Juillet-août 1995

Pologne

Jean-Paul et Monique MOUREZ à bord de l’Aigle


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3. De MALBORK à WARSZAWA (Varsovie)


Lundi 24 juillet 1995 : de MALBORK à PASLEK (126 km)

Ce n’est ni la rumeur urbaine ni la circulation mais la chaleur d’un plein soleil qui nous réveille ce matin. Celle-ci devenant vite insoutenable dès 8:15, j’enfile un T-shirt et vais stationner en pleine ville à l’ombre d’un grand bâtiment. Hélas le bruit y est tel que nous abandonnons toute velléité de paresse et nous résolvons à nous lever...

Malbork
Nous passons ensuite au marché pour acheter pain et légumes. Si les gens sont aimables et les prix des denrées étonnamment bas (pain à 0,40 zloty, soit 24 ¢ !),  le choix demeure très limité et, en dehors des carottes et des choux, il est quasiment impossible de trouver des légumes frais. Il nous faut donc renoncer à la laitue ! En revanche Monique trouve dans un stand une robe fantaisie qui lui fait oublier nos autres déceptions...

Nous allons alors stationner dans le grand parc devant le château et déjeunons avant d’entreprendre la visite de la Commanderie des Chevaliers Teutoniques.

L’ensemble des trois châteaux imbriqués les uns dans les autres est véritablement énorme, puisque le "Château Bas" comprenait des ateliers, hôtellerie, chapelle, infirmerie, armurerie, écuries, etc. pour former une vaste avant-cour au pied du "Château Moyen". Malbork :
                élévation d'ensemble

malbork-porte-sur-riviere-nogat
Malbork : la porte donnant sur la rivière Nogat. Au bord de la Nogat, deux tours de l'enceinte (Bastion du Pont) et le palais des Grands Maîtres des Chevaliers Teutoniques
On accède à celui-ci par un pont couvert défendu par une première porte, et l’on traverse une première enceinte avec herse, couloir voûté et autre porte massive pour aboutir dans la grande cour du Château Moyen.

Des décorateurs et des techniciens s’affairent à préparer le tournage d’un film, leurs câbles et accessoires de polystyrène peint encombrent le centre de la place. Nous nous faufilons à travers en admirant les sévères façades de brique seulement décorées de quelques enjolivures autour des ouvertures (portes et fenêtres) et de quelques balcons peu ouvragés. Ensemble digne et austère, fidèle à la fonction militaire des lieux.

Lorsqu’on passe le grand fossé et le second pont-levis donnant accès au Château Haut, on découvre les murs extérieurs plus ouvragés du palais des Grands Maîtres de l’Ordre des Chevaliers Teutoniques.

Malbork : le pont levis donnant accès au Château
                Haut
Malbork : le pont levis donnant accès au Château Haut
Malbork : le pont levis donnant accès au Château
                Haut
Malbork : le pont levis donnant accès au Château Haut

Malbork : Jean-Paul devant les statues des Grands
                Maîtres
Malbork : Jean-Paul devant les statues des Grands Maîtres
 de l'Ordre des Chevaliers Teutoniques

Malbork : statues des Grands Maîtres
Malbork : statues des Grands Maîtres
 de l'Ordre des Chevaliers Teutoniques


Palais des Grands Maîtres de l’Ordre des Chevaliers
                Teutoniques
Palais des Grands Maîtres de l’Ordre des Chevaliers Teutoniques
Malbork : Palais des Grands Maîtres
Palais des Grands Maîtres de l’Ordre des Chevaliers Teutoniques

Un autre couloir voûté fait déboucher dans une belle cour carrée en forme de cloître, centrée sur un puits couvert dont le faîte pointu porte un pélican de bronze.

Jean-Paul devant le Puits du Pélican
Jean-Paul devant le Puits du Pélican
Monique
                au dessus de la Cour du Pélican
Monique au dessus de la Cour du Pélican

Un donjon caractéristique domine les deux étages de galeries qui donnent sur diverses pièces magnifiques, dont la vaste Salle du Chapitre gothique avec ses deux piliers centraux et sa voûte aux nervures ramifiées.

Réfectoire des chevaliers de Malbork
Réfectoire des chevaliers de Malbork
Salle
                du chapitre de Malbork
Salle du chapitre de Malbork

L’église est malheureusement fermée à la visite, comme les différents musées qui ont pris place dans plusieurs sections des bâtiments. Nous pouvons néanmoins nous rendre jusqu’à la grande tour Gdanska qui protégeait les abords nord-ouest du château. Pour cela on doit emprunter une sobre galerie voûtée dont l’austère élégance m’impressionne beaucoup. Nous avons alors à peu près terminé notre exploration des salles accessibles aujourd’hui. Il ne reste plus qu’à revenir dans la cour au pélican, passer de nouveau voûtes et portes fortifiées pour nous retrouver dans le grand espace central du Château Moyen. Malbork : galerie voûtée menant à la tour Gdanska
Malbork : galerie voûtée menant à la tour Gdanska

La
                cour des cuisines de Malbork, près des ateliers
La cour des cuisines de Malbork, près des ateliers
Nous descendons encore dans une cuisine située sous le Grand Réfectoire (en cours de restauration et non visitable). Dans l’étroit espace encavé la foule des visiteurs s’entasse pour admirer un énorme four où pouvait cuire en même temps le repas de plusieurs centaines de convive

Nous gagnons enfin la sortie de la forteresse, probablement la plus vaste d’Europe (les trois châteaux couvrent environ 21 hectares !). Quoiqu'un peu déçus par les limites apportées à notre visite par les fermetures du lundi, nous sommes impressionnés par la qualité architecturale du monument et les soins apportés à la restauration de ses salles, cours et murs magnifiques. La plus grande partie de ce joyau de l’architecture militaire médiévale est sauve et continue de témoigner de la puissance et du goût grandiose des Chevaliers Teutoniques. Pourtant on assimile souvent et avant tout cet ordre à une organisation militaire uniquement assoiffée de pouvoir et de conquêtes brutales. La
                Commanderie de Malbork en soirée se reflétant dans les
                eaux calmes de la Nogat
La Commanderie de Malbork en soirée se reflétant dans les eaux calmes de la Nogat

Un
                autre genre de mur rempart à Malbork...!
Un autre genre de mur rempart à Malbork...!
La journée est déjà bien avancée lorsque nous retrouvons notre Aigle, aussi partons-nous immédiatement vers le nord en direction d’Elblag. Nous passons rapidement cette ville car ses immeubles anonymes et laids ne méritent même pas un coup d’œil, pour filer à travers la jolie campagne de Mazurie vers Frombork, la cité où vécut Copernic.

Charmants hameaux aux petites fermes de brique précédées d’un jardin débordant de fleurs et dont la grosse cheminée carrée supporte souvent un nid de cigognes. Nous voyons beaucoup de ces grands et beaux oiseaux le long de notre route, que ce soit des jeunes battant des ailes au-dessus du nid familial pour s’entraîner au vol ou des adultes chassant rats et grenouilles dans les champs.  Nid
                  de cigognes sur le toit d'une grange
Nid de cigognes sur le toit d'une grange


Ferme de
                Mazurie
Ferme de Mazurie
Paysage doux où se mêlent vastes cultures de céréales, haies verdoyantes, gros arbres épars ou forêts touffues de feuillus (hêtres, chênes...).

A Frombork où nous arrivons à 15:45, seule la "colline épiscopale"présente quelque intérêt. Il s'agit d'un enclos fortifié comprenant cathédrale, palais épiscopal et tour "astronomique" utilisée par l’illustre Copernic pour ses recherches scientifiques.
Site
                  de l'enclos épiscopal de Frombok
La Colline épiscopale de Frombok, au bord de la lagune de la Wisla

frombok-tour-copernik
Frombok : la tour Copernik
Sa statue massive en bronze sombre accueille le visiteur au pied de la colline que nous nous hâtons de gravir. Une belle enceinte en brique fermée par deux portes et flanquée de quelques tours défend l’accès de la cour où se trouvent les monuments. Là encore le Musée consacré à la vie et aux découvertes de l’astronome est fermé, lundi oblige, mais nous pouvons grimper en haut de la tour par un bel escalier en béton moulé moderne qui en occupe le centre.

Ses spires entrelacées autour d’un long pendule en mouvement traversant toute sa hauteur rappellent les courses circulaires des sphères célestes. Depuis la terrasse, vue superbe sur l’enclos, les murs et la cathédrale à nos pieds, mais aussi sur la campagne environnante et sur la mer, ou du moins sur l’immense lagune de la Wisla qui occupe presque totalement l’horizon nord. Frombok : Monique sur la tour Copernik
Frombok : Monique sur la tour Copernik

Frombok : la cathedrale gothique depuis la tour
                Copernic
Frombok : la cathédrale gothique depuis la tour Copernic
La température tiède, la vue étendue, la lumière douce de la fin d’après-midi, l’ambiance tranquille sont si agréables que nous nous attardons dans les hauteurs, tant et si  bien que lorsque nous redescendons à 16:45 les portes de la cathédrale à nos pieds viennent juste de fermer ! Au moins avons-nous pu admirer son élégante façade et les nombreux clochetons et cadrans qui ornent son toit...

Monique s’attarde un peu - encore... - dans un magasin d’ambre, nous discutons un long moment dans un anglais laborieux avec un jeune qui vend ses dessins à la plume devant la porte de la colline. Nous tentons ensuite, mais en vain faute de cabine téléphonique, d’appeler les enfants à Montréal. Nous repartons, vers le sud cette fois, sur des routes cahoteuses traversant la riante campagne de Poméranie. Je finis par apercevoir un téléphone accroché à une façade en traversant un hameau, mais nous constatons en l’essayant que l’appareil fonctionne uniquement avec des jetons disponibles à la poste, évidemment fermée à cette heure ! Monique est très déçue de cette déconvenue...

Nous poursuivons notre route rurale aux doux paysages dorés par le soleil de fin de journée pour finalement nous arrêter vers 19:45 lorsque nous coupons le canal d’Elblag, près de la Cale de Jelenie.

Soir
                  sur le canal d'Elblag
Soir sur le canal d'Elblag près de la cale de Jelenie


Cale de Jelenie sur le Canal d'Elblag
Cale de Jelenie sur le Canal d'Elblag
Une dénivellation d'une trentaine de mètres interrompt le cours de la voie d'eau, aussi  la continuité du trafic est-elle assurée par un "ascenseur à bateaux". Celui-ci comprend deux chariots solidaires reliés par un câble circulaire qui court dans des poulies de guidage le long de la pente et dans deux grandes roues de renvoi à chaque extrémité. L’appareil fonctionne sur le principe d’un funiculaire entraîné par la force motrice de l’eau. Dans le crépuscule, nous empruntons à pied le chemin de halage jusqu’à la pente qui relie les deux sections du canal et sur laquelle transitent les berceaux portant les bateaux lors de leur transfert. Tout est calme, l’ingéniosité mécanique frappe dans cet environnement bucolique...

