Ambiance chaleureuse et festive ensuite lors du souper chez Gilles. Il est passé minuit lorsque, après un rapide plein d'eau, nous quittons nos chers Hermanvillois pour aller stationner devant la gare maritime de Ouistreham. Une demi-heure de rangement intensif vient à bout de dégager l'intérieur de notre chambre à roulettes encombrée par nos victuailles pour nous glisser enfin avec délice sur notre couchette : il est 1:30...
Jeudi 11 juillet 1996 : de OUISTREHAM à STOWE (England) (235 km)
Réveillés bien trop tôt après une nuit bien trop
courte, nous nous douchons et déjeunons sur le stationnement, dans
l'agitation du départ : vacarme des gros camions qui embarquent
avant les voitures et les camping-cars, trafic des tracteurs
chargeant les remorques à bord de l'énorme traversier, passagers
impatients des caravanes et des camping-cars qui attendent en
ligne l'ordre d'embarquement...
Jean-Paul sur le
pont du ferry
|
Nous sommes fin prêts lorsqu'on nous fait signe d'avancer
à 7:45. Le ciel est malheureusement très couvert, aussi
demeurons-nous peu de temps sur le pont arrière après le
départ : le vent frais chargé d'embruns glacés nous chasse
vers le salon de thé où nous nous attablons avec guides et
cartes. |
Je poursuis sans grande conviction la préparation de l'itinéraire pendant que Monique sommeille inconfortablement coincée sur sa banquette. | Dans le salon du Duc de Normandie, Jean-Paul achève de préparer l'itinéraire... |
J'emprunte la première sortie qui se présente; elle nous fait traverser d'adorables villages aux jolies maisons de briques soignées dont les jardins débordent de fleurs et d'arbustes gracieusement disposés et taillés. Cheminant par des petites routes peu fréquentées qui nous font apprécier la beauté de la campagne anglaise, nous nous dirigeons vers le jardin d'Hinton Ampner jusqu'à nous heurter à sa porte close : la propriété du National Trust est fermée les lundi, jeudi et vendredi. Déçus, nous consultons alors notre annuaire du National Trust pour constater que The Vynes, dont nous comptions faire notre destination ce soir et notre visite de la matinée de demain, sera aussi fermé demain vendredi.
Tant bien que mal, nous repérant difficilement sur notre vieil atlas routier, nous gagnons la charmante petite ville de New Alresford où nous allons retirer 200 £ sur notre compte Master Card, Puis nous traînons un peu dans ses boutiques old fashionned, fascinés par l'ancienneté des vitrines, le charme désuet des articles et de leur présentation, mais surtout conquis par les masses de fleurs variées qui attirent l'œil un peu partout.
Lorsque nous redémarrons après un petit
casse-croûte, c'est pour rattraper au plus court la A 34 qui
file vers le nord en direction de Newbury puis, contournant
Oxford, gagner Buckingham où nous voulons visiter demain matin
les fameux jardins paysagers de Stowe. La proximité du circuit
automobile de Silverstone fait qu'aucun site favorable au
bivouac n'est resté disponible en rase campagne, aussi
tournons-nous un long moment avant de trouver finalement un coin
de gazon accueillant dans un hameau dépendant de Akeley, au
milieu des vaches et des chiens de ferme.
Vendredi 12 juillet 1996 : d'AKELEY à FOUNTAIN ABBEY (328 km)
Nuit d'une sérénité qui nous assure un repos idéal. Nous faisons presque le tour du cadran avant de nous lever frais et dispos. Je mets un peu d'ordre dans la soute où nous avions entassé à la hâte l'excédent de notre épicerie, et ajuste le niveau l'huile du moteur avant de gagner l'entrée somptueuse du grand jardin.
Ce parc immense, qui fut l'un des premiers et des plus vastes de Grande Bretagne, fut aussi le coup d'essai - et de maître - de Lancelot "Capability" Brown. Ce jardinier génial allait révolutionner l'art des jardins anglais et inspirer l'Europe entière. Après avoir renouvelé notre membership au National Trust, nous commençons à parcourir les allées sinueuses. |
|
Nous contournons d'abord le Temple de la Victoire et de la Concorde dont on achève tout juste une rénovation majeure. Inspiré de la Maison Carrée de Nîmes, ses proportions sont parfaites et pas une cannelure ne manque aux colonnes de son péristyle. |
Puis nous nous enfonçons dans la Vallée grecque qui longe une rivière paisible nommée Styx. Plusieurs monuments gracieux ou magnifiques la bordent, classiques mais toujours pittoresques, élevés à la gloire des victoires ou des grandes réalisations britanniques. | Stowe : Temple of British Worthies |
Stowe : le temple de Venus |
Nous finissons par tomber sur le Lac Octogonal, grimpons jusqu'au Temple gothique juché sur sa colline et maintenant converti en résidence privée. |
Stowe : le pont palladien |
Puis nous franchissons le très gracieux Pont Palladien,
longeons la rive sud du lac en contemplant encore quelques
pavillons très élégants, |
Stowe : Palladian
bridge
|
allons jusqu'au Temple de Vénus avant de franchir la digue au dessus de la Cascade entre les deux lacs, | Stowe : famille de cygnes devant West Lake Pavilion |
Stowe : la Rotonde de Vanbrugh |
puis de remonter vers la Rotonde. |
Emballés par cette superbe balade, mais aussi affamés par notre longue marche qui aura duré plus de quatre heures dans ce cadre magnifique et varié, nous attaquons à belles dents un déjeuner léger et revigorant pour reprendre ensuite la route vers le nord.
Nous roulons près de cinq heures, d'abord sur
la M1 très engorgée qui nous cause de fréquents ralentissements,
voire des arrêts prolongés provoqués par des bouchons aux abords
des grandes villes de cette région industrielle très peuplée,
puis sur la A 61 à partir de Leeds, jusqu'à atteindre les
environs de Ripon. Dans le crépuscule, nous gagnons les
alentours de Fountains Abbey, une autre curiosité *** à visiter
demain. A la recherche d'un point de chute, nous finissons par
atterrir sur le grand stationnement du N.T., à deux pas de
l'entrée. Dans un calme presque absolu, nous nous installons au
creux de ce vallon tranquille pour y passer la nuit.
