Sabbatique 1988-89 Juliette, Mathieu, Monique et Jean-Paul MOUREZ
LE MAROC 48. D'Algéciras à Fès
https://photos.app.goo.gl/QsqZ8jTRrjYcPgdb9 |
Réveil matinal, donc, pour un embarquement sans problème (enfin !) sur une mer excellente. Le roc de Gibraltar d'un côté, les montagnes du Rif de l'autre encadrent le superbe décor de notre traversée. A Ceuta nous ne repérons aucun monument notable, hormis le Foso de San Felipe, la vieille forteresse portugaise du XVème séparant l'isthme du continent. |
Nous visitons plutôt la rue principale commerçante pleine de magasins hors-taxes. Les prix n'ont pourtant rien d'extraordinaire (comparés à l'Allemagne...). C'est donc après une longue prospection que nous faisons provision de cassettes vidéo, d'alcool et de cigarettes à offrir, après avoir changé un peu d'argent. Nous commettons alors l'erreur de ne pas acheter des devises marocaines pourtant bien meilleur marché ici que dans le pays, comme nous nous en apercevrons plus tard.
Pas encore très assurés dans ce nouveau pays si différent, nous décidons de visiter la médina de Tetouan en nous faisant accompagner par un guide de l'Office du Tourisme. Pendant deux heures, nous parcourons les ruelles étroites et pittoresques, fort sales mais aussi incroyablement colorées. Les marchands installés dans de minuscules boutiques ouvertes sur la rue ou carrément sur la chaussée vendent (et vantent...) toutes sortes de produits : épices, fruits et légumes, vêtements, casseroles... débordant largement de leurs cubicules. A côté, ou bien regroupés dans des rues particulières, des artisans travaillent bois, cuir et textile, utilisant des outils et des techniques qui nous semblent archaïques. Quant aux odeurs, on imagine mal leur variété, leurs contrastes et parfois aussi leur crudité ! Les ruelles montent et descendent, tournicotent en un véritable labyrinthe, les ânes qui assurent le transport des marchandises dans ces voies trop étroites pour permettre le passage d'aucune voiture ou camion nous bousculeraient sans cesse si, averti par un "Balek !" ("Attention!") sonore de leur propriétaire, on ne se tassait précipitamment le long des murs... On se croirait retournés au Moyen-Age, comme on est loin de nos supermarchés aseptisés ! | Tetouan : mosquée et fontaine |
Tetouan : Porte du Cimetière |
Tetouan : rue Sidi Alf Raisuli |
Dans les rues de Tetouan |
Après ce bain de foule, nous reprenons notre camping-car laissé à la garde d'un gamin pour une piécette. Nous gagnons alors par une route de montagne panoramique la petite ville de Chechaouèn accrochée à sa pente. Images idylliques en technicolor, à peine troublées par quelques vendeurs de kif accrocheurs en bord de route que nous ignorons en les dépassant. La montagne est sauvage à souhait, le coucher de soleil flamboie sur les pentes du Rif, et le crépuscule est déjà là lorsque, suivant les conseils du Guide du Routard, nous gagnons l'asile du terrain de camping installé sur une terrasse au dessus de la ville. |
Un dernier coup d'oeil vers la petite ville blanche blottie au pied des pentes raides du Rif, et en avant pour Fès où nous attend Mariette contactée par téléphone. | Les murs bleutés de Chefchaouen |
Paysanne en costume traditionnel du Rif à Chefchaouen |
Dans l'ombre des rues de Chefchaouen |
Femmes portant leur enfant sur le dos |
Femme portant son pain à cuire au four |
Fillette à Chefchaouen |
Fillette à l'orange
|
La route de petite montagne est très sinueuse et étroite, les superbes paysages très verts mais hélas noyés dans la brume et les nuages. On croise partout des hommes en burnous de laine brune cachés sous leur capuchon rabattu qui semble bien mal les protéger de la pluie. Des moutons épars ou en troupeau vagabondent sur la route...
Après trois heures de lente progression sur une chaussée étroite au revêtement inégal, nous atteignons enfin la plaine. Là nous cheminons entre des champs de céréales vert tendre régulièrement interrompus de villages d'adobe et d'enclos destinés à des marchés aux bestiaux. Nous arrivons enfin sous les remparts ocres de Fès que nous contournons jusqu'à la porte de Bab Ftouh. La route circulaire offre de belles perspectives sur la médina très étendue nichée autour de son oued, au creux des collines entourant la ville. | Fes : vue générale |
Enfants jouant dans la rue à Fes |
Rendus à la pharmacie de Houssine logée juste derrière le rempart, nous sommes accueillis par un de ses employés qui nous guide jusqu'à sa grande maison dans le quartier résidentiel moderne. Toute la famille Benchekroune nous y reçoit chaleureusement : Mariette, Houssine, Saloua 13 ans, Majda 11 ans, Zineb 8 ans et Youssef 5 ans. Le camping-car demeurera stationné devant leur maison à l'orée d'un champ d'orge. |
Au matin, malgré la pluie passagère, Houssine nous emmène faire un premier tour dans la médina. Pénétrant profondément au coeur de la vieille ville par la route recouvrant l'oued Fès, nous en parcourons les ruelles animées, entrant au passage dans la medersa (ancienne école coranique) Attarine, ... | Fes : cour de la medersa Essahrid |
Fes : entrée de la mosquée Sidi Ahmed Tijani |
Fes : pigeon de la medersa Attarine |
Fes : Place Seffarine |
...passant le pont Gram ben Skoum, faisant une pause sur la place Seffarine encombrée par ses chaudronniers et ses ânes. |
Quelle vie, quel grouillement dans ces passages qui nous paraissent presque des allées ou des couloirs ! | Ferblantiers Place Seffarine |
Fes : une porte de la mosquee Karrayaouine |
Nous devons contourner la grande mosquée Karaouiyne (malheureusement interdite aux non-musulmans comme toutes les mosquées du pays)... |
... mais allons admirer ses toits de tuiles vertes depuis la terrasse du palais de Fès, un restaurant luxueux qui vend également des tapis. | Fes : entrée de la mosquée Karrayaouine du côté de la cour intérieure |
Fes : Place Nejjarine |
On nous y fait un peu l'article, quoique sans excès. Après ce premier contact avec cette grande ville au charme pour nous tout oriental, nous rentrons par le souk aux légumes. Houssine, qui a pris la précaution d'emporter un filet, y fait quelques achats pour un prix dérisoire, après nous avoir offert un gros morceau de nougat près de la place Nejjarine. |
Fez : retour à la Place
Seffarine et ses ferblantiers
Quittant enfin ce bain de foule coloré et odorant, nous retrouvons avec plaisir le calme de la grande maison accueillante où les enfants sympathisent. Nous partageons à nouveau un repas marocain composé d'une soupe aux pois chiche, la "chorba" et d'un ragoût de légumes, le "tajine"...
Après souper, un petit tour à l'Ensemble Artisanal nous permet d'admirer de superbes productions locales (céramiques, tapis, cuivres...). Mais les artisans étant absents et les salles d'exposition fermant, nous devons quitter les lieux en nous promettant d'y retourner une autre fois. | Fes et ses teinturiers |
Fes depuis la colline |
La pluie se poursuivant, nous passons l'après-midi à la maison, lisant et discutant avec les amis que reçoit Houssine. En début de soirée nous profitons d'une éclaircie pour faire le tour de la ville par la route panoramique périphérique, nous arrêtant aux belvédères pour admirer Fes-el-Bali dans tout son développement. On a l'impression d'un fouillis de cubes blancs et beiges entassés en désordre dans sa cuvette et sur les pentes, d'où émergent les fins minarets et les toits vernissés verts de la grande mosquée Karaouiyne. |
Houssine est allé travailler dans
sa pharmacie en ce lundi matin, nous déléguant ses deux
filles Saloua et Majda pour nous escorter jusqu'à Bab
Boujeloud. Nous allons d'abord visiter le musée de Dar
Batha exposant art populaire, tapis, céramiques, stucs
sculptés et bois travaillé. La présentation est un peu archaïque, mais le guide aimable et le jardin andalou de cet ancien palais hispano-mauresque du XIXème rendent la visite très agréable. |
Fes : porte de Dar Hadara |
Franchissant ensuite l'arc de Bab Boujloud, nous marchons dans le souk jusqu'à la medersa Bou Inania. |
Fes : Bab Boujloud |
Fes : cour centrale de la medersa Bou-Inania |
Lorsque l'on passe les grosses portes
de cèdre travaillé, le décor intérieur en plâtre sculpté
transporte dans un monde merveilleux de calme, de
finesse et d'élégance. La salle de prière au fond est
toujours en fonction, ce qui conserve au monument tout
son caractère religieux.
Nous montons jusqu'aux cellules
destinées aux étudiants de cette "université" coranique,
petites pièces toutes blanches montrant pour seul décor
les encadrements en cèdre sculpté de leur porte et de
leur petite fenêtre.
|
Par celles qui donnent sur
la cour intérieur, on a une fort jolie vue sur ses dalles de
marbre ou d'onyx et ses piliers recouverts d'admirables
zelliges supportant de hauts moucharabiehs de cèdre
ajouré. L'eau d'une dérivation de l'Oued Fès court dans un
long bassin rectangulaire précédant la salle de prière et
dans la petite vasque centrale... L'ambiance de paix et de sérénité régnant dans ces lieux consacrés contraste fortement avec l'agitation de la rue que nous retrouvons bientôt. |
Fes : cour centrale de la medersa Bou-Inania |
Mardi 21 mars 1989 : de FES à SALÉ
Je prends le volant vers 9:15 en direction de Rabat où nous laisserons Houssine et ses deux aînées. La route est longue (200 km) à travers des collines vallonnées uniformément couvertes d'un blé plus ou moins riche et touffu. A 11:30, on s'arrête dans le gros bourg de Khemisset. Houssine achète de la viande qu'il fait griller devant nous dans un bistro puis nous la dégustons dans des baguettes de pain en arrosant ce repas d'un délicieux thé à la menthe. Voilà qui constitue un casse-croûte très revigorant, et nous arrivons à Rabat à 13:30 en pleine forme. C'est une grande ville blanche et moderne dont les grands dégagements sont plantés de superbes palmiers.
Nous quittons Houssine à la gare d'où il doit gagner Casablanca, lui promettant de passer par Fès partager à notre retour nos impressions marocaines. Après un petit tour dans la ville moderne, nous retraversons le pont sur l'oued Bou Regreg et allons nous reposer sur la plage de Salé.
L'après-midi s'y écoule
tranquillement à lire et écrire. Je vais jusqu'au bout de la jetée
d'où j'admire la belle vue sur la casbah des Oudaïas en face
tandis que des vagues énormes m'arrosent copieusement. En début de
soirée, nous nous rabattons sur le camping tout proche du rivage.
Nous y entamons une longue discussion avec deux sympathiques
routards lyonnais remontant d'Afrique noire après une grande
randonnée en Toyota 4 x 4.
