>L'entrée du garage converti en entrepôt... |
Monique a pris les mesures de tous les meubles afin de planifier leur placement optimal dans le local, je les ai démontés, descendus et remontés avec l'aide de Dominique B., de passage à Montréal et venu prêter main-forte, puis elle les a remplis à nouveau. Tous nos biens sont maintenant empilés et protégés d'une éventuelle inondation par de grandes bâches de polythène (le garage se trouve sous la salle de bain du premier étage...). |
Nous sommes dorénavant sans
domicile fixe pour les 365 prochains jours, situation qui
susciterait un brin d'anxiété (au cas où notre voyage
tournerait court...), si la fatigue des derniers jours et
l'excitation du départ ne la faisaient un peu oublier.
Après un barbecue dans le jardin
de nos amis, nous devons retourner dans l'après-midi à
Outremont pour démonter le plafond suspendu du garage qui
menace de s'écrouler sur l'auto : les luminaires ont
probablement surchauffé leurs fixations qui ont fini par
lâcher aujourd'hui, évidemment ! Il est enfin temps de faire
nos adieux - cette fois définitifs, nous l'espérons - à la
maison où tout semble en ordre, et au jardin en pleine
floraison. Petit pincement de cœur...
Puis ce sont deux heures de
T.G.V. (fantastique impression de vitesse... réelle: 235
km/heure !), et Jean Boissier nous attend à Perrache. Il nous
embarque jusqu'à Sainte-Foy où nous nous écrasons - enfin ! -
dans un bon lit.
Mardi 5 juillet 1988 :
SAINTE-FOY-LES-LYON
Nous sommes pleins d'énergie au
réveil : c'est aujourd'hui notre première visite au
concessionnaire Pilote auprès duquel Monique a placé notre
commande en février. Nous voyons enfin l'engin tant attendu
qui sera notre home pour les 12 prochains mois... L'espace est
mesuré, le décor passablement banal, mais l'ameublement paraît
confortable. Il semble n'y avoir que très peu de place à
récupérer et d'aménagements à agencer (tablettes, placards,
vide-poches...).
En
quittant M. Matasse, Monique lui précise nos commandes
spéciales (auvent, rideau de séparation à l'arrière, tablettes
supplémentaires, coffre de toit, lanterneau de capucine, siège
du passager pivotant, système d'alarme...). Bien que très
occupé (dit-il !), il promet de nous livrer notre camping-car
en ordre pour jeudi prochain. Puis nous allons voir le
douanier, M.Poli, pour nous faire confirmer la possibilité
d'achat en suspension de taxe. Ouf, 6 000 $ d'économies !
Monique apprécie très peu les circonlocutions et précautions
du "zélé" fonctionnaire, mais je joue le jeu, il en vaut la
chandelle... Nos affaires sont en bonne voie.
Visite
ensuite chez l'oncle Robert où Jean joue les réparateurs
d'urgence, puis détour impromptu chez Anne et Christian dans
le vieux Saint-Georges; leur maison nichée dans la verdure à
flanc de colline est pleine de charme, mais si petite ! Anne
porte bien sa grossesse, Christian semble enchanté de sa
paternité en puissance, mais tous deux voudraient bientôt voir
terminé leur chantier qui n'en finit pas. De retour à
Sainte-Foy, soirée tranquille à mettre de l'ordre dans notre
documentation.
Mercredi
6 juillet 1988 : SAINTE-FOY-LES-LYON
Lyon : rue du Garet, Monique consulte la carte... |
Puis il décide de nous faire visiter le Vieux Lyon. Il découvre alors que sa fille a fréquenté, à son insu et il y a quelques années, les mêmes "bouchons" que lui... Magnanime, il nous invite alors à un souper bien arrosé au "Garet", cadre tout à fait typique du vieux bistrot lyonnais, où la nourriture est simple, mais abondante et d'excellente qualité. |
La soirée s'achève plaisamment par un tour de la presqu'île, de l'Opéra à Aînay, où Jean nous montre tous les hauts-lieux hantés par sa famille. Bref, une soirée agréable, dense et soulignée d'un brin de nostalgie. | Une rue du Vieux Lyon |
Jean filme nos préparatifs avec son nouveau camescope depuis le balcon du chalet |
Comme nous disposons d'encore un peu de temps dans l'après-midi, nous gagnons la F.N.A.C. où Jean va magasiner les caméscopes. Il finit par opter pour le format vidéo 8 et fait l'acquisition d'une caméra Bauer, jumelle de mon Olympus, mais qu'il paie 2 fois 1/2 plus cher... L'électronique demeure décidément très dispendieuse en France, nous achèterons donc nos accessoires à l'étranger. |
Dans la soirée nous sommes
invités à un souper plutôt arrosé, mais aussi très sympathique
chez Françoise C. Nous y retrouvons avec plaisir Michèle et
Henri J.. Encore un journée dont nous sortons quelque peu
harassés, mais contents.
M'enfin, le camping-car roule, bruyamment mais rondement, et nous mettons bravement trois heures trente pour faire les 173 kilomètres qui nous séparent de Saint-Jorioz où nous arrivons à 19:00. Accueil triomphal des enfants qui nous ont précédés en France d'une vingtaine de jours et qui, eux aussi, voient notre rêve se réaliser. Encore une journée où le repos nous semble bien mérité ! |
Le quartier des Tuileries à St-Jorioz |
Duingt au milieu du lac
La matinée s'achève lorsque Jean m'embarque
avec Mathieu pour Genève où il veut compléter son matériel
vidéo : seules les cassettes sont à un prix intéressant. Il me
laisse conduire sa Citroën BX au retour : sa douceur de
roulement et sa tenue de route m'impressionnent beaucoup.
Belle journée où je replace le robinet de la
cuisine en arrière de l'évier et répare diverses babioles,
avant de commencer la consolidation de la salle de bain. Je
suis exaspéré par la piètre qualité de la finition et j'ai
hâte que l'on puisse s'accoter quelque part sans briser
quelque chose.
La cuisinette et la table arrière, coin dévolu à
Mathieu
Après
des remerciements bien mérités et des adieux émus aux
Boissier qui nous ont tant aidés à mettre ce voyage sur
pied, ou plutôt "sur roues", nous quittons Annecy vers midi
pour nous rendre tranquillement chez Jean-Louis et Odile à
Tournus.
La photo d'adieux à la maisonnée du chalet
Juliette surveille la manœuvre ! |
Adieu St-Jorioz ! |
Mais
nous faisons d'abord une étape à Lyon-Vénissieux, dans la
clinique où Anne vient d'accoucher d'un neveu tout neuf :
Clément. Elle nous présente son nouveau-né, si petit, mais
déjà si vivant. Il passe de bras en bras; Juliette semble
toute embarrassée de cette poupée tellement fragile,
tandis que Marion, arrivée avec ses parents, devient
soudain très timide... Nous retrouvons là aussi Françoise
Cambin, et finalement Christian qui semble tout-à-fait à
l'aise dans son nouveau rôle paternel.
