2024-08 Gaspésie

avec Juliette, Mathieu, Hermione et Gabriel
(2 538 km)


*Plusieurs photos présentées sur ces pages m'ont été gentiment communiquées
par leurs auteurs Juliette et Mathieu. Je les en remercie.


Retour : du parc national du Forillon à Montreal
Le Retour : du parc national du Forillon à Montréal


86 802 Mercredi 7 août 2024 : du CAP BON-AMI à PETIT-GASPÉ (18 km) (8,3 km à pied)

Parc-du-Forillon-de-Cap-Bon-Ami-a-Petit-Gaspe
Parc du Forillon : de Cap-Bon-Ami à Petit-Gaspé

Avant le coucher hier soir, brève observation du ciel exceptionnellement clair et étoilé, à l’invitation de Mathieu qui passera un bon moment à contempler le spectacle en compagnie d’Hermione.

Ciel pur ce matin, et vent modéré qui promet des conditions idéales pour la randonnée envisagée.
bivouac-au-pied-de-la-tour-du-Mt-St-Alban
Bivouac au pied de la tour du Mt-St-Alban
Parc-du-Forillon-Sentier-Mt-St-Alban.
Après déjeuner et prise de 2 comprimés d’ibuprofène (en prévention...), je suis prêt à 9:00 mais dois attendre que mes voisins lèvent le camp puisque Mathieu tient à laisser la roulotte à l’endroit indiqué hier par le gardien, tandis que Juliette prendra l’auto pour aller faire quelques courses et du lavage avec les 2 jeunes réticents à se lancer dans la randonnée. Tout étant prêt à 10:00, Mathieu et moi gagnons enfin le sentier donnant accès à la promenade.
Distance affichée : 1,8 km, mais dénivelé conséquent de près de 250 m jusqu’à la tour d’observation dont la structure ajourée en  bois nous surplombe, en haut de la falaise verticale. Je prendrai donc mon temps pour franchir à petits pas les quelques passages caillouteux assez abrupts et les volées d’escalier à peine plus faciles sinon confortables, coupés de zones moins pentues mais pleines de racines qu’il faut repérer et enjamber sans trébucher… Parc-du-Forillon : randonnée vers la tour
                  d'observation du-Mt-St-Alban
Parc du Forillon : le chemin raide et raboteux
montant vers la tour d'observation du Mont St-Alban

Sur le sentier du Mt-St-Alban-: vue vers le Cap
                  des Rosiers
Sur le sentier du Mont St-Alban-: vue vers le Cap des Rosiers et son phare
Après une heure d’efforts et quelques pauses sur des belvédères opportunément placés, nous touchons au but, et escaladons les dernières marches malgré les courbatures qui commencent à s’imposer.
Nous passerons un bon moment sur la terrasse supérieure à contempler l’admirable panorama à 360°. Vers l’est les falaises se poursuivent comme un rideau rocheux ondulant verticalement jusqu’au cap qui tombe brusquement dans l’Atlantique s’étendant à l’infini. Au nord-ouest le bleu profond du Golfe du St-Laurent se perd dans le lointain (les Îles-de-la-Madeleine, trop basses, et la Côte Nord encore plus distante demeurent invisibles). Parc-du-Forillon-Mathieu-sur-le-belvedere-du-Mt-St-Alban
Parc du Forillon : Mathieu sur le belvédère du Mont St-Alban

Plein ouest les falaises s’incurvent vers le Cap des Rosiers et son phare qui pointe tout blanc, tandis que la côte gaspésienne et le golfe du Saint-Laurent au-delà disparaissent progressivement dans la grisaille bleutée.

Parc du Forillon belvedere du Mt St-Alban panoramique
            vers le nord-ouest-Cap-Des-Rosiers
Parc du Forillon, belvédère du Mont St-Alban : panoramique vers le nord-ouest et le Cap des Rosiers

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Parc du Forillon, belvédère du Mont St-Alban : vue vers le sud-ouest,
le Rocher de Percé et l'Ile Bonaventure
Au sud, c’est l’échine verte du Forillon couvert de forêts qui occupe tout le premier plan, tandis qu’un bras de mer nous sépare de l’autre péninsule parallèle, celle de Gaspé dont on distingue à peine les constructions. Tout au fond à l’horizon, la mer miroite, sur laquelle flotte la silhouette caractéristique du Rocher Percé et de l’Île Bonaventure.

Parc-du-Forillon belvédère du Mt-St-Alban panoramique
            vers-l'est.
Parc du Forillon, belvédère du Mont St-Alban : panoramique vers l'est et le Cap Gaspé

Après avoir repris souffle et laissé s’évanouir la fatigue de la montée, nous entreprenons la descente par le même chemin. Si l’effort est bien réduit, en revanche les douleurs, essentiellement aux articulations, ont pris le dessus et j’ai hâte d’arriver en bas de la pente pour enfin prendre une bonne pause, manger et me reposer un peu.

Juliette, Hermione et Gabriel ne sont pas encore rentrés lorsque je retrouve ma cabane à roulettes. Je m’y allonge un moment pour récupérer, puis me prépare une salade de tomates accompagnée de saumon fumé, bois abondamment et retrouve assez d’énergie pour, une heure plus tard, aller dans le camping du Cap Bon Ami faire le plein d’eau et vider la toilette sèche que je regarnirai bientôt de branchettes de pin cueillies aux alentours.

Nous décidons alors de gagner le secteur sud (nouveau billet d’admission pour une deuxième journée) et aller nous reposer sur la plage de Petit-Gaspé, tandis que les enfants iront passer deux heures dans la piscine du Centre de Loisirs voisin. Bien installé sur le grand parking, je commencerai par faire une longue sieste sur mon lit dans le ProMaster, avant de rejoindre Juliette et Mathieu sur la plage de galets. La température est douce, mais l’eau est vraiment trop froide pour s’y baigner.
Parc-du Forillon plage de Petit-Gaspé
Parc du Forillon : plage de Petit-Gaspé

La fin de l’après-midi s’écoule ainsi, relaxe, avant de regagner nos véhicule, bavarder un peu autour d’une table de piquenique et préparer le souper. Une assiettée de macaronis au poké de saumon et à la crème sera le plat de résistance de mon repas, délicieux et reconstituant que je vais partager sur la table de mes voisins. Puis le soir tombe, le froid devient plus vif, nous nous souhaitons une bonne nuit sans dérangement et gagnons nos abri de campeurs qui nous garderont au chaud. Un dernier  bâton de crème glacée sera mon dessert avant que je me mette à l’écriture du carnet de route. Ce soir je me coucherai tôt sous la chaleur de ma couette à 21:15.


86 820 Jeudi 8 août 2024 : de PETIT-GASPÉ à FORT PÉNINSULE (départ du Sentier Le Portage) (30 km) (8,9 km, 330 m de dénivelé)
De-Petit-Gaspe-au-Fort-Peninsule
De Petit-Gaspé au Fort-Péninsule

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Bivouac sur le stationnement de l'Église St Peter (Petit Gaspé)
Réveil en forme vers 5:30 avec le lever du jour, quasiment sans courbatures ! Je me rendors ensuite jusqu’à 7:45, profitant du calme presque absolu du parc et du stationnement où, ici aussi, rien ni personne ne nous ont dérangés.
À 9:00 je suis prêt au départ, mais une autre fois encore la roulotte peine à démarrer (en partie suite aux facéties de Gabriel). Petit-dejeuner-sur-le-parking-de-l'Eglise-St-Peter
Petit-déjeuner sur le parking de l'Église St-Peter

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Parc du Forillon : sentier Les Graves (de Grande Grave au Cap Gaspé)
Parc-du-Forillon-sentier-Les-Graves-jusqu'au-phare-du-Cap-Gaspé
En route sur le sentier des Graves

Ce n’est donc qu’à 11:15 que nous sommes à pied d’œuvre pour la randonnée prévue jusqu’au phare du Cap Gaspé. Nous avons  laissé le ProMaster sur le parking terminal de l’Anse-aux-Amérindiens, après avoir casé Bolt et roulotte sur le stationnement du Magasin général Hyman, moins exigu, ainsi que Gabriel qui refuse de se joindre aux marcheurs.

Ce sont donc 3,2 km que nous devrons parcourir pour gagner le phare, une marche un peu plus longue que celle d’hier matin, mais beaucoup plus confortable puisque nous avons choisi d’emprunter la chaussée gravelée plutôt que le sentier rustique qui serpente dans les prairies et les bosquets en dessous de nous, au plus près de la mer.

