Juliette, Mathieu, Monique et Jean-Paul MOUREZ
à bord de leur Pilote 470
2. NORVÈGE et FINLANDE
Vendredi 19 août 1988 : d'ALBORG à GÖTEBORG (SUÈDE)
La pluie tambourinant sur le toit de la capucine nous réveille, annonçant un temps bouché pour la première fois depuis notre départ. La pièce commandée n'étant pas encore arrivée, je conduis Monique et les enfants au Vanland comme prévu. Puis, après m'être procuré au centre d'achat de quoi fabriquer nos fanions du Québec et du Canada, je retourne au garage. La réparation des courroie et poulie (une rondelle d'espacement aurait été placée du mauvais côté...) dure plus longtemps que prévu, et c'est vers 14:00 seulement que je récupère la famille dans sa piscine.
Sous une pluie persistante, nous partons aussitôt vers la côte nord-est du Jutland. Nous faisons halte au passage dans le petit port de Seaby. L'ambiance est très spéciale sous le crachin. Le vent fait claquer les filins des petits yachts qui dansent dans le port tandis que la forte houle du Kattegat (le large canal reliant la Manche à la Baltique) déferle sur le brise-lame, nous arrosant de ses embruns.
![]() |
![]() L'entassement des gros traversiers à Frederikshaven |
Aussitôt dit, aussitôt fait, nous embarquons
sans délai pour cinq heures de navigation aveugle dans la pluie
et les embruns, sur cet énorme traversier tout blanc qui se joue
des éléments. Pendant qu'étalant nos cartes sur une table de la
salle à manger nous commençons à regarder l'itinéraire qui nous
attend, Mathieu reste fasciné par les "bandits manchots"
(machines à sous) qu'il découvre sur le troisième pont.
Finalement, nous arrivons à Göteborg (Suède) vers minuit.
Fatigués et indécis quant à la direction à prendre en quittant
le ferry, nous nous arrêtons là et tentons de dormir sur le quai
sitôt débarqués.
Samedi 20 août 1988 : de GÖTEBORG (Suède) à SON (NORVÈGE)
Quelle idée nous a pris de demeurer hier soir sur ce stationnement ! Cette halte nous aura appris qu'il n'est pire place pour dormir qu'un grand port, avec son trafic nocturne, ses débardeurs et sa ronde de camions... Nous sommes tôt levés après une nuit terriblement bruyante qui nous laisse une migraine carabinée, aussi quittons-nous Göteborg sans avoir le goût de visiter cette grande ville suédoise pourtant recommandée par les guides touristiques. Bourrés d'aspirine, nous continuons à monter vers la Norvège en suivant la mer. Nous traversons alors un curieux paysage d'énormes rochers rouges et arrondis dépassant une végétation très canadienne de résineux, de prairies et de minuscules champs de céréales.
Stationnés au bord de la grève du minuscule port de pêche de Hamburgsund, nous dînons devant la petite baie limitée par des rochers épars où sont ancrées quelques barques. Une sieste de deux heures entre les maisons de planches rouges et bleues dispersées sur la grève nous fait récupérer un crâne un peu moins douloureux. Vagabondant dans une campagne vallonnée et verdoyante, notre trajet longe la côte à courte distance en montant vers le nord. Une grande arche de béton lancée au dessus d'un fjord magnifique (le Svinesund) nous fait passer peu après la frontière Suède-Norvège. Détours après détours, toujours sous la pluie, nous nous rapprochons d'Oslo. A Kälnes nous quittons la grande route pour découvrir nos premières gravures rupestres scandinaves. Les enfants sortent le balai pour dégager la grande dalle rocheuse : accentués par l'eau qu'ils y jettent apparaissent bientôt les contours très nets de bateaux, d'animaux et de soleils dessinés ici par les ancêtres des Viking grands conquérants des mers.
Nous rattrapons ensuite la petite route côtière. Elle nous fait aboutir à Son, un autre port miniature et plage à la mode proche d'Oslo. Nous nous y arrêtons dans un grand stationnement au dessus des rochers, avec vue immense sur la baie, à travers pins et autres arbustes... le site rêvé, quoi ! Enfin une nuit au calme, pensons-nous.
Dimanche 21 août 1988 : de SON à OSLO
Et pourtant nous nous levons bien tard, tentant de récupérer la fatigue des dernières 24 heures à laquelle sont venus s'ajouter de nouveaux déboires nocturnes : un milieu de nuit plutôt agité au départ des derniers clients du dancing dont nous avons malencontreusement choisi le stationnement comme lieu de repos...
Heureusement le ciel s'est bien dégagé et nous avons droit à une belle journée ensoleillée. Comme notre parking a retrouvé son calme et puisque la vue est toujours aussi agréable, nous demeurons là jusqu'en milieu d'après-midi. Nous profitons de ce loisir pour découper dans du plastique adhésif nos drapeaux du Québec et du Canada. Nous pourrons ainsi afficher dans ces pays amis une identité bien accueillie. Pendant que nous collons soigneusement nos couleurs à l'avant et à l'arrière du camping-car, Juliette chante avec quelques hésitations l'hymne national tandis que Mathieu enregistre la scène à la vidéo. Il ne manque plus qu'un nom original à notre véhicule pour compléter son baptême... Les enfants jouent un moment sur le terrain, je fais une partie de badminton avec Mathieu, puis nous partons pour Oslo.
La ville nous paraît très grande, propre,
aérée, largement étendue dans un vaste fjord : eau et montagne
mêlées. Modernité, mais aussi bâtiments traditionnels... Comme
nous sommes aujourd'hui dimanche et qu'il est assez tard pour
les Norvégiens (à peu près 17:30), tout est fermé. Après un
petit tour dans le quartier piétonnier derrière l'Hôtel de
Ville, nous nous dirigeons vers le site olympique d'Holmenkollen
au dessus de la ville. Nous avons l'intention d'y trouver un
coin tranquille - enfin ! - pour dormir. Mais nous découvrons en
cours de route le stationnement du Oslo Tennis Club qui nous
semble tout-à-fait favorable. Aussi, sans chercher plus loin,
nous nous glissons le plus discrètement possible sur son terrain
et nous y installons pour la nuit. Après un couscous revigorant,
nous grimpons dans la capucine pour nous endormir bien vite
(sans oublier d'ajouter auparavant ces quelques notes à mon
journal quotidien).
