Octobre 2022


À LA DÉCOUVERTE DE NORMAN ROCKWELL

dans le Musée de STOCKBRIDGE (MS)
et à l'Exposition du Sugar Shack d'ARLINGTON (VT)

Monique et Jean Paul MOUREZ
à bord du ProMaster



75 548  Lundi 24 octobre 2022 :  de MONTRÉAL à NORTH HUDSON (204 km)

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Outremont : ProMaster au départ
Départ d'Outremont vers 14:00. Il fait beau, les préparatifs ont tourné rondement maintenant que j'ai ma liste toute prête et qu'il me suffit de la cocher au fur et à mesure du remplissage des placards et des coffres. Google Maps, que j'utilise maintenant en guise de GPS, nous fait rattraper l'ile des Sœurs par le centre ville pas trop embouteillé puis nous filons sur l'A15 Sud vers le poste frontière de St-Bernard-de-Lacolle.

Le temps est superbe et presque chaud. Le soleil de plus en plus jaune descend relativement tôt en accusant les couleurs dorées des feuillages qui ont déjà commencé à tomber. À la frontière arrêt à la boutique hors taxe pour acheter deux bouteilles (Pineau pour Madame et Crown Royal pour moi); Monique ne se décidera pas pour un parfum malgré plusieurs essais dont les effluves nous suivrons le reste de la journée. Ensuite nous empruntons l'Interstate 87 qui descend plein sud à travers l'État de New York en suivant à distance la rive ouest du Lac Champlain. Paysage sauvage et forestier, sans guère de village ni même de station de carburant… Nous roulons pendant plus de deux heures dans le paysage vallonné tandis que le soleil diminue et finit par disparaître derrière les pentes des hautes collines. Chaussée impeccable, roulement doux et régulier (85 km/h)…

Je cherche un village pour m'arrêter mais il ne s'en présente guère. Nous finissons par quitter l'autoroute en croisant une route rurale près de North Hudson, explorons un peu les environs très peu peuplé et finissons par stationner un peu plus loin sur le vaste espace asphalté devant le Town Hall (Hôtel de ville) et la Fire Station (pompiers) du village. Les lieux sont déserts, la circulation presque nulle sur la route, on entend seulement un peu au loin le passage des camions sur l'autoroute encore assez proche. Rien pour troubler vraiment notre repos. La nuit est déjà là.. à 18:30. Je prépare le repas du soir (potage tomate et mozzarella Knorr, reste de poulet  et riz dans une sauce brune en sachet, yogourt), jette ces quelques mots sur mon clavier et suis au lit à 21:00. Demain lever à l'aurore !


75 752  Mardi 25 octobre 2022 : de NORTH HUDSON à BERLIN (307 km)

L'aurore pour nous est apparue à 8:00 ! Nous nous levons aussitôt et sommes sur l'autoroute à 8:20. Déjeuner et douche (pour moi) une heure plus tard sur un rest area avant de poursuivre vers le sud. Ciel variable, il pleut encore un peu comme la nuit dernière, mais de nombreuses percées de soleil permettent de profiter des vives couleurs automnales qui encadrent la route. Quelques beaux panoramas malheureusement bouchés par les brumes ponctuent les reliefs du Parc des Adirondacks presque totalement désert pour retrouver à sa sortie des zones plus peuplées. Je repère une station d'essence au tarif doux d'1,17 $Can le litre, au prix d'un petit détour sur la route 9 à South Glen Falls.

(Pour le prix du litre d'essence aux USA, diviser le prix au gallon par 3,785, puis calculer le change US$ à CAN$ (x 1,37 CA pour 1 US)

Nous déjeunons un peu plus loin le long de la petite route vers l'est à l'entrée d'un lotissement de maisons mobiles, au bord d'un étang. Encore une trentaine de km et, à 14:15, nous arrêtons un peu avant Stockbridge dans le stationnement du Musée Norman Rockwell, but de notre sortie. dejeuner-devant-etang
Pause déjeuner devant un étang

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Stockbridge : devant le Musée Norman Rockwell

Il nous reste à peine 3 heures pour en faire le tour, mais ce sera amplement suffisant, car deux salles seulement sont exclusivement consacrées au grand peintre et illustrateur, les cinq autres étant occupées par des expositions thématiques temporaires.
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Stockbridge : Monique dans l'entrée du Musée Norman Rockwell
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Norman Rockwell : Triple auto-portrait  (1960)
Lorsque le Saturday Evening Post lui demanda d'illustrer un autoportrait qui annoncerait le premier de huit extraits de son autobiographie, le résultat fut léger et quelque peu dépréciatif. Le tableau fournissait les éléments essentiels non pas de sa vie d'illustrateur, mais de la commande spécifique. La vie de Rockwell est bien trop mouvementée et complexe pour qu'on commence à en approcher la synthèse dans une seule œuvre, il limite donc la composition à lui-même, à son matériel artistique, à ses références, à une toile sur un chevalet et un miroir.