Le paysage tout au long est superbe car nous longeons la large baie de Gaspé qui va s'élargissant jusqu’à son ouverture sur l’Océan. Au bleu profond de l’eau animée de quelques moutons blancs répond l’azur ensoleillé parcouru par quelques légers nuages qui filent sous le vent assez vif.
Parc-du-Forillon sentier Les-Graves jusqu'au
                  phare du Cap Gaspe
Parc du Forillon : la côte et l'ouverture vers l'Océan le long du sentier des Graves
Parc-du-Forillon-sentier-Les-Graves
Depuis le sentier des Graves, l'ile Bonaventure et le haut du Rocher Percé
Entre les deux, la ligne grisâtre de la côte en face se termine par la masse plus élevée de l’île Bonaventure, le sommet du Rocher Percé n’apparaissant qu’à la fin du parcours. Les kilomètres s’allongent sans trop de fatigue, le vent frais et les nombreuses taches d’ombre projetées par les sapins bordant la chaussée combattant la chaleur de cette belle journée d’été. Et surtout la vue panoramique constante, le silence malgré les quelques autres promeneurs que nous croisons rendent cette balade mémorable.

Parc-du-Forillon-phare-du-Cap-Gaspe
Tout au bout du sentier des Graves, et au dessus du Bout du Monde (Land's End), le phare du Cap Gaspé

Pause piquenique appréciée en arrivant au pied du phare, au centre d’une étendue d’eau dégagée à 300°, sans île ni navire à l’horizon. Seul un petit voilier taille sa route vers l’ouest du Golfe. Nombreux sont les visiteurs qui nous entourent, mais sans bruit intempestif ni agitation, comme si le magnifique environnement pacifiait tous ces amateurs de grand air. Parc du Forillon : casse-croute au pied du phare
                  du Cap Gaspe
Parc du Forillon : casse-croute au pied du phare du Cap Gaspé

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Parc du Forillon, au bout du Cap Gaspé : Land's End

Parc-du-Forillon-les-randonneurs-au-Cap-Gaspé
Parc national du Forillon : les heureux randonneurs au Cap Gaspé

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Parc du Forillon, sentier des Graves : Jean-Paul et Mathieu sur la route du retour
Le retour bien qu’un peu moins pentu me paraitra long, moins par la douleur sciatique que l’ibuprofène aura gardé à distance, que par des douleurs aux articulations des hanches… Décidément mon châssis vieillit, et je crains bien que le manque d’entraînement régulier - auquel je me refuse - ne fasse qu’empirer les choses ! En revanche les vues renouvelées sur la côte et le fond du golfe font passer le temps de la façon la plus agréable.

Je récupère le Promaster sur le parking de l’Anse-aux-Amérindiens et raccompagne mes trois excursionnistes jusqu’à leur véhicule où le rétif Gabriel, enfermé dans la roulotte transformée en étuve, est resté à cuire consciencieusement dans son jus…

Je commence par boire et me rassasier un peu, puis nous revenons un peu en arrière pour visiter l'ancien magasin général Hyman. Son décor pittoresque a été reconstitué, accompagné de commentaires éloquents sur le régime d’exploitation mis en place par les marchands entrepreneurs de pêche jersiais. Parc-du-Forillon-Mathieu-et-Gabriel-gagnent-le-Magasin-Hyman
Parc du Forillon : Mathieu et Gabriel gagnent le Magasin Hyman de Grande Grave
Grande-Grave-Magasin-Hyman-Gabriel
Gabriel devant le Magasin Hyman de Grande Grave
Grande Grave : dans le Magasin Géneral Hyman
Grande Grave : dans le Magasin général Hyman

Les Hyman

En 1807, William Hyman voit le jour en Russie. Afin d'échapper à l'oppression du tsar, la famille Hyman de religion juive quitte le pays et se réfugie à Lodz en Pologne. Au fils des ans, leur situation ne s'améliore pas et les parents de William périssent tous les deux.

En 1835, William réussit à sortir de Pologne et trouve refuge dans la ville de Norwich en Angleterre où il travaille pour un joaillier du nom de Hart. Il épouse Amélia Hart et de cette union naissent cinq filles et trois fils.

En 1840, son patron l'envoie à New-York pour affaires. De là, il se rend à Montréal pour enfin trouver le chemin de la Gaspésie dont on vante à cette époque les terres neuves. Il est aussitôt attiré par la prospérité de la compagnie Robin et décide d'acheter en 1845, de Francis Ahier guernesiais d'origine, son premier établissement de pêche à Grande-Grave, pour la somme de 220 livres ou environ 800.00$. De 1858 jusqu'en 1882, il est maire de la municipalité du canton de Cap-des-Rosiers et par le fait même le premier maire de religion juive au Canada à occuper un tel poste. À ce titre, il favorise l'établissement du télégraphe, puis la construction du phare de Cap Gaspé. Il devient également membre du conseil de comté, juge de paix et capitaine de milice. Son fils Isaac suit les traces de son père en occupant le poste de maire pendant quarante ans et de nombreuses fonctions politiques et juridiques.

William Hyman décède à Montréal le 8 décembre 1882. Ses fils Isaac, Horatio et Jack héritèrent du commerce dont l'expansion fut remarquable. À la fin du siècle, on comptait douze établissements sur la côte : Anse-à-Brillant, Gaspé, Grande-Grave, Cap-des-Rosiers, Rivière-au-Renard, Saint-Maurice, Petit-Cap, Cloridorme, Pointe-à-la-Frégate, Grande-Vallée, Madeleine et Cap-à-l'Ours. Vers 1906, Isaac prend le commerce en mains et en 1946, son fils Percival lui succède. En 1964, juste avant la faillite, il restait encore quelques magasins situés à Rivière-au-Renard, Grande-Grave, Cap-des-Rosiers, Cloridorme, Grande-Vallée, Saint-Maurice et Gaspé. C'est après 123 ans d'existence et 3 générations qu'en 1967, la compagnie Hyman disparaît définitivement de la côte gaspésienne.

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« On faisait un compte là »

(ou : le système d'asservissement du pêcheur par le crédit)

Le système de crédit commença à changer au début du siècle. Cependant, plusieurs se souviennent encore :

«... au printemps, le monde n'avait pas une cent. Moi là, j'avais pas d'argent; et bien je m'en allais à Grande-Grave pis je prenais mes gréements de pêche, pis je prenais pour ma famille, je faisais un compte là. Et bien rendu au 15 d'août, je donnais ce que j'avais dessus, pis je finissais l'automne. Pis s'il m'en restait une dizaine de piastres, et bien j’avais fait une bonne été... quand un homme avait pu clairer vingt-cinq piastres, eh maudit, il était riche!...! »

« quand même que t'aurais été en dettes, ils donnaient du crédit pareil, pour garder le monde là.

«... leur but, à eux, était de maintenir le pauvre homme en bas de l'échelle, et c'est seulement ceux qui ont fait des études qui sortent du trou. Ceux qui n'avaient pas d'éducation, peu importe qu'ils soient français, anglais... ils les avaient là, ils les gardaient là. Supposons que les gens l'été, ils n'ont jamais eu un centime. Ils l'ont mis là (ils ont été crédités dans les livres de comptes) et l'année suivante, si c'était une mauvaise année, la compagnie le gardait...»


Nous complétons par la grange attenante où une exposition bien conçue explique les techniques de pêche et surtout de traitement et commercialisation de la morue. Grande Grave : expo dans la grange du Magasin
                  Hyman
Grande Grave : expo dans la grange du Magasin Hyman


Jersey, capitale administrative des pêcheries gaspésiennes

Après la Conquête en 1760, le contrôle des pêcheries gaspésiennes passa rapidement aux mains des Anglo-Normands. Ce sont des capitaux étrangers provenant de l'ile de Jersey, qui alimentèrent dès lors cette industrie. D'ailleurs, la plupart des compagnies établies en Gaspésie avaient leur siège social sur cette ile anglo-normande: Robin, Janvrin, Le Bouthillier, Fruing, Collas, et d'autres.
Des marchands, que William Hyman appelait ironiquement «mes amis de Jersey» avaient formé une Chambre de commerce extrêmement influente et ils contrôlaient toute l'industrie de la pêche, depuis la préparation de la morue jusqu'à sa vente sur les marchés méditerranéens. Ils étaient devenus les maîtres du trafic maritime dans une région qui dépendait d'eux pour ses approvisionnements.
Le «système commercial jersiais» était des plus efficaces et les pêcheries gaspésiennes connurent ainsi un essor considérable au 19e siècle. Cependant, comme le déplorait le capitaine Fortin, premier inspecteur des pêcheries du golfe Saint-Laurent, la majeure partie de ce commerce échappait au Canada. La Gaspésie était alors plus jersiaise que canadienne et c'est sans doute l'une des principales causes de son isolement par rapport au reste du Québec.

Qui mangeait de la morue de Gaspé ?