Vers 18:00, nous quittons la
maternité; René-Pierre nous guide jusqu'à la sortie de
Lyon, nous faisant éviter les embouteillages courants à
cette heure. Abandonnant l'autoroute au début du péage,
nous rallions la N 7 et arrivons très tard - et à court de
carburant - chez les B... La famille au grand complet nous
accueille à bras ouverts. Après un très agréable repas
autour de la grande table bourguignonne, les enfants vont
dormir avec leurs cousins et cousine, tandis que Monique
et moi-même allons coucher sous notre toit à roulettes
dans la cour.
La banlieue parisienne
s'annonce en fin d'après-midi. Nous nous lançons sur le
périphérique un peu à l'aveuglette lorsque, hasard
extraordinaire, nous sommes doublés par Eric et Véronique
qui allaient nous accueillir à Soisy ! Ce sont eux qui
nous guident jusqu'à "la Bonne Auberge" où l'accueil est
toujours aussi chaleureux. Nous y avons prévu une petite
halte pour y récupérer les bagages encombrants laissés à
notre arrivée de Montréal et saluer Gigi et Henri que nous
voyons toujours en coup de vent...
Durant la soirée, nous
allons dans la foule admirer le feu d'artifice sur le lac
d'Enghien avant de nous endormir dans la vaste maison de
Soisy auprès de la famille Bonneau au grand complet.
Vendredi 15 juillet 1988 : de
SOISY à COLLEVILLE-MONTGOMMERY
Nous quittons Soisy vers
10:30. Henri nous guide jusqu'aux quais de la Seine, puis
nous filons par l'autoroute (libre de péage !) jusqu'à
Mantes où nous rejoignons la N 13 qui nous mène à Caen. La
route est excellente et le camping-car très agréable à
conduire malgré son vrombissement. Belles vues sur la
vallée de la Seine près de Mantes, puis sur la campagne
normande. Apparaissent bientôt les maisons à colombages
typiques dispersées dans les herbages verdoyants où
paissent de paisibles troupeaux de vaches brunes et
blanches. La vieille ville de Lisieux se traverse en
douceur et le boulevard périphérique de Caen,
impressionnant, donne à la ville des allures de métropole.
Simple Abri |
Maman s'est "mise en quatre" pour nous recevoir, nous laissant sa chambre (qu'elle ne semble guère occuper d'ailleurs, la laissant à Françoise et Denis et/ou refusant d'utiliser une pièce à laquelle sont attachés pour elle tant de souvenirs récents et douloureux). |
Avec un peu de difficulté, je rentre notre encombrant véhicule dans le petit jardin sableux. Nous profitons du grand espace disponible pour déballer tout notre stock, ranger ce que nous laisserons en Normandie et nous installer à notre aise pour quelques jours de repos. |
Le Pilote 470 dans le jardin de la Simple Abri |
Mathieu lit une bande dessinée en attendant le départ |
Rien de bien notable durant ces cinq jours : nous sommes très fatigués des derniers mois passés à la course dans la fièvre des préparatifs, et notre rythme jusque là accéléré se ralentit quelque peu. |
Je suis toujours impatient
de partir "pour de vrai", mais nous voulons prendre le
temps de renouer avec la famille, de bien aménager notre
camion en fonction de besoins qui ne peuvent cependant
être qu'hypothétiques et de faire quelques démarches
administratives qui risquent d'être un peu longues,
connaissant l'efficacité de la bureaucratie française...
Maman se montre très empressée et anxieuse de notre
confort, ce qui finit par être un peu stressant, pour nous
qui sommes si peu structurés en vacances...
Vendredi 22 juillet 1988 :
COLLEVILLE-MONTGOMMERY
Journée
de démarches aux Allocations Familiales de Caen qui
finissent par refuser de nous inscrire sans une cessation
de paiement au Canada, alors que nous remboursons
intégralement nos prestations au moment des impôts ! A la
B.N.P., autres problèmes pour faire des placements en $,
contrairement aux informations reçues auparavant, car les
politiques varient d'une succursale à l'autre...
Mathieu construit un barrage sur la plage |
Temps lourd, très humide et orageux avec de courtes averses. Malgré l'atmosphère étouffante, je m'installe sur le maigre gazon devant la maison et m'emploie à réparer la banquette avant mal montée (compas inversé), et à détacher la carrosserie beurrée de joint de calfeutrage. Pendant ce temps Monique commence à remplir les coffres. Je prépare aussi les tasseaux des tablettes du coffre à skis converti en dépense à provisions et pense à mon projet de console radio. Tout cela commence à sentir le départ, mais nous ne sommes pas encore vraiment prêts... |
Pendant cette même journée, Monique a pu avancer les travaux d'aiguille, cousant les housses des couettes et les ourlets de pantalons, rallongeant les rideaux - trop courts - du camping-car. Elle profite également de l'équipement de la pharmacie de Gilles pour faire les photocopies des documents officiels dont ce dernier gardera un double, et pour compléter notre valise de médicaments avec l'aide et les précieux conseils de Ginette. |
Monique taille les housse de couettes aidée d'Olivier |
Derniers bricolages :
Monique coud les oreillers et les garnit de plumes
tandis que je taille et pose les tablettes dans le
coffre à skis. Les 20 briques de lait UHT et la douzaine
de boites de jus que nous emportons avec nous pour ce
premier voyage s'y casent à la perfection. Pendant ce
temps, Maman emmène les enfants visiter le Mémorial de
la Paix à Caen. Puis, après le souper pris en commun,
elle décide de retourner coucher dans son appartement
pour mieux dormir, nos horaires étant plutôt
variables...
De notre côté, nous
voulons essayer notre maison à roulette pour cette
première nuit à 4, puisque nous avons reconduit Sophie à
Hermanville dans la soirée. Nous vidons nos chambres
pour emménager notre literie et le contenu de nos
placards dans la cellule du Pilote. Le départ est -
enfin ! - décidé pour demain.
Jeudi 28
juillet 1988 : de COLLEVILLE à LUCHEUX (près
d'AMIENS)
Mathieu
et Monique dans la porte « fermière »
Puis nous rejoignons Maman à Caen; elle
nous accompagne au petit cimetière d'Ardennes où repose
Papa, lui qui aimait tant voyager et découvrir de
nouveaux horizons, et auquel je crois devoir en grande
part cette passion. Cela me révolte et me navre de ne
plus pouvoir partager avec lui ce grand projet, lui qui
aurait eu tant de plaisir à nous aider à préparer
l'itinéraire, nous aurait accompagné par la pensée si ce
n'est physiquement... C'est le cœur gros que nous
regagnons la ville. Enfin, après avoir embrassé Denis et
Françoise à Vaucelles au passage, puis reconduit Maman
un peu émue chez elle, nous prenons la direction du nord
à travers les vallonnements du Pays d'Auge.