La plupart des observateurs du portrait pensent que le dessin sur le chevalet flatte Rockwell, le faisant paraître plus jeune. Mais il  ressemble presque exactement à la photo prise comme référence, à l'exception d'une ou deux rides. Le fait qu’on ne puisse voir les yeux de Rockwell  dérange certains, qui essaient souvent d’y trouver une signification psychologique. Mais les photos de référence de Rockwell posant montrent qu'il n'aurait pas pu voir ses propres yeux ; son miroir était directement en face de la fenêtre nord massive de son studio, causant le reflet sur ses lunettes.

Comme l'assistant de Rockwell, Louie Lamone, se souvient, les chiffons imprégnés de peinture et les cendres de pipe conspiraient parfois pour allumer de petits feux dans le seau en laiton de Rockwell, d’où le filet de fumée dans le tableau. Le casque en laiton de Rockwell, généralement placé sur un chevalet non utilisé, couronne celui-ci. Tout comme la fumée rappelle que le studio de Rockwell a pris feu à cause de son imprudence avec les cendres de pipe, le casque nous rappelle une histoire favorite de Rockwell.  Lors d'un séjour à Paris en 1923, Rockwell l'a acquis auprès d'un antiquaire qui l'a vendu comme une relique militaire plutôt que comme un casque de pompier français contemporain, ce que Rockwell a découvert plus tard. Allusion à sa véritable provenance, les éditeurs du Post ont indiqué à leurs lecteurs, lors de la publication du tableau. que le casque "pourrait être utile quand le feu prendra dans ce récipient »


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Musée Norman Rockwell : galerie d’œuvres anciennes


Boy with Baby Carriage

Illustration de couverture pour The Saturday Evening Post, 20 mai 1916.

Il s'agit de la toute première couverture du Post de Rockwell, pour laquelle il a été payé $75. Il a écrit : "À cette époque, la couverture du Post était la plus belle vitrine pour un illustrateur en Amérique. Si vous faisiez une couverture pour le Post, vous aviez réussi. Deux millions d’abonnés, et puis leurs femmes, fils, filles, tantes, oncles, amis. Wow ! Tous regardant ma couverture"

Bien que de nature humoristique, c'est l'une des nombreuses couvertures où Rockwell a mis en scène des enfants d'une manière qui reflète un sérieux changement dans la vision sociétale de la masculinité, fréquemment discutée dans la presse nationale. Beaucoup dans la classe moyenne craignaient une féminisation générale de la vie et de la culture américaine. Cette inquiétude a été provoquée par une série de développements sociaux, culturels et économiques qui remettaient en cause l'autorité masculine traditionnelle. La fin de la Frontière, le mouvement des femmes, et la croissance de la vie urbaine et des entreprises, par exemple, étaient perçus comme des menaces pour le pouvoir patriarcal.

Boy with Baby Carriage
Boy with Baby Carriage (Garçon avec une voiture d'enfant) 1916
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Boy painting Girl's Slicker 
(She's My Baby), 1927
(Garçon peignant l"imperméable d'une fille)
Garçon peignant le slicker (imperméable) d'une fille (She's My Baby), 1927

Illustration de couverture pour le Saturday Evening Post du 4 juin 1927

Le 10 mai 1927, le film She's my Baby, qui raconte l'histoire d'un couple dont le mariage heureux tourne au vinaigre mais qui est sauvé par la suite, est sorti en salle. Les bandes-annonces du film ont peut-être inspiré à Rockwell le titre de sa couverture du Saturday Evening Post du 4 juin. À l'époque, Rockwell récoltait la popularité et les récompenses financières de son succès artistique, et lui et sa femme Irene profitaient également de la haute société de New Rochelle. Ils organisent et assistent à des fêtes somptueuses, et fréquentent les yachts et les country clubs de New Rochelle. Mais le glamour et les festivités cachent un mariage raté. Comme le scénario de She's My Baby, le mariage des Rockwell se désintègre, mais contrairement au film, il ne sera pas sauvé. Les personnages de Boy Painting Girl's Slicker appartiennent à des enfants, mais les mains et les pieds du garçon semblent avoir été posés par Rockwell lui-même, ce qui suggère une identification avec le garçon. On peut imaginer Rockwell posant ses propres pieds (qu'il a toujours trouvés trop grands) et ses mains (elles ressemblent aux mains d'un artiste). Le fedora (chapeau) était probablement celui de Rockwell : il en portait un exactement pareil.

