Janvier-février 2024

TURQUIE

Jean-Paul en solo à bord de l'Exsis


75 814 Jeudi 1er février 2024 : de AYVALIK à BERGAMA (95 km) (90 m, 0 ét.)

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D'Ayvalik à Bergama

Journée «off » puisque je renoncerai à retourner au centre d’Ayvalik, beaucoup trop étroit pour y trouver un stationnement et faire le petit tour dans les vieilles rues suggéré par le GV. Je profiterai plutôt du grand soleil pour trouver un espace dégagé en plein sud devant une plage un peu à l’écart de la route où je pourrai travailler sur quelques unes des photos Mourez laissées en plan depuis plusieurs jours. Le soleil frappant sous le meilleur angle (pour la saison) les panneaux solaires, ceux-ci garderont ma batterie chargée sans avoir besoin de faire tourner le moteur. Travaillant ainsi sans m’arrêter de 9:30 à 15 :30, sauf pause brunch, je réussis à compléter la restauration de deux douzaines de clichés (le tiroir No.5) qui viennent s’ajouter aux 6 autres déjà terminés. Ça avance, lentement mais ça avance!



Je dois m’interrompre lors de l’irruption d’une voiture de «jandarma» qui vienne installer sur mon terre-plein en bord de route un contrôle routier. Comme d’habitude aucun des 5 ne parle l’anglais pour m’expliquer la situation. Devant mon ignorance parallèle du turc, l’un d’eux sort son smartphone, pitonne quelques instants dessus et dicte en turc son message. Puis il me tend le téléphone et j’entends alors une voix féminine (un peu inattendue !) m’expliquer la situation, puis me proposer d’aller m’installer devant une autre plage un peu plus loin où il y a de la place, et enfin me remercier de ma coopération. Donc plus besoin d’enseigner l’anglais à l’école, votre Smartphone parlera toutes les langues du monde pour vous ! Une App bonne à connaître et à installer sur mon IPhone… J’avais utilisé hier avec succès la traduction écrite pour demander les produits que je cherchais dans le MiGros d’Edremit, mais là, en vocal, c’est champion !

Je déménage donc et passerai donc encore une petite heure à parachever mon travail, puis décide de passer à l’étape suivante en prenant la route vers Izmir (l’ancienne Smyrne). Pour cela je suivrai au maximum le rivage pour profiter de la vue fort belle sur la mer bleue, la côte découpée et les hauteurs de l’île de Lesbos qui ferme l’horizon maritime. Petite route assez défoncée qui me fait traverser les modestes «stations balnéaires» qui jalonnent la côte (plages avec restaurants et bar, voire parfois mini-parc d’attraction, rooms to let et autres hébergements plus ou moins bienvenus…). Mais en passant à Dikili, je me rends compte que le prochain site signalé *** est celui de Bergama, l’ancienne Pergame. Je bifurque donc vers l’intérieur pour retrouver la nationale beaucoup plus filante, fait en cours de route un détour rural pour vider la cassette dans un fossé en bordure de champ, et finis par arriver en ville à la nuit tombante.

Google Maps qui n’a pas encore intégré le nouveau périphérique qui évite la vieille ville me dirige vers un autre champ aboutissant au torrent franchi par l’autoroute… Je finis par me déprendre et trouver la petite route sinueuse et très raide qui s’insinue dans un vieux faubourg et grimpe à l’acropole. En arrivant presque en haut, j’ai la surprise de voir une barrière close, je ne pourrai donc dormir sur le parking du site qui se trouve encore – selon Google Maps – à 1,2 km. Je m’installe donc comme je peux sur un espace disponible à peu près plat, avec vue sur la ville éclairée à mes pieds. Au moins le coin est-il totalement silencieux et sans passage, et je suis assez haut pour percevoir à peine les appels du muezzin à la prière du soir…

Au menu ce soir, une soupe Knorr turque (contenu et étiquette) si bien que je ne sais pas trop ce qu’est une Ezogelin Çorbasi, mais c’est fort bon, un bouillon de légume délicatement épicé… et je poursuis avec un sauté de fruits de mer épicé italien (portion congelée vendue par Lidl) dans lequel je fait revenir une tasse de riz. Pareillement délicieux. Et je conclus avec une petite portion de ma boite de tiramisu qui arrive à sa fin, sans guère espoir d’en trouver ici, semble-t-il. Coucher tôt après cette première belle journée, lumineuse à défaut d’être chaude. Ce sera pur la semaine prochaine avec des maxi à 19°.


75 909 Vendredi 2 février 2024 : de BERGAMA à FOÇA (94 km) (9 200 m, 20 ét.)

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De Bergama à Foça

Réveil à 6:45 dans le plus grand calme, le muezzin ne s’animant que vers 7:30 au lever du soleil. Je le suis de près et à 9:00 lorsque je me présente à nouveau à la barrière, celle-ci est ouverte. Il ne me reste plus qu’à escalader la petite route qui contourne la montagne en montant jusqu’à la porte de l’acropole de la cité antique, où aboutit également un téléphérique que, dans l‘ombre, je n’avais pas vu hier. Petit parking, payant mais sans gardien, je ne traine pas et prends aussitôt mon billet (340 TL, soit 10 €) pour me lancer dans la découverte des ruines. Celles-ci sont considérables, s’agissant de l’acropole d’une ville antique de plus de 150 000 habitants à son apogée. Malheureusement comme trop souvent en Turquie d’après ce que j’ai vu, si les fouilles ont été intensives (bien que non complétées) et la documentation assez complète, les remises en état et organisations de la visite laissent à désirer. La présentation globale des monuments et leur emplacement sur un plan général, puis un itinéraire de visite aideraient à mieux comprendre rapidement l’organisation de la ville, complétés par des panneaux explicatifs devant chacun des monuments. Tout cela est à peu près en place, mais assez peu évident du point de vue du visiteur qui aborde ce nouvel endroit sans aucune notion de son organisation. Ce n’est qu’au sortir de ce labyrinthe de soubassements dégagés sur le sol et de quelques éléments bien dégagés ou retapés que l’on se fait une image de l’ensemble et que l’on met les pièces du puzzle en place.




Je commence donc par suivre la longue rampe en bois qui longe l’ancienne voie en pierres plus ou moins disjointes (aïe! les chevilles !). Elle mène d’abord à une grande place carrée bordée des restes d’une stoa : beaucoup de bases de fûts en marbre... Quelques colonnes ont remontées avec leurs chapiteaux corinthiens que j’identifie à un forum/marché. En bordure le soubassement mal identifié d’un temple d’Athéna et, à l’aplomb directement sous le rempart et plongeant sur la vallée, le théâtre de 10 000 places dont les gradins, tous restaurés (parfois grossièrement) tombent vertigineusement jusqu’au demi-cercle de l’orchestre tout en bas. Impressionnant ! J’y rencontrerai un couple d’avocats d’Istanbul en séjour à Ayvalik dont la jeune femme apprend l’anglais et le français qu’elle commence à comprendre sinon à parler. Nous échangeons un bon moment en profitant du soleil et de la vue exceptionnelle. J’y apprendrai entre autres qu’il ne faut pas parler de villes ou de culture grecque en Turquie (pourtant!) mais de période hellénistique… Je poursuis en jetant un œil aux énormes soubassements du temple de Trajan – planifiés pour durer et résister aux tremblements de terre – avant de poursuivre mon tour des remparts jusqu’à l’extrémité nord de la citadelle où arrivait l’aqueduc (80 km dans la montagne…) et où les Romains avaient placé leurs entrepôts militaires («arsenal») sous forme de longs bâtiments rectangulaires montés sur un plancher surélevé, comme déjà vus en Écosse sur le mur d’Hadrien. Puis je reviens vers le temple terminé par Trajan. Tout en marbre blanc éclatant iI trône au centre d’une esplanade, sa base à peu près complète et une douzaine de colonnes remontées lui donnant fière allure. Je termine ce long tour par le quartier où se trouvait les palais des rois locaux tout jonché de pierres éparses sans qu’on puisse y distinguer plan ni voies de circulation. Un peu frustrant, vue l’importance du site et la richesse de ce royaume. En revanche le haut rempart du côté est donne sur un lac de barrage faisant une ample courbe au milieu des hautes collines en donnant beaucoup de piquant au paysage. En regagnant l’Exsis je fais un petit crochet pour aller voir quelques autres restes dont celui du fameux grand autel dédié à Zeus dont il ne reste qu’un tas plus ou moins informe, les Allemands en ayant prélevé tout le décor sculpté pour le placer à Berlin dans le Pergama Museum. C’est dire si la ponction a été ici importante, ce dont s’indignaient - à juste titre – mes interlocuteurs turcs en visite.

Après cette longue balade de près de 5 km qui m’a mené jusqu’à presque 13:00, il serait temps de prendre un morceau. Mais je préféré gagner d’abord l’autre attraction incontournable de Bergama, son ancien asclépeion fameux dans le monde hellénistique et romain où notamment officia le célèbre médecin Gallien. Pour cela il faut traverser une partie de la ville, ce qui n’est pas une sinécure : descente abrupte de l’acropole, contournement de travaux de voirie mal ou pas signalisé – Google sera mis en défaut à plusieurs reprises, sans parler du lacis presque labyrinthique des rues du centre ville où je ne n’emprunterai aucune avenue droite sur plus de 100 m. Finalement je trouverai le site de l’asclepeion en bordure de ville, pour ne pas dire à la campagne dans un vallon pas encore colonisé par cette autre ville débordante. Je commence par manger sur le parking – payant : un 240 TL (7,20€) exorbitant que ma grimace fait baisser à 150 TL (4,50€) bien suffisant. Puis je me lance dans cette autre visite.



Elle commence par le parcours de la Via Tecta (voie couverte), une longue avenue en grandes dalles de pierre blanches encadrée par deux colonnades dont il reste pas mal de fûts, plusieurs couronnés de leur chapiteau corinthien. On aboutit quelques centaines de mètres plus loin à un propylon dont il ne reste pas grand-chose pour accéder à une première cour carrée autour d’une colonne portant pour la première fois le caducée, récit de l’événement ayant inspiré Gallien à l’appui. Quelques marches, et l’on accède à la vaste place carrée occupant le fond du vallon dans lequel se trouvaient les bâtiments constitutifs de l’institution thérapeutique : d’abord le temple rond de Zeus Asclépion, inspirateur du lieu, puis un centre de soins circulaire avec voutes et couloir assez complexe dont il ne reste que le premier niveau, le deuxième ayant malheureusement disparu, puis trois longues galeries garnies elles aussi d’élégantes colonnes corinthiennes et au fond à droite et à l’extérieur, l’hémicycle du théâtre à peu près totalement restitué. Au centre, répartis sur et sous le gazon, plusieurs fontaines et bassins où les patients prenaient bains de boue et se purifiaient, des salles de sommeil pour donner place aux rêves dont le médecin augurait la thérapeutique à appliquer, des couloirs souterrains permettant des déplacements à l’abri des intempéries… Bref toute une organisation dont je mettrai un bon moment à comprendre le sens, l’audio-guide remis gracieusement (billet à 300 TL, soit 9 €) et les panneaux, bien que complets, ne me semblant pas assez pédagogiques et l’itinéraire trop laissé à l’improvisation du visiteur. Une autre belle et longue balade au soleil et dans la verdure dont je profite au maximum, si bien qu’il est près de 17:00 lorsque je remets l’audiophone à la sortie.

Consultant alors mon guide, je repère le point d’intérêt suivant recommandé sur la route d’Izmir : j’opte pour les ** de Foça, l’ancienne Phocée d’où vinrent les fondateurs de Massalia (Marseille), Agathe Tychée (Agde), Antipolis (Antibes) ou encore Nikaïa (Nice). Bien qu’il ne reste rien de la cité antique détruite par les Perses en 546 av. J-C, son site, les criques et autres plages ou villages des environs seraient charmants. De quoi passer éventuellement une autre journée tranquille à bricoler au soleil.

Je regagne la grande route encore une fois en zigonant à travers les rues abracadabrantes de la ville pourtant nouvelle, puis file pour 60 km de 4 voies rapide et facile dans des paysages agricoles coupés de zones industrielles, mais où l’air est autant pollué par la fumée des usines ou celle des foyers chauffés au bois. Rien pour améliorer la toux bronchitique qui m’a assailli depuis 2 jours et que je combats avec mon stock de pastille au mentol-eucalyptus Fischer’s Friend.

Le soir tombe lorsque j’arrive au bout la dernière section plus lente de la route qui traverse quelques villages et sinue dans des collines, dernière barrière avant la côte mouvementée. Je me rends jusqu’au rivage, hésitant à me hasarder dans les rues étroites de Foça et cherchant plutôt une avenue dégagée en bord de mer. Je trouve le spot idéal du côté ouest de la baie, devant quelques maisons ourlant la plage, et m’installe au bord d’une rue perpendiculaire près d’une villa inhabitée. Soirée tranquille après une dernière petite balade à pied pour observer le coucher du soleil sur la mer qui incendie les quelques nuages bas. Pour mon souper je finis la soupe turque achetée avant-hier. « À base de lentilles corail, de bulgur et de riz, l’ezogelin çorbasi est la soupe typiquement turque. Elle est subtilement parfumée à la menthe, relevée de piment, et sa texture épaisse en fait une soupe consistante et réconfortante à souhait ! » (Web) J’en reprendrai !


76 003 Samedi 3 février 2024 : FOÇA (0 km) (0 ét.)

Nuit absolument silencieuse, de temps à autre une rafale traverse l’atmosphère comme si passait un avion au loin, et le ressac se manifeste discrètement. La nature presque sauvage ! Réveillé vers 5:00 par ma toux, je me soigne puis rédige le carnet de bord négligé hier soir au profit du traitement de quelques unes de mes nombreuses photos, jusqu’au premier appel du muezzin au loin à 7:09 où je me recouche pour une dernière heure de repos.

En fin de compte je suis debout à 10:00, et retourne un peu vers la baie voisine pour trouver un coin mieux exposé où le soleil bien présent pourra recharger la batterie tandis que je verrai à mes occupations. Je ne bougerai pas du spot découvert à quelques centaines de mètre en allant vers le petit cap où je me suis baladé hier soir. Un peu surélevé il donne sur la baie avec une vue à 300°, et l’espace herbeux est suffisant pour que je puisse orienter l’Exsis au fur et à mesure de la rotation du soleil.

Quant à moi, fort dérangé et fatigué par la bronchite qui décidément m’affecte, je resterai au chaud sans me déplacer ni sortir, profitant du vaste paysage, du ciel et de la mer bleues, et du calme qui enveloppe ce vaste espace comme je les aime.
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Foça : mon spot de la journée

Je profiterai de mon immobilité pour faire un peu de rangement et de ménage, revoir mon dossier Guide vert Turquie pour le séparer en fiches correspondant à chaque endroit traité, beaucoup plus pratique à manipuler sur mon téléphone. À cette occasion je chercherai aussi un bon moment à modifier/déplacer/effacer les fichiers dans cet App : «Fichiers» sans y parvenir… Je passerai ensuite à la mise à jour de ma comptabilité Visa dont les bordereaux s’accumulaient en vrac dans un tiroir, et terminerai la journée en restaurant encore une vingtaine de photos Mourez, certaines très abimées mais fort intéressantes quant à l’ambiance et la mentalité de l’époque (l’inauguration du Monument au morts 14-18 de Templemars par ex.).

Avec tout cela le soir est tombé et j’aurai passé un bon moment sur WhatsApp avec Monique et avec Françoise. La nuit est tombée, la fatigue liée à mon rhume ne m’aura pas laissé l’énergie pour refaire le petit tapis de liaison, cabine-habitacle que j’avais sur ma liste, ce sera pour demain ! Coucher tôt en suçant des pastilles Fisher’s Friend qui soulagent bien la toux, mais sera-ce suffisant pour prendre le dessus sur mon mal ?


76 003 Dimanche 4 février 2024 : de FOÇA à TEPEBOZ (10 km est de Karaburun) (200 km) (5 400 m, 1 ét.)

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De Foça à Tepeboz

Le temps superbe se maintient, et si je peine un peu à me lever ce n’est pas faute d’être accueilli par un grand soleil doré lorsque je lève les stores. La météo prévoit 14°, et il fait déjà 7° à 9:00 !

Je démarre lentement, déjeune en remettant la douche à plus tard, déplace l’Exsis pour augmenter le rendement des panneaux solaires (la batterie est descendue à 69% avec mes travaux informatiques d’hier et le chauffage nocturne). Après avoir complété le carnet de bord, je considère les avenues que la carte me propose : Izmir grosse ville (3 millions d’habitants !) très agitée et polluée, quasiment complètement neuve après le grand incendie qui a consumé la vieille ville grecque de Smyrne en 1920, ne m’attire guère, je sens davantage le besoin de calme et de nature. Je me dirigerai donc vers la péninsule de Karaburun, malgré la grande fréquentation dominicale prévisible de Çesme, l’importante station balnéaire d’Izmir où je ne ferai que passer. Départ à 10:30.

Par acquit de conscience je fais quand même un tour vers le centre de Foça, et en empruntant le boulevard qui contourne le centre ancien en bord de mer, aperçois une fontaine où plusieurs personne sont en train de remplir bouteilles et bonbonnes. Comme je sais que cette pratique indique en général une eau potable de très bonne qualité, je vais m’arrêter juste à côté et sors moi aussi mes bouteilles. J’échange quelques mots avec le client qui me précède, il me confirme que l’eau a fort bon goût, s’enquiert de ce que je fais en Turquie et me suggère de faire un petit tour le long du quai, sympathique selon lui. Après avoir également fait le plein de ma citerne puisque le robinet est muni d’un embout vissable, je suis son conseil, stationne l’Exsis à deux pas, repère mon stationnement sur ma carte Google et m’enfonce dans les ruelles perpendiculaires à la mer. J’y découvre bientôt un lot de vieilles maisons en pierre de l’époque grecque, de style assez classique, avec décor sculpté et inscriptions qui ne manquent pas de charme. Dommage qu’il en reste si peu, beaucoup d’autres le long des ruelles ont dû être démolies (ou ont été victime des tremblements de terre ?) pour laisser place à des édifices beaucoup plus quelconques ou carrément laids.

Lorsque je rattrape le quai, la lumière vive et l’espace ouvert me frappent, car il fait très beau maintenant,. Les couleurs de la mer, des barques aux peintures vives, des murs ocre du château vénitien forment un fort agréable tableau. Je marche un moment sur a promenade vers le nord, puis fais demi- tour et reprends dans l’autre sens jusqu’à contourner la forteresse. Je tombe alors sur le port des yachts, et décide de revenir vers l’Exsis après ces 3 petits kilomètres d’exploration. M’aidant de mon téléphone je repère mon stationnement et entreprends de le rejoindre en coupant à travers les ruelles. En chemin je tomberai sur une jolie petite mosquée toute simple mais ancienne (XVe-XVIe), puis sur l’intérieur de la forteresse : en fait, derrière l’impressionnant rempart dont j’ai fait le tour extérieur, à l’intérieur il n’y a rien, sinon un terrain vague rempli de tessons de bouteilles de bière… Près de sa sortie j’observerai bien quelques blocs de marbre portant des sculptures, ce sont peut-être les seuls vestiges de la Phocia hellénistique? Ensuite c’est le lacis des ruelles pavées et étroite avec, de-ci de-là, quelques jolies façades, et, derrière le port, quelques ruelles pleines de restaurants typiques.

Il est que 11:30 lorsque je reprends le volant pour donner suite à mon projet de Karabun. Je roulerai rapidement sur l’excellent réseau de 4 voies qui me fait gagner puis traverser l’énorme conurbation d’Izmir et ses millions d’habitants où règne une brume bleutée au point de limiter la visibilité. J’ai même l’impression que mon oppression pulmonaire liée à ma bronchite en est augmentée… Je «pèse su’l’gaz » aux limite de la vitesse réglementée (130 km/h) pour sortir au plus vite de cette zone empoisonnée, puis ralentis progressivement pour le reste du chemin qui redevient plus vert et longe la mer sur une belle route en corniche. Pause vers 14:00 pour déjeuner d’une salade le long d’une plage, avant d’arriver presque au bout de la péninsule à Karaburun. Ne voyant pas le chemin pour me rendre au bord de l’eau en arrivant dans la petite ville, je poursuis une dizaine de km plus loin et descends sur le quai du petit port de pêche de Tepeboz,

Il est 17:00, la fin d’après-midi encore très ensoleillée, j’en profite pour me délasser le jambes en faisant là aussi une balade autour des bateaux de pêche à quai, monte sur la digue de protection, fais quelques photos et rentre enfin me préparer à souper lorsque la nuit tombe. Soirée peinard ensuite à rédiger, puis à traiter les photos avant encore une fois me coucher tôt : cette bronchite décidément me fatigue.


76 203 Lundi 5 février 2024 : de TEPEBOZ (10 km E. de Karaburun) à MANISA (223 km) (3 700 m, 12 ét.)

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De Tepeboz à Manisa

Levé à 7:30, peu après l’appel du muezzin (ils sont partout, et les haut-parleurs encerclant le balcon du minaret portent loin !), je démarre tranquillement pour faire le tour de la péninsule dans le jour qui se lève. Le ciel dégagé est encore rose, promettant une autre belle journée.




Paysages bien sûr beaucoup plus sauvages que ce que j’ai vu jusqu’ici en Turquie, et assez semblables à ceux contemplés dans le sud du Péloponnèse, dans la région du Magne : collines accusées couvertes d’une lande semi-désertique, beaucoup de plantations récentes d’oliviers dans des zones autrefois inexploitées (comme en Espagne) et parfois, dans des creux mieux irrigués, orangers et citronniers dont peu d’ailleurs portent des fruits (sommes-nous trop tôt en saison ?). Et partout, une vue magnifique sur le bleu de la mer qui se déploie sans autre limite que parfois une île ou un îlot. À mentionner quand même comme exception d’importance : Chios, appartenant à la Grèce, étonnamment proche de la côte turque, et pour laquelle je verrai plusieurs annonce de liaison maritime à Çesme. Suivant l’inspiration de Google, je fais un détour jusqu’au phare Sarpincik Deniz Feneri : au bout d’une piste mal entretenue à la limite du praticable par l’Exsis, je trouve un vaste panorama marin et solitaire comme je les affectionne.

