VOYAGE EN SUISSE, BAVIÈRE ET AUTRICHE

Juillet-août 1992




Monique, Jean-Paul et Juliette MOUREZ à bord de l'Aigle

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1. En Suisse


Dimanche 5 juillet 1992 : de LYON à SAINT-PREX (Suisse)

Monique recoud les rideaux de l'Aigle Monique recoud les rideaux de l'Aigle

Il est presque 10:00 lorsque je tourne la clef dans le contact de notre Aigle stationné depuis 10 jours devant la maison de Sainte-Foy. Les réparations et améliorations projetées sont loin d'être complétées car nous avons dû consacrer pas mal de temps à des démarches interminables auprès de l'assurance, du garage, de l'expert et de notre vendeur à Nantes suite à nos déboires avec les soupapes qu'il a fallu changer... Le frigo a cependant été dépanné, des ententes ont été prises pour les autres réparations sous garantie et nous avons achevé d'installer le nouvel éclairage intérieur. Quant à tous les autres perfectionnements ou retouches envisagés, on y verra en cours de voyage ou plus tard.

Il est maintenant grand temps de partir si nous voulons réaliser notre ambitieux projet de cette année : traverser la Suisse du nord, suivre la Route Allemande des Alpes en faisant un détour vers Munich, aller de Salzbourg à Vienne par l'intérieur de l'Autriche, remonter le Danube jusqu'à Passau puis parcourir la Forêt Bavaroise jusqu'à Bayreuth, visiter Bamberg et Nuremberg, rallier Rothenburg sur la Route Romantique jusqu'à Augsbourg et Ulm, descendre à travers le Jura Souabe jusqu'à Fribourg en Brisgau, suivre les routes de la Forêt Noire vers Baden Baden puis Heidelberg, gagner Mayence et descendre la vallée du Rhin jusqu'à Coblence, remonter enfin la Moselle pour rattraper la France via le Luxembourg.

Notre
              grand tour de l'Allemagne du Sud
Notre grand tour en Allemagne du Sud

Voilà une balade qui devrait nous donner une bonne idée de la Bavière et de l'Allemagne du sud dans son ensemble ! Puisque nous prévoyons rejoindre Maman chez son frère Édouard à Luxeuil aux alentours du 10 août, il nous reste un peu plus d'un mois pour parcourir en nomades les 4 500 kilomètres prévus.

Mathieu
Mathieu

Passant par Annecy pour gagner la Suisse puis l'Allemagne, nous avons embarqué l'excédent de bagages de Jehanne qui emmènera Mathieu (16 ans) et Stéphane (son correspondant américain) ce soir ou demain à Saint-Jorioz. Pots de géraniums et effets divers viennent combler les derniers espaces libres à bord de notre petit camion déjà lourdement chargé.

De son côté Juliette (13 ans) nous accompagnera dans ce périple qui lui fera découvrir d'autres aspects de la Vieille Europe.


Juliette


Nous prenons la route vers l'est en évitant l'autoroute chère et éventuellement coupée par des barrages de routiers insurgés contre le nouveau permis à points... Environnés d'effluves d'essence fort désagréables dont je n'ai pu déceler l'origine ni colmater la fuite avant notre départ, nous arrivons au chalet sur le bord du lac vers 14:00. Si la mécanique tourne bien (heureusement, après les coûteuses réparations effectuées en janvier dernier !), le temps en revanche est plutôt moche, les averses se succédant sous un ciel gris et bas.
La rade de Genève et le Mont Blanc
Port de Genève et son jet d'eau

Monument Brunswick sur le quai de Genève
Monument Brunswick sur le quai de Genève

Genève : Juliette et Jean-Paul devant le grand
                  jet d'eau
Genève : Juliette et Jean-Paul devant le grand jet d'eau Quai du Mt-Blanc
Après déchargement des colis de Jehanne, nous repartons en direction de Genève. Nous nous perdons un peu dans les échangeurs à la sortie d'Annecy, gagnons le pont de la Caille lancé sur l'abîme impressionnant et passons enfin la frontière suisse à Saint-Julien. Stationnant devant le Jardin Anglais au bord du lac, près du Pont du Mont-Blanc, nous faisons un tour sur le quai très animé en ce dimanche après-midi maintenant assez ensoleillé.

Le grand jet d'eau de 145 mètres de haut étonne par la violence de son jaillissement, les anciens vapeurs à aubes quittent le quai en direction des différents ports du Léman, près des parterres fleuris et, sous les ombrages plaisants des grands arbres, un quatuor de jeunes musiciens joue des concertos de Vivaldi...

Genève : Parc Mon Repos
Genève : Parc Mon Repos
Nous reprenons la route longeant le rivage et passant derrière les opulents parcs de la "Villa Barton" et de "Mon Repos".

Le paysage de campagne déroule ses ondulations pleines de douceur au pied des contreforts du Jura; vignobles et cultures maraîchères se succèdent sur les pentes descendant mollement jusqu'au bord du lac. Nous nous rendons ainsi jusqu'à Nyon où, sous une pluie légère, nous grimpons à travers le jardin fleuri sous les remparts et faisons un tour dans les ruelles médiévales; nous tombons sous le charme de l'architecture soigneusement restaurée et des petites places enjolivées de fontaines fleuries. Depuis la promenade des Vieilles Murailles, la vue s'étend largement sur le Léman jusqu'au jet d'eau de Genève dont on aperçoit la gerbe jaillissante dans le lointain.
Nyon
                  et son temple romain au dessus du lac
Nyon et son temple romain au dessus du lac

Suivant la route baguenaudant dans la campagne, nous atteignons le village de Saint-Prex en fin d'après-midi. Il y a là au bord de l'eau un petit port tranquille; nous nous installons pour la nuit sur son stationnement désert, à deux pas de la station d'épuration de la commune.

Lundi 6 juillet 1992 : de SAINT-PREX à CORTAILLOD
Il pleut par intermittence, néanmoins la nuit est fort calme; aussi reprenons-nous notre chemin tout-à-fait reposés. Cependant l'odeur d'essence nous paraît de plus en plus insupportable; nous retournons donc jusque vers Allaman chez un concessionnaire V.A.G. aperçu hier soir. Il nous confirme le mauvais état de la goulotte de remplissage de carburant mais, ne disposant pas des pièces de rechange, nous conseille d'aller les acheter à Lausanne chez le distributeur régional. Suivant toujours la rive du lac, nous gagnons la grande ville où nous trouvons facilement l'énorme garage. Les pièces (goulotte de caoutchouc et durit) sont effectivement disponibles, quoiqu'à un prix faramineux (plus de 50 $ !); à contrecœur nous en faisons l'emplette et les rangeons dans la soute en remettant leur pose à plus tard.

Avec toutes ces démarches, il est déjà midi. Nous allons alors stationner près du Palais de Justice dont l'esplanade fleurie domine l'étendue déserte du lac, avant d'entreprendre de monter à pied jusqu'à la cathédrale. Zigzaguant dans des rues très animées bordées de chic boutiques, nous gagnons d'abord la place du Palud. Sur sa charmante fontaine de la Justice veille une effigie traditionnelle aux yeux bandés qui porte l'élégant costume polychrome du XVIème. En face, un imposant Rathaus (Hôtel de Ville) ferme la place; j'admire sa tour carrée et les magnifiques gargouilles de fer forgé et doré qui en décorent la toiture.

Puis nous empruntons les anciens escaliers couverts pour atteindre la cathédrale. Le Guide Vert la qualifie de "plus beau monument gothique de la Suisse". C'est effectivement une très belle église mais plutôt romane, et l'orgue qu'on y entend répéter sonne merveilleusement dans la grande nef nue. On aperçoit même quelques jolies fresques originales (1507) sur la voûte du narthex. En revanche le fameux portail des Apôtres (au sud) est en réfection, et l'on distingue avec peine quelques unes de ses superbes statues polychromes du XIIIe.

D'autres petites rues pavées ornées d'élégants hôtels particuliers passent au pied du château massif et nous ramènent à notre Aigle. Tournant le dos aux rives du Léman, nous gagnons maintenant, à travers les terres légèrement ondulées, celles du lac de Neuchâtel. A Yverdon, sous la pluie qui a repris, nous faisons le tour de l'imposant château du XIIIe sans poser le pied sur les pavés mouillés, puis poursuivons le parcours de la rive du lac toute couverte de cultures et de vignobles.
Nous nous arrêtons enfin près du village viticole de Cortaillod où nous trouvons un point de chute tranquille un peu à l'écart de l'agglomération, sur le stationnement d'un atelier d'usinage de pièces mécaniques.

Mardi 7 juillet 1992 : de CORTAILLOD à WEISSENSTEIN (près de SOLOTHURN)

La pluie qui n'a pas cessé de la nuit révèle une petite fuite dans le jointoiement du lanterneau du cabinet de toilette posé la veille de notre départ. De plus, au moment de brancher les pompes pour la douche matinale, je constate que la batterie est complètement à plat... : elle semble ne pas s'être rechargée du tout depuis notre départ de Lyon ! 


Neufchatel : Maison des Halles
Neufchâtel : Maison des Halles
Assez dépités, nous levons le camp sans enthousiasme pour gagner bientôt Neuchâtel, une jolie petite ville en bord de lac. Pendant que Juliette grippée demeure à se reposer dans le lit haut, Monique et moi gagnons la place du Marché ornée de sa jolie Maison des Halles avec tourelles et blasons colorés.

Poussant au fond de la rue nous arrivons Place du Banneret qui doit son nom à la statue d'un soldat du XVIème portant cuirasse et bannière au dessus de la fontaine où coule une eau claire et fraîche.
Neufchatel : Place du Banneret
Neufchâtel : Place du Banneret

Neufchatel : Fontaine du Lion d'Or
Neufchâtel : Fontaine du Lion d'Or
Le Banneret sur sa fontaine
Le Banneret (porteur de bannière) sur sa fontaine


Puis nous grimpons jusqu'à la collégiale (belles statues dans le choeur) et au château tout proche, habilement restauré lui aussi. Sa cour déborde de géraniums qui garnissent les fenêtres entre les tours et les escaliers.

Château de Neufchâtel
Château de Neufchâtel

Après quelques provisions dont le coût nous semble exorbitant - tous les prix nous paraissent élevés en Suisse - nous reprenons la route vers Biel. Profitant du beau temps retrouvé, nous arrêtons en pleine campagne et Monique grimpe sur le toit pour compléter avec du mastic-colle l'étanchéité du lanterneau. Après une courte réflexion, nous décidons alors de rebrousser chemin jusque chez un concessionnaire de camping-cars Pilote aperçu au bord de la route pour résoudre au plus tôt notre problème de recharge de batterie.