Lundi 22 août 1988 : d'OSLO à HOLMENKOLLEN
Notre tennis était aussi paisible que nous pouvions l'espérer, mais c'est la pluie cette fois qui nous a réveillés à l'aube en tambourinant sur le toit; impossible de nous rendormir... Nous prenons ainsi conscience d'un autre "défaut" de notre Pilote : la tôle de la capucine n'est ni doublée ni isolée sérieusement, elle n'a donc qu'une faible résistance mécanique et acoustique. Nous traînons un peu au lit, comme pour oublier la pluie qui nous accompagnera toute la journée.
2 billets adulte pour le Musée de Bygdoy.
Pour les enfants, c'est gratuit en Norvège !
Dans un bâtiment tout proche se trouve aussi
abrité le Fram, navire d'exploration polaire avec lequel deux
autres célèbres navigateurs norvégiens, Nansen et Amundsen,
conquirent les pôles. Nous le parcourons en tous sens, étonnés de
la solidité et de l'épaisseur de sa coque de bois renforcée qui
subit plusieurs hivernages enserrée dans les glaces.
![]() Oslo : le drakkar d'Oseberg |
![]() Oslo : l'or
du trésor de Gokstad
|
Nous terminons ce pèlerinage dans le passé nautique de la Norvège par une visite aux restes des trois drakkars d'Oseberg, Tune et Gokstad. Ceux-ci, superbement restaurés, montrent leur coque de chêne noirci dans trois ailes d'un bâtiment de style roman en forme de croix; la quatrième aile sert d'écrin au trésor découvert dans l'un de ces drakkars, sépulture d'une princesse viking. On se sent un peu comme dans une église où l'on célébrerait le culte des ancêtres normands dont il doit bien me rester quelques traces dans les chromosomes... Si l'on ajoute le Gjoa avec lequel R. Amundsen a été le premier à franchir le passage du Nord-Ouest et que nous apercevons amarré sous la pluie, voilà certainement le plus bel ensemble maritime que j'ai jamais vu !
La journée s'achève par un petit circuit dans le
centre ville, très propre mais sans grande originalité. Puis nous
montons au Holmenkollen, haut lieu du saut à ski olympique. De
là-haut, la vue sur le fjord d'Oslo, superbe, demeure
malheureusement brumeuse. Nous décidons d'y passer la nuit en
compagnie de quelques autres camping-cars alignés au pied du
tremplin.
Mardi 23 août 1988 : d'OSLO aux mines de SAGGRENDA (KONGSBERG)
![]() Musée de la Technologie d'OSLO : les nouvelles technologies de communication |
C'est notre dernière journée à Oslo, aussi proposons-nous à Mathieu d'aller faire un tour au nouveau Musée de la Technologie qui, paraît-il, vaut le coup d’œil. Effectivement nous y passons trois heures, passant des manipulations physiques amusantes aux démonstrations mécaniques grandeur nature : turbine et locomotive en coupe éclatée, authentique capsule Gemini, Caravelle entière avec son poste de pilotage au grand complet... Même un Starfighter a réussi à prendre place dans l'immense hall où s'achève le musée. Nous terminons notre visite par une rétrospective sur les télécommunications et le téléphone qui nous laissent ébahis par ce que nous réserve notre proche avenir en ce domaine. |
Après un rapide dîner-sandwich, nous prenons la route de Bergen. Un court arrêt au Centre d'Art Hennie-Onstad nous déçoit un peu : certes le cadre est magnifique (grand parc, bâtiment ultra-moderne) et l'exposition des innombrables trophées remportés par cette grande patineuse est surprenante. En revanche la collection permanente de tableaux, la plus importante de Norvège en ce qui a trait à la peinture du XXème siècle, demeure invisible. Elle n'est présentée que par roulement, à travers des expositions thématiques, et nous n'aurons à nous mettre sous l’œil qu'un bref "Hommage à la France" où seuls quelques Matisse nous séduisent.
Nous poursuivons notre route, accidentée mais
excellente, jusqu'au site des anciennes mines royales d'argent de
Saggrenda où nous dormons sur le stationnement.
Mercredi 24 août 1988 : de SAGGRENDA à ALVIK
![]() Chalet du Telemark |
Bien que tôt levés juste devant
l'entrée de la mine, nous renonçons cependant à la
visiter : la balade en petit train commence seulement à
11:30 et elle dure une heure et quart à une température
de 6°C. ! Au diable les souterrains humides, nous
préférons profiter au maximum de la campagne norvégienne
pleinement épanouie en cette fin d'été.
Nous roulons assez rapidement sur une route légèrement accidentée traversant de pittoresques paysages de lacs brumeux. |
Chaque virage fait découvrir des
tableaux différents, jusqu'à la stavkirke (église
ancienne entièrement construite en bois "debout") de
Heddal. Elle est très haute, très "verticale" avec des
segments de toit décalés descendant près du sol. Tout est
en bois : charpente, tuiles, cloisons et mobilier. Bien
qu'elle ne soit pas encore ouverte, nous avons la chance
d'y pénétrer grâce à l'organiste qui vient répéter et nous
laisse entrer quelques minutes : le petit orgue positif y
sonne merveilleusement... Nous restons un long moment
imprégnés du profond sentiment de sérénité et d'harmonie
éprouvé dans ce lieu simple et rustique. Avant de quitter,
je filme avec quelques difficultés (contre-jour,
nuages...) la silhouette si particulière de cette adorable
petite église. Pendant ce temps, Juliette et Mathieu
guidés par Monique ramassent mousses et fleurs miniatures
sur le muret de pierres sèches entourant le cimetière pour
constituer les premières pages d'un herbier
norvégien. Notre chemin nous conduit ensuite sur les alpages du Telemark, avec un bref arrêt à Seljord où la petite église de pierre du XIIème, massive et décorée de traces de fresques très anciennes, est malheureusement fermée. |
![]() Stavkirke de Heddal |
![]() Fleurs de montagne du Telemark |
![]() Greniers du
Telemark
|
![]() |
![]() La route étroite et sinueuse longeant le Sorfjord |
Nous atteignons enfin Odda, petite ville
industrielle, où nous faisons un peu d'épicerie avant de longer la
rive orientale du Sorfjord. La route en corniche, plutôt étroite,
est coincée entre la montagne en surplomb et l'à-pic tombant dans
le fjord. Cela devient encore plus impressionnant lorsque l'on
doit croiser l'un des énormes poids-lourds avec remorque qui
abondent sur ce trajet... Au bout d'une quarantaine de kilomètres
assez stressants, on circule à travers des vergers de pommiers
étonnants à cette latitude, jusqu'à Kinsarvik où l'on prend un
ferry pour Kvanndal. L'hallucinante route en corniche, étroite et
sinueuse, se poursuit jusqu'à Alvik où nous allons dormir sur le
stationnement municipal, derrière l'église et sur une terrasse
dominant le fjord.