D'abord les Méditerranéens
Comme le calendrier catholique leur imposait chaque année plus de 100 jours de jeûne ou d'abstinence, les Italiens, Portugais et Espagnols venaient en tête de liste pour la consommation de la morue séchée. Ils achetaient surtout du poisson de qualité «marchande». Toutefois, alors que les Italiens choisissaient de préférence les poissons les plus petits, les Espagnols et les Portugais étaient friands de grandes morues.

Des esclaves
Produit de consommation peu dispendieux, la morue de qualité inférieure était destinée aux ports des Antilles et du Brésil pour nourrir les esclaves des plantations. Plus tard, une fois affranchis, ces consommateurs continuèrent leur habitude de manger de la morue séchée.

Surtout pas les Québécois!
La morue séchée n'a jamais été très populaire auprès des Québécois. Dans les marchés des grands centres urbains, comme Montréal et Québec, on ne trouvait habituellement que de la morue d'automne, qui n'était qu'à demi-séchée, ou de la morue verte, qui n'était que salée.


LA PRÉPARATION DE LA MORUE:

Le tranchage
Dès que la barge arrivait à quai, les prises du matin étaient déchargées et préparées. Le tranchage, aussi appelé «habillage», exigeait précision et rapidité. Trois «habilleurs» placés autour d'un étal à trancher, apprêtaient quotidiennement des milliers de poissons:
1. le piqueur coupait la gorge de la morue et l'éventrait
2. le décolleur lui retirait le foie et les entrailles avant de lui casser le cou sur le bord de l'étal et de lui enlever la tête
3. le trancheur ouvrait le poisson complètement, détachait «l'arête principale» et la retirait.

Le salage
Dès que le poisson était vidé, on le salait pour en extraire l'humidité et tuer les bactéries. Des «coucheurs» plaçaient les morues dans des cuves à saler rondes. Ils les disposaient en cercle, la chair vers le haut. Lorsqu'une rangée était complétée, le maître-saleur déposait sur la partie charnue de chaque poisson le sel nécessaire pour le conserver sans le brûler.

Le lavage
Quand elle avait «pris son sel » la morue était lavée dans de grands bassins de bois remplis d'une eau légèrement salée. Munis de grandes vadrouilles, des ouvriers enlevaient le sel et les dernières impuretés.

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Des ouvriers lavent la morue  dans un entrepôt de la compagnie Robin.

Le séchage «Le soleil de partance»
Quand la morue avait séjourné dans les entrepôts pendant un mois ou deux elle était étendue sur la grave pour prendre un dernier «soleil» . On s'assurait ainsi qu'elle était débarrassée de toute son humidité et qu'elle était bien sèche pour l'expédition.

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Séchage de la morue sur la grève (la « grave»)

Le pressage
Cette peinture d'Eugène Klimot en 1954 illustre l'emploi des presses à l'intérieur d'un entrepôt de Carleton. À cette époque, la morue était souvent expédiée dans des boites de bois ou des barils de 1 quintal (52 kilos ou 112 livres).

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Pressage de la morue dans les barils

Plusieurs catégories

Le «culler» déterminait les catégories de morue La morue séchée exportée par le marchand ne provenait pas uniquement de son propre établissement de pêche. La plus grande partie lui était livrée par les pêcheurs de la côte qui préparaient eux-mêmes le poisson. De là le besoin de contrôler la qualité de la morue Le «culler», personnage fort controversé, avait la responsabilité d'inspecter, de classer et conséquemment de fixer le prix de la morue livrée par les pêcheurs.

Le «culler» voyait défiler des échantillons de morue séchée devant lui. En pressant le poisson de son pouce, il pouvait juger de sa qualité. Si la chair était ferme et poudreuse, le poisson était considéré de qualité marchande; dans le cas contraire, il était déclassé.

Le poisson de qualité inférieure. Cette catégorie regroupait les morues graisseuses, brûlées par le sel, cassées, molles, mal tranchées, mal séchées ou «breumeuses», c'est-à-dire comportant des taches. Ce produit portait souvent le nom de sa destination:
  • B.B. (ou Barbades)
  • West Indies (marché des Antilles)
Le-Sculler
Le «culler» (du verbe anglais to cull : choisir)

Les différents formats de la morue :

La taille du poisson était un deuxième critère de classification. On distinguait la morue:
  • extra grosse
  • grosse
  • médium
  • petite
  • extra petite
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Navire transatlantique fin XIXe.

Destination: Naples

Naples était le principal port de débarquement de la morue gaspésienne. Civitavecchia, le port de Rome, et les ports d'Ancône et de Bari sur l'Adriatique, étaient aussi des destinations habituelles. Grands consommateurs de morue séchée, les Italiens s'approvisionnaient aussi en Norvège, à Terre-Neuve et au Labrador à prix concurrentiels Cependant, le climat de la Gaspésie permettait de sécher la morue plus vite et donc de l'expédier avant ses concurrents.

Cette liste de navires enregistrés à Naples, en 1869, illustre bien la concurrence qui opposait les pays producteurs de morue séchée pour la conquête du marché italien. Remarquez que c'est un bateau de la William Fruing and Co. provenant de Gaspé qui est en tête de liste. Il était arrivé trois semaines avant le premier navire norvégien et un mois avant le premier navire terre-neuvien.

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Grande-Grave : devant le Magasin Hyman, Mathieu et Gabriel

Nous faisons ensuite un tour dans la maison Dolbel-Roberts. Elle présente le peuplement et quelques éléments de l’histoire de la Gaspésie, ainsi que le drame vécu par les habitants des villages et hameaux expropriés pour la création du parc national dans les années 1970.

MAISON DOLBEL-ROBERTS

Construite vers 1915, la maison Dolbel-Roberts se distingue des maisons voisines à flanc de coteau de Grande-Grave. Elle adopte une version sobre de la maison de style cubique, ou Foursquare. Deux familles y ont vécu successivement : les Dolbel et les Roberts.

Les Dolbel, agents de la Fruing de père en fils
Arrivé de Jersey en 1861, Alfred William Dolbel est d'abord engagé comme commis auprès de la compagnie Fruing à Shippagan, au Nouveau-Brunswick. Quelque 10 ans plus tard, il dirige l'établissement Früing de l'Anse-au-Griffon, puis celui de Rivière-au-Renard, et enfin, de 1885 à 1901, le quartier général des Fruing, à Grande-Grève.
Son fils aîné, Alfred Henry Dolbel, suit ses traces. Il entre chez la Fruing comme commis, et il en est agent lorsqu'il achète la propriété, en 1915. Quand la Fruing déclare faillite, le 28 avril 1917, Alfred H. Dolbel délaisse le commerce de la morue pour l'industrie forestière. En 1921 il déménage avec sa famille à L'Anse-aux-Cousins.

Les Roberts, une famille pionnière
Les Roberts comptent parmi les familles pionnières de la péninsule de Forillon. Résident de Seal Cove, près de Douglastown, George Roberts achète la propriété d'Alfred Henry Dolbel en 1926. Cultivateur et pêcheur de métier, il partage sa maison avec son épouse, Alice Piton, native de Cap-aux-Os, et leurs 10 enfants. Leur fille Audrey sera la dernière propriétaire des lieux. Elle, son époux, Frederick Morency et leur fils Allen, habiteront la maison de 1959 jusqu'à l’expropriation, en 1970.

Grande-Grave-Maison-Dolbel-Roberts
Grande Grave : la Maison Dolbel-Roberts

Plage-de-Penouille
Plage de Penouille
Après notre exploration de ce coin du parc, Juliette décide de nous emmener à la plage de Penouille où nous allons passer la fin de l’après-midi. Je resterai à prendre un peu de repos dans le Promaster et à jaser avec Mathieu tandis que Juliette et Hermione vont se tremper les orteils dans l’eau trop fraiche pour nous. Petite plage de sable agréable, mais un peu trop encombrée de troncs flottés à mon goût, tandis qu’algues et rochers rendent la descente et le bain peu attirants selon Hermione. Nous y passerons un bon moments, mais finissons par quitter le stationnement interdit aux campeurs la nuit. De toute façons il est rendu trop bruyant par un chantier routier voisin.