La qualité de la route côtière ne se maintiendra pas et j’aurai à endurer de longs passages en tôle ondulée, quelques trous, et d’une façon générale une grande lenteur de cheminement, car le tracé des virage a rarement été redressé. Néanmoins le peu de circulation et la beauté du paysage font que je ne me lasserai guère. En approchant de Çesme le trafic bien entendu augmente, et je finis par m’arrêter dans ses faubourgs très étalés devant une épicerie pour tâcher de trouver d’autres soupes Knorr de la même qualité que celle découverte avant-hier, et aussi de renouveler ma provision de yogourts grecs. Évidemment impossible de trouver cette dénomination sur les petits pots turcs, et je sais que la seule mention du mot «grec» suffit à les faire sursauter. Alors je tente ma chance avec le traducteur installé sur mon IPhone SayHi, mais je n’aurai pas plus de succès en demandant du Yunan Yogurt, apparemment inconnu… Quant au pain complet, je ne referai pas cette demande ne m’ayant valu qu’un pain genre pain caoutchouc canadien, qui n’a guère de goût et se défait lorsqu’on veut le tartiner… Je finis par prendre un pain de seigle crouté dans un sac, mais il me semble que je le paierai très cher… (120 TL, soit 3,60 € - en fait 20 TL comme je le vérifierai plus tard, soit 0,64 €...). Pas facile de se nourrir comme on veut quand on a des goûts bien établis et qu’en plus la qualité et la variété des produits français rendent très sélectif !

Il est passé 13:00, je commence à avoir très chaud, aussi après le plein de gasoil et de GPL, celui-là plus important que je ne le croyais, (plus de 2 l/j depuis Istanbul), je me cherche un coin à l’ombre pour manger ma salade de haricots au tsaziki. Pour cela j’attendrai d’être rendu au coeur de la vieille ville, au pied du vieux château devant le port. Par chance je trouve une place juste à ma taille, et je me restaurerai avant de faire un petit tour digestif sur la promenade au dessus du quai. On a installé en plein coeur de la vieille ville, entre le château-fort et le quai très animé, des terrasses en bois disposées en escaliers. Sur chacune des larges marches on a installé une rangée de chaises relax en bois, façons chaises rouges canadiennes. Un petit bar en self-service vend glaces, thé et autres rafraichissements, et les clients viennent s’installer là pour déguster leur douceur en contemplant le spectacle maritime. J’y passerai un bon moment à prendre le soleil, observer le port et ses bateaux, et les gens du cru prendre du bon temps, trop souvent hélas le nez dans leur téléphone… Ayant ainsi éloigné un peu la fatigue de ma bronchite – du moins je crois – je me remets en action pour faire le tour du château, extérieur d’abord, puis intérieur au prix d’un billet me donnant accès au petit musée installé dans tours et anciens magasins. Dans les vitrines, de jolies pièces d’archéologie antique trouvées ça et là dans la ville et alentours, mais rien de bien nouveau pour moi. Quant à l’espace intérieur il ne reste rien des installations ottomanes, seule une collection de stèles funéraires de l’époque vient garnir plusieurs espaces qui autrement resteraient vides. Je finis mon tour par une visite dans une petite mosquée ancienne à deux pas, et retrouve l’Exsis après ce court parcours qui sera tout mon exercice pour aujourd’hui. En effet l’après midi s’avance, et j’ai décidé de visiter demain Sarde, capitale lydienne de l’ancienne royaume de Crésus qui tirait son or renommé du fleuve Pactole coulant à proximité. Ville donc très riche quoique peu fouillée qui aurait conservé un fort beau temple d’Artémis. Une partie des trouvailles étant conservées dans le musée de la petite ville de Manisa, je m’y rendrai d’abord, y ferai étape ce soir puis visiterai les vestiges de Sardes demain.

Un grand boulevard puis une route assez bonne (doublée d’une autoroute payante) me ramènera d’abord à Izmir. J’y file au maximum autorisé, et vois la lumière descendre en passant les embouteillages de la grande ville. J’en verrai surtout les différentes agglomérations regroupant une flopées de hautes tours d’habitation. Comme je détesterais vivre dans cet environnement hyper-densifié, grouillant et pollué… Les autoroutes et voies rapides se succèdent, je me retrouve à passer les montagnes dans une suite de longs tunnels… et j’arrive en ville à Manisa. Je ne me rendrai pas jusqu’au centre, prenant plutôt la première sortie disponible pour aller me poser sur une rue tranquille dans un coin résidentiel, un peu à l’abri du bruit de la voie rapide. Fermant aussitôt les stores, je prépare mon souper, le consomme en rédigeant ce compte-rendu, puis me couche presque aussitôt, ayant épuisé mes réserves d’énergie pour aujourd’hui. Il est 22:00.


76 426 Mardi 6 février 2024 : de MANISA à ÉPHÈSE (195 km) (7 300 m, 12 ét.)

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De Manisa à Éphèse par Sardes

Éveillé dès 6:45 je ne traine guère au lit et démarre assez rapidement ma journée : douche et déjeuner pris, je quitte mon stationnement finalement suffisamment tranquille devant une garderie au décor hollywoodien. Ce sont davantage les voitures des parents amenant leur progéniture – parfois réticente… - qui m’ont éveillé que le bruit de la grande route à proximité qui, elle aussi, s’est animée à peu près à la même heure.

Me voilà donc parti vers le cente-ville, mon GPS pointé sur la mosquée Muradiyé Camii édifiée par Sinan en 1583 sur ordre du sultan Murat III (1546-1595). Parcours facile par des grandes avenues, mais dans un environnement toujours aussi dense digne d’une grande ville européenne (elle compte quand mêm5e 356 000 habitants !). Encore une fois en y allant au culot je trouve une place devant le petit parc qui entoure l’édifice, à côté d’une autre belle mosquée, la Sultan Camii à la limite sud du parc. Je commence par tenter de voir l’intérieur de la mosquée, mais la porte est close. Étrange, elle est supposée être ouverte en tout temps, en tout cas certainement après 9:00 ! J’en admire et photographie l’extérieur, car elle est très élégante, bien dans le style de son architecte, même si beaucoup plus petite que ses autres chefs d’œuvres vus à Edirne et Istanbul. J’en fais même le tour au complet en parcourant les ruelles qui l’entourent, cherchant le musée archéologique que ses bâtiments annexes (imaret = hôpital et medersa = école coranique) sont supposés abriter. Je vois bien 2 bâtiments anciens qui peuvent avoir eu ces fonctions, mais ils apparaissent fermés voire désaffectés… Vérification sur le net : rien d’évident non plus. J’achève mon excursion assez déçu, pensant découvrir comme annoncé dans le G.V. les objets antiques découverts sur le site de Sardes vers lequel je vais ensuite me déplacer. Avant de repartir je fais un tour du jardin public soigné qui abrite une belle statue – en pierre et non en bronze comme l’affirme le G.V – du sultan et un mausolée (türbe) d’un haut dignitaire de l’époque, Saruhanbey (1345).

Je reprends bientôt la grande route pour me rendre dans l’ancienne capitale du fameux Crésus. Route à 4 voies rapide, pour l’essentiel en plaine cultivée. Le village de Sartis ne présentant guère d’intérêt, je me rends immédiatement au site du temple d’Artémis, au pied de la montagne qui abritait l’importante ville antique. Stationnant juste à côté d’un autobus de touristes asiatiques qui seront les seuls brièvement présents sur les lieux, je musarderai un peu plus longtemps : le temple fort ruiné a été en partie dégagé et remonté par des équipes américaines, le bâtiment tout en marbre blanc étincelle dans la grande lumière qui règne aujourd’hui. Les notices intelligemment conçues expliquent le passage du culte de l’ancienne Cybèle à celui d’Artémis, déesse de la fécondité, et donnent une bonne image de l’importance de ce temple pour les différentes populations qui se sont succédées ici.

Puis je remonte au village pour aller stationner devant l’autre attraction locale : le complexe thermal incluant une vaste palestre qui inclut aussi une synagogue, la plus grande du monde hellénistique, fouillée et restaurée là encore par des Américains généreusement appuyés par la communauté juive des USA.

Les bâtiments sont superbes et font grand effet, tant la vaste salle de la synagogue dont on a restauré une partie du décor en mosaïque et marqueterie de marbre, que la haute façade très travaillée des thermes. Je passe un bon moment là aussi à admirer ce génie architectural des Romains qui ont laissé un peu partout en Europe des produits toujours étonnants de leur design et de leur ingénierie.




Avec tout cela j’ai bien marché malgré mon rhume qui ne me laisse guère de répit et ma jambe droite qui tire un peu. Je commence par déjeuner (salade de haricots verts saucés d’un reste de carottes en crème grecque – pas fameux… - , accompagnée de fromage, et gros yogourt grec dont j’arrive au bout). Puis je décide de me rapprocher de la côte en visant la ville d’Éphèse, un site phare de la Turquie antique. Je maximiserai ainsi mes chances de jouir du beau temps et de profiter d’une température de plus en plus clémente (22° dans l’habitacle pendant la journée et 18° dehors.…). Route rapide encore une fois puisqu’il semble que la Turquie se soit dotée d’un réseau de grandes routes redressées et le plus souvent à chaussées séparées entre les nombreuses villes qui occupent le territoire. Je ferai une bonne étape à Tire, signalé par le G.V. pour son grand marché du mardi qui attire une foule de paysans de la région apportant les produits de leur terre. Spectacle haut en couleurs dont je tâche de capter quelques échantillons, avec toujours le grouillement caractéristique des lieux commerciaux dont les Turcs semblent apprécier le spectacle, la promiscuité et le mouvement. J’en profiterai aussi pour jeter un œil aux maisons traditionnelles du vieux quartier dans la haute ville et à quelques petites mosquées anciennes (XIVe et XVe) au style encore très rustique.

Le soir tombe lorsque je reprends le volant pour un dernier petit bout sur une autre route impeccable et peu fréquentée où je peux rouler sans crainte à vitesse maximum pour arriver enfin au crépuscule sur le stationnement de la ville antique d’Éphèse. Il est totalement désert, en dehors des chiens habituels qui me rappelleront leur présence de temps à autres. Je devrais y passer une nuit tranquille, hors de portée de voix des muezzins et à l’abri du trafic. Au souper de ce soir, essai d’une tarhana çorbesi (mélange fermenté et déshydraté de farine, yaourt, oignons, tomates et poivrons). Une autre soupe turque par Knorr, assez réussie (même si mon rhume m’empêche d’en goûter toute la saveur). Puis je passe la soirée sur les notices accompagnant mes photos, avant relecture et mise en forme des scans du Lonely Planet 2023 concernant mes prochaines visites, à commencer par Éphèse. Coucher passé minuit.


76 621 Mercredi 7 février 2024 : d’ÉPHÈSE à SELÇUK (4 km) ( 8 500 m, 15 ét.)


du-site-d'Ephese-au-Musee-de-Selcuk.
Du site archéologique d'Éphèse au Musée d'Éphèse de Selçuk

Réveil dès 4:15 par des quintes de toux impossibles à calmer en position couchée. Je me lève donc, achève la mise en forme des pages du Lonely Planet de Turquie à transférer sur mon téléphone pour mes visites de la journée, puis rédige le carnet de route négligé hier soir. Je passe ensuite au traitement des notices et photos des derniers jours, avant de me recoucher vers 7:30. Cette fois plus de problème et je ne me réveillerai que vers 9:30 relativement en forme. Après douche et déjeuner, à 10:15 je passe la billetterie pour me lancer dans le grand parcours qui fait le tour de la plupart des monuments découverts et mis en valeur dans ce très grand site archéologique, qu’on dit le plus grand d’Europe (?). Je peux heureusement utiliser la carte du Lonely Planet pour identifier les monuments et m’orienter, mais les informations données sur les nombreux tableaux posés près des monument seront bien plus complètes et illustrées que le court résumé du Guide.

Ici comme souvent les archéologues s’en sont donné à cœur joie et l’histoire de cette cité ancienne, vaste et très riche leur a donné de quoi jouer de la pelle. Malheureusement comme trop souvent la remise en état suffisante pour parler aux néophytes n’est que parcellaire, pas étonnant tellement la tâche ici serait colossale. Ce sont des Autrichiens qui se sont chargé de la partie scientifique, et ils ont réussi à remonter – au moins de façon partielle – plusieurs façades remarquablement dessinées et décorées : la grande bibliothèque de Celsus, troisième en importance après Alexandrie et Pergame, le grand théâtre de 24 000 places, quoique qu’il manque encore les hauts murs fermant latéralement l’hémicycle, des portes et arcs particulièrement importants et finement travaillés… Plusieurs alignements de colonnes dans les grandes stoas des 2 forums sont tout à fait impressionnants, et le sol des voies principales a majoritairement gardé son pavement de grandes dalles de marbre. En revanche il reste encore beaucoup de vastes champs de pierres taillées et brisées répandues çà et là, ça « fait désordre » et surtout nuit à l’image que l’on pourrait avoir des espaces de vie dans la cité. Voir mes très nombreuses photos pour plus de détails. (J’aurai d’ailleurs quasiment épuisé la batterie en début de soirée). Je ne pourrai me rendre jusqu’aux restes du port par la Via Arcadiana fermée, mais irai jusqu’à l’église de la Vierge Marie dont les restes m’ont paru imposants, même si je n’ai pu découvrir les belles mosaïques annoncées.

Après 3 heures de visites intensives en descente (je suis entré par la porte du haut) il m’a fallu une autre heure pour refaire tout le chemin en sens inverse, j’avoue en trainant un peu la patte. Heureusement le temps est demeuré tout le temps beau, avec quelques passages nuageux temporaires, et j’ai même eu un peu chaud. Affamé et assoiffé en retrouvant l’Exsis, je commence par me restaurer puis constatant que le musée de Selçuk est à deux pas, qu’on y a placé statues et objets découvert in situ et qu’il ne fermera qu’à 18:30, je décide de m’y rendre immédiatement.




Après un long appel WhatsApp de Monique aux prises avec le décalage horaire qui achève d’épuiser mon IPhone, je décolle et parcours les 4 km qui m’en séparent. Mon téléphone aura juste le temps de récupérer un peu d’énergie pour me permettre de prendre quelques images intéressantes du petit musée, avant de s’éteindre pour de bon dans la dernière salle. Dernier coup d’oeil aux statues et reliefs monumentaux qui décoraient fontaines et autels, et je sors en songeant à me trouver un coin tranquille dans Selçuk pour passer la nuit…

Et là, catastrophe! À peine ai-je tourné le contact et fait quelques mètres en démarrant que j’entends un bruit bizarre dans le moteur. Je tourne dans la première rue en dehors de la grande route qui traverse le village, et le bruit s’amplifiant, je m’arrête net au milieu de la chaussée. J’ouvre alors le capot sans rien voir ni rien sentir d’anormal, mais ensuite, impossible de relancer le moteur qui semble grippé !

Voilà qui me rappelle des mauvais souvenirs d’Italie alors que nous descendions à Rome… Comme je suis à peu près nul en mécanique et ne me vois pas commencer à chercher ici un mécano, puis discuter en turc son diagnostic et ses remèdes, je préfère lancer immédiatement un appel à l’assistance de la MACIF (16:30). J’attendrai une bonne demi-heure avant de parler à une hôtesse qui enregistre les données du problème, ma localisation et note ma demande d’assistance. Le correspondant en Turquie me rappellera lorsqu’il aura trouvé un intervenant pour venir faire un diagnostic et éventuellement me remorquer… Il ne me reste plus qu’à espérer le voir arriver, après avoir poussé comme je peux les 3,5 tonnes de l’Exsis contre le trottoir.

Ensuite commence l’attente. J’achève d’abord l’arrimage du petit banc devant le siège de la passagère, un petit bricolage depuis longtemps en attente, puis prépare la fixation du tapis entre cabine et habitacle. Je fais chauffer une autre soupe turque et rédige le carnet de bord du jour. À 20:30 un SMS : je recevrai demain matin le service d’assistance turc à 8:00. Soirée tranquille en surveillant ma batterie habitacle qui ne s’est guère rechargée depuis avant-hier soit….


76 625 Jeudi 8 février 2024 : de SELÇUK à KUŞADASI (Fiat) (0 km) (1 100 m, 1 ét.)

De-Selcuk-a-Kusadasi
De Selçuk à Kuşadasi

Moi qui me disait qu’il serait temps de prendre une journée «off», je suis servi ! Levé dès 7:00 pour être prêt à recevoir mon chauffeur et son camion à plateau, je m’installe à lire et bricoler (cette fois je recolle ma semelle de Clark un peu maltraitée) en jetant de temps à autres un coup d’oeil à ma montre.

10:00 arrive, toujours rien. Craignant une embrouille, je rappelle l’assistance de la MACIF qui n’a pas de nouvelle précise, mais dit qu’elle va rappeler son correspondant turc et me rappeler.

11:00..., midi..., heureusement il fait très doux et je peux m’installer à relaxer et à lire les bouquins touristiques prêtés par Gilles en ouvrant la porte et en convertissant le fauteuil passager en siège relax. Mais le téléphone reste muet. J’ouvre une boite de choucroute pour mon déjeuner, fais une petite sieste dont je sors vers 14:00 : Toujours rien. Commençant à être inquiet de voir mon séjour à Selçuk s’éterniser, je rappelle une troisième fois la MACIF où j’apprends qu’on m’a bien rappelé sans que je réponde (bizarre ? les appels sortiraient mais n’entreraient pas… ). Puis la préposée appelle aussitôt son correspondant en Turquie et me le passe. Il manquait à son service de me contacter directement (?) et d’avoir ma localisation précise. Je l’ai pourtant donnée hier dès mon premier appel… Je la lui redis, assortie des coordonnées Google. Quelques secondes plus tard un message sur Whatsapp me confirme l’envoi d’un dépanneur. Ouf !

Avec tout cela il est passé 16:00 lorsque mon sauveteur arrive. Son camion me semble bien fatigué et pas bien gros pour porter les 3,5 t de mon Exsis, mais comme il est court, il ne dépasse même pas du plateau. Encore un qui ne connaît que quelques mots d’anglais, il faudra user de tout mon non-verbal pour tenter quelques communications élémentaires… Et nous voilà parti sur la grand route, sans que je sache trop où il me mène, fort secoué par les irrégularités de la chaussée, le moteur peinant dans les moindres montées et la suspension bien évidement au bout du rouleau. Nous rattrapons la côte pour finalement aboutir au garage Fiat de Kuşadasi, une grosse station balnéaire peu appréciée du Routard et du G.V., , mais dont la concession semble assez grosse pour disposer de techniciens compétents et de pièces de rechange. Les ateliers sont maintenant fermés, le gardien me place dans le vaste parking clos et sécurisé, assez proche d’une prise pour que je puisse y relier mon entrée électrique. Un mécano (?) retardataire vient mettre le contact et fait tourner un peu le démarreur : il fonctionne, le moteur n’est donc pas grippé, mais aucune explosion ne se produit, comme si le diésel n’arrivait pas. Est-ce la pompe qui fait défaut ? On verra demain, qui plus est avec l’unique technicien parlant anglais…

Je m’empresse de brancher l’Exsis pour tout mettre en recharge (la batterie habitacle est descendue à 33 %), puis me retire pour commencer ma soirée tranquille : souper, téléphone de Monique qui a vu que j’étais maintenant rendu dans un garage et vient aux nouvelles, accompagnée de Gabriel qui se demande si je parle turc et comment je communique avec les autochtones… Ensuite mise à jour du carnet de bord, rangement des dernières photos et travail sur les photos Mourez. Ici, à part le vague rumeur urbaine qui me parvient à peine, pas de dérangement à craindre ni de bruit intempestif (hormis le muezzin bien entendu !).


76 625 Vendredi 9 février 2024 : KUŞADASI (0 km) (4 300 m, 5 ét.)

Mon pb s'est bien réglé, mais ça n’a pas été sans mal ni sueurs froides, lorsque je me suis rendu compte que la grosse concession Fiat où m’a conduit le remorqueur sur son plateau refusait d’intervenir. Motif : véhicule trop vieux, il a plus de 10 ans, donc les pièces ne sont plus disponibles !



D’autre part ces gens n’ont manifestement aucun sens du service client : à l'issue de la nuit passée sur leur parking à attendre, il a fallu que je me rende moi-même à l’accueil du service (où personne ne parlait anglais d’ailleurs) pour savoir ce qui se passait. En effet, passé 9:30, personne ne m’avait encore rejoint à l’Exsis comme annoncé, pour faire un diagnostic sur l’origine du problème (j’étais pourtant sur le parking privé et clos de la concession). Tout au plus, en m’aidant du traducteur sur mon téléphone, ai-je pu me faire indiquer le nom d’un petit garage hors réseau qui pourrait peut-être m’accommoder…

Je m’y rends donc à pied (un petit kilomètre) et en cherchant dans cette zone d'activité à l’orientale (tous les ateliers mécaniques sont alignés côte à côte au bord de chacune des rues, comme dans un souk) je trouve coui de l’artisan indiqué. Je demande au patron ce qu'il peut faire. « Moi rien, mais allez donc voir untel, il pourra peut-être vous aider». Ce scénario  se répète deux fois, je commence à me démoraliser, mais à la troisième un client dans la boutique m’aborde en anglais et m’accompagne ensuite en me servant d’interprète. C’était un retraité qui avait tout son temps et était désireux d’aider un pauvre voyageur mal pris. Un bon samaritain, quoi ! Apparemment ça existe ! Nous avons fini par trouver un artisan mécanicien qui est alors voir mon véhicule, a rapidement fait un diagnostic qu’il a validé ensuite (rupture de courroie) puis le complétera (bris des culbuteurs) après qu’une première réparation n’aura pas suffi à faire repartir le moteur.

