Sabbatique 1988-89
Juliette, Mathieu, Monique et Jean-Paul MOUREZ
à bord de leur Pilote 470
2. NORVÈGE et FINLANDE
Photos de la page pleine grandeur et
diaporama sur Google Photo :
https://photos.app.goo.gl/CqvnS7yG1U6HCtYq8
Traversée vers la Suède et la Norvège - Oslo
Vendredi 19 août 1988 : d'ALBORG à
GÖTEBORG (SUÈDE)
La pluie tambourinant sur le toit de la capucine nous
réveille, annonçant un temps bouché pour la première fois
depuis notre départ. La pièce commandée n'étant pas encore
arrivée, je conduis Monique et les enfants au Vanland comme
prévu. Puis, après m'être procuré au centre d'achat de quoi
fabriquer nos fanions du Québec et du Canada, je retourne au
garage. La réparation des courroie et poulie (une rondelle
d'espacement aurait été placée du mauvais côté...) dure plus
longtemps que prévu, et c'est vers 14:00 seulement que je
récupère la famille dans sa piscine.
Sous une pluie persistante, nous partons aussitôt vers la côte
nord-est du Jutland. Nous faisons halte au passage dans le
petit port de Seaby. L'ambiance est très spéciale sous le
crachin. Le vent fait claquer les filins des petits yachts qui
dansent dans le port tandis que la forte houle du Kattegat (le
large canal reliant la Manche à la Baltique) déferle sur le
brise-lame, nous arrosant de ses embruns.
Arrivés à Frederikshavn, nous passons
devant l'embarcadère des gros ferry pour la Norvège... et
l'idée nous vient tout naturellement : pourquoi poursuivre
cette route grise et triste jusqu'à Skaden, à la pointe nord
du Jutland, par ce temps décourageant, alors que nous avons
une chance de changer de climat en partant immédiatement
pour la Suède et la Norvège ?
|
L'entassement des gros traversiers à
Frederikshaven
|
Aussitôt dit, aussitôt fait, nous embarquons sans délai pour
cinq heures de navigation aveugle dans la pluie et les
embruns, sur cet énorme traversier tout blanc qui se joue
des éléments. Pendant qu'étalant nos cartes sur une table de
la salle à manger nous commençons à regarder l'itinéraire
qui nous attend, Mathieu reste fasciné par les "bandits
manchots" (machines à sous) qu'il découvre sur le troisième
pont. Finalement, nous arrivons à Göteborg (Suède) vers
minuit. Fatigués et indécis quant à la direction à prendre
en quittant le ferry, nous nous arrêtons là et tentons de
dormir sur le quai sitôt débarqués.
Samedi 20 août 1988 :
de GÖTEBORG (Suède) à SON
(NORVÈGE)
Quelle idée nous a pris de demeurer hier soir sur ce
stationnement ! Cette halte nous aura appris qu'il n'est
pire place pour dormir qu'un grand port, avec son trafic
nocturne, ses débardeurs et sa ronde de camions... Nous
sommes tôt levés après une nuit terriblement bruyante qui
nous laisse une migraine carabinée, aussi quittons-nous
Göteborg sans avoir le goût de visiter cette grande ville
suédoise pourtant recommandée par les guides touristiques.
Bourrés d'aspirine, nous continuons à monter vers la Norvège
en suivant la mer. Nous traversons alors un curieux paysage
d'énormes rochers rouges et arrondis dépassant une
végétation très canadienne de résineux, de prairies et de
minuscules champs de céréales.
Stationnés au bord de la grève du minuscule port de pêche de
Hamburgsund, nous dînons devant la petite baie limitée par
des rochers épars où sont ancrées quelques barques. Une
sieste de deux heures entre les maisons de planches rouges
et bleues dispersées sur la grève nous fait récupérer un
crâne un peu moins douloureux. Vagabondant dans une campagne
vallonnée et verdoyante, notre trajet longe la côte à courte
distance en montant vers le nord. Une grande arche de béton
lancée au dessus d'un fjord magnifique (le Svinesund) nous
fait passer peu après la frontière Suède-Norvège. Détours
après détours, toujours sous la pluie, nous nous rapprochons
d'Oslo. A Kälnes nous quittons la grande route pour
découvrir nos premières gravures rupestres scandinaves. Les
enfants sortent le balai pour dégager la grande dalle
rocheuse : accentués par l'eau qu'ils y jettent apparaissent
bientôt les contours très nets de bateaux, d'animaux et de
soleils dessinés ici par les ancêtres des Viking grands
conquérants des mers.
Nous rattrapons ensuite la petite route côtière. Elle nous
fait aboutir à Son, un autre port miniature et plage à la
mode proche d'Oslo. Nous nous y arrêtons dans un grand
stationnement au dessus des rochers, avec vue immense sur la
baie, à travers pins et autres arbustes... le site rêvé,
quoi ! Enfin une nuit au calme, pensons-nous.
Dimanche 21 août 1988 :
de SON à OSLO
Et pourtant nous nous levons bien tard, tentant de récupérer
la fatigue des dernières 24 heures à laquelle sont venus
s'ajouter de nouveaux déboires nocturnes : un milieu de nuit
plutôt agité au départ des derniers clients du dancing dont
nous avons malencontreusement choisi le stationnement comme
lieu de repos...
Heureusement le ciel s'est bien dégagé et nous avons droit à
une belle journée ensoleillée. Comme notre parking a
retrouvé son calme et puisque la vue est toujours aussi
agréable, nous demeurons là jusqu'en milieu d'après-midi.
Nous profitons de ce loisir pour découper dans du plastique
adhésif nos drapeaux du Québec et du Canada. Nous pourrons
ainsi afficher dans ces pays amis une identité bien
accueillie. Pendant que nous collons soigneusement nos
couleurs à l'avant et à l'arrière du camping-car, Juliette
chante avec quelques hésitations l'hymne national tandis que
Mathieu enregistre la scène à la vidéo. Il ne manque plus
qu'un nom original à notre véhicule pour compléter son
baptême... Les enfants jouent un moment sur le terrain, je
fais une partie de badminton avec Mathieu, puis nous partons
pour Oslo.
La ville nous paraît très grande, propre, aérée, largement
étendue dans un vaste fjord : eau et montagne mêlées.
Modernité, mais aussi bâtiments traditionnels... Comme nous
sommes aujourd'hui dimanche et qu'il est assez tard pour les
Norvégiens (à peu près 17:30), tout est fermé. Après un
petit tour dans le quartier piétonnier derrière l'Hôtel de
Ville, nous nous dirigeons vers le site olympique
d'Holmenkollen au dessus de la ville. Nous avons l'intention
d'y trouver un coin tranquille - enfin ! - pour dormir. Mais
nous découvrons en cours de route le stationnement du Oslo
Tennis Club qui nous semble tout-à-fait favorable. Aussi,
sans chercher plus loin, nous nous glissons le plus
discrètement possible sur son terrain et nous y installons
pour la nuit. Après un couscous revigorant, nous grimpons
dans la capucine pour nous endormir bien vite (sans oublier
d'ajouter auparavant ces quelques notes à mon journal
quotidien).
Lundi 22 août 1988 :
d'OSLO à HOLMENKOLLEN
Notre tennis était aussi paisible que nous pouvions
l'espérer, mais c'est la pluie cette fois qui nous a
réveillés à l'aube en tambourinant sur le toit; impossible
de nous rendormir... Nous prenons ainsi conscience d'un
autre "défaut" de notre Pilote : la tôle de la capucine
n'est ni doublée ni isolée sérieusement, elle n'a donc
qu'une faible résistance mécanique et acoustique. Nous
traînons un peu au lit, comme pour oublier la pluie qui nous
accompagnera toute la journée.
2 billets adulte pour le Musée de Bygdoy.
Pour les enfants, c'est gratuit en Norvège !
Arrivée du Kon-Tiki aux Marquises
Trajet des 3 expéditions de Thor Heyerdahl
Le Râ II sur la houle
de l'Atlantique
Après être passés au Tourist Inform où l'on nous donne enfin
un plan détaillé de la ville, fort étendue, nous décidons de
faire notre profit du mauvais temps en allant traîner au Musée
Maritime de Bygdoy. Là sont conservés le Kon-Tiki et le Râ de
Thor Heyerdhal, radeau de balsa et barque de papyrus, témoins
éloquents de deux grandes aventures marines et
anthropologiques qui ont fasciné et fait rêver mon
adolescence. Les deux "reliques", un peu poussiéreuses mais
combien émouvantes, se trouvent au centre d'une remarquable
présentation des expéditions qu'elles ont permis (ou dont
elles furent le prétexte...).