Retour en arrière de près de 50 kilomètres jusqu'à Saint-Blaise; le gérant, d'abord peu aimable, finit par se montrer "de service" et nous envoie chez un spécialiste en électricité automobile. Après un examen rapide, celui-ci diagnostique un mauvais branchement du relais reliant les deux batteries (absence de contact moteur); il replace les connections correctement et nous repartons enfin, cette fois avec l'espoir de recharger notre batterie accessoire indispensable au fonctionnement de notre maison roulante. Monique peut alors faire couler l'eau pour la vaisselle, Juliette et moi prenons notre douche, la vie confortable reprend son cours... Mais il est maintenant 18:00, plus question de visites, et il faut rouler pour recharger un peu notre batterie encore bien faible.
Nous reprenons la route de Biel que nous traversons sans nous arrêter, idem pour Solothurn où nous bifurquons sur une petite route latérale en direction du col de Wessenstein. La chaussée s'avère très étroite et sinueuse, la pente accusée (24 % par endroits) et Monique manifeste quelque appréhension... Mais nous en avons vu d'autres en Corse et, en 2ème voire en 1ère, nous gagnons lentement les 1 284 mètres du col... Nous le trouvons noyé dans les nuages, visibilité réduite à 20 ou 30 mètres ! Depuis la terrasse de la kurhaus (hôtel de villégiature), on entrevoit à peine par une trouée un petit bout de vallée, tout en bas... Voilà qui nous rappelle fâcheusement notre arrivée au Cap Nord il y a 4 ans, à peu près dans les mêmes conditions... Transis et un peu déçus, nous regagnons la tiédeur de notre Aigle où Juliette nous a mitonné un bon petit repas. Après ce souper bien arrosé de Gewurtstraminer, nous nous endormons rapidement dans le silence absolu de la montagne.


Mercredi 8 juillet 1992 : de WESSENSTEIN à ENGEN (ALLEMAGNE)

Sur la petite route descendant vers Oensingen
Sur la petite route descendant du Wessenstein vers Oensingen
Au matin, la visibilité ne s'est guère améliorée, réduisant à néant tout espoir d'apercevoir le vaste panorama sur les Alpes; en revanche la batterie débite normalement et, comme il n'a pas plu, notre lanterneau (pas encore mis à l'épreuve) se montre tout-à-fait étanche...

Il ne reste plus qu'à redescendre dans la vallée par une jolie route champêtre, d'abord à travers des bois touffus, puis au milieu des alpages où paissent les fameuses vaches suisses à clochettes. Nous rattrapons la grande route à Oensingen pour filer jusqu'à Aarau.
La vieille cité médiévale accrochée au dessus de sa rivière nous retient pendant une bonne heure, le temps d'admirer son site depuis le grand pont au dessus de l'Aare,
Toits de
                  tuile des vieilles maisons d'Aarau
Toits de tuile des vieilles maisons d'Aarau
Aarau
Aarau
...de déambuler dans ses ruelles, sous ses portes voûtées,
Rue
                  pavée devant l'église d'Arrau
Rue pavée devant l'église d'Arrau
...d'entrer dans sa stadtkirche (église paroissiale) où j'admire un beau buffet d'orgue datant de 1726,
Juliette et Jean-Paul sur la place de l'Église
                  d'Arrau
Juliette et Jean-Paul sur la place de l'Église d'Arrau

... puis de faire le tour de sa petite place ornée d'une autre belle fontaine de la Justice, face aux maisons couvertes de fresques aux avant-toits décorés.


Fontaine de
                  la Justice à Arrau
Fontaine de la Justice à Arrau
Baden
Baden
Nous déjeunons dans le stationnement avant de reprendre la route vallonnée jusqu'à Baden, une autre petite ville moyenâgeuse. Nous découvrons bientôt ses gradins accrochés au flanc de la colline, au dessus des eaux vertes et agitées de la Limmat.

Si les curiosités sont peu différentes de celles d'Aarau (vieilles maisons, ruelles pavées...), en revanche le cadre naturel est plus grandiose et plus pittoresque.


Place et
                    église de Baden
Place et église de Baden

Les Chutes du Rhin à Shaffausen - Vue de l'époque
            romantique
Les Chutes du Rhin à Shaffausen - Vue de l'époque romantique
 

Une jolie route de campagne que nous avons quelque difficulté à trouver nous emmène ensuite vers Shaffausen et les fameuses chutes du Rhin. Nous passons en Allemagne, retournons en Suisse pour enfin tomber sur le site naturel célébré par les Romantiques. Ces chutes, les plus importantes d'Europe en débit, n'ont rien des Niagara Falls, mais l'aménagement touristique y est plus discret et la puissance de l'eau tourbillonnante impressionne quand même.
Jean-Paul et Juliette devant les Chutes du Rhin
                    à Shaffausen
Jean-Paul et Juliette devant les Chutes du Rhin à Shaffausen

Nous entrons ensuite définitivement en Allemagne pour atteindre Singen et enfin Engen où nous allons nous installer pour la nuit sur un stationnement public, au pied du château et des restes de la vieille ville.



2. La Route Allemande des Alpes

Allpenstrasse Ouest
Notre itinéraire sur la partie Ouest de l'Alpenstrasse


alpenstrasse-est
Notre itinéraire sur la partie Est de l'Alpenstrasse


Jeudi 9 juillet 1992 : d'ENGEN à MEERSBURG

Nuit calme et sans histoire à l'ombre de l'altstadt (vieille ville) d'Engen, point de départ de notre itinéraire bavarois. Avant de reprendre la grande route, nous allons faire quelques courses dans les magasins de la petite ville. Premier étonnement: il nous est presque impossible de nous faire comprendre ni d'obtenir des indigènes quelque mot en une autre langue que l'Allemand; Anglais, Français ou Espagnol semblent des idiomes totalement inconnus ou indignes d'intérêt pour les citoyens de ce beau pays... Pourtant les jeunes doivent bien apprendre quelques unes de ces langues à l'école. Cela promet pour la future union européenne !

Nous gagnons Aach et allons traîner autour du joli bassin ombragé de la résurgence du Danube d'où naît l'Aach. Eau verte animée par les remous et fraîcheur des grands arbres offrent un cadre romantique où l'on a plaisir à flâner...

La route champêtre se poursuit jusqu'à Espasingen où nous arrivons en vue du Bodensee (le lac de Constance). Ma navigatrice décide un petit changement d'itinéraire qui nous fait gagner Konstanz (Constance). Il nous est malheureusement impossible de nous arrêter à proximité du centre de la vieille ville dont nous faisons le tour en roulant. En revanche nous finissons par trouver une place sur la Seestrasse, le quai au bord du lac juste après le pont sur le Rhin dont les eaux vives reprennent ici leur cours tumultueux. Nous y déjeunons sous les tilleuls, au pied de grands immeubles bourgeois prétentieux et solennels du début du siècle rappelant un peu ceux de Biarritz.
Puis nous nous dirigeons vers le fameux jardin fleuri de l'île de Mainau. Huit DM pour stationner notre petit Aigle paraît bien cher à Monique qui rechigne, surtout lorsqu'il faut ajouter les 12 DM d'entrée par adulte. La promenade parmi les parterres exubérants de couleurs mérite assurément le déplacement, même si l'aménagement manque d'un peu de fantaisie, d'une pointe de raffinement : on se croirait presque dans les jardins américains visités en Floride où le "flash" l'emporte sur toute autre considération esthétique ! Bodensee (Lac de Constance) depuis le jardin de
                  Mainau
Bodensee (Lac de Constance) depuis le jardin de Mainau

Le Grand Escalier fleuri de Mainau
Le Grand Escalier fleuri de Mainau

Décidément les jardins anglais des country houses sont durs à battre... En revanche l'arboretum présente un grand nombre d'essences rares peu ou jamais vues ailleurs (arbres chinois et japonais délicats, curiosités australiennes et immenses séquoias de la côte ouest de l'Amérique...).


Juliette devant le jardin d'eau de Mainau
Juliette devant le jardin d'eau de Mainau

Jean-Paul sur la terrasse de Mainau
Jean-Paul sur la terrasse de Mainau

Un peu fatigués par notre longue balade dans les allées impeccables du parc du château, nous reprenons notre Aigle pour tenter d'aller admirer le panorama sur l'Uberlingersee, ce diverticule nord-ouest du Bodensee, depuis le jardin du château de Bodman, comme le suggère le Guide Vert. Si nous finissons par trouver la grande bâtisse au bout d'une toute petite route, son architecture classique très raide ne nous retient guère et nous restons incapables de dégoter le point de vue annoncé.

Nous poursuivons donc notre chemin en achevant de contourner le fond du lac Uberlinger pour longer ensuite la rive nord du Bodensee. Bref arrêt à Uberlingen pour faire le plein d'essence et d'eau, puis détour vers la basilique de Birnau dont la haute façade baroque un peu raide domine un très large panorama sur le lac : des petits bateaux parsèment ses eaux bleues jusqu'à la barrière du massif suisse de l'Alpstein à l'horizon.

Nous quittons la route express à Meersburg où nous cherchons en vain un stationnement autorisé pour la nuit. Nous finissons par nous poser sur le parking d'un temple protestant non fréquenté aujourd'hui; après souper nous nous y endormons bientôt sous une pluie orageuse qui nous rassure au moins sur l'efficacité de notre réparation : notre lanterneau est effectivement bien étanche...


Vendredi 10 juillet 1992  :  de MEERSBURG à OTTOBEUREN
 
Nuit des plus tranquilles, hormis la pluie maintenant coutumière... Négligeant les remparts de la petite ville, nous filons sur la voie rapide longeant le lac jusqu'à Friedrichshafen. Après quelques difficultés à trouver le Musée des Dirigeables dans l'altstadt, je passe un long moment à examiner maquettes, plans, cartes et autres souvenirs consacrés au comte Ferdinand von Zeppelin et à ses aéronefs. L'ingénierie déployée, les dimensions et le luxe de ses créations, véritables paquebots des airs, me fascinent tandis que mes compagnes se lassent vite de toutes ces prouesses techniques.