A Pont-l'Évêque, nous commençons à
jouer les touristes par un petit détour au château de
Bretteville où nous admirons une exposition de
voitures de la Belle Époque.
Une superbe vieille « 15 » devant le garage Citroën de CAEN |
L'exposition automobile du Château de Betteville |
Verrières
de l'Église Sainte Jeanne d'Arc
|
Prochain arrêt Rouen, avec sa place du Vieux Marché où fut brûlée Jeanne d'Arc. Sur l'un de ses côtés, une église très moderne dédiée à la sainte conserve une impressionnante série de vitraux anciens. Elle fait face de façon assez incongrue à de remarquables maisons normandes ornées de colombages et d'encorbellements sculptés datant du Moyen-Age. |
Au rythme lent de notre petit diésel
vrombrissant, nous arrivons en soirée dans la plaine de
Picardie, monotone par sa platitude et son absence
d'arbres. Passé Amiens, nous cherchons anxieusement de
l'eau et un coin tranquille pour passer la nuit. Nous
nous sentons encore novices dans l'identification d'un
point de chute adéquat et un peu insécures vu l'heure
tardive. Aussi allons-nous nous installer dans le
charmant camping rural du village de Lucheux, et c'est
dans son usine locale d'embouteillage d'eau de source
que nous trouvons finalement de quoi faire le plein !
Nous essuyons alors nos premiers "plâtres" avec le
chauffe-eau de la douche qui s'éteint sans cesse ou
brûle par à-coups. A part cela, nous sommes
extraordinairement bien installés et anticipons beaucoup
de plaisir à jouir du confort de notre nouvelle demeure.
Vendredi 29 juillet 1988 : de
LUCHEUX au château de BELOEIL (BELGIQUE)
Première mésaventure liée à la traction
avant de notre camion : l'herbe longue et humide de
rosée jointe à l'argile grasse et détrempée (la pluie
n'a pas cessé ici depuis 20 jours) conjuguent leurs
effets pour nous immobiliser. Il ne faut rien de moins
qu'un tracteur agricole pour nous tirer des ornières
dans lesquelles nous nous sommes embourbés. Après un
laïus interminable du malgré tout sympathique
instituteur du village jouant les gérants de camping
durant l'été, et une fort longue corvée d'eau en
l'absence du boyau pliable que je n'ai toujours pas
trouvé, nous repartons vers la Belgique. La frontière
est passée sans même que nous nous en rendions compte.
Nous finissons par atterrir vers 14:00
à notre premier *** "Vaut le détour" du Guide Vert : le
château de Belœil, propriété des princes de Lignes. Le
parc que nous parcourons d'une extrémité à l'autre est
magnifique avec sa grande pièce d'eau, ses futaies et
ses massifs fleuris. La bâtisse entourée de douves n'est
pas en reste, avec son mobilier précieux, ses lits à
baldaquins, ses tableaux et dorures.
La grande allée
menant au château de BELŒIL
Beloeil : Juliette devant la maquette de la Grand-Place de Bruxelles |
Belœil: maquette de forteresse< |
Nous avons les jambes en compote et les pieds quelque peu douloureux lorsque nous regagnons notre home. Après une longue et pénible séance d'écriture (les enfants commenceraient-ils déjà à résister à nos projets pédagogiques ?), nous baissons nos stores, soupons et nous apprêtons à passer la nuit dans le stationnement du château, puisqu'il ne semble pas que le camping sauvage fasse problème en Belgique. |
Monique
devant la maquette du Palais des Comtes de
Flandre à Gand
|
Samedi 30 juillet 1988 : de
BELŒIL à NAMUR
Nous quittons le parc de Beloeil
vers 9:00. Après un nouveau plein d'eau laborieux (9
bidons de 10 litres les uns après les autres !) au
robinet d'une station-service, nous faisons la visite
éclair de Mons où, à part la Grand Place, peu de
choses retiennent notre attention. Nous allons changer
quelques Chèques de voyage et apprenons avec surprise
qu'il ne nous sera pas possible d'obtenir de
liquidités avec notre carte Master-Card en Belgique
ailleurs qu'à Bruxelles. Universelle, la carte
Master-Card, prétendait la pub à la T.V. !
C'est ensuite la visite de la grande
curiosité technologique de la région, le nouvel
ascenseur hydraulique en construction à Strepy-Thieu.
Il "rachètera" une dénivellation de 73 mètres sur le
canal du Centre, évitant ainsi aux péniche un long
détour et le franchissement d'un grand nombre
d'écluses. Cet ouvrage d'art est vraiment colossal :
qu'on s'imagine un ascenseur dont la cabine est en
fait un bief d'écluse glissant verticalement sur une
hauteur de 73 mètres et contenant une ou plusieurs
péniches de 1 500 tonne...
Curieux d'en savoir plus sur ces techniques dont nous ignorions tout jusqu'alors, nous décidons d'aller voir leur ancêtre, l'ascenseur hydraulique de La Louvière qui fonctionne depuis 1888 et ne met en oeuvre que des transferts de masse d'eau pour actionner son mécanisme, selon le principe des vases communicants. En plus de nous montrer une ingénierie inhabituelle, cette balade nous permet de traîner un peu sur les bords du canal. |
Ascenseur hydraulique de La Louvière |
Je me prends alors à penser à la dure
époque des mariniers hâlant péniblement leur chaland
et à la vie harassante des ouvriers contribuant au
développement industriel un peu sauvage de ce pays
"noir". Mais la chaude ambiance et les couleurs
changeantes des arbres dans les reflets de l'eau, les
canaux avec leurs écluses et leurs ponts à
contrepoids, ce sont aussi Monet, certains Van Gogh...
Et voilà comment une innocente "visite industrielle"
me ramène à mon imagerie du XIXème siècle,
à Zola et aux Impressionnistes...
Nous poursuivons notre route par
Binches où nous visitons le Musée du Masque et du
Carnaval. Des dioramas hauts en couleurs et de riches
costumes provenant de tous les coins du monde nous
entraînent dans un tourbillon festif dont nous sortons
un peu étourdis. Le carnaval de Binches et son célèbre
caractère, le Gilles, sont évidemment au centre de
l'exposition, et nous avons tout le loisir d'en
admirer costumes et présentation audiovisuelle.
Groupe de Gilles lors du carnaval de Binch
Paon dans le
Parc de Mariemont
|
Un peu las, nous finissons au calme notre journée de touristes par une balade dans le parc de Mariemont : les brillants coloris et les parfums de la roseraie nous émerveillent tandis que la diversité et la dimension des grands arbres nous étonnent; mais pour les enfants, le clou de la visite, ce sont les paons multicolores qui rivalisent et font la roue. Photos et vidéo, le spectacle est dans la boite ! |
Dimanche 31 juillet 1988 : de
NAMUR à DINANT
Effectivement le village s'endort
paisiblement avec nous vers 21:30. Mais à 5:30 du
matin, réveil en fanfare : deux grands autobus
débarquent sur notre stationnement 70 louveteaux
rentrant de leur camp annuel. Il semble cependant
qu'ils soient très en avance et que leurs familles
n'ont pas été prévenues, puisqu'il se passera deux
longues heures avant que la place ne retrouve sa
quiétude.
