JOUE-DU-BOIS. 610 hab. en 1954 (210 feux en 1745, 1.495 hab. en 1851 ; 1.429 dont 18 militaires en 1807). Arrdt d'Alençon, 33 km. ; canton de Carrouges, 7 km. ; à 28 km. d'Argentan. - 2.108 hectares. Comptait 80 hameaux et jusqu'en 1891 fut la commune la plus peuplée du canton.
SITUATION
- ASPECT - HYDROGRAPHIE. - Joué, qui est au S.
la dernière commune normande, se campe à cheval sur la
colline qui fait le partage des eaux entre Manche et
Océan, l'axe est celui de l'église. On relève les
altitudes: 335 m. le Rocher-Thébert, dont le hêtre se
voit de 10 lieues; 319 m. le Haut-Désert; 250 m. Gourbe.
Le territoire présente de nombreux cours d'eau: le
ruisseau de La Villière (qui reçoit celui de la Chaux)
forme limite communale du N. à l'O. et envoie ses eaux à
l'océan par la Gourbe. Au S.-E., le ruisseau de Besnard
est tributaire de l'Odon qui se jette par l'Orne dans la
Manche. Des barrages ont permis de constituer des
étangs, d'où une force motrice bon marché. Étangs
actuels: de La Blandellière, du moulin de La Chaux,
Etang neuf et Vieil étang Besnard. Anciens étangs: du
Mesnil, de La Brousse, de La Poêlerie, du Fourneau, des
Bouillons... certains asséchés en vertu de la loi du 14
frimaire an II. L'aspect est varié, coteaux
ordinairement couronnés de bois, flancs peu rapides,
cultivables, fonds en prairies. Partout affleurent des
roches préjudiciables à l'exploitation. « Village-témoin
», le bourg a été presque entièrement reconstruit
coquettement après le sinistre du 14 août 1944, mais le
granit rouillé donne aux maisons un air triste. COMMUNICATIONS.
- Cassini ne trace aucune voie par Joué. Selon
l'abbé Macé plusieurs chemins portent le nom de « chemin
perré », il cite notamment « le grand chemin perré
d'Alençon à Domfront » ; c'est sans doute la voie
médiévale unissant les châteaux frontière dressés au
X-XIe siècle par les Talvas contre le Maine hostile. Le
Dr Doranlo a reconnu une communication de Séez à La
Ferté-Macé par Sainte-Marguerite et la chapelle
Saint-Roch de Joué. L'itinéraire commun de l'une et
l'autre se reconnaît par Carrouges, la Forge, Besnard
(calvaire), l'Illière, La Hersonnière, La Bouverie le
bourg, la croix du Rosaire, la croix aux Liens, le Fief
Boitard, La Fenderie. Elle a été remplacée en 1837 par
la R.N. 808, de L'Aigle à Saint-Hilaire-du-Harcouet,
quasi rectiligne, construite en terrain vierge, offert
par les propriétaires, notamment ceux du Bel et de Bray
en Saint-Martin l'Aiguillon; elle coupe l'ancienne à La
Hersonnière et vers La Vallée. Le D. 202 qui unit Rânes
à Lignières par le Champ-de-la-Pierre, a été à peine
retouché. Joué se trouve donc au croisement de deux
anciennes voies, O.-E. et N.-S. Bureau des P.T.T. GÉOLOGIE.
- Le territoire est entièrement situé sur le long
massif granitique de La Ferté-Macé qui s'étend d'une
façon presque continue depuis la région de
St-Denis-sur-Sarthon et de Saint-Sauveur-de-Carrouges
jusqu'au nord de Domfront. C'est dire que le sous-sol de
la commune est constitué par les granites, décomposés en
surface en arènes (sables) granitiques. Le paysage est
celui de toutes les régions granitiques, très vallonné.
Dans chacun des petits vallons s'écoulent des ruisselets
alimentés par les suintements des eaux qui s'accumulent
dans l'arène superficielle. Le fond de ces vallées est
recouvert de couches souvent importantes de
tourbe. LIEUX-DITS.