Autre – court – remorquage (30 €) du garage Fiat à l’atelier de mon artisan. Lorsque mon véhicule arrive chez mon mécanicien, mon bon Samaritain me quitté alors, en me laissant son numéro de téléphone, au cas où.

Il est alors à peu près 11:30. Je passerai ensuite le reste de la journée auprès de mon mécano qui travaille sur le problème. Il a vite vu que les courroies étaient endommagées, et a dû démonter tout le système. Nous sommes ensuite allés ensemble chez un distributeur de pièces auto bien fourni auquel j'ai acheté les pièces de remplacement. Un autre problème a surgi pour payer avec ma carte Visa car je n’ai pas de numéro de taxe turque - évidemment - indispensable,  semble-t-il, pour établir une facture... Cela a fini par s'arranger par de bonnes blagues entre mon mécano et son fournisseur, et nous sommes retournés à l'atelier pour qu'il procède au remplacement et au remontage. (J'ai profité d'une pause pour avaler un lunch rapide, il était passé 15:00 et je n'avais rien mangé depuis 8:00). Suspense au moment de mettre la clef dans le contact. Ça tourne, mais ça pétarade, ça fume ... et ça cale !

Je suis bien sûr catastrophé, surtout lorsque le mécano avec un air embarrassé me fait comprendre - toujours par traducteur IPhone interposé - que ça va être long, qu’il va falloir ouvrir le moteur pour voir d’où vient la panne et réparer. J’imagine alors qu’il va falloir déposer le moteur pour l’ouvrir et intervenir, avant de le remettre en place et tout rebrancher. (Ça m’est déjà arrivé en Italie et ça avait pris 5 jours… et coûté une fortune).

Mais pas du tout, je vois mon mécano prendre ses jeux de clés et commencer à débrancher puis démonter tous les accessoires puis les deux capots qui couvrent la culasse. Il lui faudra une bonne heure pour découvrir le pot aux roses : sur les 16 culbuteurs qui contrôlent le jeu des soupapes, 8 sont brisés ! J'ai alors appris que c'était souvent la conséquence de la rupture des courroies qui perturbe le cycle normal du moteur et engendre cette casse. Les culbuteurs servent en quelque sorte de fusibles pour protéger les pistons.

Dépose des culbuteurs, puis autre balade chez le fournisseur (il est maintenant 18:00) heureusement encore ouvert ce vendredi soir (on n'est pas en France !). Il nous en vend deux, mais les autre n’arriveront qu’un heure plus tard de son dépôt. Retour au garage où nous prenons un thé traditionnel turc - excellent en passant - et où je commence à préparer mon souper en me faisant à l’idée de passer une autre nuit devant l’atelier.

À 19:30 les employés du garage partent, puis un garçon en scooter apporte les culbuteurs manquants. Mon mécanicien se remet immédiatement à l'ouvrage, remplaçant les pièces brisées, puis remontant systématiquement tous les éléments déposés.

Vers 8:45 essai : cette fois le moteur tourne, mais cahotiquement avec de brusques explosions. Manifestement il y a quelque chose qui cloche. Je le vois vérifier chacun des branchements, le serrage de chacun des boulons, etc. Nouvel essai, résultat à peine meilleur… Je lui suggère alors d’aller se reposer et de reprendre la mise au point demain matin.  La nuit est là depuis longtemps, il fait plus frais et il doit s’éclairer avec une lampe portable… Mais il s’entête, continue ses vérifications, fait nouvel essai… Il finit par appeler un jeune collègue et ils continueront à travailler ensemble en re-démontant une partie du montage tandis que je me retire dans l’habitacle pour travailler sur mon ordinateur et téléphoner.

Enfin, à 22:30 le dernier essai est concluant et le moteur commence à tourner rondement : il semble que c’était un problème de «timing» (calage) et que, lors du démontage, certains réglages dans l’ordinateur de bord se soient perdus… Je demande à dormir sur place pour ne pas avoir à chercher un bivouac en ville dans la nuit, on accepte bien sûr, mais en retour je devrai payer la note de main d’oeuvre dès ce soir… Mais mon homme n’a pas de terminal Visa, il faut donc que son fils m’emmène sur son scooter jusqu’à un ATM (Distributeur automatique de billets) pour faire le retrait de 10 000 TL (300 €) demandé. Je n’aime pas trop la formule, car les frais ponctionnés sont très importants (8%) et on ne contrôle pas le taux de change appliqué. Heureusement pour moi la machine bloquera après le premier retrait de 2 000 TL (60 €) et je pourrai alors proposer de payer en Euros dont je verrai fondre ma petite réserve (bonne idée que j’ai eue de m’en pourvoir avant de quitter la Grèce !). De retour au garage, nous complétons la transaction et nous quittons satisfaits chacun de la conclusion de cette grosse journée.

Je pourrai donc me coucher en paix, et mon garagiste ira faire sa nuit chez lui. À 23:30 j’achève mes transferts d’images et autres travaux pour me coucher dans un quartier rendu au calme après que quelques boutiquiers voisins aient fini de fêter le vendredi soir…


76 625 Samedi 10 février 2024 : de KUŞADASI à MILET (77 km ) (6 800 m, 15 ét.)

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De Kuşadasi à Milet

Réveil vers 8:00, quand le fils du mécano vient ouvrir les grandes portes métalliques fermant l’atelier. J’ai donc le temps de me préparer quand le mécanicien arrive vers 9:00 et m’entraine faire avec lui un essai routier qui confirme l’excellent comportement du moteur. En route nous échangeons - toujours via l'app de traduction sur mon IPhone - quelques considérations sur sa vie en Turquie (pour laquelle il aurait renoncé à un job en Belgique) et nous nous quittons en sympathie lorsque, soulagé de cet intermède qui aurait pu être dramatique, je reprends ma route.

Je préfère ne pas trop rouler aujourd’hui et essayer de marcher un peu plus au grand air. Je décide donc d’aller vers Priene et Milet, les deux sites les plus proches étoilés par le GV. Priene d’abord, magnifiquement situé au flanc d’un rocher à pic dominant la plaine alluvionnaire créée par le Méandre. Avec le temps le petit fleuve a rempli les baies sur lesquelles se trouvaient les ports des riches cités commerçantes qui s’y étaient établies, causant leur ruine et leur abandon dès la fin de la période antique.

>Après quelques courses d’épicerie dans un petit Migros de Kuşadasi je jouis donc du ronronnement retrouvé du moteur pour une petite heure avant de m’arrêter sous les murs de Priene. Pente assez rude sur l’ancienne voie pavée de grosses dalles de marbre un peu disjointes jusqu’à la porte Est qui donne sur la grande rue rectiligne centrale de cette ville, ayant parmi les premières profité du plan hippodamien, du nom du grand architecte Hippodamos de Milet. Plan en grille qui fut adopté par la suite par nombre d’urbanistes dans le développement de villes nouvelles, et ce jusqu’en Amérique du Nord.

L’exploration en est donc facile, d’autant plus que la ville était très concentrée sur son flanc de montagne. Je découvrirai donc progressivement les lieux et monuments habituels : agora avec ses stoas et sa grande salle solennelle, bouleuterion (salle d’assemblée du peuple) avec son prytanée (salle du conseil), sur une terrasse au dessus le temple d’Athéna fort bien délimité dont on a relevé quelques belles colonnes, L’effet est impressionnant, entre le flanc à pic de la montagne couronnée par une petite acropole 300 m plus haut, et la vue étendue sur la plaine cultivée. À côté un peu plus haut c’est le théâtre remarquablement conservé même si peu restauré, et enfin une basilique paléochrétienne installée dans les bâtiments annexes de thermes romains. Quant au temple de Zeus et à celui de Démeter, il n’en resterait que quelques traces au sol que je n’arrive même pas à repérer… Signalisation pas toujours évidente, mais suffisamment de panneaux explicatifs et de plans pour s’y retrouver. Je termine mon tour par le terrain où se trouvait l’enclos sacré des dieux égyptiens (Isis et Apis...), avant de redescendre au stationnement sur les dalles inconfortables mais impressionnantes qui franchissent le rempart par la porte de l’est.

Pause déjeuner ensuite (il est déjà passé 15:00), je décide alors de me diriger vers la cité voisine de Milet. La route plate et droite traverse la plaine en coupant sur l’espace autrefois occupé par la mer, et je vois bientôt apparaître la masse imposante du théâtre antique, énorme et assez bien conservé, couronné par les restes d’un château byzantin. En prenant mon billet, le gardien me conseille de visiter d’abord la petit musée local qui ferme à 17:00, réservant pour la suite le tour du site ouvert jusqu’à 18:30.

Je suis son conseil, vais découvrir quelques belles pièces dans les vitrines malheureusement pas trop bien éclairées, puis reviens au site pour me lancer dans l’exploration du théâtre très vaste (25 000 spectateurs!) et surtout remarquable par ses galeries voûtées qui donne accès aux rangs de gradins. Leur hauteur inhabituelle et un peu démonstrative étonne, tout en rehaussant l’apparence architecturée de l’ensemble. Du haut des 40 m de gradins où je me hisse (3 x 19 rangées!), vue étendue sur la plaine et sur les monuments dispersés dans l’ancienne péninsule sur laquelle était bâtie la ville maintenant à 10 km de la côte. Je redescends ensuite tranquillement vers les grands bâtiments ruinés visibles à distance, mais la fatigue et l’approche du soir me dissuadent d’aller plus loin. Je reviens donc vers le stationnement devant le théâtre pour y passer une soirée et une nuit paisibles.


76 702 : Dimanche 11 février 2024 : de MILET à DIDYMA(22 km) (6 800 m, 8 ét.)

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De Milet à Didyma

Ciel partiellement ennuagé qui laisse cependant largement passer les chauds rayons du soleil. À 10:00 il fait 16° et la température devrait monter jusqu’à 18° à 13:00, avec un peu de vent du sud (30 km/h). C’est donc dire qu’il fait très bon pour une mi-février !



Levé à 9:00 assez bien reposé, je consacre la matinée à la mise à jour du carnet de route et à quelques lectures sur les sites voisins, avant de me doucher et de repartir à l’exploration du site de Milet. Pour cela je contourne le théâtre déjà vu hier soir et me guide sur la photo du plan du site placé devant la billetterie et conservée avec mon téléphone. Ce n’est pas l’idéal, vu l’état très ruinés des monuments, donc la difficulté de les reconnaitre, et les grands espaces remplis de pierre sans signification remplissant le terrain. Un chemin bien tracé – et moins dur pour les chevilles ! - aurait été plus indiqué, d’autant que la végétation est laissée à elle même à peu près partout. Du coup on s’enfarge souvent dans des buissons parfois épineux en tenant de s’approcher des restes des bâtiments disséminés. Je commence par entrer dans le caravansérail, malheureusement beaucoup trop restauré autour de sa cour centrale impeccablement dallée pour qu’il suscite la moindre émotion. Puis je remonte jusqu’au heroon entrevu hier soir, où passant l’entrée voûtée je découvre les compartiments mortuaires, vides bien entendu. Ensuite je me fie au plan pour descendre vers les Thermes de Faustina, énormes, qui s’imposent au bord du chemin. Bassins impressionnants, dont la piscine froide présidée par une statue du dieu Meandros (une copie, j’ai vu l’original hier au musée). Ensuite voyant que je m’éloigne trop vers le sud, je m’oriente davantage vers le nord-est et tombe sur l’entrée d’une très vaste maison d’époque romaine, reconvertie en palais épiscopal avec sa chapelle (église St Michel sur les reste d’un temple de Dyonisos, invisible). Peu de restes significatifs… mais une surface bâtie étonnante. Je continue vers l’emplacement du port des lions, où je cherche en vain le monument et la porte du port, mais finis par trouver en cherchant bien la ruine hélas croulante – car non consolidée – d’une petite mosquée qui a du être intéressante (mescit et kiosque), et les thermes d’Humeitepe encore plus ruinés et colonisés par un troupeau de chèvres qui y broute à qui mieux mieux. Revenant plein sud, je passe un large carré autrefois recouvert de marbre et maintenant d’une étendue d’eau peu profonde sans l’identifier comme le fameux Delphinion, ou temple d’Apollon dont rien n’émerge. En revanche juste à côté s’élèvent encore hauts les thermes de Capito, assez lisibles et vastes eux aussi, où l’on retrouve bien la division des différente salles et bassins. Puis le long de la mare qui s’étend un peu vers le sud, c’est la Grande Stoa, une longue colonnade longeant la Voie Sacrée se rendant jusqu’à Didyme, reliant le temple d’Apollon de Milet à celui d’Artémis à Priene qu’empruntaient régulièrement des processions solennelles aux 4 ans. Mais de la grande et longue colonnade il ne reste que 4 colonnes remontées se mirant dans le plan d’eau…

Je poursuis à travers un chaos de grosses pierres éboulées et souvent bellement sculptées pour tomber sur les soubassements du Grand Nymphée (fontaine monumentale) dont le décor de colonnettes et de statues a complètement disparu. En revanche on peut davantage imaginer l’allure du Propylon (entrée) menant ultérieurement à la grande église paléochrétienne voisine dont le plan et les bases se lisent très clairement sur le sol. Je suis alors à l’angle nord-est de la grande agora du sud, un très grand marché carré dont on découvre à peine les traces des stoas qui l’encadraient tandis que le centre est encore encombré de tas de terre… pas très inspirant! Sa porte monumentale qui semble t-il d’après une photo rappelle la façade de la bibliothèque Celsus d’Éphèse a été démontée et transportée à Berlin, ne laissant que quelques murets insignifiants. « Musées voleurs », comme disait l’avocat turc rencontré à Bergama. Je tombe alors sur le bouleuterion de la cité, qui lui a conservé sa grande cour axée sur un autel central, donnant accès à la salle des délibérations montrant encore ses gradins où s’asseyaient les citoyens. J’arrive au bout de mon tour de ville, qui s’achève en longeant la large stoa du marché, avec les bases du temple de Sérapis et surtout son fronton que l’on a reconstitué à côté, à partir des morceaux qui avaient été prélevés et inclus dans les murailles byzantines…

Je commence à avoir les jambes un peu lourdes après tout ce crapahutage qui ressemble plus à un jeu de piste scout qu’à une paisible visite archéologique, mais apercevant à courte distance le dôme de la petite mosquée Ilyas Bey, je décide d’en faire le tour. On a fort bien préservé sous abris les bâtiments annexes de la fondation (medersa et autres œuvres) qui ont surtout pour moi un intérêt anecdotique. En revanche le carré de beau marbre bleuté aux nuances grises de la mosquée est en parfait état : sa forme est simple, un cube sous un dôme hémisphérique de tuiles orangées, mais agrémenté de fines sculptures à motifs floraux et de quelques bandes d’écritures religieuses coufiques, au dessus d’ouvertures bien proportionnées. Je pousse la porte pour en admirer en solitaire les proportions et le décor tout simples, mais la solitude – et l’absence de tapis – lui donne un charme à la fois rustique et raffiné. Quelques minutes de repos et de méditation, puis je prends le chemin du retour vers l’Exsis laissé devant le théâtre en cherchant en vain (aucune indication dans les hautes herbes des champs verdoyants) les traces du vaste stade pourtant bien tracé sur le plan. J’aperçois tout au plus quelques fûts de colonnes effondrées au fond d’un fossé inondé, signalant peut-être son portail monumental ?…

Cela suffit pour aujourd’hui. Je démarre aussitôt retrouvé mon siège de chauffeur (ma jambe droite commence à manifester sa fatigue…) en direction de Didyma, une troisième ville du golfe ayant subi les conséquences de l’envasement de son port par les alluvions des fleuves côtiers comme le Méandre. On n’a dégagé que son temple d’Apollon, grandiose, qui faisait le pendant au temple de Milet consacré à Artémis. D’ailleurs ici aussi une procession solennelle empruntait la Voie Sacrée qui reliait les deux cités tous les 4 ans. Je ne roulerai pas longtemps, une trentaine de kilomètres seulement séparant les 2 villes.

L’enclos archéologique de Didyma entouré d’un quartier moderne bâti se réduit à peu de choses : l’espace occupé par son temple. Mais quel temple ! J’en aperçois l’une des hautes colonnes remontées au dessus de grilles fermant le site, maintenant fermé. Poursuivant la petite rue bordée de boutiques de «marchands du temple» je trouve un vaste stationnement pavé à l’écart des grandes voies de circulation et m’y installe pour dormir seul. D’autres gardiens canins se manifestent avec quelques aboiements et grondement puis abandonnent et me laisseront en paix pour la nuit qui s’instaure. Souper puis lecture de ma documentation et travail sur les photos de la journée, extinction des feux à 23:30.



76 724 Lundi12 février 2024 : de DIDYMA à HERAKLEIA (Kapiki) (55 km) (5 100 m, 26 ét.)

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De Didyma à Herakleia (Kapikiri)

Nuit relativement tranquille pour l’environnement urbain, n’était-ce une discothèque avec orchestre jouant du jazz « oriental » et des airs locaux, parfois accompagnés d’une chanteuse. Pas déplaisant, d’autant plus que le concert s’est clos vers 23:00. Je traine un peu au lever, continuant à mettre de l’ordre dans mes images (en particulier la mise au propre et la réduction en fichier texte des nombreuses notices captées pendant mes visites, source précieuse de documentation). Il faut dire aussi que le ciel gris n’est guère invitant, mais je finis par me décider à gagner la billetterie du Didymaion où je trouve une place pour laisser l’Exsis à deux pas. D’emblée le site m’impressionne : campé au centre d’une très grande terrasse à laquelle on accède par une volée d’un quinzaine de marches très larges, les restes bien conservés d’un énorme temple dont de nombreuses colonnes ont été conservées voire remontées, quelques unes jusqu’au gros chapiteau ionien qui les couronnent. On se rend compte des proportions lorsque qu’on parcourt l’espace herbeux qui entoure cette base sur une cinquantaine de mètres, tout jonché des tambours de colonnes répandus par les tremblements de terre et autres vicissitudes de l’histoire. De toutes façons, cet énorme sanctuaire en chantier pendant plusieurs siècles n’a jamais été terminé… Je passerai près de 2 heures à en parcourir les différentes parties, en faisant d’abord le tour extérieur, lisant les notices affichées sur plusieurs panneaux. Puis je gravis le grand escalier menant au propylon hérissé de futs de colonnes et emprunte l’un des deux passages voûtés latéraux descendant dans le vaste espace intérieur. L’espace y est considérable (un terrain de foot-ball !). On y trouve peu de choses : encadré par de hauts murs qui ne portaient pas de toit, une petite construction de moins d’une dizaine de mètres abritait la source (ou puits) sacrée où officiait l’oracle près de la statue du dieu. Le long des grand murs gisent les chapiteaux couronnant les piliers carrés d’une trentaine de mètres – mais maintenant réduit à une dizaine – finement sculptés de griffons s’affrontant et de couronnes de fleurs…

Grandeur et décadence de ces lieux autrefois imprégnés de sacré et de pouvoir, maintenant seulement objet de la curiosité des hordes de touristes, dont beaucoup ne songent qu’à prendre des selfies. Assis sur un tambour jeté devant le pronaos, je prolonge un peu ma contemplation et mes méditations, puis sors lentement de l’enclos archéologique en observant les sculptures et autres motifs gravés sur les pierres répandues aux alentours du temple lui-même.




Au moment de reprendre la route en songeant plus prosaïquement à m’arrêter dans une épicerie pour acheter un bidon de 10 l d’eau potable, je remarque un abreuvoir sous forme d’une statue en bronze d’un vendeur d’eau comme on en voyait au Maroc, une installation publique destinée aux touristes bien évidemment. On peut probablement avoir confiance en la qualité de l’eau… Je recule pour m’arrêter à proximité et remplis au petit robinet relié au sac en peau de chèvre figuré tout le lot de bouteilles de ma réserve; la ressource de l’épicerie sera pour une autre fois, si je ne trouve pas une source aménagée dans la montagne vers laquelle je me dirigerai maintenant.

La pluie commençant au moment où je ferme ma porte, finies les balades pour aujourd’hui. La consultation de la carte des points d’intérêt du Guide Vert suggère maintenant de m’éloigner de la côte et de ses stations balnéaires sans attrait pour gagner Herakleia, puis Milas, Aphrodisias et Pamukkale-Hierapolis (3h30 de route), après quoi je redescendrai vers Antalya en bord de mer. Je commence par déjeuner légèrement, puis prends la direction du nord pour rejoindre la D525, une 4 voies rapide qui me fait longer le vaste Lac Bafa, résultat du comblement du fond de la baie côté mer par le Méandre. Encadré de montagnes en arrière plan, les panoramas ne manquent pas de charme et je m’arrêterai plusieurs fois pour quelques photos, malheureusement sous une lumière grise qui gâche un peu le spectacle.

La route étroite et sinueuse vers le village de Kapikiri (l’ancienne Herakleia) prend à Bafa, et je me retrouve dans un environnement de gros rochers arrondis plus ou moins écroulés tombant dans le lac. Au bout d’une dizaine de kilomètres, c’est le hameau qui s’est développé sur le site de l’ancienne ville, dont l’enceinte de 6,5 km, les tours, les monuments et autres restes sont dispersés entre les pauvres maisons rurales des paysans. Impression un peu déroutante, le désordre et la saleté (bouses de vache et déchets entre autres) entourant le temple d’Athéna juché sur un promontoire au dessus du lac… Je vais me poser sur l’agora, un grand quadrilatère en terrasse maintenant occupé par l’ancienne école, un tracteur sous quelques oliviers, tout entouré de murets antiques en gros quadrilatères de pierres taillées, et au pied du temple.