De retour à l’Aigle laissé sur le stationnement près du pont sur le canal, j’entreprends de changer l’huile du moteur pendant que Monique fait la vaisselle puis prépare le repas. Souper puis écriture de quelques cartes postales et d’une lettre à Pithioud pour commander un nouveau frigo à compression. Monique se couche vers 10:45 pendant que je poursuis jusque vers 1:00 la rédaction du journal en retard.

Mardi 25 juillet 1995 : de PASLEK à TORUN (218 km)

Journée un peu décevante :  d’abord  je n’ai pas mon compte de sommeil, car j’ai mal calculé l’effet des arbres sur notre toit et l’ombre matinale escomptée se trouve nettement à côté du camion. Résultat : la température devient insupportable dès 7:30... Nous traînons cependant un long moment, occupés à divers "cossins" : lavage, dans la rivière sous le pont, du tapis de sol taché par l’huile de vidange, début de confection de la housse de matelas dans un grand drap jaune apporté pour ce faire de Montréal, film de l’environnement et du canal...

J’attends vaguement le passage de la cale par l'un des bateaux reliant Elblag à Ostrada. Mais de bateau point, hormis ceux qui ont passé la nuit sous le pont à côté de nous et qui sont partis en aval de la cale vers 10:30, pleins de leur lot de touristes amenés par trois gros et bruyants autobus.
Canal d'Elblag, cale de Jellenie : transfert de
                  bateau
Transfert de bateau à la cale de Jelenie sur lecanal d'Elblag


Nous levons enfin le camp vers 11:00. La campagne poméranienne est toujours aussi belle, le temps variable mais la température demeure douce... Brefs arrêts pour contempler des nids de cigognes toujours surprenants, une jolie église campagnarde au clocher de bois coiffant une nef gothique en brique, quelques fermes fleuries aux formes agréables... Vers 14:00, pause pique-nique au bord d’un lac où un couple de Polonais vend aux touristes de passage des saucisses grillées sur du charbon de bois... Monique cherche désespérément une posczta pour appeler nos chers petits à Montréal, aussi  finissons-nous par atterrir devant les vétustes installations du telegraph telefon de Lubawskje.

Las, personne ne comprend le français ni l’anglais de Monique !  Heureusement une brave femme vient à son secours pour lui servir d’interprète auprès de la préposée qui ne comprend pas non plus le système d’appel Canada Direct. Finalement elle obtient une ligne après une heure et quart d’attente et réussit à atteindre Pierre Turgeon en P.C.V., les enfants ne répondant pas sur leur ligne. Tout cela pour être rassurée : il semble que tout aille bien sur la rue Hartland. Seule nouvelle : Juliette accompagnait aujourd’hui François à son examen de permis de conduire !

lubawskje-chez-margaret
Café chez Margaret, notre interprète empressée
L’interprète obligeante insiste pour que nous allions prendre un café chez elle. Elle semble tout excitée à l’idée de nous recevoir, appelle son père dans la petite épicerie dont il est propriétaire puis se met en frais de nous préparer café et gâteaux.

Son père se joint à nous et une laborieuse conversation en anglais approximatif s’engage : Margaret nous montre d’abord sa photo avec le pape Jean-Paul II la saluant et lui caressant la joue, puis les livres et cahiers de son certificat d’anglais préparé à l’American Centre d’Olsztyn. Apparaissent ensuite les diplômes de théologie, car elle se prépare à enseigner la religion dans une petite école de la région...

Nous expliquons un peu notre projet de voyage, le père glisse de temps à autre un mot traduit par sa fille. Après une heure et demie de papotage assez difficile à suivre car la dame est affligée d’un léger défaut de langage et semble très crispée (voire quelque peu hystérique...), tous deux insistent pour nous faire admirer une statue de la Vierge trônant dans le chœur de leur église. Nous résistons autant que nous pouvons, trouvant l’atmosphère oppressante, la chaleur de nos hôtes excessive et un rien malsaine mais finissons par nous rendre... Petite balade qui nous fait quitter leur maison au décor désuet, genre Galeries Barbès, mais confortablement équipée (TV moderne et magnétoscope dernier cri, antenne satellite, téléphone tant à la maison qu’au magasin...). Notre interprète et son père dans leur épicerie
Notre interprète et son père dans leur épicerie


Nous passons la vieille porte de la ville, dépassons la rynek occupée par un ancien temple protestant prussien maintenant converti en cinéma, puis pénétrons dans l’église catholique plus ancienne encore. Nous sommes saisis par la richesse du décor baroque où sculptures dorées et peintes, tableaux, jubé et nombreux autels (consacrés à différents saints ou à la Vierge) déploient leurs arabesques, leurs couleurs et meublent les murs crépis aux lignes plutôt sobres par ailleurs. De vastes fresques pas toujours très lisibles  occupent les hauts, un grand retable domine le maître autel, mais la fameuse Vierge  - la deuxième en grandeur et en richesse après celle de Czestochowa - est invisible, cachée derrière un tableau mobile que l’on ne lève que durant les offices !

Margaret très fâchée et excitée à la fois veut aller chercher le prêtre pour lui faire lever le panneau. Nous tentons en vain de l’en dissuader mais elle passe outre. Heureusement elle revient bredouille quelques instants plus tard, la cure étant vide... Nous réussissons alors à convaincre nos hôtes un peu intrusifs que des amis nous attendent à Torun pour le souper et que nous devons nous hâter de partir. A regret ils nous accompagnent jusqu’à notre Aigle, en passant par la petite épicerie style 1950 du monsieur qui tient à nous donner un sac de café, deux jus de légume, une tablette de chocolat, deux pommes et un petit sac de cornichons marinés maison. En retour nous leur remettons une bouteille de rosé de Provence et une boîte de terrine bretonne, histoire de leur faire goûter deux spécialités françaises fort différentes de l’ordinaire polonais. Nous repartons enfin, mais ils est passé 17:30 et le musée Copernic de Torun est fermé depuis belle lurette ! Nous sommes d’autant plus en retard qu’il faut faire demi-tour après quelques kilomètres, Monique ayant oublié la carte sur le comptoir de l’épicerie au moment de faire la photo d’adieu...

La route excellente file ensuite dans la campagne aux couleurs avivées par le soleil doré de fin d’après-midi. Détour vers Golub-Dobrzyn pour admirer un ancien château des Chevaliers Teutoniques bâti à la limite sud de leur domaine. Le gros massif gothique carré en briques est surmonté d’un dernier étage Renaissance crépi blanc qui lui fait comme une couronne. Quelques photos exposées dans la jolie cour intérieure à galerie montrent l’état de ruine dans lequel la dernière guerre avait laissé ses murs. Deux façades sont encore couvertes de hauts échafaudages de bois montés pour parachever leur réfection. Golub-Dobrzyn : château des Chevaliers
                    Teutoniques
Golub-Dobrzyn :  le château des Chevaliers Teutoniques

En revanche la cave voûtée transformée en taverne est superbe. Depuis la terrasse jouxtant les vieux murs, belle vue sur la petite ville presque entièrement reconstruite et sur la riche campagne environnante.

Nous rattrapons la route de Torun et, après 35 km, arrivons dans cette grande ville (205 000 habitants). Après d’interminables cités dortoirs aux grands blocs de béton hideux, une longue avenue défoncée où zigzaguent les rails des tramways nous mène près de la vieille ville. Sur la Rynek Nowomiejski (Place de la Ville Neuve), un reste tardif de marché me permet d’acheter enfin la laitue introuvable depuis trois jours. Une famille de français voyageant dans un petit Transporter VW nous aborde alors : échange de vues sur le pays, sur les attractions, les risques du stationnement et du "camping sauvage" dans ce beau pays. Pour finir nous fuyons le centre-ville trop bruyant, longeons les remparts dans le crépuscule et allons installer nos pénates dans un quartier résidentiel de l’autre côté de la Vistule.


Mercredi 26 juillet 1995 : de TORUN à OPOROW (172 km)

Réveil dès minuit et demi par la police : le stationnement nocturne est interdit dans les rues de Torun (comme à Outremont jusqu’à il y a peu...) et les camping-cars étrangers ne font pas exception à la règle. Par signes plus qu’autrement puisqu’il ne parle que le polonais, le policier me fait comprendre que je dois me diriger vers le terrain de camping.

L’entrée est libre à cette heure avancée, nous nous arrêtons sur le premier emplacement venu, quitte à régulariser notre situation demain matin. Situé entre la grande route de Gdansk à Varsovie et  le chemin de fer, ce terrain n’est pas spécialement silencieux... Maintenant libre de tout souci de sécurité, j’utilise mes bouchons auriculaires et dors tout d’une traite jusqu’à 8:30.

Le vieux Torun depuis le pont sur la Vistule
Le vieux Torun depuis le pont sur la Vistule

L’ombre abondante des grands arbres nous préserve du soleil, la température est douce aujourd’hui encore, nous prenons donc notre temps avant de lever le camp. Monique profite de l’eau des installations sanitaires pour laver son petit linge qu’elle étend ensuite sur une ficelle tendue entre un arbre et l’échelle arrière de l’Aigle. Pendant ce temps, je branche le boyau et la brosse sur le point d’eau voisin de notre site et décape la carrosserie de la couche gris-brun uniforme qui la recouvre de plus en plus. Je poursuis par le passage de l’aspirateur sur les tapis et rembourrages si bien qu’il est presque 11:00 lorsque nous nous engageons à pied sur le long pont métallique qui franchit la Vistule. Son tablier rouillé relie la rive gauche, où se trouve notre Aigle laissé dans le camping, à la rive droite dominée par les remparts de la vieille ville.

La vue de la vieille ville ceinte de ses remparts percés de plusieurs portes côté fleuve, surmontée par ses vieux toits de tuiles brunes et les clochers de ses églises, est  prometteuse lorsque nous l’approchons progressivement par le pont.

Mais sa visite en sera un peu décevante, dans la mesure où il reste assez peu de maisons anciennes dans leur état d’origine. Beaucoup ont été "modernisées" en perdant leur décor Renaissance ou rococo, ou bien leur pignon en escalier a été remplacé par un étage droit supplémentaire. Les crépis, sauf exception, sont très sales, tout comme la brique des églises et de l’Ancien Hôtel de Ville sur la rynek. Impression de vétusté et de crasse qui heurte notre goût pour les antiquités typiques, esthétiques et bien mises en valeur
Torun : le château des Chevaliers teutoniques
Torun : le château des Chevaliers teutoniques

Torun : église avec à son pied la statue de
                      Kopernik
Torun : église avec à son pied la statue de Kopernik
Kopernic

Torun :
                la porte donnant sur le pont sur la Wistla (Vistule)
Torun : la porte donnant sur le pont sur la Wistla (Vistule)
Nous franchissons  le reste - symbolique - de rempart côté sud-ouest pour nous engager dans la rue Kopernica qui nous donne un avant-goût des impressions rapportées plus haut.