Dans un bâtiment tout proche se trouve aussi abrité le Fram,
navire d'exploration polaire avec lequel deux autres célèbres
navigateurs norvégiens, Nansen et Amundsen, conquirent les
pôles. Nous le parcourons en tous sens, étonnés de la solidité
et de l'épaisseur de sa coque de bois renforcée qui subit
plusieurs hivernages enserrée dans les glaces.
Oslo : le drakkar d'Oseberg
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Oslo :
l'or du trésor de Gokstad
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Nous terminons ce pèlerinage dans le passé nautique de la
Norvège par une visite aux restes des trois drakkars
d'Oseberg, Tune et Gokstad. Ceux-ci, superbement restaurés,
montrent leur coque de chêne noirci dans trois ailes d'un
bâtiment de style roman en forme de croix; la quatrième aile
sert d'écrin au trésor découvert dans l'un de ces drakkars,
sépulture d'une princesse viking. On se sent un peu comme dans
une église où l'on célébrerait le culte des ancêtres normands
dont il doit bien me rester quelques traces dans les
chromosomes... Si l'on ajoute le Gjoa avec lequel R.
Amundsen a été le premier à franchir le passage du Nord-Ouest
et que nous apercevons amarré sous la pluie, voilà
certainement le plus bel ensemble maritime que j'ai jamais vu
!
La journée s'achève par un petit circuit dans le centre ville,
très propre mais sans grande originalité. Puis nous montons au
Holmenkollen, haut lieu du saut à ski olympique. De là-haut,
la vue sur le fjord d'Oslo, superbe, demeure malheureusement
brumeuse. Nous décidons d'y passer la nuit en compagnie de
quelques autres camping-cars alignés au pied du tremplin.
Par le
Télémark, d'Oslo à Bergen (le Bryggen et Troldhaugen)
Mardi 23 août 1988 :
d'OSLO aux mines de SAGGRENDA
(KONGSBERG)
Après une autre excellente nuit dans ce
splendide décor olympique, nous nous rendons jusqu'à la tour
d'observation "Tryvänn", mais le temps toujours bouché
nous dissuade d'y monter. En redescendant vers la ville
cependant nous tombons sur une courte éclaircie et je tente
quelques panoramiques qui rendront peut-être un peu
l'immensité du paysage que nous dominons.
Musée de la Technologie d'OSLO : les
nouvelles technologies de communication
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C'est notre
dernière journée à Oslo, aussi proposons-nous à
Mathieu d'aller faire un tour au nouveau Musée de la
Technologie qui, paraît-il, vaut le coup d’œil.
Effectivement nous y passons trois heures, passant
des manipulations physiques amusantes aux
démonstrations mécaniques grandeur nature : turbine
et locomotive en coupe éclatée, authentique capsule
Gemini, Caravelle entière avec son poste de pilotage
au grand complet... Même un Starfighter a réussi à
prendre place dans l'immense hall où s'achève le
musée. Nous terminons notre visite par une
rétrospective sur les télécommunications et le
téléphone qui nous laissent ébahis par ce que nous
réserve notre proche avenir en ce domaine. |
Après un rapide dîner-sandwich, nous prenons la route de
Bergen. Un court arrêt au Centre d'Art Hennie-Onstad nous
déçoit un peu : certes le cadre est magnifique (grand parc,
bâtiment ultra-moderne) et l'exposition des innombrables
trophées remportés par cette grande patineuse est surprenante.
En revanche la collection permanente de tableaux, la plus
importante de Norvège en ce qui a trait à la peinture du XXème
siècle, demeure invisible. Elle n'est présentée que par
roulement, à travers des expositions thématiques, et nous
n'aurons à nous mettre sous l’œil qu'un bref "Hommage à la
France" où seuls quelques Matisse nous séduisent.
Nous poursuivons notre route, accidentée mais excellente,
jusqu'au site des anciennes mines royales d'argent de
Saggrenda où nous dormons sur le stationnement.
Mercredi 24 août 1988 :
de SAGGRENDA à ALVIK
Chalet du Telemark
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Bien que tôt levés juste
devant l'entrée de la mine, nous renonçons
cependant à la visiter : la balade en petit train
commence seulement à 11:30 et elle dure une heure
et quart à une température de 6°C. ! Au diable les
souterrains humides, nous préférons profiter au
maximum de la campagne norvégienne pleinement
épanouie en cette fin d'été.
Nous roulons assez rapidement sur une route
légèrement accidentée traversant de pittoresques
paysages de lacs brumeux.
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Chaque virage fait découvrir des
tableaux différents, jusqu'à la stavkirke
(église ancienne entièrement construite en bois
"debout") de Heddal. Elle est très haute, très
"verticale" avec des segments de toit décalés
descendant près du sol. Tout est en bois :
charpente, tuiles, cloisons et mobilier. Bien
qu'elle ne soit pas encore ouverte, nous avons la
chance d'y pénétrer grâce à l'organiste qui vient
répéter et nous laisse entrer quelques minutes : le
petit orgue positif y sonne merveilleusement... Nous
restons un long moment imprégnés du profond
sentiment de sérénité et d'harmonie éprouvé dans ce
lieu simple et rustique. Avant de quitter, je filme
avec quelques difficultés (contre-jour, nuages...)
la silhouette si particulière de cette adorable
petite église. Pendant ce temps, Juliette et Mathieu
guidés par Monique ramassent mousses et fleurs
miniatures sur le muret de pierres sèches entourant
le cimetière pour constituer les premières pages
d'un herbier norvégien.
Notre chemin nous conduit ensuite sur les alpages du
Telemark, avec un bref arrêt à Seljord où la petite
église de pierre du XIIème, massive et décorée de
traces de fresques très anciennes, est
malheureusement fermée. |
< center>
Stavkirke de Heddal
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Puis nous abordons de très beaux paysages où les montagnes
deviennent de plus en plus raides, hautes et grandioses.
Durant la longue montée au plateau de Haukeliseter, notre C
25 se montre bon grimpeur malgré un roulis très fatigant
dans les routes sinueuses (je comprends maintenant pourquoi
certains fabricants proposent des barres anti-roulis en
option !).
Fleurs de montagne du Telemark
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Greniers du Telemark
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La route adopte de plus en plus un style haute montagne,
entrecoupée de longs tunnels (comme celui d'Haukeli : 5 682
m.), avant la grande descente en épingles à cheveux de
Svandasflona (7 virages à 180 degrés sur 3 kilomètres). La
vue sur Roldal au fond de la vallée est superbe.
L'environnement, profondément dénivelé, semblerait alpestre
si, en bas de la pente, nous ne nous retrouvions au bord de
la mer... Plus loin, on passe de magnifiques cascades avant
d'admirer sur le sommet en face, de l'autre côté de la gorge
profonde, le glacier du Folgefonno qui brille au soleil.
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La route étroite et sinueuse
longeant le Sorfjord
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Nous atteignons enfin Odda, petite ville industrielle, où
nous faisons un peu d'épicerie avant de longer la rive
orientale du Sorfjord. La route en corniche, plutôt étroite,
est coincée entre la montagne en surplomb et l'à-pic tombant
dans le fjord. Cela devient encore plus impressionnant
lorsque l'on doit croiser l'un des énormes poids-lourds avec
remorque qui abondent sur ce trajet... Au bout d'une
quarantaine de kilomètres assez stressants, on circule à
travers des vergers de pommiers étonnants à cette latitude,
jusqu'à Kinsarvik où l'on prend un ferry pour Kvanndal.
L'hallucinante route en corniche, étroite et sinueuse, se
poursuit jusqu'à Alvik où nous allons dormir sur le
stationnement municipal, derrière l'église et sur une
terrasse dominant le fjord.
Jeudi 25 août 1988 : d'ALVIK à BERGEN
Nous nous levons tard car l'étape d'hier a été éprouvante,
mais il nous faudra encore deux heures de route à peine
moins sportive et tout aussi spectaculaire (tunnels,
corniche et lacets...) pour arriver à Bergen.
C'est une ville de taille moyenne, enserrée entre ses sept
fjords et bâtie autour de son très ancien bassin du Xème
siècle. Quelques vieilles maisons datant de la Ligue
Hanséatique l'entourent encore. Nous nous dirigeons d'abord
du côté du Bryggen, ce vieux quartier aux bâtisses de bois
typiques du haut Moyen-Age, mais la matinée s'achève et nous
savons qu'à 16:00, tout ferme en Norvège. Aussi nous
hâtons-nous de passer au marché au poisson. Sur le quai,
nous nous laissons tenter par du saumon fumé sauvage dont
nous faisons le délicieux plat de résistance de notre lunch.
Suivant Mathieu qui court après son troll
"souvenir-typique-de-Norvège", nous explorons les nombreuses
boutiques à touristes qui bordent le quai. Notre tour du
Bryggen s'achève par la visite du Musée Archéologique,
passionnant (quoiqu'en dise le Routard...) avec sa vieille
kogge médiévale retrouvée au fond du port et les vestiges du
quartier ancien fouillé et restitué sous le musée lui-même.