Jeudi 25 août 1988 : d'ALVIK à BERGEN
Nous nous levons tard car l'étape d'hier a été éprouvante, mais il nous faudra encore deux heures de route à peine moins sportive et tout aussi spectaculaire (tunnels, corniche et lacets...) pour arriver à Bergen.
C'est une ville de taille moyenne, enserrée entre ses sept fjords et bâtie autour de son très ancien bassin du Xème siècle. Quelques vieilles maisons datant de la Ligue Hanséatique l'entourent encore. Nous nous dirigeons d'abord du côté du Bryggen, ce vieux quartier aux bâtisses de bois typiques du haut Moyen-Age, mais la matinée s'achève et nous savons qu'à 16:00, tout ferme en Norvège. Aussi nous hâtons-nous de passer au marché au poisson. Sur le quai, nous nous laissons tenter par du saumon fumé sauvage dont nous faisons le délicieux plat de résistance de notre lunch.
![]() Le Vagen de Bergen vu depuis notre bivouac |
Pour être à pied d’œuvre demain matin, nous décidons de camper si possible en ville, mais dans un coin tranquille que nous finissons par trouver juste au dessus du centre-ville, à flanc de montagne. La vue est splendide lorsque, dans la nuit qui descend, je vais avec Juliette contempler le ciel s'assombrir et les lumières briller sur le Vagen (le Vieux Bassin) en parcourant le sentier pédestre qui surplombe les maisons et le port. |
Vendredi 26 août 1988 : de BERGEN à TROLDHAUGEN (maison
d'Edvard Grieg)
Après une nuit tout-à-fait paisible, nous sommes vers 10:00 à la buanderie que nous avons dégoté dans la vieille ville. Monique, aidée des enfants, y prend une grosse suée à faire le lavage et le séchage du linge sale du dernier mois.
Entre deux coups de main, j'erre un peu aux alentours dans les ruelles pavées du quartier de Korskirken datant du XVIIème. Beaucoup de maisons, plus anciennes encore, montrent des murs brûlés sous un ravalement postérieur. La construction en pièces sur pièces (troncs équarris et empilés) ressemble beaucoup à celle des vieilles habitations canadiennes : même climat, mêmes ressources, même technologie. La Domkirken (cathédrale), très nue et austère, vaut à peine le détour, mais le reste du secteur ne manque pas de cachet. Nous allons ensuite visiter le Musée Hanséatique aménagé dans une des maisons du Bryggen, au bord du quai. Derrière les murs de bois aux teintes pastel demeuraient les marchands de la Hanse et l'on peut voir, sous le même toit, leurs bureaux antiques, leurs entrepôts "fleurant" encore la morue séchée et les chambres d'escale de leurs capitaines. Atmosphère sombre et odeurs d'époque garanties...
Puis nous allons nous balader un peu dans la ville nouvelle, autour du grand bassin central de Lille Lungegardsvatn, sur la jolie petite place Ole Bull où Mathieu saute de pierre en pierre dans la fontaine, et parmi les rayons d'un grand magasin faisant honneur au design scandinave. A défaut de livres en français pour nos lecteurs assidus, nous y trouvons de jolis gobelets de plastique rouges qui remplaceront nos verres déjà défunts... Traversant enfin un élégant parc fleuri, nous rencontrons la statue de Grieg qui demeurait tout près d'ici. Nous reprenons le camping-car pour aller faire le marché au nouveau centre d'achat de Lagunnen.
Nous sommes très étonnés de ne pas y trouver les
produits courants auxquels nous sommes habitués (Kleenex, lait
U.H.T....) tandis que la plupart des autres nous semblent hors de
prix. A la fermeture, Mathieu joue un bon moment à remettre de
l'ordre dans les chariots dispersés sur le stationnement, puis
nous décidons de profiter de notre proximité de Troldhaugen, dans
la banlieue sud de Bergen, pour dormir auprès de la résidence de
Grieg que nous visiterons demain matin.
Samedi 27 août 1988 : de TROLDHAUGEN à LAVIK
On dort fort bien à Troldhaugen. Il faut dire que
Grieg avait admirablement choisi sa retraite campagnarde : un
promontoire boisé et isolé au dessus du lac Nordasvatn, au cœur
d'un grand domaine formant un cadre romantique à souhait...
Le salon de Troldhaugen et le piano de Grieg
La vieille demeure, simple mais coquette, est pleine de souvenirs émouvants du grand compositeur norvégien : son piano, occupant tout un coin du salon, sa veste, sa canne et son chapeau accrochés au porte-manteau près de la porte, etc. L'environnement, encore relativement sauvage, aide à comprendre comment sa musique a pu être si profondément enracinée dans le sol de son pays. Nous descendons jusqu'au bord de l'eau où l'on voit sa tombe enchâssée à flanc de rocher, avant de regagner doucement notre maison à roulettes perdue au milieu des bouleaux jaunissants.