- Section A (1), La Raîtière : Le Procès, Le Petit Derot, Les Landes, Le Pré de Ronjeu, Le Champ du Pressoir, Le Vauviclin, La Grande Pierre Aiguë, La Petite Pierre Aiguë. Le Mongandon, Le Vieux Four, Le Bélier, Le Méheudin, La Grosse Pierre à Catoux, Le Champ Dru, La Safarière, Le Mâle, La Troche, Le Champ Fendeux, Le Hazé, Le Pâty, La Nouette, La Grande Fosse, Le Rembelli, Le Brûlin, Le Pré de l'Outre, Le Grand Bétuel, L'Avenry, Le Rivolet, La Gionnière, Le Petit Champ Marné, La Bâte, La Touffe, L'Aliot. - Section A (2), La Raîtière : L'ancien Four à Chaux, La Tannerie, La Villière. Les Petits Fichets, Le Mesnil, La Mélinière, L'Oisellière, Les Croix, Le Theil, Le Champ aux Boeufs, La Sorillère, Le Pré de Groulé, Le Mont Guérin, Le Mont Gandon, Les Perrières, Le Ronceray. - Section B (1), Le Bel: Le Gâte Blé, Les Palières, L'Aumône, La Bourbe, La Mazure, La Nouaille, La Perchassière, La Rue, La Loge, La Retoudière, L'Ilière, La Pierre Tomberesse. - Section B (2), Le Bel: La Croisette, Le Mornier, Champ Creux, Le Mont Drouet, La Terrasse, Le Château du Bel, L'Ozerai, Pré du Moulin, Blanfit. - Section C (1), La Couperie: Le Moulin Besnard, Le Mont Hibout, La Hèze, Le Planitre, Le Bas Désert, La Gâtinière, La Boucherie, Les Noites, Le Pré aux Moines. - Section C (2), Les Couperies: Le Champ des Bletes, Les Monts Héron, L'Etre Gautier, Le Haut Désert, Les Grands Chiens, La Naverette, La Micaudière, Le Chêne au Loup. - Section D (1), La Bêlière : Les Bâtes, Le Champ du Cas, La Gondrie, Les Cornières, La Gérardière, La Rochelle, Le Champ de la Hèze, Le Clos à l'Orge, Le Pré de la Chapelle. - Section D (2), La Bêlière : La Heurteventière, La Fosse, Les Rocheriaux, Le Grassion, La Butte, La Croix, La Bitème, Le Patiniau, La Coursière, Le Réservoir. - Section E, Les Rochers: La Fontenelle, Les Gérias, Les Rompaneries, La Vesquerie, La Barillière, La Faitizière, Les Outres, Le Buard, Le Pré d'Orgette, Le Moulin à Vent, Le Mont des Fourneaux, Saint Roch. - Section F (1), La Vallée: La Poêlerie, La Saradinière, Le Champ à Pierre, L'Avenry, Les Mortoux, Le Champ de la Croix, Le Déluge, La Quanteray, La Forge. Section F (2), La Vallée: Les Orgeries, Le Derot, Le Fief Boitard, Le Miseret, L'Ecotté, Les Roches, Gourbe, L'Etang du Fourneau, Le Moulin à Foulon. - Section G, La Monderie : Le Champ à Brasse, Les Périasses, La Broudière, La Louvière, La Roche Bourrée, Le Douaire, Le Champ Goulu, La Grandière, La Pierre Plate, La Loge, Les Orgeries. - Section H : Le Bourg: La Maladrie, Les Outres, Avenue du Theil, Les Ardrillets, Les Pallières, L'Ilière, Les Bouillons, Pré Gostro, La Conillière.
ÉTAT
COMMERCIAL.
Métallurgie: La Brousse (forge), Le Fourneau (du fief de La Chaux), La Fenderie, La Poêlerie (l'usine aux poêles) transformée en usine électrique maintenant abandonnée. Tanneries: La Villière (les bâtiments et le moulin à tan existaient encore en 1817), Le Mesnil, Le Theil, Le Haut Désert. Moulin à Foulon: Le Moulin Fouleux, pas de trace de bâtiments. Moulins à grains: Moulins dits de La Chaux, banaux de Joué, un encore en état de marche, Moulin de Besnard, banal du Bel, Moulin de La Héronnière ou des Puces, démoli ; était-ce le moulin d'Auny porté à l'état de 1809 ? Moulin à vent de La Barillière, indiqué au cadastre de 1817 comme déjà démoli. Four à chaux à La Villière. Oseraie : Un essai de culture de l'osier à l'étang du Fourneau n'a pas réussi; tout à l'opposé, près Besnard, on note le lieudit l'Oseraie. Vannerie, créée vers 1850 comme filiale d'une maison de la Manche, comptait 8 à 10 ouvriers; aujourd'hui, Albert Lepourry (avec un ouvrier), le seul de l'Orne, travaille l'osier rond provenant des bords de la Loire. LE
GRANIT a été l'objet depuis l'origine de la
principale industrie. Les maisons de granit, dites «
anglaises » sont en réalité beaucoup plus anciennes (Cf.