Pour être à pied d’œuvre demain matin, nous décidons de
camper si possible en ville, mais dans un coin tranquille
que nous finissons par trouver juste au dessus du
centre-ville, à flanc de montagne. La vue est splendide
lorsque, dans la nuit qui descend, je vais avec Juliette
contempler le ciel s'assombrir et les lumières briller sur
le Vagen (le Vieux Bassin) en parcourant le sentier pédestre
qui surplombe les maisons et le port.
Le Vagen de Bergen vu depuis notre
bivouac
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Vendredi 26 août 1988 :
de BERGEN à TROLDHAUGEN (maison
d'Edvard Grieg)
Après une nuit tout-à-fait paisible, nous sommes vers 10:00 à
la buanderie que nous avons dégoté dans la vieille ville.
Monique, aidée des enfants, y prend une grosse suée à faire le
lavage et le séchage du linge sale du dernier mois.
Entre deux coups de main, j'erre un peu aux alentours dans les
ruelles pavées du quartier de Korskirken datant du XVII
ème. Beaucoup de maisons, plus
anciennes encore, montrent des murs brûlés sous un ravalement
postérieur. La construction en pièces sur pièces (troncs
équarris et empilés) ressemble beaucoup à celle des vieilles
habitations canadiennes : même climat, mêmes ressources, même
technologie. La Domkirken (cathédrale), très nue et austère,
vaut à peine le détour, mais le reste du secteur ne manque pas
de cachet. Nous allons ensuite visiter le Musée Hanséatique
aménagé dans une des maisons du Bryggen, au bord du quai.
Derrière les murs de bois aux teintes pastel demeuraient les
marchands de la Hanse et l'on peut voir, sous le même toit,
leurs bureaux antiques, leurs entrepôts "fleurant" encore la
morue séchée et les chambres d'escale de leurs capitaines.
Atmosphère sombre et odeurs d'époque garanties...
Puis nous allons nous balader un peu dans la ville nouvelle,
autour du grand bassin central de Lille Lungegardsvatn, sur la
jolie petite place Ole Bull où Mathieu saute de pierre en
pierre dans la fontaine, et parmi les rayons d'un grand
magasin faisant honneur au design scandinave. A défaut de
livres en français pour nos lecteurs assidus, nous y trouvons
de jolis gobelets de plastique rouges qui remplaceront nos
verres déjà défunts... Traversant enfin un élégant parc
fleuri, nous rencontrons la statue de Grieg qui demeurait tout
près d'ici. Nous reprenons le camping-car pour aller faire le
marché au nouveau centre d'achat de Lagunnen.
Nous sommes très étonnés de ne pas y trouver les produits
courants auxquels nous sommes habitués (Kleenex, lait
U.H.T....) tandis que la plupart des autres nous semblent hors
de prix. A la fermeture, Mathieu joue un bon moment à remettre
de l'ordre dans les chariots dispersés sur le stationnement,
puis nous décidons de profiter de notre proximité de
Troldhaugen, dans la banlieue sud de Bergen, pour dormir
auprès de la résidence de Grieg que nous visiterons demain
matin.
Samedi 27 août 1988 :
de TROLDHAUGEN à LAVIK
On dort fort bien à Troldhaugen. Il faut dire que Grieg avait
admirablement choisi sa retraite campagnarde : un promontoire
boisé et isolé au dessus du lac Nordasvatn, au cœur d'un grand
domaine formant un cadre romantique à souhait...
Grieg accompagne sa femme Nina dans leur salon de
Troldhaugen
Le salon de Troldhaugen et le piano de Grieg
Dans le salon des Grieg à Trollhaugen
La vieille demeure, simple mais coquette, est pleine de
souvenirs émouvants du grand compositeur norvégien : son
piano, occupant tout un coin du salon, sa veste, sa canne et
son chapeau accrochés au porte-manteau près de la porte, etc.
L'environnement, encore relativement sauvage, aide à
comprendre comment sa musique a pu être si profondément
enracinée dans le sol de son pays. Nous descendons jusqu'au
bord de l'eau où l'on voit sa tombe enchâssée à flanc de
rocher, avant de regagner doucement notre maison à roulettes
perdue au milieu des bouleaux jaunissants.
Notre prochain arrêt sera pour admirer la
stavkirke
de Fantoft (1150), quasiment une chapelle mais d'un très joli
dessin, qu'un mécène amoureux de nature a fait reconstruire
dans un bois aménagé, sur une butte au centre d'un vallon
désert. Ses toits à pans de bois brun foncé descendent en
cascade jusqu'au sol, tandis que des figures de dragon
semblables à celles des proues des drakkars ornent ses
multiples pignons, accentuant l'air fantastique de cette
architecture de légende. Nous passons ensuite rapidement au
nouvel aéroport de Bergen - dont nous remarquons le très beau
design - pour encore une fois changer de l'argent. Nous sommes
en effet samedi, toutes les banques sont fermées en ville, et
la vie s'avère décidément très chère en Scandinavie...
Au même endroit, en regardant en arrière
Le CC au dessus du fjord
Et maintenant, en route vers le nord et vers Trondheim. Les
paysages de fjords sont magnifiques, les hautes vallées
sauvages à souhait, les routes excellentes bien que parfois
très étroites. Nous empruntons encore deux traversiers avant
de nous établir pour la nuit sur le stationnement de la banque
de Lavik, elle aussi fermée pour le week-end. La vue sur le
fjord est impayable, les maisons en bois peint du village sont
dispersées sur une vaste terrasse à quelque hauteur au dessus
de l'eau et les montagnes à pic encadrent ce tableau
idyllique. L'ensemble respire la quiétude des grands espaces
et serait merveilleux si le temps ne se montrait aussi
maussade (pluie continuelle et température avoisinant les 16°
Celsius...).
L'impressionnante route des fjords jusqu'à Trondheim
Dimanche 28 août :
de LAVIK à la TROLLSTIGVEI
Surprise en ce dimanche matin : un étonnant soleil illumine la
côte et le village paisibles au pied de la montagne. Le vaste
panorama, déjà admirable hier soir, paraît encore plus large
aujourd'hui, la petite brume de chaleur qui estompe les
lointains lui donnant une profondeur supplémentaire...
Le long de la "Route des Fjords"
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Nous poursuivons la
"Route des Fjords" : suite de corniches étroites
dominant l'eau et ménageant des perspectives à
l'infini, longue montée en épingle à cheveux
escaladant la vallée au fond du fjord, irruption de
tunnels souvent très longs, haut plateau où courent
rivières et torrents qui parfois s'étalent en lacs
tranquilles, puis à nouveau descente rapide vers le
fjord... On traverse ainsi des paysages champêtres,
souvent très sauvages, à certains moments même
désertiques (style "haute montagne" bien qu'à 1 500
mètres d'altitude seulement). |
Au dessus du fjord
Nous écartant un petit peu de
notre route, nous gravissons la piste du Dalsnibba
(1 495 m.) avec bien des efforts pour notre petit
diesel, mais de là-haut, la vue est superbe sur
Geiranger et son fjord qui s'étrangle tout au fond,
bordé de fort belles cascades.
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La montée au Dalnisba en fin de journée |
Les glaciers depuis le Dalsnibba
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Depuis le Dalnisba, vue plongeante vers
Geiranger
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Geiranger Fjord
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Geiranger Fjord
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Franchissant un peu plus loin un petit pont au dessus de la
vertigineuse gorge de Gudbrand (5 m de large et 25 m de
profondeur), nous atteignons la région du fameux Trollstigvei,
ou chemin des Trolls. C'est au crépuscule que nous arrivons à
mi-pente de ce haut col très dur, un peu sinistre même; aussi
décidons-nous d'attendre la pleine lumière du matin pour mieux
profiter de l'extraordinaire paysage.
Dans la pénombre, nous stationnons sur un terre-plein isolé
entre le Breifell (1 724 mètres) et le Hogstolen (1 697
mètres). Frissonnant sous le vent froid du crépuscule, je dois
y négocier un long moment notre court séjour avec un norvégien
d'Oslo amoureux de nature sauvage surgi d'une cabane cachée
dans les rochers. Il vient ici dès qu'il a des loisirs
retrouver la paix des montagnes et entend bien la préserver
des touristes négligents et pollueurs.
Lundi 29 août 1988 :
de la TROLLSTIGVEI à TRONDHEIM
Après une nuit tranquille mais très fraîche, nous reprenons
l'ascension entreprise hier jusqu'au col où roulent les eaux
tumultueuses d'un torrent. On aborde alors la vertigineuse
descente sur l'autre versant par une longue suite d'épingles à
cheveux impressionnantes. La route zigzague sur les fortes
pentes de la grandiose vallée en U, coupant à plusieurs reprises
une même chute d'eau de 180 mètres de haut, la Stigfoss Bru.