Kopernic
Portrait de Kopernik

Exception notable : les deux maisons accolées aux n°15 et 17 de cette rue dont les belles façades de briques agencées, soigneusement restaurées, abritent le Musée Kopernic.  Torun : les maisons gothiques
Torun : les maisons gothiques


Dans le Musée Kopernik les instruments utilisés par
                l'astronome
Dans le Musée Kopernik les instruments utilisés par l'astronome
Nous visitons le n°15 qui présente plusieurs pièces joliment décorées et meublées d’une maison bourgeoise du XVème siècle. Elle appartenait à un marchand de la Hanse et l’on y retrouve le même style de meubles que ceux aperçus dans le bryggen de Bergen. Malheureusement la maison n°17, maison natale de Copernic où l’on expose des copies de ses instruments et toutes sortes de curiosités se rapportant au grand homme, n’ouvrira ses portes qu’à 14:30.

Nous poursuivons donc notre balade vers l’église St-Jean. Bien que la grande bâtisse de brique soit sale et sans grand caractère, son intérieur blanchi à la chaux frappe cependant par sa hauteur et son ampleur. Quelques traces de fresques médiévales, les fonts baptismaux sur lesquels fut porté Copernic, une profusion d’autels baroquisant et un riche triptyque doré en sont les principaux points d’attrait. Torun : l'église Saint-Jean
Torun : l'église Saint-Jean


Torun
                : porte Brama Zeglanska
Torun : porte Brama Zeglanska
Un peu plus bas dans la rue, la belle façade baroque du Palais Épiscopal, tout en hauteur, a été soigneusement rénovée. Nous sortons des remparts par la Porte des Matelots, suivons le quai fleuri qui s’étend entre la vaste étendue de la Vistule et les remparts de brique sombre, pour entrer de nouveau dans la vieille ville par le Porte du Monastère.

Nous gagnons alors Ul Rozana, sans doute l’artère la plus caractéristique de la ville, qui donne sur la Place du Marché. Au bord de son pavé animé se succèdent les vénérables façades, dont plusieurs en assez bon état. L’espace central, occupé par l’Ancien Hôtel de Ville en briques presque noires, abrite le musée régional. Torun : Ul
                  Szerk (Grande Rue)
Torun : Ul Szerk (Grande Rue)


Ses salles sont nombreuses et les œuvres d’art assez bien présentées, mais leur éclairage est inexistant ou inadéquat (en particulier sur les tableaux !). Parmi les sculptures et peintures religieuses du rez-de-chaussée datant de l’époque médiévale ou Renaissance, je relève plusieurs chefs-d’œuvre remarquables soit par la vivacité de l’expression ou par l’équilibre des compositions. La grande salle du premier frappe par la noblesse de ses proportions et le foisonnant décor de ses poutres gravées. En revanche j’apprécie fort peu le lot de peinture polonaise des XIXème et XXème siècle qui compose le reste de l’exposition : construction faible, couleurs éteintes ou hurlantes, pales copies des styles allemand ou français de l’époque... Monique lasse de ces vieilleries n’a même pas eu le courage de m’accompagner sur les étages.
De retour sur la place grouillante de chalands, autour de la statue de Copernic aux pieds duquel se tient un marché aux fleurs coloré, nous traînons un peu. Puis nous passons devant la riche façade de la Maison sous l’Étoile au décor foisonnant sans avoir le courage d’en visiter l’intérieur. En revanche notre curiosité est éveillée par un magasin d’appareils ménagers : ceux-ci paraissent modernes et bien conçus mais leurs prix sont un peu plus élevés qu’à Montréal. Torun : l'église Notre-Dame
Torun : l'église Notre-Dame

Petite
                  épicerie polonaise typique
Petite épicerie polonaise typique

Un peu las des vieux murs décrépis et de cette atmosphère urbaine sale et vétuste, nous rentrons tranquillement au camping en faisant quelques courses d’alimentation. Ici pas de grandes surfaces mais de nombreuses petites épiceries comme on en voyait dans notre enfance. Si on y  vend un peu de tout,  le choix et la variété des produits demeurent très limités : quelques conserves, pas de plats préparés, peu de fruits et légumes. Dernier coup d’œil sur l’ensemble de la vieille ville en repassant le pont.

Nous reprenons notre Aigle au camping, payons une note de 32 zlotys (22 $) très inhabituelle et élevée pour des adeptes du camping sauvage comme nous, et reprenons la route du sud vers 14:30.


Elle longe de loin le cours de la Wisla (Vistule) que l’on n’aperçoit quasiment pas jusqu’à Wloclawek, puis de fort près ensuite : j’admire la largeur du fleuve comparable dans cette section au St-Laurent. Belle lumière sur l’eau, rives boisées verdoyantes. A Plock nous montons voir le Musée de Mazovie qui présente la plus belle collection polonaise d’Art Nouveau. Hélas ses portes ferment à 15:00 et il est déjà 16:30... Au moins le panorama sur la Vistule depuis la terrasse boisée vaut-il quelques instants de contemplation, au contraire du très quelconque décor saint-sulpicien de la cathédrale.

Nous nous enfonçons ensuite à l’intérieur du pays par de jolies routes de campagne qui nous amènent, vers 19:30, au bord de l’étang d’Oporów, juste sous le château caché dans son parc. Nous nous installons près de l’eau, entourés de quelques pêcheurs à la ligne. Souper, un peu de couture pour Monique et d’écriture pour moi, et coucher dans le plus grand calme vers 22:00.


Jeudi 27 juillet 1995 : d’OPOROW à NIEBOROW (158 km)

Tout dort tranquillement au bord de notre étang, seul le soleil arrive à nous tirer du lit vers 8:30. Nous traînons un peu puisque le château musée voisin ouvre seulement à  10:00, nous déplaçant à l’ombre avant d’aller stationner juste à l’entrée du parc. Celui-ci, assez bien dessiné, montre cependant le laisser-aller habituel aux jardins polonais découverts jusqu’ici : sous-bois mal dégagé ou envahi par les orties, gazon à peine fauché, arbres plus ou moins élagués encombrés de branches mortes, pièces d’eau vaseuses et envahies par les lentilles d’eau...

En revanche le petit château de brique a été joliment restauré,  à commencer par ses murs de briques rouges plongeant dans l’eau de ses douves. Il a en effet été érigé vers 1440 sur une île entourée d’une rivière. Le décor et les meubles haute époque qui habillent ses différentes pièces n’est pas en reste. Bref une agréable visite qui s’achève par un tour sur le mur fortifié encadrant la cour arrière. 
oporow-chateau
Oporow : dessin du petit château XVème

Oporow
Oporow sur son île
Oporow : visite intérieure
Oporow : visite intérieure

Nous reprenons la route de campagne pour gagner Łódź (Lodz). C’est une grosse ville industrielle assez sale qui a conservé beaucoup de vieux immeubles XIXème, mais rares sont ceux qui présentent quelque intérêt, et moins nombreux encore ceux que l’on a restaurés. En fait nous sommes venus voir deux maisons Art Nouveau recommandées par le guide. Nous commençons par la villa Kindermann datant de 1903.

Maison
                Kindermann
Villa Kindermann, côté rue
Elle se trouve en plein centre ville, sur une Ul (rue) Wolczanska noirâtre et polluée par une circulation bruyante, pétaradante et fumante. Malgré ce noircissement général, la façade charme au premier coup d’œil : lignes asymétriques favorisant les courbes, généreux décor végétal...

Villa Kindermann, côté jardin
Villa Kindermann côté jardin
Villa-Kindermann-porche
Porche de la Villa Kindermann à Lodz

Villa-Kindermann-fenetre
Villa Kindermann : fenêtre du salon au piano
Villa-Kindermann-paratonnerre
Villa Kindermann : paratonnerre

L’intérieur est encore plus impressionnant car le décor du XXème siècle débutant a été soigneusement préservé (lustres, rampe d’escalier, vitraux), entretenu (corniches des grandes pièces, parquets de marqueterie) ou rénové (tapisserie tissée de l’entrée et de l’escalier). L’ensemble frappe par son luxe et son harmonie esthétique.

Lodz-Villa-Kindermann-cage-escalier
Lodz : escalier de la Villa Kindermann (1903)
lodz-villa-kindermann-vitrail de l'escalier
Lodz :  : vitrail de l'escalier de la maison Kindermann

Piano
L’alcôve au piano
L'alcove au piano
Villa Kindermann : vitrail de l’alcôve au piano

Applique
Villa Kindermann : applique et papier peint dans le grand salon

Lodz-Villa-Kindermann-appui
 Villa Kindermann : appui
Lodz-Villa-Kindermann-plafond.
Maison Kindermann : lustre du Grand Salon
Lodz, villa-Kindermann : motif d'angle
Maison Kindermann : décor d'angle dans le grand salon

Villa-Kindermann-lustre
Villa Kindermann : lustre

Lodz :
                  le palais Herbst depuis le jardin
Lodz : le Palais Herbst depuis le jardin

Nous traversons ensuite le centre ville, bruyant et pollué, pour gagner le «palais» de la famille Herbst dont la construction date de 1875. A deux pas des usines qui avaient fait sa fortune, ce baron de l’industrie textile a fait construire une luxueuse résidence dont la dimension, la richesse et le raffinement nous laissent ébahis, d’autant plus que la restauration et la conservation de cette demeure musée sont parfaites

Seul hic : il est interdit d’y filmer ou d’y photographier quoi que ce soit... Grands salons dorés, meubles somptueux, accessoires raffinés, immense salle de bal, jardin bien dessiné (mais un peu négligé...), la visite de cette demeure «Fin de siècle» vaut le déplacement, et Monique qui apprécie ce style est comblée. Lodz : le Palais Herbst depuis le jardin
Lodz : Palais de la famille Herbst  depuis la jardin

Loddz : la salle de bal et la serre du Palais Herbst
          depuis le jardin
Lodz : Palais de la famille Herbst  depuis le jardin : la salle de bal et la serre

Dans la salle de bal du Palais Herbst
Dans la salle de bal du Palais Herbst

Lodz :
          Palais de la famille Herbst : le grand escalier
Lodz : Palais de la famille Herbst  : le grand escalier

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Lodz - Palais Herbst : salon des Glaces

Lodz-Palais-Herbst-salon-des-glaces
Lodz : Palais de la famille Herbst : salon des Glaces
Palais Herbst : bureau du maître de maison
Lodz : Palais de la famille Herbst  : bureau du maître de maison

Lodz-Palais-Herbst-bibliothèque
Lodz : Palais de la famille Herbst  : bibliothèque
Lodz-Palais-Herbst-boudoir
Lodz : Palais de la famille Herbst  : boudoir de Madame

Lodz-Palais=Herbst-chambre
Lodz : Palais Herbst : chambre de Madame

Lodz - Palais Herbst : salle de musique et son
                piano
Lodz - Palais Herbst : salon de musique et son piano
Lodz - Palais Herbst : billard
Lodz - Palais Herbst : billard

Après ce détour fort apprécié vers Lodz, nous rejoignons par la grande route rapide Lowicz où nous bifurquons dans la campagne vers Arkadia. Le parc conçu par la princesse Helena Radziwill en 1778 a été assez bien restauré, mais il resterait beaucoup à faire pour arriver au niveau de ses équivalents anglais...