Levant le camp en direction de Rabat, nous traînons un peu sur l'esplanade de la tour d'Hassan, immense minaret inachevé dominant sa mosquée dont il ne reste que des centaines de colonnes plus ou moins tronquées. | Rabat : l'esplanade de la tour Hassan la nuit |
Rabat : lancier de garde devant le mausolée de Mohammed V |
Rabat : garde du mausolée de Mohammed V |
L'ensemble est grandiose et austère, à côté du mausolée de Mohamed V frappant par son luxe et la qualité un peu clinquante de son décor.
Rabat : mausolée et mosquée
de Mohammed V
De là-haut encore, on a une vue superbe sur les deux villes de Salé et Rabat séparées par la vallée du Bou Regreg, mais sous un angle complètement différent de celui que nous en avions de notre camping.
Nous gagnons ensuite Chellah, romantique vieille nécropole entourée d'une muraille ocre où les cigognes disputent l'intérêt aux ruines.
Rabat : les jardins de la nécropole de Chellah |
Rabat : cigogne sur un minaret de Chellah |
Nous quittons ces jardins luxuriants pour retourner au centre-ville et à la casbah des Oudaïas. | Rabat : ruelle de la casbah des Oudaias |
Casbah des Oudaias à Rabat : l'entrée du café maure |
Ses petites maisons blanches derrière les portes et la muraille massives ne nous impressionnent guère, en revanche le point de vue sur l'estuaire du Bou Regreg dans le soleil couchant mérite bien sa réputation. |
Un petit détour sur la côte sud permet de soulager la toilette dans le fossé de la route sinueuse coincée entre la mer et un mur cachant des bidonvilles. Nous retournons ensuite près de la Poste, avenue Mohamed V, pour consulter des livres sur le Maroc dans la grande Librairie Centrale. | Rabat : avenue Mohammed V |
Le départ vers le sud s'effectue par un temps superbe. Le passage du pont entre Salé et Rabat nous réserve une jolie vue sur l'oued, sur les barques de pêche et sur les passeurs faisant leur va-et-vient tranquille dans la lumière vive du matin. | Rabat : le bac sur le Bou Regreg, en arrière la tour Hassan |
On prend sans tarder la route rapide
qui file vers Mohammedia, ville industrielle et station balnéaire
bien équipée (l'ancienne Fedala), mais qui laisse percevoir cette
touche de laisser-aller un peu caractéristique du pays.
Une centaine de kilomètres, et nous voici enfin à Casablanca ! L'agglomération nous paraît énorme et presque européenne après toutes ces bourgades rencontrées sur la route, charmantes et folkloriques mais aussi désuètes et peu développées. La circulation nous affole par son rythme et son indiscipline, et c'est avec un certain stress que nous trouvons une place sur un stationnement près du port, au pied de grands immeubles de béton et de verre. Après des recherches un peu laborieuses, nous finissons par rejoindre la grand-tante Carmen Veyre en visite chez sa belle-soeur. Monique échange longuement avec la vieille dame en espagnol puisqu'il ne semble pas qu'elle ait jamais maîtrisé le français... Ambiance un peu surannée chez ces anciens colons maintenant à la retraite, petits fonctionnaires ou commerçants survivant grâce à une pension de misère dans un climat étouffant, derniers témoins d'un monde et d'un temps révolus.
Nous gagnons ensuite le
cimetière européen par de grandes avenues de plus en plus
populaires. On y découvre l'aboutissement ultime de tous ces
français, italiens, espagnols... qui avaient cru découvrir
sur la terre marocaine le lieu de réalisation et
d'enracinement de leurs espoirs et de leurs ambitions. Le
champ funèbre est rempli de monuments plus ou moins
prétentieux, parfois aussi très simples. Fleurs sauvages et
herbes folles envahissent peu-à-peu les allées, les
trottoirs, voire les pierres tombales elles-même, au fur et
à mesure que le temps et la distance les font
progressivement sombrer dans l'oubli. C'est très
mélancolique, et l'évidence s'impose : une page d'histoire a
été irrémédiablement tournée... quel gâchis ! Nous finissons par retrouver la tombe de Gabriel Veyre, l'arrière grand-père de Monique. En tant que représentant de la maison Lumière, il vint ici dès 1901 enseigner la photographie au sultan Abd'el Aziz. Il introduisit par la suite toutes sortes d'innovations technologiques comme l'automobile, la T.S.F. et l'électricité dans un Maroc qui commençait tout juste à s'ouvrir à l'Occident. Choc de valeurs et de cultures qu'il décrit avec délicatesse et humour tout au long de son livre "Au Maroc - Dans l'intimité du Sultan" (.pdf) ou (.epub) que j'avais dévoré avec délice avant notre départ. Le pays ne semble pas encore s'être remis de cette rencontre... Un peu ému par l'évocation de ces temps héroïques, nous faisons nettoyer et fleurissons la dalle de granit sur laquelle on devine les mots : "Gabriel VEYRE, 1871-1936, premier pionnier de la civilisation française au Maroc". |
Notre tour de ville
emprunte ensuite les grandes avenues modernes qui donnent
son visage caractéristique à la cité, juxtaposition
insolite d'Orient et d'Occident. Nous passons notamment
près du palais royal et dans la nouvelle médina, autour de
la place des Habous où nous nous baladons un bon moment.
Longeant enfin la gigantesque mosquée Hassan II en
construction, nous gagnons Anfa et ses luxueux bars
restaurants piscines. Une quinzaine de kilomètres plus loin nous atteignons enfin le village de Dar Bouaza et l'épicerie de Moha. Il nous accueille chaleureusement au sein de sa famille nombreuse. |
Dar Bouazza : l'ancien restaurant La Baie créé par les Jacquier et tenu par Thérèse et Pierre Cambin, maintenant colonie de vacances |
Dar Bouazza : Moha l'épicier et son fils Abdallah |
La matinée est déjà bien avancée lorsque nous nous levons, l'accueil de nos hôtes attentionnés s'étant prolongé assez tard dans la nuit. Moha nous a fait pénétrer dans l'enclos à l'arrière de sa maison où nous avons joui d'un sommeil champêtre au milieu des vaches et des poules. Les deux fils aînés de Moha sont particulièrement sympathiques et désireux de nous aider à réaliser nos plans. Abdallah, le plus âgé, tient la petite épicerie créée par son père tandis que le second "Abdel'ahk" achève ses études secondaires dans un lycée de Casa. |
La journée commence par une visite à la petite maison blanche du Caporal, l'ancien régisseur indigène du grand-père Jacquier. Nous y trouvons seulement sa femme, ce qui remet à plus tard la visite projetée de la casbah pour laquelle il doit nous servir d'introduction. | Dar Bouazza : le Caporal et sa famille posent avec nous, en compagnie de Moha |
Dar Bouazza : ce qui reste du portail du Jack Beach |
Nous allons ensuite prendre
Abdel'ahk à la station service récemment remontée par Moha
(une autre création de l'arrière grand père...). Il nous
emmène visiter le Jack Beach dont il ne reste que des
ruines :... |
les plafonds de stuc
sculpté du club s'effondrent, la grande piscine dans
les rochers est vide, la pompe brisée traîne sur la
piste de danse du restaurant, les jardins sont
dévastés...
|
Les piscines du Jack-Beach |
Quelle pitié et quelle amertume quand on imagine l'animation joyeuse qui dut habiter ces lieux et l'esprit d'entreprise de Jacques Jacquier lorsqu'il développa ce complexe de loisirs... | Dar Bouazza : la scène du restaurant/salle de danse du Jack Beach |
Dar Bouazza : décor du restaurant du Jack Beach |
Dar Bouazza : décor du restaurant du Jack Beach |
Nous reprenons ensuite la grande route jusqu'à Casa où nous cherchons vainement la rue du Dr Veyre aux alentours de la cathédrale. C'est un grand bâtiment moderne tout blanc, élancé mais désaffecté donc vide et mort. | Casablanca : la « cathédrale » du Sacré-Coeur dans les palmiers |
Casablanca, Place Mohammed V avec Abdel'hak |
Puis Abdel'Ahk nous guide à travers les grandes places du centre-ville, tranquilles à l'heure de la sieste, mais remarquables par leur ordonnancement, leurs fontaines et leurs bâtiments moderno-mauresques. Ceux-ci datent des années 30 et sont tout entourés de palmiers et de fleurs. |
Gagnant le Centre 2 000, un nouvel ensemble de boutiques disposées autour d'un jardin fleuri, nous traînons un moment aux abords de l'ancienne médina. J'y escorte de loin Mathieu qui fait systématiquement toutes les boutiques du bazar... Pendant ce temps Monique trouve des écussons du Maroc qui viendront compléter notre collection affichée sur le panneau arrière du camping-car. | Le Casa contemporain... |
Dar Bouazza : les habitations des Carrières |
Nous rentrons un peu tard à Bou Azza; les conversations avec les uns et les autres prennent toute la place et se poursuivent autour d'un tajine partagé en famille, exceptées les femmes retenues à la cuisine ! Nous nous couchons encore fort tard après de longues discussions évoquant le passé... |
Dar Bouazza : le caporal et son fils, Monique et Moha |
Encore un lever tardif... Nous retournons chez le Caporal qui nous accueille très gentiment dans son salon marocain traditionnel : des coussins sur divan courent le long des murs d'une longue pièce blanchie à la chaux, près de la petite cour d'entrée de la maison. Il nous sert le thé à la menthe et commence une longue conversation en arabe où Moha sert d'interprète, évoquant les années passées, la vie sur le domaine au temps du grand-père... Monique lui lit une lettre de sa mère Jehanne, la petite fille qu'il appelait Nanane. |
Il nous emmène ensuite à la casbah. Quelle émotion pour Monique de parcourir la grande allée rectiligne reliant la route à la vieille demeure qui l'avait accueillie quand elle avait juste 4 ans. | Dar Bouazza : la piste menant à la casbah |
Dar Bouazza : portail menant à la casbah |
Le souvenir de "bout du monde" qu'elle constituait alors pour elle est encore présent à sa mémoire, et elle a hâte de revoir le grand patio vitré, de grimper sur la tour d'où l'on aperçoit l'ancien domaine dans toute son ampleur... Mais le nouveau propriétaire est absent, le fils "malade". |
Après une heure d'attente vaine devant les gros murs blanchis à la chaux et fermés d'une massive porte de bois, nous devons renoncer à cette visite tant attendue. Le Caporal tentera une autre fois de la négocier pour le lendemain. | Dar Bouazza : la porte de la casbah |
Dar Bouazza : Monique et Boujemah |
Moha nous accompagne alors chez Boujema, l'ancien chauffeur du grand-père, qui tient absolument à nous rencontrer. Il nous accueille dans un cadre identique à celui du Caporal, puis évoque à nouveau les souvenirs du temps du Protectorat, depuis l'arrivée du Dr Veyre en vapeur à Mazagan en 1906 et sa chevauchée vers Marrakech (où le sultan tenait alors sa cour), jusqu'au départ de Maurice Jacquier en 1956 lorsqu'il dut abandonner le domaine de Bouaza. |
Nous sommes fascinés par ses récits émouvants, rendus encore plus passionnants par son expressivité et sa vivacité. | Dar Bouazza : Boujemah |
Dar Bouazza : le Caporal et sa famille |
Au matin, nous nous retrouvons à 10:00 chez le Caporal pour une ultime tentative de visite à la casbah. Mais celle-ci n'aboutira pas davantage puisque le proprio ne donnera pas signe de vie. |
En attendant le Caporal nous offre le thé, puis un couscous auquel nous touchons à peine : en effet Boujemah nous a convié à un dîner auquel nous nous rendons ensuite vers 12:30. | Dar Bouazza : le Caporal nous offre un premier couscous... |
... avant que Boujemah nous accueille également pour un autre festin ! |
Il nous sert d'abord un tajine superbe auquel nous faisons grand honneur, avant l'arrivée d'un couscous royal que nous n'attendions plus après cette extraordinaire "entrée"... c'en est trop ! Heureusement on prend son temps, et les conversations - traduites par Moha - vont bon train, passant de l'arrivée de Gabriel Veyre à Mazagan à l'assassinat de l'Oncle Eugène à Azemmour, etc... |
Nous rentrons à l'épicerie vers 15:00. Tant bien que mal, nous tâchons de digérer cette délicieuse mais trop abondante nourriture.
