Sabbatique 1988-89

Juliette, Mathieu, Monique et Jean-Paul MOUREZ
à bord de leur Pilote 470

LE MAROC


48. D'Algéciras à Fès


Images sur Google Photos :
https://photos.app.goo.gl/QsqZ8jTRrjYcPgdb9


 Itinéraire Maroc 1989
Notre itinéraire à la découverte du Maroc


Jeudi 16 mars 1989 : d'ALGECIRAS à CHECHAOUEN (MAROC)

Réveil matinal, donc, pour un embarquement sans problème (enfin !) sur une mer excellente. Le roc de Gibraltar d'un côté, les montagnes du Rif de l'autre encadrent le superbe décor de notre traversée. A Ceuta nous ne repérons aucun monument notable, hormis le Foso de San Felipe, la vieille forteresse portugaise du XVème séparant l'isthme du continent.

Nous visitons plutôt la rue principale commerçante pleine de magasins hors-taxes. Les prix n'ont pourtant rien d'extraordinaire (comparés à l'Allemagne...). C'est donc après une longue prospection que nous faisons provision de cassettes vidéo, d'alcool et de cigarettes à offrir, après avoir changé un peu d'argent. Nous commettons alors l'erreur de ne pas acheter des devises marocaines pourtant bien meilleur marché ici que dans le pays, comme nous nous en apercevrons plus tard.

 Le passage de la frontière avec le Maroc, quelques kilomètres plus loin, est aussi folklorique qu'on pouvait le prévoir mais pas trop long. On se demande ce qu'attendent les dizaines d'hommes ou de garçons installés çà et là, les mains dans les poches, regardant défiler les voitures, discutant, gesticulant et trafiquant entre eux on ne sait quoi... La route côtière menant ensuite vers Tetouan est fort belle, offrant le spectacle d'une mer bleu... outremer, bordée de plages de rêve, avec les montagnes du Rif en arrière-plan jusqu'aux portes de la ville.

Pas encore très assurés dans ce nouveau pays si différent, nous décidons de visiter la médina de Tetouan en nous faisant accompagner par un guide de l'Office du Tourisme. Pendant deux heures, nous parcourons les ruelles étroites et pittoresques, fort sales mais aussi incroyablement colorées. Les marchands installés dans de minuscules boutiques ouvertes sur la rue ou carrément sur la chaussée vendent (et vantent...) toutes sortes de produits : épices, fruits et légumes, vêtements, casseroles... débordant largement de leurs cubicules. A côté, ou bien regroupés dans des rues particulières, des artisans travaillent bois, cuir et textile, utilisant des outils et des techniques qui nous semblent archaïques. Quant aux odeurs, on imagine mal leur variété, leurs contrastes et parfois aussi leur crudité ! Les ruelles montent et descendent, tournicotent en un véritable labyrinthe, les ânes qui assurent le transport des marchandises dans ces voies trop étroites pour permettre le passage d'aucune voiture ou camion nous bousculeraient sans cesse si, averti par un "Balek !" ("Attention!") sonore de leur propriétaire, on ne se tassait précipitamment le long des murs... On se croirait retournés au Moyen-Age, comme on est loin de nos supermarchés aseptisés ! Tetouan : mosquée et fontaine
  Tetouan : mosquée et fontaine


Tetouan : Porte du Cimetière
Tetouan : Porte du Cimetière

Tetouan : rue Sidi Alf Raisuli
Tetouan : rue Sidi Alf Raisuli

Tetouan : Place d'Espagne
Tetouan : Place d'Espagne

Dans les
                  rues de Tetouan
Dans les rues de Tetouan

 Après ce bain de foule, nous reprenons notre camping-car laissé à la garde d'un gamin pour une piécette. Nous gagnons alors par une route de montagne panoramique la petite ville de Chechaouèn accrochée à sa pente. Images idylliques en technicolor, à peine troublées par quelques vendeurs de kif accrocheurs en bord de route que nous ignorons en les dépassant. La montagne est sauvage à souhait, le coucher de soleil flamboie sur les pentes du Rif, et le crépuscule est déjà là lorsque, suivant les conseils du Guide du Routard, nous gagnons l'asile du terrain de camping installé sur une terrasse au dessus de la ville.


Vendredi 17 mars 1989 : de CHECHAOUEN à FES

 On ne peut rêver nuit plus tranquille dans notre camping rustique. Mais au milieu de la nuit, la pluie se met de la partie, et nous pataugeons dans la boue au réveil. Juliette joue un long moment avec la fille d'un couple de Français voyageant comme nous depuis un an et demi à bord d'un 5 tonnes 4x4 Renault.

 Un dernier coup d'oeil vers la petite ville blanche blottie au pied des pentes raides du Rif, et en avant pour Fès où nous attend Mariette contactée par téléphone.  Les murs
                  bleutés de Chefchaouen
Les murs bleutés de Chefchaouen

Paysanne en costume traditionnel du Rif à
                      Chefchaouen
Paysanne en costume traditionnel du Rif à Chefchaouen
Dans
                      l'ombre des rues de Chefchaouen
Dans l'ombre des rues de Chefchaouen
Femmes portant leur enfant sur le dos
Femmes portant leur enfant sur le dos


Femme portant son pain à cuire au four
Femme portant son pain à cuire au four
Fillette à Chefchaouen
Fillette à Chefchaouen

Fillette à l'orange
Fillette à l'orange

La route de petite montagne est très sinueuse et étroite, les superbes paysages très verts mais hélas noyés dans la brume et les nuages. On croise partout des hommes en burnous de laine brune cachés sous leur capuchon rabattu qui semble bien mal les protéger de la pluie. Des moutons épars ou en troupeau vagabondent sur la route...

Après trois heures de lente progression sur une chaussée étroite au revêtement inégal, nous atteignons enfin la plaine. Là nous cheminons entre des champs de céréales vert tendre régulièrement interrompus de villages d'adobe et d'enclos destinés à des marchés aux bestiaux. Nous arrivons enfin sous les remparts ocres de Fès que nous contournons jusqu'à la porte de Bab Ftouh. La route circulaire offre de belles perspectives sur la médina très étendue nichée autour de son oued, au creux des collines entourant la ville. Fes : vue générale
Fes : vue générale


Panorama de Fez
Panorama de Fes

Enfants jouant dans la rue à Fes
Enfants jouant dans la rue à Fes

Rendus à la pharmacie de Houssine logée juste derrière le rempart, nous sommes accueillis par un de ses employés qui nous guide jusqu'à sa grande maison dans le quartier résidentiel moderne. Toute la famille Benchekroune nous y reçoit chaleureusement : Mariette, Houssine, Saloua 13 ans, Majda 11 ans, Zineb 8 ans et Youssef 5 ans. Le camping-car demeurera stationné devant leur maison à l'orée d'un champ d'orge. 

Nous tenons à passer la nuit dans notre chambre à roulettes, mais sommes cordialement invités à partager le repas du soir avec la famille. Les enfants font connaissance et nous échangeons longuement nos expériences avant de regagner enfin nos pénates.

 
Samedi 18 mars 1989 : FES
Au matin, malgré la pluie passagère, Houssine nous emmène faire un premier tour dans la médina. Pénétrant profondément au coeur de la vieille ville par la route recouvrant l'oued Fès, nous en parcourons les ruelles animées, entrant au passage dans la medersa (ancienne école coranique) Attarine, ... Fes : cour de la medersa Essahrid
Fes : cour de la medersa Essahrid

Fes
                  : entrée de la mosquée Sidi Ahmed Tijani
Fes : entrée de la mosquée Sidi Ahmed Tijani
Fes : pigeon de la medersa Attarine
Fes : pigeon de la medersa Attarine

Fes :
        trône de Moulay Idriss
Fes : trône de Moulay Idriss, le sultan fondateur de la ville

Fes :
                  Place Seffarine
Fes : Place Seffarine

...passant le pont Gram ben Skoum, faisant une pause sur la place Seffarine encombrée par ses chaudronniers et ses ânes. 
Quelle vie, quel grouillement dans ces passages qui nous paraissent presque des allées ou des couloirs ! Fes :
                  ferblantiers Place Seffarine
Ferblantiers Place Seffarine

Une porte de la mosquee Karrayaouine
Fes : une porte de la mosquee Karrayaouine

Nous devons contourner la grande mosquée Karaouiyne (malheureusement interdite aux non-musulmans comme toutes les mosquées du pays)...
... mais allons admirer ses toits de tuiles vertes depuis la terrasse du palais de Fès, un restaurant luxueux qui vend également des tapis. Fes : entrée de la mosquee Karrayaouine du côté
                  de la cour intérieure
Fes : entrée de la mosquée Karrayaouine du côté de la cour intérieure

Fes
                  : fontaine de la Place Nejjarine
Fes : Place Nejjarine

 On nous y fait un peu l'article, quoique sans excès. Après ce premier contact avec cette grande ville au charme pour nous tout oriental, nous rentrons par le souk aux légumes. Houssine, qui a pris la précaution d'emporter un filet, y fait quelques achats pour un prix dérisoire, après nous avoir offert un gros morceau de nougat près de la place Nejjarine.

Fez : retour à la Place Seffarine et ses ferblantiers
Fez : retour à la Place Seffarine et ses ferblantiers

Fez : retour à la Place Seffarine et ses ferblantiers
Fez : retour à la Place Seffarine et ses ferblantiers

Quittant enfin ce bain de foule coloré et odorant, nous retrouvons avec plaisir le calme de la grande maison accueillante où les enfants sympathisent. Nous partageons à nouveau un repas marocain composé d'une soupe aux pois chiche, la "chorba" et d'un ragoût de légumes, le "tajine"...

Après souper, un petit tour à l'Ensemble Artisanal nous permet d'admirer de superbes productions locales (céramiques, tapis, cuivres...). Mais les artisans étant absents et les salles d'exposition fermant, nous devons quitter les lieux en nous promettant d'y retourner une autre fois. Fes
                  et ses teinturiers
Fes et ses teinturiers


Dimanche 19 mars 1989 : FES

 Houssine et Mariette nous accompagnent à nouveau dans l'enceinte de l'Ensemble Artisanal; cette fois nous pouvons y observer et y filmer un potier et des peintres de céramique à l'oeuvre dans l'un des jolis patios autour desquels s'articule l'Ensemble.
 
Fes
                  depuis la colline
Fes depuis la colline

La pluie se poursuivant, nous passons l'après-midi à la maison, lisant et discutant avec les amis que reçoit Houssine. En début de soirée nous profitons d'une éclaircie pour faire le tour de la ville par la route panoramique périphérique, nous arrêtant aux belvédères pour admirer Fes-el-Bali dans tout son développement. On a l'impression d'un fouillis de cubes blancs et beiges entassés en désordre dans sa cuvette et sur les pentes, d'où émergent les fins minarets et les toits vernissés verts de la grande mosquée Karaouiyne.

Nous rentrons enfin à la maison pour un superbe tajine préparé par Mariette. Le repas est joyeux, animé par l'échange de nos vives impressions dans cet univers si différent de ceux que nous avons rencontrés depuis le début de notre périple.


 Lundi 20 mars 1989 : FES
 Houssine est allé travailler dans sa pharmacie en ce lundi matin, nous déléguant ses deux filles Saloua et Majda pour nous escorter jusqu'à Bab Boujeloud. Nous allons d'abord visiter le musée de Dar Batha exposant art populaire, tapis, céramiques, stucs sculptés et bois travaillé.

La présentation est un peu archaïque, mais le guide aimable et le jardin andalou de cet ancien palais hispano-mauresque du XIXème rendent la visite très agréable.
Fes :
                porte de Dar Hadara
Fes : porte de Dar Hadara

Fes : plafond de cèdre ciselé de Dar-Batha
Fes : plafond de cèdre ciselé de Dar-Batha

Fes : Dar-Batha la terrasse donnat sur le jardin andalou
Fes : Dar-Batha la terrasse donnant sur le jardin andalou

Le jardin andalou de Dar Batha
Le jardin andalou de Dar Batha

Franchissant ensuite l'arc de Bab Boujloud, nous marchons dans le souk jusqu'à la medersa Bou Inania.
Fes : Bab Boujeloud
Fes : Bab Boujloud
 
Fes : cour centrale de la medersa Bou-Inania
Fes : cour centrale de la medersa Bou-Inania
Lorsque l'on passe les grosses portes de cèdre travaillé, le décor intérieur en plâtre sculpté transporte dans un monde merveilleux de calme, de finesse et d'élégance. La salle de prière au fond est toujours en fonction, ce qui conserve au monument tout son caractère religieux.

Nous montons jusqu'aux cellules destinées aux étudiants de cette "université" coranique, petites pièces toutes blanches montrant pour seul décor les encadrements en cèdre sculpté de leur porte et de leur petite fenêtre.

Par celles qui donnent sur la cour intérieur, on a une fort jolie vue sur ses dalles de marbre ou d'onyx et ses piliers recouverts d'admirables zelliges supportant de hauts moucharabiehs de cèdre ajouré. L'eau d'une dérivation de l'Oued Fès court dans un long bassin rectangulaire précédant la salle de prière et dans la petite vasque centrale...

L'ambiance de paix et de sérénité régnant dans ces lieux consacrés contraste fortement avec l'agitation de la rue que nous retrouvons bientôt.
Fes-medersa-Bou-Inania-cour centrale
Fes : cour centrale de la medersa Bou-Inania

Après avoir un peu traîné dans un fondouk (ancien entrepôt converti en "galerie marchande"), nous rentrons à la maison. Encore une fois un sympathique souper nous rassemble autour de la table familiale. Nous nous retirons ensuite dans le camping-car pour lire et écrire, sous un ciel de plus en plus menaçant. En soirée, nous faisons nos derniers préparatifs pour notre départ du lendemain.


49. De Fès à Dar Bouaza (Casablanca) par Salé et Rabat


Mardi 21 mars 1989 : de FES à SALÉ

Je prends le volant vers 9:15 en direction de Rabat où nous laisserons Houssine et ses deux aînées. La route est longue (200 km) à travers des collines vallonnées uniformément couvertes d'un blé plus ou moins riche et touffu. A 11:30, on s'arrête dans le gros bourg de Khemisset. Houssine achète de la viande qu'il fait griller devant nous dans un bistro puis nous la dégustons dans des baguettes de pain en arrosant ce repas d'un délicieux thé à la menthe. Voilà qui constitue un casse-croûte très revigorant, et nous arrivons à Rabat à 13:30 en pleine forme. C'est une grande ville blanche et moderne dont les grands dégagements sont plantés de superbes palmiers.

Nous quittons Houssine à la gare d'où il doit gagner Casablanca, lui promettant de passer par Fès partager à notre retour nos impressions marocaines. Après un petit tour dans la ville moderne, nous retraversons le pont sur l'oued Bou Regreg et allons nous reposer sur la plage de Salé.