Jardin
                Akadia

Arkadia vu du ciel
Arkadia : le plan d'eau au centre du jardin


Ses allées bien dessinées sous ses grands arbres et autour de quelques "fabriques" demeurant de la création initiale nous valent cependant quelques beaux points de vue. Voilà une fort agréable balade dans une nature certes domestiquée mais qui conserve quand même beaucoup de spontanéité et de charme romantique. Arkadia :
                  l'aqueduc romain
Arkadia : l'aqueduc romain


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Arkadia : l'aqueduc romain
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Arkadia : le sanctuaire du Grand Prêtre

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Arkadia : niche dans le sanctuaire du Grand Prêtre
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Arkadia : niche funéraire et fontaine avec chimère

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Arkadia : le temple de Diane vu de l'est

Arkadia
        : le temple de Diane vu du lac
Arkadia : le temple de Diane vu du lac

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Arkadia : Jean-Paul contemple le lac depuis le Temple de Diane

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Arkadia : le temple de Diane vu du lac

Arkadia dans la brume automnale...

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Arkadia : l'aqueduc romain
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Arkadia : le Temple de Diane depuis le lac


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Arkadia : devant le Temple de Diane
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Arkadia : le Temple de Diane vu de l'est

Nous gagnons ensuite le village voisin de Nieborow fameux pour son château et son parc ayant appartenu lui aussi à la famille Radziwill. Évidemment le château ne se visite plus à cette heure (17:30), mais je me lance quand même dans l’exploration du grand jardin : quelques parties plus formelles, à la française, ont gardé un reste de leur gloire, en revanche le vaste parc anglais qui forme la périphérie et le fond de la propriété devient rapidement de plus en plus sauvage, avec les mêmes caractéristiques décrites plus haut. Le plan général est cependant très agréable, particulièrement grâce à l’utilisation astucieuse des pièces d’eau, et mon heure et demie de balade ne me semble pas du tout ennuyeuse. Façade du
                  château de Nieborow
Façade du château de Nieborow


Je retrouve Monique dans l’Aigle vers 19:30. En mon absence elle a fait connaissance avec un couple franco-polonais vivant dans la région parisienne qui lui donne quelques tuyaux sur le pays et auquel elle "vend" l’idée de l’Aigle. Nous tournons ensuite un peu dans le village pour finalement élire bivouac sur une jolie allée paisible et boisée menant au cimetière, un peu à l’écart de la route de campagne.


Vendredi 28 juillet 1995 : de NIEBOROW à WILANOW (142 km)

De façon inattendue, notre petit chemin était assez fréquenté, d’abord par des jeunes à vélo ou par des familles en voiture se succédant pour arroser les fleurs du cimetière, munis de leur arrosoir, puis le lendemain matin par quatre hommes en tracteur venus construire un caveau. Impossible donc de dormir tard comme escompté, ni de faire le plein d’eau sur le robinet local...

Nous sommes devant les grilles du parc à 10:00 tapant, mais la préposée n’arrive que 20 minutes plus tard, après qu’un garde nonchalant soit allé aux nouvelles.

Nieborow : angelot décorant le haut
                  de l'escalier
Nieborow : angelot décorant le haut de l'escalier

L’intérieur du château a grande allure car il abrite une superbe collection de meubles et tableaux anciens. Même s’ils ne sont pas toujours assemblés avec le goût le plus raffiné, les grandes pièces aux boiseries cirées surmontées de reliefs de stuc constituent un cadre de haute tenue.

Enfilades de salons, tapisseries de soie, lustres de bronze ou de cristal, tapis persans... J’apprécie beaucoup le luxe éclectique de l’ensemble, tandis que Monique lui trouve un air trop pompeux et dit lui préférer les demeures de plus modestes dimensions. Nieborow : la Grand salon et la chapelle
Nieborow : la Grand salon et la chapelle


Nieborow : le salon doré
Nieborow : le salon doré
Nieborow : le salon Czerwony
Nieborow : le salon Czerwony

Nieborow : la chambre de Michel Radziwill
Nieborow : la chambre de Michel  Radziwill

Nieborow : la Bibliothèque
Nieborow : la Bibliothèque

Après un deuxième tour des appartements pour filmer et photographier tout à notre aise, ce que nous n’avions pas osé faire un première fois, nous allons jeter un coup d’œil à la façade arrière enjolivée par une grande plate-bande à la française, puis nous reprenons la route.

La plaine est peu variée avec son interminable suite de champs de céréales piquetés de bouquets d’arbres.

La campagne aux alentours de Zelazowa Wola
La campagne aux alentours de Zelazowa Wola


Prochain arrêt : Zelazowa Wola, la maisons natale de Frédéric Chopin. Au bord du  grand parking payant s’alignent les boutiques de souvenirs insignifiants (des poupées russes emboîtables aux CD chopinesques interprétés par des Polonais inconnus...) sans compter les bustes, masques mortuaires et moulages des mains de l’illustre musicien.

De la petite maison reconstituée, peu à retenir à part quelques meubles et instruments évoquant le mode de vie en Pologne à l’époque de la jeunesse de l’artiste.  Jean-Paul sort de la maison natale de Frederic
                  Chopin à Zelazowa Wola
Jean-Paul sort de la maison natale de Frederic Chopin à Zelazowa  Wola


Monique dans le jardin de la maison natale de
                  Frederic Chopin à Zelazowa Wola
Monique dans le jardin de la maison natale de Frederic Chopin à Zelazowa  Wola

En revanche le parc agréable aménagé alentour nous offre une promenade rafraîchissante sous ses grands arbres et près de sa rivière paresseuse, avant que nous reprenions la grande route chauffée à blanc par le soleil de midi en direction de Warsaw (Varsovie).

D’interminables faubourgs plantés d’immeubles collectifs massifs annoncent la grande ville. Beaucoup de façades décrépies, des routes et voies d’accès mal entretenues, des magasins peu reluisants au pied de ces énormes blocs disent assez le faible niveau de vie des Varsoviens dans les années précédentes. Au centre de
                la Warsawa moderne, la tour LOT du Lim Center
Au centre de la Warsawa moderne, la tour LOT du Lim Center

Faute de plan détaillé, Monique a un peu de difficulté à me guider sur les grandes artères, mais nous finissons par atteindre le centre des affaires et la grande tour LOT du Lim Center (style tour Montparnasse ou Place Ville-Marie) dans laquelle se trouve le bureau de la BNP où je dois récupérer ma nouvelle carte Visa. Accueil aimable de la jeune Polonaise qui parle assez bien le français et interrompt sa lecture du Figaro pour me répondre... Je rejoins Monique demeurée dans l’Aigle stationné en double file. Nous décidons alors de commencer immédiatement notre découverte de Varsovie par la visite de Stare Miasto (la vieille ville).

Complexité de la circulation, rareté des indications et difficulté à déchiffrer les rares  panneaux de rue dans une langue peu familière font que nous nous retrouvons bientôt sur la voie rapide puis sur le pont franchissant la Vistule... Après quelques jurons bien sentis et plusieurs manœuvres assez peu orthodoxes, nous faisons demi-tour, repassons sur la rive gauche par l’autre pont et finissons par arriver sous les remparts de la vieille ville où nous stationnons dans un parc gardé, à deux pas du Palais Royal.

Warszawa : Plac Zarrkowy
Warszawa : Plac Zarrkowy
Nous sommes tout de suite charmés par la chaleureuse ambiance des vieilles rues tortueuses bordées de façades colorées dont le guide nous assure pourtant qu’elles ont été intégralement reconstituées, la ville n’étant plus qu’un champ de ruines en 1944. Coup d’œil à la cour du palais que nous comptons visiter dimanche, parcours de la rue Swieçtojaniska dont Monique explore tous les magasins d’ambre pendant que je filme les contours de la rue, les détails de ses façades, l’ambiance affairée qui anime tout son décor.

Nous atteignons la Rynek Starego Miasta (Place de la Vieille Ville). Son pavé est envahi par des centaines de touristes qui admirent ses façades colorées Renaissance ou baroques, sont attablés aux terrasses des cafés où ils dégustent glaces et rafraîchissements (il fait très chaud aujourd’hui) ou musardent aux devantures des nombreuses boutiques de souvenirs, d’antiquités, de libraires, etc. On retrouve ici une ambiance identique à celle de la Grande Place de Bruxelles, même si le décor est plus modeste et si Monique trouve qu’il manque d’authenticité depuis qu’elle sait que tout a été reconstruit après la dernière guerre. Warszawa : la Rynek Starego Miasta (Place de la
                Vieille Ville)
Warszawa : la Rynek Starego Miasta (Place de la Vieille Ville)

La Sirène de Warszawa, emblème de la ville
La Sirène de Warszawa, emblème de la ville
Poussant jusqu’à la Barbacane qui ferme le demi-cercle des remparts de brique, nous allons jusqu’à leur extrémité nord pour apercevoir la statue de la sirène, emblème de la cité.

Puis nous retournons sur la Grande Place et nous faufilons par les petites rues derrière la cathédrale, le long de la galerie qui reliait le château au sanctuaire et par laquelle le roi venait assister à la messe. Bel Hôtel des Mariages logé dans un ancien palais aristocratique. Calèche
                attendant sur la Rynek Starego Miasta (Place de la
                Vieille Ville)
Calèche attendant sur la Rynek Starego Miasta (Place de la Vieille Ville)

Calèche attendant sur la Rynek Starego Miasta
                (Place de la Vieille Ville)
Calèche attendant sur la Rynek Starego Miasta (Place de la Vieille Ville)

Rynek Starego Miasta (Place de la Vieille Ville)
Rynek Starego Miasta (Place de la Vieille Ville)


Nous voilà de retour sur la place Zamkowy devant le Château Royal. Nous longeons les remparts de brique et retrouvons notre Aigle sous l’œil du gardien qui nous demande double tarif pour la double hauteur ! Sa prétention nous entraîne dans une discussion animée jusqu’à obtenir gain de cause et payer le tarif applicable à la place que nous occupons au sol...