Je me retire dans le camping-car, puis vais observer des surfeurs sur la plage tandis que Monique se fait accaparer à l'arrière de la maison par Latifa (la fille aînée de la famille), sa mère et ses cousines venues en visite. | Dar Bouazza : Latifa et Monique en caftan |
Dar Bouazza : Meryam, sa mère, Monique et Latifa |
Le soir, nous dégustons un gratin dauphinois préparé par ces dames sous la supervision de Monique, et nous nous couchons - pour une fois pas trop tard - devant la maison. |
Dar Bouazza : Meryam donne une leçon d'arabe à Juliette... |
Dar Bouazza : Meryam, Juliette et Mathieu et les petits chiens |
Après des adieux émus à tous les membres de la famille, photos et échanges d'adresses, nous retournons à Casa photographier le garage Auto Hall créé par Gabriel Veyre en 1912. | Dar Bouazza: Abdallah, Monique et Ahmed avant le départ |
Casablanca : façade d'Autohall |
Le petit hangar où celui-ci vendait et entretenait les premières Ford qu'il importait directement de Detroit dans les année 1910 est maintenant devenu le plus gros établissement du genre au Maroc.. . |
Le directeur, apprenant qu'il a affaire à l'arrière petite-fille du fondateur, se fait un devoir de nous le faire visiter de fond en comble. Dans la salle du conseil, nous découvrons des photographies et des documents historiques touchants qui relatent les débuts héroïques de l'entreprise.. | Casablanca : sur le toit d'Autohall, Monique et les tracteurs Ford dernier cri... |
Gabriel Veyre à son arrivée au Maroc en 1901 |
Gabriel Veyre et E. Barathon à bord de l'Ancêtre, la Ford T 1911, première voiture importée au Maroc par ses soins |
Casablanca : rue du Dr Veyre près de la cathédrale |
Casablanca : plaque de
la rue du Dr Veyre
|
Ayant fait notre moisson d'images et de souvenirs, nous partons enfin vers le Sud. Petit arrêt à la station service sur la route d'Azemmour où Abdel'hak et Mustapha nous font des adieux un peu tristes... | Dar Bouazza : Moha, Juliette, Abdel'hak et Monique à la station-service |
El Jadida : la darse et les remparts |
La vieille forteresse portugaise a beaucoup d'allure dans son enceinte carrée renforcée de quatre bastions, avec sa citerne voûtée un peu sombre et mystérieuse et ses remparts de pierre ocre dominant la mer. |
El Jadida : la citerne portugaise |
El Jadida : femmes
dans les rues colorées de rose
|
El Jadida : la Porte de la Mer et les remparts tombant dans l'Océan |
Nous en faisons le tour. Les restaurations en cours lui redonneront un peu du lustre ancien que ses rues défoncées et ses maisons décrépites lui avaient fait perdre. Après une vaine tentative pour rejoindre la France par téléphone (l'installation doit dater du Protectorat !), nous reprenons la route côtière vers 18:00. |
Le ciel s'est dégagé pendant la nuit, et la vue sur la lagune, sa plage et sa barre derrière le goulet est superbe. Juliette et Mathieu jouent longuement dans le sable pendant que nous écrivons notre courrier sur la dînette du camping-car avec un panorama de carte postale dans la fenêtre...
Nous repartons vers 13:00 en suivant la côte rocheuse. La route serpente sur la crête, dominant une sorte d'épaulement longeant la mer et couvert de cultures sous serre ou en plein air. Du côté intérieur s'amorcent des étendues semi-désertiques parsemées d'arbres squelettiques et d'arbustes en boules broutés par des chèvres efflanquées. Un phare massif encadré d'un haut mur carré façon fort colonial signale bientôt le cap Bedouza. La route se rapproche de Safi, filant sur de hautes falaises tombant à pic dans l'Atlantique qui les lamine de ses énormes rouleaux et leur fait une large frange d'écume blanche.
On aperçoit de loin le port moderne de Safi. En revanche il faut pénétrer dans les rempart de sa vieille ville pour goûter le pittoresque de ses ruelles que domine son quartier des potiers avec son inévitable souk... Stationnant au pied de l'antique Castelo del Mar implanté ici par les Portugais au XVIème, nous nous lançons dans la foule bigarrée et bruyante envahissant les pavés de la ville close. Ici l'on butte sur l'étal d'un marchand de tapis empiétant sur la chaussée, là on contourne celui d'un herboriste accroupi sur le trottoir, entouré de ses petits sachets odorants...
Le souk des potiers finit par arriver. Nous traînons longuement dans les boutiques offrant au chaland des plats, assiettes, bols et autres pièces variées. Dans l'ensemble la qualité des productions artisanales nous déçoit un peu. | Un souk de potiers authentique |
Safi : four et cigogne... |
En revanche la balade chez les potiers qui travaillent l'argile au tour parmi les fours rougeoyant et fumant dans le crépuscule s'avère très pittoresque. A la nuit tombante, nous gagnons le camping, moderne mais peu soigné... |
Les pluies du printemps ont gonflé les eaux rougies de l'oued Tensift. Nous nous en étonnons en passant le pont et, plus loin, en admirant l'une de des boucles du petit fleuve au milieu des collines. Enfin Essaouira profile au bord de l'océan sa ville blanche enserrée dans ses remparts ocres. | Essaouira : J-P et Juliette sur le belvédère en vue des iles de Mogador |
Essaouira : dans le port des pêcheurs débarquent les prises |
Nous faisons d'abord un tour sur le port coloré, odorant et animé. S'y affairent pêcheurs raccommodant leurs filets, charpentiers réparant ou construisant les robustes bateaux de pêche aux flancs ventrus, tout en bois, typiques de la région. |
Puis nous franchissons la Porte de la Marine pour grimper sur le bastion garni de canons. De là-haut, on découvre tout aussi bien la côte rocheuse très découpée, les îles de Mogador au large et les bateaux mouillés dans le port. Devant les jeux de mouettes sur les créneaux et le long des murs, Juliette ne sait plus où orienter la caméra vidéo... | Essaouira : Porte de la Marine |
Je préfère gagner la skala (plate-forme d'artillerie) de la ville d'où la vue, splendide, s'étend sur l'autre skala (celle du port), l'ensemble des remparts et les îlots rocheux que vient battre l'océan. Le crépuscule jette sur les récifs des lueurs fauves, l'écume jaillit de plus en plus violette... Revenant à l'entrée par les grandes rues rectilignes inhabituelles qui traversent la ville forte, nous allons dormir dans le camping en face de la plage. |
Essaouira :
crépuscule sur la skala du port depuis celle de la
ville
|
51. D'Essaouira à Aglou (Tiznit)
Jeudi 30 mars 1989 : d'ESSAOUIRA
à TARHAZOUTE (près d'AGADIR)
Essaouira : l'avenue de l'Istiqlal, ses souks et sa mosquée côté sud |
Levés relativement tôt sous un ciel superbe, nous retournons en ville en nous séparant : je traverse toute la cité en suivant son axe central (l'avenue de l'Istiqlal) jusqu'à la porte nord (Bab Doukkala). |
Pendant ce temps, Monique et les enfants font à nouveau le tour des boutiques d'ébénistes pour achever leurs multiples achats de cadeaux. Cette liberté inusitée me permet de glaner tout à loisir des images très spontanées de marchands attendant les chalands sur les places et marchés, de petits enfants sortant de l'école et de femmes papotant à la fontaine. | Essaouira : femme à sa fenêtre |
Essaouira : skala de la ville et bastion nord |
Je retourne ensuite à la skala de la ville pour y refaire quelques vues intéressantes sur la mer, les remparts, l'enfilade de canons et la skala du port, mais en plein soleil cette fois-ci. Je croise Monique et les enfants en rentrant; ils poursuivent leurs marchandages tandis que je retourne au camping-car. Au passage, je discute un long moment avec deux jeunes adolescents occupés à polir des objet en loupe de thuya; ils me parlent de leur vie quotidienne laborieuse et de leurs projets scolaires. |
Puis j'utilise les trois précieuses heures solitaires qui suivent à lire et écouter de la musique sans personne pour se plaindre que "c'est trop fort, ça nous dérange, c'est pas beau...".
A 17:15, je vois rentrer mes négociants les bras chargés de paquets. Ils sont ravis de leurs achats et souhaiteraient demeurer encore quelque temps dans cette ville "intéressante"... Après un souper de langoustes dégusté à la terrasse d'un restaurant en plein-air à même le quai du port, nous prenons enfin la route d'Agadir. Elle devient de plus en plus montagneuse lorsque nous passons l'extrémité du Haut-Atlas avec, en milieu de parcours, de superbes échappées sur l'Atlantique. La campagne étale ses chaudes couleurs sous le soleil descendant : vert sombre des arbres, jaune intense des moissons, ciel rosi par le couchant... Malheureusement la nuit tombe bientôt. C'est donc dans l'obscurité que nous faisons les derniers kilomètres d'une très mauvaise route nous menant au camping de Tarhazoute.
Vendredi 31 mars 1989 : de TARHAZOUTE à IMOUZZER des IDA-OUTANANE
Nous approchons bientôt d'Agadir. La belle route en corniche contourne les dernière pentes de l'Atlas au Cap Rhir puis une large courbe passe au dessus du nouveau port très moderne; il a été construit au pied de la colline que surmontait la casbah maintenant détruite. |
Agadir : le port et la plage depuis la casbah |
C'est alors qu'apparaît la ville toute neuve s'étalant sur une pente douce en arrière de l'arc immense de sa plage (6 kilomètres de sable fin). Nous nous rendons d'abord à la poste pour téléphoner puis à la banque, tous bâtiments modernes reconstruits dans un agréable style contemporain après le tremblement de terre catastrophique de 1960. Les rues, rectilignes, se parcourent aisément, des jardins fleuris égaient les places et les avenues tandis que de petits immeubles d'habitation irrégulièrement implantés jalonnent les rues. |
Nous passons ensuite au garage Citroën local prendre rendez-vous pour le changement d'huile et la réparation d'un cognement bizarre dans le train avant droit, là où nous avions frappé un muret en Belgique...