Nous poursuivons jusqu'à Wasserburg, pique-niquant dans le petit parc tout près du promontoire où l'église et le château du village s'avancent dans le Bodensee. Le site est charmant, la vue sur les eaux s'étale largement à l'ouest et se butte au sud à la ligne dentelée des montagnes du Voralberg suisse.
Wasserburg
Wasserburg
Lindau vu d'avion
Lindau sur son île dans le Lac de Constance (Bodensee) vu d'avion
Encore quelques kilomètres et nous sommes à Lindau, vieille cité isolée sur son île.
Les ruelles pavées bordées de maisons anciennes sont pleines de caractère. Dans les
                  ruelles de Lindau
Dans les ruelles de Lindau

Elles mènent à l'extraordinaire Rathaus du XVIème dont les façades à pignon en escalier sont entièrement peintes, ...

Le Rathaus
                  de Lindau XVIème
Le Rathaus de Lindau  XVIème
Façade
                  arrière du Rathaus de Lindau
Façade arrière du Rathaus de Lindau

Rathaus de Lindau
Sur la place devant le Rathaus de Lindau

et débouchent sur son célèbre petit port dont un lion de Bavière et un phare encadrent l'entrée... Juliette et Jean-Paul devant le port de Lindau
Juliette et Jean-Paul devant le port de Lindau

Lindau dans
            les brumes de l'hiver...
Lindau dans les brumes de l'hiver...

Après deux heures d'une agréable balade, nous faisons nos adieux au lac de Constance  pour attaquer les premiers contreforts des Alpes de l'Allgau. Lindenberg, Obertstaufen, Immenstadt, autant de gros villages où les maisons prennent progressivement l'allure de chalets. Le relief se creuse en hautes collines coupées de vastes vallées. Sur les pentes verdoyantes, jusqu'à la limite des premières forêts de sapin, paissent des vaches montagnardes couleur café au lait. A perte de vue, le paysage se déploie en courbes harmonieuses...

A Immenstadt, sous la pluie et dans un trafic assez dense, nous bifurquons vers le nord, abandonnant la montagne pour gagner la riche plaine de la Bavière. Nous prenons l'autoroute de Stuttgart sur trente kilomètres pour emprunter ensuite une petite route de campagne étroite et accidentée qui nous amène au village d'Ottobeuren. 

L'Abbatiale d'Ottobeuren
L'Abbatiale d'Ottobeuren
Au bas de la côte, les tours jumelles de la célèbre abbaye baroque surgissent à travers une brusque averse de grêle. Nous allons stationner dans le parc juste en avant, faisons une première reconnaissance rapide et réservons la visite guidée détaillée à demain matin. Nous soupons, puis trouvons un point de chute tranquille dans un lotissement neuf en périphérie du village. Juliette et Monique font une partie de crapette tandis que j'écris ce journal, et nous nous couchons tôt.

Samedi 11 juillet 1992  : d'OTTOBEUREN à NEUSCHWANSTEIN (FUSSEN)

 Nous sommes debout à 8:15 sous une pluie qui n'a pas cessé de la nuit et continue de sourdre du ciel bas et plombé. Pas un bruit sur la rue où nous avions établi notre bivouac.

Nous sommes bientôt devant la vaste élévation de l'abbatiale. J'en commence seul la visite puisque Monique et Juliette se disent peu tentées par le baroque triomphant ici partout présent.
Façade d'Ottobeuren dans la belle lumière du
                  matin
Façade d'Ottobeuren dans la belle lumière du matin
Nef et chœur d'Ottobeuren
Nef et chœur d'Ottobeuren

Sitôt passée la lourde porte de bois sculptée, je suis saisi par la profusion du décor de stuc et de peintures recouvrant presque toutes les surfaces libres des murs et du plafond. Les teintes sont fraîches et vives, parfois même presque acides, les compositions vastes et complexes, usant abondamment de la perspective et du trompe-l’œil pour accentuer encore l'illusion de la profondeur. Les personnages sacrés se superposent vers les cieux jusqu'à la colombe de l'Esprit ou jusqu'au Père Éternel siégeant tout en haut de la Création.

Putti d'Ottobeuren
Putti d'Ottobeuren
Putti d'Ottobeuren
Putti d'Ottobeuren

Les volumes ne sont pas moins travaillés dans leurs lignes générales harmonieuses, nettes et bien affirmées, comme dans le détails des reliefs sculptés avec minutie et parfaitement finis. Ici ce sont les autels consacrés aux différents saints, là la chaire ou les fonds baptismaux.

Orgues d'Ottobeuren
Nef et orgues d'Ottobeuren

Orgues de chœur et stalles d'Otobeuren
Orgues de chœur et stalles d'Ottobeuren

Enchâssés dans des stalles délicatement sculptées ou dorées, des orgues magnifique surmontent les deux côtés du chœur. L'ensemble est grandiose mais sans lourdeur, grâce à la lumière qui pénètre en grand par les vastes verrières, et grâce aux murs et fonds blancs qui la répercutent dans tout l'espace non décoré. Tout cela est considérable sans être écrasant, chaleureux sans être étouffant... et laisse une impression profonde.


Putti
Putti
Putti
Putti

Après une heure de visite, observant maints détails et me laissant peu à peu envahir par l'ambiance merveilleuse des lieux, je quitte la vaste nef et traverse la pelouse sous le crachin pour gagner les bâtiments conventuels. Me méprenant sur les instructions du portier (un autre qui baragouine un anglais encore plus approximatif que le mien !), je flâne un peu dans les longs couloirs. Je passe à la boutique où je trouve un C.D. de la 5ème symphonie de Bruckner enregistré ici "live" par Eugen Jochum en 64 (un chef-d’œuvre que je cherchais depuis longtemps).  Bibliothèque d'Ottobeuren
Bibliothèque d'Ottobeuren

Kaiser Saal d'Ottobeuren
Kaiser Saal d'Ottobeuren

Je gagne enfin l'étage juste avant la fermeture à 12:00. Le gardien me laisse entrer avant de barrer la porte; je parcours plusieurs corridors discrètement décorés pour me rendre au petit théâtre déjà nettement plus luxueux, puis à la Kaiser-Saal lourdement et richement ornée. On y donne des concerts de musique de chambre au pied des massives statues de bois sculpté et doré montrant les souverains de Bavière dans des poses ou des mimiques presque caricaturales.  Là encore, superbe plafond peint et grandes fenêtres donnant sur l'immense cour centrale. Je redescends au rez-de-chaussée par un autre escalier monumental lui aussi peint et sculpté, de grand apparat. Ainsi s'achève ma visite...

Je regagne - toujours sous la pluie - l'Aigle où m'attendent Juliette et Monique qui ont quand même fait un rapide tour de l'église ! Quelques kilomètres de route campagnarde, puis l'autoroute vers le sud. Nous filons sur la chaussée mouillée mais excellente... jusqu'à la fin de l'autoroute 40 kilomètres plus loin. Et là ce sera deux heures de pare-chocs à pare-chocs (nous sommes samedi...) jusqu'à Pfronten, attrayante station aux auberges cossues, où nous cherchons en vain une poste ouverte pour téléphoner à Annecy.

Nous gagnons alors Fussen dont les rues médiévales bien restaurées et animées accueillent une fête populaire avec orchestre bavarois, bière et saucisses...  Nous nous mêlons à la foule joviale qui déambule sous un bal de parapluies. Partout des buveurs rubiconds couvrent méticuleusement de la main leur impressionnant bock de bière pour éviter que l'eau ne vienne diluer leur boisson favorite. Sur une estrade abritée d'une tente, des musiciens en culottes de cuir et boléros bavarois jouent consciencieusement, entre deux gorgées de bière, le flonflon traditionnel. Entassés autour de petits kiosques couverts de polythène, des fêtards se bâfrent de saucisses et de tortilloni bizarrement apprêtés que nous avions tout d'abord pris pour de la choucroute... Ambiance bon enfant, un peu ralentie cependant à cette heure avancée où la boisson nationale a déjà pas mal amorti les participants...

Montée jusqu'à l'ancienne abbaye de Saint-Magnus dont seule l'église est encore ouverte : nous devons renoncer à l'exposition attendue d'instruments de musique. La pluie nous dissuade de grimper jusqu'à la terrasse du château pourtant toute proche, aussi retour au camping-car en léchant les vitrines (bel étalage de poupées de tous les coins du monde en particulier).

Nous savons que les châteaux royaux sont fermés à cette heure (il est 17:15), mais nous parcourons quand même les 4 kilomètres qui nous en séparent pour être à pied d’œuvre demain matin. Ils apparaissent bientôt à flanc de montagne, le premier, Hohenschwangau, jaune, médiéval et sans grande originalité, le deuxième, Neuschwanstein, néo-féodal, campé en nid d'aigle, offrant une silhouette élancée beaucoup plus singulière. C'était le chef-d’œuvre préféré de Louis II, le roi "fou"; il domine la plaine verdoyante, isolé au milieu des sapins et des rocs, environné de brume et de lambeaux de nuages sous le ciel gris. Quel tableau follement romantique, planté dans des environnements géographique et atmosphérique qui lui conviennent si bien... Neuschwanstein
Neuschwanstein émergeant de la brume matinale

Repérant le parking le plus favorable, nous faisons demi-tour et allons installer nos pénates dans un luxueux petit lotissement de grandes et riches maisons à un kilomètre de là, en vue des deux châteaux. Souper et coucher tôt pour être sur pieds et sur place demain dès l'ouverture à 8:30.

Les salles sont décorées du sol au plafond, tous les grands panneaux étant remplis de fresques aux couleurs vives racontant l'histoire plus ou moins mythique (genre chanson de geste) de la famille Wittelsbach qui gouverna la Bavière du Moyen-Age à 1918. Dans les fenêtres grandes ouvertes s'encadre le magnifique paysage de lacs, de montagnes et de forêts avec, obsédante, la silhouette fabuleuse de Neuschwanstein à distance. Le mobilier Biedermeier de bois clair ne manque pas de charme, les plafonds sont couverts de nervures gothiques, bref l'ambiance et l'homogénéité du décor laissent une impression agréable, et nous sortons finalement satisfaits de notre visite.


Dimanche 12 juillet 1992  :  d'HOHENSCHWANGAU à OBERAMMERGAU

Hohenschwangau
Hohenschwangau
C'est seulement vers 9:30 que nous arrivons sur le stationnement au pied du château d'Hohenschwangau. Brève montée sur les pentes boisées avec vue romantique sur l'Alpsee enchâssé dans les forêts de sapins et les rochers à pic, puis visite de ce premier château où Louis II passa son enfance. Ses murs hérissés de créneaux de fantaisie, entièrement badigeonnés d'un jaune assez vif, lui donnent une allure de forteresse néo-gothique reconstituée à la façon des manoirs anglais.