L'après-midi s'y écoule tranquillement à lire et écrire. Je vais jusqu'au bout de la jetée d'où j'admire la belle vue sur la casbah des Oudaïas en face tandis que des vagues énormes m'arrosent copieusement. En début de soirée, nous nous rabattons sur le camping tout proche du rivage. Nous y entamons une longue discussion avec deux sympathiques routards lyonnais remontant d'Afrique noire après une grande randonnée en Toyota 4 x 4.


Mercredi 22 mars 1989 : SALÉ

Une nuit prolongée nous permet de récupérer une fatigue diffuse (froid, digestion difficile ?). Nous allons d'abord faire un tour dans l'authentique médina de Salé où, miracle, personne ne nous "achale". Nous y découvrons une adorable médersa toute ciselée et décorée de zelliges autour de sa cour ombreuse où chante un petit jet d'eau. Le panorama depuis sa terrasse dévoile largement l'embouchure de l'oued et les abords de Rabat sur l'autre rive. Dans les ruelles ensoleillées et paisibles, les artisans tailleurs, cordonniers et menuisiers sont fiers de montrer leur travail à nos enfants étonnés, et c'est enchantés que nous retrouvons notre maison à moteur sur le terrain de camping.

Levant le camp en direction de Rabat, nous traînons un peu sur l'esplanade de la tour d'Hassan, immense minaret inachevé dominant sa mosquée dont il ne reste que des centaines de colonnes plus ou moins tronquées. Rabat : l'esplanade Hassan le soir
Rabat : l'esplanade de la tour Hassan la nuit


L'estuaire du Bou Regreg depuis la Tour Hassan
L'estuaire du Bou Regreg depuis la Tour Hassan

Rabat : lancier de garde devant le mausolée de
                  Mohammed V
Rabat : lancier de garde devant le mausolée de Mohammed V
Rabat : garde du mausolée de Mohammed V
Rabat : garde du mausolée de Mohammed V


 L'ensemble est grandiose et austère, à côté du mausolée de Mohamed V frappant par son luxe et la qualité un peu clinquante de son décor.

Rabat : mausolée et mosquée de Mohammed V
Rabat : mausolée et mosquée de Mohammed V

Rabat :
              mausolée et mosquée de Mohammed V
Rabat : mausolée de Mohammed V, le roi qui restaura l'indépendance du Maroc

Rabat :
          plafond sculpté du mausolée de Mohammed V
Rabat : plafond sculpté du mausolée de Mohammed V au-dessus du tombeau

Rabat :
        tombeau de Mohammed V
Rabat : tombeau de Mohammed V

De là-haut encore, on a une vue superbe sur les deux villes de Salé et Rabat séparées par la vallée du Bou Regreg, mais sous un angle complètement différent de celui que nous en avions de notre camping.

Nous gagnons ensuite Chellah, romantique vieille nécropole entourée d'une muraille ocre où les cigognes disputent l'intérêt aux ruines.

Rabat : les jardins de la nécropole de Chellah
Rabat : les jardins de la nécropole de Chellah

Rabat : cigogne sur un minaret de Chellah
Rabat : cigogne sur un minaret de Chellah


Nous quittons ces jardins luxuriants pour retourner au centre-ville et à la casbah des Oudaïas. Rabat : ruelle de la casbah des Oudaias
Rabat : ruelle de la casbah des Oudaias


Casbah des Oudaias à Rabat : l'entrée du café
                  maure
Casbah des Oudaias à Rabat : l'entrée du café maure

Ses petites maisons blanches derrière les portes et la muraille massives ne nous impressionnent guère, en revanche le point de vue sur l'estuaire du Bou Regreg dans le soleil couchant mérite bien sa réputation.

Rabat : coucher de soleil sur le Bou-Regreg
Rabat : coucher de soleil sur le Bou-Regreg

Un petit détour sur la côte sud permet de soulager la toilette dans le fossé de la route sinueuse coincée entre la mer et un mur cachant des bidonvilles. Nous retournons ensuite près de la Poste, avenue Mohamed V, pour consulter des livres sur le Maroc dans la grande Librairie Centrale.  Rabat : avenue Mohammed V
Rabat : avenue Mohammed V



Le billet laissé par notre arnaqueur de Rabat...

Au moment de quitter notre stationnement, nous sommes abordés par un beau parleur auquel nous finissons par "prêter" 200 dirhams (29.00 $) que nous ne reverrons probablement jamais...

Comme la nuit est tombée, nous préférons retourner au camping de Salé. Nous y retrouvons nos deux français routards et chaleureux... et un sommeil bien mérité !


Jeudi 23 mars 1989 : de SALÉ à DAR BOUAZA (près de CASABLANCA)

Le départ vers le sud s'effectue par un temps superbe. Le passage du pont entre Salé et Rabat nous réserve une jolie vue sur l'oued, sur les barques de pêche et sur les passeurs faisant leur va-et-vient tranquille dans la lumière vive du matin.  Rabat : le bac
                  sur le Bou Regreg, en arrière la tour Hassan
Rabat : le bac sur le Bou Regreg, en arrière la tour Hassan


On prend sans tarder la route rapide qui file vers Mohammedia, ville industrielle et station balnéaire bien équipée (l'ancienne Fedala), mais qui laisse percevoir cette touche de laisser-aller un peu caractéristique du pays.

Une centaine de kilomètres, et nous voici enfin à Casablanca ! L'agglomération nous paraît énorme et presque européenne après toutes ces bourgades rencontrées sur la route, charmantes et folkloriques mais aussi désuètes et peu développées. La circulation nous affole par son rythme et son indiscipline, et c'est avec un certain stress que nous trouvons une place sur un stationnement près du port, au pied de grands immeubles de béton et de verre. Après des recherches un peu laborieuses, nous finissons par rejoindre la grand-tante Carmen Veyre en visite chez sa belle-soeur. Monique échange longuement avec la vieille dame en espagnol puisqu'il ne semble pas qu'elle ait jamais maîtrisé le français... Ambiance un peu surannée chez ces anciens colons maintenant à la retraite, petits fonctionnaires ou commerçants survivant grâce à une pension de misère dans un climat étouffant, derniers témoins d'un monde et d'un temps révolus.

Casa-cimetiere-de-Ben-m'sik-tombe-de-Gabriel-Veyre
Nous gagnons ensuite le cimetière européen par de grandes avenues de plus en plus populaires. On y découvre l'aboutissement ultime de tous ces français, italiens, espagnols... qui avaient cru découvrir sur la terre marocaine le lieu de réalisation et d'enracinement de leurs espoirs et de leurs ambitions. Le champ funèbre est rempli de monuments plus ou moins prétentieux, parfois aussi très simples. Fleurs sauvages et herbes folles envahissent peu-à-peu les allées, les trottoirs, voire les pierres tombales elles-même, au fur et à mesure que le temps et la distance les font progressivement sombrer dans l'oubli. C'est très mélancolique, et l'évidence s'impose : une page d'histoire a été irrémédiablement tournée... quel gâchis !

Nous finissons par retrouver la tombe de Gabriel Veyre, l'arrière grand-père de Monique. En tant que représentant de la maison Lumière, il vint ici dès 1901 enseigner la photographie au sultan Abd'el Aziz. Il introduisit par la suite toutes sortes d'innovations technologiques comme l'automobile, la T.S.F. et l'électricité dans un Maroc qui commençait tout juste à s'ouvrir à l'Occident. Choc de valeurs et de cultures qu'il décrit avec délicatesse et humour tout au long de son livre "Au Maroc - Dans l'intimité du Sultan" (.pdf) ou (.epub)  que j'avais dévoré avec délice avant notre départ. Le pays ne semble pas encore s'être remis de cette rencontre...

Un peu ému par l'évocation de ces temps héroïques, nous faisons nettoyer et fleurissons la dalle de granit sur laquelle on devine les mots : "Gabriel VEYRE, 1871-1936, premier pionnier de la civilisation française au Maroc".

Notre tour de ville emprunte ensuite les grandes avenues modernes qui donnent son visage caractéristique à la cité, juxtaposition insolite d'Orient et d'Occident. Nous passons notamment près du palais royal et dans la nouvelle médina, autour de la place des Habous où nous nous baladons un bon moment. Longeant enfin la gigantesque mosquée Hassan II en construction, nous gagnons Anfa et ses luxueux bars restaurants piscines.

Une quinzaine de kilomètres plus loin nous atteignons enfin le village de Dar Bouaza et l'épicerie de Moha. Il nous accueille chaleureusement au sein de sa famille nombreuse.
Dar
                  Bouazza : l'ancien restaurant La Baie
Dar Bouazza : l'ancien restaurant La Baie créé par les Jacquier et tenu par Thérèse et Pierre Cambin, maintenant colonie de vacances



Vendredi 24 mars 1989 : DAR BOUAZA (CASABLANCA)

Dar Bouazza : Moha l'épicier et son fils
                  Abdallah
Dar Bouazza : Moha l'épicier et son fils Abdallah

La matinée est déjà bien avancée lorsque nous nous levons, l'accueil de nos hôtes attentionnés s'étant prolongé assez tard dans la nuit. Moha nous a fait pénétrer dans l'enclos à l'arrière de sa maison où nous avons joui d'un sommeil champêtre au milieu des vaches et des poules. Les deux fils aînés de Moha sont particulièrement sympathiques et désireux de nous aider à réaliser nos plans. Abdallah, le plus âgé, tient la petite épicerie créée par son père tandis que le second "Abdel'ahk" achève ses études secondaires dans un lycée de Casa.

La journée commence par une visite à la petite maison blanche du Caporal, l'ancien régisseur indigène du grand-père Jacquier. Nous y trouvons seulement sa femme, ce qui remet à plus tard la visite projetée de la casbah pour laquelle il doit nous servir d'introduction. Dar Bouazza : le Caporal et sa famille posent
                  avec nous
Dar Bouazza : le Caporal et sa famille posent avec nous, en compagnie de Moha


Dar Bouazza : ce qui reste du portail du Jack
                  Beach
Dar Bouazza :  ce qui reste du portail du Jack Beach

Nous allons ensuite prendre Abdel'ahk à la station service récemment remontée par Moha (une autre création de l'arrière grand père...). Il nous emmène visiter le Jack Beach dont il ne reste que des ruines :...

Dar Bouazza : Monique devant l'entrée du restaurant du
          Jack Beach
Dar Bouazza : Monique devant l'entrée du restaurant du Jack Beach


les plafonds de stuc sculpté du club s'effondrent, la grande piscine dans les rochers est vide, la pompe brisée traîne sur la piste de danse du restaurant, les jardins sont dévastés...
Les piscines du Jack-Beach
Les piscines du Jack-Beach

Dar
      Bouazza : décor stuqué du restaurant du Jack Beach
Dar Bouazza : décor stuqué du restaurant du Jack Beach

Quelle pitié et quelle amertume quand on imagine l'animation joyeuse qui dut habiter ces lieux et l'esprit d'entreprise de Jacques Jacquier lorsqu'il développa ce complexe de loisirs... Dar Bouazza : la scène du restaurant du Jack
                  Beach
Dar Bouazza : la scène du restaurant/salle de danse du Jack Beach


Dar Bouazza : décor du restaurant du Jack Beach
Dar Bouazza : décor du restaurant du Jack Beach


Dar Bouazza : décor du restaurant du Jack
                      Beach
Dar Bouazza : décor du restaurant du Jack Beach

Nous reprenons ensuite la grande route jusqu'à Casa où nous cherchons vainement la rue du Dr Veyre aux alentours de la cathédrale. C'est un grand bâtiment moderne tout blanc, élancé mais désaffecté donc vide et mort.  Casablanca : la « cathédrale » du Sacré-Coeur
                  dans les palmiers
Casablanca : la « cathédrale » du Sacré-Coeur dans les palmiers


Casablanca, Place des Nations Unies avec
                  Abdel'hak
Casablanca, Place Mohammed V avec Abdel'hak

Puis Abdel'Ahk nous guide à travers les grandes places du centre-ville, tranquilles à l'heure de la sieste, mais remarquables par leur ordonnancement, leurs fontaines et leurs bâtiments moderno-mauresques. Ceux-ci datent des années 30 et sont tout entourés de palmiers et de fleurs.

Casablanca : Place des Nations-Unies
Casablanca : Place Mohammed V, Palais de Justice et Hôtel de Ville

Casablanca : la fontaine de la Place Mohamed V
Casablanca : la fontaine de la Place Mohammed V

Casablanca : la fontaine de la Place Mohammed V illuminée
Casablanca : la fontaine de la Place Mohammed V illuminée

 Gagnant le Centre 2 000, un nouvel ensemble de boutiques disposées autour d'un jardin fleuri, nous traînons un moment aux abords de l'ancienne médina. J'y escorte de loin Mathieu qui fait systématiquement toutes les boutiques du bazar... Pendant ce temps Monique trouve des écussons du Maroc qui viendront compléter notre collection affichée sur le panneau arrière du camping-car.  Le
                  Casa contemporain...
Le Casa contemporain...


Dar Bouazza
                  : les habitations des Carrières
Dar Bouazza : les habitations des Carrières

Nous rentrons un peu tard à Bou Azza; les conversations avec les uns et les autres prennent toute la place et se poursuivent autour d'un tajine partagé en famille, exceptées les femmes retenues à la cuisine ! Nous nous couchons encore fort tard après de longues discussions évoquant le passé...


50. De Dar Bouazza à El Jadida, Safi & Essaouira



Samedi 25 mars 1989 : DAR BOUAZZA (CASABLANCA)
 
Dar Bouazza : le caporal et son fils, Monique et
                  Moha
Dar Bouazza : le caporal et son fils, Monique et Moha

 Encore un lever tardif... Nous retournons chez le Caporal qui nous accueille très gentiment dans son salon marocain traditionnel : des coussins sur divan courent le long des murs d'une longue pièce blanchie à la chaux, près de la petite cour d'entrée de la maison. Il nous sert le thé à la menthe et commence une longue conversation en arabe où Moha sert d'interprète, évoquant les années passées, la vie sur le domaine au temps du grand-père... Monique lui lit une lettre de sa mère Jehanne, la petite fille qu'il appelait Nanane. 

Il nous emmène ensuite à la casbah. Quelle émotion pour Monique de parcourir la grande allée rectiligne reliant la route à la vieille demeure qui l'avait accueillie quand elle avait juste 4 ans.  Dar
                  Bouazza : la piste menant à la casbah
Dar Bouazza : la piste menant à la casbah


Dar
                  Bouazza : portail menant à la casbah
Dar Bouazza : portail menant à la casbah

Le souvenir de "bout du monde" qu'elle constituait alors pour elle est encore présent à sa mémoire, et elle a hâte de revoir le grand patio vitré, de grimper sur la tour d'où l'on aperçoit l'ancien domaine dans toute son ampleur... Mais le nouveau propriétaire est absent, le fils "malade". 

