Le Porticulum dans Santa Maria degli Angeli
Le Porticulum dans Santa Maria degli Angeli

En sortant nous attend une contravention coûteuse (45 $) qu’il faut régler sur le champ pour stationnement illégal... alors que les lignes sur le sol sont pour le moins incompréhensibles (passage d’ambulance ?) et qu’on ne compte plus les Italiens garés en désordre autour de nous. Abasourdis par l’aplomb de la policière et passablement écœurés par ce qui nous semble un abus et une exploitation éhontée de l’ignorance - ou de la naïveté - de l’étranger, nous prenons alors le chemin de Perugia (Pérouse), en parcourant 40 km de beau paysage ombrien. La ville ne nous emballe guère, nous nous perdons dans ses ruelles dans lesquelles je me trouve à nous engager après une traversée plus orthodoxe du centre ville.

Peruggia : église et cloître San Pietro
Peruggia : église et cloître San Pietro

Nous finissons par aboutir devant l’église San Pietro que je visite assez à fond (plan basilical peu courant, décor de fresques et de peintures qui évoque pour moi les anciennes basiliques romaines, superbe grand orgue doré, stalles du chœur en bois finement sculpté...).

Nef de l'église San Pietro de Perugia
Nef de l'église San Pietro de Perugia
Orgue de San Pietro de Perugia
Orgue de San Pietro de Perugia

Saint Pierre libéré de ses liens, dans l'église San
          Pietro de Perugia
Saint Pierre libéré de ses liens, dans l'église San Pietro de Perugia, par Orazio Alfani (1510-1583)

Au moment de repartir nous faisons le point : Monique exprime sa lassitude des visites et déplacements après la Tunisie qui l’a comblée, pour ma part je suis saturé de villes médiévales et d’églises, je suis constamment transi et commence à être exaspéré par le sans-gêne et le désordre des autochtones. De plus, plusieurs avaries du camion (serrure, pneus, batterie accessoire, chauffage...) me tracassent et demanderaient à être réparées au plus tôt.

C’est pourquoi nous décidons d’arrêter là notre vagabondage touristique et de rentrer au camp de base en France sans plus tarder. Monique appelle sa mère dans le premier village venu pour annuler le rendez-vous convenu avec elle à Florence et nous prenons la route vers le nord-ouest.

Lac
                  Trasimène
Lac Trasimène
Vaste paysage baigné par la chaude lumière de l’après-midi en contournant le Lac Trasimène puis route très vallonnée en quittant l’Ombrie pour rattraper la route express qui file dans des paysages de plus en plus sauvages jusqu’à déboucher dans la plaine du Pô à Caserra. Le soleil est couché, nous faisons encore une trentaine de kilomètres jusqu’à aller bivouaquer dans un village un peu avant Faenza, sur la grande route de Ravenne à Bologne, la Via Emilia.


Lundi 31 mars 1997 : de FAENZA à AVIGLIANA (près Torino) (540 km)

Réveillés dès 5:20 par le froid et par Monique qui n’a pas digéré la contravention d’hier, nous nous levons bientôt et sommes sur la route à l’aurore, dès 6:15. A cette heure il n’y a évidemment pas grand monde sur la chaussée et nous filons vers l’est, dans la plaine du Pô richement cultivée et pleine de petites industries modernes. Nous passons Bologna, Modena, cassons la croûte à 10:00 près de Reggio Emilia, contournons ensuite Parma par la tangenziale (périphérique). A notre droite l’étendue plate de la plaine du Pô, à notre gauche au loin les montagnes. Les indications pas toujours évidentes (la ville de destination finale apparaissant sur un premier panneau puis disparaissant ensuite au profit des destinations intermédiaires) nous égarent à deux reprises, en particulier à Tortona, allongeant notre itinéraire d’une trentaine de kilomètres. Rattrapant notre route à Alexandria, nous poursuivons vers Asti, cette fois-ci au centre de la plaine de Lombardie. Les Alpes, hautes et enneigées, apparaissent alors au nord ; nous prenons un bout d’autoroute (chère : 3 200 lires pour 19 km) pour contourner la grande ville de Torino.