Notre prochain arrêt sera pour admirer la
stavkirke de Fantoft (1150), quasiment une chapelle mais
d'un très joli dessin, qu'un mécène amoureux de nature a fait
reconstruire dans un bois aménagé, sur une butte au centre d'un
vallon désert. Ses toits à pans de bois brun foncé descendent en
cascade jusqu'au sol, tandis que des figures de dragon semblables
à celles des proues des drakkars ornent ses multiples pignons,
accentuant l'air fantastique de cette architecture de légende.
Nous passons ensuite rapidement au nouvel aéroport de Bergen -
dont nous remarquons le très beau design - pour encore une fois
changer de l'argent. Nous sommes en effet samedi, toutes les
banques sont fermées en ville, et la vie s'avère décidément très
chère en Scandinavie...
Au même endroit, en regardant en arrière
Et maintenant, en route vers le nord et vers
Trondheim. Les paysages de fjords sont magnifiques, les hautes
vallées sauvages à souhait, les routes excellentes bien que
parfois très étroites. Nous empruntons encore deux traversiers
avant de nous établir pour la nuit sur le stationnement de la
banque de Lavik, elle aussi fermée pour le week-end. La vue sur le
fjord est impayable, les maisons en bois peint du village sont
dispersées sur une vaste terrasse à quelque hauteur au dessus de
l'eau et les montagnes à pic encadrent ce tableau idyllique.
L'ensemble respire la quiétude des grands espaces et serait
merveilleux si le temps ne se montrait aussi maussade (pluie
continuelle et température avoisinant les 16° Celsius...).
Dimanche 28 août : de LAVIK à la TROLLSTIGVEI
![]() Le long de la "Route des Fjords" |
Nous poursuivons la "Route des Fjords" : suite de corniches étroites dominant l'eau et ménageant des perspectives à l'infini, longue montée en épingle à cheveux escaladant la vallée au fond du fjord, irruption de tunnels souvent très longs, haut plateau où courent rivières et torrents qui parfois s'étalent en lacs tranquilles, puis à nouveau descente rapide vers le fjord... On traverse ainsi des paysages champêtres, souvent très sauvages, à certains moments même désertiques (style "haute montagne" bien qu'à 1 500 mètres d'altitude seulement). |
Au dessus du fjord
Nous
écartant un petit peu de notre route, nous
gravissons la piste du Dalsnibba (1 495 m.) avec
bien des efforts pour notre petit diesel, mais de
là-haut, la vue est superbe sur Geiranger et son
fjord qui s'étrangle tout au fond, bordé de fort
belles cascades.
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![]() La montée au Dalnisba en fin de journée |
![]() Les
glaciers depuis le Dalsnibba
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![]() Depuis le Dalnisba, vue plongeante vers Geiranger |
![]() Geiranger Fjord |
![]() |
Lundi 29 août 1988 : de la TROLLSTIGVEI à TRONDHEIM
![]() Mathieu court après les chèvres du Trollstigvei... |
Nous arrivons enfin tout en bas dans une forêt de bouleaux où paissent en liberté des moutons et des chèvres que Juliette tient absolument à caresser et filmer. A Andalnes nous laissons les deux jeunes touristes allemands que nous avons pris en stop la veille et qui ont bivouaqué dans le col près de nous, puis nous faisons quelques courses. |
La pluie reprend bientôt et nous accompagne lors d'une petite excursion à Boggestranda pour aller voir des gravures rupestres remarquables, dixit le Guide Bleu... Nous pataugeons un long moment dans la boue et attrapons un bon rhume pour une attraction d'un intérêt limité... A réserver aux maniaques d'archéologie !
Un autre magnifique
fjord dans les montagnes
Mardi 30 août 1988 : TRONDHEIM
Trondheim au XVIIIème
![]() La cour du Ringve Museum et Tronheim au fond |
Nous gagnons ensuite la galerie des instruments de musique du Ringve Museum. Le guide touche plusieurs claviers en nous expliquant leur histoire (Dieu merci en anglais cette fois !) et en les situant par rapport aux compositeurs. Nous voyons et entendons ainsi des clavecin, clavicorde et piano forte contemporains de Bach, Haydn et Beethoven, un petit orgue tout en bois dont il faut actionner à la main les soufflets et quelques uns des premiers gramophones. C'est passionnant et très vivant. |
![]() Salon de musique du Ringve Museum |
![]() Musiciens dans le salon du Ringve Museum |
![]() Piano harpe du XIXème |
![]() Violes |
![]() Dans le Vieux Port de Trondheim près de la cathédrale |
Après un tour extérieur de la cathédrale, fermée elle aussi, nous soupons d'une pizza dans un ex-entrepôt, sur un quai du Vieux Port le long de la rivière où s'amarraient autrefois les navires de la Hanse. Puis nous allons dormir dans un quartier résidentiel au dessus de la ville. Nous y jouirons d'une paix royale. |
Mis à mal par notre rhume qui tourne à la sinusite, nous nous réveillons tard et retournons magasiner au centre ville de Trondheim. J'y trouve enfin l'alimentation 12 v./220 v. recherchée, ce qui règle pour de bon mon problème de batterie vidéo. Je profite de la dernière grande ville avant le Cap Nord et les solitudes de la Laponie pour me procurer une cassette vidéo 8 supplémentaire, mais à 36 $ les 90 minutes, cela fait cher la minute de tournage !
En dehors de son vieux quartier que nous avons visité hier, et malgré ses 140 000 habitants, Trondheim fait vraiment petite ville de province. Si elle a un certain charme lié à sa place du marché et à ses trois ou quatre vieilles rues (d'ailleurs en complète restauration), on en a vite fait le tour. Aussi, après une dernière grimpette jusqu'à la citadelle de Kristiansten qui domine la cité, nous reprenons la route du Nord vers 16:00.
Rencontre avec des Canadiens de Toronto au bord
d'un lac entre Grong et Mo-I-Rana...