Samedi 13 juillet 1996 : de FOUNTAINS ABBEY à HOUSESTEADS FORT (159 km)
Nous profitons du calme pour dormir longtemps, malgré la chaleur du soleil qui traverse notre toit et finit par nous sortir du lit vers 9:45... Toilette, déjeuner, rangement, nous attaquons la visite vers 10:30. |
Après être passés devant la riche façade de Fountains Hall, un élégant château élisabéthain (1611) largement vitré, nous arrivons devant l'impressionnante façade principale de l'abbaye qui occupe toute la largeur de la vallée verdoyante. | Façade de Fountains Hall (1611) |
Fountains Abbey : salle capitulaire (XIIème) |
Nous passons une bonne heure à déambuler dans les ruines des bâtiments du monastère, passant de la chapelle des Neufs Autels au cloître bordé d'une belle salle capitulaire, du dortoir au chauffoir remarquable par sa grande cheminée double puis au réfectoire aux harmonieuses proportions. |
La cuisine, en réfection, est fermée à la visite, mais la longue voûte (90 m) du cellarium (ou quartier des frères convers) nous impressionne beaucoup par sa nudité, sa rigueur et son équilibre. Nous gagnons alors l'arrière de l'abbaye où des ruines beaucoup plus succinctes, pratiquement à ras du sol, tracent le logis abbatial et la vaste infirmerie des moines. Leur aménagement fait un large usage du cours de la Skell au dessus de laquelle ont été construits les bâtiments. | Fountain Abbey : la longue salle du cellarium |
Le long canal menant de Fountains Abbey au Water Garden |
Rassasiés de belles vieilles pierres, nous nous enfonçons ensuite dans le vallon à l'est de l'abbaye pour faire un grand tour de Studley Royal, le superbe parc paysager créé entre 1720 et 1740 par le seigneur du lieu, John Aislabie. |
Le cours de la rivière a été canalisé et complètement remodelé pour créer une suite d'étangs aux formes géométriques et évocatrices : Étang de la Lune, accolé de ses deux quartiers, long Canal rectiligne bordé de pelouses impeccables, grande Cascade avec île et lac à canards... | Fountain-Abbey: le Water Garden, l'Étang de la Lune et le Temple of Piety |
Fountains Abbey : Water Garden au pied d'Octogon Tower |
Nous grimpons jusqu'à la chapelle Sainte-Marie, chef d'œuvre néogothique ultra décoré de la haute époque victorienne, avant de revenir à l'abbaye et à notre Aigle en empruntant les sentiers pentus et les sous-bois de la High Level Walk. Il est presque 15:00 lorsque, de retour à notre base, nous nous attablons sur le stationnement devant l'entrée du domaine. |
Nous poursuivons ensuite notre progression vers le nord. Les terres assez plates de la région méridionale deviennent beaucoup plus accidentées et donc pittoresques à mesure que nous nous rapprochons de l'Écosse : vaste panorama de collines vertes et arrondies sous le ciel changeant dont la lumière souvent douce, parfois vive, souligne les nuances... Parfois un lac brille dans un creux, les maisons de pierre, soignées, attirent l'oeil. Nous suivons ainsi la A 68 jusqu'à Corbridge, à deux pas du Mur d'Hadrien dont je veux à nouveau suivre la ligne presque rectiligne vers l'ouest. |
Hadrian Wall : "turret" en cours de fouilles |
En passant, nous allons jeter un coup d'oeil à l'ancien camp romain de Corspitum; bien que sa barrière soit fermée, je reconnais le site du petit musée que nous avions visité il y a sept ans... Nous poursuivons vers Chester où la porte du musée est close elle aussi. En revanche nous découvrons facilement, quoique sous un vent très frais et un ciel menaçant, les restes du temple de Mithra un peu en dessous des restes du camp de Carranburgh : dans un creux, au centre d'un rectangle de pierre, on voit encore très bien les autels et les bancs de terre destinés aux pratiquants. |
Dimanche 14 juillet 1996 : de HOUSESTEADS à CAERLAVEROCK (117 km)
Durant cette nuit des plus tranquilles, nous dormons tout d'une traite de 22:00 à 7:30, bercés seulement par les rafales incessantes qui secouent les trois tonnes de notre Aigle et agitent les maigres arbres dont j'espère un peu d'ombre au matin... C'est pourtant la chaleur qui nous éveille, ainsi que la rumeur des nombreux visiteurs venus admirer comme nous le fort romain sur la colline. | Le fort de Housesteads vu du ciel |
Housesteads : fondations des greniers à grain |
Lorsque nous sortons, le vent souffle toujours aussi violemment et nous supportons bien nos coupe-vent au dessus de nos chandails. En revanche le ciel est assez dégagé et les horizons sont clairs à perte de vue. Après la montée un peu raide sur la crête de la falaise (crag), nous passons la porte fortifiée et visitons tout à loisir les ruines des bâtiments utilitaires dont les fondations ont été dégagées dans l'enceinte du fort. |
Sont particulièrement intéressants la résidence du commandant du fort, dont toutes les pièces sont disposées autour d'une cour carrée à l'air libre, les greniers sur pilotis de pierre (pour assurer la ventilation et mettre les provisions hors de portée de la vermine), une longue suite de casernes où logeaient les légionnaires, le siège de l'état-major, solennellement entouré d'un péristyle, et enfin les latrines, au plan étonnamment bien conservé. | Housesteads : les latrines |
Hadrian Wall : Jean-Paul sur le mur d'Housteads |
Nous achevons notre visite par quelques pas sur le fameux Mur bien restauré qui court le long des crêtes, vers l'est et vers l'ouest, jusqu'à un petit fortin comme il s'en trouvait tous les quarts de mile. Vue superbe sur les vertes pentes de l'Écosse toute proche au nord, et sur les collines anglaises au sud à perte de vue, séparées par le mince ruban du Mur filant sur les crêtes devant nous. |
De retour à l'Aigle en début d'après-midi, nous continuons de suivre la route longeant le Mur vers l'ouest : premier arrêt près du fort de Birdoswald où nous déjeunons. Je fais un tour dans les ruines du camp romain, beaucoup moins belles qu'à Housesteads, pendant que Monique fait la sieste. Puis nous filons jusqu'aux Waltown Crags, des falaises dominant une ancienne carrière maintenant réaménagée, où l'on a exhumé une autre section du Mur particulièrement impressionnante, montant et descendant au fil du relief et au ras de l'à-pic. Là encore, grand bol d'air et vue magnifique qui comblent notre curiosité pour les monuments romains cette fois-ci. | Waltown Crags |
Sous les murs de grès rouges de Caerlaverock, Jean-Paul examine la catapulte |
Longeant l'estuaire du Solway, nous finissons par atterrir sous les murs de grès rouges du château de Caerlaverock. Bien qu'il soit en ruines et abandonné, ses hauts murs, son décor XVIIème, ses fossés remplis d'eau et cernés d'un riche gazon vert vif frappent l'imagination, surtout à cette heure tardive où tous les touristes sont partis et où le soleil couchant rougeoie encore davantage les pierres. |
Lundi 15 juillet 1996 : de CAERLAVEROCK à PALNURE (176 km)
Nuit extraordinairement calme, sans rien pour
nous éveiller ni nous déranger. Le grand soleil chauffant le
toit (impossible de se mettre à l'abri d'un arbre...) nous tire
du lit vers 8:30. Lever paresseux puis longue route
campagnarde pour gagner le château de Drumlanrig au
nord. Si la chaussée est sinueuse et pas très large, son
revêtement est assez bon et la promenade dans la jolie campagne
soignée, vallonnée, pointillée de murets de pierres sèches et
pleine des taches blanches des moutons, s'avère fort agréable.
Drumlanrig : le cottage du pavillons d'accueil |
Après une heure de balade dans ce paysage bucolique, nous quittons la grande route au milieu d'un bois. Nous franchissons le portail discret de l'immense domaine de Drumlanrig flanqué d'un adorable cottage fleuri puis passons la grande arche d'un pont de brique lancé au dessus d'une profonde rivière. |
Au bout d'une majestueuse allée serpentant dans un vallon apparaissent les hauts murs et les tourelles en grès rouge. Environnement désert de collines verdoyantes et boisées, château dans un état impeccable, centré idéalement dans ce paysage de rêve, cet endroit est vraiment exceptionnel. Le tarif l'est aussi, et l'accueil, bien organisé, est assez froid. |
L'intérieur est à l'image de l'extérieur : les peintures et tapisseries ne montrent pas une tache, les tapis pas un accroc, mais l'ensemble des pièces - royal - nous laisse un peu indifférents.
En plus de l'intérêt architectural (l'essentiel
date du XVIIème), nous sommes frappés par la qualité
des tableaux (Rembrandt, Léonard de Vinci, Brueghel, plus toute
une série de Flamands) et des meubles (beaucoup de Louis XIV et
Louis XV français : glaces, fauteuils, horloges, lustres,
commodes et secrétaires incrustés et marquetés...). On ne peut
qu'admirer un tel étalage de trésors, mais sans être vraiment
émus ni séduits.