Mathieu repère sur Google Satellite le petit stationnement au départ du Sentier du Portage dont les 10 km traversent la presqu’île du nord au sud. Un peu à l’écart de la route, non fréquenté à cette heure, il conviendra parfaitement à notre bivouac malgré (une fois encore !) la pancarte y interdisant le stationnement nocturne. Au besoin l’absence de place dans les campings du coin nous servira d’excuse…


86 850 Vendredi 9 août 2024 : de FORT PÉNINSULE au départ du Sentier Le Portage (30 km) (3,5 km à pied)

Du Sentier du Portage au Sentier du Portage
Du Sentier du Portage au Sentier du Portage

Bivouac-a-l'entree-sud-du-Sentier-du-Portage

À 9:15, la bonne humeur des enfants aidant, nous sommes prêts à lever un camp qui fut des plus tranquilles et silencieux, confirmant le bon choix de notre pilote.
Nous gagnons aussitôt le Fort Péninsule, l’une des trois batteries construites en 1942 pour protéger la base navale alliée de la baie de Gaspé face aux bâtiments et surtout aux sous-marins allemands qui coulèrent une vingtaine de navires lors de la Bataille de l’Atlantique. Un filet tendu entre les deux rives et des navires patrouilleurs complétaient le dispositif, si efficace que la batterie ne fut jamais sollicitée… Deux canons de marine de 120 mm dont les fûts émergeaient des deux casemates garnissaient la «forteresse», bien modeste à côté des batteries dont les Allemands avaient truffé la côte normande… Fort-Peninsule-canon-no.1
Fort-Péninsule, Canon No.1

Nous retournons ensuite sur le plage de Penouille pour une bonne séance de farniente qui nous reposera de nos récentes et incessantes pérégrinations.

Penouille-balade-en-quadricycle-la-Taiga-Jean-Paul-et-Hermione-au-retour
Penouille-balade-de-la-Taiga-en-quadricycle
Penouille : balade de la Taiga en quadricycle

Penouille-balade-de-la-Taiga
Penouille : balade de la Taiga

Juliette achève cet après-midi relax en proposant une balade en quadricycle sur le sentier de la Taiga. Nous voilà donc embarqués dans deux de ces étranges véhicules qui suivent le cordon littoral de la Baie de Penouille, en partie parcouru par une passerelle  en bois 
suspendue au dessus d'une zone marécageuse. Trajet paisible et agréable en compagnie d’Hermione qui pédale de bon cœur et sans excès, tandis que Gabriel associé à Mathieu en fait le prétexte d’une course effrénée… Retour plus tranquille en compagnie de Juliette !

Penouille arrivee-au-bout de la balade-de-la-Taiga
Penouille : arrivée au bout de la balade de la Taiga

Plage-de-Penouille-baignade.
Plage de Penouille : baignade.solitaire en fin de journée
Après une dernière baignade sur la plage qui se vide progressivement sous un ciel chargé, nous retournons en soirée souper et dormir sur le parking du Portage qui nous a si bien réussi la nuit dernière.


Samedi 10 aout 2024 : du départ du Sentier Le Portage au MONT BÉCHERVAISE (28 km) (860 m)

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De Pénouille au Mont Béchervaise

Après une autre nuit des plus tranquilles en ces lieux retirés, retour au centre ville de Gaspé pour faire quelques courses au SuperC  où nous trouvons à prix abordable à peu près tout ce qui nous manquait.

En après-midi nous allons piqueniquer puis «chiller» sur la plage d’Haldimand, Nous déciderons enfin d’aller poser notre bivouac du soir sur le grand stationnement désert de la station de ski du Mont Béchervaise. Vue étendue sur la côte vers le sud et l’est, et superbe ciel semé d’étoiles que Mathieu et Hermione ne se lassent pas d’admirer.

Bivouac-sur-le-parking-de-la-station-du-Mont-Bechervaise
Bivouac étoilé sur le parking devant la station de ski du Mont Béchervaise


Dimanche 11 août 2024 : du MONT-BERCHEVAISE à PABLOS MILLS (190 km) (4,5 km)

Du-Mont-Bechervaise-a-Pabos-Mills
Du Mont Béchervaise à Pabos Mills

Bivouac-sur-le-parking-de-la-station-du-Mont-Bechervaise
Bivouac sur le parking devant la station du Mont Béchervaise
Rien ne troublera notre sommeil dans les hauteurs et un grand soleil brille à nouveau à notre lever. Nous regagnons Gaspé et la route côtière pour voir défiler les villages de la côte est de la péninsule : Seal Cove, L’Anse-à-Brillant, Bois-Brûlé, St-Georges-de-la-Malbaie…
Coup d’œil en passant au Rocher à Tête d’Indien, avant d’arriver à la Pointe St-Pierre, une petite réserve ornithologique protégée au bord d’une anse débordante de fleurs sauvages. Juliette, Mathieu et moi y faisons un petit tour pour jouir du paysage agreste préservé, des espaces fleuris et des vues sur les rochers et la plage de sable rouges. Rocher-Tete-d'indien
Le Rocher à Tête d’Indien

Pointe-St-Pierre.
Pointe St-Pierre : lande fleurie

Pointe
            St-Pierre.
Pointe St-Pierre : vers la pointe


Pointe St-Pierre : l'anse et le hameau

Pointe-St-Pierre
Pointe-St-Pierre : rochers et plage
Pointe St-Pierre : rivage rocheux
En nous rapprochant de Percé, nous bifurquons sur une mauvaise piste poussiéreuse qui mène au Parc de la Rivière Émeraude, repéré par Juliette.

Au delà du grand parking en cours d’aménagement, et au bout d’un joli sentier sous les arbres, une volée de marches en bois dégringole jusqu'au lit de galets d'un torrent aux eaux bleu-vert, précédé d’une cascade d'une dizaine de mètres.
Chute-de-la-Rivere-Emeraude
Chute de la Rivière Émeraude
Chute-de-la-Riviere-Emeraude
Chute-de-la-Riviere-Emeraude
Chute et bassin de la Rivière Émeraude
Nous y passons la matinée sans Hermione restée dans la voiture; Juliette puis Mathieu et enfin Gabriel se baigneront dans l’eau très fraîche se déversant dans un bassin bleu-vert au pied de la cascade. Puis nous prendrons le soleil un moment dans ce cadre paradisiaque, entourés de quelques autres visiteurs venus se baigner, patauger ou piqueniquer en famille dans le lit caillouteux du torrent. Chute-de-la-Riviere-Emeraude
Mathieu et Juliette dans l'eau très fraiche du bassin. Gabriel suivra plus tard...

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En quittant la chute de la Rivière Émeraude

Descente-sur-Perce
Descente sur Percé
Nous voilà en pleine forme pour gagner enfin le village de Percé tout proche. L'arrivée impromptue en haut de la côte offre une vue spectaculaire sur le site réputé.
Mais plutôt que de consacrer notre passage aux rues toutes dédiées au tourisme commercial (restaurants, hôtels, buvettes et autres boutiques de souvenirs…) j’ai pensé faire la balade menant au sommet du Mont Sainte-Anne qui domine le site renommé. Nous avons en effet renoncé à l’excursion à l’Île Bonaventure beaucoup trop coûteuse (48 $/personne !) et trop centrée sur l'ornithologie.
Nous faufilant à travers les petites rues jusqu’à l’église nous tentons d’y stationner nos véhicules mais l’espace y est rare et dispendieux. De plus le chemin carrossable qui mène au belvédère est maintenant interdit aux véhicules à moteur… Déçus, nous devons là aussi renoncer, d’autant plus qu’entreprendre la montée de 2,6 km, (60 mn à pied) sur le chemin pentu et exposé plein sud, nous paraît un défi un peu élevé en plein midi !
Nous rejoignons donc la rue principale qui traverse la village, envahies par une foule de vacancier qui déambulent entre les terrasses des cafés et restaurants… et poursuivons jusqu’à la Côte Surprise d’où se dévoile une vue bien dégagée sur le fameux Rocher et son trou.

Je contourne le jardin de l’Hôtel La Côte Surprise qui bouche partiellement la vue, mais voilà qu’une employée qui ramassait les déchets sur le terrain commence à me demander ce que je fais là, d’un ton courroucé en s’apprêtant à m’en chasser. Je réponds vertement en évoquant la tournure «exploitation à outrance du touriste» dans ce joli village, prends ma photos et tourne les talons, décidé à quitter immédiatement son territoire si peu accueillant.
Perce-le-Rocher-depuis-la-Cote-Surprise
Percé : le Rocher depuis la Côte Surprise

Nous achevons le plein de nos citernes sur le robinet de la halte municipale juste au dessus du point de vue, puis repartons en suivant la côte sur la Route 132.

Notre dernier arrêt de la journée sera pour la distillerie La Société Secrète installée à Cap d'Espoir dans l’église anglicane St James désaffectée.

Cap-d'Espoir-Eglise-St-James-siege-de-la-distillerie

















                  La Societe-Secrete.
Cap d'Espoir : l'église anglicane désaffectée St-James,
siège de la distillerie
La Société Secrète.

Cap-d'Espoir-dans-l'Eglise-St-James-distillerie-la-Societe-Secrète
Une belle production variée.