Nous décidons alors de gagner en grande banlieue Wilanow où nous visiterons demain le palais d’été du roi Jan Sobieski (1677). Route facile et rapide, pique-nique au bord d’un bel étang sauvage où pullulent les moustiques, et finalement bivouac sur la modeste rue de l’Europe, dans un terrain vague près d’une maison en construction.



4. De WARSZAWA (Varsovie) à WIELICZKA (près de KRAKOW - Cracovie)


Samedi 29 juillet 1995 : de WILANOW à PODLEZ (119 km)

Palais de Willanow
Malgré les aboiements de chiens qui jappent jusque vers 23:00, la nuit s’avère assez tranquille, mais le soleil qui réchauffe la capucine dès 7:30 nous réveille tôt. Nous rallions le stationnement devant le château pour la toilette et le déjeuner avant d’attaquer la visite du grand palais entouré de son parc.

La visite guidée obligatoire nous mène d’abord dans les entresols où l’on expose toute une galerie de portraits polonais par laquelle on prétend, en plus de nous fournir des références historiques, nous initier à l’évolution de l’art du portrait au pays... Autant dire que nous lui prêtons peu d’intérêt, d'autant plus que nous ne comprenons pas grand chose aux savants commentaires de la guide, et qu’une surveillance attentive nous empêche rigoureusement de filmer quoi que ce soit.

La visite ultérieure des appartements d’apparat au rez-de-chaussée est un peu plus impressionnante par la qualité des mobiliers et la richesse des décors mais trop de dorure et d’emphase (à notre goût) finissent par nous lasser. Wilanow : Salle Crimson (aile nord)
Wilanow : Salle Crimson (aile nord)

Wilanow : Salle des Miroirs de la Reine : L'Aurore
Wilanow : Salle des Miroirs de la Reine : L'Aurore
Wilanow : portrait de Stanislaw Potocki
Wilanow : portrait de Stanislaw Potocki

Wilanow
                : antichambre du Roi
Wilanow : antichambre du Roi
Wilanow :
                  Chambre du Roi
Wilanow : Chambre du Roi


Wilanow : cabinet chinois du Roi
Wilanow : cabinet chinois du Roi
Wilanow : bibliothèque du Roi
Wilanow : bibliothèque du Roi

Wilanow : salle de bain Lubomirska
Wilanow : salle de bain Lubomirska
Wilanow : Grande Salle Crimson
Wilanow : Grande Salle Crimson

Wilanow : salle Lubomirska
Wilanow : salle Lubomirska

Jardin de
                  Wilanow : médaillon du Roi Jean IV
Jardin de Wilanow : médaillon du Roi Jean IV
Jardin de Wilanow : médaillon de la Reine Marie
                  Casimire
Jardin de Wilanow : médaillon de la Reine Marie Casimire

Wilanow et ses parterres à la Française
Wilanow et ses parterres à l'italienne
Nous préférons l’extérieur, bien que les jardins soignés à l'italienne (buis taillé, roses, charmilles...) laissent trop vite place à un parc à l’anglaise plutôt négligé (statues sales et brisées, sous-bois mal nettoyé colonisé par les moustiques, plan d’eau où croupit une eau verte et trouble, bassins vides et fontaines taries...).


Wilanow : façade principale depuis l'entrée
Wilanow : façade principale depuis l'entrée

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Le palais de Wilanow depuis le jardin en façade

willanow-detail-jardin-italienne
Wilanow : jardin baroque à l'italienne
Wilanow : bassin à nénuphars - et à moustiques ! -
                dans le parc à l'anglaise
Wilanow : bassin à nénuphars - et à moustiques ! - dans le parc à l'anglaise

Au total une belle excursion qui nous laisse cependant un peu sur notre faim : ce style de demeure ne vaut que par le raffinement qui s’y déploie et non par l’exposé répétitif de la richesse accumulée. Or ce n’est guère le cas ici : les souverains polonais ont rassemblé dans ces murs beaucoup de belles pièces collectionnées dans toute l’Europe, mais leur placement et leur agencement manque d’élégance et de subtilité, sans parler d’une certaine lourdeur parfois teutonne... Grande façade de Wilanow entourée de ses jardins à
                l'italienne
Grande façade de Wilanow entourée de ses jardins à l'italienne

Monique nous fait ensuite regagner puis traverser tout Varsovie pour aller refaire le plein d’épicerie dans le seul supermarché entrevu jusqu’ici en Pologne, un "Hit" installé le long de l’avenue Gorczewska empruntée à notre arrivée. Son guidage habile nous amène  directement au but, et nous avons le plaisir de circuler sans fatigue dans les allées, de trouver la plupart des produits connus et nécessaires sans explications ni demandes ardues, de choisir en fonction des prix affichés sans questionnement incompris ni dialogue de sourd. Un petit deux heures nous suffit pour faire le tour des produits disponibles (beaucoup moins nombreux qu’au Continent de Caen ou de Lyon, mais beaucoup plus qu’il y a cinq ans au temps du communisme) aux prix fort raisonnables (souvent identique à ceux du Canada, sinon moins chers, en particulier pour l’alimentation). Nous repartons avec un frigo plein (mais défectueux...) et une cambuse assez bien regarnie.

Il est 14:00 et la chaleur est accablante. Nous nous réfugions à l’ombre de l’un des rares arbres sur le stationnement d’un immeuble d’habitation tout proche et entamons nos victuailles. Puis nous décidons de parcourir un bout de la Voie Royale jusqu’au parc Lasienki. Défilent les grandes avenues bordées de beaux immeubles néo-classiques, le Palais Radziwill, la belle façade baroque de l’église des Visitandines, la forme circulaire originale de l’Église Évangélique du XVIIIème, le Palais Staszic, siège de la Société des Amis des Sciences, avec la statue de Nicolas Copernic songeant devant sa façade imposante. On aborde alors le rue Nowy Swiat bordée de maisons plus simples abritant boutiques, galeries, librairies, etc. Coup d’œil au grand immeuble trapu où se trouvait le siège du Parti communiste polonais; on l’a reconverti, oh ironie, en Bourse aux valeurs ! (Pauvre Marx et son Capital !). Puis nous pénétrons dans le quartier des ambassades et des ministères, quartier aéré aux larges avenues ornées d’élégants édifices. A notre gauche s’étend une très vaste parc : nous sommes devant Lasienki.

Je stationne près de la porte médiane, juste en face du monument dédié à Frédéric Chopin : au milieu des roses trône sa statue, abritée par un arbre de bronze dont les branches se ramifient en longs doigts effilés... Je n’apprécie guère l’art un peu torturé du sculpteur, mais Monique ne déteste pas... Parc Lasienki : Monument à Frédéric Chopin
Parc Lasienki : Monument à Frédéric Chopin

Le petit lac du parc Lasienki en soirée
Le petit lac du parc Lasienki en soirée
Sous la voûte des grands arbres nous nous enfonçons dans les allées qui descendent d’abord jusqu’à l’Ancienne Orangerie. Elle abrite maintenant une collection de sculptures entremêlée de plantes grasses devinées à travers les hautes fenêtres fermées : étrange amalgame... Au-delà des parterres fleuris se devine la tour circulaire du Château d’eau dans le goût médiéval. Nous tombons ensuite sur la Maison Blanche, une structure carrée en bois et plâtre dont les quatre façades identiques ont gardé toute leur élégance XVIIIème mais qu’on ne peut plus visiter vu l’heure tardive.


A quelques centaines de mètres de là nous arrivons au fond du val occupé par le Palais sur l’eau, une charmante folie élevée en 1776 par le roi Stanislav August Poniatowski. Situées sur une île au milieu d’un lac allongé, ses frises, ses sculptures et ses colonnades dominent une terrasse se terminant par des escaliers tombant dans l’eau.
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Le « Palais sur l'eau » du Parc Lasienki, façade nord


Warsawa : le Palais sur l'eau (1776) dans le Parc
          Lasienki en fin d'apèrs-midi
Warsawa : le Palais sur l'eau (1776) dans le Parc Lasienki en fin d'après-midi, façade sud

Warsawa : Palais sur l'Eau, salle Salomon
Warsawa : Palais sur l'Eau, salle Salomon

Warsawa : Palais sur l'Eau, salle de bal
Warsawa : Palais sur l'Eau, salle de bal

Des centaines de Varsoviens s’y promènent, dans la chaude lumière du soir,. L’ambiance est gaie, élégante quoique sans apprêt (beaucoup d’enfants accompagnent leurs parents) et des plus agréables. A deux pas, sur la rive du lac, s’élèvent les gradins de l’Amphithéâtre imité de l’antique tandis que la scène entourée d’eau se trouve sur un îlot. Warsawa, Parc Lasienki, Jean-Paul à l' entrée
                    du Palais sur l'Eau 
Warsawa, Parc Lasienki, Jean-Paul à l' entrée du Palais sur l'Eau


Enchantés de notre balade, nous remontons jusqu’à notre stationnement par un long détour qui nous fait passer devant le Palais Myslevice, plus modeste mais très digne, puis devant le luxueux Restaurant du Belvédère installé dans la Nouvelle Orangerie, au pied du Belvédère, la résidence néoclassique du président de la république Lech Walesa.

Warsawa : façades baroques sur le Voie Royale...
Warsawa : façades baroques sur le Voie Royale...

Après cette autre longue balade nous décidons de quitter Varsovie dès ce soir, mais après avoir de nouveau parcouru en voiture les beaux quartiers de la ville qui nous restent à découvrir. Nous empruntons une autre fois la Voie Royale, passons devant la structure colossale du Grand Théâtre véritablement sans élégance, arrêtons quelques instants pour filmer la belle courbe néoclassique de la colonnade et des ailes semi-circulaires du Palais du Primat.

Nous nous retrouvons alors à notre point de départ, sur la Place Zamkowi, devant le Palais Royal à l’orée de la vieille ville. Un dernier détour nous amène dans Nowe Miasto (la Nouvelle Ville) d’où nous admirons les remparts circulaires de la Vieille Ville, les tours de brique de la Barbacane, puis l’espace tout simple et quasi-désert de la Rynek Nowego Miasta (Place de la Nouvelle Ville).