Nous empruntons la E 6 qui serpente dans des vallées ouvertes et le long de lacs où le relief s'est beaucoup adouci; le regard s'élargit et l'horizon recule, la montagne laissant place à de vagues ondulations et à de riches cultures de plaine. Je m'arrête à la petite église d'Alstadhaug (1250), fermée, mais en profite pour faire un bout de film du très beau Borgenfjord déployant un vaste paysage d'automne avec ses fumées et ses brumes vespérales... Un petit détour vers l'église de Maere (XIIème) sur sa butte nous montre un autre magnifique panorama assez semblable au précédent.
Nous longeons ensuite le calme lac Snasavatn où nous cherchons vainement un site de camping dans la nuit tombante. Juste avant Grong, Monique nous dirige vers un "raccourci" où nous passons une bonne heure à attendre le dégagement d'un énorme camion versé dans le fossé; nous finissons par demander asile dans une ferme au bord du chemin et y sommes très gentiment accueillis en tant que Canadiens...
Jeudi 1 septembre 1988 : de GRONG à MO I RANA
Notre nuit "rurale" est tout naturellement excellente mais au matin, comme je ne me sens vraiment pas en forme, Monique prend le volant pendant que je m'allonge dans la capucine. Je découvre de là-haut un paysage de vallées relativement peu accidentées, la route suivant le cours de la Namsen, avec torrents, lacs et beaucoup de terres de culture. Vers 15:00 nous quittons la grande route pour descendre en contrebas passer l'après-midi sur une petite plage invitante au bord d'un lac, à l'embouchure d'un torrent.
Monique profite de l'aubaine pour se lancer dans une lessive à même les rochers ronds tandis que les enfants pataugent à qui mieux mieux dans le ruisseau et construisent des barrages en galets. J'utilise quant à moi cette pause pour essayer de récupérer... Nous quittons ce petit paradis vers 19:00, mais notre chauffeur ne prend pas assez d'élan pour franchir la dénivellation donnant accès à la plage, et nous voilà coincés entre la pente du talus et un arbre ! Advienne que pourra, nous sacrifions le bouleau grâce à la scie que de jeunes Norvégiens complaisants sont allés chercher au village en vélomoteur. Un grand coup d'accélérateur, et nous voilà repartis jusqu'à Mo I Rana où nous allons coucher un peu à l'aveuglette dans un quartier résidentiel à flanc de colline.
Vendredi 2 septembre : de MO I RANA à LODINGEN (îles VESTERALEN)
![]() Panorama à Ulsvag |
A Innhavet l'horizon se remplit d'une multitude d'îles que l'on commence à apercevoir au delà des fjords, disséminées dans la mer. Le panorama nous arrache un cri d'admiration, mais notre ravissement est à son comble lorsqu'à Ulvsvag ce sont les sommets déchiquetés des pics des îles Lofoten qui se profilent en arrière-plan. Je regrette alors l'absence d'un vrai grand-angle sur la caméra pour rendre dans toute leur dimension ces paysages grandioses. |
La descente sur Bognes, avec le soleil qui
commence à s'abaisser vers la mer, nous en fait voir de
toutes les couleurs et nous décide à nous embarquer dès que
possible pour les Lofoten.
Nous soupons sur le quai en attendant le ferry, puis nous montons à bord pour une traversée spectaculaire : le soleil se couche en arrière des montagnes insulaires dont les dents de scie s'élèvent progressivement devant nous. Le ciel se pare de toutes les nuances habituelles à ce moment de la journée, mais on dirait qu'ici (est-ce la latitude, une certaine qualité de l'air ou notre sensibilité avivée ?), l'expérience acquiert une densité particulière. |
![]() Sous le charme de la merveilleuse traversée vers les Lofoten... |
Samedi 3 septembre 1988 : de LODINGEN à SOLVAER (îles LOFOTEN)
![]() Port des Vesteralen |
Par une suite ininterrompue de fjords somptueux et de routes de montagne à pic, nous traversons les îles Vesteralen, avec un arrêt prolongé juste avant Melbu. Nous y passons un après-midi tranquille à flâner sur la plage déserte, à ramasser des coquillages, à observer les oiseaux et faire des constructions de sable. |
Puis nous embarquons sur le traversier pour Fiskebol, sur Austragoy, la première des Lofoten. Nous y faisons route lentement, observant un relief très tourmenté, très contrasté, mais sommes étonnés de trouver l'île beaucoup plus habitée que nous ne nous y attendions. Le caractère océanique du paysage nous parait peu sensible, nous lui trouvons plutôt bien des traits typiques du pays de fjord : pentes presque verticales, verdure florissante et vastes étendues aquatiques. |
![]() Ilôt des Vesteralen |
Nous nous rendons ainsi jusqu'à Solvaer, la
"capitale" des Lofoten plantée dans un "paysage chaotique de
rocs, de pics et d'eau" (Guide Bleu). Nous allons dormir
parmi les maisons d'un nouveau secteur résidentiel à flanc
de montagne, au dessus d'un à-pic tombant dans un profond
bassin.
Dimanche 4 septembre 1988 : de SOLVAER à BOGEN (près de NARVIK)
Le relief est tourmenté, comme volcanique, et terriblement pittoresque : hautes falaises brunes et verticales zébrées d'herbe verte, arbres solitaires et rabougris, petites maisons peintes en rouge dispersées sur les rares terres plates, mer bleue partout présente dont l'azur fait écho à l'émeraude des pentes... |
![]() Site dramatique de Vikten |
![]() Plage au nord de Vesteralen près de Melbu |
Tout ce qui n'est pas roche sert de pâturage pour les vaches ou constitue un maquis que parcourent de nombreux moutons. Les ports sont plutôt rares et desservent davantage de plaisanciers que de pêcheurs en cette saison; c'est près de l'un de ces havres que nous déjeunons, sur une jolie petite plage où flânent mouettes et goélands. |
![]() Port de Reine |
![]() Côte du Fimark |
Au bout de la route, Austvagoy avant de faire
demi-tour à Fiskebol...