Puis nous rejoignons sur la plage la famille Leroi, les Français en camping-car dont nous avons fait la connaissance à Essaouira. Pendant que les enfants se baignent, nous écrivons notre courrier allongés sur le sable, avant de retourner faire réparer le camion. L'addition est plutôt salée (63 $ !) pour une vidange et une intervention sous garantie... Mais surtout elle nous semble fort longue puisque nous quittons l'atelier seulement vers 17:30. | Agadir : la plage et la casbah depuis la plage |
Route d'Imouzzer : maison en terre et palmiers... |
Accompagnés de
Geneviève et Max Leroi qui ont décidé de nous suivre dans
notre périple du Sud marocain, nous prenons la direction
d'Imouzzer au pays des Ida Outanane, une excursion de 64
kilomètres recommandée par le Guide Vert. |
Gorge de l'asif n'Tarhat |
Route d'Imouzzer : bougainvillier |
La montagne est superbe et la gorge de l'asif n'Tarhat sauvage et exotique à souhait avec ses rochers rouges, son eau verte et ses palmiers. La route, étroite mais pas trop mauvaise, monte en tournicotant continuellement jusqu'à quitter les hautes murailles encaissées de la vallée.
On accède alors à un plateau où se succèdent des petites palmeraies entourant des hameaux de maisons de pierres aux toits plats. Malheureusement le soir tombe et c'est dans l'obscurité complète que nous atteignons le village d'Imouzzer à 1 060 mètres d'altitude par un chemin très resserré et défoncé. | Vallée d'Imouzzer des Ida-Outanane |
Imouzzer : les camping-cars Pilote au matin devant la Résidence |
Aimablement accueillis par un soldat, nous stationnons nos deux camping-cars Pilote devant la Résidence (siège du gouvernement local assorti d'une caserne). |
Au matin, nous descendons dans la haute vallée suspendue en dévalant une longue rampe dont les lacets mènent à la palmeraie. | Village dans la vallée d'Imouzzer |
La cascade d'Imouzzer
La cascade d'Imouzzer |
Les cascades, but de l'excursion, manquent un peu d'eau... |
...mais le cirque montagneux qui les entoure est magnifique avec sa verdure et ses terres rouges ou ocres. | La
cascade d'Imouzzer
|
Imouzzer : le chaos dans la vallée |
Imouzzer : la rivière dans le vallon |
Imouzzer : la rivière dans le vallon |
Jolies vues du chaos au pied de la falaise et de l'oued en aval ombragé par les oliviers et les amandiers. |
Sur le chemin du retour, on jouit
de grandioses panoramas sur les montagnes avant de
s'enfoncer dans les gorges, un extraordinaire lacis de
rochers rouges et à-pic. La route y longe un mince filet
d'eau serpentant entre les dalles blanches pavant le fond
du torrent et les lauriers roses en fleurs.
Plusieurs petits villages sont
accrochés aux pentes, tout bruns parmi les palmiers.
L'oued s'élargit un peu et, au détour d'un virage, nous
apercevons deux femmes berbères en costume coloré typique
occupées à y faire la lessive, accroupies dans une flaque
sous les palmiers et au milieu des fleurs...
|
Route d'Imouzzer : le torrent et les lauriers roses sur les pierres rouges |
Gorge de l'asif n'Tarhat |
Rencontre sympathique le
long de la route d'Imouzzer
|
Lauriers roses au bord de la rivière sur la route d'Imouzzer |
Laurier rose au bord de
la rivière sur la route d'imouzzer
|
En rentrant à Agadir, nous montons déjeuner devant la casbah. Ainsi dénomme-t-on la vieille ville fortifiée entièrement rasée par le tremblement de terre de 1960. Lorsqu'on passe l'ancienne porte, la vue de l'espace désert et nivelé entre les murailles seules conservées émeut par l'évocation des 20 000 victimes qui y furent enterrées vives en quelques secondes. De l'autre côté du seuil, un vaste panorama se déploie sur le port et la ville blanche trouée de grands espaces verts, ourlée par le ruban blond de la plage. Au delà s'étend la plaine du Sous bornée au loin par la masse grise de l'Anti-Atlas (que nous franchirons plus tard). Au nord le Haut-Atlas (passé l'avant-veille) s'annonce par ses contreforts piqués d'arganiers. L'ensemble est superbe et tout chargé d'émotion. Pas étonnant alors que Monique, scandalisée par l'impudence des vendeurs de toute sorte, au mépris du respect dû à cette immense nécropole, provoque un petit attroupement lorsqu'elle réclame un peu plus d'égards pour ceux qui vécurent et reposent ici...
Casbah sur la route de Tafraoute |
Nous prenons ensuite la direction de Tafraoute par la R105. La route file d'abord toute droite dans la plaine, parmi les champs de céréales déjà mûries et dorées par le soleil, puis elle s'élève rapidement en un relief accusé. |
Les vallées profondes sont peu habitées et les pentes dénudées semées d'arganiers où paissent les chèvres grimpées dans leurs basses branches. | Chèvres noires dans un arganier |
Vallée en approchant de Tafraoute |
A l'horizon les montagnes prennent des teintes violettes avec le soir qui approche. Monique, qui a pris le volant pour me laisser filmer, est pressée d'arriver avant la nuit. En passant assez vite un lit d'oued à sec mais mal remblayé, elle percute violemment le carter dont l'huile commence à fuir... |
Peu après l'aiguille du thermomètre d'eau grimpe dans le rouge tandis que le voyant du manomètre d'huile se met à clignoter.... et nous sommes en plein désert ! On s'arrête à mi-côte pour laisser au moteur le temps de refroidir et y verser les fonds de bidons d'huile retrouvés dans les soutes, puis on repart à petite vitesse, appréciant la compagnie rassurante de l'autre équipage... | Crépuscule sur la vallée en approchant de Tafraoute |
C'est assez stressés et embêtés que nous arrivons dans la nuit à Tafraoute, quelques kilomètres plus loin. Nous allons nous installer directement dans le petit camping bien tenu, laissant au lendemain le souci de réparer l'avarie.
Tafraoute : le Doigt |
Le matin venu, je constate avec soulagement que nous avons finalement perdu peu d'huile, mais aussi que le paysage de rochers rouges autour de nous défie l'imagination par ses couleurs toutes minérales et son aspect tourmenté. |
Rochers près de Tafraoute |
Rochers au-dessus de Tafraoute : le Doigt |
Cependant, avant de jouer les touristes, il faut remettre notre moteur en état d'affronter la suite d'une route exigeante. Nous perdons alors 3 heures à trouver un garagiste, nous entendre avec lui sur le prix de ses services, lui faire démonter la plaque du carter, puis en ressouder et en colmater les deux fentes. |
Enfin, vers midi, nous
répétons au grand soleil le parcours effectué hier soir dans
la pénombre, les yeux rivés sur la route pour tenter de
retrouver le bouchon de remplissage d'huile qui a disparu
dans l'incident. Peine perdue... La région est vraiment magnifique. Un petit détour sur la route d'Aït Abdellah nous plonge dans de grandioses paysages de montagnes dorées coupées d'abruptes vallées vert tendre, barrées de villages couleur terre (la Vallée des Ammelnes). |
Route R105 dans la vallée des Almennes vers Ait Abdellah |
Village de la vallée des Almennes |
Passant à nouveau par Tafraoute, nous nous arrêtons pour déjeuner à Adaï au milieu des champs de céréales, entourés par d'extraordinaires rochers rouges et nous abritant sous les palmiers d'un soleil déjà très chaud. |
Nous fêtons les dix ans de Juliette dans ce paysage exotique inoubliable. La boite de terrine de lièvre dégustée ce midi-là servira à limiter les débordements d'huile de notre moteur pour les semaines à venir... | Maisons accrochées aux
rochers près de Tafraoute
|
Le Grand Hôtel de Tafraoute |
Nous serpentons ensuite longtemps dans la montagne avant d'atteindre la plaine et, tout au bout, Tiznit. |
Entre Tafraoute et Tizni t, Monique monte dans l'autre camping-car et me filme au volant du nôtre, enfilant les virages de la route de montagne (R104). Elle fait aussi de longs plans intéressants à Tirhmi où les gens attendent l'autobus sur la place centrale, avant que nous franchissions le dernier col au milieu des nuages. | En sortant la kesta du four à pain |
Dans la vallée assez riante que nous traversons ensuite, Monique distribue des bonbons à un groupe d'enfants jouant au bord de la route. Mal lui en prend car elle se fait griffer les mains et les bras tant ils se bousculent, agglutinés à la fenêtre du camping-car... | Femme bebère et son bébé |
Monique sur la plage d'Aglou au crépuscule |
Contournant les remparts de Tiznit en fin d'après-midi, nous filons jusqu'à la plage d'Aglou. Au pied des derniers contreforts de l'Anti-Atlas, le soleil se couche au milieu des roches parsemant la grève de sable. |
Nous nous installons pour un camping sauvage et sans surprise sur la digue à 20 mètres de la mer, toujours en compagnie de Max, Geneviève et leurs deux enfants dans leur Pilote 450. | Juliette et Stéphane s'ébattent sur la plage d'Aglou |
Après avoir été réveillés par la pluie, nous découvrons à 8:00 un soleil brillant qui réchauffe les couleurs de l'immense paysage. Nous retournons à Tiznit par la route droite et rapide, puis virons plein sud vers Goulimine, "la porte du Sahara". | La plage d'Aglou au matin |
Col de Tizi-Mighert : troupeau de moutons er de chèvres |
Le chemin plat continue un moment avant que l'on escalade le col de Tizi Mighert. De là-haut (1 057 m), la vue s'étend au loin sur la plaine semée de céréales dorées et sur les pentes alentour, dénudées et piquetées d'arganiers. Ensuite une route de plateau, sinueuse jusqu'à Bou Izakarn, nous entraîne dans une vive descente le long de la gorge d'un oued rougi par la pluie. |
Elle se poursuit dans une très large vallée semi-désertique (sable rouge semé de buissons) qui rappelle le nord du Mexique. | En route vers Goulimine |
Le vieux Goulimine, « Porte du Sahara » |
Au bout se trouve Goulimine, ville au bord du désert dont le seul intérêt notable est l'ambiance particulière qui se dégage de ses maisons toutes peintes ocre-rose. |
Nous poussons jusqu'à la petite oasis d'Aït Boukha. Après un pique-nique rapide en face de l'école, nous partons faire une balade à pied dans les chemins étroits bordés de murs de pisé. | Oasis d'Aït Boukha |
Dans les ruelles d'Aït Boukha |
Deux enfants nous accompagnent et nous guident dans ce dédale ombragé de multiples palmiers. De minuscules champs irrigués alternent avec des petits pâturages (vaches efflanquées et chèvres...), entourant des maisons basses en terre fermées d'une énorme porte de bois renforcée. |
De retour au camping-car, nous reprenons la route de Goulimine où la pluie devient menaçante. Nous parcourons rapidement les 108 kilomètres qui nous séparent de Tiznit, un peu déçus par cette incursion dans un sud qui nous aura finalement peu apporté et peu montré. Ici aussi il aura fallu éviter les "guides" harcelants qui nous ont escorté en pétrolette dès l'entrée de la ville, insistant pour nous faire visiter un mythique "marché aux chameaux fréquenté par les Hommes Bleus du désert". La supercherie est tellement grosse qu'elle figure en toutes lettres, assortie d'une mise en garde, dans le Guide du Routard... | Le marché aux chameaux de Goulimine |
Désert de sable et océan sur la côte au sud de Goulimine |
D'autre part les paysages monotones et plats nous ont paru manquer d'intensité par rapport à ceux que nous avons déjà vus dans les différentes massifs de l'Atlas. |
A Tiznit, nous entreprenons de faire le tour sur les remparts suggéré par le Guide Vert, mais l'environnement est tellement moche que nous nous retrouvons bien vite sur la grande place du méchouar. | Porte dans le rempart de Tiznit |
Une belle porte cloutée de Tiznit |
Je reste à m'y reposer et écrire tandis que Monique et Juliette se dirigent vers le souk des bijoutiers. Las, il se met à pleuvoir à verse lorsqu'elles l'atteignent et, battant en retraite, elles reviennent en courant à la "maison". Ce sera ensuite une randonnée rapide sur la grande route, dans la pluie et l'obscurité croissante jusqu'à Aït Melloul près d'Agadir. |
La vaste plaine est de plus en plus cultivée au fur et à mesure que nous montons vers le nord. Dans la nuit maintenant établie, nous prenons la direction de Taroudant. Après 30 km de recherche d'un point de chute acceptable sur une route rendue dangereuse par les cyclistes, piétons, carioles et autres voyageurs imprudents et non éclairés, nous allons stationner au calme entre l'Annexe et la gendarmerie d'Ouled Telma.