G. Hubert: Le livre de Marie d'Espagne). Ici ce matériau
ne se présente pas en bancs continus mais en masses
isolées, noyées dans le sable ferrugineux; aussi la
croûte est-elle teintée de rouge qui parfois reparaît
dans ce matériau débité et mis en place. Ces noyaux sont
d'importance variable, jusqu'à 10 m. de longueur sur 5 à
6 d'épaisseur, et d'où l'on a retiré d'imposantes croix:
Séez, Saint-Gervais du Perron, Pré-en-Pail, Champsecret,
Ciral, Guêprei... Ces masses sont aussi de qualité
diverse, depuis la « pierre verte », ultra dure jusqu'à
la « pierre rouge » qui n'est guère que du sable
aggloméré. Vers 1700, des granitiers de Vire (les
Viretons) apportèrent de meilleures méthodes de travail
et l'exploitation prit alors un grand développement;
vers 1850 on comptait près de 300 ouvriers. Aujourd'hui
seuls deux carriers restent en activité, Dufour et
Guillouard, à la Raîtière. On taillait des bordures de
trottoirs et des bouches d'égout pour Paris, des
colonnes, des dalles et tout ce qui était demandé pour
le bâtiment. La production s'écoulait dans toute la
Normandie et jusqu'en Hollande (Vantroys) et en
Angleterre. ARCHÉOLOGIE
PRÉHISTORIQUE. FÉODALITÉ. SEIGNEURS. I. - Joué était un plein fief de haubert relevant de la baronnie d'Annebecq, envers laquelle en 1505 il acquittait une redevance annuelle de huit livres. Les premiers seigneurs portaient peut-être le nom de la paroisse. Mais le plus ancien que l'on connaisse avec certitude est Guillaume de Beaurepaire qui rendit aveu en 1381. Ses descendants conservèrent Joué jusqu'en 1516, date de la mort de François de Beaurepaire, fils d'Ambroise. François laissait trois soeurs qui se partagèrent l'héritage. À Marguerite (ou plutôt à ses enfants car elle était déjà décédée), femme de Edmond de Cobar, revint le manoir du bourg et ce qui l'avoisinait. À Jeanne ou Isabeau, mariée plus tard à Jean de Loré, La Heurteventière. A Suzanne, épouse de Jean Le Verrier, La Maillardière, appelée depuis La Chaux. Jean devint en 1527 seigneur de Champsecret, il hérita de son frère Le Champ-de-la-Pierre puis acheta à Michel de Montreuil La Chaux, et aux gendres de Edmond de Cobar le manoir et les terres du bourg de Joué. Jean Le Verrier, mort en 1550, avait eu de sa femme un fils, Josselin, et quatre filles, dont Françoise qui en 1561 épousa Claude de Broon. A la mort de Josselin, en 1593, cet important domaine se trouva divisé. Joué fut acquis par Gabriel de Fontenay, seigneur du Bel, qui mourut peu après. Marguerite Terré, sa veuve, apporta l'acquêt en mariage à Philippe Langlois, seigneur de la Poterie, décédé en 1615, trois ans après sa femme, laissant un fils, Claude, dont nous avons établi la descendance en parlant de La Poterie, à l'article Guêprei. Joué parvint en 1752 à Marie-Madeleine Langlois, femme de Joseph-Alexandre Blanchard, sieur d'Amanville, dont hérita en 1783 son neveu Louis des Rotours. Tombé dans la gêne, celui-ci vendit les terres et le manoir du bourg à Thomas Lenoir-Grandpré, qui s'était enrichi par l'exploitation du moulin banal et fut le dernier seigneur de Joué; son petit-fils, Jean-Jacques, épousa en 1830 Victoire du Bois-Tesselin. II. - Le Bel, 1/4. de fief, relevait aussi d'Annebecq, envers lequel il était astreint à une livre de rente annuelle. Richard de Fontenay en rendit aveu en 1373 et 1382 ; Thomas en 1450 ; Jean en 1480, 1484 et 1486 ; un autre Thomas en 1523 ; Gabriel en 1593, acheta le logis de Joué et vendit Le Bel à Jacques Matrot, sieur du Val. A Jacques succédèrent son fils Jean, puis Pierre, frère de Jean, décédé en 1645. En 1649, Suzanne Matrot épousait François Langlois, seigneur de Joué (fils de Philippe et de Catherine du Four); à cette occasion les vassaux durent payer la robe de noces et réparer la motte féodale, les époux se fixèrent au bourg. Mais à la mort de Jean, 1649, intervint le morcellement du fief. Louis Etienne, sieur du Taillis, marié à Marguerite (sœur cadette de Suzanne) dont il devait avoir une nombreuse lignée, s'installa au Bel où lui succéda Henri Etienne, l'un de leurs fils, époux de Françoise du Bois, qui lui donna aussi beaucoup d'enfants; l'aîné, Louis-Henry Etienne, fut uni à Catherine Mauger. En 1745, Louise-Catherine-Françoise