Après une heure d'attente vaine devant les gros murs blanchis à la chaux et fermés d'une massive porte de bois, nous devons renoncer à cette visite tant attendue. Le Caporal tentera une autre fois de la négocier  pour le lendemain. Dar
                  Bouazza : la porte de la casbah
Dar Bouazza : la porte de la casbah


Dar Bouazza : Monique et Boujemah
Dar Bouazza : Monique et Boujemah

Moha nous accompagne alors chez Boujema, l'ancien chauffeur du grand-père, qui tient absolument à nous rencontrer. Il nous accueille dans un cadre identique à celui du Caporal, puis évoque à nouveau les souvenirs du temps du Protectorat, depuis l'arrivée du Dr Veyre en vapeur à Mazagan en 1906 et sa chevauchée vers Marrakech (où le sultan tenait alors sa cour), jusqu'au départ de Maurice Jacquier en 1956 lorsqu'il dut abandonner le domaine de Bouaza. 

Nous sommes fascinés par ses récits émouvants, rendus encore plus passionnants par son expressivité et sa vivacité. Dar Bouazza : Boujemah
Dar Bouazza : Boujemah


Au retour, nos déplacements à travers l'ancien domaine de Bouaza nous permettent d'en mesurer l'étendue considérable : plus de 1 200 hectares, soit une bande de 5 kilomètres sur 2,5 compris entre la côte et la route d'Azemmour ! Quel patrimoine, s'il avait été conservé et valorisé !

Nous rentrons enfin à l'épicerie. La fin de l'après-midi se passe en discussions diverses, jeux pour les enfants, lavage pour Monique et écriture pour moi. Le soir un couscous familial nous rassemble tous, y compris Abdallah (l'aîné) et un ami voisin. Je discute longuement avec eux du devenir du Maroc jusqu'à une heure avancée.


Dimanche 26 mars 1989 : DAR BOUAZA (CASABLANCA)

Dar Bouazza : le Caporal et sa famille
Dar Bouazza : le Caporal et sa famille

 Au matin, nous nous retrouvons à 10:00 chez le Caporal pour une ultime tentative de visite à la casbah. Mais celle-ci n'aboutira pas davantage puisque le proprio ne donnera pas signe de vie. 

En attendant le Caporal nous offre le thé, puis un couscous auquel nous touchons à peine : en effet Boujemah nous a convié à un dîner auquel nous nous rendons ensuite vers 12:30.  Dar Bouazza : le Caporal nous offre le
                  couscous...
Dar Bouazza : le Caporal nous offre un premier couscous...


... avant que Boujemah nous accueille également
                  pour un autre festin !
... avant que Boujemah nous accueille également pour un autre festin  !

Il nous sert d'abord un tajine superbe auquel nous faisons grand honneur, avant l'arrivée d'un couscous royal que nous n'attendions plus après cette extraordinaire "entrée"... c'en est trop ! Heureusement on prend son temps, et les conversations - traduites par Moha - vont bon train, passant de l'arrivée de Gabriel Veyre à Mazagan à l'assassinat de l'Oncle Eugène à Azemmour, etc...

Dar
          Bouazza : Boujemah, son épouse, Monique et Moha
Dar Bouazza : Boujemah, son épouse, Monique et Moha

Dar Bouazza : Boujemah, son épouse et sa fille, Monique
          et Moha
Dar Bouazza : Boujemah, son épouse et sa fille, Monique et Moha

Nous rentrons à l'épicerie vers 15:00. Tant bien que mal, nous tâchons de digérer cette délicieuse mais trop abondante nourriture.

Je me retire dans le camping-car, puis vais observer des surfeurs sur la plage tandis que Monique se fait accaparer à l'arrière de la maison par Latifa (la fille aînée de la famille), sa mère et ses cousines venues en visite.  Dar Bouazza : Latifa et Monique en caftan
Dar Bouazza : Latifa et Monique en caftan


Dar Bouazza : Meryam, sa mère, Monique et Latifa
Dar Bouazza : Meryam, sa mère, Monique et Latifa

Le soir, nous dégustons un gratin dauphinois préparé par ces dames sous la supervision de Monique, et nous nous couchons - pour une fois pas trop tard - devant la maison.

Dar
                    Bouazza : Meryam donne une leçon d'arabe à
                    Juliette...
Dar Bouazza : Meryam donne une leçon d'arabe à Juliette...
Dar Bouazza : Meryam, Juliette et Mathieu et
                      les petits chiens
Dar Bouazza : Meryam, Juliette et Mathieu et les petits chiens



Lundi 27 mars 1989 : de DAR BOUAZA à OUALIDIA

Dar
        Bouazza : les deux familles réunies posent avant notre départ
Dar Bouazza : les deux familles réunies posent avant notre départ

Après des adieux émus à tous les membres de la famille, photos et échanges d'adresses, nous retournons à Casa photographier le garage Auto Hall créé par Gabriel Veyre en 1912. Dar Bouazza: Abdallah, Monique et Ahmed avant le
                  départ
Dar Bouazza: Abdallah, Monique et Ahmed avant le départ


Casablanca : façade d'Autohall
Casablanca : façade d'Autohall

Le petit hangar où celui-ci vendait et entretenait les premières Ford qu'il importait directement de Detroit dans les année 1910 est maintenant devenu le plus gros établissement du genre au Maroc.. . 

Le directeur, apprenant qu'il a affaire à l'arrière petite-fille du fondateur, se fait un devoir de nous le faire visiter de fond en comble. Dans la salle du conseil, nous découvrons des photographies et des documents historiques touchants qui relatent les débuts héroïques de l'entreprise.. Casablanca : sur le toit d'Autohall, Monique et
                  les tracteurs Ford...
Casablanca : sur le toit d'Autohall, Monique et les tracteurs Ford dernier cri...


Gabriel Veyre à son arrivée au Maroc en 1901
Gabriel Veyre à son arrivée au Maroc en 1901
Gabriel Veyre et E. Barathon à bord de l'Ancêtre :
              Ford T 1911
Gabriel Veyre et E. Barathon à bord de l'Ancêtre, la Ford T 1911, première voiture importée au Maroc par ses soins

Nous poursuivons nos recherches généalogiques près de la cathédrale et retrouvons cette fois la "rue du Dr Veyre" cachée derrière le Grand Hôtel des Almohades... Sa villa La Volière, l'une des premières construite hors les murs de la médina en 1909, a disparu dans les années 40, victime de l'expansion de Casablanca. Reste le discret souvenir du pionnier... 

Casablanca : rue du Dr Veyre près de la
                      cathédrale
Casablanca : rue du Dr Veyre près de la cathédrale

Casablanca : plaque de la rue du Dr Veyre
Casablanca : plaque de la rue du Dr Veyre

Ayant fait notre moisson d'images et de souvenirs, nous partons enfin vers le Sud. Petit arrêt à la station service sur la route d'Azemmour où Abdel'hak et Mustapha nous font des adieux un peu tristes... Dar Bouazza : Moha, Juliette, Abdel'hak et
                  Monique à la station-service
Dar Bouazza : Moha, Juliette, Abdel'hak et Monique à la station-service


Un dernier plein de gasoil et nous filons par la route côtière jusqu'à Azemmour. Nous y déjeunons en profitant d'une jolie vue de la petite ville sise sur les rives de l'oued Oum er Rbia, puis nous poursuivons jusqu'à El Jadida (autrefois Mazagan).

El Jadida :
                  la darse et les remparts
El Jadida : la darse et les remparts

La vieille forteresse portugaise a beaucoup d'allure dans son enceinte carrée renforcée de quatre bastions, avec sa citerne voûtée un peu sombre et mystérieuse et ses remparts de pierre ocre dominant la mer.

El Jadida : la citerne portugaise
El Jadida : la citerne portugaise

El Jadida : femmes dans les rues colorées de
                  rose
El Jadida : femmes dans les rues colorées de rose

El
                  Jadida : la Porte de la Mer et les remparts tombant
                  dans l'Océan
El Jadida : la Porte de la Mer et les remparts tombant dans l'Océan

 Nous en faisons le tour. Les restaurations en cours lui redonneront un peu du lustre ancien que ses rues défoncées et ses maisons décrépites lui avaient fait perdre. Après une vaine tentative pour rejoindre la France par téléphone (l'installation doit dater du Protectorat !), nous reprenons la route côtière vers 18:00.

Le rivage désert, un peu austère, se poursuit jusqu'au Cap Blanc. On a la surprise d'y découvrir le port d'embarquement des phosphates tout neuf, impressionnant dans sa nudité fonctionnelle. Sous la pluie et dans l'obscurité maintenant établies, nous allons coucher à Oualidia dans la cour de l'Hôtel de la Lagune, aimablement guidés par un automobiliste marocain en panne que nous avons recueilli sur la route.


Mardi 28 mars 1989 : de OUALIDIA à SAFI

 Le ciel s'est dégagé pendant la nuit, et la vue sur la lagune, sa plage et sa barre derrière le goulet est superbe. Juliette et Mathieu jouent longuement dans le sable pendant que nous écrivons notre courrier sur la dînette du camping-car avec un panorama de carte postale dans la fenêtre...

Nous repartons vers 13:00 en suivant la côte rocheuse. La route serpente sur la crête, dominant une sorte d'épaulement longeant la mer et couvert de cultures sous serre ou en plein air. Du côté intérieur s'amorcent des étendues semi-désertiques parsemées d'arbres squelettiques et d'arbustes en boules broutés par des chèvres efflanquées. Un phare massif encadré d'un haut mur carré façon fort colonial signale bientôt le cap Bedouza. La route se rapproche de Safi, filant sur de hautes falaises tombant à pic dans l'Atlantique qui les lamine de ses énormes rouleaux et leur fait une large frange d'écume blanche.

 On aperçoit de loin le port moderne de Safi. En revanche il faut pénétrer dans les rempart de sa vieille ville pour goûter le pittoresque de ses ruelles que domine son quartier des potiers avec son inévitable souk... Stationnant au pied de l'antique Castelo del Mar implanté ici par les Portugais au XVIème, nous nous lançons dans la foule bigarrée et bruyante envahissant les pavés de la ville close. Ici l'on butte sur l'étal d'un marchand de tapis empiétant sur la chaussée, là on contourne celui d'un herboriste accroupi sur le trottoir, entouré de ses petits sachets odorants...

Le souk des potiers finit par arriver. Nous traînons longuement dans les boutiques offrant au chaland des plats, assiettes, bols et autres pièces variées. Dans l'ensemble la qualité des productions artisanales nous déçoit un peu.  Souk
                  de potiers
Un souk de potiers authentique


afi :
                  four et cigogne...
Safi : four et cigogne...

En revanche la balade chez les potiers qui travaillent l'argile au tour parmi les fours rougeoyant et fumant dans le crépuscule s'avère très pittoresque. A la nuit tombante, nous gagnons le camping, moderne mais peu soigné...



Mercredi 29 mars 1989 : de SAFI à ESSAOUIRA (ex MOGADOR)

Réveillé par les bavardages des gardiens à 3:30 en pleine nuit, je ne retrouve le sommeil que vers 5:30, après l'appel des muezzins provenant des multiples mosquées entourant le terrain... Finalement nous levons le camp à 11:00 après une petite discussion avec le gérant du camping. Il ne semble pas du tout effrayé par l'état déplorable - et dangereux ! - de l'installation électrique qui ignore royalement toute mise à la terre ! Le long de la route se succèdent des paysage vallonnés et verdoyant sur fond de terre rouge. Des villages groupés autour de leur mosquée et de leur arrêt d'autobus (pas très différents de ceux d'il y a 20 ans...) sont entourés d'un souk s'étalant sur les deux bords de la route. Anes, mulets voire chameaux trottinent au bord du chemin ou tirent une carriole d'un autre âge...
 
Les pluies du printemps ont gonflé les eaux rougies de l'oued Tensift. Nous nous en étonnons en passant le pont et, plus loin, en admirant l'une de des boucles du petit fleuve au milieu des collines. Enfin Essaouira profile au bord de l'océan sa ville blanche enserrée dans ses remparts ocres.  Essaouira : J-P et Juliette sur le belvédère en
                  vue des iles de Mogador
Essaouira : J-P et Juliette sur le belvédère en vue des iles de Mogador


Essaouira :
                  dans le port des pêcheurs débarquent les prises
Essaouira : dans le port des pêcheurs débarquent les prises

Nous faisons d'abord un tour sur le port coloré, odorant et animé. S'y affairent pêcheurs raccommodant leurs filets, charpentiers réparant ou construisant les robustes bateaux de pêche aux flancs ventrus, tout en bois, typiques de la région. 

Puis nous franchissons la Porte de la Marine pour grimper sur le bastion garni de canons. De là-haut, on découvre tout aussi bien la côte rocheuse très découpée, les îles de Mogador au large et les bateaux mouillés dans le port. Devant les jeux de mouettes sur les créneaux et le long des murs, Juliette ne sait plus où orienter la caméra vidéo... Essaouira : Porte de la Marine
Essaouira : Porte de la Marine


Nous enfonçant ensuite dans la ville, nous suivons la ruelle qui longe le côté intérieur du rempart près de la mer. Elle est bordée d'échoppes et de boutiques d'ébénistes travaillant la loupe de thuya (arar), la sculptant, la tournant ou l'incrustant de fines baguettes de citronnier, de pastilles de nacre ou de fils d'argent. Monique, conquise par ce bois odorant, passe des heures à examiner et marchander coffrets, bols, échiquiers et plateaux. 

Je préfère gagner la skala (plate-forme d'artillerie) de la ville d'où la vue, splendide, s'étend sur l'autre skala (celle du port), l'ensemble des remparts et les îlots rocheux que vient battre l'océan. Le crépuscule jette sur les récifs des lueurs fauves, l'écume jaillit de plus en plus violette... Revenant à l'entrée par les grandes rues rectilignes inhabituelles qui traversent la ville forte, nous allons dormir dans le camping en face de la plage.
1989-0329-08=Essaouira crépuscule sur la skala de
                la ville
Essaouira : crépuscule sur la skala du port depuis celle de la ville



51. D'Essaouira à Aglou (Tiznit)


Jeudi 30 mars 1989 : d'ESSAOUIRA à TARHAZOUTE (près d'AGADIR)

Essaouira : l'avenue de l'Istiqlal, ses souks et sa
                mosquée
Essaouira : l'avenue de l'Istiqlal, ses souks et sa mosquée côté sud

Levés relativement tôt sous un ciel superbe, nous retournons en ville en nous séparant : je traverse toute la cité en suivant son axe central (l'avenue de l'Istiqlal) jusqu'à la porte nord (Bab Doukkala).
 Pendant ce temps, Monique et les enfants font à nouveau le tour des boutiques d'ébénistes pour achever leurs multiples achats de cadeaux. Cette liberté inusitée me permet de glaner tout à loisir des images très spontanées de marchands attendant les chalands sur les places et marchés, de petits enfants sortant de l'école et de femmes papotant à la fontaine.  Essaouira : femme à sa fenêtre
Essaouira : femme à sa fenêtre

Essaouira :
                skala de la ville et fortin nord
Essaouira : skala de la ville et bastion nord

Je retourne ensuite à la skala de la ville pour y refaire quelques vues intéressantes sur la mer, les remparts, l'enfilade de canons et la skala du port, mais en plein soleil cette fois-ci. Je croise Monique et les enfants en rentrant; ils poursuivent leurs marchandages tandis que je retourne au camping-car. Au passage, je discute un long moment avec deux jeunes adolescents occupés à polir des objet en loupe de thuya; ils me parlent de leur vie quotidienne laborieuse et de leurs projets scolaires. 