Nous retrouvons notre Aigle tout-à-fait emballés par cette magnifique balade mais aussi fatigués, comme brûlés par cette longue journée passée au grand air. Après 5 kilomètres d'une belle route de montagne, nous descendons à Berchtesgaden où nous trouvons une place en plein centre-ville sur un stationnement tranquille qui nous servira de bivouac pour la nuit.

 Pause près de l'une des fontaines ornée d'un cygne - l'animal favori de Louis II - sur l'une des terrasses entourant le château, avant de redescendre à travers les grands arbres jusqu'à notre stationnement où nous nous rafraîchissons. Puis nous gagnons la petite poste pour appeler la famille à Lyon, histoire de l'assurer de notre survie en cette terre barbare...

Fontaine du Cygne sur la terrasse
                  d'Hohenschwangau
Fontaine du Cygne sur la terrasse d'Hohenschwangau

 Nous attaquons maintenant le chemin raide menant au fameux château de Neuschwanstein, créé de toutes pièces par Louis II, dont on aperçoit depuis ce matin la silhouette altière et un peu mystérieuse dominant le site. La montée est rude et longue (plus de 20 minutes) dans un sous-bois sombre et humide, jusqu'à ce qu'on débouche brusquement sur l'étroite esplanade où s'élève le château.

Neuschwanstein dans son magnifique cadre naturel
Neuschwanstein dans son magnifique cadre naturel

Les tours élancées et les murailles de pierre grise nous surplombent vertigineusement, nous écrasant de leur masse. Nous les longeons rapidement en direction de la porte monumentale de grès ocre pour découvrir une queue d'une demi-heure qui nous attend à l'entrée du palais du roi bâtisseur... Juliette garde ma place dans la ligne pendant que je vais faire quelques plans de la cour basse (où nous piétinons) et de la grande cour d'honneur qu'entourent les hautes façades percées de baies romanes.

Puis nous pénétrons dans la base de la demeure royale. Longs corridors solennels et antichambres sombrement décorées se succèdent jusqu'à ce que nous accédions aux différentes pièces d'apparat : la salle à manger au décor foisonnant de boiseries, de peintures et de tapisseries, la salle du trône couverte de mosaïques dorées empruntant une grande part de sa majesté à son apparence de basilique byzantine, la chambre à coucher du roi à laquelle un grand lit gothique flamboyant de chêne sculpté donne un aspect somptueux. Chambre de Louis II à Neuschwanstein
Chambre de Louis II à Neuschwanstein

Chambre de Louis II à Neuschwanstein
La chambre et son mobilier en chêne; 14 ébénistes ont mis 4 ans pour la réaliser.
Les fresques sur les murs renvoient à la légende de Tristan et Isolde.


Le cabinet de travail de Louis II à Neuschwanstein
Style roman (sauf le fauteuil gothique) ; le décor renvoie à Tanhauser, le chevalier poète

Neuschwanstein : le Grand Salon dont le décor renvoie à
            Lohengrin
Neuschwanstein : le Grand Salon dont le décor renvoie à Lohengrin

La Salle des Chanteurs de Neuschwanstein
La Salle des Chanteurs de Neuschwanstein
... et, à l'étage supérieur, la salle des Chanteurs, immense et très salle de bal avec son estrade destinée aux musiciens limitée par un grand panneau peint représentant le jardin merveilleux du magicien Klingsor. Chaque pièce est d'ailleurs décorée d'une quantité de fresques inspirées par les opéras de Wagner : Parsifal, Tristan, Lohengrin, Siegfried, etc. L'ensemble est sombre et chargé, le mobilier lourd, mais réussit fort bien à suggérer l'ambiance médiévale de légende que souhaitait son créateur et propriétaire.

La balade s'achève par la cuisine, elle aussi de dimension royale et fort bien équipée, mais qui semble avoir fort peu servi. Effectivement, Louis II n'habita son château préféré que 170 jours...

 Rendus au terme de la visite guidée un peu trop expéditive à mon goût (il y a foule en ce dimanche après-midi d'été), nous empruntons le sentier montant encore un peu à travers rocs et forêt pour admirer la noble silhouette du château depuis le Marienbrücke, une passerelle d'acier surplombant l'abîme de la cascade de la Pöllat. Jean-Paul et Monique sur le Marienbrucke
Jean-Paul et Monique sur le Marienbrucke

Neuschwanstein devant la plaine de Bavière
Neuschwanstein devant la plaine de Bavière

Panorama sur Hohenschwangau depuis
                  Neuschwanstein
Panorama sur Hohenschwangau depuis Neuschwanstein
Depuis le tablier du pont, la plaine verdoyante et les lacs lui composent un arrière-fond serein de paysage de miniature médiévale. De l'autre côté du pont, le torrent dégringolant les pentes abruptes et dénudées de la montagne brosse un décor sauvage et romantique en face de l'édifice.

L'escalade d'un mauvais sentier grimpant à flanc de montagne nous offre une vue encore plus cavalière sur Neuschwanstein. Dévalant enfin un autre chemin pentu aux pierres instables qui nous semble bien long (nous marchons depuis 9:00 ce matin et il est 15:15...), nous regagnons notre Aigle pour y dévorer un lunch réconfortant.

Le trio devant le château
Le trio devant le château

Neuschwanstein en hiver
Neuschwanstein en hiver

Lorsque nous reprenons ensuite la route se faufilant par monts et par vaux dans une campagne très vallonnée, nous longeons les Préalpes de l'Ammergebirge sur notre droite. La prochaine étape sera Wies, une basilique de pèlerinage à l'extraordinaire décor baroque, perdue au milieu des champs. Église de Wies
                  dans son décor champêtre
Église de Wies dans son décor champêtre
Orgue de Wies
Orgue de Wies
Le site enchanteur, les stucs, les ors et l'ornementation de l'intérieur de l'église me charment, d'autant plus que les fonds blancs et la nef ovale agrandissent remarquablement l'espace.

Un autre bout de route identique et je vais admirer, seul cette fois-ci, un autre fabuleux décor baroque, presque trop chargé cependant, dans l'église paroissiale de Rottenbuch.

Mais le soir tombe, nous finissons par atteindre le village d'Oberammergau où nous décidons de faire étape. Je profite de la recherche du bivouac pour parcourir les rues du bourg paisible, filmant ici une façade fleurie ou peinte, là la vitrine d'un sculpteur sur bois. Nous trouvons enfin le calme recherché dans une impasse donnant sur une prairie au dessus du village. Oberammergau : gros chalet dans le village
Oberammergau : gros chalet hôtel dans le village


Lundi 13 juillet 1992 : d'OBERAMMERGAU à GRAINAU (près de GARMISCH)

Oberammergau : chalet peint de fresques
Oberammergau : chalet avec  fresque présentant l'histoire du Petit Chaperon Rouge

Je me lève assez tôt, tandis que Juliette et Monique préfèrent continuer à dormir. Je profite du répit pour remplacer la goulotte et la durit du réservoir d'essence qui débordait à chaque virage à gauche. Travail long et difficile, allongé sous l'arrière du camion sur un carton ondulé emporté à cet effet... Une heure d'efforts, et j'ai terminé ; cela donne le temps à mes co-équipières d'émerger, de se préparer et de mettre de l'ordre dans notre intérieur. Vers 10:30 nous levons le camp, quittant notre prairie pour gagner le centre du village.

 Nous nous séparons alors pour une heure; j'aurai ainsi tout le temps de traîner dans les ruelles à filmer les vieilles maisons aux façades parées de fresques, les vitrines remplies de petits personnages en bois sculptés et peints, voire de crèches en bois sculpté, les chalets typés entourés de leur jardinet fleuri ou garnis de géraniums multicolores à toutes les fenêtres. Oberammergau : chalet du Chaperon Rouge
Oberammergau : chalet du Chaperon Rouge
Crèche
                  d'Oberammergau
Crèche d'Oberammergau
Je descends la rue principale, la caméra en action, puis me perds dans le lacis des ruelles enchevêtrées jusqu'à me retrouver à la lisière des champs fleuris. Je finis quand même par tomber sur notre Aigle, mais Juliette et Monique ont plus de difficulté à se repérer et me rejoignent avec une demi-heure de retard. Un lunch rapide et nous reprenons la route.
Celle-ci s'enfonce dans une large vallée encadrée de montagnes de plus en plus imposantes : c'est le massif de l'Ammergau que nous avons contourné et au creux duquel est niché le château de Linderhof, une autre folie de Louis II. Les jardins surtout sont splendides, entourant un palais miniature et rococo grand comme le Petit Trianon, mais décoré avec une débauche de rocaille à la française. Louis II n'admirait-il-pas avant tout Louis XIV et Louis XV ?!
Jardins de Linderhof depuis la terrasse
Jardins de Linderhof
Chambre de Louis II à Linderhof
Chambre de Louis II à Linderhof
L'or et les motifs précieux débordent de tous côtés, couvrant murs et plafonds, tandis que le plancher montre une magnifique marqueterie de chêne et de palissandre.
Un large tour dans le parc nous permet de voir aussi le pavillon turc, un autre décor rococo dans la lignée des Turqueries du XVIIIème,
Pavillon turc : le trône aux paons
Pavillon turc : le trône aux paons

Pavillon turc : la fontaine centrale
Pavillon turc : la fontaine centrale
Dans le Pavillon turc de Linderhof : Jean-Paul
                  filme le décor
Dans le Pavillon turc  de Linderhof : Jean-Paul filme

La grotte
                  de Linderhof aux motifs wagnériens
La grotte de Linderhof aux motifs wagnériens


puis la grotte artificielle toute imprégnée des mythes wagnériens qu'affectionnait le roi...
Un dernier coup d’œil aux parterres est et ouest, raccourcis miniatures des jardins de Versailles avec fontaines dorées, statues mythologiques, dessins de buis et de fleurs, treillis et allées de gravier. Nous quittons alors ce petit coin de civilisation raffinée un peu incongru dans ce décor de montagnes pour gagner la réputée station de Garmisch.
Linderhof et son grand jet d'eau
Linderhof et son grand jet d'eau
Le Zugspitze depuis Grainau
Le Zugspitze depuis Grainau
Sans nous attarder en ville, nous montons à la gare du téléphérique que nous désirons emprunter demain matin. Le massif du Reintal et le Zugspitze nous dominent, de plus en plus dégagés au fil de la montée vers l'Eibsee. Nous trouvons bien la gare au bout de la route en impasse, repérons les lieux pour demain (et le coût élevé de l'excursion...), soupons sur le stationnement mais devons renoncer à y demeurer, le séjour de nuit y étant interdit. Aussi redescendons-nous un peu plus bas dans le village de Grainau où nous nous préparons à bivouaquer sur le grand parking du complexe sportif, un peu à l'écart du centre et au pied des montagnes.