Etienne, leur fille, épousa Pierre-Robert Néel, seigneur de Sainte-Marie-Laumont; le nouveau ménage quitta le pays, confiant la gestion du Bel aux tantes de la femme. En 1754, l'aînée de celles-ci se titrait dame du Bel puis ce fut la cadette Louise-Jacqueline Etienne, jusqu'à son décès en 1775. Elle laissait le domaine à des neveux par alliance: Renard du Buc et Alex Morel d'Aché, qui, le 6 avril 1777, en firent la vente à Jacques-Constantin, mousquetaire du roi puis dragon de Conti et François-Côme-Damien du Bois-Tesselin, avocat (et poète) de Beauvain. Ces deux frères moururent en émigration. Jeanne de Commargon, veuve de Constantin, fit racheter par un ami les biens confisqués. La famille du Bois-Tesselin existe toujours, mais c'est seulement voilà quelques années qu'elle a découvert le domaine ancestral. III. - La Heurteventière (ou Plessis de Joué) 1/3 de fief attribué à Jean Le Verrier au droit de sa femme Suzanne lors du partage de 1516, passa à leur fils Josselin, mort en 1593, sans postérité de Suzanne L'Evêque de Marçonnay, puis à leur petite-nièce Françoise Le Verrier, mariée en 1561 à Claude de Broon, seigneur des Fourneaux, qui prit le parti de la Ligue. Nous avons dit à l'article Le Champ-de-la-Pierre comment il transmit ce fief et aussi La Heurteventière aux Ricoeur de Bâmont, dont le dernier mourut en 1862. Au hameau de La Heurteventière, aucun bâtiment ne s'annonce comme l'ancien manoir seigneurial; à ce fief était attaché le droit de nomination à la cure. L'abbé Macé - qui a étudié amplement la question féodale - cite comme fiefs relevant du Bel: 1° La Beslière ayant appartenu successivement aux Brossard, à Richard de Cordé, à Sonnard de Brossard, qui le vendit à François Langlois, enfin à Jacques de Ronnai ; 2° Les Illières, apportées en mariage à Jacques-Marie du Bois de Noirville par Marie Matrot. Dans ce nobiliaire paroissial nous devons une place aux Récalde. C'étaient des parpaillots du pays basque, enrôlés par Henri de Béarn et après la pacification établis dans nos contrées où, parfois mal convertis, comme à Goulet, ils causaient des ennuis aux curés. Bernard qui l'était peut-être sincèrement s'était fixé à La Chaux en 1599 où il avait épousé une petite-fille du seigneur. Leurs enfants allaient tous contracter des alliances dans les bonnes familles nobles du. pays. On vit des Récalde - ou Réalde - à La Haye, Boisgautier (l'un et l'autre anoblis en 1726) au Vivier, à La Louvière. Ceux de La Haye, du Vivier, de La Louvière produisaient du fer dans leurs bas fourneaux. Louis-Henri en 1789 prit part à l'assemblée de la noblesse. Henri-Raymond, qui fit les guerres de l'émigration, mourut à Alençon en 1807 mais de ses dix enfants, aucun des mâles n'a laissé de postérité.
En 1874. naquit le projet d'une église nouvelle, à la diligence de l'abbé Macé, alors vicaire, qui eut contre lui la municipalité et même le curé. La nef cependant fut achevée en 1878, la tour l'an suivant, la consécration eut lieu en 1881. L'édifice est construit en granit du pays, également en style roman mais son axe est perpendiculaire à celui de l'ancienne, l'entrée vers la route de Carrouges-La Ferté. Le vaisseau est porté par dix piliers de granit d'un seul morceau et de 2 m. de hauteur. La seule richesse est la garniture d'autel, Louis XIII, donnée par l'abbé Dufriche-Desgenettes à son ami le curé Lapierre. Le curé Husson fit de ses mains les meubles de la sacristie et de l'église: stalles, confessionnaux, chaire. Incendiée par les bombardements le 14 août 1944, l'église était hors d'usage. En 1953, après des restaurations considérables, le service religieux y était rétabli et deux ans plus tard, les trois cloches étaient remplacées; les vitraux eux-mêmes l'ont été. Ceux du chœur représentent la vie de saint Jean-Baptiste, le patron; quatre petits évoquent les quatre chapelles de Joué (La Raîtière, Le Bel, St-Jacques et St-Roch) avec les armoiries des familles fondatrices. Dans la maçonnerie de la tour a été incorporé un linteau aux armoiries des Le Verrier, provenant de la chapelle seigneuriale, dédiée aux saints Hubert et Suzanne, en l'église ; ce linteau a été dessiné dans La Chaux, du comte de Contades.