Mathieu court après les chèvres du
Trollstigvei...
|
Nous arrivons enfin
tout en bas dans une forêt de bouleaux où paissent en
liberté des moutons et des chèvres que Juliette tient
absolument à caresser et filmer. A Andalnes nous
laissons les deux jeunes touristes allemands que nous
avons pris en stop la veille et qui ont bivouaqué dans
le col près de nous, puis nous faisons quelques courses. |
La pluie reprend bientôt et nous accompagne lors d'une petite
excursion à Boggestranda pour aller voir des gravures rupestres
remarquables, dixit le Guide Bleu... Nous pataugeons un long
moment dans la boue et attrapons un bon rhume pour une
attraction d'un intérêt limité... A réserver aux maniaques
d'archéologie !
Un autre magnifique fjord dans les montagnes
Les paysages superbes d'eau et de forêt continuent de défiler,
mais nous poursuivons notre chemin pour arriver tard à Trondheim
où je me couche très fatigué par cette longue route (320 km)
difficile et par un début de grippe.
Mardi 30 août 1988 :
TRONDHEIM
Trondheim au XVIIIème
Nous dormons dans un petit parc, devant le Musée de l'Université
de Trondheim que nous visitons dès son ouverture à 11:00. Nous y
enregistrons une belle présentation visuelle (animaux
naturalisés) et sonore (cris et bruits ambiants) des oiseaux et
animaux de Norvège, avant de trouver au deuxième étage une
collection d'objets viking. Les cornes à boire richement
décorées d'or ciselé évoquent aussitôt pour moi la Chanson du
Roi de Thulé chantée par Marguerite dans "Faust" ...
Malheureusement, et encore une fois, toutes les vignettes sont
en norvégien, une langue d'accès plutôt difficile pour nous
autres latins !
La cour du Ringve Museum et Tronheim au fond
|
Nous gagnons ensuite
la galerie des instruments de musique du Ringve Museum.
Le guide touche plusieurs claviers en nous expliquant
leur histoire (Dieu merci en anglais cette fois !) et en
les situant par rapport aux compositeurs. Nous voyons et
entendons ainsi des clavecin, clavicorde et piano forte
contemporains de Bach, Haydn et Beethoven, un petit
orgue tout en bois dont il faut actionner à la main les
soufflets et quelques uns des premiers gramophones.
C'est passionnant et très vivant. |
Salon de musique du Ringve Museum
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Musiciens dans le salon du Ringve Museum
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Piano harpe du XIXème
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Violes
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Puis je tâche de trouver une solution au problème persistant de
la recharge de mes batteries vidéo en tentant de me procurer un
convertisseur; celui-ci me donnera du 220 v. alternatif à partir
du 12 volts continu fourni par la batterie du moteur. Mais le
marchand de camping-car chez qui l'on m'envoie à l'entrée de la
ville n'en a plus en stock. Il m'adresse au grossiste sur un
quai du Bryggen (Vieille Ville) qui lui est fermé... à 15:00 !
Dans le Vieux Port de Trondheim près de la
cathédrale
|
Après un tour
extérieur de la cathédrale, fermée elle aussi, nous
soupons d'une pizza dans un ex-entrepôt, sur un quai du
Vieux Port le long de la rivière où s'amarraient
autrefois les navires de la Hanse. Puis nous allons
dormir dans un quartier résidentiel au dessus de la
ville. Nous y jouirons d'une paix royale. |
De Trondheim aux Îles Lofoten
Mercredi 31 août : de TRONDHEIM à GRONG
Mis à mal par notre rhume qui tourne à la sinusite, nous nous
réveillons tard et retournons magasiner au centre ville de
Trondheim. J'y trouve enfin l'alimentation 12 v./220 v.
recherchée, ce qui règle pour de bon mon problème de batterie
vidéo. Je profite de la dernière grande ville avant le Cap Nord
et les solitudes de la Laponie pour me procurer une cassette
vidéo 8 supplémentaire, mais à 36 $ les 90 minutes, cela fait
cher la minute de tournage !
En dehors de son vieux quartier que nous avons visité hier, et
malgré ses 140 000 habitants, Trondheim fait vraiment petite
ville de province. Si elle a un certain charme lié à sa place du
marché et à ses trois ou quatre vieilles rues (d'ailleurs en
complète restauration), on en a vite fait le tour. Aussi, après
une dernière grimpette jusqu'à la citadelle de Kristiansten qui
domine la cité, nous reprenons la route du Nord vers 16:00.
Rencontre avec des Canadiens de Toronto au bord d'un
lac entre Grong et Mo-I-Rana...
Nous empruntons la E 6 qui serpente dans des vallées ouvertes et
le long de lacs où le relief s'est beaucoup adouci; le regard
s'élargit et l'horizon recule, la montagne laissant place à de
vagues ondulations et à de riches cultures de plaine. Je
m'arrête à la petite église d'Alstadhaug (1250), fermée, mais en
profite pour faire un bout de film du très beau Borgenfjord
déployant un vaste paysage d'automne avec ses fumées et ses
brumes vespérales... Un petit détour vers l'église de Maere (XII
ème)
sur sa butte nous montre un autre magnifique panorama assez
semblable au précédent.
Nous longeons ensuite le calme lac Snasavatn où nous
cherchons vainement un site de camping dans la nuit tombante.
Juste avant Grong, Monique nous dirige vers un "raccourci" où
nous passons une bonne heure à attendre le dégagement d'un
énorme camion versé dans le fossé; nous finissons par demander
asile dans une ferme au bord du chemin et y sommes très
gentiment accueillis en tant que Canadiens...
Jeudi 1 septembre 1988 :
de GRONG à MO I RANA
Notre nuit "rurale" est tout naturellement excellente mais au
matin, comme je ne me sens vraiment pas en forme, Monique prend
le volant pendant que je m'allonge dans la capucine. Je découvre
de là-haut un paysage de vallées relativement peu accidentées,
la route suivant le cours de la Namsen, avec torrents, lacs et
beaucoup de terres de culture. Vers 15:00 nous quittons la
grande route pour descendre en contrebas passer l'après-midi sur
une petite plage invitante au bord d'un lac, à l'embouchure d'un
torrent.
Monique profite de l'aubaine pour se lancer dans une lessive à
même les rochers ronds tandis que les enfants pataugent à qui
mieux mieux dans le ruisseau et construisent des barrages en
galets. J'utilise quant à moi cette pause pour essayer de
récupérer... Nous quittons ce petit paradis vers 19:00, mais
notre chauffeur ne prend pas assez d'élan pour franchir la
dénivellation donnant accès à la plage, et nous voilà coincés
entre la pente du talus et un arbre ! Advienne que pourra, nous
sacrifions le bouleau grâce à la scie que de jeunes Norvégiens
complaisants sont allés chercher au village en vélomoteur. Un
grand coup d'accélérateur, et nous voilà repartis jusqu'à Mo I
Rana où nous allons coucher un peu à l'aveuglette dans un
quartier résidentiel à flanc de colline.
Vendredi 2 septembre :
de MO I RANA à LODINGEN (îles
VESTERALEN)
Encore une nuit sans problème qui me permet
de prendre le dessus sur ma sinusite. Après un copieux petit
déjeuner avec vue panoramique sur la baie, nous faisons
quelques courses à Mo I Rana, puis je me remets au volant pour
parcourir la haute vallée pittoresque de la Rana. Nous montons
ensuite beaucoup et, dans un environnement de plus en plus
désertique, nous passons le Cercle Arctique vers 13:15. La
boutique du marchand de souvenirs est fermée, mais nous ne
pouvons nous empêcher de faire quelques plans vidéo pour
commémorer le passage de cette frontière géographique
hautement symbolique du grand nord. De magnifiques paysages
nous attendent plus loin avec cols élevés, vallées profondes
(dont celle, superbe, de Lonsdal) et fjords typiques que nous
abordons par leur fond. La vue est splendide sur le
Saltdalsfjord que l'on surplombe tandis que l'on est dominé
par les montagnes...
Panorama à Ulsvag
|
A Innhavet l'horizon
se remplit d'une multitude d'îles que l'on commence à
apercevoir au delà des fjords, disséminées dans la
mer. Le panorama nous arrache un cri d'admiration,
mais notre ravissement est à son comble lorsqu'à
Ulvsvag ce sont les sommets déchiquetés des pics des
îles Lofoten qui se profilent en arrière-plan. Je
regrette alors l'absence d'un vrai grand-angle sur la
caméra pour rendre dans toute leur dimension ces
paysages grandioses. |
La descente sur Bognes, avec le soleil qui commence à s'abaisser
vers la mer, nous en fait voir de toutes les couleurs et nous
décide à nous embarquer dès que possible pour les Lofoten.