Réveil à 5:00 par "Radio-Minaret", comme dit Max,
le chauffeur du Pilote jumeau du nôtre qui continue de nous
accompagner. Si au moins les appels des muezzins des différentes
mosquées étaient synchronisés... Le temps est superbe jusqu'à
Taroudant où nous cherchons la poste puis la banque dans la ville
nouvelle nichée au milieu des jardins. Nous sommes dans la vallée
de l'oued Sous, riche et riante, et l'état de la ville - plates
bandes soignées, superbes remparts ceignant la cité... - comme
l'intense activité qui y règne, témoignent de la prospérité de
cette région.
Nous franchissons bientôt les murs par la porte monumentale pour gagner la place Talmoklate où nous stationnons. | Remparts de Taroudant |
Taroudant : place Asarak
Nous traînons ensuite un long moment dans le souk rempli d'épices, de quincailleries, de poteries, d'échoppes d'artisans menuisiers... |
Taroudant : les épices du marché |
Puis nous reprenons la route remontant la vallée jusqu'à Zaouia, l'embranchement sur la route R203 franchissant le Tizi n'Test. | Oued dans les collines en quittant Taroudant vers le Tizi n'Test |
Notre Pilote franchit un gué sur la route du Tizi'n Test |
Radier sur la route du Tizi'n Test |
Oued sur la route du Tizi n'Test |
La voie rapide N10 est encadrée du côté nord par les cimes élevées du Haut-Atlas - que nous nous préparons à franchir - et du côté sud par les pentes plus douces de l'Anti-Atlas - estompées par la distance - que nous avons traversé hier. |
Hélas le ciel se charge progressivement. Lorsque nous attaquons les premiers lacets sur les contreforts de la montagne, une petite pluie fine se met de la partie tandis que le soleil disparaît. Quel dommage ! | Notre Pilote sur la route du Tizi n'Test |
Hameau dans la montagne enneigée |
Si la chaussée est loin d'être en bon état, les paysages de grande nature sont en revanche de première catégorie : pentes abruptes, vertigineux précipices, perspectives à couper le souffle. |
Amandiers en fleurs |
Femme à la fenêtre avec son bébé |
Le rouge grenat des rocs et le vert tendre de la végétation chantent autour de nous, vaguement estompés par l'humidité ambiante. | Ferme dans le Tizi'n Test |
Route du Tizi n'Test |
Notre vaillant petit diesel grimpe sans s'essouffler ni chauffer, maintenant que j'ai renforcé les fusibles des ventilateurs avec de l'aluminium ménager... Nous atteignons ainsi la base des nuages. |
Nous retrouvons un temps plus clément quelques centaines de mètres plus bas, ce qui permet des plans vidéo intéressants sur les vallées à grande perspective, les villages de terre accrochés aux pentes et les casbahs fortifiées plus ou moins en ruines. | Oued et ksar perché sur une éminence |
Douar accroché à la pente |
Douar perché sur la route du Tizi n'Test |
Évitant les ornières, les nids de poule et les roches tombées sur la route, franchissant flaques d'eau rouge et lits d'oueds dans de grands éclaboussements, nous descendons rapidement jusqu'à Ouirgane. | Notre Pilote passe un ponceau sur la route du Tizi n'Test |
Ouirgane : l'auberge du « Sanglier qui fume |
Nous nous arrêtons à la
fameuse auberge du "Sanglier qui fume" où l'on nous
accueille chaleureusement. Nous y prenons le souper en
compagnie de Max, Geneviève et leurs deux garçons qui nous
quittent pour rentrer vers la France en gagnant dès ce
soir Marrakech. Nous nous séparons avec regrets de ces bons compagnons de route dont le Pilote jumeau du nôtre nous suivait depuis Essaouira. Quant à nous, nous nous endormons dans l'enceinte de l'auberge sous une pluie battante. |
Lorsque nous nous éveillons, le temps est superbe, le ciel bleu entièrement dégagé, l'air clair et léger. Nous décidons rapidement de refaire la route en sens inverse pour profiter des paysages magnifiques que nous n'avons qu'entrevus dans la grisaille d'hier. Juliette filme les animaux gardés dans le jardin du "Sanglier" (cigogne, chiens, oiseaux... et, bien sûr, sanglier) pendant que nous mettons tout en ordre. | Dans le jardin de l'auberge |
En remontant vers le Tizi n'Test |
A 9:30, nous commençons à remonter la vallée de l'oued Nfiss. Les couleurs sont bien différentes de celles de la veille : le sol et les rochers qui nous paraissaient rouges ont repris leur teinte brun terre-cuite maintenant qu'ils ont séché, et le vert des céréales semble plus tendre et plus vif. | Douar sous le soleil |
L'eau de l'oued brille sous les reflets du soleil et les hautes pentes ravinées de la vallée adoptent un profil de plus en plus accusé à mesure que nous montons. La route en corniche accompagne longuement les circonvolutions de la rivière, ménageant des vues saisissantes sur son cours et sur les villages terreux campés sur les éperons. | En remontant vers le Tizi n'Test, J-P filme le paysage |
Le magnifique paysage de montagnes sous le soleil |
Le cognement rythmé de notre petit diesel nous fait gagner petit à petit un grand cirque magnifiquement encadré par les cimes maintenant blanchies de la montagne. |
A chaque arrêt pour prendre une photo, nous sommes assaillis par des nuées de gamins qui se précipitent pour quémander en récitant la litanie maintenant coutumière des "boumboum" (bonbons), stylo, dirham, etc... Cela finit par être agaçant, d'autant plus que ces mouflets ne connaissent pas un traître mot de français en dehors de ceux-ci, et qu'ils sont insatiables... | Maison de terre en bord de route |
Notre Pilote traverse l'oued dans la vallée |
Entre Ouirgane et Asni, la chaussée est encore plus défoncée si c'est possible. Aussi, lassés de ces 200 km de difficile route de montagne, nous gagnons sans détour Marrakech dans sa plaine pour aller nous écraser dans le camping municipal. |
Palmeraie de Marrakech
53. Marrakech et ses environs
Marrakech : Avenue de Gueliz, Koutoubia et Atlas enneigé |
Nous nous levons fort tard et je passe une bonne partie de la matinée à laver le coffre à eau plein d'un dépôt minéral rouge, souvenir du dernier plein à la fontaine rustique du "Sanglier" dans la montagne près de Ouirgane. Puis je colmate les fuites du lavabo de la salle de bain pendant que Monique fait un peu de lavage et que les enfants traînent dans le camping en quête de camarades de jeu. |
Vers 13:00, enfin nous partons en ville. En passant devant la Poste, Monique rejoint par téléphone sa mère qui lui confirme les réservations de nos billets de retour au Canada (dans 3 mois déjà...). Puis nous gagnons Bab Aguenaou et, de là, les Tombeaux Saadiens : la mosquée d'El Mansour qui les précède ne manque pas d'allure avec son minaret décoré de faïences et ses grandes arcades blanches... | Marrakech : le minaret de la Koutoubia |
Nous finissons la soirée par un tour sur la place Djema el Fna; beaucoup d'animation, mais le pittoresque sent le touriste, et pas moyen de sortir la vidéo sans se faire arnaquer. C'est avec soulagement que je retrouve le calme du camping, un peu déçu par le côté "piège à touristes" de la ville. | Marrakech : montreurs de serpents sur la Place Djema-El-Fna |
Marrakech : montreur de serpents sur la Place Djema-El-Fna |
Marrakech : danseurs sur la Place Djema-El-Fna |
Après un réveil un peu plus
matinal que la veille, nous quittons le camping pour
tenter de retrouver le "voyageur mal pris" auquel nous
avions prêté 200,00 dirhams à Rabat. L'adresse qu'il nous avait donné correspond à un terrain vague... |
Balade dans le vieux Marrakech : autour de la Koutoubia |
Marrakech : soir sur la Menara |
Nous n'insistons pas et allons plutôt visiter la Menara, élégant pavillon au centre d'un joli petit jardin lui-même entouré d'un vaste verger, se mirant dans une grande pièce d'eau carrée dénuée de caractère. Le décor du pavillon, "folie" d'un ancien sultan du Maroc, est soigné. |
Mais surtout l'environnement d'oliviers et d'orangers, avec les montagnes enneigées du Haut-Atlas en toile de fond, suscite un agréable sentiment de calme et de repos. | Marrakech : la Menara et l'Atlas enneigé |
Marrakech : porte entre deux
quartiers
|
|
Après un tour du Méchouar et des remparts sud en camping-car provoquant quelques moments stressants vu la circulation intense et désordonnée, nous allons stationner sur la place Djema El Fna. La rédaction du courrier est l'occasion de prendre une pause, avant que nous nous enfoncions dans le souk de la médina. | Marrakech : ombres dans le souk Semmarine |
Marrakech : dans le souk des dinandiers |
Bain de foule, de poussière, de couleurs, d'odeurs, d'"achalage" aussi (mais on finit par s'y habituer...). Les produits sont plus variés mais aussi plus chers que dans les autres marchés indigènes déjà visités. Aussi Monique y fera-t-elle peu d'achats, même si nous déambulons plus de trois heures dans ce dédale avant de retrouver notre "home". |
Marrakech : à l'abreuvoir... |
Marrakech : à l'ombre dans le souk Semmarine |
En quittant Marrakech pour Asni |
Quittant la grande ville impériale, nous gagnons alors Asni sous le soleil descendant dans l'intention d'y assister tôt demain matin au marché du samedi. Ce spectacle haut en couleur nous a été chaudement recommandé par nos amis Leroi. Mais lorsque nous arrivons sur place, nous n'arrivons pas à franchir le portique de l'Auberge de Jeunesse pour passer la nuit dans sa cour. Nous allons donc chercher un stationnement gardé à 5 km de là, au centre du village de Moulay Brahim. |
Le bourg de Moulay Brahim, accroché à flanc de montagne, manque totalement de caractère, à part quelques belles vues sur la gorge depuis le chemin en corniche qui s'y rend. En revanche, comme dortoir on peut difficilement trouver pire : musique religieuse et prêche (?) diffusé plein pot par le café juste en dessous du stationnement jusqu'à 2:00 du matin puis, aux deux heures, exhortations du muezzin (?) qui fait le tour du village à dos d'âne... Il est vrai que nous sommes le premier jour du Ramadan, mais de là à ne pas fermer l'oeil de la nuit...