Voici la liste des curés connus: 1458, Jehan de Broon. - 1485, André de Beaurepaire puis Jehan Daliphard, démissionnaire en 1530. - Bertrand de Cobar jusqu'en 1543 - Jean de Valborel (1547-1553), - Jean Guillochin (1553-1556). - François Le Verrier (15561566). - Michel Hubert (1566-1603). - Sébastien Bisson (1603-1606). - Michel Robichon du Mesnil (1606-1626), - François Robichon (1626-1645), il fut alors condamné à l'exil. - Guillaume Vauclin de La Lande, escuyer (1645-1703). - Jean Guimard (1704-1708). - Charles du Four du Chesné (1708-1720). - André Leboucher (1720-1734). - Jean Lysieux (1734-1772). - François Engérand (1773-1787), et son neveu Jean Engérand (1787-1792). Ensuite MM. Lepasteur (1800-1803), Duhéron (1803-1806), Lapierre (1807-1850), Loublier (1851-1879), Constant Macé (1879-1891), Husson (1891-1903), Mahérault (1903-1920), Vital Polet (1921-1925), Aug. Christophe (1925-1938), Dumont (1938- ).
LE MANOIR DE JOUE s'élève en bordure N.-O. du bourg, il est entièrement entouré de douves qui reflètent son élégante silhouette et qu'alimentent des sources; une deuxième douve enclôt le vaste jardin. Par trois pont-levis (transformés en ponts fixes au milieu du XVIIe siècle, du temps des Langlois) on pénétrait dans la place qui était encore défendue par sept tours dont deux rondes, à meurtrières, subsistent le long de la douve S., mais mutilées par les bombardements. Peut-être les murs d'enceinte, maintenant couverts de dalles, étaient-ils crénelés. Du jardin partaient vers le Theil et la Drouarderie deux magistrales avenues, des communs de l'époque de la Renaissance s'ordonnaient en bordure de la cour d'honneur et dans l'arrière-cour.
Le château est un gracieux édifice flanqué en son milieu d'une tourelle escalier saillante à cinq pans et trois étages, que termine une flèche élancée; cette tourelle n'a pas de porte extérieure, mais des meurtrières et quatre étroites lucarnes à barreaux de fer, au linteau desquelles est sculpté un arc en accolade. On montre dans sa partie supérieure la morsure d'un boulet lancé, dit-on, pendant la guerre de Cent-Ans, mais le logis lui est postérieur; on dit aussi que cette attaque avait été dirigée par le capitaine huguenot Montgomery. L'entrée de la demeure, à l'aile E, présente des pilastres à bossages supportant un fronton triangulaire: ainsi ce logis de la fin du XVe - bâti paraît-il par Ambroise de Beaurepaire - a été vers le milieu du XVIIe siècle l'objet de transformations qui ont inspiré aussi la décoration de la belle porte du jardin. En façade S. les baies étaient primitivement à meneaux de pierre en croix, et protégées par des grilles de fer dont on observe les trous de scellement. L'incendie du 14 août 1944 n'a laissé que les murs. Dans l'aile E, on voyait au rez-de-chaussée l'office et la grande salle, et à l'étage - où conduit un escalier de pierre à deux volées - le salon qui communiquait avec l'oratoire domestique; les cheminées monumentales sont restées accrochées aux murs. Dans l'aile O., un entresol et l'étage contenaient les chambres. Des réparations sommaires - dont une
couverture provisoire - ont été réalisées, mais ce qui
est perdu définitivement c'est le mobilier ancien et les
oeuvres d'art conservés par Mme Lory. LE CHATEAU DU BEL, vu de la R.N. 808, a bonne allure avec son haut perron et son cadre de vieux arbres. Toutefois il ne présente aucun intérêt architectural et la belle avenue qui y conduisait a été absorbée par les prairies. Construit vers 1780 par Constantin du Bois qui abandonnait l'Illière, il est présentement inhabité et inhabitable. L'ancien château était dans l' « ileau » près de la chapelle.
La Raîtière : L'origine en
remonterait à saint Evremond, au VIle siècle. Située à
la croisée de six chemins, dont l'un devait être celui
de Carrouges à Domfront, elle occupait un coin de
bruyère de 60 hectares, dépendant du Bel. Au Moyen-Age
existait déjà une chapelle dont on a retrouvé les
fondations et même les éléments d'une fenêtre romane
conservée. En 1473, le roi Louis XI, en passant, aurait
donné le vocable de « Notre-Dame de Liesse » qu'il
aimait, mais notre madone n'a rien de commun avec la
célèbre Vierge noire. Vers 1566, la chapelle fut
incendiée par les protestants. La statue avait été
cachée sous la pierre d'autel retournée. En 1585 la
chapelle fut reconstruite toute en pierre: 8 m. sur 8 et
3 m. de hauteur. En 1597, on ajouta une sacristie et une
flèche de 20 pieds. Le 14 avril 1665, la famille
Etienne, du Bel, fait une fondation de 30 livres. Lors
de sa visite de 1701, l'évêque d'Aquin demande que la
chapelle soit pavée. Quand il revient en 1708 elle
l'était. En 1741, Mauduit-La Lande, de Bray, élève le
calvaire. L'Angevine (fête de la Nativité) y fut encore
célébrée le 8 septembre 1793 par le vicaire jureur
Vains, mais après l'émeute du 24 novembre de la même
année, tout culte cessa et la chapelle fut profanée.