Après avoir apprécié le décor un brin kitch des alambics et autres appareils trônant dans le chœur sous la lumière colorés des vitraux… j’y dégusterai un alcool de pomme excellent en bouche, mais auquel manque l’arôme que développent
nos fameux Calvados normands familiaux après des années de fût. Pour sa part Juliette se laissera tenter par une bouteille d’alcool de bleuet, typiquement régional.

Cap-d'Espoir-Eglise-St-James-alambics-dans-le-choeur
Trilogies vitraux alambics...

Cap-d'Espoir-Eglise-St-James-Hermione-et-Gabriel
Hermione et Gabriel dégustent un sorbet aux parfum délicat

Passés le Cap d’Espoir et son phare aperçus depuis la route, celle-ci s’infléchit vers l’ouest pour former la rive nord de la Baie des Chaleurs. Nous passons Grande Rivière, Pabos, Chandler et finissons par arriver à Pabos Mills, fixé comme but pour l’étape de ce soir. Juliette y a réservé une place dans le camping municipal tandis que je bivouaquerai sur le petit stationnement en avant, au pied de la dune séparant la petite route de la plage.


Lundi 12 aout 2024 : de PABLOS MILLS à NEW RICHMOND (120 km) (2,5 km à pied)

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De Pablos Mills à Richmond
<
Pabos-Mills-bivouac-devant-le-camping
Bivouac du ProMaster devant le camping du Bourg de Pabos
Beau temps ensoleillé aujourd’hui encore avec nuages dispersés qui donnent du relief au grand ciel bleu. En attendant mes compagnons de route qui déjeunent tranquillement dans leur camping, je consacre le début de la matinée à une longue promenade sur la plage et sur la dune contigüe où l'on a ménagé des campements isolés et noyés dans la végétation.

Plage de Pabos Mills près du camping
Plage de Pabos Mills près du camping

Pabos-Mills : la Bolt et son équipage au camping
Au camping de Pabos Mills : l'équipage de la Bolt prend le ptit déj'...
Pabos-Mills-au-camping-Gabriel-se-retire-dans-sa-tente
...puis Gabriel se retire dans sa tente !

Mes compagnons de route me rejoignent à l’entrée du camping passé 10:00 et nous allons goûter les plaisirs de la mer quelques kilomètres plus loin à Newport, sur la Plage des Beaux Sables. Celui-ci est assez fin et surtout très propre, ce qui n’est pas si fréquent… Nous y passerons un moment jusqu’au déjeuner, mais l'eau trop froide nous dissuadera de nous y baigner. La Route 132 suit de près la côte, pointillée de villages aux noms évocateurs : Gascons, Port-Daniel, Shigawake, Hope Town et enfin Paspébiac où nous visiterons le Site historique du Banc de Pêche.

Banc-de-Paspebiac-entrée-du-site-historique
Banc de pêche de Paspébiac : entrée du site historique


SITE HISTORIQUE DU BANC DE PÊCHE DE PASPÉBIAC

C’est en 1767 que la compagnie Charles Robin (originaire de Jersey) établit son quartier général à Paspébiac. L’entreprise devient un véritable empire au 19e siècle. Dans le golfe du Saint-Laurent, elle possédait plus d’une trentaine de postes de pêche, que ce soit au Québec, au Nouveau-Brunswick ou en Nouvelle-Écosse. À partir de Paspébiac, elle dirige un vaste réseau de collecte, de transformation et d’exportation de morue séchée vers les marchés d’Europe, des Antilles et du Brésil. Au retour, ses navires rapportent des produits qui sont revendus à d’autres marchands ou dans ses propres magasins généraux.

En 1838, avec l’arrivée de la compagnie Le Boutillier Brothers (autres jersiais), le banc de Paspébiac devient une plaque tournante du commerce international de la morue. Comptant 80 bâtiments, c’est un village grouillant d’activités : quais, ateliers, forges, dortoirs, entrepôts, bureaux… À l’époque, c’est même l’un des plus grands chantiers navals du pays. Si elle fut l’une des grandes entreprises de son époque, la compagnie Robin a cependant été l’objet de vives critiques. Avec son système de crédit, elle a souvent créé l’endettement, la dépendance et la pauvreté des pêcheurs. En 1886, à la suite de la faillite de la Banque de Jersey, le banc de Paspébiac est le théâtre d’une véritable émeute. Menacés de famine, les habitants se voient contraints de piller les entrepôts de la compagnie.

En 1964, un violent incendie détruit la majorité des bâtiments du banc de Paspébiac. Dans les années qui suivent, ceux qui restent sont tout simplement laissés à l’abandon. C’est grâce à l’action d’un groupe de citoyens de Paspébiac qu’ils ont pu être sauvés, restaurés et mis en valeur. Ce patrimoine unique, témoignant de l’histoire des pêches dans le golfe du Saint-Laurent, est désormais classé par les gouvernements du Québec (1981) et du Canada (2001).

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Paspébiac : barques sur la grève
Les pêcheurs

Dans les petits établissements, la morue est pêchée et transformée entièrement par les familles de pêcheurs. Dans les grands établissements, comme à Paspébiac, les compagnies recourent plutôt à des engagés saisonniers.

Le banc de Paspébiac en 1870

À son apogée, le banc de Paspébiac est l'un des rares établissements de pêche d'envergure industrielle de l'Est du Canada. Durant l'été, c'est une ville grouillante d'activités avec des centaines d'employés : pêcheurs, graviers, constructeurs de navires, marins, capitaines et administrateurs.
Paspébiac vue ancienne
Paspébiac : vue ancienne avec l'entrepôt de la puissante CRC (Charles Robin Company)

Dans le Banc de pêche de Pasbebiac Gabriel
                    s'instruit
Dans le Banc de pêche de Paspébiac Gabriel s'instruit
devant les vigneaux sur lesquels on séchait le poisson

Banc-de-Pasbebiac-Hermione-et-la-palangre
Banc de Paspébiac : Hermione devant une palangre,
ligne aux hameçons multiples tirée par le pêcheur derrière sa barque


Nous passerons plus de deux heures à circuler sur le banc (autrefois bande sableuse entre mer et barachois) où demeurent 11 bâtiments anciens témoignant de ce riche passé industriel et humain. Ils ont maintenant été à peu près totalement restaurés et ont repris en partie leurs fonctions : un forgeron fabrique des clous et explique son art dans la forge équipée à l'ancienne, dans son atelier un charpentier montre la technique de construction des embarcations, dans l'entrepôt près de la tonnellerie sont alignés les tonneaux dans lesquels on conserverait la morue après avoir été pressée dans un autre local et avant d'être expédiée dans le monde entier.

Banc-de-Paspébiac : chez le forgeron
Banc de Paspébiac : chez le forgeron

Banc de Paspebiac : chez le tonnelier
Banc de Paspébiac : chez le tonnelier

Paspebiac-presses-a-morue
Paspébiac : presses à morues

Banc de Paspébiac : le grand entrepôt Le
                    Boutillier
Banc de Paspébiac : le grand entrepôt des Le Boutillier Brothers
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Banc de Pasbebiac : Jean-Paul dans l'entrepôt


Paspebiac-dans-le-grand-entrepot-Le-Boutillier
Paspébiac : dans le grand entrepôt Le Boutillier

Beaucoup d'informations figurent sur les panneaux d'exposition, accompagnant de nombreux artefacts judicieusement disposés. L'accent est particulièrement mis sur la dure condition des pêcheurs, lourdement hypothéquée par les aléas d'une exploitation hasardeuse et variable de la ressource tout comme par la rigueur d'un système capitaliste guère régulé par autre chose que la loi du profit...

Après cette longue et intéressante visite qui nous mène jusqu'en milieu d'après-midi, nous continuons à suivre la côte vers l'ouest, passons New Carlisle sans nous arrêter à l'Espace René-Levesque qui ne suscite guère l'intérêt de mes compagnons. Le Musée acadien du Québec à Bonaventure ne nous retiendra pas plus, puisque nous avons amplement découvert la problématique acadienne lors de notre voyage de l'an passé au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle Écosse.

En fin de journée nous ferons un petit arrêt chez une cousine de Mathieu qui, fuyant la grande ville, est venue se mettre au vert ici avec ses chats. Elle a acheté une vieille maison qu’elle retape elle-même progressivement. Décor orignal, quelque peu kitch… Gabriel et le chat de la cousine à
                    New-Richmond
Gabriel et le chat de la cousine de New-Richmond

Puis nous gagnons le centre de New-Richmond où Juliette a repéré une borne de niveau 2 sur laquelle la Bolt restera branchée une partie de la nuit, lui permettant de repartir chargée à 100 % demain matin. La petite place en arrière de la salle de spectacle municipale est déserte, et le gros bâtiment nous isolera confortablement du passage sur la rue principale. Au sud, une petite falaise tombe directement sur la plage de galets... Pas de bruit à craindre de ce côté là !