Auparavant, nous aurons eu droit au
capharnaüm des bagages déchargés à la hâte, perdus
puis retrouvés à grand renfort de cris et de
"chiâlages", aux arrivées successives des parents
venant récupérer leurs rejetons (bruyantes
retrouvailles, portières qui claquent...), aux
déceptions de ceux qui restent et ne voient toujours
rien venir, aux chants scouts et aux appels de
ralliement des chefs voulant réconforter leurs troupes
démontées...
Nous finissons la nuit par deux heures d'un mauvais sommeil pour enfin décoller vers 10:00. Ralliant la ville forte de Namur, et pas trop vaillants, nous nous laissons tenter par une visite organisée combinant mini-croisière sur la Sambre et sur la Meuse, montée en télésiège à la Citadelle offrant une jolie vue de la ville se développant à nos pieds, visite du Musée de la Forêt avec de très beaux animaux naturalisés, promenade en petit train dans la citadelle (la forteresse, en trois sections, est immense), et enfin tour à pied des grands souterrains dont est truffée la colline, un éperon rocheux surplombant Namur. |
Croisière sur la Meuse au pied de la citadelle de Namur |
Le soir tombe lorsque nous prenons la
route de Dinant. Les enfants insistent pour que nous
exploitions au maximum la cuisine nationale belge (!);
c'est donc à nouveau une friterie en bord de route qui
fait les frais du souper. Après le pique-nique dans
une agréable aire de repos fleurie aménagée le long de
la rivière, nous partons à la recherche d'un camping.
Nous finissons par aboutir, au bout d'une petite route
rurale, sous la pénombre de grands arbres et au fond
d'un vallon sauvage... dans un muret de béton !
L'herbe haute le dissimulait, et j'ai trop serré à
droite en sortant d'une épingle à cheveux...
Après la première émotion, j'essaie
de repartir pour gagner le terrain de camping tout
proche, mais rien à faire, la transmission semble en
avoir pris un coup, nous sommes complétement
immobilisés ! Je lance d'abord un S.O.S. à notre
Assistance - qui ne nous apporte aucune aide ni
conseil... - puis j'appelle le Touring-Club de
Belgique : on nous envoie une petite Renault 4 de
secours. Le patrouilleur, très courtois, ne fait que
confirmer la gravité des dégâts et, ne pouvant rien de
plus, prévient par radio une grosse remorqueuse qui
arrive dans notre bout du monde vers 3:00 du matin.
C'est en fin de compte sur le plateau de ce camion et
en pleine nuit que nous faisons notre entrée à Dinant
où nous nous faisons déposer devant le garage Citroën
local.
La nuit s'achève paisiblement dans
notre roulotte en arrêt forcé, nous permettant de
récupérer un peu après les émotions fortes de cette
journée désastreuse.
Dans la soirée, nous réintégrons notre
roulotte maintenant installée au centre de l'atelier. Le
patron nous offre gentiment de laisser le système d'alarme
du garage hors circuit pour que nous puissions librement
accéder à notre "domicile" durant la nuit. C'est donc avec
plaisir et soulagement que nous continuerons d'utiliser
pendant les réparations notre camping-car, à l'abri et
branché sur l'électricité du secteur.
Mardi 2 août 1988 : DINANT
Malgré un lever assez matinal, nous
renonçons à l'excursion prévue (descente en kayak d'une
petite rivière voisine, la Lesse), le temps s'avérant
frais et menaçant. Empruntant les ruelles vieillottes
surmontant la ville au flanc de la vallée, nous allons
plutôt visiter une autre curiosité naturelle, la grotte
"Merveilleuse". Le parcours souterrain ne manque pas
d'intérêt avec ses belles concrétions et son ambiance un
peu mystérieuse, mais qu'il y fait froid et humide ! Et
puis l'éclairage juste fonctionnel et suffisant pour ne
pas se casser le nez dans ce dédale ne met vraiment pas en
valeur les drapés, les transparences et les formes
bizarres des roches ou des parois que l'on devine à peine.
Dommage... Nous nous rattraperons avec les grottes de Han
qui sont, parait-il, extraordinaires.
Grotte La Merveilleuse de Dinant : la Cascade |
Grotte La Merveilleuse de DINANT |
A notre retour au garage, nous trouvons
le moteur démonté : notre Titine, éventrée, fait peine à
voir... Pour le reste des travaux, le chef d'atelier
attend les avis et décisions de l'expert demain.
Nous consacrons la soirée à une longue
séance de travail scolaire : en effet la visite
d'aujourd'hui aura été pour les enfants une première
descente dans les entrailles de la terre. Fort
impressionné, Mathieu plonge spontanément son nez dans son
livre de géographie ouvert sur la petite table à l'arrière
tandis que Juliette, installée sur la dînette, se lance
dans un bref compte-rendu illustré de stalactites et de
stalagmites. De mon côté, je commence à planifier avec
Monique une excursion probable à Bruxelles pour les jours
à venir.
Mercredi 3 août 1988 : de DINANT à BRUXELLES
Et de fait, ce matin nous décidons de
prendre le train à Dinant vers 11:15 pour arriver à
Bruxelles vers 13:00 : trajet rapide, mais sans grand
intérêt, l'essentiel du paysage se résumant en une
campagne plutôt plate et en d'interminables banlieues sans
caractère.
En notre absence, le garage commençait
les travaux aujourd'hui : réparation sous garantie de
l'embrayage défectueux et bruyant, enlèvement du longeron
tordu. Le chef d'atelier prévoit nous remettre notre
camion en état lundi soir ou mardi midi... si tout va bien
! Nous disposons donc de 3 ou 4 jours pour faire
connaissance avec la capitale de la Belgique. Après nous
être installés dans un petit hôtel en plein centre
répondant au nom pompeux d'"Hôtel du Congrès", nous allons
d'abord régler nos affaires chez notre assurance Helvetia.
Nous y rencontrons un vieux monsieur charmant qui, après
de longues tractations avec sa contrepartie française et
l'assistance Elvia, obtient confirmation de nos
allocations de subsistance. Que ces Français auront été
emmerdants en affaires, allant jusqu'à nier mon appel au
soir de l'accident (!), tandis que les Belges que nous
avons rencontrés n'ont été que service et gentillesse... O
préjugés !