Nous soupons sur le
quai en attendant le ferry, puis nous montons à bord
pour une traversée spectaculaire : le soleil se couche
en arrière des montagnes insulaires dont les dents de
scie s'élèvent progressivement devant nous. Le ciel se
pare de toutes les nuances habituelles à ce moment de
la journée, mais on dirait qu'ici (est-ce la latitude,
une certaine qualité de l'air ou notre sensibilité
avivée ?), l'expérience acquiert une densité
particulière. |
Sous le charme de la merveilleuse
traversée vers les Lofoten...
|
Le dôme de nuages éclairé par l'arrière et
frangé d'or couronne la scène avec plus de majesté, on se sent
encore davantage suspendu entre l'immensité du ciel et
l'étendue de la mer. On ne peut parler de silence puisque le
ronronnement du moteur et le froissement de l'eau soulevée par
l'étrave occupent une bonne part de l'espace sonore, mais on
ressent une impression de paix presque infinie, d'une
interruption du déroulement du temps... Une barque de pêche
croise lentement notre route, semblant glisser sans bruit sur
les miroitements des vagues teintées de vert et d'or... La
barrière des cimes acérées se rapproche, la féerie s'estompe
progressivement dans le bleu de la nuit jusqu'à ce que le bac
achève ses 70 minutes de traversée et nous mène au petit port
de Lodingen. Nous nous écartons un petit peu du quai et
campons au bord de l'eau.
Samedi 3 septembre 1988 : de LODINGEN à
SOLVAER (îles LOFOTEN)
Port des Vesteralen
|
Par une suite
ininterrompue de fjords somptueux et de routes de
montagne à pic, nous traversons les îles Vesteralen,
avec un arrêt prolongé juste avant Melbu. Nous y
passons un après-midi tranquille à flâner sur la plage
déserte, à ramasser des coquillages, à observer les
oiseaux et faire des constructions de sable. |
Puis nous embarquons
sur le traversier pour Fiskebol, sur Austragoy, la
première des Lofoten. Nous y faisons route lentement,
observant un relief très tourmenté, très contrasté,
mais sommes étonnés de trouver l'île beaucoup plus
habitée que nous ne nous y attendions. Le caractère
océanique du paysage nous parait peu sensible, nous
lui trouvons plutôt bien des traits typiques du pays
de fjord : pentes presque verticales, verdure
florissante et vastes étendues aquatiques. |
Ilôt des Vesteralen
|
Nous nous rendons ainsi jusqu'à Solvaer, la "capitale" des
Lofoten plantée dans un "paysage chaotique de rocs, de pics et
d'eau" (Guide Bleu). Nous allons dormir parmi les maisons d'un
nouveau secteur résidentiel à flanc de montagne, au dessus d'un
à-pic tombant dans un profond bassin.
Dimanche 4 septembre 1988 :
de SOLVAER à BOGEN (près de
NARVIK)
Le temps est plus maussade, la lumière semble filtrée par la
grisaille d'un voile atmosphérique diffus, bien qu'il fasse très
doux et que le soleil soit toujours présent. Malgré cette petite
déception, nous décidons de poursuivre le tour des îles qui se
montrent sauvages, caillouteuses avec d'immenses éboulis à-pic.
Le relief est
tourmenté, comme volcanique, et terriblement pittoresque
: hautes falaises brunes et verticales zébrées d'herbe
verte, arbres solitaires et rabougris, petites maisons
peintes en rouge dispersées sur les rares terres plates,
mer bleue partout présente dont l'azur fait écho à
l'émeraude des pentes... |
Site dramatique de Vikten
|
Plage au nord de Vesteralen près de Melbu
|
Tout ce qui n'est pas
roche sert de pâturage pour les vaches ou constitue un
maquis que parcourent de nombreux moutons. Les ports
sont plutôt rares et desservent davantage de
plaisanciers que de pêcheurs en cette saison; c'est près
de l'un de ces havres que nous déjeunons, sur une jolie
petite plage où flânent mouettes et goélands. |
Port de Reine
|
Côte du Fimark
|
Au bout de la route, Austvagoy avant de faire
demi-tour à Fiskebol...
Jean-Paul et Monique sous l'arc en ciel à
Fiskebol
|
Vu le caractère
répétitif des paysages et un ciel qui s'assombrit de
plus en plus, nous renonçons à la dernière île juste sur
le quai avant d'embarquer sur le traversier (au
demeurant coûteux) et prenons le chemin du retour. Le
grand cirque rocheux entourant le quai de Fiskebol nous
parait encore plus colossal que la veille, d'autant plus
qu'il baigne dans la lumière grise et brutale d'un
orage. La traversée, placée sous le signe magique d'un
double arc en ciel, nous laisse une impression profonde,
et c'est comme sous le charme que nous poursuivons la
longue route côtière jusqu'à Bogen. |
Il y a beaucoup de circulation en ce dimanche soir, aussi
arrivons-nous tard à notre bivouac, une plage au fond d'une anse
devant quelques maisons.
Des
Lofoten à la Finlande en passant par le Cap Nord
Lundi 5 septembre 1988 :
de BOGEN à SKIBOTN (STORFJORD)
La matinée est bien avancée (11:30) lorsque nous réussissons à
lever le camp, ayant terminé vers 23:15 hier soir les
démontages, bouchages et remontages des ouïes d'aération sous
l'évier et sous les coffres intérieurs. Elles avaient englouti
les pièces du jeu d'échec et, plus embêtant, la soupape de la
cocotte-minute inutilisable depuis plusieurs jours... Encore un
petit défaut quelque peu contrariant de notre Pilote !
Nous roulons
beaucoup aujourd'hui, évitant d'abord Narvik
entièrement reconstruite après les destructions de la
dernière guerre et ne laissant guère prévoir beaucoup
de particularités. Nous nous engageons bientôt sur une
superbe route toute neuve; hélas nous devons
rebrousser chemin après un long moment car elle se
révèle barrée par des travaux et nous n'avions pas été
capables de déchiffrer les pancartes de déviation (en
norvégien bien entendu !). Le détour sur des chemins
de terre malmène un peu notre camion peu habitué à ces
chemins rustiques mais la campagne, plus sauvage que
le long de la grande (et unique) route, est aussi plus
pittoresque. |
Vastes
étendues désertes sur les petites routes du grand
nord norvégien
|
Les fjords grandioses, les profondes vallées remplies
d'impétueuses rivières ou de lacs tranquilles se succèdent,
ponctués çà et là de monuments à la mémoire des résistants à
l'avance allemande de 1940. Nous nous retrouvons enfin dans une
région de hauts sommets massifs usés par l'érosion et couverts
de résineux. Mais nous avons déjà franchi plus de 5 000 km et il
est temps de faire le premier changement d'huile; nous trouvons
un petit garage agent Citroën qui accepte de nous servir à
l'improviste et fait très consciencieusement tous les contrôles
prévus au livret de garantie. En revanche l'addition est plutôt
salée : plus de 100 $ pour une heure trente d'ouvrage, soit un
taux horaire de près de 70 $ ! Nous savions le coût de la vie
élevé ici, mais pas à ce point là...
Bien qu'un peu énervés par cette brèche imprévue dans notre
budget déjà déficitaire, nous poursuivons encore un long moment
notre chemin et c'est assez fatigués que nous arrêtons vers
19:00 sur le quai du petit port de Skibotn. On y jouit d'un
spectaculaire silence dans un paysage grandiose de montagnes à
pic dont il me semble cependant que nous commençons à être un
peu blasés.
Mardi 6 septembre 1988 : de SKIBOTN à RUSSENES (près du
NORTHKAPP)
Pour une fois, nous partons relativement tôt : 9:30 ! Après un
long trajet dans le Storfjord, l'un des plus beaux fjords de la
Norvège, nous faisons un petit détour par Späkenes où nous
déjeunons et filmons les glaciers et les imposantes montagnes
qui nous font face.
