Mercredi 20 juillet 1994 : de PORTMOUTH à CHIPPING CAMPDEN (264 km)
Mis à mal en milieu de nuit par une crise de colique hépatique, j'ai beaucoup de misère à me lever à l'heure dite... Néanmoins, à 6:15 tout le monde est debout, et à 7 heures moins cinq, nous laissons Juliette et Charlotte sur le quai du terminal avec leurs énormes bagages qui iront directement dans la consigne du bateau. Désireux de voir leur gros navire quitter le port, nous retournons sur le Common. Nous y prenons notre petit déjeuner au bord de l'eau et sous les rayons d'un magnifique soleil ascendant. |
Le vieux
Portmouth à l'entrée de la rade
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Portmouth : Monique tente d'apercevoir les filles depuis The Point |
Mais nous sommes beaucoup trop loin du chenal pour reconnaître quiconque à bord, aussi nous rapprochons-nous du vieux Portsmouth pour aller stationner à son extrémité nord, The Point. C'est l'endroit le plus étroit du goulet et l'on y voit défiler tous les navires quittant le port. Deux gros ferries de P & O passent lentement devant nous avant que ce soit la coque toute blanche du "Duc de Normandie". Malgré un examen attentif des ponts et des coursives à l'aide des jumelles, nous n'arrivons pas à repérer les têtes familières de nos deux filles. |
Le paysage a changé autour de nous, il est beaucoup plus vallonné avec des champs limités par des haies touffues qui présentent tout un assortiment de couleurs : ce sont les Cotswolds, une région renommée pour la beauté de ses paysages ruraux et le charme de ses villages aux maisons toutes en pierre calcaire taillée et dorée. | Paysage des
Cotswolds avec moutons
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Arrivée à Chipping
Campden
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Nous en traversons plusieurs, ravissants, avant de découvrir le plus beau d'entre eux, Chipping Campden. Tout en bas d'une longue descente, le bourg est entouré à une certaine distance de collines aux pentes douces. |
Sur le panneau à son entrée j'ai la surprise de découvrir la mention "jumelé avec Pont d'Ouilly, Normandie". Quel incroyable hasard nous fait tomber ainsi sur le jumeau de mon village natal ! Une photo s'impose, pour le souvenir et pour Maman. | Jumelé avec
Pont-d'Ouilly, mon village natal !
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Chaumière de
Chipping Campden
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Les maisons typiques, la plupart anciennes, sont superbes, les plus périphériques entourées d'adorables jardins aux fleurs exubérantes. Leurs couleurs éclatantes contrastent avec la pierre d'une belle teinte chaude, des panneaux aux vitres plombées garnissent les petites fenêtres, des dalles irrégulières en calcaire aux mêmes nuances dorées que les murs couvrent les toits pentus, quand ce n'est pas du chaume. |
Nous parcourons en voiture les deux principales rues et faisons le tour de l'église du XVIème un peu à l'écart. Tout est admirable et l'ensemble tout à fait pittoresque. Mais nous sommes trop fatigués pour tout examiner en détail, la visite complète sera donc pour demain. Un vaste stationnement tranquille et vide nous accueille devant l'école; nous y élisons bivouac sous un grand chêne. Souper rapide puis coucher, nous nous endormons rapidement après cette journée épuisante. | Chipping Campden : High Street |
Jeudi 21 juillet 1994 : de CHIPPING
CAMPDEN à WORCESTER (72 km)
St James Church |
Nous nous habillons en hâte et allons nous arrêter un peu plus loin, juste en dessous de l'église St James (XVIème Perpendiculaire), devant les Almshouses (Hospices). Là nous prenons notre douche et déjeunons avant d'explorer systématiquement la petite ville. |
La visite commence par l'église. Joliment campée au centre d'un assez grand cimetière ombragé et planté de d'antiques dalles moussues, ses murs sont percés de vastes baies gothiques qui lui donnent lumière et espace. |
Nef et chœur
de l'église St James
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Allée du cimetière menant à l'église St-James |
Cimetière de l'église de Chipping Campden |
High Street et ses
maisons anciennes
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Puis nous rattrapons High Street, la grande rue toute bordée de vieilles maisons fleuries. Les vitrines à petits carreaux de verre irrégulier offrent toutes sortes de marchandises à notre curiosité : les articles bien ordinaires d'une pharmacie (Dispensing chemist) voisinent avec des service d'assiettes et de plats anciens décorés ou avec les productions fameuses d'un designer contemporain qui a installé à Chipping Campden son studio de création. |
Au centre trône Market Hall, les vieilles halles pittoresques du XVème sur lesquelles une affichette indique que le National Trust (qui en est propriétaire) a fait restaurer sa toiture "à l'ancienne" : on aperçoit fort bien les chevilles de bois fichées en haut de chacune des dalles de pierre. Elles les bloquent sur les liteaux et les empêchent ainsi de glisser. Quel travail ! |
Le Market Hall de
Chipping Campden
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Chaque cour devinée derrière le porche béant sur la rue laisse entrevoir des gerbes de plantes annuelle, des roses et d'autres compositions florales multicolores. |
Cour fleurie d'une
taverne de Chipping Camden
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Façade elle aussi fleurie de la même taverne |
Nous marchons longtemps, admirant tel détail architectural, tel dessin de porte ou de heurtoir, nous extasiant devant un parterre ou un bouquet, jusqu'à retrouver notre Aigle, un peu fatigués mais les yeux remplis de beauté. |
Nous décidons de poursuivre cette exploration rapide des Cotswolds en visitant les jardins renommés du Hidcote Manor. Huit kilomètres de route de campagne très étroite nous mènent sous les grands arbres de son parc. Nous y pique-niquons au frais (il fait chaud et humide aujourd'hui). Puis nous renouvelons notre carte de membre du National Trust, là aussi propriétaire du domaine et pénétrons dans les fameux jardins. |
Hidcote Manor
Garden : Red Border
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C'est un enchantement ! Johnstone, le génial horticulteur, créa cette œuvre d'art pour en faire don au Trust en 1948. Il y a combiné la rigueur d'un dessin général "à la française" à des ensembles floraux typiquement anglais : les espaces nettement délimités par des haies taillées sont remplis de plantations, de mixed borders multicolores, d'un jardin d'eau ou d'un bassin. Une longue pelouse coupée d'escaliers traverse tout le jardin et débouche dans la campagne... |
Hidcote Manor : White Garden |
Hidcote Manor : Red
Border
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Le délicat jardin d'eau d'Hidcote Garden |
Dans le jardin d'eau d'Hidcote Garden |