Puis j'utilise les trois précieuses heures solitaires qui suivent à lire et écouter de la musique sans personne pour se plaindre que "c'est trop fort, ça nous dérange, c'est pas beau...".

 A 17:15, je vois rentrer mes négociants les bras chargés de paquets. Ils sont ravis de leurs achats et souhaiteraient demeurer encore quelque temps dans cette ville "intéressante"... Après un souper de langoustes dégusté à la terrasse d'un restaurant en plein-air à même le quai du port, nous prenons enfin la route d'Agadir. Elle devient de plus en plus montagneuse lorsque nous passons l'extrémité du Haut-Atlas avec, en milieu de parcours, de superbes échappées sur l'Atlantique. La campagne étale ses chaudes couleurs sous le soleil descendant : vert sombre des arbres, jaune intense des moissons, ciel rosi par le couchant... Malheureusement la nuit tombe bientôt. C'est donc dans l'obscurité que nous faisons les derniers kilomètres d'une très mauvaise route nous menant au camping de Tarhazoute.

 Nous y retrouvons des Français en Pilote 450 quasiment identique au nôtre déjà rencontrés hier à Essaouira. Ils profitent de leurs vacances de Pâques pour voyager avec leurs deux garçons dans ce Maroc dont ils apprécient eux aussi les paysages extraordinaires. Mathieu et leur fils Stéphane (14 ans) font vite connaissance et se découvrent un intérêt commun pour les jeux de rôle auxquels ils se consacrent assidûment jusqu'à une heure tardive.

 

Vendredi 31 mars 1989 : de TARHAZOUTE à IMOUZZER des IDA-OUTANANE

 Au lever vers 8:00, un beau soleil brille sur la plage immense. Le paysage est magnifique, mais l'équipement et les services du camping sont plutôt spartiates... Lorsque nous nous présentons à sa sortie, brève altercation avec le gardien qui veut nous faire payer une taxe imaginaire alors qu'il n'est même pas capable de nous fournir de l'eau... Il faut le mettre au défi d'appeler la police (ce dont il a eu le culot de nous menacer), puis faire le blocus de sa barrière pour qu'enfin il se résolve à nous laisser partir.
 
Nous approchons bientôt d'Agadir. La belle route en corniche contourne les dernière pentes de l'Atlas au Cap Rhir puis une large courbe passe au dessus du nouveau port très moderne; il a été construit au pied de la colline que surmontait la casbah maintenant détruite.

Agadir : le port et la plage depuis la casbah
Agadir : le port et la plage depuis la casbah

C'est alors qu'apparaît la ville toute neuve s'étalant sur une pente douce en arrière de l'arc immense de sa plage (6 kilomètres de sable fin). Nous nous rendons d'abord à la poste pour téléphoner puis à la banque, tous bâtiments modernes reconstruits dans un agréable style contemporain après le tremblement de terre catastrophique de 1960. Les rues, rectilignes, se parcourent aisément, des jardins fleuris égaient les places et les avenues tandis que de petits immeubles d'habitation irrégulièrement implantés jalonnent les rues.

 Nous passons ensuite au garage Citroën local prendre rendez-vous pour le changement d'huile et la réparation d'un cognement bizarre dans le train avant droit, là où nous avions frappé un muret en Belgique...

Puis nous rejoignons sur la plage la famille Leroi, les Français en camping-car dont nous avons fait la connaissance à Essaouira. Pendant que les enfants se baignent, nous écrivons notre courrier allongés sur le sable, avant de retourner faire réparer le camion. L'addition est plutôt salée (63 $ !) pour une vidange et une intervention sous garantie... Mais surtout elle nous semble fort longue puisque nous quittons l'atelier seulement vers 17:30. Agadir : la plage et la casbah depuis la plage
Agadir : la plage et la casbah depuis la plage

Route d'imouzzer : maison en terre et palmiers...
Route d'Imouzzer : maison en terre et palmiers...

 Accompagnés de Geneviève et Max Leroi qui ont décidé de nous suivre dans notre périple du Sud marocain, nous prenons la direction d'Imouzzer au pays des Ida Outanane, une excursion de 64 kilomètres recommandée par le Guide Vert.

Gorge de l'asif n'Tarhat
Gorge de l'asif n'Tarhat

Route d'Imouzzer : bougainvillier
Route d'Imouzzer : bougainvillier

La montagne est superbe et la gorge de l'asif n'Tarhat sauvage et exotique à souhait avec ses rochers rouges, son eau verte et ses palmiers. La route, étroite mais pas trop mauvaise, monte en tournicotant continuellement jusqu'à quitter les hautes murailles encaissées de la vallée.

On accède alors à un plateau où se succèdent des petites palmeraies entourant des hameaux de maisons de pierres aux toits plats. Malheureusement le soir tombe et c'est dans l'obscurité complète que nous atteignons le village d'Imouzzer à 1 060 mètres d'altitude par un chemin très resserré et défoncé. Vallée
                d'Imouzzer
Vallée d'Imouzzer des Ida-Outanane

Imouzzer : les camping-cars Pilote au matin devant
                la Résidence
Imouzzer : les camping-cars Pilote au matin devant la Résidence

Aimablement accueillis par un soldat, nous stationnons  nos deux camping-cars Pilote devant la Résidence (siège du gouvernement local assorti d'une caserne).


Samedi 1er avril 1989 : d'IMOUZZER à TAFRAOUTE
 Au matin, nous descendons dans la haute vallée suspendue en dévalant une longue rampe dont les lacets mènent à la palmeraie.  Village dans la vallée d'Imouzzer
Village dans la vallée d'Imouzzer

La cascade
          d'Imouzzer
La cascade d'Imouzzer

La
                cascade d'Imouzzer
La cascade d'Imouzzer
Les cascades, but de l'excursion, manquent un peu d'eau...
...mais le cirque montagneux qui les entoure est magnifique avec sa verdure et ses terres rouges ou ocres. La
              cascade d'Imouzzer
La cascade d'Imouzzer
Imouzzer : le chaos dans la vallée
Imouzzer : le chaos dans la vallée



Imouzzer :
                la rivière dans le vallon
Imouzzer : la rivière dans le vallon

Imouzzer : la rivière dans le vallon
Imouzzer : la rivière dans le vallon
Jolies vues du chaos au pied de la falaise et de l'oued en aval ombragé par les oliviers et les amandiers.

Mais pourquoi faut-il que les marchands de souvenirs (minéraux et babioles) soient si collants et agaçants...

 Sur le chemin du retour, on jouit de grandioses panoramas sur les montagnes avant de s'enfoncer dans les gorges, un extraordinaire lacis de rochers rouges et à-pic. La route y longe un mince filet d'eau serpentant entre les dalles blanches pavant le fond du torrent et les lauriers roses en fleurs.

Plusieurs petits villages sont accrochés aux pentes, tout bruns parmi les palmiers. L'oued s'élargit un peu et, au détour d'un virage, nous apercevons deux femmes berbères en costume coloré typique occupées à y faire la lessive, accroupies dans une flaque sous les palmiers et au milieu des fleurs...
Route d'Imouzzer : le torrent et les lauriers roses
                sur les pierres rouges
Route d'Imouzzer : le torrent et les lauriers roses sur les pierres rouges
Gorge de l'asif n'Tarhat
Gorge de l'asif n'Tarhat

Rencontre sympathique le long de la route
                d'Imouzzer
Rencontre sympathique le long de la route d'Imouzzer
Lauriers roses au bord de la rivière sur la
                    route d'Imouzzer
Lauriers roses au bord de la rivière sur la route d'Imouzzer

Laurier rose au bord de la rivière sur la route
                d'imouzzer
Laurier rose au bord de la rivière sur la route d'imouzzer

 En rentrant à Agadir, nous montons déjeuner devant la casbah. Ainsi dénomme-t-on la vieille ville fortifiée entièrement rasée par le tremblement de terre de 1960. Lorsqu'on passe l'ancienne porte, la vue de l'espace désert et nivelé entre les murailles seules conservées émeut par l'évocation des 20 000 victimes qui y furent enterrées vives en quelques secondes. De l'autre côté du seuil, un vaste panorama se déploie sur le port et la ville blanche trouée de grands espaces verts, ourlée par le ruban blond de la plage. Au delà s'étend la plaine du Sous bornée au loin par la masse grise de l'Anti-Atlas (que nous franchirons plus tard). Au nord le Haut-Atlas (passé l'avant-veille) s'annonce par ses contreforts piqués d'arganiers. L'ensemble est superbe et tout chargé d'émotion. Pas étonnant alors que Monique, scandalisée par l'impudence des vendeurs de toute sorte, au mépris du respect dû à cette immense nécropole, provoque un petit attroupement lorsqu'elle réclame un peu plus d'égards pour ceux qui vécurent et reposent ici...


Casbah
                  sur la route de Tafraoute

Casbah sur la route de Tafraoute
Nous prenons ensuite la direction de Tafraoute par la R105. La route file d'abord toute droite dans la plaine, parmi les champs de céréales déjà mûries et dorées par le soleil, puis elle s'élève rapidement en un relief accusé. 
Les vallées profondes sont peu habitées et les pentes dénudées semées d'arganiers où paissent les chèvres grimpées dans leurs basses branches. Chèvres noires broutant dans un arganier
Chèvres noires dans un arganier

Vallée
                en approchant de Tafraoute
Vallée en approchant de Tafraoute

A l'horizon les montagnes prennent des teintes violettes avec le soir qui approche. Monique, qui a pris le volant pour me laisser filmer, est pressée d'arriver avant la nuit. En passant assez vite un lit d'oued à sec mais mal remblayé, elle percute violemment le carter dont l'huile commence à fuir...
Peu après l'aiguille du thermomètre d'eau grimpe dans le rouge tandis que le voyant du manomètre d'huile se met à clignoter.... et nous sommes en plein désert ! On s'arrête à mi-côte pour laisser au moteur le temps de refroidir et y verser les fonds de bidons d'huile retrouvés dans les soutes, puis on repart à petite vitesse, appréciant la compagnie rassurante de l'autre équipage...  Crépuscule sur la vallée en approchant de
                Tafraoute
Crépuscule sur la vallée en approchant de Tafraoute

C'est assez stressés et embêtés que nous arrivons dans la nuit à Tafraoute, quelques kilomètres plus loin. Nous allons nous installer directement dans le petit camping bien tenu, laissant au lendemain le souci de réparer l'avarie.

 
Dimanche 2 avril 1989 : de TAFRAOUTE à la plage d'AGLOU (près de TIZNIT)

Tafraoute : le Doigt
Tafraoute : le Doigt

Le matin venu, je constate avec soulagement que nous avons finalement perdu peu d'huile, mais aussi que le paysage de rochers rouges autour de nous défie l'imagination par ses couleurs toutes minérales et son aspect tourmenté. 
Rochers près de Tafraoute
Rochers près de Tafraoute

Rochers emplés au-dessus de Tafraoute : le
                    Doigt
Rochers au-dessus de Tafraoute : le Doigt


Dans les
        rues de Tafraoute
Dans les rues de Tafraoute

EMaisons_abandonneesTafraoute
Maisons abandonnées près de Tafraoute

Tafraoute : femme berbère en costume traditionnel Cependant, avant de jouer les touristes, il faut remettre notre moteur en état d'affronter la suite d'une route exigeante. Nous perdons alors 3 heures à trouver un garagiste, nous entendre avec lui sur le prix de ses services, lui faire démonter la plaque du carter, puis en ressouder et en colmater les deux fentes.
Enfin, vers midi, nous répétons au grand soleil le parcours effectué hier soir dans la pénombre, les yeux rivés sur la route pour tenter de retrouver le bouchon de remplissage d'huile qui a disparu dans l'incident. Peine perdue...

La région est vraiment magnifique. Un petit détour sur la route d'Aït Abdellah nous plonge dans de grandioses paysages de montagnes dorées coupées d'abruptes vallées vert tendre, barrées de villages couleur terre (la Vallée des Ammelnes).
Route dans la vallée des Almennes vers Ait
                Abdellah
Route R105 dans la vallée des Almennes vers Ait Abdellah


Route
          dans la vallée vers Ait Abdallah
Route 105 dans la vallée des Ammelnes

Route dans la vallée des Almennes vers Ait Abdellah
Route dans la vallée des Almennes vers Ait Abdellah

Village de la vallée des Almennes
Village de la vallée des Almennes

Passant à nouveau par Tafraoute, nous nous arrêtons pour déjeuner à Adaï au milieu des champs de céréales, entourés par d'extraordinaires rochers rouges et nous abritant sous les palmiers d'un soleil déjà très chaud. 

Maisons
          accrochées aux rochers près de Tafraoute

Maisons accrochées aux rochers près de Tafraoute

Nous fêtons les dix ans de Juliette dans ce paysage exotique inoubliable. La boite de terrine de lièvre dégustée ce midi-là servira à limiter les débordements d'huile de notre moteur pour les semaines à venir... Maisons accrochées aux rochers près de Tafraoute
 Maisons accrochées aux rochers près de Tafraoute
Le
                Grand Hôtel de Tafraoute
Le Grand Hôtel de Tafraoute

Nous serpentons ensuite longtemps dans la montagne avant d'atteindre la plaine et, tout au bout, Tiznit. 
Entre Tafraoute et Tizni t, Monique monte dans l'autre camping-car et me filme au volant du nôtre, enfilant les virages de la route de montagne (R104). Elle fait aussi de longs plans intéressants à Tirhmi où les gens attendent l'autobus sur la place centrale, avant que nous franchissions le dernier col au milieu des nuages. En sortant la kesta du four à pain
En sortant la kesta du four à pain

Dans la vallée assez riante que nous traversons ensuite, Monique distribue des bonbons à un groupe d'enfants jouant au bord de la route. Mal lui en prend car elle se fait griffer les mains et les bras tant ils se bousculent, agglutinés à la fenêtre du camping-car... Femme bebère et son bébé
Femme bebère et son bébé


Monique sur la plage d'Aglou au crépuscule
Monique sur la plage d'Aglou au crépuscule

Contournant les remparts de Tiznit en fin d'après-midi, nous filons jusqu'à la plage d'Aglou. Au pied des derniers contreforts de l'Anti-Atlas, le soleil se couche au milieu des roches parsemant la grève de sable.