Vers 9:30 nous sommes sur le marché rural d'Asni : le pittoresque est au rendez-vous, sans simagrées pour les étrangers comme à Marrakech. On y découvre aussi le plus gros parking d'ânes jamais vu et, volant sur toute la scène, une poussière virevoltante qui masque parfois les cimes enneigées du Jbel Toubkal. | Marché d'Asni : le stationnement des ânes... |
Marché d'Asni: le souk aux babouches |
Les paysans montagnards sont venus échanger leurs productions, des marchands ambulants proposent bijoux et autres objets, un forgeron fabrique à la demande ou répare les objets hétéroclites qu'on lui apporte sur une petite forge portative actionnée par un gamin... |
Marché d'Asni: sous les bâches en lambeaux... |
Marché d'Asni:
marchand de légumes
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Depuis le marché d'Asni, en route vers Imlil |
Éternuant et pleurant en réaction à la poussière, rassasiés d'images typiques, nous reprenons le camping-car pour 17 kilomètres de piste jusqu'aux gorges d'Imlil. |
Le massif du Jbel toubkal en allant vers Imlil |
Le hameau sert de camp de base aux alpinistes entreprenant l'ascension du Jbel Toubkal (4 167 m), le plus haut sommet d'Afrique du Nord. |
Hélas, la route n'est goudronnée que sur 10 kilomètres, et c'est en cahotant à 10 km/h sur un chemin complètement défoncé, manquant rester pris dans le cours d'un oued non bétonné, que nous atteignons le hameau (1 740 m). | Asni : la casbah et l'Oukaimeden |
L'oued en allant vers Imlil |
La vue sur le torrent rapide et l'énorme masse de la montagne en arrière donne l'occasion d'une photo originale, mais était-ce une raison suffisante pour subir le martyr de cette piste ? |
Il fait très chaud à Marrakech lorsque nous y retournons. Aussi gagnons-nous immédiatement le palais de la Bahia où nous trouvons calme et fraîcheur dans ses cours-jardins et dans ses salles plaquées d'élégantes zelliges, surmontées de richissimes plafonds de cèdre superbement décorés. Lyautey eut le bon goût d'y installer sa Résidence... | Marrakech : salon du palais de la Bahia |
Marrakech : salon de Dar Si Said |
Marrakech : cour du palais de la Bahia |
En sortant, nous reprenons le camping-car pour achever le tour des remparts commencé avant-hier. La terrasse de Bab Debbarh étant fermée au public, nous ne pouvons contempler le quartier des tanneurs comme nous l'espérions. | Marrakech : le quartier des tanneurs |
Les palmiers de Marrakech, le minaret de la Koutoubia et l'Atlas enneigé |
En revanche nous pénétrons loin dans le jardin de l'Aguedal, un immense verger contenant deux vastes bassins dont nous faisons le tour sous la chaude lumière du soleil descendant. Le site offre une jolie vue sur la ville d'un côté et les montagnes qui se devinent dans la brume de l'autre. Lorsque nous rentrons vers notre camping à Gueliz, les remparts nous apparaissent fantastiques, dorés par le soleil couchant sur fond d'Atlas enneigé, ultime vision de l'illustre cité avant que nous n'allions nous installer au calme pour la nuit... |
Marrakech : souk des dinandiers |
Marrakech : dans le souk des teinturiers |
Mon bilan sur Marrakech : de beaux
monuments, mais en assez triste état; beaucoup de points
d'intérêts, mais assez mal mis en valeur et dont plusieurs
parties sont devenues inaccessibles; un milieu humain stimulant,
mais qui exploite le touriste de façon éhontée à tel point que
l'on devient dur, plein de méfiance et de réserve face à un
ensemble de gens pourtant chaleureux. S'il n'y avait le
merveilleux environnement naturel, on aurait souvent le goût de
laisser tous ces arnaqueurs à leurs magouilles sans intention de
revenir jamais...
54. Virée dans la Vallée du Draa
Après un dernier
regard à ses étonnants remparts, nous quittons Marrakech sous un
soleil radieux. Nous finissons par dénicher la route du Tizi'n
Tichka. Elle franchit d'abord 40 kilomètres de plaine, riche
lorsqu'elle est convenablement irriguée, puis elle entre en pays
glaoua de plus en plus accidenté.
Route du Tiz n'Tichka : maison en blocs de pierre rouge |
De nombreux villages de pierre rouge aux toits de pisé s'empilent sur les pentes, de larges vallées ouvrent de vastes perspectives à travers la montagne. |
Tout le long de la route, les marchands de minéraux, de cristaux et d'améthystes tentent de nous attirer à leur stand. Monique finit par succomber, ce qui nous amènera à faire de nombreux arrêts avant d'atteindre le col. | En montant le Tizi n'Tichka, stand de minéraux saupoudré de neige... |
La route redescend
ensuite par de longues courbes longeant la vallée de l'asif
Imini. Hautes pentes désertiques d'éboulis rougeâtres. La neige
suivie de pluie cesse bientôt, mais le soleil demeure caché, ce
qui éteint un peu les verts tendres des fonds de vallée et les
rouge grenat des montagnes environnantes.
Maison montagnarde de pierre rouge |
Les villages sont maintenant tout construits de terre rouge et se confondent complètement avec les pentes qu'ils épousent. A Irherm, coup d'oeil à l'original grenier collectif malheureusement en fort mauvais état; nous continuons de descendre... |
Enfin, vers Tisseldei, le terrain devient presque plat lorsque nous abordons les paysages désertiques du sud-est marocain. |
Tizi N'Tichka :
moussem d'Imlchil
|
Vallée desMille Casbahs... |
Notre itinéraire est maintenant ponctué d'oasis et de ksars (fermes fortifiées) entourés de palmiers sous lesquels poussent de minuscules champs de céréales irrigués et verts. Nous ratons le détour menant au fameux village d'Aït Benhadou. En revanche le point de vue sur Tikkirt, son oasis et ses ksours sur fond lointain de montagnes nous impressionne beaucoup. |
Tizi n'Tichka : fileuse
Nous filons enfin à travers la khela (plateau aride) jusqu'à Ouarzazate, ville corridor entourée d'oasis que nous dépassons jusqu'à son petit camping très agréable. On nous y sert un excellent couscous-tajine moins cher qu'un repas au Mac Donald, et en "drive in", s'il vous plaît ! mais après le coucher du soleil, ramadan oblige... | Peu avant
Ouarzazate, la casbah de Tifoultoute
|
Ouarzazate :
la casbah de Taourirt
|
Durant la nuit et la matinée, un vent terrible fait virevolter la poussière présente un peu partout. Nous décollons assez tard pour aller voir la casbah de Taourirt. |
On trouve quelques jolis plafonds et murs décorés dans cette ancienne demeure du Glaoui, un seigneur local qui étendit sa zone d'influence sur une grande partie du Maroc jusqu'à sa disgrâce en 1956. |
Casbah de Taourirt à Ouarzazate : décor dans une chambre |
Casbah de Taourirt à Ouarzazate |
Mais la restauration en cours ne laisse que quelques pièces ouvertes aux visiteurs... |
Nous bifurquons alors vers le sud pour faire l'excursion de la vallée du Draa, Direction : Zagora. La route traverse d'abord la montagne jusqu'à Agdz, avec d'extraordinaires plissements et traces d'érosion zébrant les pentes. Mathieu n'en verra rien puisque, fiévreux, il dort dans la capucine. | Vallée du Draa en approchant Agdz |
Vallée du Draa |
Puis nous rejoignons le Draa dont nous longeons le cours. La large rivière (en cette saison !) aux eaux claires étale ses boucles paresseuses au fond d'une vaste vallée. |
Nous rencontrons une suite ininterrompue de ksours et de casbahs en pisé rouge-brun dispersés dans la palmeraie, elle-même longeant les rives du cours d'eau. On s'arrête souvent pour filmer ces extraordinaires paysages étalant leurs motifs hyper-exotiques sur fond de montagnes violettes... | Ksar dans la Vallée du Draa |
Le Jbel Zagora depuis son sommet jumeau |
Arrivés à Zagora, nous traversons la petite ville écrasée sous le soleil et gagnons directement le Camping de la Montagne, juste au pied du Jbel pyramidal. Nous y discutons longuement avec deux couples de retraités en Hymermobil : même opinion du pays (magnifique !) et de ses habitants (trop souvent désagréables !). Coucher tranquille au son des grenouilles coassant dans la palmeraie toute proche. Ce camping s'avère être un petit paradis de tranquillité et de propreté; il faut souligner aussi l'honnêteté de son gérant qui tient absolument à nous remettre quelques cents qu'il juge être un trop dû. |
Vers 10:00, nous partons en direction de M'Hamid. La vallée continue d'être superbe avec ses oasis semées le long du cours du Draa, ses palmiers entourés de céréales vert vif, ses petites fermes fortifiées présentant leurs murs de terre rouge clos sur l'extérieur... A Tamegroute, nous visitons la bibliothèque coranique, sans grand intérêt intrinsèque (les enluminures sont très mal présentées et à peine visibles). Mais il vaut la peine de voir la zaouia voisine où des pèlerins viennent faire guérir on ne sait quels maux. Désoeuvrés, ils traînent sur les galeries, attendant un improbable miracle... | Vallée du
Draa : village en allant vers Mahmid
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Vers le camping des Sables d'Or |
Une piste cahoteuse qui s'éloigne un peu de la route Zagora-M'Hamid au kilomètre 61 nous mène à des dunes superbes au milieu desquelles s'est installé le "Camping des Sables d'Or". Comme ce sera probablement la seule occasion qui nous sera donnée de voir de près un "vrai" désert de sable, nous laissons le camping-car en terrain sûr et nous avançons à pied jusqu'à la dune. |
Les grains minuscules et brûlants s'insinuent entre les lanières de nos sandales, la lumière et la chaleur, implacables et réverbérées par le sol presque blanc, nous éblouissent et nous assaillent irrésistiblement. Quel contraste avec la tiédeur et la douceur de l'oasis à deux pas ! Si c'est à cela que ressemble le "vrai" désert, quelle expérience éprouvante mais aussi envoûtante... | Sur la dune... |
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Dans une oasis de la vallée du Draa |
Faisant demi-tour au moment où le mauvais asphalte de la route commence à disparaître sous le sable, nous repassons par les mêmes oasis avec leurs murs de terre rouge et leurs ksours, filmant intégralement notre traversée du village d'Oulad Driss. |
Nous rallions enfin
Zagora au coucher du soleil. J'escalade alors à mi-pente les
éboulis à-pic du Jbel Zagora pour voir le soleil disparaître
derrière la palmeraie et la boucle du Draa. La nuit, chaude, est
fort reposante dans le calme de ce charmant petit camping visité
pour la seconde fois.