Le grandiose paysage devant notre table à Späkenes
Puis nous montons très haut
jusqu'au vaste panorama de Sorstraumen et apercevons
les premiers camps lapons. Quelques tentes genre
tipi (pieux de bois recouverts de peaux de rennes
ou, plus prosaïquement, d'une toile kaki...)
entourent une cabane de planches. Une interminable
route tressautante longe ensuite le Langfjord et
nous mène jusqu'à la petite ville d'Alta où nous
faisons le plein d'eau et de diesel. Tout y ferme à
16:00 et nous trouvons l'accueil peu sympathique
chez les quelques commerçants que nous visitons; de
plus l'armée semble partout présente... Après un
souper rapide, nous décidons de nous avancer pour
atteindre si possible demain ce Northkapp un peu
mythique dont nous ne sommes plus très éloignés
maintenant.
|
Côte du Finmark
|
Rennes au bord de la route...
|
La route file, très
droite et très rapide, sur un haut plateau
quasi-désertique où tout-à-coup nous devons nous arrêter
pour laisser passer une espèce de cow-boy casqué
chevauchant une motocross et rassemblant un petit
troupeau de rennes ! Nous sommes bien en pays lapon. On
aperçoit un peu partout d'ailleurs, à quelque distance
de la route, sur les longues collines rougeâtres
parsemées de petits buissons corail, leurs camps d'été
rustiques d'où s'élève parfois un filet de fumée... |
La nuit est déjà tombée lorsque nous nous arrêtons dans la
pénombre et dans un calme extraordinaire, à l'extrémité de
l'immense fjord du Cap Nord. Installés près du quai
d'embarquement d'un petit entrepôt de pêcheurs, nous voyons
l'obscurité envahir doucement la vaste étendue d'eau et de rocs.
Mercredi 7 septembre 1988 :
de RUSSENES au NORTHKAPP
Il ne nous reste plus que 90 km dont 20 de traversier à
parcourir pour atteindre enfin le Cap Nord. D'abord la
route s'avère assez sportive, dans un paysage austère et
tourmenté : raides falaises dénudées, courtes plages de
galets, herbe rase... avec quelques rennes errants et
des nids-de-poule plein la chaussée.
Puis la fin du parcours, dans un nuage de plus en plus
épais, nous amène d'abord au village de pêcheurs de
Skarsvag; les mouettes perchées en ligne sur le faîte
des toits ont beau être pittoresques, elles ne méritent
quand même pas à elles seules les *** que le guide
attribue au Cap. Là nous nus égarons un peu, faute de
signalisation.
|
La route sauvage menant au Cap Nord (île de Mageroya) |
Le Cap Nord dans la brume...
|
On nous remet sur le droit chemin et,
dans une brume de plus en plus opaque, zigzaguant entre
les trous et les bosses d'un chemin défoncé, nous
arrivons enfin au cap lui-même, avec une visibilité
réduite à 10 mètres ! Déception...
Du coup, nous faisons une visite rapide au Hall du Cap
Nord - vaste édifice touristico-commercial en partie
souterrain, d'assez bon goût mais hors de prix - où nous
faisons provision de cartes postales et autres babioles.
Puis nous allons passer la fin de l'après-midi bien au
chaud dans notre camping-car où nous avons dû allumer le
chauffage tant le froid humide est pénétrant. Après
avoir dégusté le champagne offert par Jean-Louis B. pour
cette occasion bien spéciale, nous nous consacrons à
l'écriture d'un petit mot-souvenir à tous nos amis tant
Canadiens qu'Européens.
|
Et puis, oh miracle, vers 18:30 le
brouillard se lève et le paysage grandiose du cap se
révèle, sauvage, dur, avec, stimulant l'imagination,
l'horizon arctique; dire que de l'autre côté de cette
eau froide, noire et sévère, c'est la banquise et plus
loin encore, le pôle... Nous décidons de dormir sur le
stationnement du complexe touristique, dans l'espoir de
voir au moins le soleil se lever sur ce site mythique. |
Aube sur le Cap Nord
|
Jeudi 8 septembre 1988 :
du NORTHKAPP à INARI (FINLANDE)
Cap Nord
|
Le soleil s'est vaguement montré vers
4:30 ce matin. Je l'ai salué en faisant un petit tour
dans le vent très frisquet de l'aube (autour de 5° C !)
puis suis retourné bien vite me glisser au chaud sous
mon duvet... Plus encore qu'hier, le paysage m'a paru
immense, désolé et vide, quoique d'une étrangeté
fascinante. |
En matinée, c'est la famille au
complet qui parcourt en tous sens la vaste table
rocheuse. Mais le ciel a déjà retrouvé sa lourde
teinte grise, et nous reprenons bientôt la longue
route du retour sous une pluie menaçante puis
effective.
|
Juliette clame son enthousiasme au pied de
la géosphère...
|
...tandis que Mathieu grimpe sur le
monument...
|
...avant d'ériger son propre cairn.
|
Nos sentiments sont mêlés, comme si d'un côté nous étions
soulagés d'avoir atteint ce but si lointain qu'il en paraissait
un peu irréaliste, mais comme si en même temps nous avions
l'impression d'avoir déjà achevé notre aventure... Et pourtant,
nous ne sommes encore qu'au premier tiers de notre premier
voyage !
Rennes sur la route près de la frontière finlandaise
Nous quittons l'Océan
Arctique et la Norvège des fjords à Lakselv, avec une
pointe de regret pour ce pays qui nous a prodigué tant
de panoramas extraordinaires. Si nous sommes toujours en
terre lapone, le relief s'adoucit grandement, la forêt
prend toute la place, surtout les bouleaux dorés dont
les teintes en ce début d'automne nous rappellent nos
forêts canadiennes. Parfois quelques rennes au bord de
la route s'enfuient à notre approche, des boutiques de
souvenirs lapons étalent leurs panneaux de devanture
fermés... |
Paysage d'automne en Finmark
|
Nous atteignons bientôt la frontière finlandaise dans ce qui
nous semble un désert... jusqu'à la panne sèche ! Heureusement
le jerrycan de réserve nous permet d'atteindre Inari où nous
faisons le plein de diesel. Désirant visiter demain le musée
same (lapon) renommé, nous campons un peu à l'extérieur de cette
petite ville touristique.
Bienvenue en Finlande !
Descente à travers la Finlande, de la Laponie
à Helsinki
Vendredi 9 septembre : d'INARI à KEMIJARVI
Auge d'orpailleur au Musée
same d'Inari
Hangar à canots au Musée same d'Inari
Piège à ours au
Musée same d'Inari
|
Nous sommes très
intéressés par le village-exposition sur la culture
same. Il montre un adaptation quasi identique des lapons
et des amérindiens à des environnements fort semblables.
Les pièges à gros animaux (loups, ours), entièrement en
bois, étonnent Mathieu par leur ingéniosité, et nous
passons un bon moment à nous balader dans ce musée de
plein-air installé dans un parc touffu et semi-sauvage. |
Puis la route plate et
droite se poursuit; les attractions naturelles et
humaines sont des plus rares. A Kaunispaa un vaste
panorama se déploie depuis une éminence d'où l'on
aperçoit l'immense forêt ondulant tout à l'entour et, à
l'est, les collines bleutées de l'URSS. Nous n'en serons
jamais plus près, quelques kilomètres tout au plus, mais
ne tenterons même pas de prendre une route frontalière :
elles sont barrées et interdites aux touristes... A part
cette "curiosité", rien de notable, le ruban d'asphalte
se déroule à l'infini dans un horizon limité par les
sempiternels bouleaux. La chaussée est la plupart du
temps excellente, aussi décidons-nous d'aller le plus
loin possible. Nous arrêtons à la nuit tombée dans un
quartier résidentiel en construction, au milieu de ce
qui nous semble être la cour d'un H.L.M.... |
|
Samedi 10 septembre 1988 : de KEMIJARVI à PIHTIPUDAS
Nous nous levons tard (11:30). Après le plein de diesel et
d'eau, nous repartons pour une autre longue étape de peu
d'intérêt : la route très monotone serpente en grands tracés
réguliers, contournant les lacs qu'on aperçoit plus ou moins à
travers le rideau continu des conifères et des bouleaux. Peu de
relief, une immensité quasi déserte où l'on roule pied au
plancher en regrettant la richesse et la variété de la Norvège,
et en attendant avec impatience un sud peut-être plus stimulant.
En parcourant la route
610... sur la digue près de Lahti
Mais cette fois nous décidons de quitter la grande route
vraiment trop monotone pour emprunter la petite 610, une vraie
départementale vagabondant dans la campagne. Nous ne sommes pas
déçus, ce chemin-ci est vraiment superbe, traversant lacs
placides et terres vallonnées où se cachent de nombreux chalets
flanqués de leur sauna. Le temps est beau et la lumière chaude
de la fin de l'après-midi donne des couleurs magnifiques aux
plans d'eau et aux arbres que dore l'automne approchant. Enfin
des paysages qui valent le coup d'oeil et les innombrables
kilomètres que nous avons parcourus pour les contempler !
Franchissant plusieurs rivières sur des bacs ou sur des ponts
très longs, nous nous rendons jusqu'à Lahti où nous stationnons
au bord d'une rue résidentielle, dans un quartier populaire.