Cette fois encore la statue de la Vierge et celles de
saint Joseph et de saint Mathurin avaient été cachées.
Vers 1800 elles furent remises en place. De 1807 à 1819,
l'abbé des Genettes, futur curé de Notre-Dame des
Victoires, y prêcha plusieurs. fois. Après 1829 le curé
Lapierre supprima l'Angevine qui se terminait
généralement en batailles: trois brigades de gendarmerie
y furent nécessaires au moins une fois. En 1833, la
statue elle-même disparut et ne fut retrouvée qu'au bout
de six mois dans l'île de l'étang de la Fenderie. De
joie, M. Lapierre offrit une cloche et rétablit la fête.
En 1885, le curé Macé construisit la chapelle actuelle dont l'autel fut offert par la famille Chesneau de la Drourie. Il y fit placer un bas-relief d'Etienne Leroux, d'Ecouché, représentant la découverte de la statue par le petit agneau, en 1585. Le tympan de la porte extérieure portait aussi une autre oeuvre de Leroux, mais la pierre blanche, trop tendre, n'a pas résisté aux injures du temps. M. Husson agrandit la chapelle en lui ajoutant la sacristie qui servit de chœur et fit construire un magnifique clocher. Le 26 octobre 1902, l'évêque de Séez bénissait cinq cloches à l'église. Un char triomphal les porta à la Raîtière et Mgr bénit l'oeuvre. Depuis, en 1914, ont été élevés le nouveau calvaire et la statue de saint Michel. Par des achats successifs, le domaine de la Vierge, porté pour 7 ares 30 en 1817, figure au nouveau cadastre pour 23 ares 10, permettant le développement d'importantes manifestations religieuses. Maintenant le pèlerinage principal a lieu le troisième dimanche de mai, puis vient la Nativité, etc... En contre-bas, au nord, dans un pré, est la fontaine de la Raîtière. Notre-Dame des Aides, au Bel. La légende conte qu'un jeune seigneur du Bel, tombé accidentellement dans l'étang qui formait douve au manoir, aurait été sauvé par l'intervention de la Vierge qu'il invoqua en cet instant critique. En reconnaissance il fit bâtir la chapelle dans une île de l'étang aujourd'hui en prairie. On s'étonne de la fantaisie de son plan (côtés et angles inégaux) peut-être imposé par la forme du terrain. Au retable les statues de terre cuite de sainte Barnabé et de saint Roch, 1758. En 1522, Thomas de Fontenay l'avait dotée de 15 livres de rente; le chapelain était tenu de célébrer trois messes par semaine. Louis Etienne en 1676 augmenta cette dotation du don de 12 acres de terre. La chapelle a été rebâtie en 1782 avec une élégante flèche. On y a réemployé comme linteau une pierre portant un nom et une date douteuse, qui doit être 1596. Saint-Roch ou N.-D. de Beaudouet. Sur le vieux chemin de la Motte, écrit l'abbé Macé, Jean Le Verrier, vers 1520, avait fait ériger une assez vaste chapelle, dédiée à saint Roch, qu'il dota d'une rente de 40 1. ; le seigneur nommait le chapelain. Mais la modicité du revenu fit que vers 1650 on ne trouva plus de titulaire et la chapelle servit désormais de grange. Dans ce temps-là, des épidémies décimèrent le cheptel du fermier qui attribua ces pertes à la profanation du sanctuaire; celui-ci était en ruine à la Révolution. En 1839 François Lainé et Marie Defais, sa femme, firent construire sur le côté droit de la route de La Ferté une petite chapelle qui fut restaurée en 1904. Trois statues, badigeonnées avec excès, la décorent; elles sont très pesantes. Ce sont : une Vierge déhanchée tendant un fruit à l'Enfant; saint Sébastien, et saint Roch avec un ange agenouillé à sa gauche, à droite est le chien sur son séant, portant en sautoir un écu écartelé, au 1 et 4 de la triple gerbe des Beaurepaire, au 2 et 3 du fretté des Le Verrier. Si comme on l’assure ces images viennent de l'ancienne chapelle, celle-ci serait antérieure à 1520. Saint-Jacques. Elle aurait été bâtie au XVe siècle par Josselin Le Verrier, fils de Jean, sur le chemin perré d'Alençon à