Deux femmes m’abordent bientôt, me souhaitant bon accueil puis enchainant sur des proposition d’objets d’artisanat qu’elles sortent d’une grand carré de tissu noué : des breloques en perles de pierre ou de graines, des foulards bordés de fils où sont enfilés le même genre de breloques, le tout dans des couleurs vives peu attrayantes… je décline malgré leur insistance à me déballer tout leur stock. Je finis par les éconduire en acceptant de leur acheter (12 €) un litre d’huile d’olive locale (bio!) parfumée tirée d’une grande jarre abritée dans un appentis attenant à leur maison. Ensuite je suis libre de parcourir les rues pentues du village pour découvrir le temple, le bouleuterion (dont il ne reste quasiment rien dans un jardin privé dont la porte est aimablement laissée débarrée), puis des thermes romains (très ruinés) au-delà de la cour d’une ferme, et enfin le théâtre dont quelques gradins creusés à même le roc dans la montagne restent lisibles. Ensuite je vagabonderai pendant plus d’une heure à travers le maquis pour tenter de découvrir le mur d’enceinte annoncé, perdant le sentier en fin de compte plus destiné aux chèvres qu’aux touristes, et aboutissant à un chaos de rochers où, dans la nuit tombante, je dois crapahuter avec précautions pour finalement retomber sur la petite route menant au village. Rassuré de m’en sortir à bon compte après toutes mes découvertes, je rallie l’agora et l’Exsis juste à temps pour me mettre à l’abri, la pluie reprenant. Elle durera toute la nuit, parfois violente, accompagnée d’orage et d’éclairs. Soirée autrement paisible à me délasser, souper puis transférer et traiter les photos de la journée.


76 779 Mardi 13 février 2014 : d’HERAKLEIA (Kapikiri) à APHRODISIAS (174 km) (600 m, 0 ét.)

d'Herakleia-a-Aphrodisias
 D'Herakleia à Aphrodisias

Il pleut encore un peu quand j’émerge à 8:00. Vu le temps et mon excursion d’hier soir, je ne m’attarderai pas à Herakleia et prends bientôt la route pour la suite de mon périple. Je rattrape la D525 à Bafa et poursuis vers l'est, m’arrêtant en bord de la route pour attendre la fin de la pluie et la percée du soleil vers 11:00. Branchant l’ordi, je constate alors une nette augmentation de la production d’électricité. Serait-ce les grosses pluies de la nuit et de la matinée qui auraient nettoyé les PV (ou causé un court-circuit ) ?

Bref arrêt à Milas pour voir la porte romaine « très bien conservée » (GV) mais dont l’unique arche est bien seulette dans un environnement peu reluisant… Avec un peu de recherches j’arrive à distinguer la petite sculpture de hache double (sur le clé de voute du côté nord), mais c’est peu! Le reste de la ville ne présentant aucun intérêt à mon goût, pas même d'épiceries - trop pauvres - où je cherche en vain à me réapprovisionner, je poursuis mon chemin, d’abord sur le nationale à 4 voies, assez rapide. En m’arrêtant sur un large terre plein pour vidanger et déjeuner, j’ai la surprise d’apercevoir en contrebas les restes d’une ville antique, indiquée comme Stratonikeia de Carie (Eskihisar) sur Plans. Mais le talus est très haut et raide, je n’oserai pas m’approcher de la porte monumentale à deux grandes arches…

Puis je bifurque sur une route « départementale » nettement moins large et rapide. Elle me fait entrer dans la campagne turque de plus en plus affirmée à mesure de son éloignement de la côte. L’habitat devient plus rustique, moins élaboré, beaucoup de maison en vieilles pierres plus ou moins bien assemblées (Bonjour les tremblements de terre!).  L'environnement est plus sale et négligé, des vieux papiers, emballages et plastiques trainent un peu partout, les traversées de villages ou hameaux sont laborieuses (rues étroites, sinueuses, voitures stationnées à la va comme je te pousse, boutiques pauvres voire minables,…) comme en Grèce il y a 50 ans, sans cette propreté et cet ordre que l’on trouvait au Portugal à la même époque. Même impression à observer les élevages de bovins en stabulation libre  qui pataugent dans leurs déjections sous leur hangar ouvert. En revanche les paysages s’élargissent, le relief qui s’accuse (je monterai jusqu’à 750 m) et les montagnes enneigées en toile de fond donnent à cette route beaucoup de caractère, plus que n’en présentait la route côtière un rien monotone.

Puis un peu partout ensuite ce sont d’innombrables carrières de marbre blanc éclatant qui éventrent le vert sombre de la montagne presque uniformément plantée de conifères. Je dois doubler ou croiser de gros et longs semi-remorques dont le plateau est partiellement occupé par deux ou trois gros blocs de pierre rose pâle ou blancs.

La fin de l’itinéraire sera encore plus spectaculaire, quand Google me fait bifurquer sur une route encore plus étroite pour franchir au plus court un massif rocheux. Longue montée avec épingles à cheveux et rampes à flanc de montagne, panorama spectaculaire sur le plaine tout en bas peu après avoir passé le col, autre longue descente cette fois jusqu’au bas de la pente. Là ce n’est plus la forêt mais des champs immenses d’oliviers ou de fruitiers, plantés en longues rangées rectilignes qui se poursuivent dans la plaine menant à mon objectif. Un dernier petit détour sur un chemin de terre où m’entraine la fantaisie de mon GPS m’amène au chemin de service arrière du site archéologique d’Aphrodisias… Je dois donc faire demi-tour et finis par arriver au bout d’une belle allée pavée et bordée de cyprès au stationnement du site. Le musée est maintenant fermé (il est 17:45), j’aurai juste le temps de prendre un dernier rayon de soleil avant de ma placer à l’endroit indiqué par un jandarma qui a son poste juste à côté.

Ouf! Je peux alors couper le contact et commencer à préparer mon souper avant de rédiger le carnet de route pour me coucher tôt. Cette route était intéressante mais éprouvante, sans pour autant m’offrir l’occasion d’un peu d’exercice comme j’en ai pris l’habitude. Le site d’Aphrodisias semble vaste, j’aurai l’opportunité de marcher demain !


76 953 Mercredi 14 février 2024 :d’APHRODISIAS à PAMUKKALE (91 km) (6 500 m, 5 ét.)

D'Aphrodisias à Pamukkale
D'Aphrodisias à Pamukkale

Effectivement j’ai bien marché aujourd’hui, et dans un bel environnement présentant beaucoup d’intérêt. D’abord parce que ce site est riche, et qu’on a dégagé pas mal de monuments importants et de grande valeur architecturale. Ensuite parce que la présentation, j’allais écrire la mise en scène des artefacts est soignée : un petit plan avec circuit proposé est remis à la billetterie, un sentier confortable et égal, en dalles de pierres bien jointoyées encadrées dans des madriers, permet de marcher sans se tordre les chevilles, il est même accessible aux fauteuils roulants! Les panneaux sont nombreux, bien placés et les explications claires, bien illustrées. Le ciel, bien que parcouru de gros nuages, est resté presque tout le temps dégagé et la lumière assez belle mettait merveilleusement en valeur les marbres employés à foison. La région en effet était très riche en carrières, l’une tout près a servi lors des campagnes de construction - particulièrement par les Romains – et les sculpteurs d’Aphrodisias ont beaucoup produit d’œuvres de qualité remarquable. Beaucoup sont présentées un peu partout sur le site, et on a rassemblé dans le musée local quantité de statues originales qui ornaient les monuments. Malheureusement pour moi le musée en question était fermé, pour une question de sécurité à ce que j’ai compris : problème de structure… J’ai quand même fait mon grand tour et réussi à parcourir plus de 6 km dans les vestiges de cette belle ville, découvrant théâtre, parc urbain centré sur un long bassin restauré (il ne manque plus que l’eau et le jaillissement des fontaines…), thermes grandioses partiellement dégagés où l’on voit très bien les différents bassins et leur système de chauffage à hypocauste. Le temple d’Aphrodite qui occupait bien sûr une place centrale, présente encore plusieurs colonnes qui permettent de mesurer son importance et son volume, il a conservé plusieurs de ses composants car a été intégré entièrement dans une cathédrale. Cela lui a valu plusieurs remaniements, mais au moins il n’a pas été démoli, comme à Milet… Le bouleuterion lui aussi est remarquable, même si la partie supérieure de ses gradins a disparu avec la superstructure qui le couvrait. Il reste encore beaucoup de matériel à terre, on peut espérer d’autres anastyloses comme celle, magnifique, qui a rendu sa gloire et ses proportions magnifiques au Tetrapylon, la porte monumentale qui donnait accès au temenos (enclos sacré) du temple d’Artemis. Je finis par un petit détour vers le stade qui a gardé presque la totalité de sa structure. Remarquablement conservé (quoique nombreux sont les gradins de pierre qui demanderaient un sérieux réalignement) il en impose tant par ses dimensions (270 m de long, 30 000 spectateurs…) que par sa forme très allongée se terminant par deux demi-cercles à ses extrémités, où s’ouvre une grande voute sombre (je m’y engagerai un peu…) servant d’accès aux participants, athlètes ou gladiateurs voire fauves.

Je termine ainsi mon circuit en passant devant le tetrapylon, vraiment magnifique, devenu l’étiquette prestigieuse et le symbole d’Aphrodisias, pour me retrouver devant la cour du musée, hélas fermé, ce que je regrette d’autant plus que, sur nombre de notices, on mentionnait telle statue ou telle œuvre ornant telle niche ou telle stèle et transférée au musée… Sur son gazon j’y photographierai quand même les façades finement décorés de quelques sarcophages en marbre, une spécialité locale semble-t-il.

Je mange un morceau (il est 14:30 et ces 5,5 km m’ont creusé l’appétit), puis consulte les cartes des guides mentionnant les points d’intérêt dans la région. Il semble qu’en allant un peu plus loin vers l’intérieur je pourrai visiter le site antique d’Hieropolis et les vasques naturelles de marbre de Pamukkale, un «incontournable» parait-il. Me voilà donc en route sur la 4 voies rapide dans la riche plaine très cultivée, puis sur une petite route beaucoup plus sinueuse en fin de parcours qui suit les pentes de la montage et passera même un col à 1 188 m, un itinéraire beaucoup plus lente mais aussi plus spectaculaire. Malheureusement le temps se gâte, le ciel se couvre complètement (adieu les vues sur la montagne) et j’arrive dans la grosse ville de Denizzli sous une pluie tenace. Je profite de l’abondance de commerces pour tenter de compléter un peu ma cambuse, mais les deux épiceries genre supérette visitées montrent la même indigence en ce qui concerne les boites de conserve (je cherche en particulier des salades de fruits), les poivrons tricolores, les salades en sachet ou préparées et les jambons… En revanche je fais sans difficulté et à très bon prix (16,65 TL/l, soit 0,56€/l) le plein de GPL dont je crains – à tort - de manquer, puisque je n’ai consommé que 1,05 l par jours durant les 9 derniers jours. Il faudra vraiment que je fasse réparer cette jauge !

Il est à peine 17:00 et déjà le soir descend. Je gagnerai directement ensuite le site de Pamukkale à une dizaine de km pour y poser mon bivouac. Au bout d’un grand boulevard paré de palmiers et de lampadaires «design» qui traverse la campagne déserte – insolite… - apparaît le flanc de la colline étrangement blanc. Dans la pluie on devine mal les détails de cette masse blanchâtre qui s’étend largement et sur une hauteur d’une bonne centaine de mètres. Noyé dans une légère brume, l’effet a quelque chose de spectral. Je suis la signalisation qui me mène au vaste parking et au centre d’accueil abrité sous un grand dais avec boutiques, restaurants, billetterie, très dysneyland dans l’esthétique et les couleurs. J’ai déjà sursauté quand on m’a demandé 125 TL pour le parking (le tarif de Montréal en centre ville!) mais ai tout de suite été incommodé par cette ambiance très fête foraine, renforcée par la foule de touristes en groupes débarquant rapidement des autobus et suivant leur meneur portant un fanion… Je me glisse néanmoins vers la rangée de stationnement en terrasse la plus éloignée de cette cohue et m’y installe pour la nuit, dans l’obscurité qui est bientôt là, en me disant qu’en visitant tôt demain matin ces conditions seront davantage supportables. La vue sur les ravins environnants s’éteint bientôt comme le bruit venant de l’aire d’accueil, je commence la soirée au sec et au chaud, en espérant que le temps s’améliorera pour une visite intéressante. Souper, transfert et traitement des photos de la journée, appel de Monique, j’entame la rédaction du carnet que je laisse en plan lorsqu’un gardien vient m’expulser.


77 044 Jeudi 15 février 2024 :de PAMUKKALE (Aci dere) à FETHIYE (236 km) (3 100 m, 0 ét.)

De Pamukkale à Fethiye
De Pamukkale à Fethiye

Réveil à 8:00 après une nuit reposante, quoique pluvieuse, après que je me sois fait chasser du parking de Pamukkale où je m’étais installé et avais commencé ma soirée, seul dans les rangées du parking désert. Je me suis finalement réfugié dans un hameau voisin, sur le terre-plein d’une mini-épicerie entre un tracteur et l’entrée d’un enclos à vaches... où j’ai en fin de compte fort bien dormi sous la pluie qui n’a pas cessé.



Nuages, brume, brouillard, lumière grise, je ne m’attarderai pas ici : le temps y est trop moche, et le site devenu beaucoup trop « tourisme de masse » à mon goût (il fallait voir hier en fin d’après-midi les dizaines de gros autobus alignés et manoeuvrant sur le parking en avant de la billetterie). Prix élevé qui plus est (125 TL pour le parking, que j'ai payé pour rien, et 700 TL (21€) pour pénétrer sur le site d’Heliopolis-Pamukkale), ce qui ne rebute pas la foule qui se pressait hier sous les K-way et les parapluies multicolores… Heureusement j’ai pu trouver un espace à peu près plat en bord de route près d’une ferme dans le hameau de Aci Dere, et le trafic s’est totalement arrêté à partir de 21:00.

Je commence par achever ma rédaction d’hier soir, puis décide de reprendre la route de la côte en faisant l’impasse sur l’attraction locale, peu attirante dans l’ambiance décrite. Je ferai quelques kilomètres puis me doucherai et déjeunerai en route. Pause rapide en repassant à Pamukkale pour contempler depuis sa base la colline blanche, tout à fait semblable aux pentes neigeuses de Bromond près du chalet de Juliette… Puis la grande route excellente monte assez haut et me mène dans les nuages, fort bas aujourd’hui… Ce seront une vingtaine de km très fatiguant, les gros camions roulant lentement à 30 km/h surgissant brusquement devant le pare-brise.

En redescendant dans la plaine où je retrouve une bonne visibilité, je ferai une longue pause à Serenhisar, avant de continuer maintenant une route plane beaucoup plus dégagée, ce qui n’empêchera pas à l’occasion de passer plusieurs cols très haut (1 460 m). Je dois alors choisir si je me rends directement vers l’est jusqu’à Antalya ou si je reviens plutôt vers l’ouest à Fethiye pour parcourir la Voie lycienne vers l’est jusqu’à Antalya. Un coup d’oeil sur le Guide Lonely Planet me convainc de choisir la Voie lycienne, la partie la plus pittoresque de la côte turque sur la Méditerranée, qui me gardera à proximité de l’eau, donc plus chaude en principe. Je change donc de 4 voies, malheureusement la nouvelle se rétrécira bientôt et sa chaussée deviendra beaucoup plus inégale, ce qui ne l’empêchera pas d’être roulante tout en demandant une certaine prudence, tous les virages n’étant pas également redressés. Me voilà donc en route pour presque deux autres heures, puisque qu’il sera passé 16:00 lorsque je finis par arriver à Fethyie.

Le GPS me mène à un carrefour du centre ville sans aucun intérêt, je le redirige vers le port et le petit théâtre antique à peu près unique survivant de l’antique Telmessos. Impossible de stationner à proximité, dans cette portion de la ville (neuve puisque détruite par un séisme en 1957) coincée entre la montagne et le port. J’irais bien faire un tour dans le peu qui reste du vieux quartier semble-t-il très animé, mais devrai renoncer là encore à m’y arrêter. Je finis par rejoindre la belle promenade en bord de mer un peu plus haut dans la baie, et y ferai une longue promenade en observant la descente du soleil sur l’eau, les pêcheurs à la ligne, les gros et richissimes yachts du port de plaisance et les restaurants de tout acabit qui jalonnent la promenade. En passant je repère les rues transversales plus calmes ou j’irai poser l’Exsis pour la nuit, un peu à l’écart de la circulation.

En soirée, routines habituelles et coucher à 22:30 en allumant le chauffage : il fait 9°, soleil et nuages attendus pour la matinée de demain.


77 280 Vendredi 16 février 2024 : de FETHIYE à PATARA BEACH (72 km ) (8 400 m, 29 ét.)

De Fethiye à Patara
De Fethiye à Patara

Finalement il faisait soleil et le ciel état presque totalement bleu quand j’ai démarré ce matin après une nuit fort tranquille. Mon idée de me placer sur une rue transversale entre les deux grandes voies de circulation était bonne, sans compter qu’en l’absence de trafic, je n’ai pas du tout été dérangé. Je me lève relativement en forme à 8:15 et démarre à 10:00 après avoir consulté cartes et notices dans mes guides. Je commencerai par gagner le site lycien de Pinara, pour son site rocheux extraordinaire, puis gagnerai celui de Xanthos, l’ancienne capitale, moins bien située mais plus riche en monuments.

Pour commencer Google Maps me fait prendre une invraisemblable petite route de montagne qui escalade et franchit les montagnes entourant Fethiye. Heureusement je ne suis pas pressé, et je jouis au maximum des splendides paysages que ce chemin des écoliers me permet de découvrir. En passant, la traversée des quelques hameaux me confirme le désordre et la crasse dans lesquels vivent ces paysans turcs...

Arrivé au village de Minara, un chemin étroit parfaitement pavé grimpe encore à flanc de montagne pour me laisser au pied d’une colline surmontée d’un haut rocher percé d’une multitude de trous rectangulaires : ce sont les fameux tombeaux lyciens que ce peuple creusait dans le roc pour abriter les dépouilles de ses morts. La vue sur le vallon, les montagnes au loin dont les plus hautes sont couvertes de neige, les forêts et surtout le silence m’émerveillent. Je laisse l’Exsis sur le petit stationnement au bout de la route et me lance sur la piste pentue qui monte vers la terrasse soutenue par un énorme mur de pierres taillées où se trouvait la cité. Faute de carte et de panneaux indicateurs, mon exploration sera des plus limitées, puisque je me rendrai seulement jusqu’au gros piédestal d’un temple (?) et un peu plus haut, jusque à un bâtiment très ruiné accoté à la pente, m’imaginant que c’est tout ce qui reste du bouleuterion signalé dans le guide. En fait il se trouvait pas mal plus loin mais l’ignorant et las de me tordre les chevilles sur les pierres partout répandues cachées par les hautes herbes, et de zigoner entre les arbustes piquants, je renonce à m’avancer davantage et fais demi-tour, abandonnant les vestiges de la cité s’effondrant doucement sous les grands pins.

En revenant, je traverserai en contrebas un vaste espace herbu ras tondu par un troupeau de moutons sous l’oeil distrait de sa bergère – sans téléphone, il n’y a pas de réseau là où nous sommes! -, pour gagner les ruines du petit théâtre appuyées sur un ressaut de rochers. Même si plusieurs rangs de gradins apparaissent disjoints, et si les hauts des gros murs de soutènement latéraux commencent à s’effondrer, il a encore fière allure. J’y passerai un moment à songer en contemplant le magnifique paysage depuis le plus haut gradin : cette ville autrefois si vivante et sophistiquée, maintenant totalement morte et s’effaçant doucement dans la terre, dans un paysage qui a retrouvé presque complètement son état premier…

Je regagne la piste qui me ramène au stationnement et à mon Exsis pour aller découvrir un tout autre site : celui de l’antique Xanthos, dont la butte domine une plaine toute couverte des serres en polythène des maraichers… L’environnement n’a donc plus rien à voir, et serait carrément moche si la vue ne portait au loin sur les montagnes encadrant la vallée et, à son débouché, vers la mer. Xanthos fut la capitale de la Lycie et, à ce titre, a conservé beaucoup plus de grands monuments en particulier de l’époque romaine, comme son théâtre par lequel je commence ma balade., puis son agora, assez informe, que complète à coté une grande basilique chrétienne. Mais le plus frappant est la prolifération de hauts et grand tombeaux en pierre sculptée que l’on retrouve un peu partout, comme hommage à des personnages importants de la cité. Le premier fort connu est celui qui domine le théâtre de ses 9 mètres, et j’en croiserai d’autre en montant vers l’acropole où ils sont maintenant disséminés au milieu de buissons et d’oliviers. Les bâtiments que je croiserai en route sont malheureusement peu documentés et surtout noyés dans la végétation que l’on a laissé proliféré, quoique je rencontrerai un ouvrier en train d’arroser avec du désherbant le vaste carré où l’on devine l’ancienne agora… Au total un longue balade un peu décevante vu la piètre présentation des ruines.

Ensuite, où aller ? Je poursuivrai mon suivi de la côte lycienne en descendant à Patara qui cumule l’intérêt d’un beau site archéologique en bonne voie de restauration, et une immense plage vierge, la plus longue de Turquie, bien protégée en raison des tortues rares qui viennent y pondre. Au bout de la route qui traverse d’abord le village bordé de ses hideuses boutiques de souvenirs et autres accessoires de plage, au delà de ses innombrables panneaux «Pensiyon» je passe la billetterie fermée du parc archéologique, mais sa barrière est levée ! Cela me permettra de me rendre jusqu’au stationnement au pied de la dune qui borde la plage, tout en admirant de loin les ensembles en pierre blanche qui signalent les bâtiment en réfection : un bel arc de triomphe à trois arches, l’hémicycle du théâtre, le bouleuterion presque entièrement reconstruit… Mais tout cela est maintenant inaccessible, et de toute façon j’ai ma dose d’antiquités pour aujourd’hui.