Nous passons à nouveau par Chipping Campden où nous nous attardons devant quelques superbes maisons dans le style ancien (Shepherd House en particulier), entourées de jardins non moins étonnants. |
Jean-Paul admire
Shepherd House en périphérie de Chipping Campden
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Broadway
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Nous traversons ensuite la petite ville de Broadway qui aligne ses belles maisons de pierre dorée le long de la grande route. L'architecture se montre en général de qualité, mais l'étendue du village lui enlève beaucoup de caractère, et puis tout ne semble être là que pour le touriste (hôtels, restaurants, boutiques d'antiquaires accueillant des bus remplis de Japonais...). |
Vendredi 22 juillet 1994 : de WORCESTER à IRONBRIDGE (85 km)
Le site du village, construit en 1780 autour du premier pont en fonte du monde, est absolument charmant : ses maisons anciennes s'étagent sur le bord de la gorge boisée de la Severn qui suit son cours paisible large d'une cinquantaine de mètres. |
Le fameux pont
d'Ironbridge sur la Severn
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L'arche parfaite du pont est historique, puisqu'elle matérialise la première utilisation architecturale de la fonte. Ce fut donc le début de l'ère industrielle car cette technologie s'accompagnait de plusieurs autres innovations capitales et reliées dont celle de la vapeur... C'est pourquoi la région a été baptisée "le berceau de l'ère industrielle". Le fameux pont avait en partie été conçu comme publicité par le maître de forges Abraham Darby et sa dynastie, p.d.g. de la Coalbrookedale Company installée ici dès 1708. C'est lui qui eut le premier l'idée d'utiliser dans sa fonderie le coke à la place du charbon de bois, rendant possible l'emploi du fer dans les domaines du transport (roues, rails,...), de la construction mécanique (machine à vapeur, locomotives et bateaux) et des travaux publics (immeubles et ponts). On passait ainsi du métal forgé au métal coulé, révolution fondamentale. |
Voilà ce que nous apprennent les différents musées de l'"Ironbridge Gorge Museum" dispersés le long de la rivière. Nous commençons par le Musée du Fer, malheureusement en complète restructuration, dont quelques exhibits intéressants mais assez disparates ont été installés provisoirement et un peu au hasard dans un entrepôt : machines-outils, locomotive datant du tout début du XIXème, meubles en fonte, etc. Les restes du premier haut-fourneau à coke sont bien préservés et présentés sous un hangar ad hoc, mais les explications techniques sont pauvres et les panneaux parlent surtout de l'histoire de la dynastie Darby... |
Une salle du Musée du
Fer d'ironbridge consacrée à la fonte
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Nous visitons un peu plus haut dans la
gorge Rosehill House, la maison du maître de forges : agréable
mobilier victorien et ambiance assez bien conservée mais sur ce
plan nous avons vu mieux dans les maisons bourgeoises du Maine
ou du Nouveau-Brunswick datant de la même époque... Ces premiers
sites nous déçoivent un peu : ils nous semblent manquer de
densité et de sérieux, ce qui nous étonne considérant la passion
des Anglais pour les vieilleries et le coût élevé de l'accès aux
différentes curiosités (8 livres par personne, soit 18 dollars).
Le gardien du péage, entre sa maisonnette et la barrière |
En revanche nous sommes comblés par la visite du Blists Hill Open Air Museum. Ce village populaire des années 1900 rassemble un bel échantillon de maisons : demeures du médecin et maisonnette du gardien du péage, masure du paysan,... |
Dans l'atelier de l'imprimeur : la presse et les tiroirs à casses |
Chez le médecin, la nurse tricote au coin du feu |
Chez le pharmacien (Dispensing Chemist) |
...de boutiques (pharmacie, boucherie, boulangerie, banque...), d'échoppes d'artisans (serrurier, fabricant de chandelles, menuisier, cordonnier, confiseur, imprimeur...) et enfin d'ateliers industriels (forge et fonderie, atelier métallurgique). |
Nous finissons la soirée par le clou du
site : le pont lui-même, dont j'admire la structure étonnamment
légère pour l'époque (1780), au centre du site remarquable
(village aux jolies maisons XVIIIème soignées et fleuries,
vallée profonde, boisée et parfaitement préservée), le tout
baigné par la lumière dorée du soleil descendant. Je filme
évidemment la vue sous tous les angles, avant de gagner le
stationnement du Tar Tunnel, près du Coalport China Museum que
nous visiterons demain. Ce terrain calme et ombragé nous servira
de camp pour cette nuit, après que nous ayons en chemin jeté un
coup d'oeil aux ruines (en restauration) des hauts-fourneaux de
Bedlam (1757).
Samedi 23 juillet 1994 : de IRONBRIDGE
à ERDIGG (WREXHAM) (98 km)
La partie la plus intéressante de la visite reste cependant à venir : nous pénétrons maintenant dans un ancien atelier réaménagé pour montrer en raccourci les différentes étapes de la fabrication de la porcelaine décorée. Cela commence par le moulage de la pâte de kaolin dans des formes de plâtre avant la cuisson à 1 200°. Puis on procède à l'application du décor par transfert d'un motif imprimé sur un morceau de papier tissu, l'encre humide passant des creux de la plaque de cuivre gravée à la porcelaine poreuse. Enfin c'est le glaçage par immersion dans une suspension d'argile transparente et passage au four à 800°. | Peintre sur porcelaine |
Coalport : peinture sur porcelaine (China) |
Deux autres variantes sont possibles : la peinture à la main des motifs ou le transfert de ceux-ci, préalablement imprimés sur papier, comme des décalcomanies. Les appareils, tours, moules, presses et calques sont là devant nous, ainsi que des exemplaires de vaisselle aux différentes étapes de réalisation. Une vieille dame charmante occupée à modeler des broches en porcelaine s'offre à donner quelques explications supplémentaires. Monique ne résiste évidemment pas à la tentation de manipuler la pâte de porcelaine d'os (bone china) et se laisse initier à la réalisation des petites fleurs. L'élève fait preuve de beaucoup d'habileté pour ses premières réalisations et reçoit les félicitations de l'habile artisan. |
Une vingtaine de kilomètres plus loin, longeant la vallée où s'épanouit la Severn, nous apercevons la belle façade palladienne d'Attingham Park au milieu des grands arbres de son parc. C'est une autre propriété du National Trust que nous voulons visiter, gratuitement maintenant que nous sommes membres, car "We have join !", comme le suggérait avec insistance une annonce à l'entrée de chaque monument du Trust. |
Attingham Park
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Salle à manger d'Attingham Park |
Après un pique-nique rapide à
l'ombre d'un gros chêne, nous parcourons les multiples
salons, boudoir, bureau, bibliothèque et autre salle à
manger.