Domfront. Passée avec le domaine de la Fouquière aux Poullain de Beauchêne, qui augmentèrent sa dotation, elle fut détruite à la Révolution. Spacieuse, avec une façade élégante, elle possédait les statues de sainte Barbe, saint Jacques, saint Vast et sainte Uralie ; cette dernière que nous croyons être sainte Eulalie, passait pour favoriser les enfantements laborieux. La chapelle a été remplacée par un oratoire sur la route de Lignières, aux frais de Jacques Lesage, en 1882. À ces trois dernières chapelles la messe est célébrée aux fêtes des Rogations. L'oratoire de La Boucherie, sur l'ancien chemin de Pré-en-Pail, est construit et couvert en pierre, fermé par une grille de fer d'un curieux travail. On y lit: « 1741. Donné par J. Gautier, du Haut-Désert, curé de Longuenoê ». CROIX. - On en compte onze, toutes relevées après la Révolution. Voici les plus anciennes:
De belles nappes d'eau, propices à la pêche comme à Besnard, ou fréquentées des seuls amateurs de baignade comme à La Villière, ou n'attendant plus qu'un meunier diligent pour faire tourner la roue du moulin comme l'étang dit de La Chaux. Titulaires d'une seigneurie ou simplement d'une aînesse, les personnages marquants tenaient à avoir leur logis, luxueux pour l'époque, souvent anciens, parfois décorés extérieurement dans la mesure permise par la dureté du granit. À La Villière, une porte ronde du type dit anglais, XIIIe siècle. À La Fontenelle, la maison Lepage où deux linteaux sont sculptés d'un fer de hache et d'une fleur de lis archaïques, encadrant un écu à chevron cantonné de bars ou de serpents (?). Au Haut-Désert, les ruines du logis des Gautier, XVe siècle, incendié au XVIIIe. À La Vallée, le logis abandonné des Radigue, où naquit le P.Ladislas ; une avenue y conduit ; dans le parc maintenant en friche se voit un beau Prunus. Au Mesnil, résidence des Challemel-Rocoux et des Robichon, sur chaque façade se voit une porte ronde, à l'avant une fenêtre grillée de fer. À La Frêlonnière un curieux castel du XVe, accroupi au bas de la colline vers le ruisseau qui lui procurait une douve. Demeure des plus pittoresque avec ses portes à chanfrein évidé, à arc en accolade, ses fenêtres étroites à barreaux de fer, son entablement mouluré, ses vastes cheminées, son escalier de pierre.
« Depuis huit ou dix ans, la paroisse a perdu un secours sensible par l'anéantissement total des Points de France, couramment appelés dentelles d'Alençon et d'Argentan et qui occupaient assez favorablement les trois-quarts des filles et femmes, ce qui permettait aux chefs de famille de faire face à leurs impositions. Les terres sont de trop mauvaise qualité pour la culture du chanvre. D'autre part, depuis vingt ans sévissent des maladies épidémiques. Les justicieux se plaignent que les affaires sont trop longues et trop dispendieuses. Les habitants paient un prix excessif pour la corvée des chemins dont ils ne retirent aucun bénéfice, étant éloignés de 4 à 5 lieues des grandes routes. Les héritages (immeubles) sont chargés de rentes seigneuriales en argent, grains, volailles, corvées, servitudes onéreuses: on demande leur amortissement au denier vingt, la suppression des banalités, surtout celle des moulins; les dîmes sont écrasantes, on désire leur conversion en argent, et que les prêtres soient entièrement rendus à leur état; on n'ose pas se prononcer sur les réformes financières. En présence de la misère, doit-on laisser dans l'aisance les communautés, les évêques, les abbés ? Ce sont autant de biens qu'ils ont usurpés dans les siècles d'ignorance. Le tabac, devenu nécessaire et même indispensable, est de qualité dégoûtante et rebutante à l'odorat, nuisible, dangereuse. Cette paroisse est si pauvre qu'elle ne peut, sur ses propres ressources, se nourrir plus de six mois par an ». (1er mars 1789, 19 signatures, Archives du Calvados).