Je m’arrêterai donc au pied de la dune pour traverser la petit bois de tamaris qui la couvre partiellement et gagner les sable de la plage dont la réputation n’est pas surfaite. Petit tour dans le soir qui descend, photos, je regagne mon home lorsqu’arrive l’obscurité et m’installe pour la nuit dans une solitude à peu près complète, après que les derniers promeneurs sur la plage soient repartis. Soirée paisible et silencieuse, où après souper je transfère et classe mes photos du jour, puis commence mon carnet de route. Mais fourbu de mes longues marches de la journée, je suis au lit à 22:30.


77 352 Samedi 17 février 2024 : de PATARA BEACH à DEMRE (MYRA) (102 km) (3 600 m, 8 ét.)

De Patara à Myra (Demre)
De Patara à Myra (Demre)

Lever tranquille à 8:30, sans qu’aucun visiteur ne soit encore rendu à la plage. Je démarre tranquillement puis décide de gagner aussitôt et de suivre la côte pour profiter du beau temps sur la mer. De toute façon les vallées alentour remplies de serres de polythène ne forment pas un spectacle bien affriolant… Bref arrêt en passant au pied de l’aqueduc Tarihi Su Yolu Kemeri, un autre ouvrage de Romains qui courait sur la crête de la montagne pour apporter l’eau à Xanthos à une quarantaine de kilomètres. Puis la grande D400 m’entraine jusqu’au bord de l’eau pour un magnifique trajet en corniche avec en vue un chapelet d’îles (grecques) qui barre les baies.

À Kalkan, autrefois petit port de pêche et maintenant inextricable station balnéaire et touristique, je tente de descendre déjeuner sur le quai devant les barques de pêche, mais le fouillis des ruelles étroites et encombrée, et surtout leur pente que je crains ne pouvoir remonter sans déboires me font renoncer à cette belle idée. J’irai plutôt déjeuner et faire une grosse pause d’écriture et de lecture une dizaine de kilomètres plus loin, sur un vaste terre-plein en bord de route au dessus de la mer, après un autre arrêt pour contempler la haute faille et la minuscule plage de Kaputas.

Le temps est toujours aussi beau, il fait 18° à l’ombre et un vent léger rend mon «séjour» des plus confortables. À 15:00 je reprends la route, objectif Kaş où j’espère trouver un espace pour m’arrêter et aller marcher un peu dans la ville. Je commence par gagner directement le théâtre, un peu à l’écart du centre très fréquenté. Sa masse de pierre blanc-crème se signale de loin, mais il a a tellement été rénové qu’il en a perdu sa saveur antique… Je monte quand même (avec un peu de difficulté, ça tire aujourd’hui!) jusqu’au dernier gradin pour en avoir une impression globale, qui reste assez typique, mais surtout pour obtenir une vue plus générale de la ville nichée dans sa baie. Beaucoup de constructions neuves, tant en bordure du quartier ancien que sur les hauteurs avoisinantes, lui enlèvent à peu près complètement son caractère de village de pêcheur vanté par les guides… Voulant quand même avoir une impressions moins «urbaine» du site, je pars ensuite faire le tour de la presqu’ile en forme de cil (kaş en turc) qui lui a valu son nom. Les coins non bâtis ont gardé tout leur charme : un maquis touffus et vert descendant en pente vive jusqu’aux rochers sur lesquels vient battre la mer, mais son extrémité est maintenant presqu’entièrement occupée par hôtels et lotissements de résidences de vacances, on se croirait au pire de la Côte d’Azur ou de la Costa del Sol…




La petite route périphérique me ramène au centre ville où je finis par trouver une place et caser l’Exsis, Cela me permettra une petite balade dans les rues et ruelles anciennes. Elles ont heureusement gardé la plupart de leurs maisons traditionnelles à deux étages avec fenêtres et balcons en bois, mais on n’y trouve plus guère les boutiques d’antan consacrées à la vie quotidienne. Des restaurants et autres agences touristique ou boutiques de souvenirs occupent tous les espaces disponibles, y compris les courettes autrefois privées devenues salle à manger garnies de table et décorées de lampions… Restent un certain cachet, les fleurs, les tombes lyciennes antiques placées aux carrefours… Repu de ce décor un peu trop surfait, et pas toujours de bon goût (surtout lorsque le mobilier des restaurants est entassé cul par dessus tête dans un coin) je repasse par la place centrale agréablement pavée et ombragée où des enfants échangent un ballon ou se chamaillent, puis retrouve sans trainer davantage mon véhicule pour aller chercher un bivouac plus loin.

Ce sera près du site archéologique de Myra, à une cinquantaine de kilomètres, où le G.V. signale quelques monuments méritant visite. La route toujours large et le plus souvent à 3 voies vagabonde un peu dans le relief très accentué des contreforts montagneux tombant dans la mer que l’on aperçoit de temps à autre. Je dois être attentif aux virages parfois très secs que l‘on doit prendre à basse vitesse, à défaut de quoi les pneus crissent et le volant tire… Heureusement le trafic est faible, et les quelques camions trainant dans les fortes côtes se laissent doubler facilement.

En abordant la grande descente me menant à destination (Demre), j’ai la surprise de découvrir le même phénomène que ce matin à Patara : une mer de serres sous bâches en polythène recouvre tout le fond de la vallée. Et comme à Milet et Priène, ce sont les alluvions charriés par le fleuve local qui ont créé ce sol riche, éminemment favorable à la culture des légumes et des fruits, mais qui ont aussi condamné le port de Myra se trouvant maintenant à quelques kilomètres du rivage. Je descends un peu à l’aveuglette vers le site, fort mal signalé, à travers les serres et les exploitations agricoles assez négligées, pour finalement stationner juste devant son entrée, dans un espace ouvert sur la route et bordé de restaurants et boutiques de souvenirs. Je m’avance même à pied à travers ce mic-mac pour vérifier que la billetterie est bien là, et que j’aperçois le théâtre en arrière. Demain matin, ouverture à 8:30.

Rassuré, je positionne l’Exsis face à l’est et commence à préparer mon souper, une excellente chorbaçi (soupe turque) dont je ne me lasse pas, et une demi-boîte de gratin dauphinois (à la crème!) agrémenté du reste de saucisson sec. Je vois avec un peu d’inquiétude fondre mes provisions de bouche françaises, leur remplacement par des produits locaux me semble problématique au vu de mes dernières tentatives de magasinage dans les épiceries turques. Peut-être à Antalya ?

Ensuite rédaction du carnet, puis transfert des photos, je n’ai guère marché aujourd’hui, une bonne et longue nuit devrait me remettre d’aplomb.


77 454   Dimanche 18 février 2024 : de DEMRE (MYRA) à ARYCANDA(62 km, m, 18 ét.)

De Myra (Demre) à Arykanda
De Myra (Demre) à Arykanda

Nuit tranquille après 22:00 et le passage des dernières pétrolettes, car je suis en territoire très habité, entre les maisons dispersées des cultivateurs entourés de leurs serres en polythène… Au réveil sous un ciel bleu mais partiellement ennuagé (il tombera quelques gouttes en milieu de journée) je me lève sans trop le goût de bouger. Je consacrai donc la plus grosse partie de la matinée à finaliser la restauration du tiroir No.7 des photos Mourez, puis à faire un envoi via WeTransfer à tous les membres de la famille Mourez dont j’ai les adresses. On verra les retours s’il y en a…

Ensuite je décide d’explorer quand même un peu l’archéologie du site de Myra, bien partielle d’après les commentaires, puisqu’il semble que la ville antique repose sous 8 à 10 mètres d’alluvions sur lesquels s’est développée la ville de Demre. On n’a donc dégagé que le théâtre et une nécropole devant lesquels je me trouve. 300 TL (9 €) c’et beaucoup pour si peu, mais il faut reconnaître que le théâtre à lui seul valait le déplacement. Imposant par sa taille et sa conservation, puisqu’il a gardé presque tous ses gradins, ses couloirs intérieurs étonnent par leurs dimension, même si on ne peut pas vraiment les parcourir, faute de remise en état suffisante. De plus le mur de scène a gardé un partie de ses arcades et de son fin décor sculpté, tandis que l’on expose sur le sol une bonne partie du feston de pierre décoré de guirlandes, têtes de Méduse et autres personnages mythiques. À côté, toute une série de masques de théâtre dont on nous explique les fonctions à la fois scéniques (accentuer l’expression, caractériser les personnages qui pouvaient être joués par le même acteur) et technique : renforcer la transmission de la voix à la façon d’un porte-voix. Je parcours le monument dans toutes ses parties accessibles, regrettant seulement que trop de secteurs demeurent limités pour des question de sécurité (ruines pas assez stabilisées).

Juste à côté, incrustés dans la haute paroi rocheuse qui limite le site à l’ouest, une vingtaine de tombeaux lyciens particulièrement grands et visibles. Leur architecture très proche de celle d’une maisonnette m’est maintenant connue depuis ma visite de Pinara, mais ceux-ci sont plus grands et mieux exposés, les morts enterrés ici étaient sans doute plus riches… Vu la distance, on devine avec peine le décor sculpté supposé être lui aussi exceptionnel. Et… c’est tout! Le reste de la ville n’ayant pas été fouillé, je ne découvrirai aucun de ses autres composants classiques.



Retournant vers l’Exsis j’y mange légèrement les restes d’un excellent pâté de foie gras sur des tranches de pain grillé Pelletier, un régal, assorti d’un verre de Chardonnay, puis conclus d’une portion de yoghourt turc süzme qui vaut le yoghourt grec que j’affectionne (mais évidemment introuvable ici!). Un bon expresso maison, et me voilà prêt à repartir.

Puisque Demre a été la patrie de St Nicolas qui en fut l’évêque avant d’y être enterré, je veux aller voir les restes de sa cathédrale transformée en musée. Je peine un peu à en trouver l’emplacement, en fait au coeur de la ville, dans le prolongement de sa grande place centrale. Je stationne à proximité pour découvrir d’abord avec surprise une longue galerie remplie de boutiques annoncées en russe qui vendent toutes sortes de souvenirs du plus pur kitsch. Pourquoi le Russe ? Parce que Nicolas est le saint patron de la Russie, et que le tsar Nicolas II fin XIXe a fait restaurer (à la russe…) les restes de l’église devenue lieu de pèlerinage... russe. Je parcours cette galerie des horreurs en faisant quelques photos, puis je me dirige vers l’entrée de l’enclos dans lequel se trouve l’église. Surprise, une billetterie du Ministère de la Culture charge 380 TL (12€) pour passer les portillons. J’hésite, puis me fiant à la description du Guide Vert, renonce à cet autre attrape-touriste (russe), me contentant de photographier les hautes statues en bronze du saint en posture de Père Noël (puisque c’est son plus grand titre de gloire!). Puis je fais le tour de l’enclos pour mieux voir - de l’extérieur seulement – le monument outrageusement restauré par le tsar. Quant à l’intérieur, il présenterait quelques fresques orthodoxes intéressantes, mais j’en ai déjà vue de si belles..., en Grèce notamment (dont celles de Mistra).

Je n’essaierai même pas de me rendre à Andriake, l’ancien port de Myra, puisqu’on n’en aurait exhumé que quelques pans de murs bien peu significatifs. Me voilà donc prêt à poursuivre vers l’est et Antalya, mais en commençant à trouver un peu lassant toute cette mise en scène touristique : les vieux quartiers des villes qui n’ont plus grand chose de vieux ou de pittoresque hormis la crasse et le désordre, et les petits ports qui n’ont plus grand-chose de portuaire (hormis les yachts en pagaille) ni de petits, étant maintenant noyés dans des agglomérations champignons pour touristes avec alignements d’immeubles à appartements en location saisonnière, rangées de restaurants cheap et boutiques de souvenirs… Quant aux sites archéologiques, hormis leur intérêt qui est grand tant leur historicité essentiellement hellénistique est incontournable, leur mise en état et surtout leur présentation in situ est très variable, y compris les plus grands. Au bout du compte, ce sont les plus démunis et peut-être les moins moussés (comme Pinara) qui sont les plus émouvants.

Tout ça pour dire que ma prochaine destination sera justement un site de cet acabit, celui d’Arycanda, en pleine montagne à une cinquantaine de km. J’emprunterai d’abord la grande D400 qui suit de près les moindres sinuosités de la côte, ce qui rendra la conduite un peu ardue, ses virages serrés étant rendus très glissants sous la pluie qui s’est déclenchée dès mon départ. Tenant compte en plus de l’usure avancée de mes pneus, je dois suivre sur de longs kilomètres des gros camions qui eux aussi se montrent très prudents.

Enfin mon itinéraire s’éloigne de la mer à Finike pour remonter une longue vallée entre les montagnes. La pluie cesse, ce qui me permettra de refaire le plein de la citerne et des bouteilles sur une fontaine signalé par le panneau officiel en bord de route. Quelques kilomètres encore, et une rude montée sur une toute petite route campagnarde me hisse jusqu’au minuscule parking du site après avoir passé la barrière et la loge désertée par le gardien (il est 17:30). Réussissant à caler l’Exsis à peu près à l’horizontale, je profite de la dernière heure de lumière pour faire une première approche de la ville en ruine. Elle s’étend à flanc de montagne, en rues parallèles où sont dispersés monuments et maisons. J’en découvrirai plusieurs parties en grimpant à gauche et à droite, déplorant le très mauvais état du plan présenté à l’entrée et l’absence de notice devant chaque édifice. J’ai cependant la satisfaction de me rendre compte que j’ai bien appris ma leçon, reconnaissants autels et crepis (bases) de temple, mausolées et agora, et enfin le bouleuterion simple mais tout à fait typique avec son petit amphithéâtre de gradins façon odéon. Je remets à demain la suite de mon exploration du site, magnifique au milieu des montagnes qui l’entourent comme un écrin (on penserait au site fantastique de Delphes en miniature). En retournant à l’Exsis je découvre aussi quelques restes d’habitations au plan caractéristique autour de leur péristyle central, ainsi que leur sol garni de quelques belles mosaïques.

En soirée je commence par prendre mon courrier et envoyer un mail à mon frère Gilles pour savoir où en est son projet de voyage en Italie du Sud - je l’y rejoindrai peut-être – puis rédaction du carnet de route et transfert des photos de la journée. La nuit est totalement silencieuse autour de moi, pas même un muezzin ni un concert d’aboiements pour troubler le silence… Je me coucherai tôt en allumant le chauffage (il fait 7° à 21:30).


77 516 Lundi 19 février 2024 : d’ARYCANDA à ANTALYA (154 km) (6 500 m, 22 ét. )

D'Arycanda à Phaselis et Antalya
D'Arycanda à Phaselis et Antalya

Bonne nuit comme je m’y attendais, avec le soleil et le ciel bleu au réveil à 7:45. Je suis vite prêt pour reprendre ma visite interrompue hier par la tombée de la nuit et la fatigue. Je remonte donc le chemin de service aménagé par les fouilleurs pour rejoindre le «forum d’état» où je m’étais arrêté hier. Il fait très beau, l’air est pur et la vue porte au loin sur les montagnes et leurs sommets en dômes enneigés. Mon petit travail de recherche hier sur les cartes d’Arycanda (à partir de mes photos et de ma navigation sur le net) m’ont permis de beaucoup mieux identifier les bâtiments déjà vus et de savoir où sont ceux que je recherche dorénavant. Cela commencera par le théâtre qu’une volée d’escaliers assez raides me fait atteindre après un bel effort. Il est plus petit que ceux admirés jusque là, et un gros pin, un peu penché, s’est installé dans l’un des gradins supérieur. À part cela, le bâtiment est dans un état de conservation étonnant, et il demanderait peu de rénovations pour être à nouveau fonctionnel.



À partir de là, je longe la courbe de niveau 800 m vers l’ouest pour découvrir un peu plus loin l’agora commerciale dont il ne reste pas grand chose de sa stoa autour de l’espace plan central maintenant envahi par l’herbe. En revanche, en cherchant un peu (tous les panneaux indicateurs et les notices affichées ont disparu) je découvre comme indiqué sur mon plan le petit bouleuterion dont les gradins ont été taillés dans le roc. C’est sur eux que s’asseyaient les citoyens délibérants. Émouvant de voir encore ces traces de la première démocratie après toutes ces années… Je n’irai guère plus loin dans cette direction, tombant sur des restes de rempart en mauvais état et assez instables. En revenant vers le centre de la cité je passe sur l’emplacement d’un petit temple dont il ne reste que le soubassement, puis par le théâtre pour trouver au dessus, tel qu’indiqué sur mon plan, la longue et étroite terrasse du stade, qui a conservé ses quelques rangs de gradins de pierre accotés sur la pente. Celle-ci devient plus raide pour aboutir à la falaise de rocher rouge qui surplombe l’ensemble de la ville. Il semble que la partie est de la piste ait été emportée par le torrent rempli de gros rochers ronds tombés plus ou moins en avalanche de la montagne. J’arrêterai donc là mon exploration, renonçant à monter plus haut vers une acropole dont apparemment il ne reste pas grand-chose.

En redescendant tranquillement sur le chemin de service qui me garantit un pas égal je repasserai dans la zone de la nécropole avec ses tombeaux monumentaux, au dessus des thermes précédés de la petite palestre, puis ente les maisons d’habitation dont les sols maintenant en pleine lumière révèlent pleinement leurs mosaïques. Puis je retrouve l’Exsis resplendissant malgré la crasse au grand soleil matinal. Ravi de cet autre tour solitaire dans ce site splendide, un peu ardu vu la pente et l’état des «sentiers» mais agrémenté par un environnement splendide et les grands pins qui ont poussé un peu partout (bien appréciables l’été je suppose).

La matinée est maintenant plus qu’à moitié entamée, vers où vais-je tourner mes roue en chemin vers Antalya ? La carte du guide suggère encore Olympos comme site d’une ville antique, située au bord de mer et au bout d’une vallée encaissée et pittoresque.




Je redescends donc la sinueuse route de montagne, plus sûre aujourd’hui puisqu’elle est sèche, offrant toujours des vues grandioses sur les sommets enneigés culminant autour de 3 000 m. Après avoir retrouvé la petite ville de Fenike, quelconque, qui étale longuement ses bâtiments neufs le long du rivage ourlé d’une longue promenade aménagée sur la dune, je piquenique en bord de route un peu plus loin devant le vaste paysage maritime. Quelques kilomètres encore de belle 4 voies en corniche et je bifurque sur la petite route qui descend vivement vers le site d’Olympos. Hélas, en arrivant au fond du vallon parcouru par le torrent qu’il faut franchir par deux gués, je tombe sur un inimaginable capharnaüm de cabanes de bois plus ou moins récentes abritant une suite interminable de gargotes et de «pensiyon». Moche et minable. L’entrée du site archéologique est tout au bout de ce bazar, qui se termine en cul de sac, le stationnement - qui servira aussi pour la plage voisine – étant en pleins travaux. Je devrai m’en sortir au prix d’une longue marche arrière, après avoir constaté que l’entrée très chère ne vaut pas les quelques vestiges mal mis en valeur et encore à demi enfouis dans la végétation. Déception… après la découverte d’Arycanda hier soir et ce matin, décidément exceptionnel.

Je poursuivrai donc ma route vers Antalya en remontant jusqu’à la D400, mais comme il reste encore près de 2 heures avant d’entamer ma soirée, ferai un autre essai de visite au site de Phaselis. qui jouit d’une toute autre réputation. Là encore descente accusée jusqu’au bord de la mer, mais pour découvrir cette fois un vallon désert partiellement envahi par les joncs, et une petite péninsule qui s’entourait de trois ports antiques abrités, maintenant surtout prisés pour leur plages. Sur la terre on a commencé à dégager les vestiges d’une riche petite ville marchande, cachée sous les arbres et dans les fourrés qui s’y sont développés depuis son abandon il y a des siècles. Le travail est bien avancé pour les quelques arches grandioses de l’aqueduc romain, le théâtre, et les larges avenues pavées de marbre. Elles aboutissent sur un bel Arc d’Hadrien dont les morceaux finement sculptés, bien rangés et numérotés sur le sol, attendent une éventuelle anastylose… Les petites rades aussi ne manquent pas de charme, peut-être en partie parce que les baigneurs – nombreux en été parait-il – se sont abstenus aujourd’hui !

On ferme les grilles lorsque je repasse la porte en me fixant pour prochaine et dernière étape de la journée un hypermarché dans le grand Antalya. Je pointe sur le GPS un «Carrefour süper» en espérant y trouver une variété suffisante pour regarnir mes coffres. Hélas, là encore déception, j’aurai rarement découvert pareille indigence sous cette enseigne pourtant synonyme en France de variété et d‘abondance, sans compter les prix qui, eux, me semblent superlatifs… Je me consolerai un peu en faisant un tour au Migros qui trône de l’autre côté de la grande avenue, mais là encore le rayon fromages est minable, les conserves de légumes ou de plats cuisinés inexistants, et les poissons en boite autres que le thon tout aussi inconnus. Je réintègre mon home avec ce maigre cabas et, voyant le soir presque venu – il est maintenant 19:00 – cherche un lieu susceptible de m’accueillir pour la nuit. Je me dirige d’abord vers le bord de mer, mais ici pas de lungomare tranquille au dessus de la plage et des vagues, seulement un long défilé de camions attendant pour embarquer sur l’un des ferry du port… Je jetterai mon dévolu finalement sur une rue en arrière bordée de hauts immeubles d’habitation, essentiellement résidentielle et donc sans vrai trafic nocturne.