Bucchean Collection : La duchesse de Montagu par Gainsborough |
Portrait de la mère de l'artiste par Rembrandt |
Cage d'escalier de
Drumlanrig garnie de tableaux
|
Portrait du chef Joseph Florence par Ainslie (Bucchean-Collection) |
À proximité immédiate du château, les jardins à la française sont soignés mais paraissent quasiment exigus à côté de la masse carrée un peu trapue de la bâtisse et au milieu de l'immense paysage sauvage. Bien que parfois masqué par des passages nuageux, le soleil illumine le ciel et avive les couleurs. Ce beau temps agrémente la vue tout en donnant une note plaisante et joyeuse à notre visite. | Drumlanrig : Jean-Paul contemple le jardin depuis la façade arrière |
Jean-Paul au bord du Loch Ken |
Nous redescendons ensuite vers Castle Douglas par un autre chemin plus étroit qui traverse des paysages vallonnés et agréables identiques à ceux de l'aller. En revanche le revêtement est maintenant beaucoup plus défoncé. Comme quoi les routes de Grande Bretagne ne sont pas toutes de première qualité ! Vers 14:30, à l'occasion d'un arrêt pique-nique au bord du Loch Ken, Monique tient à nous faire manger dehors sur la plage de galets. La vue est aimable, mais le bruit incessant sur la route - voitures et camions - et sur le lac - hors-bords - gâche un peu notre plaisir... |
Notre itinéraire s'infléchit vers le sud jusqu'à Castle Douglas, une petite ville sans particularité en dehors du Threave Garden créé par le National Trust of Scotland pour former ses jardiniers. La variété des compositions et des bordures, les ensembles d'arbres et de fleurs sont remarquables, même si parfois certaines sections des jardins sont délaissées pour raison pédagogique. |
Threave Garden : îlots floraux et ruisseau |
Threave Garden : bordures derrière la maison |
Pas de curiosité pour nous y accueillir puisque
Broughton House, ses peintures et son jardin japonais sont
fermés depuis longtemps. Mais un tour sur le petit port de pêche
nous donne l'occasion de faire le plein d'eau sur une vanne
destinée aux pêcheurs. Nous poursuivons vers l'ouest, longeant
la plage à partir de Cardoness qui se signale par son donjon en
ruines. Impossible de trouver un bivouac près de la plage ni
même dans le village de Creetown, tous les sites favorables
étant occupés par des caravan-parks. Nous nous rabattons vers
l'intérieur et allons dormir sur un stationnement déserté de la
National Forest Commission derrière Palnure, loin de la rumeur
de la grande route.
Mardi 16 juillet 1996 : de PALNURE à CULZEAN CASTLE (189 km)
Silence absolu sur notre stationnement entouré par la forêt, jusqu'au matin où la grande lumière - et la chaleur - du soleil nous éveille. Pas une voiture ne passe avant 8:30, lorsque nous prenons notre petit déjeuner. Décidément ce Forest Garden de Kirroughtree est un asile de paix et de tranquillité !
Vers le Mull of Galloway : l'arrière-pays |
Si la température reste fraîche durant la journée (autour de 17º avec un maximum de 19º), le grand soleil ne nous quittera pas de toute notre excursion. Nous filons vers le Rhins (Péninsule) of Galloway où j'ai repéré le Logan Botanic Garden. La route est sans attrait majeur, mais elle offre des vues agréables sur la campagne verdoyante sous le soleil. |
A partir de Glenluce, nous longeons le fond de la Luce Bay où la ligne bleutée des côtes encadre un large paysage maritime. La plage de petits galets est déserte mais peu invitante, d'autant que le vent glacial (±15º) dissuade d'aller y faire du "bronzing", comme nous le vérifions brièvement à Sandhead. Nous poursuivons vers le sud de la presqu'île, toujours en vue de la mer qui prend une teinte bleue de plus en plus intense. | Luce Bay, en route pour le Mull of Galloway |
Mull of Galloway : la falaise réserve ornithologique |
Mais la destination vraiment intéressante demeure le Mull of Galloway, le cap situé à l'extrême sud de la presqu'île, une plate-forme herbue et étroite tombant à-pic sur des falaises rocheuses. Les couleurs y sont particulièrement vives : bleu du ciel et de la mer, verdeur intense du gazon serré ras tondu par les vaches et les moutons qui y paissent en liberté, brun des rochers déchiquetés qui tombent de 80 mètres jusque dans les vagues écumantes. |
Tout au bout, un phare pointe son doigt blanc vers le ciel, et une réserve naturelle protège une multitude de fleurs, de papillons et d'oiseaux. | Phare du Mull de Galloway |
Ceux-ci nichent à flanc de falaise en populations criardes et denses : mouettes, goélands à dos et tête grises, cormorans noirs et guillemots se serrent côte à côte sur les étroites corniches, dans les trous de roche et les anfractuosités, nourrissant leurs petits et tachant les rocs sombres du blanc de leur guano. Nous les observons longuement avec nos jumelles, jouissant de l'air pur, de la lumière et de la vue extraordinaire sur la bande de terre encadrée par l'étendue marine. | Mull of Galloway :
Jean-Paul guette les oiseaux de la réserve
|
Luce Bay à contre-jour |
Pour achever en beauté cette superbe excursion, nous sortons la table et les chaises le long de notre Aigle et déjeunons en plein soleil devant le magnifique paysage. Puis nous traversons à nouveau la péninsule vers le nord. Monique me fait renoncer à la visite du Logan Botanic Garden, trop rigide selon elle, puis à celle du Castle Kennedy, peu emballant d'après la description du guide, pour nous diriger au plus tôt vers l'attraction majeure de la région, le Domaine de Culzean. |
C'est près d'une centaine de kilomètres que nous parcourons alors, sur une fort belle route qui suit presque tout au long le rivage. Assez accidentée et sinueuse, elle est donc pittoresque mais peu rapide. Au loin en mer se profile la grosse bosse étrange de Aisla Craig, une île ronde qui semble jaillir de l'eau comme un ballon de plage... | Culzean Castle sur son rocher |
Culzean Castle : le château vu du jardin |
Nous arrivons enfin dans cet autre domaine du N.T.S.. Long chemin d'accès à travers bois et prairies avant de stationner tout près de l'immense château construit fin XVIIIème par l'architecte Robert Adam. Il est trop tard (17:15) pour visiter la maison. |
Nous avons juste le temps d'acheter le guide de la propriété à la boutique, puis nous nous lançons dans le country park qui nous donne l'occasion d'une agréable balade. Elle passe d'abord par le grand green bordé de terrasses fleuries qui occupe le "fossé" du château... | Le Green de Culzean Castle |
Nous revenons enfin sur nos pas en faisant le tour de Swan Pond, un grand étang à moitié envahi par les nénuphars où s'ébattent des canards et une bande de rares cygnes muets (mute swans). |
Mercredi 17 juillet 1996 : de CULZEAN à GLASGOW (143 km)
Culzean Castle : le Grand Escalier ovale |
Puis nous nous lançons dans la visite du château lui-même. Ses intérieurs ont été assez bien préservés et surtout admirablement restaurés par le N.T.S. Celui-ci a retrouvé sous les couches successives les couleurs des peintures originales, a réparé frises et stucs des plafonds, fait tisser à neuf les tapis usés, etc. Le décor d'Adam a ainsi retrouvé toute sa fraîcheur et son élégance, nous permettant d'imaginer sans ombre la vie luxueuse et raffinée que menait ici, au fin fond de sa campagne et au bord d'une mer plutôt rude, le riche landlord comte de Cardwillis et baron d'Aisla. Après l'armurerie où sont exposés en superbes trophées géométriques plus de 1 000 pistolets, sabres et baïonnettes, les salons, salle à manger, chambres et bibliothèque se succèdent, tous plus finement décorés les uns que les autres, garnis de lustres, de glaces et de tableaux soulignés de dorures, et distribués autour du grand escalier ovale du plus bel effet. |
Nous sortons sous le charme et nous enfonçons dans le parc pour voir la Maison aux Camélias, en fait une orangerie dessinée par un élève d'Adam en 1814. Architecture aérienne qui fait rêver d'une future résidence semblablement inspirée à la campagne. Puis nous faisons le tour du walled garden (jardin clos) qui se signale surtout par les deux magnifiques bordures longeant les murs nord et ouest. Finalement nous rejoignons notre Aigle un peu fatigués (il est près de 15:00...) mais surtout émerveillés par toutes les beautés contemplées depuis notre lever. | Culzean Castle : la Maison aux Camélias |
Comme nous passerons tout près du site de la
Burrell Collection que nous voulons absolument découvrir, nous
décidons de nous en rapprocher dès ce soir pour être à pied
d'œuvre dès l'ouverture demain matin. Retournant un peu sur nos
pas, nous empruntons la petite B 769 qui, par monts et par vaux,
de courbes en virages, nous amène en vue de la grande ville.
Grâce au guidage impeccable de ma copilote nous tombons pile sur
le grand parc où l'on a construit en 1984 le bâtiment très
moderne abritant la collection. Avec la bénédiction du ranger de
service, nous nous installons sur son stationnement gazonné pour
y passer la nuit.
Jeudi 12 juillet 1996 : GLASGOW (24 km)
Peu de route aujourd'hui puisque nous restons à l'intérieur des limites de la ville. La nuit dans notre grand country park est évidemment d'un calme absolu et nous sommes fin prêts pour la visite de la Burrell Collection à 10:00.