Retour par la pittoresque rue Ul Freta, puis sur Ul Dluga. Nous tombons alors sur le monument du Soulèvement de Varsovie, saisissant de mouvement et d’énergie jaillissante, juste en face du Palais Krasinski dont la grande silhouette baroque blanche se noie dans les dernières lueurs du crépuscule... Monument au Soulèvement de Varsovie
Monument au Soulèvement de Varsovie (1er août 1944)

Nous quittons alors Varsovie en passant le large lit à demi asséché de la Vistule. Nous en longeons le cours vers l’amont sur 80 km environ pour aller dormir, un peu à l’écart de la grande route et à la nuit noire, sous les arbres en avant de la petite église de Podlez. Une bonne douche nous débarrasse de la crasse du trajet et de la transpiration dues à cette grosse journée de marche et de chaleur, puis nous nous couchons immédiatement sans écriture.


Dimanche 30 juillet 1995 : de PODLEZ à BARANÓW SANDOMIERSKI (355 km)

Nuit parfaitement paisible après que les chiens du voisinage se soient tus vers 22:00... C’est la cloche annonçant l’office dominical qui nous réveille à 8:00. Après la toilette et le petit déjeuner, nous entrons dans l’église en même temps que le curé qui vient confesser ses ouailles avant la messe de 9:00. Le décor tout simple mais impeccable de la petite église de campagne nous plonge dans quelques instants de méditation tandis qu’arrivent les paroissiens endimanchés, à pied, en vélo, puis quelques uns en voiture à bord de Mini-Fiat 500 fumantes et bruyantes, vieilles Lada ou Skoda pétaradantes...

Je remarque et filme, un peu ébahi, l’antique batteuse encore en fonction dans le champ en face de l’église, puis nous reprenons la route. Assez monotone, elle longe le cours de la Vistule que l’on n’aperçoit à peu près jamais car elle demeure cachée derrière la haute digue qui la maintient dans son lit. Les villages modestes voire pauvres défilent, souvent poussiéreux sous la canicule et la sécheresse qui rend plus léger encore le sol très sableux.

Pauvre
                  maisonnette rurale entourée de son jardinet clos
Pauvre maisonnette rurale entourée de son jardinet clos


Deblin, puis Pulawy ne présentent guère d'intérêt avec leurs immeubles de logements ouvriers en périphérie, leurs installations industrielles sales et obsolètes et leurs rues sans cachet.

Pulawy
          : le Palais Czartoryski
Pulawy : le Palais Czartoryski

Une brève pause à Pulawy pour la visite du parc du Palais Czartoryski décourage vite Monique qui se fait dévorer par les insectes et se hâte de regagner l’abri des moustiquaires de l’Aigle. Je persiste à traverser la partie la plus brouillonne du parc pour tomber sur quelques "fabriques" bien restaurées puis sur la palais lui-même, un énorme bâtiment lourd et sans chic converti en institut d’agronomie. J’aime beaucoup le petit temple circulaire aux Sibylles dont je prends quelques vues vidéo avant de traverser de nouveau tout le parc en fin de compte presque à l’abandon et retrouver notre camion. Il est resté stationné sur la grande pelouse devant un autre palais moins étendu, une annexe "pour loger la belle-mère", qui me paraît beaucoup plus élégant que le château principal.

Parc du Palais Czartoryski : belle fûtaie, mais
                moustiques voraces...
Parc du Palais Czartoryski : belle futaie, mais moustiques voraces...
Pulawy-temple-de-la-Sybille
Pulawy : Temple de la Sibylle

La longue et chaude route de campagne brûlée par le soleil se poursuit vers le sud. Partout on s’affaire à moissonner les céréales avec des machines agricoles comme on en voyait dans les campagnes françaises il y a 30 ou 40 ans. Les botteleuses passent après les moissonneuses pour ramasser la paille, et nous voyons même des charrettes tirées par un cheval sur lesquelles des paysans entassent à la fourche la moisson préalablement coupée à la faux et montée en gerbe. Dans les
                champs moissonnés on ramasse les bottes de paille avec
                le cheval
Dans les champs moissonnés on ramasse les bottes de paille avec le cheval

Kazimierz Dolny : rynek de la ville au bord de la
                Wisla
Kazimierz Dolny : rynek de la ville au bord de la Wisla
Nous rattrapons la Vistule près de Kazimierz Dolny où le majestueux méandre du fleuve se déploie sous les  ruines des murs du château et de la tour de guet.

Deux beaux greniers à grain du XVIème ont été reconstruits au bord de l’eau, rappelant le rôle important de port étape fluvial joué autrefois par la petite cité.
Kazimierz Dolny : grenier à blé Renaissance 
Kazimierz Dolny : grenier à blé Renaissance

Le stationnement est difficile dans ses petites rues pavées et fort encombrées qui sont devenues une excursion de choix pour les Varsoviens en ce beau dimanche ensoleillé. Nous escaladons d’abord le Mont des Trois Croix d’où l’on a une fort jolie vue sur la courbe de la Vistule et, à nos pieds, sur la petite cité groupée autour de sa rynek carrée. Vue sur la Wisla et sur Kazimierz Dolny depuis la
                  Colline des Troix Croix
Vue sur la Wisla et sur Kazimierz Dolny
depuis la Colline des Troix Croix

Maisons Renaissance à arcades sur la rynek de
                Kazimierz Dolny
Maisons Renaissance à arcades sur la rynek de Kazimierz Dolny
Je grimpe ensuite sur les remparts du château qui offrent un panorama plus large sur le fleuve, avant de rejoindre Monique dans la petite église au baroque familier mais dont l’orgue montre un buffet avancé assez inhabituel. C’est surtout la place du marché, avec ses vieilles maisons de marchands Renaissance, ses arcades et ses puits couverts qui vaut le coup d’œil.

Kazimierz Dolny : la rynek au pied de la Colline des
          Trois Croix
Kazimierz Dolny : la rynek au pied de la Colline des Trois Croix

Le puits
                couvert et l'église sur la rynek de Kazimierz Dolny
Le puits couvert et l'église sur la rynek de Kazimierz Dolny
Il fait très chaud et le soleil tape presque verticalement : les marchands de glace font des affaires d’or tout comme les cafés dont les parasols rouges et blancs mangent presque le quart de la place. Après avoir bien joui du spectacle coloré et de l’ambiance animée, nous reprenons la route du sud.

La canicule brûle le paysage, nous nous protégeons de la chaleur accablante et de la lumière éblouissante du soleil par le vent de la vitesse et nos verres profondément teintés...

À Annapol nous traversons la Wisla (Vistule) pour un long détour de 150 km /aller-retour qui nous mène, dans des reliefs un peu plus accusés, vers les 600 m d’altitude du parc de Swietokrzyski. Déception : de là-haut, le panorama sur la campagne envahie à perte de vue par les champs de céréales est presque totalement masqué par les arbres, et les bâtiments du monastère sont d’une pauvreté architecturale navrante... Parc de
                Swietokrzyski : vue depuis les restes du monastère
Parc de Swietokrzyski : vue depuis les restes du monastère

Nous refaisons en sens inverse la route rapide vers Opatow, filmant au passage quelques originales petites maisons de bois en pièce sur pièce, jusqu’à atteindre Sandomierz.

Sandomierz : porte d'Opatow en soirée
Sandomierz : porte d'Opatow en soirée
Nous avons le plaisir d’y découvrir une jolie petite ville ancienne, propre et bien entretenue autour de sa rynek. Des maisons simples mais anciennes entourent un bel hôtel de ville de structure gothique à décor Renaissance (attique). Nous traînons un peu sur le pavé de la place, nous rendons jusqu’à la Porte d’Opatow, admirant les façades fleuries et les vielles maisons à arcades tout en appréciant l’atmosphère paisible en cette soirée de dimanche.

Nous reprenons enfin la route jusqu’à Baranow où je pense aller dormir au pied du château Renaissance. Il est effectivement joli, mais le quartier trop proche de la route nous semble peu favorable au bivouac. Nous nous installons donc sur un stationnement en plein centre du village, sur une rue en réfection où il ne passe presque personne. sandomierz-hotel-de-ville-renaissance
Sandomierz : l'Hôtel de Ville Renaissance

Lundi 31 juillet 1995 : de BARANÓW SANDOMIERSKI à BIRCZA (211 km)

Le temps continue d’être beau et chaud, aussi dois-je déplacer l’Aigle de quelques mètres au réveil à 7:30 pour prolonger un peu la nuit. Même si le musée installé dans le château de Baranow est fermé en ce lundi, on peut néanmoins pénétrer dans son parc, dans ses jardins et dans sa grande cour carrée. La propriété, confiée à la grosse entreprise qui gère les immenses mines de soufre toute proches, est  pour une fois fort bien entretenue, les sous-bois sont élagués et les murs en parfait état. La façade de crépi peint, surmontée d’un attique en dentelle Renaissance et cantonnée de quatre grosses tours rondes à chaque angle, a grande allure. Le château de Baranow au milieu de ses terres
Le château de Baranow au milieu de ses terres


Grande cour Renaissance du château de Baranow
Grande cour Renaissance du château de Baranow
Cependant c’est surtout la cour à double rangée d’arcades qui vaut le déplacement, avec ses plafonds de galeries peints d’armoiries, ses sculptures délicates et son grand escalier monumental. Sur le côté du château, la roseraie entourant un bassin moderne nous semble quelconque quoique agréable. Quant au reste du parc, il n’est pas aussi soigné ni réussi que ses homologues anglais, malgré quelques beaux arbres.

Le grand escalier monumental de Baranow
Le grand escalier monumental de Baranow
 
Monique dans le Grand Escalier
Monique dans le Grand Escalier

Sous le soleil maintenant très chaud nous retournons à Tarnozbrzeg dont nous évitons le centre sans intérêt, puis filons vers le sud en direction de Rzeszow. Terres céréalières brûlées par la canicule, bois épars, petits villages pauvres et pittoresques... Le spectacle varie peu depuis nos 1 500 derniers kilomètres.

Maison
                rurale en route vers Łancut
En route vers  Łancut, une maison rurale

Les maisons paysannes sont seulement plus ou moins riches, les plus anciennes bâties en bois, les plus récentes en brique. Celles-ci sont plus volumineuses et de plan plus sophistiqué que les premières réduites à un étage, avec une porte centrale entourée d'une ou deux fenêtres de chaque côté en avant, et un petit jardin fleuri clos d’une barrière d’étroites lattes verticales...


Les terres semblent être plus ou moins productives selon la quantité de sable qu’elles contiennent. De toute façon, avec la sécheresse la poussière est partout dès que l’asphalte est absent, que ce soit sur les bermes des routes étroites ou dans les rues des villages fréquemment en travaux. Parfois quelques vaches pâturent des champs assez maigres, attachées par une chaîne à un arbre ou à un piquet puisqu’on n’aperçoit de clôture nulle part. Sur la route, la circulation est ralentie par les petites Fiat 650 Polonez, les vieilles camionnettes de l’époque communiste, les Lada, Skoda, etc., quand ce ne sont pas les vétustes bus Autosan ou les camions Star qui empuantissent l’atmosphère lorsque nous les doublons dans un infect nuage de carbone...