Mardi 13 aout 2024 : de NEW-RICHMOND à ESCOUMINAC FLATS (72 km) (1,1 km)

De-New-Richmond-a-Escouminac-Flats
De New-Richmond à Escouminac Flats

New-Richmond : la
                    côte-de-la-Baie-des-Chaleurs-sous-notre-bivouac
New-Richmond : la côte de la Baie des Chaleurs sous notre bivouac
Après un lever tardif sur notre petit stationnement désert et paisible, nous allons passer la fin de la matinée au Parc de la Pointe Taylor. Juliette et Gabriel font un tour de kayak de mer dans la baie, puis Gabriel fait plusieurs fois le tour du parc et des environs sur un vélo électrique loué par sa mère.

Nous déjeunons avant de reprendre la route pour aller visiter un peu plus loin à Gesgapegiag, au bord de la rivière Cascapedia, le Rucher des Framboisiers, également producteur d’hydromel Forest. Juliette y fait provision d’un seau de miel de plusieurs kilos…

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Gesgapegiag : devant la miellerie John-Forest

Gesgapegiag : le jardin mellifere au bord de la
              rivière
Gesgapegiag : le jardin mellifère au bord de la rivière Cascapédia

En passant Maria, réserve mig’mac je cherche en vain à apercevoir l’église en forme de wigwam  que nous avions visité en 1972 et qui figurait encore dans les guides et sur l'Internet jusqu’en 2018. Sa silhouette typique a tout simplement disparu à l’adresse indiquée (100, bd Perron, id. Rte 132) ! Incendie, démolition ?

J’avais prévu de monter jusqu’à l’église N-D du Mont Saint Joseph, 555 m au dessus de Carleton/Mer, qui offre une vue exceptionnelle sur la côte et les montagnes de l’arrière-pays. Mais le ciel de plus en plus couvert et le plafond bas nous dissuadent de faire cette excursion au demeurant exigeante pour nos véhicules bien chargés… Nous passerons donc tout droit sans nous arrêter à Carleton/Mer pour nous rapprocher du fond de la Baie des Chaleurs et de ses deux parcs historiques de premier plan : Miguasha et Ristigouche. Pour visiter le premier demain matin, nous quittons la Rte 132 à Nouvelle pour rejoindre la petite route côtière menant au Centre d’Interprétation du site paléontologique et trouver un bivouac à proximité. Nous devrons parcourir sur cette petite route rurale presque une dizaine de kilomètres avant de décider de nous arrêter sur la berme d’une section en cul de sac, entre asphalte et eau. Tranquillité absolue pour voir la nuit tomber, souper et se coucher tôt.

Baie-d'escouminac-bivouac
Bivouac sur la berme au bord de la Baie d'Escouminac


Mercredi 14 août 2024 d’ESCOUMINAC FLATS à POINTE-AU-PÈRE (232 km) (2,8 km)

Escouminac-Flats à Pointe-au-Père
D'Escouminac Flats à Pointe-au-Père

Baie-d'Escouminac-bivouac
La Baie d'Escouminac et ses troncs flottés
Nuit totalement silencieuse et sans aucun passage immédiatement au bord de l’eau.

Nous décollons assez tôt cette fois pour gagner sous un ciel encore très gris le Parc National de Miguasha, consacrés à un extraordinaire site fossilifère du Dévonien, «l’Âge des poissons» (-370 millions d’années).

Baie-d'Escouminac-bivouac-au-bord-de-l'eau
Baie d'Escouminac : bivouac au bord de l'eau

Miguasha
L’importance de ce gisement, une petite falaise composée de sédiments déposés dans un estuaire équatorial de l’époque, a d’ailleurs été soulignée par son inscription au Patrimoine mondial de l’UNESCO).


LES DÉBUTS DE LA VIE



Au temps du PRÉCAMBRIEN
De -4,6 milliards à -543 millions d'années*
*Les âges des périodes géologiques citées dans l'exposition sont tirés de l'Union internationale des sciences géologiques : Commission internationale de Stratigraphie, 2001.

Les patients débuts de la Vie
Il y a 3,9 milliards d'années, les premières formes de vie apparaissent sur notre planète*. Dans les océans, des communautés d'organismes microscopiques préparent la venue de formes plus complexes en produisant par leurs activités de l'oxygène - processus infiniment lent...
Ces organismes à une seule cellule domineront les mers pendant plus de 2 milliards d'années - 90 % de l'histoire de notre Terre se déroule au Précambrien ! À quel moment les premiers multicellulaires apparaissent-ils ? Nul ne le sait exactement. Chose certaine, des animaux primitifs à corps mou existent il y a 600 millions d'années.
* La Terre elle-même est âgée de 4,6 milliards d'années.


Au temps du CAMBRIEN
De -543 à -495 millions d'années

La vie explose !
Alors qu'il avait fallu plus de 3 milliards d'années pour produire les premières formes de vie animale, voilà que brusquement, les souches ancestrales de presque tous les grands groupes d'animaux actuels, y compris les poissons, se mettent en place.
Une période d'expérimentation biologique intense débute.  De nouveaux types d'organismes se répandent à travers les océans. et disparaissent parfois aussi vite qu'ils sont apparus ! Nombreux sont ceux qui se dotent d'un squelette externe protecteur.
Un site fossilifère canadien témoigne de ce formidable « big bang » du vivant : celui de Burgess, en Colombie- Britannique, reconnu comme Site du patrimoine mondial de l'UNESCO.

Au temps de l'ORDOVICIEN
De -495 à -440 millions d'années

La vie se diversifie...
Des millions et des millions d'années aidant, les fonds marins ressemblent de plus en plus à ceux d'aujourd'hui.
La vie aquatique se déploie en des milliers d'espèces, dans un foisonnement délirant de formes - dont certaines, déjà, nous sembleraient familières : coraux, étoiles et lys de mer, coquillages, nautiloides* de diverses tailles, poissons... Les communautés animales se multiplient et deviennent plus complexes.
* Sortes de « pieuvres » à coquille. Voyez l'illustration.

Au temps du SILURIEN
De -440 à -417 millions d'années

... de plus en plus !
Événement majeur de cette période, la vie terrestre apparaît : quelques plantes commencent à verdir les continents, et les premiers invertébrés - animaux sans colonne vertébrale - à y poser leurs pattes.
L'évolution poursuit aussi son œuvre dans les océans.  Les premières grandes barrières récifales s'édifient- communautés complexes de coraux, d'éponges, de bryozoaires... -, créant ainsi de nouvelles niches écologiques.  Et les poissons sont de plus en plus diversifiés. Bientôt, ils domineront les eaux. Bienvenue dans les eaux du « paléoestuaire » de Miguasha, au temps de l'« Âge des poissons » !


Ralentissons notre machine à voyager dans le temps.
390 millions d'années...     -380. -373.. -370.

Nous voici vers la fin du Dévonien, période géologique connue sous le nom de l'« Âge des poissons ». Un événement marquant de l'évolution s'y prépare : la conquête du sol par un animal doté d'une colonne vertébrale et de pattes.

Visiteur, oublie le temps présent et la Gaspésie qui t'entoure. Avance-toi plutôt dans les eaux tièdes de l'estuaire équatorial qui coule alors à Miguasha et... laisse les fossiles te raconter leur histoire.

Ta propre histoire de Vertébré.


Miguasha-Millipede
Miguasha : Millipèdes ancien et actuel

Miguasha-Hermione-et-Gabriel-devant-les-fossiles
Hermione et Gabriel devant les fossiles de Miguasha
Le tour de la longue galerie « De l’eau à la terre» consacrée à l’évolution de la vie, met l’accent sur les espèces de poissons qui font la transition avec les tétrapodes (animaux à 4 pattes) grâce à l’ossature de ses nageoire et sa capacité de respirer. Il s’agit principalement du «Prince de Miguasha», l’Eusthenopteron foordi, dont on a découvert ici pas moins de 3000 spécimens et que l’on a qualifié de «poison avec des pattes».

Miguasha-Eusthenopteron-foordi
Miguasha : Eusthenopteron foordi Le "Prince de Miguasha"

Eusthenopteron foordi occupe une place centrale dans l'évolution des vertébrés Ce spécimen est le plus complet découvert jusqu'à maintenant. L'animal mesurait près de 90 centimètres !

Miguasha-Eusthenopteron-foordi
Ossature de la nageoire pectorale d'Eusthenopteron
(moulage en plâtre), prémice des pattes des tétrapodes


Gabriel-devant-Dunkleostus-Terelli
Miguasha-Dunkleostus-Terelli
N'ayez pas peur !
Ce n'est qu'un moulage grandeur nature du crâne et du thorax de
Dunkleosteus terrelli. Ce poisson, l'un des plus gros prédateurs des mers dévoniennes, n'a jamais nagé à Miguasha. Il vivait dans les mers chaudes de la région de Cleveland en Ohio aux États-Unis.  Profitez-en pour observer les redoutables mâchoires cisaillantes.