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Galerie de peintures et
orgue d'Attingham Park
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Partout des tableaux, la plupart fort beaux, couvrent les murs; sous les plafonds travaillés et peints, des meubles précieux créent une ambiance chaleureuse, comme si le château était encore habité. Des fleurs sur les tables et les bureaux, une lettre en cours de rédaction, un livre ouvert, la table mise et garnie d'une corbeille de fruits accentuent encore le caractère vivant de la demeure, cadre splendide que s'était fait bâtir un landlord fortuné au milieu du XVIIIème siècle. |
Boudoir d'Attingham Park |
Chandelier en bronze doré |
Aquarelle extraite du
projet de Repton (Livre Rouge)
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Il eut de plus la bonne idée de confier à Repton, le grand paysagiste de l'époque, l'aménagement du parc alentour. Les 450 hectares de terres, de prairies et de plantations d'arbres qui environnent la grande maison palladienne sont donc remarquablement organisés. |
Je laisse Monique fatiguée regagner l'Aigle et me lance dans un grand tour de la propriété en empruntant d'abord la Mile Walk qui longe la rivière. Les vues pittoresques ne manquent pas : deux cygnes voguent au milieu du petit étang, un troupeau de vaches s'abreuve et patauge dans le cours d'eau paresseux. Je m'enfonce ensuite sous les grands arbres, dont plusieurs chênes centenaires, jusqu'à la limite nord de la propriété. Les futaies splendides et les sous-bois paisibles, d'apparence sauvages mais en fait soignés, se fondent progressivement dans la campagne environnante... |
Attingham Park
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Harde de daims d'Attingham Park à la fin de l'automne |
Au retour par la grande allée centrale, je me hasarde vers le verger et son petit bâtiment qui m'offre une belle présentation du domaine, de son histoire et de son fonctionnement. Juste avant de retrouver le camping-car je pénètre aussi dans les vastes écuries (stables) où vivaient dans un confort étonnant (grandes stalles de bois sculpté, murs et plafonds plâtrés, etc.) les 36 chevaux de race de Lord Berwick... |
En passant à Fron Cysyllte nous soupons au bord du canal, juste avant le spectaculaire aqueduc qu'emprunte la voie d'eau pour franchir la vallée de la Dyfrdwy. Le passage d'étroits house boats (justement appelés ici narrows boats) et la manœuvre du pont levant animent le paisible plan d'eau durant notre repas tandis que le soleil disparait. |
Pique-nique du soir au
bord du canal à Fron Cysyllte
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Aqueduc de Fron Cysyllte |
Les House boats sur le canal |
Dimanche 24 juillet 1994 : d'ERDIGG HALL au BRENIG RESERVOIR (73 km)
Nous sommes aujourd'hui dimanche et le foin de notre champ vient manifestement d'être ramassé, deux bonnes raisons pour ne pas être dérangés ce matin. Une fois n'est pas coutume ! Comme les portes du château tout proche n'ouvrent qu'après 11:00, nous paressons un peu au lit, d'autant que le temps semble assez gris, pour ne pas dire bouché. Vers 11:15 nous passons les grilles et traversons le parc étendu. Dans les près plantés de grands arbres dispersés pâturent quantité de moutons et de vaches. |
On n'aborde pas directement le logis seigneurial, au contraire l'itinéraire fléché nous fait parcourir tour à tour une suite de petits bâtiments annexes en brique rouge où se trouvaient les ateliers de chacun des personnels spécialisés chargés de l'entretien du domaine : menuisier, charpentier, forgeron, maçon, cocher... Les outils et autres équipements sont tous là, comme si les serviteurs employés ici allaient poursuivre leur ouvrage demain matin. De la même façon les servantes et autres domestiques affectés au service de maison (femmes de ménage, cuisinière et ses aides, groom, etc.) ont reçu de la part des maîtres d'Erdigg une attention particulière. | Deux ancêtres devant le garage |
Erdigg : la buanderie et sa machine à repasser |
Un des moteurs à vapeur actionnant les machines dans les ateliers d'Erdigg Hall |
Une série de portraits à l'huile puis de photographies les présente tandis que quelques vers rédigés par plusieurs Yorke (la famille des propriétaires) rendent hommage à leur dévouement et à leur compétence. Traitement bien inhabituel à l'époque (XVIIIème et XIXème siècle), mais qui souligne l'importance de la cohésion de cette équipe pour le fonctionnement autarcique et quasi communautaire du domaine. |
Le personnel d'Erdigg au grand complet pose
devant le perron, chacun avec l'attribut de sa
fonction
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Erdigg Hall : la salle à manger
|
La visite des grandes pièces destinées aux maîtres est plus traditionnelle quoique fort agréable elle aussi : meubles de qualité, tableaux de choix, ensembles de bon goût et surtout vivants, comme dans les autres country houses du National Trust visitées jusqu'à maintenant. Au grand salon succèdent le boudoir, la salle à manger, le bureau-bibliothèque et le salon de musique avec piano, orgue, précieuses boites à musique et gramophone d'Edison... |
A l'étage, la nursery est pleine de jouets anciens, dont un petit train fabriqué en 1905 par le menuisier du domaine pour les 5 ans d'un fils du maître. |
Erdigg Hall :
la nursery
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La douche antique dans
la salle de bain d'Erdigg