En arrivant à  Łancut (prononcer "Wanssute") vers 13:00, nous tournons un peu dans la petite ville animée pour trouver l’accès du palais magnifiquement entouré d’un parc cette fois-ci soigné. La grande entrée avec fleurs, pont orné de sculptures et grande perspective sur la noble façade est fort impressionnante.
Entrée du château
                  de Łancut
Entrée du château de  Łancut

Łancut : Cabinet des Glaces
Łancut : Cabinet des Glaces
Malgré la fermeture du lundi, nous avons la chance de nous faufiler pour une visite guidée avec un groupe de Hollandais. Rarement avons-nous vu une telle enfilade de pièces spacieuses aussi luxueusement meublées. Le château a été habité jusqu’en 1942, aussi présente-t-il des styles variés et des aménagements confortables allant du XVIIème jusqu’à cette époque.

Pour le reste, on ne sait ce qu'il faut admirer davantage : tentures de soie sur les murs, ensembles de fauteuils-chaises-canapés, tableaux, verres de Venise, lustres de cristal taillé, etc. Łancut : Salle de billard
Łancut : Salle de billard

Certaines pièces frappent plus que d’autres, soit par leurs dimensions (salle de bal, immense salle à manger) ou par leur originalité (galerie des antiques, salle de bain, salon de jeu en véranda...). Le tour dure une bonne heure et même si nous ne comprenons rien aux commentaires de la guide, l’intérêt pour le spectacle qui se renouvelle et mène de surprises en étonnements ne faiblit pas.
 
Łancut : Galerie des Antiques
Łancut : Galerie des Antiques
Łancut : la
                  véranda - salle de jeu
Łancut : la véranda - salle de jeu

 Au sortir de la demeure, la vieille dame qui nous pilote nous entraîne à travers le parc vers les écuries et les garages. Nous n'y comptons pas moins d’une centaine de voitures à chevaux toutes marquées aux armes de la famille Potocki. Quelle richesse insolente quand on pense à la modestie des chaumières aperçues dans les campagnes environnantes ! L'Orangerie de Łancut
L'Orangerie de 
Łancut

En quittant Łancut... dans la section convertie en
                hôtel de luxe
En quittant Łancut... dans la section convertie en hôtel de luxe
Après un bon pique-nique (salade et saumon fumé de Norvège...) nous nous rendons ensuite à la poczta. Pour cette fois nous avons plus de chance que la semaine passée et réussissons à obtenir une ligne en P.C.V. après 15 minutes de palabres seulement, bien que et la téléphoniste et le service des communications internationales (!) ne parlent pas un mot de français ni même d’anglais ! Juliette à peine réveillée nous confirme que tout va bien à Montréal. Nous quittons alors  Łancut en direction de Przemysl.

Sur la plaine légèrement ondulée plombe le plein soleil de l’été. Partout autour de nous on s’affaire aux moissons. Il arrive même que l'on aperçoive en même temps 5 groupes de paysans travaillant dans différents champs, les uns passant la moissonneuse-batteuse, d’autres la botteleuse pour ramasser la paille, d’autres enfin chargeant les bottes sur des chariots parfois tirés par des chevaux... La petite route qui file par monts et par vaux est évidemment fréquemment encombrée par ces attelages placides quand ce n’est par les camions fumant ou les tracteurs tirant des plateaux à ridelles nappés d’une bâche et pleins de grain. Les courbes des parcelles découpent jusqu’à l’horizon les pentes douces ponctuées par le relief des bottes semées irrégulièrement dans les chaumes dorés. L’oeil et l’objectif de la caméra s’en mettent plein la vue... L'Ukraine n'est pas loin...
L'Ukraine n'est pas loin...


Après ces grands espaces semi-déserts qui évoquent les fameuses terres à blé de l’Ukraine toute proches, l’animation et la densité de la vieille ville de Przemysl forment un contraste étonnant. Des faubourgs industriels (vieilles usines sales et croulantes) ou résidentiels (grands blocs collectifs décrépis plantés dans des terrains peu soignés), rien à dire sinon qu’ils ressemblent aux faubourgs de bien d’autres villes de Pologne. Nous nous rendons directement à la rynek. Sans être aussi spectaculaire que tant d’autres visitées auparavant, son ancienneté et sa pente dominée par trois églises implantées sur la colline les unes derrière les autres lui donnent un certain caractère. Seule l’église des Franciscains mérite une brève visite de sa nef baroque aux sculptures dorées sur fond de peintures pastel. L’église des Jésuites est nue, et celle des Carmélites n’a pas retrouvé son iconostase toujours au musée (fermé le lundi). Nous frappe seulement la lourdeur du reste de son décor.

Cette concentration d’églises rassemblées en si peu d’espace, ainsi que leur état impeccable au milieu des murs lépreux qui les entourent, nous laissent songeurs quant à la puissance de l’Église et à l’utilisation des ressources publiques. À côté de cela, nous n’avons pas vu une seule piscine dans ce pays si chaud l’été et l’on voit un peu partout les jeunes se baigner dans des marigots aux eaux verdâtres et troubles, sans parler de la vétusté des autres infrastructures...

Dix kilomètres nous mènent ensuite à Krasiczyn où le château Renaissance annoncé est toujours en restauration, ce qui frustre un peu notre passion de beaux monuments : la tour est couverte d’échafaudages, la toiture exhibe sa charpente nue, les murs de la tour d’entrée sont décrépis et ses fenêtres béantes. Il reste vraiment encore trop à faire pour susciter actuellement l’admiration... Nous repartons rapidement et nous mettons à la recherche du bivouac de ce soir. La physionomie du pays change complètement puisque nous montons beaucoup au milieu de forêts de résineux. L’air se refroidit, les maisons prennent des airs de chalets alpestres. Nous finissons par jeter notre dévolu sur le stationnement du cimetière de Birczna qui offre un vaste espace désert à l’ombre et à l’écart de la route. Vaisselle, souper, douche, écriture du courrier puis du journal à la fraîcheur et au calme.


Mardi 1er août 1995 : de BIRCZNA à CHREWT (NISKI BIESZCZADY) (101 km)

Encore une nuit paisible sur ce grand parking vide où ne passent que quelques enfants curieux et leurs parents apportant eau et fleurs au cimetière. Au calme et à l’ombre fraîche des bouleaux nous dormons tard, jusque vers 9:30 ! Après la douche et le déjeuner, la jolie route de montagnette nous offre des paysages quasi vosgiens : pentes et dômes assez doux, route forestière entrecoupée d’épingles à cheveux qu’il faut gravir en 3ème ou en 2ème puis descendre le pied sur le frein...

La petite ville de Sanok nous semble assez quelconque, mais son château - en restauration à long terme comme souvent ici - abrite une extraordinaire collection d’icônes des XVIIème et XVIIème siècles dont je filme longuement les plus belles pièces. Mandylion
                  (Saint Suaire) datant de 1644
Mandylion (Saint Suaire) datant de 1644

Musée
                  des icônes de Sanok : Madone à l'Enfant
Musée des icônes de Sanok :
Madone à l'Enfant (Hogiditria)

Certaines, très grandes, comprennent une scène principale au centre (Crucifixion, portrait en pied d’un saint, Madone à l’Enfant, Christ Pantocrator...) et toute une série de tableautins anecdotiques alentour racontant la vie du personnage. Musée des icônes de Sanok : Christ Pantocrator
Musée des icônes de Sanok :
Christ Pantocrator


Musée des icônes de Sanok : Saint Basile
Musée des icônes de Sanok : Saint Basile
Musée des icônes de Sanok : Saint Antoine
Musée des icônes de Sanok : Saint Antoine et St ?

Musée
          des icônes de Sanok : l'Archange Saint Michel
Musée des icônes de Sanok : l'Archange Saint Michel

D’autres présentent de remarquables portraits de saints ou des scènes des Écritures (Adoration des Mages, Saints Patrons...) de très belle facture, aux traits fins sur fond délicatement doré, avec parfois des arrière-plans davantage médiévaux ou italianisants qu’orientaux. Voilà la plus belle collection d’icônes que nous ayons jamais vue, avec celle du musée national de Belgrade qui nous avait elle aussi beaucoup impressionnés.

Musée des icônes de Sanok : Saint Siméon le
                        Stylite
Musée des icônes de Sanok : Saint Siméon le Stylite


 
Nous quittons emballés le vieux et pitoyable mais combien riche musée historique de Sanok pour aller parcourir ensuite son fameux skansen (musée ethnographique de plein air)


Logé de l’autre côté de la rivière, ce parc ethnographique où l’on a rassemblé un grand nombre de vieux bâtiments ruraux provenant de cette région de la Pologne semble très alléchant au premier abord : prix minime (2 zlotys/personne), documentation très complète (en français !), grand parc arboré isolant bien les différentes sections...
Dans le
                  skansen de Sanok, le chemin menant à l'église au
                  milieu des chaumières
Dans le skansen de Sanok, le chemin menant à l'église au milieu des chaumières

Skansen de Sanok : maison Moszczenica (1860)
Skansen de Sanok : maison Moszczenica (1860)

Malheureusement les allées et les boisés sont fort mal entretenus, le livret et son plan sont de peu d’utilité faute d’un système de repérage efficace et d’un itinéraire bien planifié, et surtout la plupart des maisons sont fermées.

Seuls quelques édifices bien remeublés (quoique pauvrement, comme à l’origine) possèdent de grosses grilles de bois à travers lesquelles, en se tordant un peu le cou ou en glissant l’objectif de la caméra entre les barreaux, j’arrive à prendre connaissance du contenu.

Les constructions sont intéressantes et révèlent le grand dénuement dans lequel vivaient les paysans jusqu’à il y a peu.
sanok-skansen-maison-paysane
Skansen de Sanok  : maison paysanne

Église de Bacsal Dolny (1667)
Skansen de Sanok : église de Bacsal Dolny (1667)
En revanche les églises de bois, en matériaux simples mais habilement assemblés, présentent un luxueux mobilier peint et doré.

Église de Bacsal Dolny (1667)
Skansen de Sanok : l'église gréco-catholique (1731)
... et son iconostase traditionnelle
... et son iconostase traditionnelle

De son côté, le presbytère possède un volume, une disposition et un nombre de pièces, sans parler des meubles, à peu près conformes aux normes actuelles. Après les châteaux luxueux visités ces derniers jours, on voit où allaient l’argent et les ressources du peuple... sanok-skansen-maison-instituteur-1900
Skansen de Sanok : intérieur de la maison de l'instituteur (1900)

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Skansen de Sanok  : maison paysanne, puits à balancier
Skansen de Sanok : paysanne en costume
                  traditionnel
Skansen de Sanok : paysanne en costume traditionnel

chaumière de Rzepiennik (1866)
Dans le Skansen (Musée ethnographique) de Sanok : chaumière de Rzepiennik (1866)
Au bout de cette bonne marche au soleil jalonnée de points d’intérêts variés, en pleine nature et dans une solitude presque absolue (est-ce le mauvais état et l’incomplétude du skansen qui n’attirent pas les amateurs, ou est-ce sa faible fréquentation qui limite les ressources et le développement du site ?), nous repartons à la découverte des Bieszczady.