Dans une salle voisine trône l’Elpistostege watsoni, dit le «Roi de Miguasha», un autre poisson de la même époque dont l’unique fossile complet découvert en 2010 a été qualifié lui aussi d’ancêtre des tétrapodes.

Fossile de Elpistostege watsoni, le «Roi-de-Miguasha
              » (-375 millions d'années)
Fossile de Elpistostege watsoni, le «Roi de Miguasha » (-375 millions d'années)

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Reconstitution grandeur nature d' Elpistostege watsoni « le Roi de Miguasha »

Nous quittons ces galeries fort bien documentées et illustrées pour rejoindre un groupe en visite organisée sur la plage toute proche.

Accompagnés d’un guide naturaliste, nous découvrons la falaise fossilifère très érodée, lieu des découvertes qui ont rendu le site fameux, et qui continue de livrer régulièrement des spécimens aux chercheurs.
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Sur la plage au pied de la falaise Mathieu examine des pierres éboulées
Miguasha-notre-guide-sur-la-plage-fossilifere
Notre guide sur la plage fossilifère de Miguasha
Miguasha-fossile-sur-la-plage
Une trouvaille sur la plage...
Chacun marche avec précaution sur le lit de cailloux, espérant y découvrir une quelconque empreinte dans les pierres libérées au pied de la falaise abrupte qui s’écroule progressivement sous l’effet de l’érosion... Miguasha-Mathieu-et-Jean-Paul-sur-la-plage
Mathieu et Jean-Paul sur la plage de Miguasha

Après cette belle visite qui nous ramène à nos origines nous déjeunons et reprenons la route vers le fond de la Baie des Chaleurs pour (re-)découvrir un événement beaucoup plus récent qui bouleversa l’histoire du Québec : la bataille de la Ristigouche.

Bataille-de-la-Ristigouche-1760
Comme l’indique la plaque de la Commission des lieux historiques du Canada, «en mai 1760, une flottille de secours française, renonçant à rallier Québec se retira à la tête de la Baie des Chaleurs. Une escadre britannique les bloqua à compter du 22 juin. Appuyés d’Acadiens et de Micmacs, les Français installèrent des batteries sur les rives et obstruèrent le chenal. Ils voulaient ainsi empêcher l’adversaire de s'approcher de leurs navires, ancrés en retrait dans l’estuaire de la Ristigouche. Les Britanniques eurent raison des obstacles et le 8 juillet 1760, les bâtiments français se sabordèrent après quelque sept heures de combat»



LA BATAILLE DE LA RISTIGOUCHE

Après avoir séjourné pendant plus de 200 ans au fond de l'estuaire de la Ristigouche, l'épave du Machault révèle enfin ses secrets. Grâce aux fouilles subaquatiques réalisées par les archéologues de Parc Canada de 1969 à 1972, une vaste collection d'objets a été mise au jour. Ces artefacts ont contribué à l'avancement des connaissances sur la bataille ainsi que sur les échanges commerciaux qu'entretenaient la métropole et la colonie à cette époque.

L’Histoire. Dans un dernier effort pour soutenir sa colonie, la France dépêche une mission de secours en Nouvelle-France. Cinq navires marchands faiblement armés, escortés par la frégate Le Machault (26 canons) commandé par le Lieutenant François Chenard de la Giraudais, appareillent du port de Bordeaux, le 10 avril 1760. Chargés de 2 000 tonneaux de vivres et de munitions, les six voiliers transportent 400 hommes de troupe. Suite à divers incidents, seuls Le Machault, Le Bienfaisant et Le Marquis-de-Malauze se retrouvent dans le golfe du Saint-Laurent, le 15 mai 1760.

La stratégie. Ayant appris que des navires britanniques l'avaient précédé, La Giraudais, commandant de l'expédition, décide de se réfugier à la tête de la baie des Chaleurs, hors d'atteinte des vaisseaux britanniques. Le 18 mai, il ancre la flottille dans l'estuaire de la rivière Ristigouche. À cette époque, la petite agglomération de Ristigouche compte des réfugiés acadiens et quelque 150 familles micmaques. L'arrivée des navires français est providentielle pour cette population réduite à la famine. Nourrie et armée par les Français, elle se prépare à livrer bataille avec eux.

Pendant ce temps… Les Britanniques dépêchent, de Louisbourg, une escadre de cinq vaisseaux de guerre commandée par le capitaine Byron. Le 22 juin, la flottille française se retrouve bloquée au fond de la baie des Chaleurs. Devant la supériorité britannique, La Giraudais retraite vers l'intérieur. Il espère que les vaisseaux britanniques, avec leur fort tirant d'eau, ne pourront s'engager dans le chenal donnant accès à l'estuaire. Une batterie de canons est aussi installée sur la rive nord de la rivière Ristigouche. Le Machault est gardé dans le chenal, derrière un barrage de goélettes que le commandant a fait saborder pour obstruer le passage.

Plan de la Bataille de la Ristigouche
Plan de la Bataille de la Ristigouche

L'affrontement. Après plusieurs jours de tentatives pour trouver le chenal principal, les Britanniques réussissent, le 3 juillet, à se frayer un chemin. Le Machault doit se replier en amont. L'affrontement qui suit dure plusieurs jours, et la bataille est ponctuée de nombreux revirements. Le 8 juillet, devant l'inéluctable, le commandant La Giraudais fait saborder Le Machault et Le Bienfaisant afin d'empêcher les Britanniques de s'emparer des vivres et des munitions. Sans la présence de prisonniers dans ses cales, Le Marquis-de-Malauze aurait subi le même sort.

La fin des espoirs. Les secours tant attendus gisent maintenant au fond de la rivière. Privée de renforts et de ravitaillement, la Nouvelle-France capitule à Montréal le 8 septembre 1760. La nouvelle ne parvient à Ristigouche que le 23 octobre. Six jours plus tard, la petite garnison se rend. C'est donc ici que fut scellé le sort de la Nouvelle-France en 1760.

La visite du Centre d’Interprétation de Parcs Canada nous introduit à cette histoire de façon vivante avec des guides en costume qui présentent et expliquent, de nombreux artefacts dont une section complète de la coque du Machault telle qu’on l’a tirée de l’eau, et des éléments de sa cargaison (vaisselle, chaussures, outils, etc.)

Bataille-de-la-Ristigouche-ection en
                    coupe-de-la-coque
Section de la coque du Machault
Ristigouche-vaisselle-du-Machault
Vaisselle trouvée à bord du Machault : à gauche porcelaine de Chine,
à droite terre-cuite vernissée de fabrication française (1760)

cargaison-du-Machault-chaussures-de-cuir
Cargaison du Machault : chaussures de cuir (1760)

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Tonneau en chêne et son contenu de lard salé (1760)

Des dioramas montrent le Commandant La Giraudais faisant ses plans dans sa cabine, une section de l’entrepont garnie de hamacs en toile, et une autre où des matelots préparent de la nourriture… tandis que moult panneaux renseignant sur le travail de l’équipage, la vie dans l’entrepont dans des conditions d’hygiène pour le moins aléatoire, sans compter la présence constante de la vermine…

Ristigouche-conseil-dans-le-Machault
Le Commandant La Giraudais discute stratégie avec un officier

L'entrepont

C'est à ce niveau que matelots et soldats « s'empilent » pour dormir. L’exiguïté des lieux ainsi que l'obscurité et l'humidité qui y règnent rendent la promiscuité encore plus pénible.
Cent soldats et près de 150 matelots dorment dans cet espace restreint. Ils se partagent les hamacs à tour de rôle.

Le quart de travail et le service du navire
Le service du navire exige la soumission totale et le travail continuel de l'équipage. Les matelots sont divisés en deux équipes qui se relaient constamment à la manœuvre et à l'entretien du voilier : le quart de babord et le quart de tribord.
Ristigouche : l'Entrepont

Ristigouche-Hygiene L'hygiène

Même si l'on observe certaines mesures élémentaires d'hygiène, l'entassement des hommes dans l'entrepont, l'humidité constante, le froid et la saleté qui y règnent ainsi que la vermine qui y grouille font des navires des lieux privilégiés de contagion.

La vermine...
Elle est une réalité quotidienne pour les marins. Ce sont les rats qui hantent tous les recoins du navire, mais ce sont aussi ces compagnons tenaces que sont les poux, les morpions et les puces
.