Nous nous installons pour un camping sauvage et sans surprise sur la digue à 20 mètres de la mer, toujours en compagnie de Max, Geneviève et leurs deux enfants dans leur Pilote 450. Juliette et Stéphane s'ébattent sur la plage
                d'Aglou
Juliette et Stéphane s'ébattent sur la plage d'Aglou




52. D'Aglou à Marrakech par Goulimine, le Sous
et franchissement du Tizi'n Test


Lundi 3 avril 1989 : de la plage d'AGLOU à OULAD TELMA
Après avoir été réveillés par la pluie, nous découvrons à 8:00 un soleil brillant qui réchauffe les couleurs de l'immense paysage. Nous retournons à Tiznit par la route droite et rapide, puis virons plein sud vers Goulimine, "la porte du Sahara". La plage d'Aglou
                au matin
La plage d'Aglou au matin


Col
                de Tizi-Mighert : troupeau de moutons er de chèvres
Col de Tizi-Mighert : troupeau de moutons er de chèvres

 Le chemin plat continue un moment avant que l'on escalade le col de Tizi Mighert. De là-haut (1 057 m), la vue s'étend au loin sur la plaine semée de céréales dorées et sur les pentes alentour, dénudées et piquetées d'arganiers. Ensuite une route de plateau, sinueuse jusqu'à Bou Izakarn, nous entraîne dans une vive descente le long de la gorge d'un oued rougi par la pluie. 

Elle se poursuit dans une très large vallée semi-désertique (sable rouge semé de buissons) qui rappelle le nord du Mexique.  En
                route vers Goulimine
En route vers Goulimine


Le
                vieux Goulimine, « Porte du Sahara »
Le vieux Goulimine, « Porte du Sahara »

Au bout se trouve Goulimine, ville au bord du désert dont le seul intérêt notable est l'ambiance particulière qui se dégage de ses maisons toutes peintes ocre-rose.

 Nous poussons jusqu'à la petite oasis d'Aït Boukha. Après un pique-nique rapide en face de l'école, nous partons faire une balade à pied dans les chemins étroits bordés de murs de pisé.  Oasis
                d'Aït Boukha
Oasis d'Aït Boukha



Mur de pisé
Aït Boukha mur de pisé

Dans
              les ruelles d'Aït Boukha
Dans les ruelles d'Aït Boukha
Deux enfants nous accompagnent et nous guident dans ce dédale ombragé de multiples palmiers. De minuscules champs irrigués alternent avec des petits pâturages (vaches efflanquées et chèvres...), entourant des maisons basses en terre fermées d'une énorme porte de bois renforcée.

De retour au camping-car, nous reprenons la route de Goulimine où la pluie devient menaçante. Nous parcourons rapidement les 108 kilomètres qui nous séparent de Tiznit, un peu déçus par cette incursion dans un sud qui nous aura finalement peu apporté et peu montré. Ici aussi il aura fallu éviter les "guides" harcelants qui nous ont escorté en pétrolette dès l'entrée de la ville, insistant pour nous faire visiter un mythique "marché aux chameaux fréquenté par les Hommes Bleus du désert". La supercherie est tellement grosse qu'elle figure en toutes lettres, assortie d'une mise en garde, dans le Guide du Routard... Le
              marché aux chameaux de Goulimine
Le marché aux chameaux de Goulimine

Désert de
                sable et océan sur la côte au sud de Goulimine
Désert de sable et océan sur la côte au sud de Goulimine
D'autre part les paysages monotones et plats nous ont paru manquer d'intensité par rapport à ceux que nous avons déjà vus dans les différentes massifs de l'Atlas.


Tempête de
        sable au sud de Goulimine
Vent de sable au sud de Goulimine


Sans commentaires...

A Tiznit, nous entreprenons de faire le tour sur les remparts suggéré par le Guide Vert, mais l'environnement est tellement moche que nous nous retrouvons bien vite sur la grande place du méchouar. Porte
              dans le rempart de Tiznit
Porte dans le rempart de Tiznit

Une
              belle porte cloutée de Tiznit
Une belle porte cloutée de Tiznit
Je reste à m'y reposer et écrire tandis que Monique et Juliette se dirigent vers le souk des bijoutiers. Las, il se met à pleuvoir à verse lorsqu'elles l'atteignent et, battant en retraite, elles reviennent en courant à la "maison". Ce sera ensuite une randonnée rapide sur la grande route, dans la pluie et l'obscurité croissante jusqu'à Aït Melloul près d'Agadir.

La vaste plaine est de plus en plus cultivée au fur et à mesure que nous montons vers le nord. Dans la nuit maintenant établie, nous prenons la direction de Taroudant. Après 30 km de recherche d'un point de chute acceptable sur une route rendue dangereuse par les cyclistes, piétons, carioles et autres voyageurs imprudents et non éclairés, nous allons stationner au calme entre l'Annexe et la gendarmerie d'Ouled Telma.


Mardi 4 avril 1989 : d'OULED TELMA à OUIRGANE, dans l'enceinte de l'auberge du "Sanglier qui Fume"

Réveil à 5:00 par "Radio-Minaret", comme dit Max, le chauffeur du Pilote jumeau du nôtre qui continue de nous accompagner. Si au moins les appels des muezzins des différentes mosquées étaient synchronisés... Le temps est superbe jusqu'à Taroudant où nous cherchons la poste puis la banque dans la ville nouvelle nichée au milieu des jardins. Nous sommes dans la vallée de l'oued Sous, riche et riante, et l'état de la ville - plates bandes soignées, superbes remparts ceignant la cité... - comme l'intense activité qui y règne, témoignent de la prospérité de cette région.

Nous franchissons bientôt les murs par la porte monumentale pour gagner la place Talmoklate où nous stationnons. Remparts
                de Taroudant
Remparts de Taroudant

Taroudant
        : place Asarac
Taroudant : place Asarak

Taroudant : le marché
Taroudant : le marché

Nous traînons ensuite un long moment dans le souk rempli d'épices, de quincailleries, de poteries, d'échoppes d'artisans menuisiers...
Taroudant : les épices du marché
Taroudant : les épices du marché

Taroudant : marchand de pastèques
Taroudant : marchand de pastèques
Taroudant
        :fille du Sud
Taroudant : fille du Sud

Marché
        de Taroudant : étal d'herboriste
Marché de Taroudant : étal d'herboriste

Taroudant rue du marché
En revenant du marché de Taroudant

Puis nous reprenons la route remontant la vallée jusqu'à Zaouia, l'embranchement sur la route R203 franchissant le Tizi n'Test. Oued dans les collines en quittant Taroudant vers
                le Tizi n'Test
Oued dans les collines en quittant Taroudant vers le Tizi n'Test

Notre Pilote franchit un gué sur la route du
                  Tizi'n Test
Notre Pilote franchit un gué sur la route du Tizi'n Test
Radier sur la route du Tizi'n Test
Radier sur la route du Tizi'n Test

Oued sur la route du Tizi n'Test
Oued sur la route du Tizi n'Test
La voie rapide N10 est encadrée du côté nord par les cimes élevées du Haut-Atlas - que nous nous préparons à franchir - et du côté sud par les pentes plus douces de l'Anti-Atlas - estompées par la distance - que nous avons traversé hier.

Hélas le ciel se charge progressivement. Lorsque nous attaquons les premiers lacets sur les contreforts de la montagne, une petite pluie fine se met de la partie tandis que le soleil disparaît. Quel dommage ! Pilote sur la route du Tizi n'Test
Notre Pilote sur la route du Tizi n'Test

Hameau dans la montagne enneigée
Hameau dans la montagne enneigée
Si la chaussée est loin d'être en bon état, les paysages de grande nature sont en revanche de première catégorie : pentes abruptes, vertigineux précipices, perspectives à couper le souffle.

Amandiers en fleurs
Amandiers en fleurs
Femme à la fenêtre avec son bébé
Femme à la fenêtre avec son bébé

Le rouge grenat des rocs et le vert tendre de la végétation chantent autour de nous, vaguement estompés par l'humidité ambiante. Ferme dans le Tizi'n Test
Ferme dans le Tizi'n Test

Route du Tizi n'Test
Route du Tizi n'Test
Notre vaillant petit diesel grimpe sans s'essouffler ni chauffer, maintenant que j'ai renforcé les fusibles des ventilateurs avec de l'aluminium ménager... Nous atteignons ainsi la base des nuages.

On double parfois une mémorable camionnette marocaine surchargée de légumes et de passagers emmitouflés dans burnous et couvertures, peinant sur la côte à grand renfort de teuf-teuf et de fumée de gasoil noire. Puis soudain tout disparaît dans la ouate, la visibilité devient quasi nulle. Devinant avec peine à quelques mètres devant moi l'ambre clignotant des feux d'urgence de Max (qui tient à jouer les premiers de cordée...), nous réussissons à franchir le col à 2 092 m. Photo souvenir du panneau indicateur, puis descente vertigineuse et à l'aveuglette, mais dans une petite tempête de neige maintenant !

Nous retrouvons un temps plus clément quelques centaines de mètres plus bas, ce qui permet des plans vidéo intéressants sur les vallées à grande perspective, les villages de terre accrochés aux pentes et les casbahs fortifiées plus ou moins en ruines. Oued et douar perché sur une éminence
Oued et ksar perché sur une éminence

Douar accroché à la pente
Douar accroché à la pente
Douar perché sur la route du Tizi n'Test
Douar perché sur la route du Tizi n'Test

Évitant les ornières, les nids de poule et les roches tombées sur la route, franchissant flaques d'eau rouge et lits d'oueds dans de grands éclaboussements, nous descendons rapidement jusqu'à Ouirgane. Pilote passe un ponceau sur la route du Tizi
                n'Test
Notre Pilote passe un ponceau sur la route du Tizi n'Test

Ouirgane : l'auberge du « Sanglier qui fume
Ouirgane : l'auberge du « Sanglier qui fume

Nous nous arrêtons à la fameuse auberge du "Sanglier qui fume" où l'on nous accueille chaleureusement. Nous y prenons le souper en compagnie de Max, Geneviève et leurs deux garçons qui nous quittent pour rentrer vers la France en gagnant dès ce soir Marrakech.

Nous nous séparons avec regrets de ces bons compagnons de route dont le Pilote jumeau du nôtre nous suivait depuis Essaouira. Quant à nous, nous nous endormons dans l'enceinte de l'auberge sous une pluie battante.


Mercredi 5 avril 1989 : d'OUIRGANE à MARRAKECH

Lorsque nous nous éveillons, le temps est superbe, le ciel bleu entièrement dégagé, l'air clair et léger. Nous décidons rapidement de refaire la route en sens inverse pour profiter des paysages magnifiques que nous n'avons qu'entrevus dans la grisaille d'hier. Juliette filme les animaux gardés dans le jardin du "Sanglier" (cigogne, chiens, oiseaux... et, bien sûr, sanglier) pendant que nous mettons tout en ordre. Dans le jardin de l'auberge
Dans le jardin de l'auberge

En remontant vers le Tizi n'Test
En remontant vers le Tizi n'Test
A 9:30, nous commençons à remonter la vallée de l'oued Nfiss. Les couleurs sont bien différentes de celles de la veille : le sol et les rochers qui nous paraissaient rouges ont repris leur teinte brun terre-cuite maintenant qu'ils ont séché, et le vert des céréales semble plus tendre et plus vif.  Douar sous le soleil
Douar sous le soleil


L'eau de l'oued brille sous les reflets du soleil et les hautes pentes ravinées de la vallée adoptent un profil de plus en plus accusé à mesure que nous montons.  La route en corniche accompagne longuement les circonvolutions de la rivière, ménageant des vues saisissantes sur son cours et sur les villages terreux campés sur les éperons. En remontant vers le Tizi n'Test, J-P filme le
                  paysage
En remontant vers le Tizi n'Test, J-P filme le paysage


 Le magnifique paysage de montagnes sous le
                  soleil
Le magnifique paysage de montagnes sous le soleil

Le cognement rythmé de notre petit diesel nous fait gagner petit à petit un grand cirque magnifiquement encadré par les cimes maintenant blanchies de la montagne.

  A chaque arrêt pour prendre une photo, nous sommes assaillis par des nuées de gamins qui se précipitent pour quémander en récitant la litanie maintenant coutumière des "boumboum" (bonbons), stylo, dirham, etc... Cela finit par être agaçant, d'autant plus que ces mouflets ne connaissent pas un traître mot de français en dehors de ceux-ci, et qu'ils sont insatiables... Maison de terre en bord de route
Maison de terre en bord de route


Gravissant lentement de longues rampes, nous atteignons la haute montagne et finissons par rouler, éblouis, entre deux pentes resplendissantes de neige. Malheureusement, à quelques centaines de mètres du seuil du col, nous entrons à nouveau dans le nuage. Nous ne verrons donc pas le superbe panorama** sur la plaine du Sous annoncé par le Guide Vert ! Il ne reste plus qu'à redescendre par le même chemin quoiqu'en sens inverse, ce qui nous offre un coup d'oeil différent sur des paysages déjà découverts.

Notre Pilote traverse l'oued dans la vallée
Notre Pilote traverse l'oued dans la vallée
Entre Ouirgane et Asni, la chaussée est encore plus défoncée si c'est possible. Aussi, lassés de ces 200 km de difficile route de montagne, nous gagnons sans détour Marrakech dans sa plaine pour aller nous écraser dans le camping municipal.

Palmeraie de Marrakech
Palmeraie de Marrakech



53. Marrakech et ses environs



Jeudi 6 avril 1989 : MARRAKECH
Marrakech : Avenue de Gueliz, Koutoubia et Atlas
                enneigé
Marrakech : Avenue de Gueliz, Koutoubia et Atlas enneigé
Nous nous levons fort tard et je passe une bonne partie de la matinée à laver le coffre à eau plein d'un dépôt minéral rouge, souvenir du dernier plein à la fontaine rustique du "Sanglier" dans la montagne près de Ouirgane. Puis je colmate les fuites du lavabo de la salle de bain pendant que Monique fait un peu de lavage et que les enfants traînent dans le camping en quête de camarades de jeu.

Vers 13:00, enfin nous partons en ville. En passant devant la Poste, Monique rejoint par téléphone sa mère qui lui confirme les réservations de nos billets de retour au Canada (dans 3 mois déjà...). Puis nous gagnons Bab Aguenaou et, de là, les Tombeaux Saadiens : la mosquée d'El Mansour qui les précède ne manque pas d'allure avec son minaret décoré de faïences et ses grandes arcades blanches... Marrakech : le minaret de la Koutoubia
Marrakech : le minaret de la Koutoubia

Mais nous sommes encore une fois assaillis par des "guides" tenaces; nous ne retrouvons la paix que dans le cimetière-jardin fleuri sur lequel s'ouvrent les différents mausolées décorés de superbes zelliges, de plâtre sculpté et de coupoles de cèdre doré. Nous gagnons ensuite El Badia par des rues excessivement animées, mais les ruines trop nues de cet immense palais nous déçoivent, d'autant plus qu'on ne peut même plus monter sur la terrasse pour admirer ses pavillons dispersés autour de son plan d'eau...