Burrel Collection : galerie des bronzes de Rodin |
Le
bâtiment très moderne qui l'abrite possède quantité de
vitrages donnant sur les arbres ou les pelouses du
parc. Ses toits aussi sont percés d'ouvertures
susceptibles de laisser entrer à flots la lumière. Mais dès la première salle nous sommes dérangés par les reflets de toutes ces fenêtres sur les glaces des vitrines qui abritent de précieux objets égyptiens, grecs et romains, puis une belle série de céramiques, assiettes, vases et statuettes chinoises et enfin quelques statues médiévales religieuses fort bien venues. |
M. Burrell aimait aussi beaucoup les meubles haute époque, aussi des armoires, coffres, boiseries et d'immenses tapisseries sombres et austères remplissent également plusieurs salles que nous traversons très vite. On n'y laisse pénétrer qu'une lumière ténue, histoire de préserver les fragiles coloris de la laine, aussi n'y voit-on goutte et l'ambiance étouffante de ces "caves" ne nous attire guère. En périphérie et dans le grand hall d'entrée, quelques beaux bronzes de Rodin (Ève chassée du Paradis, le Penseur, un nu de jeune homme, la tête de Balzac...) et de ses contemporains ont été installés, ainsi qu'une riche collection de tapis d'Orient peu visibles dans la lumière voilée. | Burrel Collection : "Coq" (mosaïque romaine) |
Burrel Collection : "Femmes buvant de la bière" par Degas |
La mezzanine présente plusieurs tableaux que nous apprécions beaucoup : quelques maîtres de la Renaissance italienne, mais surtout des impressionnistes dont Degas, Monet, Boudin... |
Burrell
Collection : "Plage de Trouville avec l'Impératrice
Eugénie" par Boudin
Voilà qui clôt en beauté une fort riche balade parmi les plus belles productions de l'art mondial, malgré le regret qu'une partie seulement de la collection soit exposée (en particulier les tableaux dont plusieurs n'apparaissent qu'en cartes postales...) et que ceux-ci soient trop souvent très mal éclairés. Une autre collection qui vaut le déplacement, même s'il faut quand même la placer en deçà de celle de la Fondation Gulbenkian à Lisbonne.
Saint-Mungo de Glasgow : grande verrière |
Après
déjeuner sous les arbres du parc, nous gagnons le
centre de la ville : on circule assez bien dans
Glasgow malgré les nombreux chantiers qui sont en
train de restructurer tout son centre et qui donnent
parfois l'impression que la cité a été bombardée. Premier arrêt à la cathédrale Saint-Mungo, en haut de l'ex-vieille ville. Si la nef grandiose et le beau chœur gothique valent le coup d'œil, l'aspect noirâtre des pierres vénérables leur ôte beaucoup d'attrait. Même la vaste crypte voûtée nous retient peu tant elle est sombre et triste. |
Nef de Saint-Mungo de Glasgow |
En sortant de l'église, Monique refuse de descendre ensuite toute la High Street à pied. Nous la parcourons donc rapidement en roulant, sans repérer grand chose d'intéressant à dire vrai : tous les bâtiments anciens ont disparu et il ne reste que les nombreux immeubles à bureaux du XIXème aux lignes lourdes et tarabiscotées. Un bref arrêt sur le fameux Green, l'ancienne place commune où se rassemblaient les Glasgoians. Il a gardé son People's Palace, un musée retraçant l'histoire de la ville et de ses citoyens, ainsi que son jardin d'hiver attenant, une grande serre XIXème au profil intéressant. J'en fais rapidement le tour extérieur - tout est maintenant fermé puisqu'il est 17:15 - en jetant en même temps un coup d'œil à la Templeton Factory dont la délirante façade vénitienne (façon Palais des Doges en briques vernissées !) orne un coin du Green.
Catalogue de l'exposition Charles Rennie Mackintosh dans les McLellands Galleries de Glasgow en 1996 |
Nous gagnons ensuite les Galeries McLellan où l'on présente une très belle exposition sur Charles Rennie Mackintosh, le grand architecte et designer de Glasgow qui œuvra ici au début du siècle et dont on commence enfin à reconnaître la valeur. Nous parcourons les salles jusqu'à leur fermeture à 20:00, admirant meubles et maquettes, décors reconstitués et plans du créateur très original que nous situons entre Saarinen (1890) et le Gropius du Bauhaus (années 1920 à 1930). Une exposition passionnante et fort bien agencée pour découvrir le personnage et son œuvre. |
Charles Rennie Mackintosh : section of The Ladies Luncheon Room, Miss Cranston's Tea Rooms, Ingram Street, Glasgow (1900) |
Mackintosh: chaise à dossier haut pour Miss Cranton's Tea Rooms, Glasgow (1898) |
Charles Rennie Mackintosh : couverts à poisson |
Horloge pour W. J. Bassett-Lowke, par Ch. R. Mackintosh (1917) |
"Port-Vendre La ville" par Ch.R. Mackintosh (1925) |
En quittant la galerie nous jetons
un coup d'œil à la Glasgow School of Art dessinée
par l'architecte entre 1898 et 1909, puis gagnons le
quartier de l'université où nous soupons avant d'aller
établir nos pénates sur une impasse, devant la faculté de
chimie.
Vendredi 19 juillet 1996 : de GLASGOW à INVERARAY (119 km)
Fin de nuit bruyante près de l'Université où profs et étudiants viennent stationner tout autour de nous dès 7:30. A 9:45 nous sommes dans le hall d'entrée de la Hunterian Art Gallery. La galerie de peintures ne nous emballe guère : on y trouve très peu de tableaux anciens, les classiques anglais sont moches à l'exception de quelques portraits de Reynolds. Quant à l'extraordinaire collection de Whistler, un peintre américain qui vécut et travailla à Glasgow au début du XXème siècle, ses grands portraits de femme sont fort sombres, froids et bien peu émouvants. Seuls trois petits Chardin et quelques Corot, à côté de deux Boudin charmants, suscitent finalement notre admiration.
Glasgow : The Mackintosh House, telle que reconstituée dans l'Université |
Puis nous nous dirigeons vers l'aile Mackintosh. On a reconstitué ici la seconde maison que l'architecture occupa à Glasgow de 1906 à 1914, demeure qui fut offerte à l'université par l'un de ses mécènes mais qu'il fallut démolir en 1963 car ses fondations n'étaient pas sûres. On a évidemment enregistré toutes les données possibles et sauvegardé la totalité du mobilier et du décor encore en place. |
Cela a permis de reconstruire une copie de la structure et d'y réinstaller les meubles, rideaux, tapis, peintures, luminaires, etc. de façon à donner l'image la plus suggestive de l'environnement créé par le grand architecte et designer. Effectivement l'ambiance y est très claire, intime sans du tout étouffer, les lignes sont nettes, pures, les accessoires fonctionnels avant tout, quoique pleins d'élégance. On se sent bien dans ces murs et dans ce décor finalement très actuel quoique datant maintenant de près d'un siècle. | Glasgow : chaise et bureau dans le salon de Mackintosh House |
Glasgow : cabinet dans le salon de Mackintosh House |
Glasgow : bibliothèque dans le salon de Mackintosh House |
Glasgow : grande chambre de Mackintosh House |
Glasgow : chambre d'amis de Mackintosh House |
Glasgow, Mackintosh House : chaise |
Glasgow, Mackintosh House : salle à manger |
Glasgow,
Mackintosh House : chaise (1902)
|
Décor en vitrail pour une porte de cabinet |
Glasgow : "La petite baie à Banyuls" par Ch. R. Mackintosh (1927) |
Nous prenons tant de temps pour
regarder les objets sous tous les angles et pour lire toutes
les étiquettes et panneaux explicatifs qu'il est passé 14:00
lorsque nous retrouvons notre Aigle. Bien qu'affamés, nous
préférons manger plus loin le long de la rive droite de
l'estuaire de la Clyde, mais ne trouvons aucun espace
convenable avant le village d'Hellensburgh. Nous y déjeunons
devant le port, au milieu d'une foule de vacanciers bruyants
et brouillons qui laisse les lieux pleins de papiers gras et
de déchets...