La route très accidentée ménage de très agréables panoramas jusqu’à Lesko. Peu à dire de la petite ville endormie où nous nous contentons d’aller contempler la belle façade XVIIème de la synagogue : une fine tour ronde à toit pointu flanque un pignon en escalier curviligne. La grande salle de prière est fermée mais une petite pièce en avant contient un émouvant mémorial photographique consacré à la communauté juive de Lesko anéantie par les nazis. J’en prends quelques vues puis nous faisons un petit tour dans l’ancien cimetière israélite voisin.
Synagogue XVIIIème de Lesko
Synagogue XVIIIème de Lesko

Le cimetières israélite désafecté de Lesko
Le cimetières israélite désafecté de Lesko
Sur une petite colline envahie par des grands arbres sont dispersées des stèles de pierre renversées, à demi enterrées ou brisées et couvertes de signes hébreux. Elles créent un décor fort mélancolique, très "civilisation disparue" (et on sait dans quel contexte horrible quand il s’agit des juifs polonais...). Impressionnés par le grand silence à deux pas de la ville et par l’état d’abandon des lieux, nous regagnons notre Aigle pour continuer notre itinéraire à travers les collines boisées.

Le foin
              achève de sécher en mottes; au fond la ferme traditonnelle
              et son puits
Le foin achève de sécher en mottes; au fond la ferme traditonnelle et son puits

Retour de moisson
Retour de moisson

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Lesko : minuscule champ céréales

Village le
              long de la rivière San
Village le long de la  rivière San en soirée
 
Jean-Paul devant le lac réservoir de
                      Solinskie
Jean-Paul devant le lac réservoir de Solinskie

Nous décidons d’emprunter la route qui longe le réservoir Solinskie, un grand lac de barrage sur lequel les virages de notre itinéraire offre quelques points de vue remarquables que nous nous empressons de photographier ou vidéographier.


Beaucoup de randonneurs et de touristes en villégiature, aucun lieu propice au bivouac sauvage (partout ce ne sont qu’hôtels ou terrains de camping), aussi décidons-nous de passer la nuit dans un "bivwak", soit une prairie au bord du lac sommairement aménagée mais au coût également minime de 4,80 zlotys (3 $!). Soirée tranquille où Monique lie conversation avec deux américains de Los Angeles qui ont tout vendu (voitures, maison, etc.) et vivent de leurs placements en voyageant tranquillement en Europe à bord de leur petit Westphalia...
Point de vue sur le Réservoir Solinskie en
                      début de soirée
Point de vue sur le Réservoir Solinskie en début de soirée

Mercredi 2 août 1995 : de CHREWT à SIEDLISKA (vallée de la BIAKA) (307 km)

L’altitude et l’air des montagnes apportent la fraîcheur, le lac la rosée... Nous dormons très bien et sommes en pleine forme pour quitter notre camping dès 8:15, après quelques paroles d’adieu à nos sympathiques - et enviés ! - Américains qui descendent vers la Hongrie puis l’Italie pour l’hiver.

La route sinueuse offre encore quelques beaux et larges points de vue sur les diverticules du lac avant de s’enfoncer dans les montagnettes couvertes de forêts qui font un peu penser à la Forêt Noire.
Le réservoir Solinskie et son barrage
Le réservoir Solinskie et son barrage

La
                      petite route sinueuse s'enfonce dans les
                      Bieszczady
La petite route sinueuse s'enfonce dans les Bieszczady
Épingles à cheveux et grimpées de cols réduisent notre train à pas grand chose, mais les vues élargies sur les campagnes environnantes comme sur les pentes couvertes de grands arbres aux douces nuances de vert, voire sur les profonds sous-bois au-delà des bermes, agrémentent continuellement notre parcours. Nous remontons un moment le cours de la rivière San, de plus en plus caillouteuse et étroite, qu’assiègent des pêcheurs régulièrement répartis le long de ses berges, sans trop de succès semble-t-il.

Paysage vallonné des Bieszczady
Paysage vallonné des Bieszczady

Paysage
              vallonné des Bieszczady
Paysage vallonné des Bieszczady

Paysage
              vallonné des Bieszczady
Paysage vallonné des  Bieszczady

Paysage vallonné des Bieszczady
Paysage vallonné des Bieszczady

A Cisna, j’arrête à la gare pour m’enquérir des horaires du petit train dont le guide signale le pittoresque trajet, mais il ne fonctionne plus, ses wagons défraîchis et sa vieille loco à la peinture écaillée sont au rancart sur des voies de garage rouillées..."Muséum", m’explique le gardien, probablement ancien chef de gare assis dans le bureau en train de jouer aux cartes avec un copain, avec forces gestes et dessins devant mon étonnement puis ma déconvenue. Le transport des billes de bois, qui était sans doute la principale raison d’être de cette ligne, est probablement plus facile et plus rentable par les gros camions que nous croisons ensuite, puisqu’ils permettent de se rendre directement sur les lieux même de l’abattage. Déçus de cette excursion ratée qui marque une autre perte du patrimoine polonais, nous poursuivons notre route qui vagabonde le long de la frontière slovaque. Nombreux sont les randonneurs à pied sur la chaussée, tout comme les cyclotouristes qu’il faut suivre ou éviter avec prudence en croisant ou doublant les autres automobilistes, les autobus et les gros camions de bois lents et fumants...

Puis nous nous engageons sur de toutes petites routes à la surface très irrégulière, quoique toujours asphaltée, pour aller admirer quelques églises de bois typiques de la région. Elle était occupée jusqu’en 1939 par deux peuplades particulières, les Boyks et les Lemks, mais ces derniers ont pratiquement disparu suite aux massacres et aux déportations. Demeurent cependant plusieurs de leurs églises, de style orthodoxe, plus ou moins en ruines.


Nous commençons par celle de Krempna que nous avons un peu de difficulté à trouver au fond du village, lui-même au bout d’une mauvaise route qui nous semble interminable. Ses trois sections entièrement en bois sont coiffées de charmants clochetons en bulbe de zinc. A travers la grille, derrière la porte grande ouverte, on aperçoit l’ancienne iconostase couverte d’icônes vivement colorées. Leur or reluit dans la pénombre puisque seules deux petites fenêtres jettent une lueur ténue sur les murs de bois brut.
L'église
                    de Krempna
L'église de Krempna

Ferme
                    traditionnelle dans la campagne polonaise
Ferme traditionnelle dans la campagne polonaise
Impression de solennité et de richesse quelque peu ostentatoire dans ce cadre éminemment rural, comme le confirme la vieille ferme à quelques mètres de là. Ses murs de madriers empilés, son toit pentu, ses petites fenêtres et son enclos fleuri sont tout semblables à ceux des maisons paysannes typiques exposées au skansen de Sanok : même simplicité (aucun décor ajouté ou plaqué), même pauvreté (W.C. dans un cabane de planches au bord de la rue, animaux et maison d’habitation sous le même toit, volailles traînant dans la cour...), et même souci de propreté (murs parfaitement blanchis à la chaux) dans la crasse ambiante.

Ce type de logement rural dont nous apercevrons de nombreux exemples dans les campagnes environnantes tend à disparaître, remplacé par de grandes maisons modernes certes beaucoup plus confortables, mais sans grand caractère et surtout rarement terminées. Un peu partout, elles exposent leurs murs de briques brutes ou de blocs de béton, leurs toitures de papier goudronné et leurs balcons sans rampes. La plupart semblent avoir été mises en chantier récemment, probablement après la chute du communisme, le reflux de la tendance aux logements collectifs et la fin du rationnement - ou de la pénurie - des matériaux.

Nous poursuivons notre excursion "ecclésiale" par la cerkiew de Koptan, cachée sur une route de traverse à plus d’un kilomètre du centre du hameau et vers laquelle nous guide, au pas tranquille de son cheval, un grand adolescent sur sa faucheuse. La
                    cerkiew (église en bois) de Czertez
La cerkiew (église en bois) de Czertez

Isolée au milieu des arbres, ses trois tours de bois ont beaucoup de chic. Sa porte est malheureusement close, mais nous photographions avec délice les vieilles stèles à demi brisées noyées dans les fleurs sauvages qui se dressent dans son étroit enclos.

La cerkiew de Koptan
La cerkiew de Koptan
Croix dans le
                    cimetière de la cerkiew de Koptan
Croix dans le cimetière de la cerkiew de Koptan

Il nous est encore plus difficile de dégoter les deux autres petites églises de Swiatkowa Wielka et de Swiatkowa Mala, puisque même les panneaux indicateurs des noms des villages sont introuvables. Leur forme charmante et leur originalité nous dédommagent cependant du temps et des détours que nécessite leur découverte : même disposition en trois chambres successives, même clocher - en tôle cette fois-ci - les couronnant, mais aussi hélas mêmes portes closes...

Swiatkowa-Wielka : l'église gréco-latine
Swiatkowa-Wielka : l'église gréco-latine
La
                    Cerkiew de Bystre
La Cerkiew de Bystre

Nous rattrapons ensuite Katy en continuant de porter attention (films, photos) aux maisons de ferme typiques. Mais fatigués par le mauvais état des routes, nous renonçons à faire un dernier détour vers Sekowa et son église. Nous rallions donc Gorlice à travers des paysages beaucoup moins montagneux où la culture du blé reprend ses droits. Cela me permet de filmer des paysans en train de passer la vieille moissonneuse et de monter à la main les gerbes en meulons, usage que je n’avais pas vu depuis mon enfance.

Nous passons rapidement Gorlice dont le centre et la rynek elle-même présentent peu d’attrait, et sous une averse - la première en trois semaines ! - nous nous enfilons dans la vallée de la Biala. La route semble davantage suivre le trajet du chemin de fer que celui de la rivière puisqu’elle franchit sans cesse les rails par de méchants passages à niveau et qu’on aperçoit à peine l’eau. Fatigués par notre longue et mauvaise route, nous allons installer notre bivouac juste devant l’église de Siedliska où s’achève un office chanté, sous les haut-parleurs retransmettant à l’extérieur les cantiques d’une justesse très approximative. Souper tôt (19:00) puis coucher à 21:30.



Juillet-août 1995 en Pologne : 5. de WIELICZKA (près de Cracovie) aux TATRAS

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