Libérés de ces soucis, nous nous lançons
ensuite pleinement dans la découverte de Bruxelles. Au
programme ce soir : balade dans le centre-ville et souper
au restaurant. En quittant notre "palace", nous admirons
la colonne du Congrès avec ses lions de pierre un peu
pompiers, puis nous allons contempler la ville depuis
l'esplanade de la Cité Administrative. On ne peut pas dire
que le tableau soit très spectaculaire... Bruxelles donne
l'impression d'être tout au plus une métropole de province
un peu bourgeoise, mais qui fait un effort pour maintenir
la façade et garde un style bon enfant malgré tout.
Nous descendons ensuite vers la
cathédrale Saint-Michel, en très mauvais état et fermée
pour restauration majeure. Puis c'est l'éblouissante
surprise de la Grand-Place illuminée, admirable dans la
variété et les fioritures de ses riches façades à frontons
flamands. On est saisi par l'exubérance Renaissance
jaillissant de ces sculptures surabondantes et pleines de
fantaisie, encadrant la vaste esplanade au pavé inégal.
Nous traversons enfin les Galeries Royales Saint-Hubert,
sorte de centre d'achat avant la lettre puisque le décor
date du XIXème, et nous gagnons la pittoresque et très
achalandée Petite rue des Bouchers. Nous y soupons "Chez
Léon" d'une délicieuse assiette de moules et frites : on
est en Belgique, il faut en profiter. Méprisant la
gastronomie régionale, les enfants de leur côté préfèrent
s'enfiler une grosse assiette de spaghettis !
Jeudi 4 août 1988 : BRUXELLES
Tôt levés, nous reprenons notre
exploration du coeur de la cité : cette fois nous
visiterons la ville moderne. Repartant de la Grand-Place,
nous gagnons la Bourse dont Mathieu tente vainement de
franchir les portes, puis la rue des Fripiers, très
commerçante et animée, la place des Martyrs vieillotte et
décrépite, la place de Brouckère immortalisée par la
chanson de Jacques Brel, mais dont l'archaïsme "1900" doit
battre en retraite devant le modernisme des grands
buildings très fin XXème.
Retour à la Bourse, puis à la rue des Fripiers où Mathieu s'achète enfin le couteau suisse convoité depuis si longtemps. Nous continuons par la Grand-Place où la lumière ajoute encore à la grandeur des dentelles de pierre, allons saluer le célèbre Manneken Pis, passons la vieille tour d'Anneessens, grimpons à travers les jardins et fontaines du Mont-des-Arts pour faire le tour du Palais Royal et de la Cour des Comptes; nous trouvons ces grandes bâtisses bien dessinées mais un peu impersonnelles. |
La place du Grand Sablon nous retient un
moment avec ses antiquaires et ses marchands de vaisselle,
avant que nous n'aboutissions au colossal Palais de
Justice, espèce d'énorme pièce montée d'un goût que l'on
jugerait teuton. Ralliant enfin une place Louise assez
animée, nous abandonnons, épuisés, la marche à pied et
rentrons à l'hôtel par le métro. Le soir, nous n'avons pas
le courage de redescendre en ville et soupons dans un
petit restaurant quelconque mais tout proche.
Vendredi 5 août 1988 : BRUXELLES
Aujourd'hui nous commençons par une
balade du côté de l'avenue des Arts en traversant le Parc
de Bruxelles, le but étant d'aller chercher notre chèque
chez Helvetia (pour payer notre garagiste). Nous voulons
aussi nous procurer un annuaire de la B.N.P., au cas -
improbable, nous l'espérons - où nous aurions à nouveau
besoin d'une grosse somme d'un seul coup. Puis retour à
notre hôtel où Mathieu décide de passer l'après-midi seul
dans la chambre à lire son "Jeu et Stratégie" !
Superbes façades baroques de la Grand'Place de
Bruxelles
Le reste de la famille descend sur la
Grand-Place; nous y avalons un pita-doner avant de nous
séparer : Monique et Juliette iront visiter le Musée
Historique de la Ville, dans la Maison du Roi, où un étage
tout entier est consacré aux costumes offerts au Manneken
Pis, tandis que je retournerai au Musée des Arts Anciens
devant lequel nous n'avons fait que passer hier. Je prends
le temps d'explorer assez systématiquement les salles du
XIXème et XVIIIème, intéressantes mais somme toute
secondaires, et c'est au moment où je commence à entrevoir
les grands Rubens que le musée ferme ses portes... Tant
pis, je reviendrai.
Je rejoins les autres membres de
l'équipage pour un souper innommable dans un "restaurant"
italien; nous nous rattrapons avec une Dame Blanche
(délicieuse glace à la vanille nappée de chocolat belge :
un régal !) sur la Grand-Place somptueusement illuminée.
Samedi 6 août 1988 : de BRUXELLES à
DINANT
Je ne puis me résoudre à quitter
Bruxelles sans jeter au moins un coup d’œil aux Bruegel du
Musée des Arts Anciens; Juliette m'y accompagne et semble
apprécier aussi les magnifiques Rubens que j'ai raté hier.
Les tableaux sont immenses, leurs couleurs
extraordinairement fraîches et délicates et leur
composition tout à fait magistrale. L'étude des "Têtes de
Nègre" nous fascine aussi par la vitalité qui émanet de la
toile. De retour à l'hôtel vers 12:15, je persuade Monique
de faire un tour "guidé" et rapide des plus belles salles
du musée.
Après quelques hésitations devant le
vaste choix d'affiches souvenir (dont finalement aucune ne
rend justice aux merveilles entrevues depuis deux jours),
nous gagnons la gare centrale où nous dînons rapidement au
buffet avant de reprendre la direction de Dinant par le
train de 15:29. Mathieu est toujours le nez dans son "Jeux
et Stratégie"; peut-être nous manifeste-t-il ainsi sa
difficulté à être disponible aux multiples stimuli qui
nous assaillent ?
Nous apprécions le retour chez nous, dans
l'intimité de notre camping-car toujours immobilisé au
milieu du garage Citroën. Les travaux ont bien avancé
puisque les réparation de carrosserie sont maintenant
terminées, mais il faudra encore deux jours pour remonter
le moteur et faire les derniers ajustements et réglages.
Dimanche 7 août 1988 : DINANT
Ce dimanche s'annonce très chaud, et nous
ne tardons pas à cuire sous notre double toit sans aucune
isolation. Nous nous levons tard cependant, profitant de
l'absence des mécaniciens qui nous réveillent d'habitude
dès 7:00. Comme pour hâter notre départ, je nettoie les
vitres et fais quelques petits bricolages dans la cellule,
mais il fait tellement beau que nous ne résistons pas plus
longtemps au plaisir de la balade au soleil et nous nous
joignons aux promeneurs du dimanche qui ont envahi la
petite ville.