Nous finissons la soirée par un tour sur la place Djema el Fna; beaucoup d'animation, mais le pittoresque sent le touriste, et pas moyen de sortir la vidéo sans se faire arnaquer. C'est avec soulagement que je retrouve le calme du camping, un peu déçu par le côté "piège à touristes" de la ville. Marrakech : montreurs de serpents sur la Place
                Djema-El-Fna
Marrakech : montreurs de serpents sur la Place Djema-El-Fna


Marrakech : montreur de serpents sur la Place
                  Djema-El-Fna
Marrakech : montreur de serpents sur la Place Djema-El-Fna
Marrakech : danseurs sur la Place Djema-El-Fna
Marrakech : danseurs sur la Place Djema-El-Fna



Vendredi 7 avril 1989 : de MARRAKECH à MOULAY BRAHIM (ASNI)
Après un réveil un peu plus matinal que la veille, nous quittons le camping pour tenter de retrouver le "voyageur mal pris" auquel nous avions prêté 200,00 dirhams à Rabat.

L'adresse qu'il nous avait donné correspond à un terrain vague...
Balade
                dans le vieux Marrakech : autour de la Koutoubia
Balade dans le vieux Marrakech :
autour de la Koutoubia


Marrakech : soir sur la Menara
Marrakech : soir sur la Menara

Nous n'insistons pas et allons plutôt visiter la Menara, élégant pavillon au centre d'un joli petit jardin lui-même entouré d'un vaste verger, se mirant dans une grande pièce d'eau carrée dénuée de caractère. Le décor du pavillon, "folie" d'un ancien sultan du Maroc, est soigné.

Mais surtout l'environnement d'oliviers et d'orangers, avec les montagnes enneigées du Haut-Atlas en toile de fond, suscite un agréable sentiment de calme et de repos. Marrakech : la Menara et l'Atlas enneigé
Marrakech : la Menara et l'Atlas enneigé

Marrakech : porte entre deux quartiers
Marrakech : porte entre deux quartiers
Quel contraste lorsque l'on pénètre dans la vieille ville !

Après un tour du Méchouar et des remparts sud en camping-car provoquant quelques moments stressants vu la circulation intense et désordonnée, nous allons stationner sur la place Djema El Fna. La rédaction du courrier est l'occasion de prendre une pause, avant que nous nous enfoncions dans le souk de la médina. Marrakech : ombres dans le souk Semmarine
Marrakech : ombres dans le souk Semmarine


Marrakech : dans le souk des dinandiers
Marrakech : dans le souk des dinandiers
Bain de foule, de poussière, de couleurs, d'odeurs, d'"achalage" aussi (mais on finit par s'y habituer...). Les produits sont plus variés mais aussi plus chers que dans les autres marchés indigènes déjà visités. Aussi Monique y fera-t-elle peu d'achats, même si nous déambulons plus de trois heures dans ce dédale avant de retrouver notre "home".

Marrakech : à l'abreuvoir...
Marrakech : à l'abreuvoir...

Marrakech : à l'ombre dans le souk Semmarine
Marrakech : à l'ombre dans le souk Semmarine

En quittant Marrakech pour Asni
En quittant Marrakech pour Asni

Quittant la grande ville impériale, nous gagnons alors Asni sous le soleil descendant dans l'intention d'y assister tôt demain matin au marché du samedi. Ce spectacle haut en couleur nous a été chaudement recommandé par nos amis Leroi. Mais lorsque nous arrivons sur place, nous n'arrivons pas à franchir le portique de l'Auberge de Jeunesse pour passer la nuit dans sa cour. Nous allons donc chercher un stationnement gardé à 5 km de là, au centre du village de Moulay Brahim.


Samedi 8 avril 1989 : de MOULAY BRAHIM à MARRAKECH

Le bourg de Moulay Brahim, accroché à flanc de montagne, manque totalement de caractère, à part quelques belles vues sur la gorge depuis le chemin en corniche qui s'y rend. En revanche, comme dortoir on peut difficilement trouver pire : musique religieuse et prêche (?) diffusé plein pot par le café juste en dessous du stationnement jusqu'à 2:00 du matin puis, aux deux heures, exhortations du muezzin (?) qui fait le tour du village à dos d'âne... Il est vrai que nous sommes le premier jour du Ramadan, mais de là à ne pas fermer l'oeil de la nuit...

 Vers 9:30 nous sommes sur le marché rural d'Asni : le pittoresque est au rendez-vous, sans simagrées pour les étrangers comme à Marrakech. On y découvre aussi le plus gros parking d'ânes jamais vu et, volant sur toute la scène, une poussière virevoltante qui masque parfois les cimes enneigées du Jbel Toubkal. Marché d'Asni : le stationnement des ânes...
Marché d'Asni : le stationnement des ânes...


Marché
                  d'Asni: le souk aux babouches
Marché d'Asni: le souk aux babouches

Les paysans montagnards sont venus échanger leurs productions, des marchands ambulants proposent bijoux et autres objets, un forgeron fabrique à la demande ou répare les objets hétéroclites qu'on lui apporte sur une petite forge portative actionnée par un gamin... 

Marché d'Asni: sous les bâches en lambeaux...
Marché d'Asni: sous les bâches en lambeaux...
Marché d'Asni: marchand de légumes
Marché d'Asni: marchand de légumes

Marché d'Asni: marchand de légumes
Marché d'Asni: marchand de légumes

Retour du marché vers Imlil
Retour du marché vers Imlil
Depuis le marché d'Asni, en route vers Imlil
Depuis le marché d'Asni, en route vers Imlil

Éternuant et pleurant en réaction à la poussière, rassasiés d'images typiques, nous reprenons le camping-car pour 17 kilomètres de piste jusqu'aux gorges d'Imlil.

Asni : la casbah et l'Oukaimeden
Asni : le douar Amered et le Jbel Toubkbal en allant vers Imlil

Le massif du Jbel toubkal en allant vers Imlil
Le massif du Jbel toubkal en allant vers Imlil

 Le hameau sert de camp de base aux alpinistes entreprenant l'ascension du Jbel Toubkal (4 167 m), le plus haut sommet d'Afrique du Nord. 

Hélas, la route n'est goudronnée que sur 10 kilomètres, et c'est en cahotant à 10 km/h sur un chemin complètement défoncé, manquant rester pris dans le cours d'un oued non bétonné, que nous atteignons le hameau (1 740 m). Asni : la casbah et l'Oukaimeden
Asni : la casbah et l'Oukaimeden

L'oued en
                  allant vers Imlil
L'oued en allant vers Imlil
La vue sur le torrent rapide et l'énorme masse de la montagne en arrière donne l'occasion d'une photo originale, mais était-ce une raison suffisante pour subir le martyr de cette piste ?

Il fait très chaud à Marrakech lorsque nous y retournons. Aussi gagnons-nous immédiatement le palais de la Bahia où nous trouvons calme et fraîcheur dans ses cours-jardins et dans ses salles plaquées d'élégantes zelliges, surmontées de richissimes plafonds de cèdre superbement décorés. Lyautey eut le bon goût d'y installer sa Résidence... Marrakech : salon du palais de la Bahia
Marrakech : salon du palais de la Bahia


Marrakech : salon de Dar Si Said
Marrakech : salon de Dar Si Said
Marrakech : cour du palais de la Bahia
Marrakech : cour du palais de la Bahia

 En sortant, nous reprenons le camping-car pour achever le tour des remparts commencé avant-hier. La terrasse de Bab Debbarh étant fermée au public, nous ne pouvons contempler le quartier des tanneurs comme nous l'espérions. Marrakech : le quartier des tanneurs
Marrakech : le quartier des tanneurs


Les palmiers de Marrakech, le minaret de la
                  Koutoubia et l'Atlas enneigé
Les palmiers de Marrakech, le minaret de la Koutoubia et l'Atlas enneigé

En revanche nous pénétrons loin dans le jardin de l'Aguedal, un immense verger contenant deux vastes bassins dont nous faisons le tour sous la chaude lumière du soleil descendant. Le site offre une jolie vue sur la ville d'un côté et les montagnes qui se devinent dans la brume de l'autre. Lorsque nous rentrons vers notre camping à Gueliz, les remparts nous apparaissent fantastiques, dorés par le soleil couchant sur fond d'Atlas enneigé, ultime vision de l'illustre cité avant que nous n'allions nous installer au calme pour la nuit...

Marrakech : souk des dinandiers
Marrakech : souk des dinandiers

Marrakech : dans le souk des teinturiers
Marrakech : dans le souk des teinturiers


Mon bilan sur Marrakech : de beaux monuments, mais en assez triste état; beaucoup de points d'intérêts, mais assez mal mis en valeur et dont plusieurs parties sont devenues inaccessibles; un milieu humain stimulant, mais qui exploite le touriste de façon éhontée à tel point que l'on devient dur, plein de méfiance et de réserve face à un ensemble de gens pourtant chaleureux. S'il n'y avait le merveilleux environnement naturel, on aurait souvent le goût de laisser tous ces arnaqueurs à leurs magouilles sans intention de revenir jamais...

Marrakech : affiche incitant à la scolarisation
Marrakech : affiche incitant à la scolarisation

Marrakech : de la soupe pour le peuple..
Marrakech : de la soupe pour le peuple...



54. Virée dans la Vallée du Draa



Dimanche 9 avril 1989 : de MARRAKECH à OUARZAZATE

Après un dernier regard à ses étonnants remparts, nous quittons Marrakech sous un soleil radieux. Nous finissons par dénicher la route du Tizi'n Tichka. Elle franchit d'abord 40 kilomètres de plaine, riche lorsqu'elle est convenablement irriguée, puis elle entre en pays glaoua de plus en plus accidenté.

Route du Tiz n'Tichka : maison de pierre rouge
Route du Tiz n'Tichka : maison en blocs de pierre rouge

De nombreux villages de pierre rouge aux toits de pisé s'empilent sur les pentes, de larges vallées ouvrent de vastes perspectives à travers la montagne.

Mais le temps se gâte progressivement. C'est donc sous la pluie, puis dans la neige et la grêle que nous passons les 2 260 m du Tichka.

Tout le long de la route, les marchands de minéraux, de cristaux et d'améthystes tentent de nous attirer à leur stand. Monique finit par succomber, ce qui nous amènera à faire de nombreux arrêts avant d'atteindre le col. En montant le Tizi n'Tichka, stand de minéraux
                  saupoudré de neige...
En montant le Tizi n'Tichka, stand de minéraux saupoudré de neige...

La route redescend ensuite par de longues courbes longeant la vallée de l'asif Imini. Hautes pentes désertiques d'éboulis rougeâtres. La neige suivie de pluie cesse bientôt, mais le soleil demeure caché, ce qui éteint un peu les verts tendres des fonds de vallée et les rouge grenat des montagnes environnantes.

Maison montagnarde de pierre rouge
Maison montagnarde de pierre rouge

Les villages sont maintenant tout construits de terre rouge et se confondent complètement avec les pentes qu'ils épousent. A Irherm, coup d'oeil à l'original grenier collectif malheureusement en fort mauvais état; nous continuons de descendre...

Enfin, vers Tisseldei, le terrain devient presque plat lorsque nous abordons les paysages désertiques du sud-est marocain. Tizi N'Tichka : moussem d'Imlchil
Tizi N'Tichka : moussem d'Imlchil

Vallée
                  desMille Kasbah...
Vallée desMille Casbahs...
Notre itinéraire est maintenant ponctué d'oasis et de ksars (fermes fortifiées) entourés de palmiers sous lesquels poussent de minuscules champs de céréales irrigués et verts. Nous ratons le détour menant au fameux village d'Aït Benhadou. En revanche le point de vue sur Tikkirt, son oasis et ses ksours sur fond lointain de montagnes nous impressionne beaucoup. 

Ksar dans
              la vallée des Mille Kasbahs
Ksar dans la vallée des Mille Kasbahs

Tizi
            n'Tichka : fileuse
Tizi n'Tichka : fileuse

Nous filons enfin à travers la khela (plateau aride) jusqu'à Ouarzazate, ville corridor entourée d'oasis que nous dépassons jusqu'à son petit camping très agréable. On nous y sert un excellent couscous-tajine moins cher qu'un repas au Mac Donald, et en "drive in", s'il vous plaît ! mais après le coucher du soleil, ramadan oblige... Peu avant Ouarzazate, la casbah de Tifoultoute
Peu avant Ouarzazate, la casbah de Tifoultoute


Lundi 10 avril 1989 : de OUARZAZATE à ZAGORA

Ouarzazate : la casbah de Taourirt
Ouarzazate : la casbah de Taourirt
Durant la nuit et la matinée, un vent terrible fait virevolter la poussière présente un peu partout. Nous décollons assez tard pour aller voir la casbah de Taourirt.


On trouve quelques jolis plafonds et murs décorés dans cette ancienne demeure du Glaoui, un seigneur local qui étendit sa zone d'influence sur une grande partie du Maroc jusqu'à sa disgrâce en 1956. 
Casbah de Taourirt à Ouarzazate : décor dans
                    une chambre
Casbah de Taourirt à Ouarzazate :
décor dans une chambre


Casbah de Taourirt à Ouarzazate
Casbah de Taourirt à Ouarzazate
Mais la restauration en cours ne laisse que quelques pièces ouvertes aux visiteurs...

Nous bifurquons alors vers le sud pour faire l'excursion de la vallée du Draa, Direction : Zagora. La route traverse d'abord la montagne jusqu'à Agdz, avec d'extraordinaires plissements et traces d'érosion zébrant les pentes. Mathieu n'en verra rien puisque, fiévreux, il dort dans la capucine.  Vallée du Draa en approchant Agdz
Vallée du Draa en approchant Agdz


Vallée du Draa
Vallée du Draa

Puis nous rejoignons le Draa dont nous longeons le cours. La large rivière (en cette saison !) aux eaux claires étale ses boucles paresseuses au fond d'une vaste vallée.

Nous rencontrons une suite ininterrompue de ksours et de casbahs en pisé rouge-brun dispersés dans la palmeraie, elle-même longeant les rives du cours d'eau. On s'arrête souvent pour filmer ces extraordinaires paysages étalant leurs motifs hyper-exotiques sur fond de montagnes violettes... Ksar
                    dans la Vallée du Draa
Ksar dans la Vallée du Draa


A l'une de ces haltes, des gamins surgis d'on ne sait où et insatisfaits des bonbons que nous leur offrons donnent des coups de pied dans la carrosserie. Cela me fâche et m'entraîne dans une petite course-poursuite à travers la palmeraie, sans succès bien sûr. Nous devenons chaque jour davantage écoeurés par ces indigènes dont le comportement agressif et avide nous semble de plus en plus s'apparenter à de la piraterie.