Mardi 14 juillet 1992  :  de GRAINAU à BAYRISCHZELL

Rien ne nous dérange sur notre stationnement après 21:30, à la fin du concert d'harmonie donné dans le parc voisin. Réveillé à 6:30, je lève la chambrée et, après une douche rapide, nous allons nous installer sur le stationnement encore désert du téléphérique; Monique et Juliette y font leur toilette avant que nous prenions notre déjeuner.


A 8:15 nous sommes dans la billetterie : 144 DM pour nous trois (tarif famille...) ça n'est pas donné ! En 10 minutes durant lesquelles s'épanouit le panorama de l'Eibsee et de la vallée de Garmisch au loin, la petite cabine dans laquelle ont pris place avec nous quelques autres touristes nous a hissé des 1 000 m de la gare de départ aux 2 966 m du Zugspitzgipfel. Étonnant !


Téléphérique montant au Zugspitze
Téléphérique montant au Zugspitze

 Là-haut, les galeries vitrées, fermées, du restaurant de rigueur sont chauffées, mais lorsque nous parvenons sur les terrasses installées au dessus, le vent froid et le grandiose spectacle des Alpes nous sautent au visage : du côté nord c'est le paysage de vallée, de préalpes et le lac d'Eibsee qui s'étalent à nos pieds; au sud en revanche ce sont les chaînes enneigées des Hautes Alpes qui barrent l'horizon à des altitudes proches de celle que nous avons si vite atteint.
Jean-Paul et Monique sur la terrasse du
                  Zugspitze
Jean-Paul et Monique sur la terrasse du Zugspitze
Jean-Paul et Monique devant la croix du
                  Zugspitze
Jean-Paul et Monique devant la croix du Zugspitze
Au premier plan s'étend le champ de ski de la Zugspitzplatt où, entre 2 300 et 2 800 m, achèvent de fondre les plaques de neige disséminées sur la moraine usée de la cuvette suspendue qui fut naguère un glacier. Alentour les sommets autrichiens du massif forment un large cirque hérissé et dentelé typique de la haute montagne alpine.
Ce paysage qui autrefois était accessible aux seuls alpinistes chevronnés me fascine. L'air froid est pur, la lumière éclatante et contrastée, l'espace immense. Nous demeurons une heure et demie à errer d'une terrasse à l'autre, contemplant et filmant ces cimes dont nous égalons la hauteur et qui demeureront pour nous hors de portée. Juliette sur le Zugspitze
Juliette sur le Zugspitze
Jean-Paul devant les montagnes entourant le
                  Zugspitze
Jean-Paul devant les montagnes entourant le Zugspitze
Le Zugspitze
Le Zugspitze
Descente vers Grainau
Descente vers Grainau
Descente tout aussi rapide au retour soumettant nos tympans à dure épreuve; nous retrouvons notre Aigle 2 000 mètres plus bas en à peine 10 minutes, un peu sonnés par ce grand bol d'air pur et de vent.


Reprenant la route, nous traversons sans escale la station« animée de Partenkirchen et poursuivons la Route Allemande des Alpes jusqu'à Mittenwald.
Mittenwald : le
                  clocher de l'église
Mittenwald : le clocher de l'église

Violon à la fenêtre d'un luthier
Violon à la fenêtre d'un luthier
C'est un autre joli village rempli de maisons peintes et fleuries où nous visitons un mignon musée de la lutherie. Un authentique luthier installé à son établi y œuvre, outillé de minuscules rabots, à la fabrication d'un violon tout semblable à ceux qu'utilisait Mozart.

Nous admirons aussi à l'étage de la vieille demeure une vaste collection d'instruments à cordes (violes, violons, altos, violoncelles et apparentés) construits par des artisans de Mittenwald depuis 1684, sans compter quelques autres spécimens moins courants comme des "violons" chinois ou japonais...

Après une brève balade dans les rues pour découvrir les peintures et les décors floraux qui embellissent les façades, nous déjeunons sur notre stationnement près de la piscine.

Mittenwald
Mittenwald
Maison à fesque à Mittenwald

Maison à
                  fresque à Mittenwals  
Maison à fresque à Mittenwald
 Grande rue de Mittenwald
Grande rue de Mittenwald

Notre itinéraire emprunte ensuite une petite route privée à péage entre Wallgau et Vorderriss. Elle parcourt la vallée de l'Isar transformée en un beau parc naturel désert. Un incident dès le passage de la barrière alerte notre odorat et mobilise tous nos efforts : le réservoir (plein) des w-c. a débordé dans le fond du camping-car via l'évent dont je n'ai pas encore percé le trou d'évacuation à travers le plancher d'acier... L'odeur, vite insupportable, nous oblige à arrêter au bord d'un chemin de traverse, à constater les dégâts - horribles - et à tenter d'éliminer à grand renfort d'eau et d'éponge le liquide bleuâtre et nauséabond qui s'est répandu entre le plancher d'acier du fourgon et son revêtement de contre-plaqué servant de base à l'habitacle. Rinçage des objets souillés et épongeage avant séchage au soleil nous prennent une bonne heure. Nous éliminons le plus gros, mais l'effort déployé m'a mis les mains en sang (malgré les gants de caoutchouc...) et l'odeur n'a pas tout-à-fait disparu...

 Nous poursuivons la traversée du parc, magnifique, dont l'aspect sauvage (large vallée de pierraille où serpente une rivière aux eaux claires et poissonneuses) me fait penser à certaines vues de l'ouest canadien ou américain. Arrêt d'une demi-heure juste avant Vorderriss : Monique m'enduit les mains de pommade cicatrisante et d'huile d'olive tandis que Juliette se fait griller la peau sur une petite plage au bord de l'eau. Pendant ce temps le camion, toutes portes ouvertes, sèche et disperse aux quatre vents ses effluves pestilentielles...

Parapente sur le Walberg
Parapente sur le Walberg
Nous gravissons ensuite le col de l'Achenpass, faisons un détour de quelques kilomètres par l'Autriche pour déboucher sur la large vallée riante du Tegernsee. Juliette y observe avec envie l'atterrissage, dans un champ rempli de fleurs sauvages, d'adeptes du parapente s'élançant depuis les 1 722 m du Wallberg.
Nous traversons ensuite l'élégante station fleurie et soignée de Rottach-Egern (beaucoup de monde), gagnons enfin dans la lumière descendante le Schliersee; la vue sur le lac depuis la petite chapelle Saint-Georges, quoique bien difficile à trouver, y est admirable.
Jean-Paul et Juliette font la pause devant le
                  Schliersee
Jean-Paul et Juliette font la pause devant le Schliersee

Repartant peu après, nous trouvons l'odeur décidément insupportable et ne pouvons nous résoudre à dormir dans cette étable mal curée ! Alors aux grands maux les grands remèdes : Monique a l'idée d'imiter les travaux d'Hercule dans les écuries d'Augias. Nous allons inonder les fonds du camion après nous être placés dans une forte pente de façon à ce que le maximum d'eau introduite par la douchette sous le plancher de contre-plaqué ressorte en coulant à l'extérieur par les portes arrière grandes ouvertes. Nous grimpons donc péniblement le raidillon d'un chemin de randonnée à l'écart de la grande route et mettons en œuvre tant bien que mal l'idée "géniale"... Après 3/4 d'heure d'efforts, l'eau qui s'écoule comme prévu est propre et l'odeur détestable a quasiment disparu. Victoire ! On éponge encore au maximum l'eau stagnante, on rembarque tout ce qu'on peut dans le coffre et en voiture !

Une dernière manœuvre pour retrouver la grande route et nous allons finalement dormir devant la gare du charmant village de Bayrischzell où la pluie nous accueille à nouveau après une journée de répit.


Mercredi 15 juillet 1992 : de BAYRISCHZELL à BAD REICHENHALL

Les gouttes n'ont pas cessé de tambouriner sur notre toit pendant toute la nuit, mais elles ne nous empêchent pas de poursuivre notre sommeil jusque vers 6:15, lorsque le ronronnement du gros diesel du premier train du matin (nous sommes en tête de ligne) me réveille. Nous paressons, bien au sec dans notre cocon entouré de nuées se résolvant en pluie, jusque vers 8:00, heure où prennent place les routines habituelles : douches, déjeuner, vaisselle.

Wilden
                  Kaiser
Wilden Kaiser

Enfin, vers 9:30, nous reprenons une route étroite et sportive nous menant à Sudelfeld (1 097 m). Beaux paysages de montagne noyés dans la brume et les nuages qui s'effilochent et se convertissent en bruine... Arrêt d'une demi-heure à la cascade de Tatzelwurm dont les bouillonnements et les longues giclées d'eau blanche à travers le chaos rocheux me fascinent un bon moment...


Une petite route à péage s'achevant par un tunnel étroit et inquiétant - pour Monique - nous fait quitter les contreforts du Wendelstein; nous embarquons sur l'autoroute à Brannenburg et filons jusqu'à Bernau, la sortie vers le Chiemsee. Ralentis par une circulation excessivement dense et des routes très étroites, nous gagnons péniblement Prien et le rivage du lac. L'affluence nous fait renoncer à l'excursion au Herrenchiemsee, le troisième château - inspiré par le Versailles de Louis XIV celui-là - que Louis II s'était fait construire sur une île du lac. Nous allons plutôt pique-niquer sur la rive près d'un petit port de yachts où, le soleil timide aidant, se déploie une vue très agréable sur l'eau, l'île et les montagnes du Chiemgau Berge en arrière-plan. Cela ressemble un peu à Annecy, c'est dire !
Malgré le ciel menaçant au sud, nous décidons de poursuivre l'itinéraire planifié vers Marquartstein, un charmant village de montagne avec maisons fleuries, mât traditionnel décoré de silhouettes... Chalet près de Marquenstein
Chalet à Marquenstein

Chalet
            près de Marquenstein
Chalet près de Marquenstein

Défilé et chapelles de Klobenstein
Défilé et chapelles de Klobenstein
Par le défilé de Klobenstein nous passons au Tyrol autrichien. Il fait très gris mais nous descendons quand même dans le vallon visiter les deux chapelles accolées séparées par un rocher fendu tout-à-fait pittoresque : le sous-bois est touffu, la maisonnette à côté joliment fleurie, voilà une pause bien agréable.