La Collégiale de Dinant en dessous de la citadelle |
Envolée en télésiège vers la citadelle... et l'aire de jeu ! |
La Collégiale et la Meuse vus depuis l'éperon de la Citadelle |
La plaine de jeu de la Citadelle attendue par les enfants |
Passant le pont sur la Meuse, nous
gagnons la gare du télésiège au pied de la falaise. D'un
coup, il nous hisse jusqu'à la citadelle dominant la
vieille ville et le fleuve à ses pieds. La visite de la
forteresse est beaucoup plus brève que celle que nous
avons faite à Namur, mais la vue davantage resserrée est
par contre plus pittoresque. Puis les enfants trouvent
là-haut une aire de jeu aménagée qui les retient jusqu'à
la fermeture vers 19:00. Résultat, nous ratons le dernier
télésiège et devons redescendre jusqu'à la Collégiale par
un escalier vertigineux et interminable, au grand dépit de
Juliette très fatiguée par ses ébats de l'après-midi.
La soirée nous parait bien tranquille
dans notre garage déserté, mais qu'il y fait chaud ! Il
nous faudra des heures pour trouver le sommeil... Le nez
dans les guides, je continue à planifier la suite de notre
voyage vers la Scandinavie. Le retard causé par cet arrêt
forcé au seuil de notre périple ne nous permettra
probablement pas de contempler le soleil de minuit, mais
il restera tant d'autres choses admirables à voir...
Lundi 8 août 1988 : DINANT
Nous sommes tôt réveillés par le retour
de nos mécanos, après une nuit bruyante (en soirée les
Belges roulent à toute allure, et ces motos...!) et
étouffante (l'air ne circule pas dans ce grand local
fermé). La journée se passe en lavage dans une buanderie,
marché, réparation de nos sacs à dos... et
souper-sandwiches dans le camping-car. Je relis "La Piste
Oubliée" de Frison-Roche, histoire de me mettre dans
l'ambiance pour notre future traversée du Sahara... et de
mieux supporter la chaleur persistante !
Mardi 9 août 1988 : DINANT
Au programme aujourd'hui, la descente de
la Lesse en kayak. Dès notre arrivée à Dinant, le patron
du garage nous avait recommandé cette activité de plein
air particulièrement plaisante un jour de canicule. Aussi
avons-nous décidé de ne pas quitter la région sans faire
cette excursion.
Notre aimable garagiste a la gentillesse
de nous conduire au bourg d'Anseremme où nous prenons nos
billets et un petit train sympathique aux wagons de bois.
Nous arrivons quelques minutes plus tard à Houyet, une
pittoresque gare de campagne comme on n'en voit plus sinon
dans les décors de trains électriques miniatures...
Sous les grands arbres, Juliette et Monique en kayak sur la Lesse |
De là nous gagnons rapidement l'embarcadère où l'on nous remet 2 kayaks à 2 places, 2 seaux étanches pour abriter nos affaires, 2 pagaies doubles, et en route pour 21 kilomètres de descente de la paisible petite rivière, entre deux berges verdoyantes et parfois accidentées. Le cadre est champêtre, le temps magnifique et la température des plus agréable à l'ombre des grands arbres et à proximité immédiate de l'eau. |
Mathieu, bien entendu, se croit aux Olympiques et veut performer, mais il finit par se calmer, la fatigue arrivant après quelques kilomètres de sprint... |
Jean-Paul et Mathieu en kayak sur le Lesse |
Passage sous le château de Walzin |
Malheureusement, sur la
rivière c'est l'embouteillage, et il faut faire
très attention pour éviter les collisions avec
les quelques centaines d'autres kayaks
multicolores qui tentent de faire la même
expérience de solitude dans la nature... |
Deux petits sauts de barrage donnent un peu de piquant à un parcours plutôt familial, surtout lorsque je me flanque à l'eau en photographiant l'autre canot passant un petit bief... |
Monique et Juliette passent le bief... haut la main ! |
La balade se termine vers 16:00, avec au
bilan une bonne journée de grand air dans un joli coin de
campagne. Voilà qui nous aura fait attendre agréablement
et sans trop d'impatience l’achèvement des réparations et
notre nouveau départ.
Mercredi 10 août 1988 : de DINANT à
LA-ROCHE-EN-ARDENNES
Enfin le moteur est entièrement remonté.
Le chef d'atelier aidé du mécanicien affecté à la
restauration de notre Pilote réajustent la géométrie du
train avant. A 11:30 tout est prêt, mais nous ne pouvons
reprendre la route sans une dernière inspection de
l'expert. Le patron nous suggère donc d'aller pique-niquer
dans la vallée de Maredsous où se trouve un monastère dont
les moines ont la réputation de faire un excellent fromage
et une bière délectable... Le trajet est charmant, la
vallée bucolique à souhait et les victuailles à la hauteur
de leur réputation; nous en faisons donc une ample
provision avant de redescendre chez Citroën à Dinant.
A 14:30 enfin, l'expert donne son accord
final aux travaux effectués. Après de chaleureux
remerciements à toute l'équipe du garage Mosan Motors,
nous reprenons notre périple si malencontreusement
interrompu. Nous roulons en direction de Han-sur-Lesse,
Monique au volant (je crains trop d'avoir encore la
guigne...) pour, deux heures plus tard, nous apprêter à
visiter la plus belle et la plus grande grotte de
Belgique.
Grotte de Han/Lesse : le lac souterrain |
Un court trajet en petit train decauville brinquebalant nous fait pénétrer sous terre. De toute évidence, la réputation du site n'est pas usurpée : salles immenses à plusieurs niveaux, concrétions d'une diversité et d'une qualité rares, parcours des plus variés... A moult reprises, les images évoquées par Jules Verne dans son fantastique "Voyage au Centre de la Terre" me viennent à l'esprit... La sortie du gouffre en barque par la résurgence du lac souterrain clôt en beauté cette balade exotique dans un monde ignoré et pourtant si proche. |
Après un souper rapide dans une guinguette au bord de la rivière s'échappant de la grotte, nous reprenons au crépuscule la route à travers le paysage doucement accidenté des Ardennes belges. On aboutit bientôt à La Roche-en-Ardennes, un joli village niché dans une boucle de la rivière qui cerne les ruines de son château médiéval. Il y a là un peu trop de touristes à notre goût, mais vu l'heure tardive et la tombée de l'obscurité, nous sommes contents de trouver une place dans le stationnement, au milieu des autres véhicules. Nous nous y installons pour la nuit. |
Cascade
colorée dans la Grotte de Han/Lesse
|
Jeudi 11 août 1988 : de LA-ROCHE-EN-ARDENNES à LIÈGE
Après un petit tour dans le village où nous
achetons du pain de chasse et du jambon fumé des Ardennes,
nous suivons les conseils du Guide Vert qui suggère le
circuit de la vallée de l'Ourthe, très accidentée et
verdoyante. Nous pique-niquons au Belvédère des Six Ourthe,
au pied de la tour dont nous escaladons les 120 marches pour
admirer les multiples boucles de la rivière.