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Nous relevons l'apparence bizarre d'une douche ancienne, mais c'est surtout la magnifique chambre à coucher d'apparat qui nous séduit. Derrière des commodes et un chiffonnier de laque incrustée elle est tendue d'un délicat papier peint chinois et garnie de soieries blanches brochées d'or. Effet superbe, d'une richesse un peu inattendue dans cet environnement rustique. |
Le petit tour dans les formal gardens donne une autre image, à la fois sobre et élégante, de la propriété. A la longue façade de brique rouge terra cotta cantonnée de pierres blanches semblent répondre les gazons rythmés par des massifs colorés de forme géométrique et les rangées d'arbre en boites ou plantés bien en ligne, le tout en une harmonieuse symétrie. Au bout du jardin, une pièce d'eau agrandit l'espace en intégrant le reflet du ciel. | Façade d'Erdigg Hall donnant sur le formal garden |
Fête de mai sur les
pelouses d'Erdigg Hall
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Celui-ci est pourtant bien gris et ne tarde guère à se résoudre en pluie. Il ne reste plus qu'à rentrer choisir quelques cartes postales-souvenirs dans la boutique. J'y demande aussi l'une des délicieuses miches de pain home made préparées par la plantureuse boulangère à l'oeuvre devant nous et devant ses fours tout à l'heure. Elles doivent être fort appréciées car elles sont déjà toutes vendues. |
C'est un agréable village ancien campé au dessus de son pont de pierre du XVème. Depuis son tablier à redans triangulaires surmontant chaque pile s'offre une jolie vue sur la rivière. |
Locomotive ancienne du Llangollen Railway |
Je suis encore plus attiré par la vieille locomotive à vapeur datant de 1927 et manoeuvrée par des amateurs fanatiques dans la gare toute proche. Elle fume, crache, halète, fait le plein d'eau, avance, recule pour finalement s'accrocher à quelques wagons remplis de touristes ravis et partir en balade le long de la vallée. |
Après ce passionnant spectacle qui aurait sûrement emballé aussi Denis, il ne me reste plus qu'à faire une plaisante petite marche sur la berge de la rivière. Son cours agité franchit quelques rapides à travers de grandes plaques de roche noire affleurantes en amont desquelles barbotent une flopée de canards. Vue pittoresque puis retour à l'Aigle où Monique a piqué un petit somme. | Llangollen |
Les restes de quelques hauts murs de pierre parlent éloquemment de l'austère simplicité cistercienne déjà admirée à Sylvacane en Haute Provence, mais les tentes et caravanes du camping qui entourent le petit enclos enlèvent beaucoup de son charme au site... | Valle Crucis : le
chœur de l'Abbatiale
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Valle Crucis : amorce d'escalier dans la nef |
Salle capitulaire de Valle Crucis |
Une autre nuit rurale des plus paisibles... Le soleil qui s'infiltre par les côtés des stores illumine notre petite chambre et nous réveille. A 8:15 nous sommes debout pour admirer l'étendue sauvage du lac et ses forêts environnantes que les sapins rendent denses et sombres. |
Le barrage et le plan
d'eau de Brenig Reservoir au matin
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Les vertes et douces
collines du Pays de Galles au matin
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Puis nous empruntons une toute petite route (la B 5113) longeant les hauts de la vallée de la Conwy River. Partout les près, séparés par des murets de pierres sèches, sont piquetés de centaines de moutons. Les pentes, assez accusées, plongent vers le fond de la vallée tandis que les premiers contreforts de Snowdonia se relèvent à l'arrière, vivement éclairés par les rayons perçant derrière le couvert nuageux. Les bleus et les verts dominent, parfois un peu éteints lorsque passe une nuage plus épais. C'est splendide. |
Les pentes, assez accusées, plongent vers le fond de la vallée tandis que les premiers contreforts de Snowdonia se relèvent à l'arrière, vivement éclairés par les rayons perçant derrière le couvert nuageux. Les bleus et les verts dominent, parfois un peu éteints lorsque passe une nuage plus épais. C'est splendide. |
Vallée de la Conwy :
les pâturages sur fond de Snowdonia le long de la
petite B 5113
|
En avançant vers le nord, c'est la mer qui marque la ligne d'horizon derrière l'estuaire de la rivière encadré de falaises assez hautes. A leur pied, côté est, se trouve la petite station de Colwyn Bay où nous descendons faire quelques courses.
Le pier, la plage et
sa promenade de Llandudno aux bancs occupés par
l'Age d'or...
|
Ambiance surannée, "quétaine" dirait Juliette : les vitrines sont vieillottes, sans grande élégance ni charme, les maisons un peu toutes semblables dans leur décor 1930-1950. Llandudno quelques kilomètres plus loin accuse encore l'impression "d'avant-guerre" : les grands hôtels barbouillés de blanc s'alignent derrière la digue-promenade où des centaines de têtes grises ou blanches passent le temps, assises sur les bancs. Quelques-uns déambulent au bras d'un(-e) plus vaillant(-e) ou appuyés sur une canne... Une autre station "âge d'or" ! |
Nous ne nous attardons guère, d'autant plus que l'étroite plage de galets semble fort inhospitalière, quand elle n'a pas tout simplement disparu sous les gros enrochements protégeant la digue... Nous déjeunons près d'une minuscule chapelle dédiée à St Trillo (VIème siècle) puis, après un coup d’œil intrigué et amusé au pier (jetée) où semble s'être rassemblée toute la jeunesse de la ville, nous parcourons la route à péage faisant le tour de Great Ormes Head. Belles vues sur la côte rocheuse alentours que les hauteurs de Snowdonia prolongent vers l'intérieur. Le panorama étendu n'efface pas cependant dans notre mémoire le souvenir de la Route des Crêtes et du Cap Canaille au dessus de Cassis...