Puis nous suivons le cours animé de l'Ache sur lequel nous apercevons des sportifs se livrant aux plaisirs du rafting et du kayak, avant de traverser Kössen et de nous retrouver en Allemagne à Reit im Winkl. La foule se presse dans les rues décorées de chalets fleuris et pimpants où se succèdent les boutiques achalandées. Nous traversons donc d'une traite ce coin un peu trop commercial à notre goût puis, sous la pluie et la grisaille qui s'accentuent, passons les lacs vert sombre de Weitsee et de Mittersee. La route de vallée, très encaissée et sinueuse, se poursuit sans aucun arrêt, compte tenu du temps détestable, jusqu'à ce que nous atteignions enfin Bad Reichenhall.

La chic ville de cure (eau salée) nous paraît étendue après tous ces villages sans ampleur traversés depuis deux jours. Nous en parcourons les longues rues, les parcs superbes bordés de riches demeures pour enfin aller visiter la grande église romane de Saint-Zénon (XIIème) : beau portail avec colonnettes s'appuyant sur des lions lombards, vaste nef dépouillée et riche retable du couronnement de la Vierge (1520). Monique admire aussi les habiles arrangements floraux sur les tombes du cimetière.

Nous finissons par trouver l'élégante rue principale Ludwigstrasse qui a été transformée en rue piétonnière, et le bâtiment des Sources (l'Ancienne Saline) dont je voulais visiter les installations techniques datant de près de deux siècles. Mais il est déjà 17:30, tout est fermé, ce sera pour demain. Il ne nous reste plus qu'à découvrir un coin tranquille pour la nuit. Nous le dégottons derrière Saint-Zénon, sur le stationnement désert d'un collège fermé pour l'été semble-t-il...
Ancienne Saline de Bad Reichenhall
Ancienne Saline de Bad Reichenhall

Jeudi 16 juillet 1992 : de BAD REICHENHALL à BERCHTESGADEN

Le terrain en bordure du parc, vide et idéalement paisible hier soir, se remplit ce matin vers 7:30 : probablement les profs donnant des cours d'été aux adolescents qui arrivent seuls (en courant...) ou en groupe (en riant ou chahutant...).

Roues actionnant les pompes
Roues actionnant les pompes
D'abord c'est le coup d’œil aux deux immenses roues à aubes actionnant les pompes principales de la saline.

Suit une balade dans des galeries voûtées et étroites pavées de marbre donnant accès aux différentes sources de saumure dont on extrayait le sel autrefois. Ambiance mystérieuse dans la demi-obscurité de ces longs corridors où suinte la saumure, découverte d'une machinerie antique mais sophistiquée animant des pompes de bronze dispersées dans tout le sous-sol de la saline...


Galeries et réservoirs à saumure...
Galeries et réservoirs à saumure...
Le trio en tenue de visite...
Le trio en tenue de visite...
Bref une visite amusante et instructive dont nous sortons enchantés.

Puis nous gagnons le garage Volkswagen local pour nous procurer un nouveau morceau de durit : j'ai en effet fini par identifier la section de tuyau d'où provient la fuite d'essence qui nous empeste à chaque démarrage; nous procédons sur le champ à son remplacement et, après une demi-heure d'effort, la réparation est menée à bien; nous roulerons dorénavant dans une atmosphère plus saine...
Il est midi lorsque nous prenons la route de Berchtesgaden. Une longue mare couverte de nymphéas juste après la chapelle perchée de St-Pankraz attire bientôt notre attention. Mare aux
                  nénuphars à St-Pancraz
Mare aux nénuphars à St-Pancraz
Mare
                  aux nénuphars
Mare aux nénuphars
Nous en faisons le tour en photographiant et filmant les fleurs épanouies, les poissons filant entre deux eaux et les libellules affairées.

Nénuphars


Nénuphars


Un peu plus loin, apercevant la rive verdoyante et invitante du Thurmsee, nous quittons la grande route pour aller pique-niquer au dessus de la pelouse où se prélassent de vieux curistes. Fromage, bière et salade prennent place sur notre table installée dehors pour la première fois, devant le plaisant panorama agrémentant notre casse-croûte.
Piquenique devant le Thurmsee
Piquenique devant le Thurmsee
Perspective sur
                  le Königsee
Perspective sur le Königsee
La route suit la vallée encaissée de la Schwarzbach en grimpant les 868 mètres du Schwarzbachwatchsattel jusqu'à ce que nous rattrapions la bifurcation vers le Königsee. Il y a foule dans le stationnement et dans le petit village regorgeant de boutiques à touristes; mais le paysage grandiose du lac environné de hautes montagnes tombant à pic dans l'eau verte fait accepter cet inévitable inconvénient. Devant le prix de la balade en bateau, nous hésitons quelques instants puis prenons des billets nous permettant d'embarquer à 16:30 dans l'une des petites vedettes électriques faisant la navette sur l'eau tranquille. En l'attendant, Monique et Juliette traînent dans les boutiques de "souvenirs" qui vendent un peu de tout et n'importe quoi, jusqu'à ce que nous prenions place dans la file d'attente.
Enfin l'on embarque et l'on s'éloigne du quai. Quelle paix tout-à-coup ! Après un coude pour éviter une petite île couverte de sapins, nous débouchons dans le grand axe du Königsee cerné de ses montagnes culminant vers 2 600 m. Le paysage est magnifique: le panorama se déroule lentement au fil de l'avancée paisible de notre esquif silencieux. Le temps malheureusement très couvert éteint les couleurs de l'eau, du roc et des sapins dispersés sur les pentes tandis que des nuées cotonneuses cachent les cimes des pics qui nous entourent... Sensation proche de celle que nous avions à bord de la "Gondola" sur les eaux de l'Ullswaters dans le Lake District, mais ici le cadre est autrement grandiose ! Au milieu de la traversée, le moteur s'arrête, le timonier se poste sur le plat-bord face à la rive, embouche une trompette et joue un air mélancolique pour nous faire apprécier l'écho longuement répercuté par la falaise verticale du Burgstallwand... En
                    bateau électrique sur le Königsee
En bateau électrique sur le Königsee

Monastère de St-Bartholomea
Monastère de St-Bartholomea
Nous atteignons l'abside trilobée blanche et typique du petit monastère de Saint-Bartholomä, une escale que nous sautons pour aller jusqu'au terminus de Salet.
Le quai auquel nous abordons mène à une chemin sinuant à travers les rochers et la lande d'une ancienne moraine. Celle-ci barre un cirque où, après 20 minutes de marche, nous tombons sur un autre lac encore plus sauvage, l'Obersee; presque circulaire, la muraille verticale des Teufelshörner qui le cerne est barrée par les 400 m de la haute cascade du Röthbach juste en face de nous, accentuant son caractère fantastique. Je tente de faire un plan de Juliette en petite sirène sur un rocher à proximité du rivage, avec un succès mitigé vu le peu de collaboration de mon modèle... Juliette et Jean-Paul au bord de l'Obersee
Juliette et Jean-Paul au bord de l'Obersee
Jean-Paul
                      et Monique dans le bateau
Monique et Jean-Paul dans le bateau sur le Konigsee

J'ai à peine le temps de me hasarder un peu sur la rive dans le sous-bois pour découvrir des points de vue encore plus frappants, qu'il faut déjà regagner l'embarcadère et le petit bateau qui nous ramène à notre base, à travers les même paysages grandioses mais de plus en plus sombres et sous un plafond progressivement plus bas.




3. Autriche



Vendredi 17 juillet 1992 : de BERCHTESGADEN à SALZBURG

Peu de bruit dans ce parc urbain, donc repos suffisant (quoique pluvieux...). Nous profitons de ce que nous sommes au centre de la petite ville pour traîner un peu dans les vieilles rues fleuries aux maisons peintes; après avoir traversé l'église à base romane nous nous rendons jusqu'au château, en fait l'ancien prieuré des chanoines, un élégant palais dans ses teintes bleu pastel. En revenant au camping-car, Monique achète quelques fruits d'un vendeur de primeurs qui a installé sa charrette à bras au milieu de la rue pavée. Au retour, sur notre pare-brise, une contravention est venue souligner le fait que notre stationnement est destiné aux bus plutôt qu'aux camping-cars !


Nous partons maintenant parcourir la haute route du Rossfeld. Une signalisation un peu confuse près de l'Obersalzberg (où l'armée U.S. a colonisé l'ancien repère d'Hitler sous le nom de "Eagle's Nest") nous entraîne loin de notre but jusqu'au terminus de Vorderbrand. Jolie route, mais qui n'est rien à côté du Rossfeld Ring, une extraordinaire balade de 21 kilomètres qui nous hisse à 1 551 m. Là-haut s'étale un panorama grandiose : d'un côté la haute masse rocheuse du Dachstein culmine à plus de 2 500 m, parsemée de petits glaciers et précédée de verdoyantes prairies où paissent vaches et moutons; de l'autre la plaine de Salzburg se déploie à perte de vue 1 000 m plus bas, encadrée par les derniers contreforts des Alpes. Je parcours à pied les trois ou quatre kilomètres de crêtes séparant la Bavière du Tyrol, puis nous redescendons lentement, avec force freinage, la pente abrupte pour arriver à Salzburg en milieu d'après-midi.
Nous trouvons rapidement un petit stationnement sur la rive droite de la Salzach, juste en face de la vieille ville hérissée de nombreux clochers et dômes, surmontée par la silhouette massive du château sur la rive gauche. Salzburg et la Salzach Heittwer Bastei vers
                    Berchegsgaden
Salzburg et la Salzach depuis Heittwer Bastei en allant vers Berchegsgaden
Tanzermeistersaaal
Tanzermeistersaaal
Monique se sentant très fatiguée, nous ne ferons qu'un petit tour de ce côté-ci de la rivière, visitant la "Tanzermeistersaal" (Maison du Maître de Danse) que la famille Mozart habita pendant dix ans,
admirant ensuite le Mirabell Garten, ses roses et ses statues encadrant des parterres multicolores... Mirabell Garten
Mirabell Garten
Escalier du Hettwer Bastei
Escalier du Hettwer Bastei
Au retour, Juliette m'accompagne à l'assaut du Hettwer Bastei: les escaliers montent très abruptement, mais au fur et à mesure de leur escalade, une vue des plus pittoresques se dégage sur la ville épiscopale en face. On atteint enfin le chemin de ronde ombragé que l'on suit sur plusieurs centaines de mètres.