Puis nous grimpons
sur la colline puisque c'est là que Macintosh a
construit la luxueuse résidence d'un éditeur de
Glasgow, réalisant probablement ainsi son
chef-d'œuvre. Cette Hill House est maintenant à la
garde du National Trust for Scotland qui l'ouvre au
public tous les après-midi.
On retrouve dans
cette grande maison fort moderne les dimensions, les
formes extérieures et les matériaux des manoirs
traditionnels écossais (tours, étages, gros bloc
central carré, ardoise et crépis clair). Mais les
lignes en sont simplifiées et surtout l'organisation
et le décor intérieurs sont entièrement subordonnés
aux fonctions tant esthétiques que pratiques des
"usagers" de la maison.
|
Hellensburgh : Hill House depuis la grille d'entrée |
Hill House : palier de l'escalier |
Nous découvrons la même clarté, la même pureté géométrique et la même utilisation parcimonieuse de la couleur que dans l'exposition de la MacLellan Gallery ou dans la maison de ville de l'architecte vue ce matin. Seulement ici tout est plus grand, plus authentique, et l'on sent que le créateur a pu mieux encore contrôler les variables. Le résultat est sensationnel, ici aussi nous nous sentons "comme chez nous", et n'était-ce l'inconfort de plusieurs sièges, nous n'aurions guère de réticence à occuper les lieux... |
Deux
bonnes heures s'écoulent ainsi, tout entières
consacrées aux plaisirs des yeux et de l'esprit. Sensibles aux grandes lignes de l’œuvre (composition géométrique quasi japonaise de l'entrée)... |
Hill House : l'entrée et l'escalier |
Hill House : alcôve dans le salon |
Hill House : le salon |
Chaise de bureau pour Hill House (1904) |
...nous
sommes aussi attentifs aux détails (luminaires,
dessins au pochoir, courbe unique ou accastillage
raffiné d'un meuble). |
Hill House :
lampe et pochoirs du salon
|
Hill House : pochoir dans la chambre |
Hill House : détail de la penderie de la chambre de maitres |
Hill House : chambre de maitres |
Hill House : la salle de bain et sa douche |
Hill House depuis le jardin |
Lorsque nous quittons les lieux après un tour du jardin - moins exceptionnel - qui permet d'admirer l'architecture extérieure sous toutes ses faces, c'est pour prendre la direction du Loch Lomond. |
De là nous redescendons vers la Loch Fyne (débouchant sur la mer celui-là) par une toute petite route à-pic "single track" qui nous met déjà dans l'ambiance plus sauvage des Highlands. Tour du fond du loch et étape enfin à Inveraray où, après un petit tour dans le charmant village ancien aux maisons blanchies, nous installons notre bivouac sur le gazon et sous les arbres de la grande allée menant au château. | Inveraray : le village et le château sur la rive du Loch Fyne |
Départ épique ce matin, après que j'aie inondé de nos "eaux grises" le terrain meuble et gazonné sur lequel reposaient nos roues arrières. Quelques coups d'accélérateur pour tenter de nous faire décoller, et nous voilà dans de grasses ornières jusqu'à mi-pneu... Les bandes de roulement en plastique jaune, déjà utiles en d'autres occasions similaires, ne suffisent pas tant la glaise lisse a beurré les roues qui s'emballent sans aucune prise. | Inveraray : le château |
Inveraray : le quai |
Nous allons ensuite parcourir la rue principale d'Inveraray, fort achalandée, à la recherche de pain puis de timbres. |
Il est finalement presque midi lorsque nous reprenons la route pour longer la côte nord du Loch Fyne en direction de son embouchure.
Le paysage d'eau et de montagnettes sur l'autre rive est superbe, surtout sous le grand soleil qui réveille les couleurs et fait flotter dans l'air un léger voile bleuté. Puis nous suivons le canal de Crinan entre Lochgilphaed et Crinan, sur une jolie route champêtre et étroite qui nous mène jusqu'au charmant petit port de pêche et de plaisance de Crinan, après la dernière des 15 écluses qui relie le Loch Fyne au Sound of Jura. | Arduaine Garden |
Je traîne longuement sur les quais et
alentour de l'écluse que franchissent les yachts, 2 ou 3 à
la fois, admirant les voiliers pimpants et riches, observant
les quelques bateaux de pêche rouillés et pittoresques dont
tout l'attirail est étalé sur le pont. Le superbe cadre
naturel de la baie, assez découpée, et les petites maisons
blanches typiques de la région forment l'arrière plan,
ramenant à sa juste perspective toute cette agitation
saisonnière un peu futile.
Nous déjeunons ensuite avant de poursuivre vers le nord la route côtière toujours aussi spectaculaire qui suit les découpes du rivage sur fond d'îles et d'îlots disséminés à perte de vue. N'était-ce le relief peu accusé, on se croirait presque errant dans les fjords de Norvège. Nous finissons par atteindre le hameau d'Arduaine où nous faisons escale dans le beau jardin des frères Wright (N.T.S.). Il abrite, sur un vaste terrain accidenté au dessus du Loch Melfort, une exceptionnelle collection de rhododendrons. Même si la saison de la floraison est finie pour la plupart des arbustes, la longue promenade dans les allées fleuries, autour des jardins d'eau ou sous les grands arbres menant au point de vue sur le loch reste une belle occasion de découvertes et de grand air. |
Nous parcourons ensuite à l'intérieur des terres un bon bout de route offrant parfois de belles échappées sur la mer jusqu'à atteindre Oban. Le petit port dominé par sa copie inachevée du Colisée romain (initiative d'un banquier du début du siècle qui voulait offrir du travail aux chômeurs...) est envahi par les touristes, mais ses bateaux de pêche et son environnement naturel exceptionnel sous la chaude lumière du soir lui donnent un attrait visuel indéniable. Je traîne un peu sur le quai, filmant à droite et à gauche, pendant que Monique préfère poursuivre sa lecture du roman de Pierre Turgeon "Un dernier blues pour Octobre". |
Oban : le
port et le Colisée sur la colline
|
Après le plein d'essence et un long
ravitaillement en eau, nous quittons Oban au crépuscule pour
aller nous installer sur un terre-plein tranquille près de
Dunstaffnage, à deux pas du château-fort en ruines dont nous
faisons le tour. Les lapins sauvages pullulent sur ses gazons
et dans les boisés qui le cernent et d'où s'offre une vue
pittoresque sur les bateaux ancrés dans l'anse de Dunbeg,
nimbés d'or par le soleil couchant.
Stalker Castle sous la pluie... |
Beaucoup de route aujourd'hui, sous un ciel variable après la pluie matinale. Nous continuons de suivre la côte vers le nord, longeant la plupart du temps le rivage qui offre de beaux coups d'œil sur les lochs, les îles éparses et les montagnes (beinn) qui les entourent. Au détour d'un virage, aperçu pittoresque du château de Stalker planté sur un îlot au bord du Loch Linnhe, sous le ciel gris et les lambeaux de nuages flottant alentour. |
A Corran nous prenons le traversier pour
franchir en 10 mn le loch et aborder sur Sunart à Argdour.
Lochaber
Peu après nous remontons le grandiose Glen Jarbert, une vallée sauvage profondément creusée par le travail glaciaire, qui nous ramène dans les Highlands de notre imaginaire. Une trouée bleue apparaît dans un coin de la grisaille et va en s'élargissant à mesure de notre progression. Puis les paysages tantôt purement terrestres tantôt entremêlés de mer se succèdent le long d'une toute petite route sinueuse et fort mal redressée mais néanmoins assez fréquentée. Peu de villages, mais des hameaux et des maisons isolées à vocation essentiellement vacancière. | Glen Jarbert sur Sunart |
A Lochailfort nous rattrapons la Route des
îles que nous suivons jusqu'à Mallaig. Sa réputation de route
panoramique nous semble tout à fait surfaite, d'autant qu'elle
est fort mauvaise, étroite, sinueuse et montueuse, le plus
souvent "single track" et très encombrée. Le petit port de
Mallaig n'offre guère plus d'intérêt, sa vocation essentielle
étant, plus que la pêche ou la plaisance, d'offrir un ferry
pour l'Île de Skye. Le prix (40 $) nous rebute puisque c'est
ce que nous coûtera l'essence pour faire le détour par Fort
William, le Loch Lochy, Invergary, le Glen Garry et le Glen
Shiel pour enfin rattraper le grand pont sur le Kyle of
Lokalsh. Même s'il doit nous prendre plus d'une journée, cet
itinéraire aux beautés renouvelées nous semble préférable à
une heure de coûteuse traversée sur la mer grise...