Nous traversons ensuite le large estuaire ensablé de la Conwy River pour arriver au pied de l'imposant château médiéval de Conwy, datant du XIIIème. | En vue de la
forteresse de Conwy
|
C'est une puissante forteresse qui faisait partie du réseau de points d'ancrage créé par le roi Édouard 1er d'Angleterre pour s'assurer le contrôle du Pays de Galles tout juste annexé. La majeure partie de sa structure a été conservée; elle adopte la forme d'un huit, avec une cour dite extérieure donnant côté ville, et une cour intérieure d'accès plus protégé, à laquelle on parvenait par voie d'eau. Les grosses tours ont perdu leurs étages intérieurs. |
Aussi, lorsqu'on fait le tour du rempart en suivant le chemin de ronde, le regard plonge sur les fenêtres, cheminées et autres aménagements que contenaient les bâtiments. Dans les deux grandes cours centrales demeurent les ruines et les structures des différentes salles où vivait la garnison : salle des gardes, Grand hall, grenier à blé, Salon du Roi et salle d'audience. La petite chapelle royale installée dans une tour au dessus de l'eau a été en partie restaurée et l'on peut se promener dans le jardin suspendu de la Reine qui couronne la barbacane sud. |
La grande
cour extérieure de Conwy Castle (1287) en arrière
la vieille ville ceinte de ses remparts
|
Le château
médiéval (1257) construit par Édouard 1er
d'Angleterre, et le pont "revival" de Thomas
Telford (1826)
|
De son parapet garni de créneaux, très belle vue sur les deux fameux ponts, le suspendu construit par Telford en 1826, le ferroviaire dessiné par Stephenson en 1848. Parallèles, ils franchissent la rivière au pied du château. Leur décor du medieval revival tente de s'accorder, plus ou moins heureusement, avec les vieux murs authentiques qui les surmontent. |
La qualité et la conservation du monument, la clarté et le design du document en français remis à l'entrée, le parcours complet du chemin de ronde, des cours et des tours font de cette visite un plaisir total. Mais nous finissons par être fatigués, il est presque 18:00 et le souper commence à se faire désirer...
Nous regagnons donc notre Aigle sur son stationnement en dehors des murailles. Après le plein d'essence, nous prenons la route remontant la vallée pour franchir la rivière une dizaine de kilomètres plus loin à Tal-y-Cafn. Le plafond nuageux a de nouveau envahi le ciel et il pleut dans la soirée lorsque nous nous arrêtons devant l'école du village d'Eglwysbach, à deux pas de Bodnant Garden que nous comptons visiter demain.
Mardi 26 juillet 1994 : de BODNANT GARDEN à PRENTEG (PORTHMADOG) (83 km)
La grande bordure du jardin est près de l'entrée de Bodnant Garden |
Le green et la serre
près du manoir de Bodnant
|
En arrière, la noble demeure dresse ses pignons et ses façades garnies de fenêtres à panneaux de vitraux. Et surtout une ravissante - et très vaste - serre victorienne accotée et communiquant avec le manoir rappelle à Monique ses projets de maison en Normandie... |
C'est déjà le début du charme qui opère: il serait en effet trop long de détailler toutes les séductions de ce magnifique, ou plutôt de ces magnifiques jardins qui se succèdent et s'imbriquent, profitant du relief important de la propriété. Nous suivons la balade proposée dans l'opuscule du National Trust. Elle nous conduit en contrebas de la maison, sur une suite de terrasses qui donnent sur la vallée de la Conwy. |
Bodnant Garden :
Jean-Paul filme les hortensia sur la terrasse du
lily pond
|
Bodnant Garden : La terrasse des roses, puis le lily pond (bassin aux nymphéas), au fond la trouée sur la rivière Conwy et les contreforts de Snowdonia |
On aperçoit un peu son cours à travers une trouée des grands arbres du parc dont beaucoup sont bicentenaires. Au fond, de l'autre côté du fleuve, se devinent les coteaux de Snowdonia dont les cimes se perdent dans les nuages assez bas aujourd'hui. De superbes bordures colorées encadrent la terrasse de croquet au gazon impeccable. |
On passe ensuite au lily pond ou étang des nénuphars : dans un grand bassin circulaire s'épanouissent des nymphéas de toutes les couleurs. Une incursion latérale nous mène sous des grands arbres puis dans un délicieux jardinet chinois aux troncs lisses et tourmentés. |
Le château de Bodnant
se reflétant dans le bassin aux nymphéas
|
Bodnant Garden : le grand bassin aux nymphéas sous le grand cèdre |
Bodnant Garden :
Jean-Paul sur la grande pelouse au pied du cèdre
On atteint enfin la Terrasse du Canal, très théâtrale. Dans le long rectangle d'eau qui la traverse d'un bout à l'autre se reflète la jolie façade de Pin Mill (le Moulin à Aiguilles), donnant à l'ensemble une allure rappelant un peu les jardins du Generalife à Grenade.
Bodnant Garden : Pine Mill sous Rose Terrace |
Bodnant Garden : Pine Mill |
Bodnant Garden : le torrent aux rives herbues coulant au fond de la Combe |
Puis le sentier descend brusquement sous le boisé, vers le cours d'une petite rivière coulant tout en bas d'un vallon profond. |
Les pentes de cette "Combe" ont été paysagés en une vaste rocaille ombragée par de grands arbres. | Bodnant Garden : le Pond au fond de la Combe (The Dell) |
Bodnant Garden : dans la Combe, le vieux pont de pierre |
Un
torrent dégringole vivement la pente, à demi caché par
des fougères et d'autres plantes d'ombre et d'humidité.
Le chemin suit pendant un moment le cours de la rivière
dont le versant opposé est abrité par de magnifiques
pins Douglas et des séquoias de plus de 30 mètres de
hauteur. En dessous s'épanouissent toute un collection
d,azalées aux couleurs vives et variées. |
Dans la Combe le sentier
descendant sous les pins Douglas...
|
Un vieux moulin, plus loin une chute d'eau, agrémentent ce fond de vallée où des hydrangeas jettent des taches bleues dans le sous-bois. | Bodnant Garden : barrage au fond de la Combe |
Une rude montée ramène ensuite dans le parc en longeant le lit d'un autre torrent et en passant sous de fort beaux arbustes. |
Bodnant Garden
: rhododendrons dans l'allée au fond de la Combe
|
Bodnant Garden :
le Round Garden en bordure du green
On finit ainsi par retrouver la grande pelouse devant la maison. |
Retour au grand green près du manoir de Bodnant |
Bodnant Garden : l'Arche des Cytises |
La visite se termine par l'extraordinaire Arche des Cytises (Laburnum Arch). Elle est malheureusement défleurie mais les photos prises en mai et début juin nous donnent une bonne idée de ce tunnel d'or... |
Il est 14:30, nous avons bien marché nos cinq kilomètres en parcourant en tous sens cet extraordinaire jardin. Nous n'aurons finalement pas ouvert notre parapluie malgré le temps menaçant, mais il aura fallu souvent attendre le soleil pour prendre photos ou vidéos sous l'éclairage mettant le plus en valeur les couleurs des plantes.