A nos pied, l'étroite Steingasse serpente en arrière du quai, la Salzach roule ses eaux vertes et agitées, de hautes maisons aux teintes pastel bordent le quai en face; puis ce sont les toits, les clochers et les dômes de la vieille ville que domine la masse du Hohensalzburg (la forteresse des princes-archevêques); en toile de fond, les montagnes de la région de Berchestgaden, rosées par le soir, limitent l'horizon... Superbe !

Panoramique sur Salzburg depuis Hettwer Bastei
Panoramique sur la vieille ville de Salzburg depuis Hettwer Bastei

Nous faisons demi-tour et regagnons notre Aigle par la Steingasse, passant sous l'ancienne porte Steintor (XVIIème) et admirant au passage les demeures anciennes aux façades sculptées...

Pour bivouac, j'ai l'idée d'aller chercher refuge sur le Gaisberg, loin au dessus de l'agitation et du bruit de cette ville animée. La montée nous semble un peu longue, en revanche de là-haut (1 228 m) le panorama s'étend très loin dans le crépuscule sur le bassin de Salzburg, la ville minuscule à nos pieds et les montagnes violacées encadrant le tout. Juliette a même le plaisir d'y observer l'envol de "parapentistes" se lançant au dessus de la plaine, les vives couleurs de leur voile brillant dans les derniers rayons du soleil. Malheureusement un policier, du reste fort courtois, vient bientôt nous informer de l'interdiction de camper sur la hauteur; dommage, l'air vif et frais ajouté à l'éloignement de la ville faisaient augurer une belle nuit. Au crépuscule, vue vers Salzburg depuis le sommet
                  du Gaisberg
Au crépuscule, vue vers Salzburg depuis le sommet du Gaisberg

Nous redescendons alors vers la cité, y retrouvons une certaine moiteur de vallée et dénichons, après quelques recherches dans la banlieue, une place sur le stationnement d'immeubles résidentiels.


Samedi 18 juillet 1992 : SALZBURG
Nous nous levons tard, récupérant la fatigue des longues marches d'hier. Puis nous gagnons le centre-ville où nous avons beaucoup de mal à trouver un stationnement que nous découvrons finalement sur la Mirabell Platz. Cela nous vaut une belle balade à pied à travers le Mirabell Garten déjà entrevu hier...
Pégase dans Mirabell Garten
Pégase dans Mirabell Garten
Les clochers de Salzburg
Les clochers de Salzburg
...puis le long de la Salzach sur le Franz Josef Kai une fois passée la passerelle Makart. Nous montons d'abord à la terrasse du café Winkler pour admirer les toits et les dômes de la vieille ville, avant d'y pénétrer en passant sous les anciennes portes voûtées.

Nous nous enfilons alors dans la Getreidegasse toute décorée d'enseignes de fer forgé ornant de pittoresques façades anciennes. Il fait très chaud, la foule grouille sur le pavé, un milk-shake acheté dans le Mc Donald local (!) nous rafraîchit un peu...

Getreidegasse
Getreidegasse
Jean-Paul et Juliette sur Getreidegasse
Jean-Paul et Juliette  sur Getreidegasse

Nous arrivons ainsi à la maison natale de Mozart transformée en un émouvant petit musée; tableaux, meubles, portraits, instruments anciens sur lesquels joua le Maître...


Maison natale de Mozart
Maison natale de Mozart

Piano forte de Mozart
Piano forte de Mozart
Violon de Mozart
Violon de Mozart

Mozart Trio : père, fille et fils
Mozart Trio : père, fille et fils
Leopold Mozart, le père
Leopold Mozart, le père

Nanerl en 1763
Nanerl la sœur en 1763
Wolfgang en 1763
Wolfgang, le jeune prodige, en 1763

Constance Weber, l'épouse, en 1802
Constance Weber, l'épouse, en 1802

Famille Mozart en 1781
Famille Mozart en 1781
Sur la place du Vieux Marché, la Hofapoteke (ancienne pharmacie) est malheureusement fermée, ses portes et fenêtres obstruées par de gros volets de bois; en revanche, au bout de la Judengasse, une autre rue étroite, nous tombons sur une authentique harmonie au grand complet qui s'apprête à donner l'aubade. Le plaisir de jouer ensemble se devine à la mine réjouie de ces musiciens du dimanche en costume traditionnel (bas blanc et petit chapeau tyrolien) et j'apprécie leur sonorité pleine et leur musicalité. Place
                    du Vieux Marche et l'apoteke
Place du Vieux Marché et Hofapoteke

Nous débouchons sur la Residenzplatz, une vaste esplanade pavée entourant une fontaine monumentale avec Géants écrasés et chevaux hennissant : un peu lourd...

Residendzplatz
Residendzplatz
Fontaine des Géants sur Residendzplatz
Fontaine des Géants sur Residendzplatz
La Domplatz, contiguë, et la cathédrale sont inaccessibles car on a dressé des tréteaux pour un spectacle qui se donne (ou se prépare) sur le parvis. Nous contournons donc le palais pour visiter l'église des Franciscains, presque nue, avec son beau choeur roman à voûtes multiples.
Vierge
                  dans l'Église des Franciscains
Vierge dans l'Église des Franciscains

Puis nous gagnons la cour du grand couvent en arrière et pénétrons dans l'église St-Peter. Le narthex de pierres aux couleurs alternées, limité par une superbe grille de fer forgé et doré, donne accès à une belle nef peinte et élégamment décorée s'achevant sur un autel et un retable glorieux. Ensemble riche et cossu, un rien maniéré, moins harmonieux cependant que d'autres églises baroques déjà vues comme Wies ou Ottobeuren, mais peut-être plus sophistiqué, plus "urbain".

Fontaine de Neptune et Hohensalzburg
Fontaine de Neptune et Hohensalzburg
A la sortie de l'église, le petit cimetière St-Peter dont les arcades s'accotent à la falaises nous offre son cadre paisible et fleuri où l'on a plaisir à flâner quelques instants. On arrive maintenant à la ruelle pavée montant à la forteresse du Hohensalzburg dont les murailles imposantes dominent la cité.

Mais Monique (qui a mal aux pieds...) et Juliette (qui crève de faim...) refusent d'aller plus loin.

Monument à
            Mozart 
Monument à Mozart

Nous prenons donc le chemin du retour, revenant en partie sur nos pas, non sans hésiter à nous attabler dans un des charmants - mais coûteux - restaurants voûtés installés au pied de la falaise... Nous passons devant l'Abreuvoir aux Chevaux, vaste bassin entouré de balustres et centré sur la statue au mouvement un peu tordu d'un cheval sauvage affrontant son dresseur, et encadré d'une dizaine de fresques équestres en arrière-plan
Abreuvoir aux Chevaux
Abreuvoir aux Chevaux
Sur la passerelle Makart à Salzbourg
Sur la passerelle Makart à Salzbourg
Nous longeons ensuite le Festspielhaus, sinistre longue bâtisse grise, puis quittons la vieille ville par la porte même qui nous y avait donné accès, pour enfin suivre le quai de la Salzach sous les tilleuls... Dernier coup d’œil à la cité aux silhouettes si caractéristiques avant de retrouver notre Aigle sur son parking de Mirabell. Nous dînons rapidement sur un autre stationnement un peu plus loin puis nous éloignons du centre pour aller dormir au nord de la ville dans un quartier résidentiel qui a l'air tranquille.

Dimanche 19 juillet 1992  :  de SALZBURG à SAINT-FLORIAN

 La nuit se déroule sans incident, mais au matin, pendant que je vide le réservoir d'eaux usées dans un égout, un citoyen salzbourgeois s'approche et me remet une copie d'une circulaire municipale interdisant le camping sauvage sur le territoire de la commune... Nous levons le camp sans délai et décidons de nous éloigner de cette ville décidément bien exigeante pour des nomades peu grégaires qui veulent garder leur liberté.

Nous prenons la direction du Salzakammergut et de ses lacs réputés. Après à peine quelques kilomètres, nous tombons sur le Mondsee encaissé entre ses montagnes; coup d'oeil sur les petits bateaux attendant les touristes au quai du village du même nom, avant de suivre la rive (route 151) à la recherche d'un coin tranquille pour passer la journée au bord de l'eau puisque Juliette veut "griller" au soleil et Monique écrire le courrier en souffrance.
Salzkammergut
Salzkammergut

Nous trouvons un petit bout de berge libre et accessible à l'extrémité est du lac, juste avant Au. Notre quête aura été longue car presque tout le rivage est divisée en plages privées minuscules coincées entre l'eau et la route dont elles sont séparées par une haie plus ou moins touffue... Sur chaque parcelle, un gazon bien entretenu, quelques fleurs, une table de pique-nique, quelques chaises longues... et c'est plein ! Chacun se recrée ainsi son petit paradis au bord de l'eau; seuls quelques mètres de temps à autre ne sont pas clôturés et, si l'on a la chance de trouver une place pour stationner à proximité, on peut jouir du lac en évitant les quelques plages publiques aménagées où là, c'est la cohue.

L'après-midi s'écoule ainsi, paisible. Le paysage est superbe : l'eau verte et transparente au premier plan, la haute montagne rocheuse et boisée tombant à pic en face. Juliette rougit plus qu'elle ne bronze, notre courrier s'achève, nous faisons la vaisselle puis, vers 17:30, nous reprenons la route. Elle longe d'abord la rive du second lac en enfilade : l'Attersee avec, depuis la chaussée étroite et sinueuse, quelques belles vues sur le plan d'eau miroitant sous le soleil descendant. On quitte ces attrayants paysages pour enfiler ensuite l'autoroute en direction de Linz. La journée a été très ensoleillée sans être trop chaude, la soirée est tiède, l'autoroute file dans la plaine à peine vallonnée couverte de grands champs cultivés. Nous approchons de Linz que nous évitons et, à la nuit tombée, dans les derniers feux du couchant silhouettant les trois tours de l'abbatiale, nous allons dormir au coeur du village de Saint-Florian dont nous voulons visiter la fameuse abbaye baroque demain matin.
 