Salen sur le Loch Sunart
Loch Etive
Après avoir comme convenu appelé à Montréal
Mathieu qui semble heureux de son sort et poursuit ses
activités coutumières, nous refaisons à l'inverse l'itinéraire
fatigant précité, puis abordons l'autre partie de la Route des
Îles après Lochailfort. La chaussée est bien meilleure et les
paysages de lochs et de glens plus spectaculaires. Nous
faisons étape enfin à Glenfinnan, sur le stationnement du
monument dressé à la mémoire des Highlanders morts lors des
insurrections jacobites (1715 et 1745). Paysage lugubre sous
la pluie fine qui a repris.
Lundi 22 juillet 1996 : de GLENFINNAN à EILEAN DONAN CASTLE (146 km)
Glenfinnan : le monument des Highlanders ou colonne jacobite |
Il pleut beaucoup durant toute la matinée, une petite pluie fine et serrée qui crépite sur le toit et rend tout poisseux sans qu'on ait le temps de s'en rendre compte. Monique préfère demeurer cachée sous le duvet pendant que je me lève - tard - , me douche et m'habille en fonction du temps (bottes et ciré) pour grimper d'abord sur la colline au dessus du visitor centre. J'y admirer l'ensemble du site autour de la colonne commémorative des révoltes jacobites, mais surtout le fond du Loch Shiel encadré par les montagnes que les pans de nuages déchirés rendent plus romantique encore. Tout ce qu'il faut pour évoquer les prémisses d'une défaite ! |
L'herbe mouillée a détrempé mon jean qui
sèche un peu pendant que je fais le tour des vitrines et
panneaux explicatifs du visitor centre. J'y apprend le
débarquement du "Jeune Prétendant Bonnie Prince Charles"
Stuart, amené secrètement sur les côtes de son Écosse natale
par un vaisseau français, la levée de l'étendard de la révolte
sur les lieux même où je me trouve, la campagne victorieuse
contre les Anglais de la dynastie hanovrienne, mais aussi le
manque de support de l'ensemble de la population, l'échec
devant Derby, le retour en forme de retraite dans les
Highlands, la défaite finale à Culloden près d'Edinburgh. Ce
triste dénouement amène Charles à mener une existence de
proscrit pendant les 6 mois où il fuit d'île en île dans les
Hébrides, caché ou protégé par ses fidèles, jusqu'à son
rembarquement à quelques kilomètres d'ici, à Arisaig, sur une
autre frégate française pour un exil définitif. Triste épopée
qui marqua le glas des espérances jacobites.
Il ne me reste plus qu'à me hisser en haut de la colonne par un escalier à vis très étroit. Il donne accès à une terrasse exiguë d'où la vue porte à nouveau sur le Loch Shiel. Lorsque je rejoins enfin - trempé - Monique, celle-ci achève de s'habiller. Comme le mauvais temps lui enlève toute envie de déplacement, elle s'installe pour lire son roman sur la Révolution pendant que je fais le plein d'eau et me livre à quelques bricolages. Nous finissons par décoller vers 13:00.
La route longe bientôt le Loch Eil, très embrumé, jusqu'aux abords de Fort William où je m'arrête pour admirer un superbe voilier danois qui franchit les sept portes consécutives du "Neptune's Staircase" (L'Escalier de Neptune). Cette série d'écluses donne accès au Canal Calédonien qui coupe l'Écosse en deux. |
Nous poursuivons en faisant un autre arrêt au Nevis Range, une station de sports d'hiver toute neuve équipée d'une télécabine ultramoderne que nous emprunterions (vue*** du haut du Sgurr Finnisg-Air, 1344 m en haut du Ben Nevis) si le temps n'était aussi bouché. | Nevis Range.., par beau temps ! |
Loch Gary |
Notre route longe ensuite le Loch Lochy, grandiose mais lui aussi noyé sous la pluie. Bifurcation à Invergary pour suivre maintenant la rive sud du Loch Gary, tout aussi beau, jusqu'au superbe point de vue ** déjà apprécié il y a 8 ans. On y contemple le long ruban d'eau contourné avec les cimes des montagnes devinées dans la brume en arrière... |
Puis c'est le Loch Cluaine que suit la route en le dominant, au milieu des landes sauvages. Nous passons ensuite dans le Glen Shiel, très escarpé jusqu'au site de la bataille du même nom qui mit fin à la révolte jacobite en 1716. Puis la vallée s'élargit en passant au pied des pentes très raides des Five Sisters, et nous longeons le large Loch Duich jusqu'à apercevoir la fameuse silhouette du Eilean Donan Castle sur son îlot. | Glen Shiel et les Fives Sisters |
Bivouac devant Eilean Donan Castle |
Nous installons notre bivouac en compagnie de quatre autres fourgons et camping-cars sur l'esplanade en avant du château. Vue*** pour le souper, petite balade au pied des murs fortifiés et soirée au calme sous la bruine intermittente qui se poursuit. |
Il pleut encore à notre réveil, un crachin qui assombrit le ciel, trempe tout ce qui n'est pas à l'abri et révèle une fuite de la gouttière avant droite qui mouille le siège du passager à chaque averse. Nous finissons par nous lever vers 10:00. Monique déjeune et fait la vaisselle pendant que je vais acheter quelques cartes postales puisque nous ne visiterons pas l'intérieur du château : trop cher pour le peu à voir... |
Jean-Paul contemple
Eilean Donan Castle sous la pluie...
|
Eilean Donan depuis la rive opposée |
Après un dernier coup d'œil à la silhouette pittoresque de la vieille demeure depuis l'autre côté de la rivière, nous longeons la large étendue du Loch Alsh jusqu'à une autre propriété du N.T.S., Lochalsh House and Garden. Plus qu'un jardin, c'est surtout un parc boisé où l'on est en train de rassembler une vaste collection de rhodos. |
Le site très accidenté domine le loch et offre de belles vues sur ses rivages et sur les montagnes qui l'entourent. Après un bon bol d'air - sans eau ! - nous sommes prêts à passer le Kyle of Lochalsh par le grand pont à péage (5,20 £) qui donne maintenant accès à l'Île de Skye. |
Skye
Bridge sur le Kyle of Lochalsh
|
Skye : Sound of Sleat vers Ben Screel depuis Isleornsay |
Le paysage me rappelle bientôt les Îles Lofoten : montagnes tombant dans la mer, maisonnettes disséminées dans les champs et barques dans les anses avec, à l'horizon, un enchevêtrement d'îlots, de goulets et de sommets aigus qui dissimulent la haute mer. Seulement ici la végétation est plus touffue, les maisons sont en pierre crépie blanc et les pentes sont nettement moins à-pic. |
Beaux paysages lors du passage du Glen Drynoch, avant de prendre la petite route très sauvage menant au pied des Cuillin Hills. Le trajet en voiture vaut le déplacement, mais les nuages très bas masquent les hauteurs des fameuses "montagnes" de Skye. Aussi, plutôt qu'une balade vers les lacs où elles se mirent, je dois me contenter d'une promenade plus prosaïque sur la grève presque déserte, avec les petites îles de Canna et de Rhum à l'horizon. | Loch Scavaig |
Nous faisons demi-tour sous la bruine qui a
repris, admirons au passage de Bracadale le beau panorama sur
Portnalong avec son phare et ses grandes tables rocheuses.
Skye : Anse Coilore près de Loch Harport |
Skye : Anse Coilore |
Une toute petite route très peu fréquentée
nous entraîne vers le nord et vers Dunvegan Head en offrant
quelques beaux paysages sauvages sur le Loch Dunvegan. Nous
arrêtons pour la nuit tout au bout de l'asphalte, près de
quelques ruines, reportant à demain l'excursion vers le cap.
Après quelques bricolages (nettoyage du ventilateur du cabinet
de toilette et pose de l'applique sur l'intérieur de la porte
arrière), nous nous couchons tôt dans le grand souffle du
vent.