Stores baissés dès l’Exsis casé, je commence par me préparer une soupe turque Knorr que j’apprécie mais commence à trouver un peu monotone, puis réponds à mon courrier et travaille un peu mes photos des derniers jours. Coucher tôt dans un calme urbain relatif près cette autre belle journée de découverte et de route.


77 670 Mardi 20 février 2024 : d’ANTALYA à TERMESSOS (33 km) (7 600 m, 3 ét.)

D'Antalya à Termessos
D'Antalya à Termessos

En fin de compte tout trafic s’est arrêté après 22:00 et j’ai passé une fort bonne nuit, jusqu’à mon lever à 8:15. Je commence par compléter le carnet de bord laissé en plan hier au profit des photos, puis consulte mes guides pour vérifier ce que je devrais voir à Antalya avant de quitter cette grosse ville. Incontournable : le Musée archéologique qui rassemble les trouvailles faites dans la région, y compris les grands site que j’ai ou devrais visiter. Je n’en suis qu’à une dizaine de minute, vite parcourus sur le grande avenue Agkeniz Bvd pour me retrouver sur le parking devant la porte du musée.

Le bâtiment neuf a belle allure au milieu de son jardin ponctué de restes lapidaires : couvercles de tombeaux lyciens, si caractéristiques, frises sculptées de motifs géométriques, floraux ou même de scènes plus ou moins mythologiques. Mais c’est à l’intérieur que la fête se passe, puisqu’on y a entreposé, parfaitement disposés et éclairés, un grand nombre de statues – essentiellement gréco-romaines – découvertes dans les sites de la région dont certains que j’ai visité comme Myra, Arycanda, Olympos, Phaselis, et d’autres vers lesquels j’ai l’intention de me diriger comme Termessos, Perge, Aspendos, Side et Alyana. Auparavant j’aurai pu profiter d’une rétrospective sur les cultures néolithiques, de l’Age du bronze puis archaïques, classiques et hellénistiques présentée dans de grandes vitrines où toutes sortes de petits objets, quotidiens, cultuels ou funéraires, montrent les étapes du développement des techniques et des esthétiques, et donnent incidemment une idée des croyances de ces hommes de l’Anatolie. C’est lorsque j’ai quitté ces premières salles pour pénétrer dans les longues galeries consacrées aux grandes statues – la plupart plus grande que nature - que j’ai été frappé par leur nombre, leur qualité, et, pour beaucoup, par leur bon état. La plupart décoraient les niches qui se trouvaient dans les nymphaion (fontaines monumentales), le murs de scènes des théâtres, les arcs de triomphe ou portes monumentales édifiées à l’entrée des villes ou pour séparer des zones urbaines (agora). D’autres enfin, placées sur des socles portant des inscriptions, décoraient places et avenues. La plupart représentent des divinités ou des héros, d’autres des personnages historiques (empereurs romains) ou des bienfaiteurs de la cité. Dans tous les cas, qu’ils soient idéalisés ou réalistes, les traits, les expressions, les attitudes voire les mouvements saisis au vol transpirent de vie et parfois même d’intensité. Je passerai beaucoup de temps à examiner le maximum de ces manifestations du génie créateur, à tâcher d’en capter la beauté avec ma caméra, à déchiffrer les textes d’accompagnement élucidant les mythes et les circonstances de leur mise au monde voire de leurs avatars. Mentions particulière pour l’exposition spéciale au 2ème étage présentant des objets résultant de fouilles illégales vendus sur le marché international et récupérés aux USA… La dernière grande salle est consacrées à une collection de sarcophages de l’époque hellénistique, dont les sculptures de plusieurs, très travaillées, mettent en avant le personnage d’Herakles à travers ses travaux.

Je sors un peu étourdi et les jambes lourdes après ces 4 heures intenses d’exploration et de découvertes. Je prends un peu l’air et le soleil en faisant un tour rapide du petit musée lapidaire installé dans le jardin, puis rentre dans l’Exsis pour m’assoir – enfin ! - et me restaurer. Le jardinier poussant sa brouette de déchets m’interpelle en passant – en français! - et me raconte un peu la vie variée qu’il a mené avant de se retrouver ici à Antalya… Drôle de personnage, polyglotte qui a vécu en France, en Allemagne, en Espagne et en Angleterre, mais qui n’a jamais vu l’intérieur du musée à sa porte, et qui préfère profiter du soleil et de la sociabilité de son Antalya… Il vit ici au niveau du smig turc en attendant de jouer l’interprète à l’aéroport en saison.

Après avoir un peu récupéré je dois maintenant quitter Antalya pour poursuivre mon exploration de la côte vers l’est où, le musée me l’a confirmé, m’attendent d’autres sites admirables. Mais pas sans avoir au moins jeté un œil à deux autres monuments intéressants d’Antalya. Il me reste 2 1/2 h jusqu’à la fermeture du parking du musée, j’ai donc juste le temps de gagner à pied le centre ville pour voir la Tour de l’Horloge et la Porte d’Hadrien. D’un pas allègre je me mets donc en route, observant au passage la vue sur la côte, les boutiques et la faune qui prend l’air dans le parc, fait quelques emplettes, discute paisiblement, promène les enfants, etc. Tout cela au milieu de travaux de voirie non signalisés, d’un grand repavage de la place en chantier, des voitures qui contournent comme elle le peuvent en empiétant sur l’espace piétonnier, etc. Quel contraste entre ce «je-m’en-foutisme» des travailleurs mal encadrés et le tableaux des grands immeubles et commerces modernes… J’arrive à la Tour, pittoresque reste médiéval dont la base disparaît derrière les tôles d’un autre chantier… Elle est connectée à quelques pans de muraille, à deux pas d’une vieille église orthodoxe restaurée mais hélas fermée, et d’une belle mosquée classique au pied de son fin minaret d’où bientôt jaillit l’appel tonitruant du muezzin… Quelques rues anciennes parfaitement retapées – presque trop – adoptées par restaurants et boutiques à touristes, ce sera tout de ce que je verrai du « quartier ancien » (dixit le Guide Vert) et j’arrive à la fameuse Porte d’Hadrien. Elle ne manque pas d’allure, même si certains chapiteaux des colonnes ad antes me semblent un peu trop neufs et stylisés… Les touristes s’y pressent, prenant des selfies à tour de bras. Je sacrifie moi aussi à quelques images sous divers angles, puis prends le chemin du retour d’un pas à peine plus lourd. Finalement je serai devant l’Exsis à 17:20, 10 minutes avant la fermeture du portail.

Pas question de passer une deuxième nuit ici, et ma visite m’ayant confirmé l’intérêt du site de Termessos dans la montagne au nord, je prends aussitôt la route. Le soir descend sur les grands virages de la 4 voies qui s’élève rapidement jusqu’à atteindre les 400 m du début de la petite route du parc où je m’engage. Pas pour longtemps car quelques cinq cents mètres plus loin la grille d’accès et sa guérite sont fermées jusqu’à demain matin 8:00. Il ne me reste plus qu’à trouver un espace plan suffisant pour poser ma chambrette, y souper, et m’adonner aux routines du soir avant de me coucher vers 22:30, en espérant que le passage sur la grande route proche s’atténuera bientôt.


77 703 Mercredi 21 février 2024 : de TERMESSOS à PERGÉ (57 km) (7 600 m, 40 ét. )

De Termessos à Perge
De Termessos à Perge

Nuit passable, le bruit de l’autoroute trop proche - après que le gardien m’ait fait reculer jusqu’au delà de l’arche marquant le début du parc – ayant plus ou moins perturbé mon sommeil et m’en ayant tiré très tôt. Dès 8:15 je passe la barrière et la billetterie et commence à faire grimper l’Exsis sur la petite route raide, étroite et coupée de lacets qui gagne le parking au pied du site archéologique, 8 km plus haut. Je me douche et déjeune sur une étroite plate-forme près des vestiges d’un monument antique, un poste de guet ou un autel votif ? La vue sur la vallée en dessous et sa vaste ouverture encadrée de montagnes est magnifique. Puis laissant l’Exsis quasiment seul sur l’esplanade devant les premières ruines, je commence mon exploration des lieux, difficile faute d’un plan explicite (le seul gravé sur un panneau de bois est en turc!) et d’un bon sentier à suivre pour faire le tour des édifices. Très ruinés, sans aucune notice, ils sont indiqués seulement par un fléchage parcimonieux. De plus le site n’a pas été fouillé, si bien que toute la pierraille éboulée de cette cité importante encombre le sol par ailleurs envahi par des buissons et une herbe abondante. Je commence par m’aventurer du côté du petit temple d’Artemis également marqué Propylon d’Hadrien, sans pouvoir démêler ce qui appartient à l’un ou à l’autre dans l’amas de pierres entassées sur le crepis, à l’exception de l’encadrement d’une porte finement sculpté. Puis corrigeant mon orientation et tâchant de suivre le circuit recommandé par le G.V., j’entreprend la longue et rude montée sur le chemin terreux et caillouteux – la Route du Roi! - menant au rempart inférieur de la cité. Il se signale par quelques grands pans de murs en pierre de taille, au bord desquels on passe l’ancienne porte dont il ne reste que le seuil. Juste après se découvre la masse imposante du Gymnase romain auquel, comme d’habitude, ils avaient joint des thermes. Je tente un peu de m’approcher de la cour au-delà des murs et arcades très abimés, mais tout cela me paraît trop instable et envahi par les ronces couvrant les tas de cailloux, je me contenterai de photos des entrées harmonieusement disposées en façade.



Ensuite ce sera une longue marche sur des sentiers zigonant en sous-bois, en évitant les innombrables pierres qui accrochent le pied ou tordent les chevilles, pour aller vers le théâtre. Accroché sur une terrasse au dessus de l’abîme, il m’impressionne d’abord parce qu’il est presque complet, y compris une bonne moitié de son mur de scène, et ses gradins bien qu’amplement disjoints font à peu près le tour de l’hémicycle. Mais c’est surtout son environnement sauvage en bordure du vide et sous des montagnes à-pic qui m frappent. Malheureusement, là encore, guère possible d’en faire le tour, son état de décrépitude m’inspirant la plus grande prudence. Je m’étonne d’ailleurs que ce monument encore assez complet ne fasse pas encore l’objet d’une sérieuse consolidation, à défaut de restauration… À côté, un espace dégagé à peu près carré est marqué Agora, même si l’on ne devine même plus la trace des stoas qui devaient en faire le tour. En bordure nord, le haut mur en pierres de taille d’un bâtiment carré m’interpelle. En grimpant dans les éboulis qui l’entoure je découvrirai qu’il s’agit d’un vaste bouleuterion dont tout l’intérieur est écroulé et qui ne conserve qu’un ou deux vagues rangs de gradins taillés dans le rocher. En sortant j’identifie le crepis d’un autre temple dédié à Artémis (dont le culte succédant à celui de Cybèle était très présent en Lycie), avant de poursuivre sur un petit bout de voie pavée de marbre, étonnant dans toute cette broussaille, qui reliait l’agora à un heroon dont il ne reste que les partie creusées dans le rocher. À côté, une soi-disant maison romaine dont on ne distingue qu’un tas de pierres informe sous les arbres… En revanche la grande citerne ouvre encore les cinq margelles de 5 sections communicantes entre elle par des arches que l’on aperçoit dans l’ombre à une grande profondeur, près de 10 m plus bas. Impressionnant ! Mais où récupéraient-ils toute l’eau nécessaire pour la remplir ? Ensuite des flèches indiquent deux ou trois stoas dont il ne reste presque plus rien sous les branchages des arbustes et dans les fourrés.

Je redescends alors vers le centre de la cité qui se signale par une longue terrasse soutenue par un haut mur coupant le haut de la vallée. Quelques pans de murs épars font deviner plusieurs monuments publics non identifiés et une longue rue à colonnades dont presque toutes les colonnes gisent dans l’herbe haute et la caillasse, balisée de socles rectangulaires qui devaient porter statues et dédicaces. Je continue à remonter la vallée vers un temple qualifié de «corinthien», je suppose à cause de l’unique chapiteau surmontant un pylône à l’angle des deux hauts murs survivants (là encore impossible d’en voir l’intérieur, tant les tas d’éboulis qui entourent son haut crepis sont instables). Puis je décide de me rendre jusqu’à la nécropole sud-ouest, au delà des murs fermant le haut de la ville. Long et parfois raide cheminement sur le sentier entre les tas de pierre informes marquant l’emplacement des habitations. J’y découvre quantité de tessons en terre-cuite provenant de poteries ou de tuiles, dont l’un où l’on voit clairement la forme du col du pot donnée par le potier il y a plus de 2 000 ans… Je finirai par arriver dans la nécropole, un étonnant empilement de gros sarcophages en pierre, les pesants couvercles soulevés ou déplacés par les pilleurs de tombe, quelques uns éventrés, tous dispersés au hasard de l’évolution du terrain sur les pentes abritées de pins. Tableau nostalgique qui évoque la vanité des hommes en attente d’éternité, dans l’illusion d’une quelconque existence post-mortem… alors que leurs sarcophages sont vides, que les inscriptions et motifs sculptés s’effacent et que la pierre lentement s’effrite pour retourner en sable...

Après quelques minutes à errer solitaire au milieu des monuments et à méditer dans le grand silence de la montagne, je rebrousse chemin pour revenir au centre de la cité dont j’aurai vu les principaux vestiges. Il reste encore le tombeau d’Alcetas, auquel j’accorderai un petit détour dans le sous-bois, pour découvrir une arche servant d’antichambre à un grande salle funéraire creusée de niches où était placés les corps des défunts. Assez évocateur des rituels funéraires qui devaient y avoir lieu. Après cette dernière découverte je retourne sur la grande terrasse centrale, suis les restes de la rue à colonnade et entame la longue et rude descente du sentier parfois fort mal aménagé qui ramène au stationnement quelques centaines de mètre plus bas. En chemin apparaitront plusieurs tombeaux creusés dans le flanc de la montagne, parfois fermé en forme de façade de maison, mais le plus souvent sous forme d’un sarcophage abrité sous une arche taillée dans le roc et portant inscription et discret décor sculpté.

J’ai les jambe lourdes après ces 7 km de marche en terrain mal aménagé et en forte déclivité, et je serai bien content de m’assoir un moment sans bouger sur la confortable banquette de l’Exsis. Puis je consacre l’heure qui suit à un pique-nique léger (tomate tranchée à la vinaigrette française, pâté francais, et portion de tiramisu italo-turc) avant un café expresso éthiopien dont j’aurai épuisé le pot…

Maintenant ragaillardi, je prends un moment pour consulter guides et cartes, puis programme ma prochaine visite : ce sera Pergé, dont plusieurs vantent le site bien aménagé et en particulier le théâtre, spectaculaire. Je commence aussi à penser à mon retour, décidant de poursuivre la côte méditerranéenne jusqu’à Annamur et renonçant pour cette fois à la Cappadoce (froid, état des routes et risque de neige selon la météo).

Il est presque 16:00 lorsque je redescends la Route des Rois en prenant le temps d’admirer le paysage grandiose malheureusement plus terne sous le ciel de plus en plus nuageux, puis regagne la plaine en suivant un itinéraire agricole (beaucoup de serres en polythène…) qui me fait traverser quelques villages en foutoirs sur des chaussées bosselées…

Lorsque j’arrive sur le stationnement de Pergé vers 17:15 je croise des guichetiers qui viennent de fermer l’entrée au grand théâtre juste derrière moi. Les visites seront donc pour demain – ce n’est peut-être pas plus mal après ma grosse marche de la journée – et je m’installe dans un coin du vaste parking en orientant l’Exsis vers le sud-est, histoire de profiter au maximum demain matin du soleil matinal. La batterie n’ayant toujours pas retrouvé son maximum après une heure de route, je dois d’ailleurs laisser tourner le moteur un moment (il y a décidément un problème avec les panneaux solaires puisqu’ici ils ne manquent pas de photons : usure prématurée, connexions ?). Puis je consacre la soirée à un début de mise en ordre de mes nombreuses photos des derniers jours, puis à de longs appels WhatsApp à Monique, Mathieu et Denis avant de souper et de me coucher dans un silence bienvenu vers 22:30.


77 760 Jeudi 22 février 2024 : de PERGÉ à ASPENDOS (34 km) (9 100 m)

De Perge à Aspendos
De Perge à Aspendos

Ciel partiellement nuageux, j’ai dû chauffer cette nuit mais à mon réveil vers 8:00 le soleil n’a pas tardé à réchauffer l’habitacle. Je me sens un peu trop courbaturé (jambes, dos, chevilles) par mon crapahutages d’hier pour démarrer rapidement, aussi je traine un peu au lit, puis déjeune et me mets à la rédaction du carnet délaissée hier soir, sur le grand parking tranquille toujours à peu près vide. Finalement vers midi je me décide à enfiler mes chaussures (mes vieilles Clark qui commencent à montrer leur âge, dont j’ai déjà recollé partiellement la semelle - miraculeuse Shoe Goo ! - mais qui devront faire un stage chez le cordonnier à mon retour à Montréal). Je passe à la billetterie et découvre alors combien le site est vaste… J’ai eu raison d’attendre de me sentir d’attaque !

Je commence par aller faire un tour du stade, assez bien conservé et qui donne une bonne idée des spectacles «sportifs» de l’époque, même si là aussi les Romains ont fermé l’une des parties courbées au fond pour présenter leurs spectacles de gladiateurs et autres bestiaires. Puis je suis un peu les restes imposants de remparts qui me mènent à la porte de la ville. Elle n’a pas encore reçu la restauration de l’élégant propylon offert à la ville par l’Empereur Septime Sévère, et ses nombreux morceaux sculptés gisent proprement numérotés et alignés dans le gazon en avant. Une fois passé le seuil donnant accès à un vaste square, je commence par aller faire un tour dans les restes très significatifs de la basilique chrétienne dont malheureusement les mosaïques sont cachées sous des toiles couvertes de sable… Puis, en face c’est le propylon des thermes de Septime Sévère dont quelques colonnes ont été relevée, histoire de donner plus de solennité à l’entrée dans ce grand bâtiment public fort vaste et dont chacune des parties à température controlée, froides, tièdes et chaudes, montrent encore des petites sections du luxueux décor de marbres coloré et veiné, particulièrement autour des bassins et piscines, tandis que le plancher éventré ailleurs laisse apparaitre les hypocaustes et les conduits chauffants dans les murs. Je suis frappé par les vastes proportions de chacune des salles, dont les murs bien qu’incomplets montent encore très haut. Juste à côté de l’entrée des thermes, on peut aussi admirer les restes malheureusement privés de leur décor de statues – les corniches finement sculptées gisent à terre en avant – d’un grand nymphaion (fontaine publique) lui aussi portant le nom de l’empereur Septime Sévère qui visita la ville. Puis je passe à l’agora : de grandes proportions, il est surtout encore entouré de sa double stoa dont la plupart des colonnes ont été remontées au moins partiellement, donnant une grande allure à cet autre espace public. Les deux hautes tours qui marquaient l’entrée de la ville avant l’arrivée des Romains ont été conservées par ceux-ci, et on en achève la restauration. Impressionnant !

Ensuite longue marche pour remonter la très longue et large avenue centrale à colonnes, qui a elle aussi fière allure. Un canal large de près de 2 mètres reposait au niveau du sol dallé, et l’eau de la fontaine à son extrémité au pied de l’acropolis s’écoulait à l’air libre, tandis que l’égout collecteur central était placée en dessous. Des regards percé dans le lit du canal, bouché par de grosses pierres ronde et plates, en permettaient l’entretien. Ingénieux, ces Romains! Le sol des longues stoa des deux côté de la rue, donnant sur des boutiques, était recouvert de mosaïques dont on aperçoit ça et là sous le sable qui les protège quelques petits motifs… Quel luxe!

Tout au bout de cette longue avenue j’arrive à une intersection avec la rue perpendiculaire qui mène aux portes est et ouest, elle aussi bordée d’une colonnade… Je continue tout droit en passant sous une arche et me rend jusqu’au bout où la rue s’arrête sur une fontaine monumentale présidée par la statue allongée du fleuve local. En arrière, le système d’adduction d’eau noyés dans des escaliers permettant d’accéder à l’acropole. Trop peu à voir apparemment pour que je me lance dans cet autre excursion, je préfère revenir sur mes pas pour suivre la rue croisée précédemment vers l’ouest, bordée de boutiques dont l’une présente une mosaïque à grand motif mythologique protégé derrière une grille. Un peu plus loin, autre arche décorative, puis 2 grands monuments : à droite la façade imposante du gymnase en fort bon état, mais l’intérieur n’a pas été dégagé. En revanche à gauche des thermes de Caracalla, élèvent encore l’enchevêtrement des salles d’usage, malheureusement moins bien présentées que celles découverte plus tôt à l’entrée de la ville. Au bout de la rue, une place donnant sur la porte ouest percée dans un reste de remparts, et un autre nymphaion dit de Caracalla récemment dégagé… Après cette longue marche je n’irai pas plus loin, de toute façon le passage est fermé du côté de la porte. Je reviens donc sur mes pas jusqu’à la longue artère à colonne, où je ferai encore une incursion dans un espace herbu et non aménagé rempli de pierre pour approcher un grand bâtiment, une basilique aux murs extérieurs encore debout mais remplie de débris qui rendent son accès impraticable. Découverte fortuite d’une tortue de bonne taille se déplaçant dans l’herbe haute…

Je repasse la porte romaine en arrière des deux tours, puis traverse le stationnement et la rue pour découvrir le théâtre, en remarquable état de conservation. Montant jusqu’en haut des gradins, j’aurai une belle vue sur les bâtiments de la ville émergent du champ de ruines, au delà du mur de scène qui a conservé une partie de son décor (sans ses statues bien sûr…). Avant de partir je prends quelques photos de la grande maquette de la ville antique sous sa vitrine que j’ai dû faire nettoyer, tant la vitre supérieure était rendue semi-opaque par l’accumulation de poussière…

Il est déjà passé 17:00 et le soleil descend. J’ai mon quota de kilomètres dans les jambes, je ne resterai pas plus longtemps et décide de passer à ma prochaine étape, le site d’Aspendos, nettement moins riche mais fameux pour son théâtre tout à fait exceptionnel. Ce n’est qu’une trentaine de kilomètre vite parcourus sur la 4 voies D400 à travers la plaine.