Les jambes un peu lourdes et l'estomac dans les talons, nous retrouvons notre Aigle, son frigo et ses réserves pour un lunch bienvenu. Puis nous nous enfonçons dans Snowdonia en continuant la remontée de la Conwy. La route longe une large vallée verdoyante bordée de montagnes spectaculaires jusqu'au village très touristique de Betws-y-Coed. La foule se presse dans ses parcs et sur ses trottoirs, et l'on ne trouve pas vraiment de centre. J'ai donc un peu de difficulté à repérer le vieux pont et les Swallows Falls qui sont ici l'attraction. Monique, fatiguée par sa promenade à Bodnant et un peu saturée de curiosités, me laisse faire seul les deux petites balades : le vieux pont de pierre lance ses arches rondes juste après un rapide pittoresque assiégé par des photographes... La puissance et le rugissement de la chute me semblent beaucoup plus impressionnants. | Betws-Y-Coed, les Swallow Falls de la rivière Llugwy |
Dans le soir qui
descend, la grosse tour du château natal de
Llelewyn, Dolwyddelan
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Sur une pente en face de nous se dresse soudain la grosse tour carrée du château de Dolwyddelan où naquit Llelewyn, le dernier prince de Galles authentiquement gallois. Avec les nuages qui s'épaississent et le soir qui descend, il fait de plus en plus sombre. |
De l'autre côté du col péniblement escaladé, la route dévale entre deux éboulis d'ardoise tandis que la montagne devant nous est éventrée par la plus grande mine d'ardoise du monde, la carrière de Gloddfa Ganol. Site sinistre, comme la petite ville de Blaenau Ffestiniog à ses pieds. Tout semble gris : le ciel, les murs, les toits, les maisons des mineurs en longues rangées uniformes... Quelques courses au supermarché local, plein d'eau sur les superbes toilettes publiques (construites avec l'aide du Fond européen de développement régional, nous apprend un grand panneau à côté...). Nous poursuivons notre itinéraire très rural vers le sud.
Il coupe la ligne du Ffestiniog Railway sur laquelle j'ai la chance de voir une superbe mini-loco à vapeur manœuvrer sur sa voie étroite. Un peu plus loin on aperçoit la ligne bleuâtre de la baie de Tremadoc dans le crépuscule. |
À Tan-Y-Bwich près de
Blaenau-Ffestiniog, la loco « Blanche »
Mais nous cherchons surtout un point
de chute. Ce n'est vraiment pas évident ni le long de cette
route étroite ni dans les rares hameaux étriqués et pentus que
nous rencontrons. Après plusieurs tentatives infructueuses,
nous finissons par stationner un peu à l'écart de la grande
route, sur une rue de maisons en rangée à Prenteg. Il est
20:30 et la nuit est presque complètement tombée...
Ciel encore très gris au lever... à tel point que nous renonçons à l'excursion vers le Mont Snowdon, craignant de nous retrouver très vite dans les nuages. Nous ferons plutôt le tour de la péninsule de Lleyn, les paysages de bord de mer risquant moins de souffrir du temps brumeux. Premier arrêt à Porthmadog pour faire le plein d'essence et quelques courses dans une pharmacie. La petite ville, complètement envahie par une foule de touristes, ne nous impressionne guère. En revanche la vue sur la mer et sur les montagnes de Snowdonia parcourues hier ne manque pas d'attrait.
Quelques kilomètres de route à travers le marais nous font atteindre Criccieth, une longue plage que dominent les ruines du château de Llywelyn-le-Grand perchées sur une butte. Le coup d'oeil est joli, mais les restes nous semblent trop délabrés pour mériter la visite. |
Criccieth : le château de
Llywelyn-le-Grand
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En avançant vers l'ouest, le ciel devient progressivement plus bleu, la mer prend doucement une teinte émeraude qui vient prolonger le vert vif des prairies. Traversée un peu difficile de Pwllheli engorgé par son marché rural. La route continue de longer la côte peu accidentée. A Abersoch nous nous laissons tenter par la vue de la plage sous un ciel maintenant tout ensoleillé.
Difficile de stationner près du pittoresque petit port de pêche, mais nous finissons par nous caser de travers entre deux petites voitures. Monique enfile son maillot de bain, moi un short et nous gagnons la minuscule plage près des barques des pêcheurs. Si le spectacle des enfants taquinant la friture depuis la jetée ou celui des familles prenant le grand air nous amuse un moment, en revanche le vent froid ne tarde pas à nous faire battre en retraite. Nous compléterons notre bronzage par un temps plus clément !
Un détour vers l'extrémité de la presqu'île du cap Trwyn Cilan nous entraîne sur des chemins non balisés qui s'achèvent en impasse aboutissant au milieu des champs. Mais quelle vue superbe sur le grand panorama marin ! Nous rattrapons la route principale (on n'ose pas dire la grande route...) au dessus de la Hell's Mouth (Bouche de l'Enfer), ainsi nommée à cause du danger causé par les récifs pavant cette baie d'aspect pourtant sympathique. | Dans la presqu'île de Rhiw, la baie de Hell's Mouth et les moutons... |
Elle se déploie, magnifique, lorsque nous la contemplons depuis le jardin touffu de Plas-yn-Rhiw. Ce ravissant manoir a été confié au National Trust par les trois sœurs qui l'avaient adopté et restauré durant leur retraite au début du siècle. |
Halte agréable, mais elle nous laisse avec une envie de plage que le coquet village d'Aberdaron ne comblera pas non plus : certes ses vieilles maisons noires et blanches groupées autour de l'ancien pont de pierre sont bien jolies en arrière de son immense plage. Cependant le site est si couru qu'il nous est impossible de trouver un stationnement pour notre Aigle pourtant peu encombrant.