Mercredi 24 juillet 1996 : de DUNVEGAN HEAD à PLOCKTON (193 km)
Le soleil brille ce matin ! Notre patience aura été récompensée car il ne tombera pas une goutte de la journée, même si de nombreux nuages masquent souvent le soleil. Nous marchons un peu dans la lande en direction du cap mais, incapables de trouver le sentier, nous nous contentons de faire le tour de quelques ruines informes près de notre camp. Elles pullulent de petits lièvres qui s'enfuient, queue blanche retroussée, lorsqu'ils nous entendent. Nous atteignons ainsi les falaises où s'arrêtent de façon abrupte les grasses prairies à moutons. La vue sur le Loch Dunvegan, maintenant pleinement éclairé, donne un grand sentiment de paix, tant l'espace est vaste et calme.
Chaumière et tourbe du Black House Folk Museum |
Reprenant notre tour de l'île en revenant sur nos pas, nous arrêtons au Black House Folk Museum, une chaumière de pauvre fermier éleveur de moutons (crofter) du début du XIXème que l'on a reconstituée. Sous sa charpente où transparaissent les bottes de chaume, elle ne comprend que deux pièces attenantes : la première, principale, sert à la fois de cuisine, de salle à manger, de bureau, l'autre de chambre à coucher. Entre ses deux portes, pas de fenêtre, mais un foyer central dont la lourde fumée de tourbe s'échappe par un trou dans la faîtière... Inutile de dire combien l'air est enfumé, voire irrespirable, sans compter la noirceur des lieux en l'absence d'ouverture ! |
A côté, une réserve atelier qui, elle aussi, prend toute sa lumière d'une troisième porte. Quelle pauvreté ! Derrière la maison, deux autres cabanes de construction identique s'appuient contre la pente : un poulailler qui sert aussi de réserve de tourbe, et un alambic clandestin. La notice explicative suggère que de telles officines existent peut être encore dans les îles : pas pris, pas vu, pas connu... |
La petite route fait le tour du loch pour nous mener jusque devant le château de Dunvegan. Mais l'afflux de touristes sur le grand parking, le coût élevé d'entrée dans le seul jardin (3 £, soit 7 $) et la gueule un peu trop hollywoodienne du châtelain costumé en chef de clan sur les CD et cassettes (où il pousse la chansonnette locale, folklore oblige !) nous rebutent. Nous préférons poursuivre et parcourir les étendues vastes et désertes de l'intérieur où les tourbières et les moutons partout pâturant semblent être les uniques ressources. Après une vingtaine de kilomètres, nous retrouvons la côte, ses lochs et ses paysages grandioses. Beau point de vue sur le port de Viz et sur le petit traversier en partance vers les Outer Hebrides dont on aperçoit la ligne bleutée et dentelée à l'horizon. Après le pique-nique au dessus de la baie, je colmate laborieusement la gouttière droite (qui fuit toujours...) avec le reste de mastic-colle Sikaflex en profitant de la clémence des cieux...
Skye : Duntulm Castle |
Les ruines informes du château de Duntulm valent bien un petit détour à travers champs, malgré leur état de délabrement avancé et la foule qui s'y presse. Le cadre est vraiment splendide : un promontoire s'avance sur une côte découpée avec rochers et îlots tandis que les îles extérieures forment la toile de fond. |
Vue superbe ensuite sur la baie de Staffin, dont le village de petites maisons blanches s'accroche sur les pentes des montagnes, entourant le grand arc de la plage. | Staffin : maison de crofter (éleveur de moutons) |
Baie de Staffin, cottage et moutons
Baie de Staffin : tonte des moutons |
Au
passage nous observons un éleveur qui a rassemblé une
trentaine de moutons dans un étroit enclos et les tond
habilement avec de grands ciseaux traditionnels forgés
d'une seule pièces, le lien entre les deux lames faisant
ressort. |
Autre arrêt pour contempler les falaises volcaniques dont les pentes verticales d'une soixantaine de mètres forment de grands piliers hexagonaux : The Table. |
Skye :The Table,
sur la péninsule de Quiraing
|
Kilt Rock Waterfall |
Tout à côté, le voile léger de la Kilt Rock Waterfall tombe abruptement du plateau dans la mer. |
Un peu plus loin, un curieux monolithe émerge d'une crête rocheuse bien haut au dessus de nous : c'est le Old Man of Storr qui semble veiller sur l'île comme un grand berger enveloppé dans sa houppelande. | Old Man of Storr |
Skye : Staffin depuis le sommet du Quiraing |
Le détroit de Raazay, semé d'îles et d'îlots, s'étale superbe sous nos yeux, tandis qu'en arrière on devine la côte et les hautes montagnes des Highlands. A nouveau l'image des Lofoten nous revient en mémoire. |
Comme prévu, et malgré l'heure tardive (il est passé 18:00), Portree est beaucoup trop achalandé par les touristes à notre goût. Mais ses fleurs, ses étroites façades colorées alignées autour de son port et surtout son site exceptionnel au fond d'une baie abritée lui valent *** à notre palmarès du pittoresque. | Portree : le quai et ses maisons colorées |
Nous profitons d'un tour dans le village
(métropole de Skye : 2 454 habitants !) pour faire quelques
courses avant de nous enfoncer dans le Glen Varragill :
grandiose paysage de montagnes dans cette profonde vallée
glaciaire bordée de pentes accusées, mais surtout superbe vue
sur les Cuillins qui se détachent aujourd'hui parfaitement sur
le ciel clair, dans les teintes chaudes (tirant sur le mauve)
irradiées par le soleil du soir.
Sound of Raazay : Scalpay et Raagay depuis Applecross |
Quittant la voie principale assez chargée après Sconser, nous empruntons une toute petite route quasi déserte qui longe l'extrémité du Sound of Raazay. La perspective sur les îles et sur la baie, les nuages éclairés d'en dessous par le soleil couchant, l'environnement paisible, tout concourt à créer une ambiance féerique. Nous soupons au bord du chemin, devant le panorama ****. |
Puis
nous rattrapons la grande route qui peu à peu laisse
derrière elle les grands paysages de montagne et de mer.
Ils deviennent plus plats, plus habités, jusqu'au Kyle of
Lochalsh dont nous franchissons à nouveau le grand pont à
péage, quittant ainsi l'Île de Skye. Belle vue sur le Kyle (détroit) maintenant presque dans la pénombre et sur la ligne de crêtes bleutées des Highlands devant nous.Nous progressons un peu vers le nord jusqu'au joli petit port de pêche de Plockton où nous allons dormir sur une rue paisible en impasse, dans un lotissement neuf tout au bout du village. |
Plockton au crépuscule |
Jeudi 25 juillet 1996 : de PLOCKTON à KINLOCHEWE (134 km)
|
Encore une autre journée de bruine et de ciel chargé. La nuit est excellente et le petit port tranquille lorsque nous longeons son quai en poursuivant notre route vers le nord. |
D'au-dessus de Stromeferry, belle vue sur le Loch Carron à travers quelques pins d'Écosse; on devine sur l'autre rive les restes du château de Strome (N.T.S.), au pied des pentes abruptes du Bad a Chreamha 400 mètres au dessus. Nous faisons le tour du Loch jusqu'au village éponyme, avant d'attaquer de rudes montées jusqu'au fameux Bealach Na Ba (550 m). A mi pente, nous sommes avalés par les nuages, visibilité réduite à 25 m. Inutile de dire que, du panorama***, nous ne verrons rien ! | Montée au Balach Na Ba |
Arrivés au "col", nous déjeunons dans la
bourrasque, la pluie battante et les sifflements du vent. Quelques
excursionnistes tout aussi inconditionnels - y compris un cycliste
! - ont bravé les éléments comme nous; nous les suivons ou les
croisons au pas de tortue sur la route embrumée en redescendant. A
partir d'Applecross la route maintenant dégagée longe la côte et
offre une vue superbe sur les îles du Inner Sound : Raazay et Rona
dont nous avions contemplé l'autre face (ouest) lorsque nous
suivions le rivage de Skye. Très vaste paysage, teintes douces du
fait de l'absence de soleil, cette quinzaine de kilomètres dans la
quasi solitude nous emmène à des lieues de la civilisation.