Finalement nous atteignons Liège qui se
révèle une grande ville assez moderne. Une promenade rapide
dans le centre nous déçoit un peu, hormis la cathédrale
gothique et son cloître. Nous sommes séduits par la chaire
sculptée supportant la statue en marbre blanc d'un archange
tout à fait remarquable par sa vie et son expression.
Alentour de beaux magasins de luxe ne font pas oublier la
saleté et les chantiers, le manque de "fini" et une
architecture générale assez quelconque. Encore une fois, les
chiens et leurs crottes semblent être les maîtres des rues
et des "crottoirs", et les Belges nous semblent conduire
vite et mal. Depuis les murs de la citadelle où nous
grimpons ensuite se découvre un vaste panorama sur la cité,
la courbe de la rivière et les clochers de la vieille ville.
Nous décidons de passer la nuit près de l'hôpital et à deux
pas d'un parc, dans une grande allée sous les arbres.
Vendredi 12 août 1988 : de LIÈGE à
BREMEN (ALLEMAGNE)
Nous quittons notre bivouac bien paisible
vers 10:00, après une excellente nuit dans la haute ville.
Mais des bruits bizarres et des vibrations dans le train
avant nous inquiètent bientôt, nous amenant à consulter un
garage Citroën qui diagnostique à nouveau un problème dans
la transmission... Retour à la case départ : nous décidons
alors de regagner Mosan Motors à Dinant. Une heure et demi
de jolie petite route de campagne et coucou, nous revoilà !
Accueil positif mais embêté du patron, puis du chef
d'atelier qui constate du jeu dans le cardan neuf qu'il
vient d'installer. Comme cela ne présente pas de danger, et
vu qu'il ne dispose pas de la pièce de rechange, il fait un
ajustement provisoire et nous conseille de faire réparer
plus loin sous garantie chez un autre agent Citroën...
La
cathédrale de Köln (Cologne) de l'autre côté
du Rhin
|
Nous décidons alors de gagner le
Danemark au plus vite puisque notre arrêt forcé a
beaucoup retardé notre itinéraire et risque de nous
faire atteindre le Northkapp en saison déjà avancée.
Cap au nord, donc, via l'autoroute rapide jusqu'à
Köln (Cologne) où nous faisons une visite éclair à
la cathédrale, fantastique de masse et d'aplomb. Nous soupons sur place, après avoir admiré de l'extérieur les riches musées, fermés, et les rues du centre ville, super-propres. Comme cela nous change de la Belgique qui nous a parue tellement sale avec ses papiers gras et ses crottes de chien un peu partout... |
Ici tout n'est qu'ordre, efficacité et
fonctionnalité, à tel point que ce bel ordonancement laisse
même un certain sentiment de raideur et de froideur. Quoiqu'il
en soit, nous réservons la découverte de l'Allemagne pour une
autre fois. Je file dans la nuit sur l'autoroute jusque vers
2:00, traversant sans en avoir connaissance sinon par son
odeur de métal chauffé à blanc la grosse région industrielle
de la Ruhr. Tout le monde dort sur sa couchette dans le
camping-car lorsqu'enfin j'arrête sur une aire de service
juste avant Bremen.
Samedi 13 août 1988 : de BREMEN au
château de GLUCKSBURG
Nous démarrons un peu tard, ayant
mal dormi dans la rumeur incessante de l'autoroute.
Nous filons directement jusqu'à Schleswig où nous
dînons avant d'aller visiter le superbe musée
archéologique. On peut y voir exposés les restes
d'anciens Northmen que la tourbe acide des marais de
la région a préservé depuis des siècles dans un état
de conservation tout-à-fait étonnant. Nous y
admirons longuement des armes, des tissus, des
momies, toutes sortes de petits objets comme des dés
à jouer, des aiguilles d'os, etc., et surtout un
magnifique bateau à rames de 36 rameurs, le tout
dans un cadre très sobre et instructif, même si les
étiquettes des vitrines, unilingues allemandes, nous
demeurent incompréhensibles...
|
Tête de Northman momifiée par la tourbe |
En sortant du musée, Mathieu fait une énième
crise d'opposition qui nous amène à lui poser un ultimatum et à
signer un contrat. Crise de larmes... finalement tout rentre
dans l'ordre. Nous nous rendons jusqu'à la frontière du
Danemark, traversant un paysage plat et très agricole qui semble
fort riche. Nous n'osons cependant passer la frontière, n'ayant
plus un sous en poche et craignant devoir utiliser
obligatoirement un terrain de camping dans ce nouveau pays.
Aussi allons-nous stationner devant le château de Glucksburg.
Des canards multicolores et des cygnes jouent
dans les douves au pied des grands murs de pierre sur lesquels
joue la chaude lumière du couchant. Nous sommes tout près de la
mer que nous n'arrivons pas à atteindre. La soirée passe donc à
planifier notre découverte du Danemark pendant que les enfants
jouent au scrabble.
Dimanche 14 août 1988 : de GLUCKSBURG
(frontière danoise) à VEIJLE (DANEMARK)
Cette fois nous entrons au Danemark,
quasiment sans nous en apercevoir tant les frontières entre
les états de la C.E.E. sont devenues symboliques. Par une
toute petite route, nous gagnons Abenra d'où l'on contemple un
joli panorama sur la baie. Nous faisons ensuite un détour tout
ce qu'il y a de plus bucolique par Skamlingsbanken, point
culminant de la péninsule du Jutland avec ses 113 mètres. De
là-haut, on a une vue splendide sur l'arrière pays vallonné et
verdoyant et l'on aperçoit même l'île de Fyn (la Fionie), au
loin en mer.
Carte
d'entrée de Juliette au Legoland de Billund
|
Cependant la fébrilité manifestée par Mathieu et Juliette prend le dessus sur tout autre intérêt géographique, aussi via Kolding rallions-nous bientôt le parc de Legoland à Billund. |
Enfin un parc d'attractions destiné aux enfants qui se montre intelligent! Je suis émerveillé par les villages et sites miniatures représentant diverses régions de l'Europe ou du monde, entièrement construits en briques Lego. Les dioramas, la plupart animés, sont dispersés dans un grand jardin avec arbres miniatures, bassins et mini-relief. C'est splendide, très original et absolument fascinant. |
Reconstitution
de quai au bord du Rhin
|
Mathieu et Juliette se passionnent pour le Goldmining dans le sable de Laredoland; ils y passent un long moment à extraire à la battée des pépites d'"or" qu'ils font ensuite fièrement frapper en médaille. | Legoland : nos prospecteurs d'or au travail ! |
La
trafikskolen de Legoland
|
Puis c'est la "trafikskolen" qui les attire; ils veulent absolument prendre un cours de conduite internationale à bord d'une des petites voitures électriques parcourant un circuit de type "sécurité routière". Un diplôme Lego vient sanctionner leur bonne conduite... |
Quant à Monique, elle sort enchantée de la visite du musée de poupées et du Titania Palace, un extraordinaire palais miniature offert à la Reine Mary, l'une des filles de la Reine Victoria. |
Titania
Palace : vue générale
|
La salle à manger de la Reine
Chambre à coucher de la Reine Titania
Titania Palace : le boudoir royal...