Lundi 20 juillet 1992 : de SAINT-FLORIAN à WALDKIRKEN AM WESEN

Abbaye de Saint Florian
Abbaye de Saint Florian : vue générale
Une autre journée qui commence au grand soleil. Premier levé, je pars acheter du pain à la bakerei du village bien assise au milieu d'autres maisons XVIIIème, en bordure de la jolie place du marché ombragée d'un énorme marronnier. J'en profite pour jeter un premier coup d'oeil aux murs élevés du monastère dont la belle ordonnance architecturale domine la place. Après lever et déjeuner de mes équipières, nous montons stationner sur la petite esplanade devant l'entrée principale du monument.
Quelques manœuvres pour placer notre Aigle à l'abri du soleil, puis nous pénétrons dans l'avant-cour; je suis frappé par la grandeur du bâtiment : la façade, de près de 220 mètres de long, s'articule autour d'une magnifique porte à décor baroque couronnée d'une tour; elle s'achève par la façade de l'église elle-même surmontée de deux clochers élancés. Grande unité de style, baroque, et de couleur, enduit jaune crème avec encadrements blancs. L'ensemble respire la noblesse et la richesse. Porte de l'Abbaye de Saint Florian
Porte de l'Abbaye de Saint Florian

Saint-Florian : façade de l'abbaye
Saint-Florian : façade de l'abbaye
Saint-Florian : l'église
Saint-Florian : l'église

Un premier tour dans l'église montre un magnifique décor baroque mais la partie arrière de la nef et surtout le fameux orgue d'Anton Bruckner (qui tint à se faire enterrer ici sous sa tribune) disparaissent sous les échafaudages et les bâches des restaurateurs... Hélas !

Orgues de l'Abbatiale de St-Florian
Orgues de l'Abbatiale de St-Florian

Anton Bruckner
Anton Bruckner, l'organiste de Saint Florian

Nous suivons ensuite la visite guidée qui part de la fontaine de l'Aigle au centre de la grande cour et nous mène dans la crypte gothique (avec ossuaire et sarcophage de Bruckner)...
Fontaine de l'Aigle
Fontaine de l'Aigle

puis dans les appartements de l'abbé et ceux de l'Empereur, luxueusement meublés. Elle se poursuit par la grandiose Salle de Marbre, haute et large, somptueusement décorée en l'honneur du prince Eugène, vainqueur des Turcs, dont on voit également la chambre et le lit magnifiquement ouvragé.

Marmorsaal de St Florian
Marmorsaal de St Florian
Chambre du Prince Eugen
Chambre du Prince Eugen

Bibliothèque de Saint-Florian
Bibliothèque de Saint-Florian
...pour enfin s'achever dans la riche bibliothèque, elle aussi pleine de sculptures baroques. Quel grandiose monument, et dans quel remarquable état : notre guide affirme qu'avec Melk, Saint-Florian constitue le plus bel ensemble abbatial baroque d'Autriche.


Enchantés par cette promenade de grande classe, nous reprenons quelques kilomètres d'une route champêtre qui traverse bientôt le Danube; il a maintenant l'allure d'un fleuve respectable à ce niveau (largeur, débit...) mais il est loin d'être bleu ! Une eau vert kaki animée d'un fort courant coule entre les rives gaies et fleuries. Quel paradoxe lorsque nous allons stationner peu après devant les sinistres murs de granit gris du camp de concentration de Mauthausen.

Visite longue, impressionnante et chargée d'émotion. Beaucoup d'informations - quoique en allemand ! - mais surtout un grand vide, les installations étant désertes et les baraques en grande partie démolies. On a le sentiment de traverser un immense cimetière quand on sait que plus de 200 000 personnes subirent le martyr ici, plus de 120 000 y trouvant la mort. Nombreux détails macabres (données sur la vie quotidienne dans le camp, photos, barbelés électrifiés, chambre à gaz et fours crématoires), mais aussi l'impression d'une mécanique implacable déshumanisant les gardiens autant que les prisonniers.


Mauthausen-l'Escalier-de-la-Mort
Mauthausen : l'Escalier de la Mort

Je tiens à descendre - seul - le raide "escalier de la mort" menant de la lugubre enceinte de granit gris à la carrière où les déportés devaient peiner comme des brutes dans des conditions de travail épouvantables. Tout est silencieux, un seul autre visiteur a poussé, comme moi, le pèlerinage jusqu'ici. Comme ces lieux où jacassent les oiseaux et s'épanouissent les fleurs sauvages paraissent paisibles voire charmants si l'on oublie le calvaire qu'ils ont été il y a 50 ans... La montée des 200 et quelques marches m'est pénible, et encore les degrés ont-ils été régularisés pour les visiteurs... Il est plus de 17:00 lorsque je regagne notre Aigle, et il nous faudra un long moment pour chasser le sentiment d'oppression que nous laisse cette visite.

Artère
                  centrale de Linz
 Artère centrale de Linz
Pourtant, que la vallée du Danube suivie jusqu'à Linz est riante dans la belle lumière dorée de la fin de l'après-midi ! Nous stationnons sur le quai tout près du centre de la vieille ville mais je suis le seul à me lancer dans son exploration, Juliette et Monique se disant saturées par les deux précédentes excursions de la journée.

Si aucun monument en particulier ne polarise mon admiration, en revanche l'ensemble des immeubles, églises et décors baroques, assez homogène, est agréable. Je traverse d'abord la Haubtplatz plantée en son centre de sa colonne de la Trinité couverte de dorures et entourée des façades baroques des maisons bourgeoises.

Colonne de la Trinité sur la Hauptplaz
Colonne de la Trinité sur la Hauptplaz
Façade baroque
                  à Linz
Façade baroque à Linz

Tours de la
                  cathédrale de Linz
Tours de la cathédrale de Linz
Puis je passe devant la cathédrale sévère où une plaque et un médaillon évoque la mémoire de Bruckner qui en tint l'orgue pendant 12 ans.
Je gagne enfin le landhaus (XVIème) surmonté d'une jolie tour à décor peint, traverse sa cour à arcades fleuries et ressort par son beau portail Renaissance.
Cour du
                  Landhaus de Linz
Cour du Landhaus de Linz
Le château de Linz et le Danube
Le château de Linz et le Danube

La montée jusqu'au château me semble rude, mais sa porte close (il est presque 18:00) m'empêche d'accéder à sa terrasse pour admirer le panorama sur la ville au bord du Danube. Dévalant escaliers et ruelles anciennes, je rattrape le quai ensoleillé offrant de belles perspectives sur la vallée encaissée du fleuve en amont et regagne enfin notre Aigle.



Le jour descend de plus en plus. Nous remontons alors la vallée pendant un bon moment; la route sinueuse suit fidèlement le cours d'eau sur lequel miroitent les derniers feux du soleil. Après un petit détour par la gorge boisée, sauvage et champêtre de l'Asbach noyée dans l'ombre, nous rattrapons le cours du grand fleuve à Schlogen.
Soir sur Linz, le château et le Danube
Soir sur Linz, le château et le Danube

Jolis coups d’œil sur la vallée aperçue de la mi-pente, mais il est malheureusement impossible de trouver un point de chute intéressant sans qu'il soit "agrémenté" d'un terrain de camping du reste bondé. Nous grimpons alors à flanc de falaise pour trouver une petite rue tranquille et presque horizontale dans l'arrière pays, à Waldkirchen am Wesen, un coquet village accroché aux pentes de la forêt.


Mardi 21 juillet 1992 : de WALDKIRCHEN à BODENMAIS

Passau au confluent de l'Inn et du Danube
Passau au confluent de l'Inn et du Danube
Nuit tranquille mais à découvert : nous sommes réveillés par le rayonnement intense du soleil réchauffant la carrosserie. Rattrapant la vallée du Danube, notre route pittoresque longe la rive droite en nous offrant de belles échappées à travers les arbres touffus sur des plans d'eau étendus en amont de grands barrages. Nous sommes bientôt à Passau. Nous en traversons vite les importants faubourgs industriels pour gagner directement la vieille ville au triple confluent de l'Ilz, de l'Inn et du Danube; il fait excessivement chaud, le soleil tape, les touristes très nombreux occupent tous les stationnements.
Nous finissons par trouver une place près du Rathaus et nous enfonçons à pied dans les ruelles ombreuses et pavées de granit de la vieille cité. Elégants hôtels particuliers, cathédrale impressionnante par sa grandeur quoiqu'un peu austère. Nous boudons le récital d'orgue de midi dont le programme ne m'accroche guère, ce qui nous empêchera de contempler un instrument pourtant magnifique (sur les cartes postales...). La Residenzplatz est plus élégante que la Domplatz, mais la superbe abside gothique de la Dom est presque complètement masquée par les échafaudages des restaurateurs...
Vieille
                  ville de Passau
Vieille ville de Passau
Juliette de vant la Schlabingsturm de Passau
Juliette de vant la Schlabingsturm de Passau
Nous gagnons le quai longeant l'Inn en passant près d'une vieille porte surmontée de sa tour, la Schalbingsturm; nous arrivons enfin au petit jardin un peu desséché devant lequel les eaux des trois rivières se mêlent, celles de l'Inn nettement plus abondantes mais aussi plus bleues (plus propres ?), absorbant lentement, avec une nette démarcation, celles du Danube plus sombres. Dominant le confluent, la forteresse d'Oberhaus, massive et sans originalité, "protège" la cité au dessus d'un épais massif de sapins.

Après avoir jeté une dernier coup d'oeil au Rathaus du XIVème et à sa tour peinte et décorée, nous retrouvons notre Aigle étouffant (près de 45° !) malgré sa bonne isolation, et agrémenté d'une autre contravention pour avoir dépassé de 10 minutes l'indication de l'horodateur...

Nous quittons alors Passau pour emprunter la route touristique de la Forêt Bavaroise : il fait un peu plus frais dans le paysage de collines envahies par les sapins ou de plaines couvertes de céréales et de maïs. Des ondulations, parfois importantes, animent agréablement la campagne qu'une route moderne aux grandes courbes relevées traverse par monts et par vaux.

Arrêt d'une heure à Grafenau pour compléter notre épicerie dans un petit supermarché (bons produits et prix intéressants, mais on est loin de la variété et de la qualité des Continent et autres Carrefour français...). La plaisante route de champs et de forêts mêlés, intensivement cultivés, se poursuit jusqu'à Bodenmais, petite ville aux productions de verre soufflé sans grande élégance. Nous trouvons un bivouac paisible sur le stationnement désert du téléphérique de l'Erzbergwerk. La température est encore très élevée, le ciel orageux et, à chaque arrêt, le moteur très chaud a beaucoup de difficulté à repartir (vaporisation de l'essence et/ou réglage défectueux du carburateur ?). Un autre problème dont il faudra se préoccuper de retour à notre base en France...


1992-07 : Bavière - Rhin - Forêt Noire

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