Rockwell propose un mélange de textures et de motifs pour varier une composition autrement simple. La brillance de l'imperméable et les boucles de la jeune fille contrastent avec la patine rugueuse du cuir des vieilles chaussures et la surface veloutée des chapeaux de feutre. Le pull à motifs et le pantalon à carreaux ajoutent du piquant visuel. Les couleurs se contrebalancent de façon classique et complémentaire - un ciré vert bleuté contre un chapeau rouge orangé. Le coup de pinceau conduit l'œil vers le symbole du cœur, l'inscription "She's My Baby" et finalement le visage de la jeune fille.


Boy Making Football Tackle
(Garçon faisant un placage au football)

Illustration de couverture pour le Saturday Evening Post
du 21 novembre 1925

Ici Rockwell nous donne un émouvant moment des annales du football de terrain vague. Ces joueurs ne seront peut-être jamais élus au Hall of Fame, mais ils savent comment le jeu doit être joué. La balle est perdue à la suite d'un plaquage en plein champ, et nous pouvons presque sentir l'impact. Cette couverture fonctionne bien grâce au vigoureux dessin de l'artiste. La détermination du bloqueur, et le choc sur le visage du garçon qu'il a arrêté dans son élan, sont graphiquement exprimés.
Football-Tackle
Boy Making Football Tackle (1925)
Norman-Rockwell-Mariage-License
Norman Rockwell : Mariage License (1955)
Licence de mariage, 1955

Couverture pour le Saturday Evening Post, 11 juin 1955

Le décor est faiblement éclairé et l'accent est mis sur la robe de la future mariée et la fenêtre ouverte. En plus d'ajouter de la couleur à cette scène autrement sombre, le géranium en pleine floraison, qui ne faisait pas partie du décor original de Norman Rockwell, est un symbole de fertilité et anticipe l'avenir radieux du jeune couple juste derrière la fenêtre.

Au moment où Rockwell a commencé le processus de peinture, le modèle pour le greffier de la ville avait récemment perdu sa femme. L'authenticité de ses sentiments ajoute de la force au caractère poignant de cette étude de la jeunesse et de la vieillesse.

Le 31 décembre 1969, Norman Rockwell note dans son calendrier qu'il avait "peint une image du barrage", faisant bien sûr référence au barrage de Glen Canyon Dam. À la fin des années 1960, le Bureau of Reclamation a institué un programme dans lequel les artistes devaient créer des œuvres d'art inspirées par des projets de réclamation.

Le barrage a été créé pour mieux contrôler le flux d'eau du fleuve Colorado vers la Californie, l'Arizona et le Nevada, en plus de produire de l'énergie hydroélectrique pour  la région. Cependant, le barrage de Glen Canyon était situé sur les terres Navajo. Le gouvernement américain a organisé un échange contre des terres situées dans l'Utah. et les travaux ont commencé en 1956.

Achevé en 1966, le barrage contenait une masse d'eau qui  forma le lac Powell, le deuxième plus grand lac artificiel des États-Unis.  qui est devenu une destination touristique majeure dans la région. Cependant, la destruction de l'écosystème du fleuve Colorado en aval a considérablement modifié le paysage dans lequel les Navajo cultivaient et gardaient leurs troupeaux. En outre, la création du lac Powell a inondé de nombreux sites sacrés. La situation critique des Navajos est mise à nu dans la peinture de Rockwell alors que la famille contemple la transformation.

Glen-Canyon-Dam
Barrage de Glen Canyon, 1969
Collection du Bureau of Reclamation


Norman-Rockwell-Spirit-of-Education
Spirit of Education (1934)
L'esprit de l'éducation

Illustration de couverture pour The Saturday Evening Post du 21 avril 1934
Huile sur toile

Deux ans avant que Norman Rockwell ne peigne cet étudiant en toge et sandales pour la couverture du Saturday Evening Post, J. C. Leyendecker, l'une des idoles de Rockwell en matière d'illustration, a contribué à une couverture du Post représentant un homme portant une robe pour que sa femme puisse faire des retouches de couture. L'humeur d'un homme en robe pourrait avoir inspiré Rockwell d'emprunter le truc pour un garçon portant une toge.