Heureusement une bénévole du Trust de garde à Plas-yn-Rhiw nous a recommandé une acquisition récente du Trust, la plage de Porthor ou Whistling Sands. Nous l'atteignons après quelques détours sur des routes minuscules. Là encore beaucoup de monde sur le parking, mais le site est vraiment superbe, sans aucun aménagement ou équipement susceptibles de déflorer son aspect sauvage. |
Whistling Sands : l'ouverture de la baie de Porthor |
Whistling Sands : la plage |
Courbe régulière de sable enchâssée dans des rochers sombres, sertie dans un arrière-pays de vertes prairies avec, en toile de fond, les contours des montagnes de Snowdonia. Nous passons une heure à prendre le soleil puis à grimper sur les rochers avant de repartir |
La côte est ici plus accidentée que dans le sud, et la route offre régulièrement de beaux points de vue, même si son étroitesse et ses sinuosités nous ralentissent beaucoup.
Enfin vers 18:30 nous arrivons à Llandwrog.
Sur la carte, une petite route en impasse le long de la plage
m'avait semblé idéale pour le bivouac de cette nuit, mais elle
est en cours de développement domiciliaire et jalonnée de
pancartes "No overnight parking". Nous profitons quand même un
moment de la vue sur les montagnes resplendissantes dans la
lumière dorée du soleil descendant. Un peu déçus, nous
poursuivons vers Caernarfon que nous traversons rapidement,
comptant y revenir demain pour visiter son fameux château.
Nous franchissons le détroit de Menai sur le pont Britannia dont les tabliers routiers et ferroviaires se superposent sur deux énormes piliers de pierre.
Un peu plus loin on aperçoit le Menai Bridge, un beau pont suspendu construit dès 1826 par Telford au dessus du bras de mer. Le soleil couchant éclaire somptueusement sa délicate structure sur fond de Snowdonia illuminée... | Menai Bridge dessiné par Thomas Telford en 1826 |
Penmon Priory et son dovecote (pigeonnier) sur l'Ile d'Anglesey |
Nous retournons voir plus en détail le prieuré de Penmon : le plus étonnant est un pigeonnier tout en pierre, toiture comprise, déjà remarqué hier soir. Il reste aussi un bâtiment croulant qui fut autrefois cellier, cuisine, réfectoire et dortoir des religieux retirés ici au XIIème siècle. Je pénètre ensuite dans la petite église, de structure romane très ancienne. Seule la nef est encore utilisée comme église paroissiale. Les transepts présentent un riche décor roman d'arcs intégrés à la maçonnerie et sculptés de zébrures archaïques, tandis que l'ancien choeur, très vaste car destiné aux moines, expose de vieilles pierres gravées dont une belle croix celtique. |
Edward 1er |
Les tours de la
forteresse édifiée en 1280 par Édouard 1er sont
plutôt basses.
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Beaumaris
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De plus le parapet a perdu ses créneaux et ses mâchicoulis, ce qui enlève encore de l'élévation au monument. Mais le plan est ici parfaitement circulaire, avec une grande cour centrale tapissée d'un gazon impeccable et une deuxième enceinte extérieure en partie cernée d'un fossé rempli d'eau comme autrefois. La visite est donc très intéressante et complète mes notions d'architecture militaire médiévale déjà acquises à Conwy. | La porterie extérieure de Beaumaris se reflétant dans ses douves |
La forteresse de
Beaumaris au bord du Menai Strait
Nous
déjeunons devant le port de yachts à l'entrée de la petite
ville : le détroit déploie son magnifique panorama, le
soleil brille dans un ciel serein...
Nous longeons ensuite le Menai Strait vers l'ouest, contemplons à nouveau les deux grands ponts qui le franchissent et filons jusqu'à Plas Newydd, le vaste domaine acquis et développé par le premier marquis d'Anglesey au début du XIXème. | Plass Newydd : Henry, 1er Marquis d'Anglesey (1768-1864) |
Le
parc, établi sur la rive nord du détroit de Menai,
propose une belle promenade sous ses grands arbres
disséminés dans un green immense. |
Plass Newydd au milieu de son parc au bord du Menai Strait |
Depuis la terrasse de Plass Newydd, Snowdonia et le Détroit de Menai |
Le large plan d'eau du détroit et les montagnes de Snowdonia forment une toile de fond splendide à la propriété. |
Le jardin "formel", composé de deux petites terrasses fleuries à l'est de la grande maison, nous plaît beaucoup. | Le jardin et la
terrasse de Plass Newydd
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Plass Newydd : le salon octogonal |
En revanche les décors XIXème et le mobilier un peu disparate des pièces d'apparat ne nous emballent guère.. |
Chambre de Lady Anglesey à Plass Newydd |
Plass Newydd : la chambre de Lord Anglesey |
Seule la salle à manger dont tout un mur est occupé par une grande fresque en trompe-l’œil de Rex Whistler retient vraiment notre attention et justifie l'envoi d'une carte postale à Christian. | Plass Newydd : détail de la murale de la salle-à-manger peinte par Rex Whistler; la figure du jardinier est un autoportrait |
Il est 17:00 lorsque nous quittons cette autre country house gérée par le National Trust. Nous prenons alors la direction de Caernarfon en longeant le détroit, d'abord d'ouest en est jusqu'au grand Menai Bridge, puis d'est en ouest jusqu'à la ville. |
Mais ici chacune des tours polygonales est couronnée de ses créneaux, et surtout de ses tourelles, la pierre est claire et le tout a été remarquablement restauré depuis un siècle. Lorsque je parcours escaliers à vis, chemins de ronde et plate-forme des tours, l'impression d'ensemble est grandiose : tout est si vaste, si "fonctionnel", comme si le château était prêt à soutenir un siège demain matin... Ce sont les cloches des gardiens annonçant la fermeture qui m'obligent à abandonner un peu à regrets ces lieux magnifiques... |
La grande cour de Caernarfon |
Les murs imposants du château de Caernarfon au dessus du petit port |
La masse et la puissance du château sont tout aussi imposantes lorsque j'en contourne ensuite les hauts murs. Dominé par l'énorme structure de pierre, le quai du petit port de pêche et de plaisance aménagé sur l'estuaire de la rivière offre un tableau particuliè-rement spectaculaire et séduisant. |
Monique
m'attend dans l'Aigle où elle se repose un peu; nous
décidons de nous rapprocher de Llanberis au pied du Snowdon
pour préciser nos projets de demain. En quittant Caernarfon
j'arrête quelques minutes à Segontium, sur les vestiges du
camp romain dont quelques rangées de pierres sont dispersées
dans le gazon d'un parc. Comme le petit musée est maintenant
fermé, nous n'en saurons guère plus sur ces occupants fameux
qui demeurèrent ici pendant plus de trois siècles. Belle
route s'engageant dans la montagne et se hissant
graduellement jusqu'au lac Padarn. A la gare - fermée
- du mini-train à vapeur escaladant le point culminant du
Pays de Galles, nous prenons les renseignements puis allons
bivouaquer à deux pas, sur le stationnement de la tour de
Dolbadarn dorée par les derniers rayons du soleil.