En 1804, le vicaire général Legallois portait ce jugement sur le curé: « Engérand, ancien curé, 55 à 56 ans, dit qu'il ne se rétractera jamais. Borné, entêté, dépravé, séducteur de l'innocence même dans le saint lieu, ce monstre a fait tout le mal possible dans cette malheureuse paroisse ». Du point de vue religieux, le grand vicaire répartit alors les habitants en quatre catégories: quelques fermes catholiques, bon nombre de faibles, un petit nombre d'adeptes de la Petite Eglise, par l'insinuation d'un marchand de Rouen; d'assez nombreux chauds partisans du curé jureur, soutenus par le maire, homme finassier, docteur de village. Ce maire était Jean Gérard qui, en 1802, dans les termes suivants, avait demandé le retour d'Engérand: « Nous, maire et membres composant le conseil de la commune, au citoyen évêque du département de l'Orne. La mutation qui s'opère aujourd'hui dans la nomination des évêques fait présager un changement général dans celle des curés, pourquoi, citoyen évêque, nous osons prendre la liberté de réclamer auprès de vous le citoyen Jean Engérand, exerçant les fonctions ecclésiastiques depuis 1775 en qualité de vicaire jusqu'en 87, époque à laquelle il fut nommé curé. Ce brave curé avant et pendant la Révolution (quoiqu'il ait subi les fléaux les plus grands puisqu'il fut dépouillé trois fois par les brigands et autant de fois a manqué de perdre la vie), a toujours donné des preuves authentiques de son zèle pour l'observation de nos lois, toujours prêché le respect dû aux personnes et à leurs propriétés et n'a point ralenti ses actes d'humanité envers les pauvres; en un mot il a su par une conduite uniforme, par ses talents et ses vertus, réunir les esprits divisés, rétablir le calme où il aurait cessé d'exister. Nous nous trouverions condamnable, citoyen évêque, si nous ne vous donnions connaissance de tant de traits de bienfaisance qui ont droit à la reconnaissance de votre justice et de votre sagesse ordinaire. En conséquent, nous vous prions, lors de la nomination des curés, de vouloir bien prendre en considération les motifs de notre réclamation et accorder votre suffrage au sujet ci-dessus réclamé, et ce faisant vous nous rendrez justice et obligerez infiniment tous les habitants de la commune.» La candidature ne fut pas retenue. Le curé Engérand mourut à Joué en 1820, rétracté; le vicaire Vains vécut à Alençon jusqu'en 1839, lui-même réconcilié.
Joué n'eut pas à souffrir de l'affaire du maquis de Lignières, commencée aux Feugerets, sur Orgères, à la lisière de Joué. Mais François Gilbert, de Trun, y fût arrêté avec Fernand Badier, le 20 avril 1944, par des gendarmes français. de Rânes et livré aux Allemands; ils furent fusillés à Condé-sur-Sarthe le 22 juin; ils appartenaient au maquis de Grandmont (La Bellière).
Par ordre, les civils de Caen S. et E. sont évacués par Rânes, Joué a sa halte repas; des voitures réquisitionnées emmènent les fugitifs sur Lignières au S. Plusieurs milliers passent ainsi. Le dimanche 13 août, la 2e D.B. de Leclerc délivre Carrouges sans coup férir. Joué fourmille d'Allemands qui établissent leurs défenses dans cette direction, en particulier sur la route de La Couperie. De nombreux mitraillages et bombardements d'avions sont signalés sur les routes: la cantine scolaire flambe dans l'après-midi et la population fuit vers la campagne. La nuit, relativement calme, est animée par le bruit des convois de la 2e Division de Panzers qui accourt - un peu tard - pour obstruer la trouée de Ciral. Le lundi 14, la musique reprend, mais c'est la 3e Division blindée américaine qui surgit par Lignières. Les obus tombent à La Couperie puis au Haut-Désert, enfin vers midi sur le bourg abandonné, où les maisons flambent une à une, le château dans la soirée; la flèche du clocher brûle à la nuit et s'abat sur l'église. L'aviation poursuit les chars: un Tigre saute en face du presbytère, une autre chemin des Rochers. Les Américains évitent le bourg à droite et, par La Noê et les écoles, rejoignent la route du Champ-de-la-Pierre jusqu'à la mare du Pont-Perrin. Ils n'entrent à Joué que le mardi 15 au matin, mais le bourg n'est plus qu'un amas de murs fumants. Les Allemands postés sur la route de La Couperie incendient leurs engins à l'Aître des Noês et au Mont-Peley (3 Tigres, 10 chenillettes) et s'enfuient à travers bois. Bilan: 40 foyers complètement détruits, 128 sinistrés totaux, 70 partiels. La guerre de 14-18 avait fauché 23 jeunes vies. Celle de 39 nous valut 3 tués au front et 2 prisonniers morts en captivité. La libération. coûta 4 morts et les mines ou munitions devaient encore enlever 3 enfants (Cf Le Pays d'Argentan 1946, p. 72-79).
À Joué-du-Bois se rattachent, bien qu'ils n'y soient pas nés:
DICTON
C'est comme la galette au père Bourdais,
Ni trop ni trop peu, juste comme
j'en voulais.
(Voir Le P. A. 1929, p. 85).
LÉGENDES
A 300 m. du bourg, sur la route de
Lignières, une butte couverte d'ajoncs et de merisiers
passe pour cacher un trésor; tout voisin est le Bois des
Fées.
BIBLIOGRAPHIE Abbé Macé: La chapelle de la Raîtière, 1895; Joué-du-Bois, paroisse,
fiefs, commune, 1895; La Révolution à Joué-du-Bois, 1913.
ARCHIVES. Registres paroissiaux depuis 1609
(avec d'importantes lacunes). Xavier Rousseau. |