Loch Torridon |
Puis nous abordons le Loch Torridon, lui aussi majestueux quoique beaucoup moins large. |
Nous retrouvons un autre charmant village de pêcheurs avec ses petites maisons alignées devant la plage à Shieldaig, avant de reconnaître quelques centaines de mètres plus loin l'endroit où nous avions bivouaqué il y a huit ans près d'un enclos à moutons. Le temps était alors plus clément... | Shieldaig |
Upper Loch Torridon : l'Aigle sur notre
bivouac d'il y a 8 ans...
Pour l'heure, la petite pluie fine se poursuit et la lumière diminue pendant que nous longeons la rive sud du Upper Loch Torridon, beaucoup plus aride et sauvage. Nous arrivons ainsi au hameau de Torridon où je vais consulter les panneaux sur la géologie et la faune de la région fort bien présentées par le N.T.S. dans son Visitor Centre. Le temps s'assombrit encore et devient de plus en plus bouché, on se croirait à 21:30 quand il n'est pas encore 17:00 !
Loch Maree : Poolew
Nous nous engageons quand même dans le Glen Torridon. Les parois de cette large vallée glaciaire aux pentes très raides se devinent à peine et les sommets des "hautes" montagnes qui les dominent (Liatach 1024 m, Beinn Eighe 1053 m) demeurent complètement invisibles... Déçus de cette excursion à l'aveuglette dans un paysage que nous devinons pourtant splendide, nous renonçons à poursuivre et dressons bivouac dans le stationnement public du village de Kinlochewe. Sous la bruine et dans la grisaille, j'entreprends quelques bricolages à l'intérieur (démontage des parements du plafond de la cabine, trempés par une fuite toujours pas localisée). Nous soupons, j'appelle Gilles en France pour avoir quelques nouvelles, puis nous nous endormons dans un silence quasi absolu.
Vendredi 26 juillet 1996 : de KINLOCHEWE au LOCH LURGAIN (159 km)
Nuit parfaite encore une fois. Décidément il semble que nous ayons maintenant le coup pour trouver des bons coins ! Nous décollons assez tôt (vers 9:00 !) sous un ciel encore fort gris. La route longe bientôt le beau Loch Maree, très vaste, encadré par de hautes montagnes dont les cimes sont cette fois-ci dégagées. Sur les pentes et au bord de l'eau on a reconstitué la couverture forestière typique des Highlands, mélange de pins d'Écosse (proches du grand pin maritime) et de feuillus mélangés (bouleaux, charmes, etc.). | Loch Maree |
En longeant le Loch Maree : Monique devant Victoria Falls |
Talladale : Jean-Paul devant Victoria Falls |
Beau bout de route ensuite à travers les landes environnées de montagnes jusqu'au petit port de Gairloch où nous ne nous attardons pas, préférant pousser jusqu'à Inverewe Garden. | Inverewe Garden et
Beinn Airidh Charr
|
Inverewe Garden : allée en sous-bois |
Dans un cadre champêtre à souhait, nous déjeunons le long de la rivière servant de déversoir au Loch Maree, avant d'aller traîner pendant presque trois heures dans les allées du superbe jardin. Très accidenté et varié, il offre de magnifiques bordures et parterres fleuris ainsi que de hautes futaies et des taillis fournis de rhodos. |
Inverewe Garden : rhododendron orbiculare |
Allée d'Inverewe Garden |
Ce jardin-parc est vraiment un des plus beaux parmi tous ceux que nous connaissons si l'on considère l'environnement grandiose du Loch Ewe qui l'entoure sur trois côtés. Nous y retrouvons pour une troisième fois les sympathiques Français en LT 35 déjà rencontrés ces derniers jours. | Inverewe Garden : le green devant la maison et la rocaille |
Le temps jusqu'ici assez clément avec de belles
éclaircies ensoleillées se gâte et s'assombrit lorsque nous
reprenons la route vers le nord. Pourtant les paysages sont
vraiment superbes de grandeur et d'espace, mis en valeur par la
route assez accidentée qui ménage plusieurs points de vue
époustouflants sur les lochs et sur la mer.
Un peu avant Braemore, bref arrêt pour aller contempler la profonde gorge de Corrieshaloch et la très haute chute de Measach. Mais le canyon est si étroit et profond qu'on n'aperçoit quasiment pas l'eau qui se précipite dans le gouffre. | Corrieshaloch Gorge : chute de la Measach |
Ullapool sur le Loch Broom |
Le Loch Broom offre lui aussi des paysages grandioses qui forment une belle toile de fond pour le petit port très touristique d'Ullapool. |
Quelques courses, un plein d'eau et d'essence et nous poursuivons dans le crépuscule, à travers d'immenses paysages de landes rocheuses. Elles étalent leurs étendues sauvages totalement désertiques entre des collines fort pentues et acérées. Nous voilà bien loin de l'Europe si densément peuplée ! | Landes du Sutherland et le Suilven |
Puis nous nous engageons sur la petite route panoramique qui longe le Loch Lurgainn. Paysages encore plus désolés si possibles. Après quelques recherches, nous nous installons sur un terre-plein au bord du chemin : pendant notre souper nous profitons d'une vue magnifique de tous côtés sur le lac, la montagnes et les vastes espaces. Puis un vent violent se lève, la pluie fouette la carrosserie... Il est temps de se coucher, bien à l'abri, dans l'obscurité maintenant complètement tombée.
Samedi 27 juillet 1996 : du LOCH LURGAINN à BALNAKEIL(139 km)
Cette nuit tranquille s'achève par une averse qui nous éveille vers 8:00. Lorsque nous émergeons, le ciel s'est dégagé sous l'effet du vent toujours très fort. J'entreprends - sans aucun dégât cette fois-ci - le changement d'huile et de filtre du moteur pendant que Monique fait la vaisselle. Vers 10:30, sous un ciel variable mais sec, nous reprenons la route.
Lochinver : les plages... |
Elle serpente un peu à l'intérieur, puis longe la côte jusqu'à Lochinver. De grands panneaux fort bien faits exposent dans la visitor centre la vie dans les Highlands. Ils m'apprennent beaucoup sur l'histoire des clearances qui vidèrent les Highlands de plus de 100 000 habitants au XIXème siècle. |
Le
Suilven depuis Lochinver
|
Monique
ensuite va visiter la fabrique de porcelaine des Highlands
qui a un atelier de l'autre côté du petit port. Elle en ressort un peu déçue, le goût des Anglais pour la porcelaine traditionnelle aux décors désuets ou multicolores laissant bien peu de place aux créations contemporaines plus "design". |
Lochinver : Highland
Stoneware
|
Monique devant la côte à Drumberg |
Nous poursuivons la petite route panoramique, fort belle mais très fatigante à cause de ses virages incessants, des moutons traînant sur la chaussée et de ses fortes dénivellations (côte de 25 % !). Les paysages se succèdent, sauvages mais superbes (Stoer, Drumbeg...), bien que je trouve le coin beaucoup plus fréquenté qu'il y a huit ans. |
Kylescu : le Suilven |
Nous rattrapons enfin la grande route juste au-dessus d'Ullapool et filons alors plus vite vers le nord. Quelques beaux panoramas à Kylesku puis à Scourie. |
Scourie Bay
Nous quittons ensuite le rivage pour suivre une
longue vallée presque déserte et un peu étrange, remplie de
rochers arrondis émergeant des tourbières et encadrée par de
hautes collines. Enfin c'est le Kyle of Durness qui élargit ses
eaux gris-bleu devant nous, peu avant d'atteindre la côte nord de
l'Écosse. Nous dînons sur une grande esplanade au bord de l'eau,
en vue de l'embarcadère du traversier pour le Cap Wrath que nous
emprunterons peut-être demain s'il fait beau.
Puis nous allons contempler le coucher du soleil sur la plage et la baie de Balnakeil. Le vaste paysage de mer et de montagnes correspond bien à nos merveilleux souvenirs d'il y a huit ans. Nous dressons enfin notre bivouac à deux pas de l'endroit où nous avions dormi autrefois, au bord de la plage et devant la chapelle en ruine au milieu du petit cimetière. | Bivouac devant les ruines de la chapelle de Balnakeil |
2008