![]() Jean-Paul et Monique sous l'arc en ciel à Fiskebol |
Vu le caractère répétitif des paysages et un ciel qui s'assombrit de plus en plus, nous renonçons à la dernière île juste sur le quai avant d'embarquer sur le traversier (au demeurant coûteux) et prenons le chemin du retour. Le grand cirque rocheux entourant le quai de Fiskebol nous parait encore plus colossal que la veille, d'autant plus qu'il baigne dans la lumière grise et brutale d'un orage. La traversée, placée sous le signe magique d'un double arc en ciel, nous laisse une impression profonde, et c'est comme sous le charme que nous poursuivons la longue route côtière jusqu'à Bogen. |
Il y a beaucoup de circulation en ce dimanche soir, aussi arrivons-nous tard à notre bivouac, une plage au fond d'une anse devant quelques maisons.
Lundi 5 septembre 1988 : de BOGEN à SKIBOTN (STORFJORD)
La matinée est bien avancée (11:30) lorsque
nous réussissons à lever le camp, ayant terminé vers 23:15
hier soir les démontages, bouchages et remontages des ouïes
d'aération sous l'évier et sous les coffres intérieurs. Elles
avaient englouti les pièces du jeu d'échec et, plus embêtant,
la soupape de la cocotte-minute inutilisable depuis plusieurs
jours... Encore un petit défaut quelque peu contrariant de
notre Pilote !
Nous roulons beaucoup aujourd'hui, évitant d'abord Narvik entièrement reconstruite après les destructions de la dernière guerre et ne laissant guère prévoir beaucoup de particularités. Nous nous engageons bientôt sur une superbe route toute neuve; hélas nous devons rebrousser chemin après un long moment car elle se révèle barrée par des travaux et nous n'avions pas été capables de déchiffrer les pancartes de déviation (en norvégien bien entendu !). Le détour sur des chemins de terre malmène un peu notre camion peu habitué à ces chemins rustiques mais la campagne, plus sauvage que le long de la grande (et unique) route, est aussi plus pittoresque. | ![]() Vastes
étendues désertes sur les petites routes du grand
nord norvégien
|
Les fjords grandioses, les profondes vallées remplies d'impétueuses rivières ou de lacs tranquilles se succèdent, ponctués çà et là de monuments à la mémoire des résistants à l'avance allemande de 1940. Nous nous retrouvons enfin dans une région de hauts sommets massifs usés par l'érosion et couverts de résineux. Mais nous avons déjà franchi plus de 5 000 km et il est temps de faire le premier changement d'huile; nous trouvons un petit garage agent Citroën qui accepte de nous servir à l'improviste et fait très consciencieusement tous les contrôles prévus au livret de garantie. En revanche l'addition est plutôt salée : plus de 100 $ pour une heure trente d'ouvrage, soit un taux horaire de près de 70 $ ! Nous savions le coût de la vie élevé ici, mais pas à ce point là...
Bien qu'un peu énervés par cette brèche imprévue dans notre budget déjà déficitaire, nous poursuivons encore un long moment notre chemin et c'est assez fatigués que nous arrêtons vers 19:00 sur le quai du petit port de Skibotn. On y jouit d'un spectaculaire silence dans un paysage grandiose de montagnes à pic dont il me semble cependant que nous commençons à être un peu blasés.
Mardi 6 septembre 1988 : de SKIBOTN à
RUSSENES (près du NORTHKAPP)
Pour une fois, nous
partons relativement tôt : 9:30 ! Après un long trajet dans le
Storfjord, l'un des plus beaux fjords de la Norvège, nous
faisons un petit détour par Späkenes où nous déjeunons et
filmons les glaciers et les imposantes montagnes qui nous font
face.
Puis nous montons très haut
jusqu'au vaste panorama de Sorstraumen et apercevons
les premiers camps lapons. Quelques tentes genre tipi
(pieux de bois recouverts de peaux de rennes ou, plus
prosaïquement, d'une toile kaki...) entourent une
cabane de planches. Une interminable route
tressautante longe ensuite le Langfjord et nous mène
jusqu'à la petite ville d'Alta où nous faisons le
plein d'eau et de diesel. Tout y ferme à 16:00 et nous
trouvons l'accueil peu sympathique chez les quelques
commerçants que nous visitons; de plus l'armée semble
partout présente... Après un souper rapide, nous
décidons de nous avancer pour atteindre si possible
demain ce Northkapp un peu mythique dont nous ne
sommes plus très éloignés maintenant.
|
![]() Côte du Finmark |
![]() |
La route file, très droite et très rapide, sur un haut plateau quasi-désertique où tout-à-coup nous devons nous arrêter pour laisser passer une espèce de cow-boy casqué chevauchant une motocross et rassemblant un petit troupeau de rennes ! Nous sommes bien en pays lapon. On aperçoit un peu partout d'ailleurs, à quelque distance de la route, sur les longues collines rougeâtres parsemées de petits buissons corail, leurs camps d'été rustiques d'où s'élève parfois un filet de fumée... |
La nuit est déjà tombée lorsque nous nous arrêtons dans la pénombre et dans un calme extraordinaire, à l'extrémité de l'immense fjord du Cap Nord. Installés près du quai d'embarquement d'un petit entrepôt de pêcheurs, nous voyons l'obscurité envahir doucement la vaste étendue d'eau et de rocs.
Mercredi 7 septembre 1988 : de RUSSENES au
NORTHKAPP
Il ne nous reste plus que 90 km dont 20 de traversier à parcourir pour atteindre enfin le Cap Nord. D'abord la route s'avère assez sportive, dans un paysage austère et tourmenté : raides falaises dénudées, courtes plages de galets, herbe rase... avec quelques rennes errants et des nids-de-poule plein la chaussée. Puis la fin du parcours, dans un nuage de plus en plus
épais, nous amène d'abord au village de pêcheurs de
Skarsvag; les mouettes perchées en ligne sur le faîte
des toits ont beau être pittoresques, elles ne méritent
quand même pas à elles seules les *** que le guide
attribue au Cap. Là nous nus égarons un peu, faute de
signalisation. |
![]() La route sauvage menant au Cap Nord (île de Mageroya) |
![]() Le Cap Nord dans la brume... |
On nous remet sur le droit chemin et,
dans une brume de plus en plus opaque, zigzaguant entre
les trous et les bosses d'un chemin défoncé, nous arrivons
enfin au cap lui-même, avec une visibilité réduite à 10
mètres ! Déception...