Mathieu se réveille
en assez mauvais état (fièvre de 39°C, toux et rhume). Après
administration d'un fébrifuge qui l'endort, nous demeurons donc
un long moment à l'ombre des grands arbres dans le petit enclos
au pied du Jbel Zagora. Il fait très sec et chaud. Pendant que
je bricole la vanne de la toilette (encore brisée !) et bouche
l'entrée d'air du chauffage sous le camion (une vraie trappe à
poussière...), Monique fait le ménage et s'attaque au courrier.
Vers 14:30, nous repartons en direction de Ouarzazate.
Arrêt à la gendarmerie de Zagora puis à celle d'Agz pour nous plaindre du comportement des enfants lanceurs de pierre, et d'un autobus qui nous a doublés en nous faisant une véritable queue de poisson. Ces autochtones commencent à sérieusement nous exaspérer, aussi sommes-nous à bout de nerfs lorsque nous arrivons au camping de Ouarzazate après une heure de route de nuit. Pourtant, comme les paysages sont beaux, surtout dans la lumière chaude du soir qui rougit plus encore les murs de terre des maisons et violace les montagnes en arrière plan ! | Vallée du Draa
: oasis au pied du ksar
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Retour vers Ouarzazate |
Tifoultoute : la casbah au-dessus de l'Oued Asif Tidith |
En quittant le camping de Ouarzazate, toujours aussi agréable, nous allons visiter la casbah de Tifoultoute qui domine, altière, son rocher au dessus de l'oued. Depuis la terrasse où une famille de cigognes a fait son nid, on jouit d'une vue panoramique sur la vallée de l'Asif Tidih et sur la ville au loin. |
Nous poussons jusqu'à Aït Ben Haddou, un autre village de pisé rouge peuplé de vieilles casbahs et de ksours antiques campé sur l'autre rive de son oued. | Aït Ben Haddou : Juliette au-dessus de l'oued séparant de la ville morte |
Les murs d'Aït Ben Haddou s'étageant au-dessus de l'oued |
Nous l'admirons de loin
sans traverser le gué, voulant éviter de nous faire
arnaquer encore une fois par les passeurs à dos de mulets.
Cela ne m'empêche pas de devoir protester devant le billet
de stationnement (imprimé, s'il vous plaît !) que me tend
un gamin au moment de quitter le grand terrain vague où
j'avais laissé le camping-car... |
Aït Ben Haddou : Monique au-dessus de l'oued séparant de la ville morte |
Nous empruntons ensuite la "route des Mille Casbahs" (N10), suite d'oasis égrenées dans un paysage plus ou moins désertique. Tout au long, les hautes pyramides tronquées des tours des casbahs pointent leur pisé rouge incisé d'élégants dessins géométriques au dessus des frondaisons verdoyantes des palmiers. | Vallée des Mille casbahs : ksars, palmiers et montagnes en arrière plan près de Skoura |
Vallée des Mille Casbah : le ksar de Tamdagt |
Vallée des
Mille Casbahs
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Dans la casbah |
En approchant
de la casbah...
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Nous arrêtons pour déjeuner au bord de la route à Skoura. |
L'une des casbahs de Skoura |
Fillettes allant au puits devant la palmeraie de Skoura |
C'est l'occasion d'y filmer des casbahs enfouies dans la verdure, des fillettes emplissant leurs jarres de terre cuite au puits et la palmeraie sur fond de cimes enneigées étincelantes. |
Les mêmes paysages grandioses et monuments plus ou moins en ruines nous accompagnent sur les 130 kilomètres menant jusqu'à Tinerhir. Entre les bourgades, on passe de grandes sections semi-désertiques où des troupeaux de chameaux et de moutons pâturent une herbe rare, gardés par des bergers avides. Il faut malheureusement les fuir rapidement avant qu'ils ne deviennent agressifs malgré (ou à cause ?) des cadeaux distribués... | Vallée des Mille Casbah : caravane... |
Grande casbah dans son oasis près de Tinghir |
La vallée, d'abord assez large, devient plus étroite. Renonçant à visiter les gorges du Dades qui, paraît-il, sont inondées et de toute façon dénuées de camping, nous continuons jusqu'à l'oasis de Tinghir, au débouché des gorges du Todgha. |
Les trois terrains de camping de la célèbre palmeraie sont étrangement fermés (pour raison administrative semble-t-il). Nous remontons le cours du torrent jusqu'au pied même des gorges, près du petit hôtel Mansour. Nous y stationnons pour la nuit, surplombés par plus de 100 mètres de rocher vertical, juste avant le gué où coassent d'innombrables grenouilles. | Tinghir : entrée de la Gorge du Todgha |
Dans un large espace empierré apparaissent la résurgence de l'oued et deux petits hôtels restaurants abrités à la base de la falaise. La fraîcheur, l'ombre et le silence règnent dans ce semblant d'immense salle à ciel ouvert. On n'entend que le bruissement de l'eau vive, le roucoulement ou les envols des pigeons-ramiers nichant dans les trous de roche et le coassement sonore des grenouilles. Un peu plus haut, le canyon s'ouvre encore davantage, offrant de superbes perspectives le long de la piste enchevêtrée avec le lit du torrent. | Dans les Gorges du Todgha. |
Vers l'issue de la gorge |
En
route vers Imilchil
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Ksar rustique dans la montagne derrière Tinghir |
Nous retournons alors à
l'hôtel Mansour où nous tentons d'expliquer au tenancier
et à ses acolytes la lassitude que nous éprouvons face
aux magouilles, mensonges et irrégularités de leurs
congénères.On nous écoute avec une attention
bienveillante et compréèhensive, mais hélas, à peine
avons-nous fini nos beaux discours que ces énergumènes
tentent devant nous de berner des étrangers nouvellement
arrivées. Ils leur font accroire que le gué est
infranchissable et qu'il vaut mieux laisser leur
véhicule dans le stationnement (payant...) de l'hôtel.
C'en est trop ! Outrés de tant de mauvaise foi, nous filons sans insister. Mais en redescendant vers Tinerhir, j'ai la faiblesse de m'arrêter et de reculer pour jeter un coup d'oeil à la pancarte de l'un des campings fermés qu'un individu est en train de "rouvrir". Et BANG ! j'enfonce le pare-chocs arrière (symbolique) dans la muraille ! |
Excédés, nous décidons de reprendre au plus vite la direction de Fès. Nous rallions Er Rachidia par une longue route étroite mais rectiligne qui emprunte la large vallée chaude et désertique séparant l'Anti-Atlas du Haut Atlas. Les eaux émeraude du barrage d'Hassan Addakhil viennent seules rompre l'aridité du trajet tout minéral. | Sur la route en direction d'Er Rachidia : chameaux au pâturage |
Corvée de bois dans la montagne... |
Puis les gorges du Ziz se faufilent dans les premiers contreforts de la montagne, offrant au passage un joli coup d'oeil sur Ifri et sa palmeraie. En choisissant de remonter immédiatement vers le nord, nous avons renoncé avec regrets à l'excursion d'Erfoud, faute d'un 4 x 4 - fortement recommandé - pour aller contempler les fameuses dunes de Merzouga. C'était pourtant le seul erg (ensemble de dunes) saharien qui aurait été à notre portée... |
En montant vers Er Rachidia : puits |
Barrage de Hassan Addakhil |
Notre nuit est interrompue de réveils peu intéressants : chiens dérangés par des présences inconnues, musiciens jouant tambours et "rebec", groupes de passants chahutant et parlant fort. Si la vie est ralentie dans la journée pendant le ramadan, en revanche on semble se rattraper durant la nuit ! (y compris le prêtre psalmodiant ses cantiques en pleine obscurité...).
Au matin, nous découvrons une grosse bourgade très européenne d'allure. Des toits d'ardoises pentus coiffent ses petits pavillons en pierre taillée dont les ouvertures sont obturées de volets de bois. Des jardins séparent les maisons dispersées dans le village et quelques boutiques bordent les trottoirs dans des rues larges et aérées. Une courte balade dans le centre nous permet d'annoncer par téléphone notre arrivée à Mariette puis de visiter l'exposition du Centre Artisanal. Nous continuons par la belle route de montagne jusqu'à Ifrane qui fait encore plus station de sports d'hiver et climatique qu'Azrou : parcs, hôtels et luxueuses villas sont dispersés dans la ville sous un ciel clair mais frais. La route de plateau dans la forêt plantée de chênes verts et de résineux se poursuit jusqu'à Imouzzer du Kandar, une autre petite station charmante quoique moins chic que les précédentes. A partir de là commence notre descente dans la plaine de Fès, riche et verdoyante.
A 11:30, nous sommes chez Mariette qui nous accueille très gentiment. Malheureusement nous ne verrons pas Houssine qui s'est rendu d'urgence à Casablanca au chevet de sa mère très malade. Nous passons une fin de journée tranquille. Pendant que je tente de réparer - provisoirement - le pare-chocs arrière et les feux endommagés à Tinerhir, Monique accompagnée de Mariette va faire un tour en médina. Elle y fait l'achat du superbe plateau de cuivre martelé et gravé dont elle rêvait depuis longtemps. Les enfants, ayant enfin retrouvé de la compagnie, jouent avec Saloua, Majda et Zineb. Mathieu finit l'après-midi par une longue séance de pianotage sur l'ordinateur.