Lac en soirée près de Lahti
Lundi 12 septembre 1988 :
de LAHTI à HELSINKI
Réveillés sous la pluie, nous faisons route rapidement mais sous
des trombes d'eau jusqu'à Helsinki. Au Bureau du Tourisme, dans
le centre de la vieille ville que nous gagnons directement, on
nous remet une documentation très bien faite (plusieurs
opuscules sont même en français !). La ville nous apparaît riche
de points d'intérêt, et nous ne savons trop où donner de la
tête, aussi consacrons-nous un long moment devant le bassin
central à lire guides, cartes et plans. Puis nous partons à pied
visiter le quartier de l'Esplanade.
Quartier de
l'Esplanade à Helsinki
|
Passant devant les
bureaux de l'agence de voyage de l'URSS Intourist, nous
enquérons d'un visa de visiteur (48 heures) pour faire
la balade jusqu'à Leningrad; mais on nous confirme que
si cela ne pose pas de problème en principe, il faut
quand même 10 jours pour obtenir le tampon officiel sur
nos passeports... Nous devons donc renoncer à cette
excursion d'à peine 400 kilomètres dont nous rêvions
pourtant depuis longtemps. |
En se baladant dans les petites rues du quartier du
Sénat
La cathédrale Place du Sénat
|
La cathédrale et le Sénat d'Helsinki au delà
du quai
|
Nous explorons ensuite le quartier de la place du Sénat. Nous
sommes ici dans le coeur historique d'Helsinki, capitale d'une
Finlande longtemps occupée par la Russie qui en avait fait un
Grand Duché. On y retrouve donc un urbanisme et une architecture
néoclassiques un peu lourds mais assez cohérents qui, paraît-il,
sont très proches du style de l'ancien Saint-Petersbourg. Comme
le crachin persiste, nous consacrons beaucoup de temps à la
visite des boutiques modernes où nous admirons le design
finlandais si célèbre: Arabia, le grand magasin Stockman où
Juliette essaie une robe lapone et où Monique s'extasie devant
des verreries... de Murano !
Les trésors du magasin Arabia sur l'Avenue de
l'Esplanade
Des béliers très design... chez Arabia !
Nous finissons la journée à la Librairie Académique, une des
plus grandes du monde, où nous achetons... "La Guerre des
Boutons" ! Puis nous cherchons un point de chute tranquille pour
passer la nuit. Nous le trouvons assez tard devant le Stade
Olympique de 1952.
Mardi 13 septembre 1988 :
HELSINKI
Le stade olympique d'Helsinki (version 1955)
|
Ce matin le temps s'est rétabli.
Pendant que Monique se repose, je monte avec les enfants
en haut de la Tour Olympique dominant le stade de ses 72
mètres. Le panorama sur la cité est étendu; elle
apparait très étalée, entourée d'eau, dispersée dans des
parcs et de vastes espaces verts. |
Embarquant dans le
camping-car, nous partons pour un tour de ville qui nous
mène d'abord au monument consacré à Sibelius dans le
parc du même nom; c'est un étonnant assemblage de
centaines de tuyaux soudés comme si des dizaines de
flûtes de Pan géantes avaient été collées côte-à-côte.
L'aspect visuel est tout-à-fait saisissant, mais moins,
parait-il, que l'effet sonore lorsque le vent souffle
dans ces tubes...
|
Monument dédié au compositeur Sibelius
|
Puis nous rejoignons l'église creusée dans le rocher
"Temppeliaukon Kirkko"... que nous trouvons close. Nous voulons
alors visiter le fameux Finish Design Centre, mais les locaux
sont vides, le centre ayant semble-t-il fermé ses portes. Un peu
découragés, nous nous rabattons sur le Musée des Arts Décoratifs
: intéressant pour suivre l'évolution des formes depuis plus
d'un siècle, mais échantillonnage d'oeuvres vraiment trop
succinct.
Chaise longue en bois plié Lepotuoli (1936)
dessinée par Aalto et vue chez Artek |
Nous nous rendons finalement dans la
boutique d'Artek où nous retrouvons tous les mobiliers
dessinés par Aalto et quelques autres que nous
connaissons bien : la collection Cylinda, la chaise
longue de Le Corbusier, la chaise de bureau Kevi, etc...
On a un peu l'impression que les Finlandais croient
avoir tout inventé dans le design actuel, alors qu'ils
nous semblent surtout avoir engendré quelques géniaux
précurseurs... Nous retournons à pied dans le quartier
de l'Esplanade qui décidément demeure celui qui nous
charme le plus avec son élégante promenade garnie de
statues à l'ombre des grands arbres. |
Reprenant le camping-car, nous achevons notre journée par un
tour du quartier de Kaivopuisto en suivant le quai aménagé en
parc; la verdure tombant dans l'eau en plein centre ville est du
plus bel effet, mais trouvant tous les coins favorables au
bivouac déjà occupés, nous allons une fois encore dormir près du
Stade Olympique.
Mercredi 14 septembre 1988 :
d'HELSINKI à TAPIOLA
Temppeliaukon Kirkko creusée dans le rocher
|
Nous retournons voir l'église dans
le rocher qui s'avère un lieu extraordinaire : c'est
l'un des sanctuaires parmi les plus harmonieux et les
plus "habités" que j'ai jamais visité. L'espace sacré
a été taillé à la mine dans le rocher brut qui en
constitue les parois circulaires; une dalle de béton
ajourée forme un toit tout simple diffusant une
lumière tamisée, le mobilier de bouleau teint adoucit
ce que les premiers matériaux pourraient avoir de
froid et de sévère, l'ensemble nous place au coeur de
la nature et de l'univers...
|
Sous la voute de cuivre de Temppeliaukon Kirkko
Roc et métal de Temppeliaukon Kirkko
Roc et feu dans Temppeliaukon Kirkko
Encore tout imprégnés de l'esprit soufflant en ces lieux, nous
nous dirigeons vers un autre monument génial, cette fois dessiné
par Aalto : le Palais Finlandia.
Vue extérieure du palais Finlandia
|
Nous
trouvons un grand bâtiment de marbre blanc, de forme
rectangulaire et composé de plusieurs modules reliés,
le tout installé dans un vaste espace vert au bord
d'un petit lac. |
Site du Palais Finlandia, avant l'extension du lac
A l'entrée on nous apprend qu'une visite guidée aura lieu à
14:00. Nous allons donc faire un tour au Musée National en face.
Nous avons juste le temps d'admirer quelques antiquités et
souvenirs historiques finlandais avant de retourner à Finlandia.
C'est une vieille dame qui nous accueille très gentiment et nous
explique en écorchant abominablement le français que ce qui est
maintenant palais de congrès et salle de concert faisait à
l'origine partie d'un immense projet d'Alvar Aalto pour
l'aménagement du centre d'Helsinki.
Le Palais Finlandia, après l'extension du lac
Le Palais Finlandia la nuit
|
Le Palais Finlandia illuminé
|
Malheureusement des contraintes budgétaires...(air connu)...
Notre guide nous mène donc par le grand escalier majestueux et
le vaste foyer dénudé, décoré dans les tons de blanc, gris et
noir, jusqu'à l'auditorium qui nous laisse béats : tant de luxe
dans tant de simplicité ! Les lignes sont pures, les couleurs
(murs blancs, reliefs acoustiques bleus et fauteuils de cuir
noir) très sobres. Tout concourt à centrer les spectateurs sur
l'essentiel ici : la musique. Décidément, ces Finlandais ont
vraiment un don pour créer un milieu de vie harmonieux,
fonctionnel et en accord avec leur environnement. Artistes
précurseurs, peut-être pas, mais écologistes d'avant-garde,
certainement...
Grand auditorium du Palais Finlandia
Foyer de la Grande salle du Palais Finlandia
Nous avons le goût d'emporter avec nous quelques souvenirs de ce
design qui nous plaît tant; aussi, suivant les conseils de notre
charmante hôtesse, nous nous dirigeons vers la célèbre
manufacture de céramiques Arabia que nous avons un peu de
difficulté à trouver dans la grande banlieue d'Helsinki. Après
la visite du petit musée de la fabrique et de son magasin de
second choix, un peu décevante (car les formes les plus
intéressantes ne semblent pas avoir de ratés...), nous quittons
Helsinki pour les villes nouvelles de Tapiola et d'Otaniemi.
L'École polytechnique d'Helsinki à Otaniemi
Grand amphithéâtre de l'École polytechnique
d'Otaniemi
Nous visitons d'abord le campus de
l'Ecole Polytechnique (une autre réalisation d'Aalto) où
nous rencontrons des étudiants en bizutage. On reconnait
leur spécialité à la couleur spécifique de leur
combinaison : un tendre rose nanane pour le génie
électrique, un bleu pastel pour la mécanique
hydraulique, etc... |
Hall d'entrée de l'amphithéatre de l'École
polytechnique d'Otaniemi
|
Le grand amphi de l'École polytechnique d'Otaniemi
À l'intérieur de
l'amphithéâtre
Après une courte balade dans les bâtiments d'une conception
encore une fois harmonieuse et fonctionnelle, nous allons camper
sur le stationnement d'une aire de sport municipale.