En nous éloignant vers l’ouest, nous tâtonnons un bon moment avant de trouver la sortie puis le chemin du Sacra de San Michele (les instructions données par le Guide Vert étant pour une fois totalement inefficaces). Nous finissons par revenir à Avigliana et nous faisons indiquer la toute petite route grimpant à flanc de montagne jusqu’au couvent bâti en nid d’aigle à 940 m au dessus de la vallée. Site et panorama extraordinaire puisque, de là-haut, la vue porte à la fois sur les cimes enneigées des Hautes Alpes au nord, à l’ouest et au sud, et sur la vallée et la plaine de Lombardie à l’est où se devine, à demi cachée par un vaste nuage gris bleuâtre de pollution, la grande agglomération de Torino. Avigiana : Sacra de San Michele
Avigiana : Sacra de San Michele

Entrée du Sacra de San Michele
Entrée du Sacra de San Michele
D’architecture rustique romano-gothique, l’abbaye est bâtie toute en hauteur, avec accès et défenses ressemblant un peu au Mont Saint-Michel, quoiqu’elle soit beaucoup plus simple et exiguë.

La campagne et la forêt tout autour sont en pleine éclosion printanière, avec jeunes feuilles vert tendre et arbres en fleurs. Les chauds rayons du soleil jouent sur la scène... Bref une splendide excursion qui clôt en beauté cette journée de " roulage " et de retour à notre base en France.

En redescendant vers Avigliana, nous cherchons un bivouac près de l’un des deux jolis lacs et finissons par choisir le stationnement d’un petit parc naturel au bord de l’eau, avec canards et poules d’eau barbotant dans les reflets des cimes. Souper, courrier et coucher à 22:20.
Monique sur le parapet du Sacra de San Michele
Monique sur le parapet du Sacra de San Michele

Tour en ruine du Sacra de San Michele à Avigliana
Tour en ruine du Sacra de San Michele à Avigliana


Mardi 1er avril 1997 : d’AVIGLIANA à COUTY (France) (238 km)

Bardonecchia
Bardonecchia
Finallement le bruit de la route trop proche nous a fait rechercher un autre stationnement désert en impasse, près de l’autre lac, où nous avons joui cette fois d’un sommeil paisible.

Temps superbe au matin ; j’en profite pour ouvrir le capot du moteur afin de resserrer la fixation d’une Durit d’essence qui fuit au démarrage et nettoyer le filtre à air très chargé en poussière (les pistes du sud tunisien y sont certainement pour quelque chose...). Nous achevons le courrier destiné aux enfants pour l’expédier un peu plus loin avant de franchir la frontière italo-française et nous mettons en route vers la France. Vastes paysages sur la vallée puis sur les chaînes de montagnes enneigées en grimpant vers le Traforo (tunnel) de Frejus, particulièrement en passant le fort d’Exillero.

Nous déjeunons juste devant l’entrée du tunnel dont nous parcourons ensuite les longs et chers (43 000 lires) 13 kilomètres. La route rapide redescend ensuite vers St-Jean-de-Maurienne, entremêlée avec le gigantesque chantier de l’autoroute A 43 qui la doublera bientôt.

Puis nous filons dans de beaux paysages de montagnes, longeant les torrents en fond de vallée jusqu’à Chambery et Aix pour enfin arriver à Rumilly vers 18:30. Plein d’essence puis commande de deux pneus avant d’arriver à 19:15 dans la cour du château de Couty en même temps que la Barchetta de Toutou qui remonte de la Côte d’Azur. Paul et Marie-France nous convient à un joyeux souper en compagnie de Toutou puis de Jean-Claude et Geneviève G. qui passent la soirée avec nous dans le grand salon. Coucher fort tard à 1:25 sur le terrain devant la grande maison savoyarde.


16. France : d'Annecy à Pau

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