En arrivant au village une pancarte m’invite à aller admirer le vieux pont seljoucide du XIIIe qui a été superbement restauré. Sous ses arches supportant un tablier en dos d’âne et serpentant coulent les eaux rapide d’un large torrent aux eaux bleues descendant des montagnes. Joli tableau dans la lumière du soir.

En arrivant au pied du théâtre et à l’entrée de la Ville antique d’Aspendos m’attend un autre vaste parking vide. Je m’y installe un peu à l’écart du passage prévisible demain matin, souffle un peu avant de souper et de m’attaquer aux transfert et dénomination du stock de photos qui s’accumule. Finalement cela prendra beaucoup plus de temps que prévu, et je ne toucherai pas au carnet de route dont je remets la rédaction à demain.


77 794 Vendredi 23 février 2024 : d’ASPENDOS à SIDE (39 km) (5 100 m, 10 ét.)

D'Aspendos à Side
D'Aspendos à Side

Matinée tranquille, les visiteurs sont rares et l’espace est grand au pied du haut mur de scène complet, le premier que j’ai jamais vu dans cet état… Comme il fait bon dans l’Exsis et que je veux profiter de son confort pour m’avancer un peu dans mon travail clérical, je ne bougerai pas de la matinée, changeant seulement l’orientation de l’Exsis pour profiter au maximum du rayonnement du soleil, hélas sans grand résultat vu le rendement des panneaux au plus bas… Je songe alors qu’il faudra trouver un muret ou un support assez haut contre lequel je pourrai placer l’Exsis pour grimper et accéder au toit, Je pourrai alors vérifier l’état des connexions des panneaux à la source, les resserrer et éventuellement nettoyer leur surface peut-être encrassée...

J’avancerai bien ma tâche, récupérant entre autres toutes les informations captés sur les affiches et autres panneaux placés sur les sites ou devant les monuments pour en tirer des fichiers textes facilement traductibles en français par DeepL. Je pourrai ainsi à tête reposée revoir ma somme d’images recueillies en comprenant un peu plus de quoi il s’agit. Ma tâche me mène jusque passé 13:00, sans que j’aie pour autant attaqué la rédaction du carnet… mais comme je ne veux pas passer une autre journée sur ce parking, je me douche et m’habille pour me lancer dans la visite d’Aspendos.

D’abord le théâtre, puisque c’est lui la vedette ici. Non seulement toute la façade et les tours latérales sont en parfait état, mais l’impression perdure lorsque j’emprunte l’un des parodoi : non seulement le mur de scène du côté «salle» monte-t-il jusqu’au niveau des plus hauts gradins, mais ceux-ci eux aussi sont complets jusqu’au plus haut rang, et complétés d’une galerie couverte qui court tout autour, permettant aux spectateurs de circuler facilement, mais aussi de se mettre à l’abri des intempéries ou d’aller y discuter tranquillement… Les gradins sont complètement fonctionnels et alignés, et les escaliers permettant d’y circuler ont été restaurés, si bien qu’on circule entre les «portions» sans difficulté ni danger. Le clou reste la surface du mur de scène, à peu près préservée jusqu’à son sommet – quoique l’auvent probablement en bois ait disparu – avec les encadrements et les linteaux et frontons sculptés des fenêtres ou niches marquant les étages. Encore une fois il manque les statues qui devaient enrichir considérablement son aspect. Je lparcours les gradins dans tous les sens - ce que mon IPhone enregistrera comme 40 étages ! - trainant un moment dans la galerie circulaire supérieure dont les arcs disposés en courbe donne un effet visuel original, puis redescend au milieu des touristes maintenant nombreux pour attaquer le reste de la visite de la ville ancienne, en fait son acropole puisque la zone des habitations a presque entièrement disparu.

Je commence par un petit écart pour jeter un œil aux restes du stade. Ne demeurent que les voutes qui soutenaient les gradins, ceux-ci ont complètement disparu, ce qui ôte au monument son aspect longiligne caractéristique, donc l’essentiel de son intérêt visuel. Du coup il est peu entretenu, la piste est boueuse et envahie par des plantes buissonnantes portant piquants et autres désagréments.

Je ne m’attarde donc pas et me dirige sur le sentier montant sur la colline. L’emplacement d’un temple est encore visible, base bordée de marches au milieu des fondations d’un temenos, mais rien de plus, décevant. J’arrive ainsi à l’arche sous laquelle passe la voie pavée de marbre et marquée par le passage des roues. De là on aperçoit les hauts murs de plusieurs bâtiments imposants : la basilica qui gardé ses voutes avant et arrière, et le mur de dos du bouleuterion sur lequel ne s’appuie plus aucun gradin… À deux pas c’est l’agora, vaste espace carré dégagé et plat, limité par le haut mur de fond d’un grandiose nymphaion. Impressionnant par ses dimensions, mais la disparition de l’essentiel de son décor (probablement en pierres de marbre épandues alentours) lui enlève le charme qu’il devait avoir. Ensuite… pas grand-chose puisque des barrières empêchent de gagner des zones encore en cours de fouille. Mon Guide suggère aussi l’aqueduc, je le cherche un peu sur le plateau où ses arches ont disparu en ne laissant que de vagues piliers bas, mais en allant jusqu’au bord du plateau, j’en aperçois les hautes arcades flamboyant dans la lumière jaune vespérale qui s’avancent dans la plaine verte et bleue. Une haute tour (en grande partie ruinée) devait correspondre au régulateur de pression, quelques restes d’arche encore puis plus rien au niveau des champs, et surprenant, de l’autre côté du val à quelques centaines de mètres, les hautes arches réapparaissent en se dirigeant vers la montagne. On est loin de l’état du Pont du Gard, mais cet ouvrage d’art si loin du centre de l’Empire fait rêver à la maitrise des grands ouvrages et des travaux publics que ces Romain maitrisaient si bien, surtout en pensant aux moyens techniques à leur disposition.

Voilà qui conclut mon tour de la ville ancienne qui finalement se réduit à peu de chose, et malheureusement en fort mauvais état. Si ce n’était le théâtre, ce site n’aurait rien d’exceptionnel. Passant la grille le dernier à sa fermeture à 17:00 je retourner à l’Exsis et mange un morceau, mon déjeuner et ma salade de tomate étant loin. Puis je songe à gagner Side, l’étape suivante sur ma carte, tout en restant soucieux de la charge des panneaux solaires que je voudrais bien vérifier. Mais sur quoi monter pour atteindre le toit? Je prends alors conscience qu’au bord du parking une espèce d’estrade en béton haute d’1,80 m supporte des armatures de tente probablement utilisées pendant le festival de théâtre qui se déroule ici l’été, mais qui pour l’heure est vide. Je place donc l’Exsis à ras de cette plate-forme, et utilisant mon échelle de lit, grimpe dessus puis accotant l’échelle sur le flanc de l’Exsis, arrive largement au dessus du toit. Je peux alors ouvrir la boite de connexion, vérifier et resserrer les contacts qui en fait n’en avaient guère besoin… Je profite aussi de cet accès providentiel pour nettoyer et rincer soigneusement la surface des panneaux, au cas où.. Cette tâche accomplie sans pouvoir en vérifier l’efficacité, le soleil étant trop bas, je m’avise alors d’un abreuvoir destiné aux touristes et au spectateurs juste devant l’entrée du théâtre. Ni une ni deux, l’aubaine est trop bonne, je sors mon tuyau pliable, serre l’adaptateur sur le bec du robinet et procède au plein de ma citerne et de mes bouteilles d’eau potable.

Un fois ces tâches accomplies, je me mets en route pour rattraper la D400, non sans faire un dernier détour au pied de la colline d’Aspendos pour aller voir de près les hautes arches de l’aqueduc. Toujours impressionnant de se placer au pied de ces mastodontes ! Je prends enfin la route pour rouler rapidement vers Side où je veux bivouaquer à proximité de la ville antique. Je ne ferai qu’une autre pause en entrant en ville, lorsque j’aperçois un «gros» Migros où je trouverai peut-être ma mouture à café expresso. Effectivement on y vend du Starbuck Verona qui devait convenir. Je reprends aussi du pain et du vin, puis traverse dans la nuit la ville jusqu’à la pointe où les Sidiens avaient placé leur port. Pas de parking officiel à portée ici, mais une rue donnant accès à un parc et barrée par un chantier fera l’affaire. Traffic quasi nul, seuls les échos lointains d’un café concert – musique et chanteur d’un orientalisme douteux - me parviendront longtemps sans m’empêcher de m’endormir passé minuit.


77 833 Samedi 24 février 2024 : de SIDE à ALANYA (66 km) (7 100 m, 10 ét.)

De Side à Alanya-Kalesi
De Side à Alanya

Ciel totalement dégagé et grand soleil au lever à 8:00 après une nuit paisible. Vu la fatigue accumulée, la paix des lieux et le retard pris dans mes rédactions, je profite de la matinée pour mettre à jour la carnet jusqu’à midi. Je mange alors, avant de me doucher et d’aller découvrir la Side antique. Je dois constater aussi, hélas, que mes interventions d’hier soir n’ont guère amélioré le rendement de mon installation solaire...

Étant bien stationné juste au début du quartier de la ville antiques protégée du trafic par une barrière et des gardiens, je laisse l’Exsis orienté en plein face au soleil de 13:00 ( récoltant un maigre 5 A (sur un maxi théorique de 26 A!) et m’engage sur la belle et large avenue pavée de grandes dalles de marbre blanc qui me mènera bientôt aux restes – très symboliques – de la massive porte romaine. Juste avant, sur un gros chantier de reconstruction d’un grandiose nymphaion s’activent une vingtaine d’ouvriers accompagnés de l’architecte en cravate et, je suppose, du maitre d’oeuvre du Ministère de la Culture. Chantier considérable, à la mesure du monument qui s’étend haut et large avec ses avancées et ses retraits, ses colonnes, ses voutes sculptées et autres fantaisies architecturales un rien baroque. Un grand dessin affiché sur la clôture qui sépare du champ où sont étalés tout un apparent capharnaüm de blocs de marbre travaillés – mais chacun dûment numéroté – montre à quoi ressemblait et ressemblera la façade une fois l’anastylose complétée. Travail fascinant et remarquable. Je poursuis la grande rue bordée de colonnes et de petites boutiques carrées qui se suivent avec à peu près toutes la même cadre de porte en marbre blanc et les mêmes dimensions, en apercevant au bout quelques gradins du théâtre dépassant du haut mur de scène. Je préfère emprunter un petite rue perpendiculaire qui coupe à travers les champs non encore fouillés ni dégagés pour bientôt tomber sur le vaste carré restauré de l’agora impérial, dont la stoa qui a retrouvé ses colonnes, et dans le mur latéral, présente des niches où l’on a replacé des copie des statues originales maintenant au musée. L’effet est superbe, cette pratique devrait vraiment être généralisée ! J’y découvre aussi sur l’un des côté du carré un monument encastré avec petite cour centrale, colonnes et niches qui ressemble à un nymphaion mais sans que j’y voie aucun bassin. Comme dans trop d’autres sites la documentation est bien peu disponible… (En fait une bibliothèque impériale, apprendrai-je plus tard).

Je poursuis mon chemin en allant vers la pointe de la péninsule et vers le port. Plus guère de monuments en dehors d’une abondance de ruines plutôt informes, mais les maisons contemporaines apparaissent puis se font progressivement plus nombreuses et plus denses. Heureusement toutes respectent un style régional heureux (structure carrée à deux étages, toiture plate à quatre pans en tuiles, avancées et balcons en bois sombre, fenêtre à petits carreaux…). Leur espacement et alignement pas trop régulier rappellent l’ambiance de villages typiques traditionnels. Les façades sur rue sont bien sûr toutes assorties de magasins où les marchandises présentées, essentiellement des souvenirs, sont souvent loin d’être à mon goût, mais comme le racolage est inexistant, ça se supporte. Autre particularité, comme cette ville nouvelle s’est implantée sur la ville antiques dont on trouve des restes à chaque fois qu’on creuse, le choix a été fait de dégager ces ruines, puis de les couvrir d’une dalle de béton sur laquelle est construite la maison neuve, dalle dans laquelle des dalles de verre encastrées permettent de voir le substratum. Un peu déroutant au début puis interessant car intégrant l’ancien et le moderne, et mettant en relief l’urbanisation ancienne et progressive de la pointe. À un autre endroit on a exhumé entre les maisons contemporaines une section d’une trentaine de mètres de la rue principale dallée de marbre menant au port pour en faire un petit parc au milieu des jardins des habitations actuelles.

Poursuivant dans cette direction je tombe sur les quelques colonnes remontées du temple d’Apollon, tandis qu’à côté un autre gros chantier s’est attaqué à la reconstruction du temple d’Athéna. Quantité de blocs de marbres qui devaient le composer sont étalés dans un enclos à côté, et sur le crépis à 3 degrés amplement renforcé de béton on a commencer à poser des bases de colonnes neuves en marbre éclatant. Je ne vois pas d’ailleurs comment on pourra réutiliser les bloc, futs et autre pièces architecturales anciennes, tant elles sont érodées et fracturées… Autant je suis partisan d’une anastylose chaque fois que c’est possible, autant j’estime que ce serait dénaturer le monument que de le reconstruire même partiellement à neuf. Après, tout est une question de mesure…

L’environnement des deux temples est superbe, au dessus de la mer calme et bleue qui s’étend à l’infini en avant, limitée par la suite de caps sur la droite, au-delà du bassin du port où sont amarrés quelques bateaux d’excursion. Je longe alors la courbe du quai, envahi par une série ininterrompue de restaurants dont plusieurs sont en rénovation et entretien pour accueillir les hordes de touristes qui ne manqueront pas de les assiéger dès la « saison » commencée. Je tombe ensuite sur l’extrémité d’une autre grande rue s’arrêtant sur une place illustrée par une statue de Kemal Attaturk un peu atypique (casquette et vêtements de sport de l’époque). Cette longue rue légèrement montante, ondulée et pavée, bordée de maisons modernes traditionnelles avec magasin tels que décrit plus haut, me ramènera au théâtre antique en passant près des thermes du port, bâtisse relativement petite pour la fonction avec les divisions habituelles mais sans intérêt particulier. Je chercherai ensuite vainement dans le même coin la chapelle byzantine citée par le Guide Vert (aurait-elle été démolie?), puis renoncerai à la visite du grand théâtre, j’en ai assez vu et parcouru ces derniers temps, et puis 340 TL c’est un peu exagéré.

Il est rendu presque 16:00, je marche depuis 3 heures et commence à être fatigué et assoiffé. Je rentrerai donc directement à l’Exsis en empruntant à nouveau la grande voie pavée aux colonnes, jetant un œil en passant à l’agora commerciale partiellement dégagée autour d’un tholos restauré, mais dont les bords sont encore encombrés des vestiges écroulés de ses stoas. Dernier regard admiratif vers le grand chantier du nymphaion près de la porte, et je retrouve ma cabane à roulette pour un grand verre d’eau bien frais aromatisé d’un très léger Pastis.

Quelques minute pour reposer mes jambes puis consulter guides et cartes, je reprends la route vers Alanya à une soixantaine de km, en espérant que cela sera suffisant pour remonter la batterie en dessous de 80 A, malgré toutes ces heures d’exposition au grand soleil. Route sans histoire sur la 4 voies D400 à travers la plaine côtière, où se succèdent de nombreuses zones balnéaires décorées de grands hôtels aux noms et décors tout à fait kitsch (enseignes, couleurs, design, statues etc.). Est-ce le modèle envié de Las Végas, ou le désir d’attirer la clientèle russe ? En tout cas il faudrait me payer cher pour que je vienne villégiaturer ici, dans ces immenses bâtisses entourées de parcs aquatiques, aires de jeux et autres parcs d’attractions !

Je finis par arriver à Alanya, une autre grosse ville en grande partie neuve où apercevant un gros Migros je tente à nouveau de trouver des salades de fruits en conserve, des fruits de mers congelés préparé et des conserves de poisson autre que du thon. Recherche encore une fois vaine, les Turcs ne mangent pas de ces plats là ! Je renoncerai donc définitivement à me pourvoir de ces mets pourtant bien pratiques…

Remettant le nez dans mon guide, je retrouve la recommandation de monter à la citadelle sur la haute colline qui domine de ses 250 mètres le boulevard longeant la mer. La petite route très étroite et pentue qui serpente à travers les vieilles maisons est un peu stressante, mais là-haut, quelle vue sur la baie, les plages d’Alanya et la suite de caps qui ourlent la côte. J’irai m’arrêter juste sous les murs crénelés du château qu’une petite reconnaissance me montrera ouvert demain dimanche dès 8:30. Soirée tranquille sur le parking d’un des belvédères, avec vue étendue du vaste panorama sur lequel la nuit tombe doucement. Je soupe puis faisant tourner le moteur de temps è autre, complète le carnet de route de la journée. Coucher à 22:30, après que les «veilleux» du samedi soir aient quitté les lieux en me laissant le silence.


77 899  Dimanche 25 février 2024 : d’ALANYA à BOZYAZI (ANAMUR) (132 km) ( 5 300 m, 14 ét.)

D'Alanya à Bozyazi (Anamur)
D'Alanya à Bozyazi (Anamur)

Autre journée magnifique où le soleil a régné en maitre sans interruption. Le paysage devant mon pare-brise s’étend largement, depuis les montagnes aux sommets enneigés jusqu’à la mer, coupé par la grande courbe de la très longue plage de sable doré. Sur les pentes un entassement serré d’immeubles pour loger toute cette population qui grouille dans les rues, piétons, bus, camions et autos mêlés. Mais vu de loin comme je le suis, quel superbe tableau !

J’y consacre quelques photos puis démarre assez tôt ma balade vers le haut de la colline où se trouve le château d’Alanya, entouré d’un bois de pins que je dois d’abord traverser et que j’avais reconnu hier soir. Je découvre la billetterie installée dans la salle des gardes du palais du sultan seljoucide Alaaddin Keykubad (1231). Immédiatement après on débouche sur l’enfilade de salles et de cours où résidait le sultan, sa salle du trône et son harem. Tout cela n’est plus bien brillant, mais on a renipé au mieux les pans de murs croulants, sauvegardé quelques décors peints sur les murs et replacé des toitures qui abritent maintenant une exposition semble-t-il assez complète sur la période et le personnage. Semble-t-il, car cette fois pas de traduction simultanée en anglais et allemand (voire russe) des textes unilingues turcs par ailleurs fort bien illustrés. Je photographie le tout pour traduction ultérieure… Puis c’est une agréable balade sous des pins touffus dans le parc archéologique qui occupe cette partie de la citadelle où l’on trouve quelques autres restes assez ruinés : citerne, chapelle orthodoxe dont il ne reste que l’ossature, hammam, etc. Le plus impressionnant pour moi sera cependant, au-delà des créneaux qui délimitent l’espace royal, le panorama sur la mer immense qui s’étend sans limite en bas de la haute falaise tombant abrupte au pied des tours. On y a aussi une vue superbe sur les montagnes de la côte à l’ouest du promontoire, la plage et une partie de la ville tentaculaire qui déborde de ce côté.

Une petite heure aura suffi pour cette relativement courte visite, j’aurai donc largement le temps de faire le petit tour proposé dans la quartier ancien s’accrochait un peu plus bas sur la pente. Il n’en reste pas grand-chose : quelques jolies maisons traditionnelles assez bien restaurées – la plupart converties en restaurants - mais l’une convertie en musée à entrée libre permet d’avoir une idée de leur aménagement et du mode de vie des habitants autrefois.

En suivant les petites rue pavées tortillonnant entre des jardins et sous des arbres ou des bosquets, je tombe sur la petite mosquée fondée par le même sultan en 1231, mais réaménagée au XVIe par les Ottomans (Suleymanyie Cami). Toute simple, elle ne manque pas de charme, entourée par quelques tombes dans un jardin envahi par les herbes hautes et les fleurs. Rien de notable à l’intérieur sous son dôme unique, mais j’y retrouve l’ambiance recueillie et feutrée (le grand tapis…) des autres mosquées déjà visitées.

Un peu plus loin ce sont les ruines d’un caravansérail avec ses compartiments voûtés en grande partie éventrés donnant sur une cour centrale, à côté du petit bazar (bedesten) totalement rénové (trop peut-être?) qui accueille une bonne trentaine de boutiques dans la même disposition rectangulaire : 2 grandes portes voutées à chaque extrémité, un longue cour centrale impeccablement pavée en granit, et les loges étroites et profondes des magasins alignés sur les côtés, précédés d’un seuil de deux marches. Beaucoup de souvenirs à touristes, bien sûr, mais aussi quelques artisans, bijoutiers, photographes, produits bio, etc. d’un bon niveau. Entouré de nombreux promeneurs du dimanche, je poursuis ma balade qui passe entre quelques maisons restaurées de bon niveau dispersées sur la pente pour me rendre jusqu’au bastion d'Ehmedek qui défendait puissamment ce côté-ci (nord) de la vielle haute, au dessus de l’arsenal et du chantier naval du petit port niché au fond de la baie. Les murs ont été bien consolidés et de confortables passerelle en bois permettent d’en faire confortablement le tour (tas de boulets en pierre dans la cour, vue impressionnante en plongée sur le port).