Le Jbel Zagora
Le Jbel Zagora depuis son sommet jumeau
Arrivés à Zagora, nous traversons la petite ville écrasée sous le soleil et gagnons directement le Camping de la Montagne, juste au pied du Jbel pyramidal. Nous y discutons longuement avec deux couples de retraités en Hymermobil : même opinion du pays (magnifique !) et de ses habitants (trop souvent désagréables !). Coucher tranquille au son des grenouilles coassant dans la palmeraie toute proche. Ce camping s'avère être un petit paradis de tranquillité et de propreté; il faut souligner aussi l'honnêteté de son gérant qui tient absolument à nous remettre quelques cents qu'il juge être un trop dû.


Mardi 11 avril 1989 : de ZAGORA à ZAGORA via MAMHID
Vers 10:00, nous partons en direction de M'Hamid. La vallée continue d'être superbe avec ses oasis semées le long du cours du Draa, ses palmiers entourés de céréales vert vif, ses petites fermes fortifiées présentant leurs murs de terre rouge clos sur l'extérieur... A Tamegroute, nous visitons la bibliothèque coranique, sans grand intérêt intrinsèque (les enluminures sont très mal présentées et à peine visibles). Mais il vaut la peine de voir la zaouia voisine où des pèlerins viennent faire guérir on ne sait quels maux. Désoeuvrés, ils traînent sur les galeries, attendant un improbable miracle... Vallée du Draa : village en allant vers Mahmid
Vallée du Draa : village en allant vers Mahmid

Vers le camping des Sables d'Or
Vers le camping des Sables d'Or


Une piste cahoteuse qui s'éloigne un peu de la route Zagora-M'Hamid au kilomètre 61 nous mène à des dunes superbes au milieu desquelles s'est installé le "Camping des Sables d'Or". Comme ce sera probablement la seule occasion qui nous sera donnée de voir de près un "vrai" désert de sable, nous laissons le camping-car en terrain sûr et nous avançons à pied jusqu'à la dune.

Les grains minuscules et brûlants s'insinuent entre les lanières de nos sandales, la lumière et la chaleur, implacables et réverbérées par le sol presque blanc, nous éblouissent et nous assaillent irrésistiblement. Quel contraste avec la tiédeur et la douceur de l'oasis à deux pas ! Si c'est à cela que ressemble le "vrai" désert, quelle expérience éprouvante mais aussi envoûtante... Sur
                    la dune...
Sur la dune...





On arrive enfin à M'Hamid El Ghizlane. C'est vraiment un bout de route, une garnison militaire plantée au milieu d'un désert caillouteux. Tout autour de la petite agglomération, des clôtures tentent de bloquer la progression des sables roses menaçant d'engloutir maisons et palmiers...

Dans une oasis de la vallée du Draa
Dans une oasis de la vallée du Draa

Faisant demi-tour au moment où le mauvais asphalte de la route commence à disparaître sous le sable, nous repassons par les mêmes oasis avec leurs murs de terre rouge et leurs ksours, filmant intégralement notre traversée du village d'Oulad Driss. 

Vallée du
            Draa
Vallée du Draa

Nous rallions enfin Zagora au coucher du soleil. J'escalade alors à mi-pente les éboulis à-pic du Jbel Zagora pour voir le soleil disparaître derrière la palmeraie et la boucle du Draa. La nuit, chaude, est fort reposante dans le calme de ce charmant petit camping visité pour la seconde fois.


Mercredi 12 avril 1989 : de ZAGORA à OUARZAZATE

Mathieu se réveille en assez mauvais état (fièvre de 39°C, toux et rhume). Après administration d'un fébrifuge qui l'endort, nous demeurons donc un long moment à l'ombre des grands arbres dans le petit enclos au pied du Jbel Zagora. Il fait très sec et chaud. Pendant que je bricole la vanne de la toilette (encore brisée !) et bouche l'entrée d'air du chauffage sous le camion (une vraie trappe à poussière...), Monique fait le ménage et s'attaque au courrier. Vers 14:30, nous repartons en direction de Ouarzazate.

Arrêt à la gendarmerie de Zagora puis à celle d'Agz pour nous plaindre du comportement des enfants lanceurs de pierre, et d'un autobus qui nous a doublés en nous faisant une véritable queue de poisson. Ces autochtones commencent à sérieusement nous exaspérer, aussi sommes-nous à bout de nerfs lorsque nous arrivons au camping de Ouarzazate après une heure de route de nuit. Pourtant, comme les paysages sont beaux, surtout dans la lumière chaude du soir qui rougit plus encore les murs de terre des maisons et violace les montagnes en arrière plan ! Vallée du Draa : oasis au pied du ksar
Vallée du Draa : oasis au pied du ksar


55. Route des Mille Casbah, Gorge du Todra, Azrou et Fès
Retour
                  vers Ouarzazate
Retour vers Ouarzazate





Jeudi 13 avril 1989 : de OUARZAZATE aux gorges du TODRA

Tifoultoute : la casbah au-dessus de l'Oued Asif
                Tidith
Tifoultoute : la casbah au-dessus de l'Oued Asif Tidith
En quittant le camping de Ouarzazate, toujours aussi agréable, nous allons visiter la casbah de Tifoultoute qui domine, altière, son rocher au dessus de l'oued. Depuis la terrasse où une famille de cigognes a fait son nid, on jouit d'une vue panoramique sur la vallée de l'Asif Tidih et sur la ville au loin.

Tifoultoute : la casbah au-dessus de l'Oued
Tifoultoute : la casbah au-dessus de l'Oued

Tifoultoute :
        la casbah au-dessus de l'Oued
Tifoultoute : la casbah au-dessus de l'Oued

Casbah
              de Tifoultoute
Casbah de Tifoultoute sur fond d'Anti-Atlas enneigé

Nous poussons jusqu'à Aït Ben Haddou, un autre village de pisé rouge peuplé de vieilles casbahs et de ksours antiques campé sur l'autre rive de son oued. Aït
                  Bennadou : Juliette au-dessus de l'oued séparant de la
                  ville morte
Aït Ben Haddou : Juliette au-dessus de l'oued séparant de la ville morte


Les
                murs d'Aït Bennadou s'étageant au-dessus de l'oued
Les murs d'Aït Ben Haddou s'étageant au-dessus de l'oued
Nous l'admirons de loin sans traverser le gué, voulant éviter de nous faire arnaquer encore une fois par les passeurs à dos de mulets. Cela ne m'empêche pas de devoir protester devant le billet de stationnement (imprimé, s'il vous plaît !) que me tend un gamin au moment de quitter le grand terrain vague où j'avais laissé le camping-car...

Aït Bennadou : Monique au-dessus de l'oued
                  séparant de la ville morte
Aït Ben Haddou : Monique au-dessus de l'oued séparant de la ville morte
Ait-Ben-Haddou au soleil couchant

Ait Ben Hadou
        au soleil couchant
Aït Ben Haddou au soleil couchant

Nous empruntons ensuite la "route des Mille Casbahs" (N10), suite d'oasis égrenées dans un paysage plus ou moins désertique. Tout au long, les hautes pyramides tronquées des tours des casbahs pointent leur pisé rouge incisé d'élégants dessins géométriques au dessus des frondaisons verdoyantes des palmiers. Palmeraie près de Skoura
Vallée des Mille casbahs : ksars, palmiers et montagnes en arrière plan près de Skoura

Vallée des Mille Casbah : le ksar de Tamdagt
Vallée des Mille Casbah : le ksar de Tamdagt
Vallée des Mille Casbahs
Vallée des Mille Casbahs

Jeux d'enfants dans la casbah
Dans la casbah
En approchant de la casbah
En approchant de la casbah...

Nous arrêtons pour déjeuner au bord de la route à Skoura.
L'une des casbahs de Skoura
L'une des casbahs de Skoura

Fillettes devant la casbah de Skoura
Fillettes allant au puits devant la palmeraie de Skoura
C'est l'occasion d'y filmer des casbahs enfouies dans la verdure, des fillettes emplissant leurs jarres de terre cuite au puits et la palmeraie sur fond de cimes enneigées étincelantes.

Les mêmes paysages grandioses et monuments plus ou moins en ruines nous accompagnent sur les 130 kilomètres menant jusqu'à Tinerhir. Entre les bourgades, on passe de grandes sections semi-désertiques où des troupeaux de chameaux et de moutons pâturent une herbe rare, gardés par des bergers avides. Il faut malheureusement les fuir rapidement avant qu'ils ne deviennent agressifs malgré (ou à cause ?) des cadeaux distribués... Vallée des Mille Casbah : caravane...
Vallée des Mille Casbah : caravane...

Grande casbah près de Tinnerhir
Grande casbah dans son oasis près de Tinghir
La vallée, d'abord assez large, devient plus étroite. Renonçant à visiter les gorges du Dades qui, paraît-il, sont inondées et de toute façon dénuées de camping, nous continuons jusqu'à l'oasis de Tinghir, au débouché des gorges du Todgha.

Oasis de Tinghir en direction des Gorges du Todra
Oasis de Tinghir en direction des Gorges du Todgha

Approche des Gorges du Todgha
Approche des Gorges du Todgha

Le vieux
          village de Todgha
Le vieux village de Todgha

Les trois terrains de camping de la célèbre palmeraie sont étrangement fermés (pour raison administrative semble-t-il). Nous remontons le cours du torrent jusqu'au pied même des gorges, près du petit hôtel Mansour. Nous y stationnons pour la nuit, surplombés par plus de 100 mètres de rocher vertical, juste avant le gué où coassent d'innombrables grenouilles. Tinerhir : entrée de la Gorge du Todra
Tinghir : entrée de la Gorge du Todgha


Vendredi 14 avril 1989 : des gorges du TODGHA à AZROU

Au matin, le soleil brille sur les rochers qui prennent une teinte brique orangée un peu passée. Nous franchissons le gué que nous n'avons osé dépasser hier dans la pénombre (en fait 5 cm d'eau !), à pied en ce qui me concerne, et à dos d'âne pour Juliette et Monique. Nous avançons un peu dans les gorges qui s'élargissent plus loin

Dans un large espace empierré apparaissent la résurgence de l'oued et deux petits hôtels restaurants abrités à la base de la falaise. La fraîcheur, l'ombre et le silence règnent dans ce semblant d'immense salle à ciel ouvert. On n'entend que le bruissement de l'eau vive, le roucoulement ou les envols des pigeons-ramiers nichant dans les trous de roche et le coassement sonore des grenouilles. Un peu plus haut, le canyon s'ouvre encore davantage, offrant de superbes perspectives le long de la piste enchevêtrée avec le lit du torrent. Dans
                les Gorges du Todra
Dans les Gorges du Todgha.

Elle n'est malheureusement carrossable que pour les seuls 4 x 4 et autres camions, et mène à Imilchil, un gros village pittoresque perdu dans les montagnes qui restera pour nous inaccessible - cette fois-ci, du moins !

Vers l'issue de
                la gorge
Vers l'issue de la gorge
En route vers Imilchil
En route vers Imilchil

Ksar
                rustique dans la montagne derrière Tinerhir
Ksar rustique dans la montagne derrière Tinghir
Nous retournons alors à l'hôtel Mansour où nous tentons d'expliquer au tenancier et à ses acolytes la lassitude que nous éprouvons face aux magouilles, mensonges et irrégularités de leurs congénères.On nous écoute avec une attention bienveillante et compréèhensive, mais hélas, à peine avons-nous fini nos beaux discours que ces énergumènes tentent devant nous de berner des étrangers nouvellement arrivées. Ils leur font accroire que le gué est infranchissable et qu'il vaut mieux laisser leur véhicule dans le stationnement (payant...) de l'hôtel.

C'en est trop ! Outrés de tant de mauvaise foi, nous filons sans insister. Mais en redescendant vers Tinerhir, j'ai la faiblesse de m'arrêter et de reculer pour jeter un coup d'oeil à la pancarte de l'un des campings fermés qu'un individu est en train de "rouvrir". Et BANG ! j'enfonce le pare-chocs arrière (symbolique) dans la muraille !


Excédés, nous décidons de reprendre au plus vite la direction de Fès. Nous rallions Er Rachidia par une longue route étroite mais rectiligne qui emprunte la large vallée chaude et désertique séparant l'Anti-Atlas du Haut Atlas. Les eaux émeraude du barrage d'Hassan Addakhil viennent seules rompre l'aridité du trajet tout minéral. Sur la route en direction d'Er Rachidia : chameaux
                au pâturage
Sur la route en direction d'Er Rachidia : chameaux au pâturage

Corvée de bois...
Corvée de bois dans la montagne...
Puis les gorges du Ziz se faufilent dans les premiers contreforts de la montagne, offrant au passage un joli coup d'oeil sur Ifri et sa palmeraie. En choisissant de remonter immédiatement vers le nord, nous avons renoncé avec regrets à l'excursion d'Erfoud, faute d'un 4 x 4 - fortement recommandé - pour aller contempler les fameuses dunes de Merzouga. C'était pourtant le seul erg (ensemble de dunes) saharien qui aurait été à notre portée...

En montant vers Er Rachidia : puits
En montant vers Er Rachidia : puits
Barrage de Hassan Addakhil
Barrage de Hassan Addakhil

Le col du Tizi n'Talrhemt (Col de la Chamelle, 1 907 m) nous fait franchir aisément et pour la 4ème fois la cordillère du Haut-Atlas, avant de redescendre bientôt sur Middelt. Derrière nous les cimes enneigées du cirque de Jaffar dessinent une muraille grandiose à l'horizon, tandis qu'en avant il faut à nouveau affronter la montagne, le Moyen-Atlas cette fois. Nous passons entre des plaques de neige le col du Zad (2 178 m), puis c'est une route d'alpages et de haut plateau humide et ver-doyant qui nous mène jusqu'à Azrou et sa forêt de cèdres. Nous atteignons le village dans l'obscurité pour camper près de la gendarmerie, en compagnie d'un autre camping-car, italien celui-là, entourés des aboiements des chiens voisins.


Samedi 15 avril 1989 : d'AZROU à FÈS

Notre nuit est interrompue de réveils peu intéressants : chiens dérangés par des présences inconnues, musiciens jouant tambours et "rebec", groupes de passants chahutant et parlant fort. Si la vie est ralentie dans la journée pendant le ramadan, en revanche on semble se rattraper durant la nuit ! (y compris le prêtre psalmodiant ses cantiques en pleine obscurité...).