Bataille-de-la-Ristigouche-maquette-du-Machault Nous apprécierons aussi la grande maquette très détaillée du navire dans l’entrée, à côté d’un superbe canoë mig’maq tout en bouleau exposé dans une salle voisine.
Ristigouche : Jean-Paul devan le canoe mig'mac
Jean-Paul devant le canoë mig'maq
Ristigouche-canoe-d'ecorce-de-bouleau-Mig'mac

Sur le terrain en avant du centre d'interprétation,  côté estuaire, s’étale une vue panoramique du site de la bataille. Là encore un grand plan et une reconstitution imagée permettent de situer les protagonistes, leurs mouvements et la malheureuse conclusion de l’affaire le 8 juillet 1760.

Bataille de la Ristigouche : le site naturel
Bataille de la Ristigouche : le site naturel

Bataille de la Ristigouche : reconstitution imagée
Bataille de la Ristigouche : reconstitution imagée


Et pourtant.. « La vue d'un pavillon français aurait opéré la reddition de la ville de Québec ».
Vaudreuil, Gouverneur de la Nouvelle-France

Les secours tant attendus n'arrivèrent pas et Québec ne fut pas reprise. La Nouvelle-France capitula le 8 septembre 1760.

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En quittant le Parc historique national de la Ristigouche, nous hésitons un peu à demeurer sur place ce soir, puisqu’il ne reste pas grand-chose à voir ici, d’autant plus que la journée est déjà bien avancée. Mathieu confirmant que la charge de la Bolt sera suffisante pour se rendre au moins jusqu’à Mont Joli, de l’autre côté de la péninsule gaspésienne, nous décidons de prendre la route pour aller bivouaquer au bord de l’eau à Pointe-au-Père, près de l’Onondaga.

Nous remontons donc longuement la vallée de la Matapédia assez torrentueuse et sauvage, passons Causapscal, Amqui, longeons le long lac Matapédia puis descendons vers Saint-Moïse, Sainte-Angèle-de-Merici pour enfin aller recharger la batterie de la voiture près de l’église de Mont-Joli. Nous profitons de la pause pour souper, puis rejoignons Ste-Flavie au bord du St-Laurent que nous longeons vers Ste-Luce puis jusqu’au Site historique maritime de la Pointe-au-Père. Il ne se trouve pas trop de VR sur le stationnement de la pointe, aussi nous installons-nous rapidement dans l’obscurité qui s’établit. La veillée sera courte après cette journée bien remplie...


87 496   Jeudi 15 août 2024 : de POINTE-AU-PÈRE à ST-JEAN-PORT-JOLI (220 km) (7,5 km)

De Pointe-au Père à St-Jean-Port-Joli
De Pointe-au-Père à St-Jean-Port-Joli

Pointe-au-Père : bivouac sur le stationnment
                    près du sous-marin
Pointe-au-Père : bivouac sur le stationnement près du sous-marin
Nuit silencieuse et reposante malgré l’affluence autour de nous, mais le ciel voilé au matin ne se dégagera pas vraiment. Nous ne nous attardons pas sur les lieux déjà visités à l’aller (sous-marin Onondaga et musée de l'Empress of Ireland), et décidons plutôt de faire une bonne balade dans la parc national du Bic, à une trentaine de kilomètre au sud de Rimouski.

Maquette
              du Parc du Bic vu depuis le fleuve
Maquette du Parc du Bic vu depuis le fleuve

Stationnant près du Camping Rioux Juliette, Mathieu et moi empruntons le Chemin du Nord qui suit la rive ouest de l’Anse à l’Orignal en passant l'Anse à Damase, l'Anse à Wilson jusqu’à l'Anse à Voilier. Nous la parcourrons sur le sable jusqu'au cap hérissé de rochers pointus qui la limite au nord.

Gabriel nous suit d’abord sur la piste cyclable parallèle avant de se lancer sur tous les autres parcours cyclables qui lui sont accessibles… tandis qu’Hermione est demeurée dans la roulotte !

Nous aurions bien aimé faire ensuite Le Tour Cap Orignal, mais la marée haute en bloque l'accès et nous forcera à faire demi-tour.
Parc-du-Bic-Maison-Rioux
Parc du Bic : près de la Maison Rioux

Parc-du-Bic : l'Anse à l'Orignal vers le sud
Parc du Bic : l'Anse à l'Orignal vers le sud

Parc-du-Bic-Anse-a-Wilson-et-Cap-aux-Eiders
Parc du Bic : Anse à Wilson et Cap aux Eiders

Parc du-Bic : sur la plage de l'Anse à Voilier
Parc du Bic : sur la plage de l'Anse à Voilier

La marée haute empêchant de rejoindre ensuite le Tour Cap à L’Orignal, nous revenons sur nos pas au bout de cette belle balade mi-forestière mi-marine.

Parc-du-Bic-panoramique-sur-l'Anse-a-l'Orignal
Parc du Bic : l'Anse à l'Orignal depuis sur la plage de l'Anse à Voilier

Déjeuner dans le stationnement près de l’entrée avant de reprendre la 132 vers l’ouest.

Nous roulerons ensuite dans le soir
qui descend d'abord pour gagner La Pocatière et recharger un peu la batterie sur une borne rapide, puis jusqu’à gagner le centre de St-Jean-Port-Joli où Mathieu va brancher la Bolt sur la borne en arrière de la Caisse Pop tandis que je m’installe à proximité pour passer la nuit.


87 726 Vendredi 16 août 2024 : de ST-JEAN-PORT-JOLI à MONTRÉAL (347 km) (2,3 km)

De-St-Jean-Port-Joli à Outremont
De St-Jean-Port-Joli à Outremont

Jean-Port-Joli-bivouac-devant-la-borne de
                    recharge derrière la Caisse-Pop
St-Jean-Port-Joli : bivouac devant la borne de recharge derrière la Caisse Pop
Bonne nuit sur notre parking désert, malgré la proximité de la 132, heureusement bien peu fréquentée avant 7:00…

Je commence par aller faire un tour du côté de l’église avec ses deux clochers, précédant le beau presbytère voisin. Le centre ville est coquet comme il sied à un village touristique comme celui-ci. Je regrette seulement que l’église construite en 1781 soit comme d’habitude fermée et que la vue sur le fleuve soit oblitérée par le gros bâtiment quelconque de l’école qui borde la place au nord.

St-Jean-Port-Joli-facade-de-l'eglise-1781.jpg
St-Jean-Port-Joli : façade de l'église (1781)
-St-Jean-Port-Joli-l'eglise.
St-Jean-Port-Joli : l'église côté sud

St-Jean-Port-Joli-presbytere
St-Jean-Port-Joli-presbytere
St-Jean-Port-Joli : l'ancien presbytère joliment restauré

Je traverse aussi le cimetière voisin, frappé par les prénoms féminins typiquement victoriens (Emma, Mathilda, etc.) inscrits sur les vieilles tombes.

La famille Archambault me rejoindra un peu plus tard pour découvrir le cœur du village, avant que nous reprenions la Route 132 vers l’est.

En roulant tranquillement (85-90 km/h) nous irons jusqu’à Beaumont, quelques kilomètres avant Levis, où j’aimerais montrer à mes compagnons le moulin et sa boulangerie. Si la boulangerie est ouverte et offre quelques pains et douceurs à nos affamés, le moulin qui nécessiterait d’amples travaux de sécurisation reste actuellement fermé. Le site offre néanmoins quelques beaux points de vue sur les eaux du réservoir dans lesquelles se reflète le bâtiment, et sur le fleuve limité au nord par les rives de l’Ile d’Orléans.

Beaumont-le-moulin
Beaumont : le moulin à cheval sur le torrent
Beaumont-l'Ile-d'Orleans-et-le-fleuve-en-aval
Beaumont : l'Île d'Orléans et le fleuve St-Laurent en aval

Beaumont : le moulin et sa retenue
Beaumont : le moulin, sa retenue et son bief

Nous sommes maintenant tout proches de Levis où je vais faire le plein d'essence sur la station service du Costco tandis que Juliette ira faire quelques emplettes dans l’entrepôt. Puis nous allons déjeuner au bord d’un parc dans un nouveau développement près de Place Normandie.

Nous nous séparons alors, Mathieu désirant prendre son temps pour rentrer à Montréal par la 132, tandis que j’irai au plus simple et direct en empruntant l’autoroute A20. Les 2 jeunes décident de m’accompagner, et ce sera ensuite 3 heures de roulage sans interruption dans l’air climatisé (la chaleur humide est à nouveau trop présente…) pour rallier la Métropole, avec seulement un bref arrêt au IKEA de Boucherville où je prends un accessoire demandé par Mathieu qui rénove sa cuisine. Nous serons dans la cour de la maison en fin d'après-midi.


88 132 Samedi 17 août 2024 : MONTRÉAL 

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