Du coup, nous faisons une visite rapide au Hall du Cap Nord - vaste édifice touristico-commercial en partie souterrain, d'assez bon goût mais hors de prix - où nous faisons provision de cartes postales et autres babioles. Puis nous allons passer la fin de l'après-midi bien au chaud dans notre camping-car où nous avons dû allumer le chauffage tant le froid humide est pénétrant. Après avoir dégusté le champagne offert par Jean-Louis B. pour cette occasion bien spéciale, nous nous consacrons à l'écriture d'un petit mot-souvenir à tous nos amis tant Canadiens qu'Européens. |
Et puis, oh miracle, vers 18:30 le brouillard se lève et le paysage grandiose du cap se révèle, sauvage, dur, avec, stimulant l'imagination, l'horizon arctique; dire que de l'autre côté de cette eau froide, noire et sévère, c'est la banquise et plus loin encore, le pôle... Nous décidons de dormir sur le stationnement du complexe touristique, dans l'espoir de voir au moins le soleil se lever sur ce site mythique. | ![]() Aube sur le Cap Nord |
Jeudi 8 septembre 1988 : du NORTHKAPP à INARI (FINLANDE)
![]() Cap Nord |
Le soleil s'est vaguement montré vers 4:30 ce matin. Je l'ai salué en faisant un petit tour dans le vent très frisquet de l'aube (autour de 5° C !) puis suis retourné bien vite me glisser au chaud sous mon duvet... Plus encore qu'hier, le paysage m'a paru immense, désolé et vide, quoique d'une étrangeté fascinante. |
En
matinée, c'est la famille au complet qui
parcourt en tous sens la vaste table rocheuse.
Mais le ciel a déjà retrouvé sa lourde teinte
grise, et nous reprenons bientôt la longue route
du retour sous une pluie menaçante puis
effective.
|
![]() Juliette clame son enthousiasme au pied de la géosphère... |
![]() ...tandis que Mathieu grimpe sur le monument... |
![]() ...avant d'ériger son propre cairn. |
Nos sentiments sont mêlés, comme si d'un côté nous étions soulagés d'avoir atteint ce but si lointain qu'il en paraissait un peu irréaliste, mais comme si en même temps nous avions l'impression d'avoir déjà achevé notre aventure... Et pourtant, nous ne sommes encore qu'au premier tiers de notre premier voyage !
Rennes sur la route près de la frontière finlandaise
Nous quittons l'Océan Arctique et la Norvège des fjords à Lakselv, avec une pointe de regret pour ce pays qui nous a prodigué tant de panoramas extraordinaires. Si nous sommes toujours en terre lapone, le relief s'adoucit grandement, la forêt prend toute la place, surtout les bouleaux dorés dont les teintes en ce début d'automne nous rappellent nos forêts canadiennes. Parfois quelques rennes au bord de la route s'enfuient à notre approche, des boutiques de souvenirs lapons étalent leurs panneaux de devanture fermés... | ![]() Paysage d'automne en Finmark |
Nous atteignons bientôt la frontière finlandaise dans ce qui nous semble un désert... jusqu'à la panne sèche ! Heureusement le jerrycan de réserve nous permet d'atteindre Inari où nous faisons le plein de diesel. Désirant visiter demain le musée same (lapon) renommé, nous campons un peu à l'extérieur de cette petite ville touristique.
Bienvenue en Finlande !
Vendredi 9 septembre : d'INARI à KEMIJARVI
![]() Piège à ours au Musée same d'Inari |
Nous sommes très intéressés par le village-exposition sur la culture same. Il montre un adaptation quasi identique des lapons et des amérindiens à des environnements fort semblables. Les pièges à gros animaux (loups, ours), entièrement en bois, étonnent Mathieu par leur ingéniosité, et nous passons un bon moment à nous balader dans ce musée de plein-air installé dans un parc touffu et semi-sauvage. |
Puis la route plate et droite se poursuit; les attractions naturelles et humaines sont des plus rares. A Kaunispaa un vaste panorama se déploie depuis une éminence d'où l'on aperçoit l'immense forêt ondulant tout à l'entour et, à l'est, les collines bleutées de l'URSS. Nous n'en serons jamais plus près, quelques kilomètres tout au plus, mais ne tenterons même pas de prendre une route frontalière : elles sont barrées et interdites aux touristes... A part cette "curiosité", rien de notable, le ruban d'asphalte se déroule à l'infini dans un horizon limité par les sempiternels bouleaux. La chaussée est la plupart du temps excellente, aussi décidons-nous d'aller le plus loin possible. Nous arrêtons à la nuit tombée dans un quartier résidentiel en construction, au milieu de ce qui nous semble être la cour d'un H.L.M.... | ![]() |
Samedi 10 septembre 1988 : de KEMIJARVI à PIHTIPUDAS
![]() Village miniature de
Mathieu et Juliette
|
Un pause santé en milieu d'après-midi donne aux enfants l'opportunité de se délasser sur la plage de sable gris d'un petit lac; ils sortent leurs personnages Playmobil et voilà bientôt un petit village de brindilles et de sable qui prend forme, à l'image du musée same d'Inari... |
En pleine nuit, nous nous arrêtons au bord
de la route sur le stationnement d'un poste d'essence, malgré le
bruit prévisible de la circulation. En effet la visibilité est
très limitée par des phares nettement insuffisants (45 watts
jaunes, même pas halogènes...), et je crains de percuter du gros
gibier: la route est jalonnée de panneaux de mise en garde contre
les élans...
![]() Théâtre de Jyvaskyla dessiné par A. Aalto (1982) |
![]() Vase dessiné par A.