Nous quittons le parc à sa fermeture vers
20:00, décidant d'aller faire réparer la transmission au
garage Citroën de Veijle. Et tout naturellement nous
utiliserons son stationnement comme gîte pour la nuit...
Lundi 15 août 1988 : de VEIJLE à HORSENS
Citroën n'a évidemment pas la pièce en stock,
mais la fait livrer à Alborg où l'on nous prend un rendez-vous
chez le concessionnaire local pour jeudi prochain à 10:00 !
Nous sommes ravis de découvrir ainsi l'efficacité danoise... À
la demande générale, nous décidons alors de retourner passer
la fin de la journée au Legoland avant de reprendre la route.
Mathieu va "travailler à la mine d'or" (d'où il revient en
rage après qu'il ait dû rendre toutes les "pépites" qu'il
commençait à thésauriser...). Pendant ce temps Monique et
Juliette vont visiter plus à fond les musées des jouets et des
poupées. Je préfère quant à moi rester dans le camping-car
pour bricoler et écrire.
Poupée 1871 |
Musée de la poupée de Legoland |
Les visiteurs quittant le parc vers 17:30, nous poursuivons notre chemin en passant par Jelling. Nous y admirons les deux tumuli et les deux très belles pierres runiques du roi Gorm (Xème siècle) dont le soleil descendant accuse les reliefs mystérieux. Revenant enfin à Veijle, nous franchissons le nouveau grand pont enjambant le fjord et allons camper sur un petit terrain aménagé au bord d'un étang à Horsens. | Le nouveau pont de Veijle |
Mardi 16 août 1988 : de HORSENS à AARHUS
Les installations du camping nous permettent
de prendre une douche à l'aise, de recharger les batteries sur
le secteur et de faire un peu de lavage. Nous finissons la
matinée en écrivant notre réclamation officielle à l'assureur
pendant que les enfants jouent au badminton dans le champ. Le
temps demeure frais et variable lorsque, vers 12:00, nous
partons en direction d'Aarhus.
Évitant le centre ville, nous nous dirigeons d'abord vers le
parc archéologique de Möesgard. Sous les grands arbres, nous
avons la surprise de découvrir un troupeau de daims en
semi-liberté auxquels Juliette et Mathieu tiennent absolument
à donner des carottes...
Puis nous nous rendons jusqu'au Musée de la
Préhistoire; cependant, plutôt que faire une trop brève visite
intérieur vu l'heure tardive (16:30), nous préférons suivre la
"piste préhistorique". Des monuments anciens, temples et
tombeaux restaurés ou reconstitués, sont disséminés dans les
champs, les bois et les rivages du domaine de Möesgard, et
c'est pour nous une promenade aussi agréable qu'instructive.
Le soir venu, nous allons coucher au "Camp des Fleurs", un
beau camping tranquille en bordure du parc. Mais la vie au
Danemark s'avère décidément bien chère pour des voyageurs près
de leurs sous comme nous : l'emplacement coûte 16.00 $ la
nuit, et encore, sans le branchement électrique...
Mercredi 17 août 1988 : de AARHUS à
ALBORG
Nous retournons au
musée de Möesgard, magnifiquement installé dans un
château XVIIIème
(manoir avec grande cour carrée entourée de ses
communs où ont été aménagées les salles
d'exposition). Nous y trouvons une très belle
présentation de la vie préhistorique et viking dans
la région. Malheureusement ici encore, bien peu
d'informations sont écrites en anglais; quant au
français, on n'y pense même pas... Mais "d'ici deux
ans tout sera refait bilingue", m'affirme le
conservateur auquel je souligne cette lacune.
|
Bosse en centre de bouclier viking (bronze doré) |
Nous traversons à nouveau le parc des daims
où cette fois ce sont d'énormes sangliers et leurs marcassins
qui attirent l'attention des enfants. Puis nous faisons un
petit tour au centre ville de cette grande agglomération de
plus de 250 000 habitants.
Truie
avec ses porcelets
|
Après un coup d'oeil fameux groupe sculpté des cochons qui pissent, hautement symbolique de la richesse agricole danoise, nous allons manger à l'international Mac Donald avant de courir un bon moment une photocopieuse pour expédier notre réclamation à l'assurance. |
Nous terminons ce trop court séjour à Aarhus par une balade dans le "Den Gamle By", une pittoresque vieille ville reconstituée avec d'anciennes maisons provenant de tous les coins du Jutland. Divers commerces et artisanats y sont présentés, mais les guides animateurs en costumes d'époque démontrant les anciens savoir-faire sont absents : nous sommes trop tard en saison, paraît-il. | Équipage dans le Gamle
By |
Scierie du Den Gamle By |
Monique
et les oies du Gamle By
|
Nous filons enfin vers Alborg où nous avons notre rendez-vous chez le concessionnaire Citroën. Un bref arrêt au passage à Fyrkat, en banlieue d'Hobro, nous permet de contempler de loin les restes d'une grande citadelle viking circulaire et un joli moulin à eau. Nous allons finalement coucher sur le stationnement du garage à Alborg. | Le camp viking de Fyrkat |
Jeudi 18 août 1988 : ALBORG
Vers 8:30 nous sommes debout pour nous
présenter à 9:50 à l'atelier où l'on nous reçoit aussitôt. Le
mécanicien change la transmission, mais s'aperçoit par la même
occasion que la poulie de la pompe à eau est mal serrée et que
la courroie, déchiquetée, est à remplacer... Nous faisons un
petit tour d'essai pour nous rendre compte... que la
réparation n'a rien changé à notre problème de vibrations ! En
fait, constate le chef d'atelier astucieux, notre transmission
était en bon état, mais l'axe de la transmission, mal bloqué
du côté gauche, entraîne des vibrations gênantes du côté
droit... C.Q.F.D., il fallait y penser ! Un tour de clef, et
le problème qui nous poursuit depuis maintenant plus de 1 000
kilomètres est réglé. Cependant le garagiste nous demande de
revenir le lendemain pour réaligner les poulies et changer la
courroie qu'il doit commander.
Un peu écœurés par tous ces problèmes
mécaniques qui continuent de nous poursuivre et de nous
retarder, mais décidés à les régler complétement avant
d'aborder les routes sinueuses et les solitudes du nord de la
Norvège, nous partons visiter Alborg. Tour des vieilles
maisons dans les petites rues du centre ville, magasinage Lego
et Playmobil, visite du Musée d'Art Moderne fort beau dont
l'architecture nous étonne par ses volumes et son éclairage
zénithal très particulier. En revanche les œuvres exposées
nous laissent ou perplexes ou indifférents... Nous apprendrons
par la suite à mieux connaître le maître d’œuvre des murs, le
grand architecte finlandais Alvaar Alto.