Dans la soirée Houssine appelle sa femme : sa mère vient de mourir, et Mariette le rejoindra à Casa demain tandis que nous garderons leurs enfants à Fès.
Journée "off" : seuls dans la grande maison vide, nous passons la journée à laver, réparer, ranger, recoudre... bref à préparer notre retour en Europe et notre traversée de l'Espagne et du sud de la France. Si nous faisons le plein d'épicerie au "Continente" d'Algeciras comme prévu, nous pourrons tenir encore un autre mois de voyage...
Vers 18:00, appel de Mariette qui rentrera demain après-midi. Nous pourrons donc quitter la maison demain matin après le départ des enfants pour l'école. La soirée se passe à planifier notre excursion à Meknes, la dernière ville impériale que nous avions contourné à l'aller. Nous voulons la visiter après avoir fait un tour dans les ruines de l'antique cité romaine de Volubilis.
La ville sainte de Moulay Idriss sur sa colline |
Vers 10:00 nous sommes prêts à prendre la direction de Meknes. Nous décidons d'emprunter la petite route du Nord, très champêtre, aussi sommes-nous bientôt environnés des riches cultures de la plaine du Saïs. Puis le chemin devient plus accidenté, surtout lorsque nous escaladons les pentes est du Zerhoun, avant d'atteindre Moulay Idriss par l'arrière, à travers une mer d'oliviers. L'accueil empressé des "guides" collants et intrusifs nous fait vite fuir ce lieu de pèlerinage où, de toutes façons, tous les monuments intéressants sont fermés aux non-musulmans. Le village tout blanc accroché en cascade à flanc de montagne offre cependant une belle perspective lorsque nous le quittons. |
Gagnant Volubilis à quelques kilomètres de là, nous passons plusieurs heures tranquilles (enfin !) à flâner parmi les ruines de l'opulente ville romaine. Les vestiges de nombreuses belles villas ont conservé leurs sols couverts de magnifiques mosaïques. | Volubilis : depuis la Basilique, ouverture vers le Capitole |
Volubilis : mosaïque de la Maison de Venus |
Volubilis : mosaïque de la Maison des Quatre Saisons : les Muses |
Volubilis : la Basilique |
De plus, le plan caractéristique de l'urbs avec sa basilique, son arc de triomphe dans l'axe du decumanus (la grande rue) et son temple demeure bien lisible. |
Par dessus tout, l'emplacement du site est superbe car la cité antique a été établie sur une terrasse au pied du Zerhoun. Elle offre une vue pittoresque sur la blancheur de Moulay Idriss coincée sur les premières pentes au pied du rocher et un large panorama sur la plaine fertile. |
Volubilis : la Basilique |
Nous descendons ensuite jusqu'à Meknes. Fuyant encore une fois les "guides" décidément insupportables et très agressifs dans la région, nous nous installons dans le camping magnifiquement situé près de Dar El Ma, au pied de l'une des enceintes massives construites par Moulay Ismaïl.
Mardi 18 avril 1989 : de MEKNES à FÈS
Nous passons une excellente nuit dans ce qui,
pour le Maroc, est assurément un camping de luxe. Au matin
nous partons faire le tour des murailles colossales
construites par Moulay Ismaïl pour ceinturer la ville sur plus
de 25 km.
|
Après nous être un peu perdus dans la ville nouvelle dont les carrefours ne portent aucune plaque de rue, nous admirons la vue sur les murs plutôt gris depuis les hauteurs de la rue Almriniyine : une vaste médina (ville ancienne) s'étale sur la colline de l'autre côté de l'oued Boufekrane, surmontée d'une douzaine de minarets. Pittoresque, mais moins que Fès... |
En revanche les portes de Bab Tizimi, Bab Berdaïne et Bab El Khemis, décorées de faïences vertes, sont superbes de majesté et d'ornementations pleines de détails. | Meknes : Bab El Khemis (Porte de la Justice) |
Ruines des écuries de Moulay Ismail |
Pénétrant intra muros, nous montons sur Dar El Ma, la Maison de l'Eau, un massif édifice carré en pisé qui abritait autrefois d'immenses citernes profondes de 40 m. Un joli jardin suspendu en occupe maintenant le toit en terrasse, donnant une vue agréable sur le bassin de l'Aguedal, autrement sans grand caractère. De là-haut, le regard plonge également sur les écuries (ou greniers) de Moulay Ismaïl, gigantesques elles aussi puisqu'elles pouvaient abriter 12 000 chevaux, mais en ruines (voûtes effondrées, puissants piliers de pisé rongés par le temps). Le spectacle laisse une impression de désolation, mais aussi de laisser aller et d'abandon... |
Nous gagnons ensuite le tombeau même de Moulay Ismaïl, ce souverain magnifique et un peu mégalomane contemporain de Louis XIV. Le petit édifice est bien restauré et richement décoré (porte extérieure, cours intérieures, plafond du petit sanctuaire attenant au tombeau lui-même). Mais nous sommes encore accrochés par des "guides" insistants dont il est bien difficile de se débarrasser. | Meknes : cour du tombeau de Moulay Ismail |
Meknes : décor de stuc délicatement sculpté
dans le tombeau de Moulay Ismail
Nous prenons enfin le chemin du retour vers Fès en empruntant la grande route rapide traversant la plaine. Nous sommes un peu déçus par cette autre ville impériale dont la grandeur est déchue. Elle n'a ni les perspectives ni l'environnement naturel de Marrakech, ni le chic et le pittoresque de Fès. Le soir nous passons une longue soirée tranquille avec Mariette et ses enfants.
Mercredi 19 avril 1989 : FÈS
Dans la matinée, Monique et Mathieu accompagnés de Mariette retournent faire leurs derniers achats en médina pendant que je reste à écrire tranquillement dans le camping-car. Vers midi, retour de Monique qui a trouvé les verres à thé et la théière qu'elle voulait absolument ramener de ce voyage, et arrivée de Houssine que le décès de sa mère a beaucoup éprouvé. Il m'offre de l'accompagner au marché central. Encore une fois je peux y constater combien l'attitude des commerçants est différente selon qu'ils ont affaire à des autochtones ou à des étrangers...
Nos préparatifs de départ sont interminables, vu la lenteur du lever et le long temps passé à examiner et classer les photos que nous avons fait tirer en ville. Les négatifs sont sales, poussiéreux ou tachés, d'où des clichés inacceptables. Nous les reportons donc au laboratoire et, pendant que le photographe fait un nouveau tirage et quelques doubles destinés à nos hôtes de Dar Bouaza, nous écrivons notre courrier dans le camping-car. Vers 13:00, nous récupérons nos clichés, guère meilleurs cependant : ces gens-là ne savent décidément pas travailler proprement...
Nous passons voir Mariette une dernière fois vers 15:30, lui remettant argent en trop et livres prêtés aux enfants. Après des adieux pleins de gratitude, nous prenons la route du nord. Mais une erreur d'aiguillage à Sidi Kacem, après 170 km, nous ramène au col du Zeggota, à 59 km de Fès ! Le paysage est splendide, mais cela n'excuse pas une signalisation aussi déficiente... Nous faisons donc demi-tour et reprenons la bonne direction. Le temps de quelques haltes pour acheter des poteries au bord du chemin et déjà la nuit descend. La route, d'abord vallonnée puis plate et rectiligne, manque de pittoresque lorsqu'elle traverse la plaine de Larrache, riche et irriguée. C'est donc assez fatigués que nous atteignons les abords de Larrache. Faute de mieux, nous nous apprêtons à dormir dans la cour de l'hôtel Hostal, bruyante et peu équipée.
Estuaire du Loukos à Larrache |
La nuit dans cet enclos à deux pas de la route, exposés au tapage des pétrolettes, autos et camions, n'est pas spécialement reposante, aussi repartons-nous assez tôt pour le centre de Larrache. Monique y fait un petit tour de médina, mais est-ce l'heure précoce ou le contexte du ramadan, il semble que la plupart des boutiques soient fermées. Nous passons ensuite au pied de Lixus, une autre ville romaine en ruines. Le paysage sur l'oued Loukos est beau, mais les vestiges peu visibles ne suscitent guère d'intérêt chez mes passagers qui refusent même que l'on y fasse une pause ! |
Nous poursuivons donc sans délai la route, relativement bonne, jusqu'aux approches de Tanger. On ne voit quasiment pas l'océan, en revanche les stands de poterie surgissent au détour de tous les virages et Monique, toujours à la recherche d'un mirifique plat à couscous, tient absolument à s'y arrêter. Elle réussit même à y faire encore quelque achats. Juste avant Tanger, le Guide Vert suggère une promenade** en direction du cap Spartel. Nous commençons par visiter les grottes d'Hercule, des cavités creusées par la mer dans la falaise de calcaire dur; le site nous semble bien peu spectaculaire... | L'Océan depuis les Grottes d'Hercule |
Tout à côté, les restes de l'établissement romain de Cotta demeurent introuvables malgré un long détour par une route défoncée en bord de mer. Un peu plus loin le phare du cap Spartel, dont l'accès est désormais interdit aux touristes, n'est plus lui aussi qu'une excursion sans intérêt (hormis les nombreux vendeurs de "bébelles" ?). Par contre la montée au relais de T.V. vaut le déplacement : on y découvre un superbe panorama sur le cap Malabata, le début du détroit de Gibraltar et le Rif, avec la ville de Tanger étalée sur la pente au loin. Au milieu du chemin du mirador encombré par les aubépines en fleurs, Juliette et moi avons la surprise de croiser un sanglier qui s'enfuit rapidement à notre approche !
Le nouveau Tanger s'étendant progressivement à l'est de la vieille ville |
Après une belle descente sur la ville, nous nous contentons de prendre notre billet de ferry dans une agence marocaine pour utiliser nos derniers dirhams. Le site de la cité offre "le séduisant tableau d'une ville bâtie en amphithéâtre au bord d'une baie admirable" (Guide Michelin), mais l'architecture de Tanger nous semble bien proche de celle de Casa. Aussi nous n'insistons pas et entreprenons de gagner Ceuta par la route côtière. |
Nous sommes tellement exaspérés que c'est à peine si nous pensons encore à admirer le panorama, pourtant splendide, en descendant vers le port. Le saphir profond de la mer s'estompe progressivement jusqu'aux contreforts bleutés de l'Espagne, tandis que les pentes escarpées du Rif marocain forment comme un large cirque autour de la rade et de l'isthme menant au mont Hacho, le coeur de cette enclave chrétienne en terre d'Islam... Les rayons roses et mauves du soleil couchant teintent quelques nuages passant au dessus des montagnes escarpées derrière nous, les lumières de la ville scintillent sur le clapot du port.
Nous montons sans délai à bord du ferry intercontinental. Depuis le pont, nous contemplons la lente descente du soleil dans la Méditerranée avant qu'il aille s'éteindre entre les Colonnes d'Hercule. En débarquant dans la nuit à Algeciras, nous allons dormir sur la même petite place tranquille que lors de notre départ pour le Maroc il y a maintenant 35 jours. |
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