Vendredi 29 juillet 1994 : de LLANBERIS à HARLECH (59 km)
Tôt levés, nous sommes à 8:00 devant la petite gare où la file d'attente est déjà longue. Nous réussissons quand même à obtenir des billets pour le premier voyage. |
Notre petit train arrive en haut du Mont Snowdon |
A 8:30, le train miniature commence son escalade des pentes du Mont Snowdon: elles sont raides et la machine (mue au diesel et non à la vapeur comme espéré) tourne à plein régime derrière l'unique wagon de bois qu'elle propulse. N'ont pu y prendre place que les 59 passagers réglementaires; étant les derniers à embarquer, nous avons la chance d'être placés dans la petite cabine du surveillant, tout à l'avant du train. |
Nous jouissons donc d'une position idéale pour observer le paysage de parois rocheuses gris sombre, de petits lacs ronds et de longues pentes vertes saupoudrées de moutons. | Mont Snowdon : Pass of Llanberis et Glyder Fach (3 279 pieds) |
Mont Snowdon : la gare du petit train et le sommet dans le nuage |
La vue se déploie au fur et à mesure de notre montée qui durera en tout près d'une heure. Mais plus nous approchons du sommet, plus le couvert nuageux masque les détails autour de nous. |
Lorsque nous descendons du train pour escalader les 50 derniers mètres jusqu'au cairn marquant le point culminant du Pays de Galles, nous sommes carrément dans le nuage... C'est seulement un peu plus tard, lorsque nous entamons notre descente à pied par le large sentier, que le vaste paysage retrouve ses traits distinctifs et admirables. | Jean-Paul sur la crête tout en haut du Mont Snowdon |
Le petit train redescend du Mont Snowdon; en arrière Moel Eilio |
En plus d'un grand nombre de lacs nichés au creux des pentes pleines d'éboulis à-pic, on aperçoit au nord la plaine littorale, le détroit de Menai et, au delà, les plates étendues de l'Ile d'Anglesey. |
Un peu plus bas, nous longeons un moment la Llanberis Pass (Pen y Pass en gallois), sombre vallée aux pentes violacées par la bruyère, rocheuse et encaissée, qu'une route très sinueuse et fréquentée parcourt tout au long. | Depuis Nant Peris, Llyn Peris et Llanberis |
Mont Snowdon : enfin une vraie loco à vapeur qui halète et qui fume ! |
Toutes les 30 minutes environ passe sur la voie à crémaillère à deux pas de notre sentier un nouveau convoi vers le sommet. Il croise son prédécesseur descendant devant 3 petites "gares" où la voie étroite et unique se dédouble de la longueur de la locomotive et de son wagon. Cette fois j'ai le plaisir de voir la vapeur, d'entendre le teuf-teuf et aussi de humer la fumée âcre de cet ancêtre fascinant. Une escarbille de charbon ardent vient même trouer mon coupe-vent en retombant... |
A mi-parcours, la pente s'adoucit un peu, heureusement car l'effort est dur pour des ronds-de-cuir sans entraînement comme nous ! Notre promenade de huit kilomètres s'achève vers 12:30 lorsque nous retrouvons, les jambes lourdes et les chevilles douloureuses, notre Aigle stationné devant la gare.
Pour clore cet itinéraire en Snowdonia, il ne manque plus que le franchissement spectaculaire du Llanberis Pass. Depuis le col, la vue en enfilade vers le nord est encore plus extraordinaire que ce qu'annonçait l'aperçu de tout à l'heure. |
Dans Snowdonia,
Bedgelert et Moel Siabod
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Plas Gwynant et Llyn
Gwynant
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De l'autre côté, au sud de Pen y Pass, la vallée est plus large mais tout aussi belle avec son lac de Llyn Gwynant devant lequel nous piqueniquons. |
Dès la sortie du village, nous retrouvons une vue absolument superbe sur l'estuaire marécageux de la rivière Glaslyn, dominé en arrière par les montagnes dorées. | Portmeirion, village d'opérette sur la baie de Tremadog |
Portmeirion, village d'opérette sur la baie de Tremadog |
Quelques kilomètres plus loin, c'est Portmeirion dont je ne veux pas rater le décor italianisant vanté par Johanne et Jean-François. Les couleurs vives des façades et la fantaisie de l'architecture disséminée dans un luxuriant cadre de verdure et de fleurs amusent l'oeil et réjouissent l'imagination. |
Mais tout cela sent trop le décor de théâtre (ou de cinéma puisqu'il semble que l'on ait tourné plusieurs séries télévisées ici) pour vraiment séduire durablement. Trop de toc, et trop de jolies pièces disparates, un peu comme au World Show de Disney World en Floride... | Portmeirion, village d'opérette sur la baie de Tremadog |
Nous poursuivons vers le sud l'agréable
route de campagne longeant la baie de Caernarfon. Après
quelques kilomètres apparaissent les grosses tours rondes
d'Harlech campées sur un éperon rocheux dominant la mer.
Mais il est 18:05 lorsque nous arrêtons devant la guérite
d'accueil et il est déjà trop tard pour pénétrer à
l'intérieur du château-fort. Petit tour extérieur, lecture
du guide de visite acheté in extremis... Puis nous
descendons trouver un bivouac au pied du château devant la
piscine municipale; l'environnement étriqué et la rumeur de
la grande route voisine nous amènent à pousser un peu plus
loin jusqu'à la plage. Plaisante balade sur le sable immense
découvert par la marée, superbe coucher de soleil avant de
s'installer finalement derrière la dune, sur le
stationnement paisible et désert, pour passer la nuit.