D'Helsinki à Naantali
et la Baltique
Jeudi 15 septembre 1988 :
de TAPIOLA à SALO
Le centre de Tapiola au bord de l'eau
Dans la pleine lumière du matin, la ville donne l'impression
d'être bâtie au milieu d'un grand parc, aussi les rues
curvilignes reliant les divers quartiers résidentiels
ressemblent davantage à des routes de campagne qu'à des axes de
circulation... Chaque bloc d'habitations est noyé dans les
arbres et les maisons individuelles ont conservé le boisé qui
les entourait, si bien que même à quelques minutes à pied du
centre civique et commercial, on est toujours en contact avec
une nature à demi-sauvage...
Les habitation collectives au milieu des arbres
Tapiola : maison individuelle
Voilà enfin réalisée la ville à la campagne, en quelque sorte,
ou la "cité-jardin" comme l'ont décrite plusieurs de ses
concepteurs. Inutile de dire que, dans un tel cadre, notre
sommeil a été excellent. C'est donc en grande forme et très
curieux d'en voir plus que nous poursuivons la visite de
Tapiola. Nous passons d'abord par le bureau d'information
touristique du centre ville qui nous fournit cartes, articles,
et autre documentation sur l'urbanisme de la cité. Laissant le
camping-car sur un stationnement au deuxième niveau (le premier
étant réservé aux voies de circulation rapide), nous nous
baladons un bon moment au troisième niveau entièrement dévolu
aux piétons. On se déplace de squares en jardins au bord
desquels, dans un savant désordre, sont installés commerces et
bureaux. Le concept est génial, aussi finit-on par se demander
pourquoi toutes les villes modernes ne seraient pas agencées de
cette façon... Après un rapide déjeuner sur le petit marché aux
fruits et légumes, nous discutons un peu avec une marchande de
fleurs naturiste et écologiste qui, tout en vantant la qualité
de vie de sa ville, exprime sa déception de voir la densité des
habitations croître bien au delà des prévisions initiales...
Chapelle d'Otaniemi
Le centre civique de Tapiola
Centre de congrès Dipoli à Otaniemi
Puis nous retournons à Otaniemi pour
admirer Dipoli, un étonnant centre de congrès propriété
de l'association des étudiants de l'Ecole Polytechnique.
Le verre s'y allie au béton, au rocher et au bois pour
composer une symphonie aux angles multiples et jamais
droits. |
Sculpture dans un parc suspendu de Tapiola |
Mais la journée avance et, après étude de la carte, nous
décidons de rallier le port de Turku sans passer par Tampere
dont nous craignons le grand développement industriel.
Terrasse de Hvittrask
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En revanche nous nous
arrêterons à Hvitträsk, grande résidence et atelier
conçus par et pour l'architecte E. Saärinen en 1903. Ce
projet est devenu comme un manifeste du Romantisme
National, mouvement artistique et culturel se voulant un
retour aux sources quasi médiévales de la Finlande.
Sorte de grand manoir installé au bord d'un lac sauvage
dans un vaste et pittoresque site naturel, Hvitträsk
laisse la chaleureuse impression d'une maison et d'un
environnement créés et aménagés avec goût et amour. |
La terrasse de Hvittrask sous un autre
angle
Vitrail dans le salon en entresol
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Enfilade des salons
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Décor des plafonds
du salon
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Salon voûté en haut de la tour
Boudoir de l'épouse de
Saarinen
Chambre de la fille de
Saarinen
La maison vue depuis le chemin menant au lac
Nous quittons à regret cette réalisation admirable et, reprenant
la route, nous roulons de nuit jusqu'à Salo où nous campons dans
un paisible quartier résidentiel.
Vendredi 16 septembre 1988 :
de SALO à TURKU
Tôt éveillé, je conduis un moment seul tandis que tout le monde
dort à bord. Je me rends ainsi jusqu'à Païmio où nous déjeunons
sur la petite place du village. Après quelques recherches, nous
trouvons, perdu au milieu de pins odorants, le sanatorium
construit par Alvar Aalto devenu maintenant hôpital régional.
Le sanatorium de Païmio construit par A.
Aalto
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Le sanatorium de Païmio construit par A.
Aalto
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Salle à manger du sanatorium de Païmo
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Chaise dessinée par Aalto
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Escalier dans le sanatorium
Le grand salon du sanatorium de Païmo
Fauteuil en bois plié dessiné par Alvar Aalto pour
le sanatorium
Fauteuil en bois plié dessiné par Alvar Aalto pour
le sanatorium
Vue sur la forêt depuis la terrasse en haut du
sanatorium de Païmo
Quand on pense qu'il a été dessiné en 1932, on ne sait ce qu'il
faut le plus admirer : sa fonctionnalité, son modernisme ou sa
simplicité. On découvre quantité de détails astucieux conçus par
cet architecte génial (poignées de porte, rampes d'escalier,
mobilier des chambres...). Des galeries vitrées laissent
pénétrer à flots la lumière et tout semble contribuer à
l'efficacité des soins et au confort des patients.
Vue générale de Turku à l'embouchure du fleuve
Aurajoki
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Nous gagnons ensuite Turku, jolie
petite ville très ancienne qui paresse au bord de sa
rivière aboutissant au port des ferry-boats pour la
Suède. |
Nous nous rendons d'abord au château, une vieille et vénérable
forteresse du XIII
ème siècle maintes fois brûlée ou
détruite qui a été merveilleusement restaurée depuis peu. Elle
abrite un musée historique de la vieille Finlande très
intéressant et très bien présenté.
Le château de Turku (XVIème
siècle) vu du ciel
Monnaie médiévale ayant eu cours à Turku
Cour du château de Turku
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Façade du château de Turku
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Sur les bords du fleuve Aurajoki à Turku le « Cygne
de Finlande » (Suomen Joutsen).
Navire école de la marine finlandaise durant une trentaine
d'années,
il fut construit en 1912 dans les chantiers de
Saint-Nazaire, sur la Côte Atlantique de la France.
Puis nous allons souper sur le quai, devant le musée consacré au
sculpteur V. Altonen que nous visitons ensuite. Des figures
remarquables de vie et d'élégance, une tête de Sibelius très
expressive, des peintures plus ou moins convaincantes forment un
étonnant portrait d'un grand artiste dont nous ignorions tout.
En revanche l'architecture moderne du musée abrite également une
exposition de jeunes peintres carrément rebutante...
Salle du Musée W. Aaltonen
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Baigneuse, par Waïno Aaltonen
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Nous éloignant un peu du centre, nous allons dormir dans un
quartier en construction où Juliette court les lapins sauvages
attirés par nos phares.
Samedi 17 septembre 1988 :
de TURKU à NAANTALI
De retour au centre de Turku, nous faisons un petit marché avant
d'aller voir la cathédrale, historique comme le château, mais
qui présente pour nous peu d'intérêt architectural. En revanche
l'orgue, neuf, m'impressionne, d'autant plus que j'ai la chance
de l'enregistrer répétant avec un alto... Le trésor, exposé dans
une galerie collatérale, présente de fort belles sculptures sur
bois et pièces d'orfèvrerie en argent.
Clocher de la cathédrale de Turku
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Nef de la cathédrale de Turku
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Orgue de la cathédrale de Turku
Calice et ciboire (1480) dans le trésor de
la cathédrale de Turku
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Dans la cathédrale, la chapelle Kakainen
contient le sarcophage en marbre noir dédié à la
mémoire de la Reine Karin Manasdotter, épouse
finlandaise du roi Éric XIV, morte en 1613
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Nous passons ensuite au musée Sibelius tout proche :
architecture en béton moulé d'une légèreté très réussie, superbe
collection de claviers dont un Stein sur lequel joua Mozart,
système de son superlatif (H.P. Infinity, platine Linn) passant
un disque de Sibelius... bref, un moment très agréable. Nous
terminons par un petit tour sous la pluie dans un nouveau centre
d'achat au design original. Nous y dépensons nos derniers marks
finlandais puisque nous avons réservé un passage pour la Suède
demain par la "Viking Line".
La ronde des traversiers assurant la liaison de la
Finlande avec la Suède
Le beau temps revenu, nous traversons la ville entière à la
demande des enfants qui veulent passer un moment dans un parc de
jeux, puis nous revenons sur le quai près des grands voiliers où
nous nous apprêtons à passer la nuit. Je me rends compte alors,
en feuilletant le prospectus de la "Viking", que la traversée
par Naantali-Kappelstar nous ferait économiser 30 $. Nous
faisons donc les quelques kilomètres qui nous séparent du port
industriel de Naantali pour y camper sur le stationnement désert
d'une petite entreprise.
Suède,
Danemark, Hollande et retour en France
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