Au matin, nous découvrons une grosse bourgade très européenne d'allure. Des toits d'ardoises pentus coiffent ses petits pavillons en pierre taillée dont les ouvertures sont obturées de volets de bois. Des jardins séparent les maisons dispersées dans le village et quelques boutiques bordent les trottoirs dans des rues larges et aérées. Une courte balade dans le centre nous permet d'annoncer par téléphone notre arrivée à Mariette puis de visiter l'exposition du Centre Artisanal. Nous continuons par la belle route de montagne jusqu'à Ifrane qui fait encore plus station de sports d'hiver et climatique qu'Azrou : parcs, hôtels et luxueuses villas sont dispersés dans la ville sous un ciel clair mais frais. La route de plateau dans la forêt plantée de chênes verts et de résineux se poursuit jusqu'à Imouzzer du Kandar, une autre petite station charmante quoique moins chic que les précédentes. A partir de là commence notre descente dans la plaine de Fès, riche et verdoyante.

A 11:30, nous sommes chez Mariette qui nous accueille très gentiment. Malheureusement nous ne verrons pas Houssine qui s'est rendu d'urgence à Casablanca au chevet de sa mère très malade. Nous passons une fin de journée tranquille. Pendant que je tente de réparer - provisoirement - le pare-chocs arrière et les feux endommagés à Tinerhir, Monique accompagnée de Mariette va faire un tour en médina. Elle y fait l'achat du superbe plateau de cuivre martelé et gravé dont elle rêvait depuis longtemps. Les enfants, ayant enfin retrouvé de la compagnie, jouent avec Saloua, Majda et Zineb. Mathieu finit l'après-midi par une longue séance de pianotage sur l'ordinateur.

Dans la soirée Houssine appelle sa femme : sa mère vient de mourir, et Mariette le rejoindra à Casa demain tandis que nous garderons leurs enfants à Fès.



Dimanche 16 avril 1989 : FÈS

Journée "off" : seuls dans la grande maison vide, nous passons la journée à laver, réparer, ranger, recoudre... bref à préparer notre retour en Europe et notre traversée de l'Espagne et du sud de la France. Si nous faisons le plein d'épicerie au "Continente" d'Algeciras comme prévu, nous pourrons tenir encore un autre mois de voyage...

Vers 18:00, appel de Mariette qui rentrera demain après-midi. Nous pourrons donc quitter la maison demain matin après le départ des enfants pour l'école. La soirée se passe à planifier notre excursion à Meknes, la dernière ville impériale que nous avions contourné à l'aller. Nous voulons la visiter après avoir fait un tour dans les ruines de l'antique cité romaine de Volubilis.



56. De Fès à Algeciras par Volubilis et Meknès



Lundi 17 avril 1989 : de FÈS à MEKNES
La ville
                sainte de Moulay Idriss sur sa colline
La ville sainte de Moulay Idriss sur sa colline
Vers 10:00 nous sommes prêts à prendre la direction de Meknes. Nous décidons d'emprunter la petite route du Nord, très champêtre, aussi sommes-nous bientôt environnés des riches cultures de la plaine du Saïs. Puis le chemin devient plus accidenté, surtout lorsque nous escaladons les pentes est du Zerhoun, avant d'atteindre Moulay Idriss par l'arrière, à travers une mer d'oliviers. L'accueil empressé des "guides" collants et intrusifs nous fait vite fuir ce lieu de pèlerinage où, de toutes façons, tous les monuments intéressants sont fermés aux non-musulmans. Le village tout blanc accroché en cascade à flanc de montagne offre cependant une belle perspective lorsque nous le quittons.

 Gagnant Volubilis à quelques kilomètres de là, nous passons plusieurs heures tranquilles (enfin !) à flâner parmi les ruines de l'opulente ville romaine. Les vestiges de nombreuses belles villas ont conservé leurs sols couverts de magnifiques mosaïques. Volubilis : depuis la Basilique, ouverture vers le
                Capitole
Volubilis : depuis la Basilique, ouverture vers le Capitole

Volubilis : mosaïque de la Maison de Venus
Volubilis : mosaïque de la Maison de Venus
Volubilis : mosaïque de la Maison des Quatre
                  Saisons : les Muses
Volubilis : mosaïque de la Maison des Quatre Saisons : les Muses

Volubilis : la Basilique
Volubilis : la Basilique
De plus, le plan caractéristique de l'urbs avec sa basilique, son arc de triomphe dans l'axe du decumanus (la grande rue) et son temple demeure bien lisible.

Par dessus tout, l'emplacement du site est superbe car la cité antique a été établie sur une terrasse au pied du Zerhoun. Elle offre une vue pittoresque sur la blancheur de Moulay Idriss coincée sur les premières pentes au pied du rocher et un large panorama sur la plaine fertile.
Volubilis : la Basilique
Volubilis : la Basilique

Volubilis : cuir séchant devant les portes romaines
Volubilis : cuir séchant devant les portes romaines

Nous descendons ensuite jusqu'à Meknes. Fuyant encore une fois les "guides" décidément insupportables et très agressifs dans la région, nous nous installons dans le camping magnifiquement situé près de Dar El Ma, au pied de l'une des enceintes massives construites par Moulay Ismaïl.


Mardi 18 avril 1989 : de MEKNES à FÈS

Nous passons une excellente nuit dans ce qui, pour le Maroc, est assurément un camping de luxe. Au matin nous partons faire le tour des murailles colossales construites par Moulay Ismaïl pour ceinturer la ville sur plus de 25 km.

 Vue panoramique
                      de Meknes depuis le bd Almiriyine
Après nous être un peu perdus dans la ville nouvelle dont les carrefours ne portent aucune plaque de rue, nous admirons la vue sur les murs plutôt gris depuis les hauteurs de la rue Almriniyine : une vaste médina (ville ancienne) s'étale sur la colline de l'autre côté de l'oued Boufekrane, surmontée d'une douzaine de minarets. Pittoresque, mais moins que Fès...

En revanche les portes de Bab Tizimi, Bab Berdaïne et Bab El Khemis, décorées de faïences vertes, sont superbes de majesté et d'ornementations pleines de détails. Meknes : Bab El Khemis (Porte de la Justice)
Meknes : Bab El Khemis (Porte de la Justice)

Ruines des écuries de Moulay Ismail
Ruines des écuries de Moulay Ismail
Pénétrant intra muros, nous montons sur Dar El Ma, la Maison de l'Eau, un massif édifice carré en pisé qui abritait autrefois d'immenses citernes profondes de 40 m. Un joli jardin suspendu en occupe maintenant le toit en terrasse, donnant une vue agréable sur le bassin de l'Aguedal, autrement sans grand caractère.  De là-haut, le regard plonge également sur les écuries (ou greniers) de Moulay Ismaïl, gigantesques elles aussi puisqu'elles pouvaient abriter 12 000 chevaux, mais en ruines (voûtes effondrées, puissants piliers de pisé rongés par le temps). Le spectacle laisse une impression de désolation, mais aussi de laisser aller et d'abandon...

Nous gagnons ensuite le tombeau même de Moulay Ismaïl, ce souverain magnifique et un peu mégalomane contemporain de Louis XIV. Le petit édifice est bien restauré et richement décoré (porte extérieure, cours intérieures, plafond du petit sanctuaire attenant au tombeau lui-même). Mais nous sommes encore accrochés par des "guides" insistants dont il est bien difficile de se débarrasser. Meknes : cour du tombeau de Moulay Ismail
Meknes : cour du tombeau de Moulay Ismail

Meknes : décor de stuc délicatement sculpté dans le tombeau
        de Moulay Ismail

Meknes : décor de stuc délicatement sculpté
dans le tombeau de Moulay Ismail

Il en sera de même sur la place El Hedime où il faut hausser le ton et subir les insultes de nos "escortes" indésirables pour avoir la paix. De la place où nous stationnons, nous avons une bonne vue sur l'imposante et très (trop ?) monumentale Bab Mansour, avant de faire un petit tour à l'entrée de la Médina, très fréquentée en cette fin d'après-midi. Monique et Juliette, mêlées aux fatmas en voile et djellaba, y magasinent des chaussures de fantaisie surchargées de dorures... Je filme un peu l'animation des rues, les trottoirs envahis de marchandises hétéroclites, les tractations rapides et discrètes des commerçants avec leurs clients...

Nous prenons enfin le chemin du retour vers Fès en empruntant la grande route rapide traversant la plaine. Nous sommes un peu déçus par cette autre ville impériale dont la grandeur est déchue. Elle n'a ni les perspectives ni l'environnement naturel de Marrakech, ni le chic et le pittoresque de Fès. Le soir nous passons une longue soirée tranquille avec Mariette et ses enfants.


Mercredi 19 avril 1989 : FÈS

Dans la matinée, Monique et Mathieu accompagnés de Mariette retournent faire leurs derniers achats en médina pendant que je reste à écrire tranquillement dans le camping-car. Vers midi, retour de Monique qui a trouvé les verres à thé et la théière qu'elle voulait absolument ramener de ce voyage, et arrivée de Houssine que le décès de sa mère a beaucoup éprouvé. Il m'offre de l'accompagner au marché central. Encore une fois je peux y constater combien l'attitude des commerçants est différente selon qu'ils ont affaire à des autochtones ou à des étrangers...

Nos préparatifs de départ sont interminables, vu la lenteur du lever et le long temps passé à examiner et classer les photos que nous avons fait tirer en ville. Les négatifs sont sales, poussiéreux ou tachés, d'où des clichés inacceptables. Nous les reportons donc au laboratoire et, pendant que le photographe fait un nouveau tirage et quelques doubles destinés à nos hôtes de Dar Bouaza, nous écrivons notre courrier dans le camping-car. Vers 13:00, nous récupérons nos clichés, guère meilleurs cependant : ces gens-là ne savent décidément pas travailler proprement...

Nous passons voir Mariette une dernière fois vers 15:30, lui remettant argent en trop et livres prêtés aux enfants. Après des adieux pleins de gratitude, nous prenons la route du nord. Mais une erreur d'aiguillage à Sidi Kacem, après 170 km, nous ramène au col du Zeggota, à 59 km de Fès ! Le paysage est splendide, mais cela n'excuse pas une signalisation aussi déficiente... Nous faisons donc demi-tour et reprenons la bonne direction. Le temps de quelques haltes pour acheter des poteries au bord du chemin et déjà la nuit descend. La route, d'abord vallonnée puis plate et rectiligne, manque de pittoresque lorsqu'elle traverse la plaine de Larrache, riche et irriguée. C'est donc assez fatigués que nous atteignons les abords de Larrache. Faute de mieux, nous nous apprêtons à dormir dans la cour de l'hôtel Hostal, bruyante et peu équipée.


Vendredi 21 avril 1989 : de LARRACHE à ALGECIRAS (Espagne)

Estuaire du Loukos à Larrache
Estuaire du Loukos à Larrache
La nuit dans cet enclos à deux pas de la route, exposés au tapage des pétrolettes, autos et camions, n'est pas spécialement reposante, aussi repartons-nous assez tôt pour le centre de Larrache. Monique y fait un petit tour de médina, mais est-ce l'heure précoce ou le contexte du ramadan, il semble que la plupart des boutiques soient fermées. Nous passons ensuite au pied de Lixus, une autre ville romaine en ruines. Le paysage sur l'oued Loukos est beau, mais les vestiges peu visibles ne suscitent guère d'intérêt chez mes passagers qui refusent même que l'on y fasse une pause !

Nous poursuivons donc sans délai la route, relativement bonne, jusqu'aux approches de Tanger. On ne voit quasiment pas l'océan, en revanche les stands de poterie surgissent au détour de tous les virages et Monique, toujours à la recherche d'un mirifique plat à couscous, tient absolument à s'y arrêter. Elle réussit même à y faire encore quelque achats. Juste avant Tanger, le Guide Vert suggère une promenade** en direction du cap Spartel. Nous commençons par visiter les grottes d'Hercule, des cavités creusées par la mer dans la falaise de calcaire dur; le site nous semble bien peu spectaculaire... L'Océan depuis les Grottes d'Hercule
L'Océan depuis les Grottes d'Hercule

Tout à côté, les restes de l'établissement romain de Cotta demeurent introuvables malgré un long détour par une route défoncée en bord de mer. Un peu plus loin le phare du cap Spartel, dont l'accès est désormais interdit aux touristes, n'est plus lui aussi qu'une excursion sans intérêt (hormis les nombreux vendeurs de "bébelles" ?). Par contre la montée au relais de T.V. vaut le déplacement : on y découvre un superbe panorama sur le cap Malabata, le début du détroit de Gibraltar et le Rif, avec la ville de Tanger étalée sur la pente au loin. Au milieu du chemin du mirador encombré par les aubépines en fleurs, Juliette et moi avons la surprise de croiser un sanglier qui s'enfuit rapidement à notre approche !

Le nouveau Tanger
                s'étendant progressivement à l'est de la vieille ville
Le nouveau Tanger s'étendant
progressivement à l'est de la vieille ville

Après une belle descente sur la ville, nous nous contentons de prendre notre billet de ferry dans une agence marocaine pour utiliser nos derniers dirhams. Le site de la cité offre "le séduisant tableau d'une ville bâtie en amphithéâtre au bord d'une baie admirable" (Guide Michelin), mais l'architecture de Tanger nous semble bien proche de celle de Casa. Aussi nous n'insistons pas et entreprenons de gagner Ceuta par la route côtière.

Celle-ci ménage de grandioses points de vue sur les falaises rocheuses et les fertiles campagnes montueuses en arrière. Cependant la chaussée est infecte, et son tracé devient encore plus accidenté au fur et à mesure de notre avancée vers l'est. Je m'arrête pour filmer la belle vallée d'El Biutz avec le Jbel Musa en arrière, lorsque nous recevons à nouveau des pierres lancées par des gamins. Incapables de les rattraper dans le dédale des petites fermes accrochées à flanc de montagne, nous devons poursuivre notre route, furieux, jusqu'à la frontière. Il ne nous reste plus assez de temps pour entreprendre des démarches officielles auprès de la gendarmerie car notre bateau nous attend à Ceuta. De toute façon nous ne pensons plus qu'à une chose, nous retrouver de l'autre côté du détroit dont nous apercevons le symbole, le rocher de Gibraltar dressant sa pyramide à l'horizon un peu embrumé.

Nous sommes tellement exaspérés que c'est à peine si nous pensons encore à admirer le panorama, pourtant splendide, en descendant vers le port. Le saphir profond de la mer s'estompe progressivement jusqu'aux contreforts bleutés de l'Espagne, tandis que les pentes escarpées du Rif marocain forment comme un large cirque autour de la rade et de l'isthme menant au mont Hacho, le coeur de cette enclave chrétienne en terre d'Islam... Les rayons roses et mauves du soleil couchant teintent quelques nuages passant au dessus des montagnes escarpées derrière nous, les lumières de la ville scintillent sur le clapot du port.

Nous montons sans délai à bord du ferry intercontinental. Depuis le pont, nous contemplons la lente descente du soleil dans la Méditerranée avant qu'il aille s'éteindre entre les Colonnes d'Hercule. En débarquant dans la nuit à Algeciras, nous allons dormir sur la même petite place tranquille que lors de notre départ pour le Maroc il y a maintenant 35 jours.



57. En Espagne : de la Costa del Sol à Granada

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