Je mets là un terme à mon exploration de ce qu’il reste de la ville haute toute ceinte de remparts, et reviens en sens inverse jusqu’à l’Exsis laissé sur la rampe d’accès menant à l’une des portes. Longue descente ensuite par des ruelles très étroites et pentues jusqu’à me retrouver sur les grandes avenues de la ville basse moderne. Le GPS me mène alors rapidement jusqu’à la grande route D400 qui traversera interminablement sur plus d’un dizaine de kilomètres les prolongements récents d’Alanya avec encore une fois ces grands hôtels au décor kitsch découverts à Antalya, puis suivra longuement la côte jusqu’à ce que les habitations se raréfient pour se grouper plutôt en villages bien délimités, à proximité de grandes étendues de serres en polythène qui enlaidissent le paysage.

La montagne reprend bientôt le dessus et la route s’élève en s’éloignant de la mer bordée par des falaises abruptes. Puis la 4 voie (en développement vers l’Est, j’aperçoit les ouvertures d’une tunnel en construction) disparaît pour redevenir la route à l’ancienne, pleine de pentes assez raides, de virages voire de lacets. Le trafic y est pourtant important, et je mettrai plus d’une heure à faire les 50 km qui me séparent encore d’Anamur, suivant longuement des semi-remorques qui passent au pas chaque creux de virage serré, en attendant une petite et rare ligne assez droite pour doubler. Le soir descend, les vues sont davantage montagneuses que maritime, j’ai l’impression de cheminer dans la fente creusée dans un mur à 45°, sans grande visibilité intéressante ni vers le haut ni vers le bas… La nuit tombe lorsque je parviens à Anamur, une autre ville en plein développement que je traverse après une dizaine de kilomètres de 4 voies heureusement retrouvée. Je me rends jusqu’au château ottoman, but de mon voyage, mais ses tours et sa muraille apparemment très restaurés sont très près de la route et derrière un stationnement fermé d’une barrière… Voilà mon bivouac envisagé à l’eau !

Je continuerai donc sur quelques kilomètres jusqu’à l’agglomération suivante, une petite station balnéaire où, après quelques essais et avec l’aide de Google Maps en version satellite, je repère une rue en cul de sac menant à la mer entre deux blocs de pavillons d’hôtels désertés en cette saison. L’état de la chaussée y est pitoyable, mais au moins j’y serai suffisamment à l’écart du bruit de la grande route et sans aucune circulation. De plus une crevasse dans la «chaussée» me permettra de soulager la cassette… Souper, transfert des photos, j’amorce le carnet de route et suis couché à 22:30, assez fatigué après cette bonne journée de balade et de route.


78 031 Lundi 26 février 2024 : de BOZYAZI (Anamur) à ALYANA (140 km) ( 5 900 m, 15 ét.)

D'Anamur à Alanya.
D'Anamur à Alanya

Le vent plus présent aujourd’hui a apporté un ciel nuageux qui a progressivement fait disparaître le soleil après mon lever vers 8:30, au bout d’une nuit bien reposante. Après déjeuner et bref reconnaissance du quartier hôtelier effectivement désert, je me consacre à la rédaction du carnet de route, prends ma douche et reviens en arrière vers Anamur et son château seljoucide.

Il a fière allure avec ses multiples tours et ses hauts remparts donnant sur la grève ou se reflétant dans la douve qui en fait le tour côté terre. Passé la grande porte avec sa salle des gardes sous la haute tour de guet, on se trouve devant une très grande cour entourée par le revers des tours, limitée par un autre mur (plus bas et partiellement reconstruit seulement) qui donne sur une autre cour intermédiaire où trône une jolie mosquée ancienne. En arrière autre muraille et porte fortifiée donnant sur la cour haute où se trouvait les logements du gouverneur dont il ne reste que les soubassement, avec une vue splendide sur la plage et la côte rocheuse qui se poursuit à l’ouest. Je me baladerai un peu partout dans ce vaste champ herbu où il ne reste guère de pierraille à trainer (tant mieux pour mes chevilles!) , admirant les raides et hauts escaliers (collés contre les remparts sans rambarde) en m’abstenant d’y monter car trop vertigineux. (et d’ailleurs interdits). En revanche je monterai jusqu’en haut de la tour de garde, ce qui me donnera déjà l’occasion de contrôler une petite tendance au vertige sur quelques marches encore une fois sans rampe et assez étroites… De là haut, sous le drapeau turc qui claque au vent, vue superbe sur l’ensemble de la forteresse à peu près totalement restaurée et déserte, et sur l’horizon maritime où l’on aperçoit pas Chypre pourtant droit devant plein sud.




Brunch en regagnant l’Exsis après un tour extérieur en longeant la douves, puis demi-tour puisque je suis rendu au bout de mon parcours de la côte méditerranéenne turque (au moins pour cette année). Sa partie orientale ne présenterait pas d’attractions exceptionnelles (selon les guides de voyage), ni surtout les conditions de sécurité nécessaires au genre de voyage que je mène. Ce sont d’ailleurs les recommandations des Affaires étrangères tant françaises que canadiennes.

Traversant à nouveau la petite ville d’Anamur, ses pensiyons et maisons de location en ligne le long du rivage, je gagne alors le site de l’Ancienne cité d’Anemurium, à quelques kilomètres. Passée la barrière devant la petite cabane où officie le gardien (60 TL) je suis d’abord surpris par une quantité de petits bâtiments rectangulaires ou voûtés dispersés sur la pente de la colline dominant la mer, entre son sommet et la terrasse où se distinguent les ruines de la ville. Ce sont les tombeaux de la nekropolis, fameux pour leur nombre, mais aussi leur diversité que j’essaierai d’explorer un peu. Mais en l’absence d’un sentier acceptable, et de documentation présentant les différents modes de construction, je finirai par renoncer en sentant mes jambes et mes chevilles en souffrance…

Passant au dessus du théâtre très ruiné et longeant quelques beaux reste d’aqueduc, je redescendrai donc vers un gros bâtiment carré qu a conservé sa toiture, un des nombreux thermes dispersés dans la ville (on devait y être propre, ou bien on appréciait le confort de ses bassins et de ses grandes salles et sols climatisés…). Ensuite j’errerai pendant plus d’une heure au hasard en me fiant sur la hauteur des vestiges dépassant le terrain irrégulier et jonché de pierraille. Je découvrirai ainsi d’autres bains, en trop mauvais état pour voir leur organisation, les voûtes d’une basilica, un odéon trop parfaitement restauré et clos de surcroit, puis les soubassements d’une église du Ve siècle. Parfaitement lisible, mais ses mosaïques sont masquées par des bâches de protection recouvertes de sable, et le baptistère restera introuvable dans les annexes près de l’abside. Quant au port, il n’en reste que quelques blocs de maçonnerie battus par les vagues et à moitié enfouis dans le sable. J’abandonnerai là ma balade un peu décevante, après une dernière tentative vers une palestre elle aussi partiellement reconstruite – et close - au dessus de belles mosaïques aperçues à travers la porte vitrée mais verrouillée… Il est déjà 16:30, et temps de reprendre la route si je ne veux pas me retrouver dans la noirceur en traversant la montagne.




Me revoilà donc sur la D400 en direction d’Alanya, sur la portion d’une cinquantaine de kilomètres qui n’ont pas encore été convertie en 4 voies et dont le tracé ancien épouse tous les virages nécessités par cette côte très accidentée qui tombe abruptement dans la mer. Peu de beaux points de vue, la conduite délicate absorbe toute mon attention, suivant le train de quelques voitures qui roulent à peu près comme moi et doublant dans les rares passages propices les gros camions qui se traînent. À partir de Gazi Pasa où je reprends du gasoil (41,0 TL/l, soit 1,35 € le litre) la D400 a été aménagée avec viaducs franchissant perpendiculairement les profonds ravins et tunnels coupant les arêtes montagneuses. Je peux donc reprendre un train plus rapide entre 80 et 90 km/h, mais le soleil est déjà bien descendu lorsque je rejoins le très long boulevard aménagé et touristiques qui longe la baie d’Alanya.

Le soir tombe, il est temps de trouver un bivouac. Je cherche d’abord à rejoindre le quartier près du port où j’avais passé une excellente nuit, puis me rendant compte qu’en fait celui-ci se trouve à Antalya et non Alanya, décide de remonter dormir sur le belvédère près du château, lui aussi très calme après 22:00, avec en prime une vue panoramique extraordinaire sur la ville et sur la baie. Le GPS me fait retrouver la petite rue étroite et raide coupée de lacets sur laquelle je hisse l’Exsis, et à la nuit tout à fait tombée retrouve mon emplacement et la vue. Ma soirée sera courte, coupée d’un long téléphone de Monique fière d’avoir fait une longue marche enregistrée sur son IPhone en accompagnant Hermione à la bibliothèque. Coucher à 22:30 sans avoir bien avancé le carnet de route…



78 171 Mardi 27 février 2024 : d’ALANYA à KAŞ(320 km) (830 m)

D'Alanya à Kas
D'Alanya à Kas

Réveil à 8:30, lever un peu ralenti par les courbatures de mes crapahutages d’hier dans les ruines d’Anemurium… Je suis sur la route à 9:30, après derniers coup d’oeil et photos du large panorama sur la côte et la ville devant moi, un peu moins brillant qu’avant-hier car sous un ciel plus voilé. Pas de visite au programme aujourd’hui, mais de la route pour retourner vers les péninsules autour de Marmaris et Bodrum sautées à l’aller. Je suivrai la D400 tout au long, en général filante à 90-100 km/h, pas mal plus ralentie en passant Antalya décidément très grosse ville qui me laisse avec un impression similaire à celle d’Istanbul : trop de monde, trop de circulation, une activité économique envahissante qui occulte les agréments de la vie méditerranéenne… du moins avec ma perception qui reste superficielle.

Affamé je guète un Migros pour renouveler ma provision de salade, tomates en particulier. Je finirai par en apercevoir en fin de traversée de la grosse agglomération qui s’étale interminablement le long de la mer. Je m’arrête alors tant bien que mal, fais quelques emplettes et déjeune dans l’Exsis garé difficilement à proximité. Il est 15:15 lorsque je reprends le volant avec pour objectif Marmaris que je devrais attendre en fin d’après-midi. Il fait toujours très beau et même un peu chaud si bien que las des odeurs de diésel qui finissent par s’insinuer lorsque je roule fenêtre ouverte, je ferme tout et lance la clim qui fonctionne fort bien, depuis qu’elle a été réparée au Maroc.

La route assez mouvementée se déroule un peu moins vite que prévu, étant donné le relief qui me fait escalader – et descendre - de longues côtes à vitesse réduite, tandis que d’autres sections très sinueuses m’obligent à la prudence. Je ne ferai guère d’arrêt, hormis pour répondre à un téléphone de Monique qui, fière de sa marche d’hier, veut poursuivre son effort ! En passant Myra et apercevant un panneau indiquant Andriake je tente bien d’aller voir à quoi ressemblait le port de la cité antique, mais le guide avait raison, il n’en reste à peu près plus rien d’intéressant au bord du plan d’eau envahi par les alluvions et les joncs, Et lorsque je me pointe devant le petit musée qu’on y a installé récemment pour contempler le site depuis sa terrasse, c’est pour me faire refouler par le gardien qui me pointe obstinément mes 7 minutes de retard sur le panneau à l’entrée… Je n’insiste pas, de toute façon l’intérêt me semble mineur.

Je repars donc en direction de Kaş, à une trentaine de kilomètres, qui me semble une étape réaliste compte tenu de l’heure, et du gros soleil jaune déjà très bas sur l’horizon. Et ce d’autant plus que découvrant dans la montagne un fontaine apparemment assez fréquentée (gage de qualité de son eau) je prends le temps de remplir mes bouteilles et ma citerne où il manquait déjà une trentaine de litres. Longue descente ensuite jusqu’à la petite ville autour de son port, dont j’avais découvert l’ambiance sympathique (hors saison) et le théâtre antique (trop) rénové. C’est vers cet endroit que je me dirige, y ayant alors repéré de bons espaces de stationnement sur la rue peu passante. À 19:00 je coupe le contact et mets à jour le carnet de route en faisant mijoter une autre soupe turque Knorr : Yayla çorbasi. Ensuite consultation des guides et cartes pour fixer la suite de mon itinéraire dans les péninsules de Datça et de Bodrum. Coucher vers 22:30, avec l’intention de décoller tôt demain matin.


78 491 Mercredi 28 février 2024 : de KAŞ à SELIMIYE (435 km) (1 000 m, 0 ét.)

De Kas à Selimiye
De Kas à Selimiye

Pas grand-chose d’intéressant aujourd’hui, puisque je n’ai à peu près fait que rouler. Sur la route dès 8:45 après une nuit reposante car il ne passa personne la nuit sur la rue du théâtre, je rejoins la quatre voie D 400 qui suit étroitement les anses et les caps ourlant la côte. Mon cheminement reste donc assez lent, mais quels paysages ! Je repasse au dessus de la petite plage de Kaputas, sans m’arrêter cette fois, puis passe les panneaux signalant les sites de Letoon et Xanthos sans me laisser tenter, j’ai vu suffisamment de ruines antiques comme ça ! Je continue plein nord jusqu’à la bifurcation vers Fethiye et la péninsule de Datça, mais les descriptions qu’en font les guides ne m’emballant guère (beaucoup de stations balnéaires...) je renonce à ce détour vers la côte et décide de viser plutôt Izmir où je pourrais être ce soir. À Ugurlu je quitte donc a D400 pour virer sur la D550, plus directe, qui passe par la capitale de la province : Muğla où le guide Lonely Planet signale un coeur de ville ancienne pittoresque et assez concentré pour faire une pause agréable en milieu de journée. La D550 ne tarde pas à monter très raide au dessus de Gokova qui s’amenuise dans la vallée tout en bas jusqu’à franchir le col de Sakar offrant une large vue sur la petite ville et sur la Méditerranée. Encore quelques kilomètres rapides et je tente de rejoindre le centre ville. Hélas, c’est jour de marché et les rues sont si encombrées que certaines ont été fermées par la police, d’autres impraticables du fait des voitures garées n’importe comment faute de place, à tel point que faisant deux fois le tour près du grand rond-point portant une fière statue d’Ataturk – encore! - je renonce au petit tour prévu.

Une fois sorti du labyrinthe – dont une partie en marche arrière, sportif! - je m’arrête au bord d’un boulevard pour réviser mes plans : faute de Muğla, je ferai le détour vers Bodrum et sa péninsule pour au moins marcher un peu et voir ce site vanté par les uns et les autres. Ce sera une autre heure et demie de route qui me ramène vers la côte par Milas, route de plus en plus fréquentée au fur et à mesure de mon approche.

Et en arrivant au dessus de la baie de Bodrum comme tel, et à l’orée de sa petite péninsule, c’est l’horreur : autant le site naturel a dû être beau avant l’ère touristique avec ses anses encadrées par des collines couvertes de résineux, autant son envahissement par des «ensembles résidentiels » la plupart modernistes et donc sans rapport avec l’environnent, les hôtels clinquants, les plages commerciales, les restaurants et bars…. ont bousillé l’endroit. La circulation dans ce capharnaüm d’où tout urbanisme semble absent est infernale, la pollution au même niveau, bref l’enfer! Je tente quand même de me rapprocher du château St Jean qui semble valoir la visite, mais je me trouve embarqué dans une suite de sens uniques dans ce qui a dû être le vieux quartier près du port, serpentant entre restaurants et boutiques, et là encore sans aucun espace pour stationner. Et bien que nous soyons en basse saison, il y a foule à se presser sur les trottoirs, les placettes et les ruelles transversales. Je finis par m’en sortir et gagne la colline au dessus du cap, colonisé par des ensembles d’hôtels ou résidences de vacances avec barrière et gardien, où j’ai aperçu une ligne de 5 ou 6 moulins à vent plus ou moins sauvegardés (tours éventrées, ailes inexistantes). Là je trouve enfin un espace pour m’arrêter, regarder le paysage ici un peu moins massacré, fais quelques photos. Puis, suivant les conseils du guide L.P. décide d’aller jusqu’au bout de la péninsule pour découvrir des paysages moins amochés. Mais ce sera pire : il semble que les autochtones se soient pris d’une rage de construction qui ne respecte rien, ni le rivage, ni les pentes pourtant fortes, si bien que je me heurterai plusieurs fois à des rues défoncées, barrées sans signalisation, encombrées de matériel de construction, etc. et ne réussirai à gagner Turgutreis qu’en rejoignant la D330, devenu large boulevard à 4 voies continuellement barré de feux où il faut attendre interminablement l’écoulement du trafic… Je me rendrai pourtant jusqu’au bout pour tomber sur un autre chantier avec palissades de tôles empêchant de voir la mer et la plage - soi-disant super! - et un rond-point terminal pour revenir dans l’autre sens. J’abandonne toute velléité d’explorer davantage cet univers en folie, renonce même à y trouver un bivouac tant la circulation et l’agitation sont intenses, et décide de retourner vers Milas pour prend la route du nord (D525) vers Izmir à 250 km, route sur laquelle je trouverai bien un endroit plus paisible pour passer la nuit.

Long cheminement en sens inverse sur la D330 très encombrée par l’heure de pointe, le soleil rougeoie en descendant puis se couche tandis que j’emprunte un raccourci rural pour court-circuiter Milas et rejoindre la D525. Quelques kilomètres encore dans la nuit noire et je m’arrête dans le premier village venu, Selimiye, où je trouve une rue tranquille parallèle à la grande route et y pose mon bivouac. Fatigué par ces mésaventures, je ne veillerai guère ce soir, commencerai à peine la rédaction de mon carnet de route en soupant, puis serai au lit dès 22:00.


78 926 Jeudi 29 février 2024 : de SELIMIYE à IPSALA (624 km, 1100 m)

De Selimiye (Milas) à Ipsala
De Selimiye (Milas) à Ipsala

Lever avant l’aube pour être sur la route dès 6:45, tant que le trafic est encore faible. Une heure plus tard, une lumière glauque commence à éclairer la brume flottant sur le Lac Bafa tandis que les premiers rayons du soleil apparaissent à l’est. Je file vers le nord en suivant l’itinéraire indiqué par Google Maps qui me fait rejoindre Kuşadasi où j’aperçoit en passant la façade de la concession Fiat… Arrêt pour douche et déjeuner – et rédaction du carnet – sur une esplanade au dessus de la longue plage de Zeytin Plaji, certainement propice au bivouac puisque j’y vois plusieurs camping-car sur la dune, dont l’un remorqué par un tracteur, une mésaventure qui ne m’est pas étrangère… Il est 10:00 lorsque je reprends la route pour m’avancer au maximum aujourd’hui. Je roulerai donc sans cesse, repassant par bien des lieux déjà visités dont j’aperçois les noms sur les panneaux indicateurs des sorties sur la 4 voies. Quelques uns me resteront inconnus, mais je commence à être saturé de sites hellénistiques et de stations balnéaires trop commerciales à mon goût...




En sortant d’Izmir dont je constate une autre fois l’énorme développement, plein de carburant lorsque je vois un prix alléchant (41,47 TL/l) puis de GPL un peu plus loin puisqu’on me l’a refusé dans la première station (réservé au moteur, pas pour la caravane, me dit-on…). Je suis d’ailleurs étonné de la faible consommation des derniers 7 jours : 0,76 l/j, un record ! La route continue de filer sous mes roues, dont l’avant droite commence à me donner du souci : il s’en échappe un grichement inquiétant à chaque fois que je pèse sur la pédale de frein, cela me fait beaucoup penser au problème de grippage qui affectait la roue arrière droite réparée avant mon départ. Peut-être aussi la garniture est-ce complètement usée? Je constate aussi que le côté droit de l’Exsis, et particulièrement l’avant, est plus bas de 3 cm, ce qui lui donne un petit air penché un peu étrange… Dés que je serai en France je prendrai RV avec mon garagiste Philippe Gaumont à Peillac pour diagnostic et remède. La caisse arrive maintenant à 220 000 km, et pas toujours sur des bonnes routes, assurément elle demande quelques soins mécaniques, en attendant une rénovation de sa carrosserie prévue à Fès.

Il est 17:00 lorsque je rejoins enfin Çanakkale et le quai de son ferry pour l’Europe, puisque c’est le détroit des Dardanelles qui en marque la frontière au sud de la mer de Marmara, le détroit du Bosphore au nord. Billet vite pris (260 TL, soit 8.30€, rien à dire, en tout cas moins cher que le nouveau beau et grand pont 1915 (péage 11,70 €) que l’on n’aperçoit même pas dans la brume de mer qui cache aussi l’autre rive pourtant proche. La traversée est fort courte, une dizaine de minute qui me permet de voir passer deux porte-containers dont l’un immatriculé à Hong-Kong… Du stock pour la Russie ? Je suis un peu déçu de ne pas avoir profité du panorama, ce n’est pas tous les jours que l’on peut voir simultanément 2 continents !

Dès le débarquement dans la lumière toujours très grise je me lance sur la route déserte et en fin d’aménagement qui relie les sites de la bataille de Galipoli (Gelibolu) (1915-16) à Istanbul. Durant cet affrontement, l’armée turque, sous les ordre du futur Kemal Ataturk, repoussa les corps expéditionnaires franco-anglais qui laissèrent 100 000 morts sur le terrain. Cet événement hautement glorifié ici est l’équivalent pour les Turcs de Verdun pour les Français.

La nuit descend lentement, je fais un dernier plein de gasoil (1,37€ le litre) à Keşan et liquide mes dernières livres turques en achetant du chocolat, puis prend la direction de la frontière grecque à 26 km. Mais il est 19:00, l’obscurité est déjà là. Fatigué de ma longue route je renonce à conduire davantage dans ces conditions et trouve un bivouac sur une rue du village d’Ipsala, à l’écart de la grande route et devant le bureau de police local. Coucher à 22:00 dans un silence à peu près total, après souper et mise à jour du journal et des quelques photos de la journée.


Suite : 2024-03 Turquie-4

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