Aalto (1936)
|
![]() Quartier de l'Esplanade à Helsinki |
Passant devant les bureaux de l'agence de voyage de l'URSS Intourist, nous enquérons d'un visa de visiteur (48 heures) pour faire la balade jusqu'à Leningrad; mais on nous confirme que si cela ne pose pas de problème en principe, il faut quand même 10 jours pour obtenir le tampon officiel sur nos passeports... Nous devons donc renoncer à cette excursion d'à peine 400 kilomètres dont nous rêvions pourtant depuis longtemps. |
En se baladant dans les petites rues du quartier du
Sénat
![]() La cathédrale Place du Sénat |
![]() La cathédrale et le Sénat d'Helsinki au delà du quai |
![]() Le stade olympique d'Helsinki (version 1955) |
Ce matin le temps s'est rétabli. Pendant que Monique se repose, je monte avec les enfants en haut de la Tour Olympique dominant le stade de ses 72 mètres. Le panorama sur la cité est étendu; elle apparait très étalée, entourée d'eau, dispersée dans des parcs et de vastes espaces verts. |
Embarquant dans le
camping-car, nous partons pour un tour de ville qui nous
mène d'abord au monument consacré à Sibelius dans le parc
du même nom; c'est un étonnant assemblage de centaines de
tuyaux soudés comme si des dizaines de flûtes de Pan
géantes avaient été collées côte-à-côte. L'aspect visuel
est tout-à-fait saisissant, mais moins, parait-il, que
l'effet sonore lorsque le vent souffle dans ces tubes... |
![]() Monument dédié au compositeur Sibelius |
![]() Chaise longue en bois plié Lepotuoli (1936) dessinée par Aalto et vue chez Artek |
Nous nous rendons finalement dans la boutique d'Artek où nous retrouvons tous les mobiliers dessinés par Aalto et quelques autres que nous connaissons bien : la collection Cylinda, la chaise longue de Le Corbusier, la chaise de bureau Kevi, etc... On a un peu l'impression que les Finlandais croient avoir tout inventé dans le design actuel, alors qu'ils nous semblent surtout avoir engendré quelques géniaux précurseurs... Nous retournons à pied dans le quartier de l'Esplanade qui décidément demeure celui qui nous charme le plus avec son élégante promenade garnie de statues à l'ombre des grands arbres. |
![]() Temppeliaukon Kirkko creusée dans le rocher |
Nous retournons voir l'église dans
le rocher qui s'avère un lieu extraordinaire : c'est
l'un des sanctuaires parmi les plus harmonieux et les
plus "habités" que j'ai jamais visité. L'espace sacré
a été taillé à la mine dans le rocher brut qui en
constitue les parois circulaires; une dalle de béton
ajourée forme un toit tout simple diffusant une
lumière tamisée, le mobilier de bouleau teint adoucit
ce que les premiers matériaux pourraient avoir de
froid et de sévère, l'ensemble nous place au coeur de
la nature et de l'univers...
|
![]() Vue
extérieure du palais Finlandia
|
Nous trouvons un grand bâtiment de marbre blanc, de forme rectangulaire et composé de plusieurs modules reliés, le tout installé dans un vaste espace vert au bord d'un petit lac. |
Site du Palais Finlandia, avant l'extension du lac
Le Palais Finlandia, après l'extension du lac
![]() Le Palais Finlandia la nuit |
![]() Le Palais Finlandia illuminé |
Nous visitons d'abord le campus de l'Ecole Polytechnique (une autre réalisation d'Aalto) où nous rencontrons des étudiants en bizutage. On reconnait leur spécialité à la couleur spécifique de leur combinaison : un tendre rose nanane pour le génie électrique, un bleu pastel pour la mécanique hydraulique, etc... |
![]() Hall d'entrée de l'amphithéatre de l'École polytechnique d'Otaniemi |
Après une courte balade dans les bâtiments d'une conception
encore une fois harmonieuse et fonctionnelle, nous allons camper
sur le stationnement d'une aire de sport municipale.
Puis nous retournons à Otaniemi pour admirer Dipoli, un étonnant centre de congrès propriété de l'association des étudiants de l'Ecole Polytechnique. Le verre s'y allie au béton, au rocher et au bois pour composer une symphonie aux angles multiples et jamais droits. | ![]() Sculpture dans un parc suspendu de Tapiola |
Mais la journée avance et, après étude de la
carte, nous décidons de rallier le port de Turku sans passer par
Tampere dont nous craignons le grand développement industriel.
![]() Terrasse de Hvittrask |
En revanche nous nous arrêterons à Hvitträsk, grande résidence et atelier conçus par et pour l'architecte E. Saärinen en 1903. Ce projet est devenu comme un manifeste du Romantisme National, mouvement artistique et culturel se voulant un retour aux sources quasi médiévales de la Finlande. Sorte de grand manoir installé au bord d'un lac sauvage dans un vaste et pittoresque site naturel, Hvitträsk laisse la chaleureuse impression d'une maison et d'un environnement créés et aménagés avec goût et amour. |
![]() Vitrail dans le salon en entresol |
![]() Enfilade des salons |
![]() |
![]() Décor des plafonds du salon |
![]() Le sanatorium de Païmio construit par A. Aalto |
![]() Le sanatorium de Païmio construit par A. Aalto |
![]() Salle à manger du sanatorium de Païmo |
![]() Chaise dessinée par Aalto |
Fauteuil en bois plié dessiné par Alvar Aalto pour
le sanatorium
Fauteuil en bois plié dessiné par Alvar Aalto pour
le sanatorium
Vue sur la forêt depuis la terrasse en haut du
sanatorium de Païmo
![]() Vue générale de Turku à l'embouchure du fleuve Aurajoki |
Nous gagnons ensuite Turku, jolie petite ville très ancienne qui paresse au bord de sa rivière aboutissant au port des ferry-boats pour la Suède. |
![]() Cour du château de Turku |
![]() Façade du château de Turku |
![]() Salle du Musée W. Aaltonen |
![]() Baigneuse, par Waïno Aaltonen |
![]() Clocher de la cathédrale de Turku |
![]() Nef de la cathédrale de Turku |
![]() Calice et ciboire (1480) dans le trésor de la cathédrale de Turku |
![]() Dans la cathédrale, la chapelle Kakainen contient le sarcophage en marbre noir dédié à la mémoire de la Reine Karin Manasdotter, épouse finlandaise du roi Éric XIV, morte en 1613 |
La ronde des traversiers assurant la liaison de la
Finlande avec la Suède