Habillé comme un érudit grec, le garçon représente les contributions des philosophes de la Grèce antique à notre méthode moderne d'enquête philosophique  - ce que Rockwell considérait comme notre "esprit d'éducation". Rockwell ajoute une couronne de laurier - un symbole de victoire parfois décernée aux titulaires d'une maîtrise, et une torche, symbole de l'illumination qu'apporte la connaissance. Le grand volume sur le côté du garçon suggère que Rockwell a peut-être regardé la fresque de 1509
l'École d'Athènes, du peintre italien de la Renaissance Raphaël, dans laquelle Platon et Aristote tiennent chacun des volumes similaires. Le maquillage, sur la table à côté de l'étudiant, peut ajouter à son malaise, qui est sur le point d'être amplifié par son entrée en scène. Cette image est typique de nombreuses couvertures du Post par Rockwell qui anticipent l'intérêt du lecteur pour ce qui a pu se passer juste avant la scène et pour ce qui va probablement se passer ensuite.

L'apothicaire (Droguiste et garçon enrhumé) (1939)

Illustration de couverture pour The Saturday Evening Post du18 mars 1939

Il semble que Rockwell voulait que les spectateurs s'interrogent sur l'éthique du pharmacien dans cette couverture du Saturday Evening Post de 1939. Le droguiste est débraillé, voire peu recommandable : il n'a pas de ceinture, sa chemise est déchirée et ses vêtements sont froissés, ses ongles sont sales et il fume un cigare en préparant des médicaments. Un couteau sur son formulaire est cassé et semble incrusté d'ingrédients d'une ordonnance précédente. L'argument décisif est son certificat encadré sur le mur ; son verre est cassé, à moitié manquant, et il semble qu'il soit dans cet état depuis un certain temps. Avec réticence, nous réalisons que le jeune homme n'est pas seulement un garçon de courses mais le patient, qui attend son propre sirop contre la toux.

Les ombres bleutées omniprésentes confèrent une atmosphère froide, lugubre, de fin de nuit. Rockwell a-t-il voulu communiquer le motif dickensien des enfants incapables de se protéger eux-mêmes contre les conditions sociales inférieures et les adultes peu éclairés ? En 1939, les trois fils de Rockwell, nés en 1931, 1933 et 1936, n'étaient que de jeunes enfants, sujets aux maladies et infections infantiles menaçantes pour lesquelles il n'existait ni vaccin ni antibiotique.

Nous sommes tellement habitués à trouver de l'humour dans les couvertures du Post de Rockwell que lorsque nous sommes confrontés au drame sous-jacent de cette peinture, nous sommes déstabilisés. Néanmoins, en 1939, les rédacteurs du Post l'ont soumis, ainsi que ses gravures et leurs épreuves couleur progressives pour une exposition dans le Copper and Brass Building de l'Exposition universelle de New York. "Naturellement, comme il s'agit de la seule couverture que nous aurons à l'Exposition universelle", écrit le rédacteur en chef Pete Martin, "nous voulons qu'elle soit la meilleure couverture possible que nous puissions prêter et qu'elle soit typique du Post".

Apothicaire
L'apothicaire (droguiste et garçon enrhumé), 1939

Retour-de-vacances
Retour de vacances (1930)
Famille rentrant de vacances, (1930)

Illustration de couverture pour The Saturday Evening Post du 13 septembre 1930

Les indices soigneusement incorporés dans cette peinture d'une famille revenant de vacances nous aident à découvrir les détails de l'endroit où la famille est allée, ce qu'elle a fait et comment elle a pu en profiter. Les voyages, la seule passion de Rockwell autre que l'art, sont le sujet de nombre de ses tableaux. À l'époque de cette peinture, Rockwell s'était rendu en Amérique du Sud, avait fait trois voyages en Europe et revenait d'un long séjour en Californie où il avait rencontré et épousé sa deuxième femme, Mary Barstow.

Peu de temps après, troublé par des problèmes dans son travail, Rockwell commence à expérimenter la théorie de Jay Hambidge sur la symétrie dynamique, selon laquelle la composition est déterminée par un système de lignes diagonales qui sont proportionnelles les unes aux autres et qui créent du mouvement. Dans Family Home From Vacation, les fortes diagonales donnent à un sujet statique (tout le monde dort) une impression de mouvement et de vie.  Il utilise un autre dispositif - le triangle classique - pour la disposition des trois personnages. Typique des peintures de la Renaissance représentant la Sainte Famille, cette structure compositionnelle place les personnages-clés dans un motif triangulaire représentatif de la Sainte Trinité. Bien que les spectateurs ne soient pas nécessairement conscients de la composition classique, l'effet subliminal donne de l'importance à l'œuvre. Des touches de rouge conduisent notre regard autour de la toile et vers le haut, dans le lettrage délavé de l'affiche de voyage, où le sujet est annoncé, au cas où nous ne l'aurions pas deviné.



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The Problem We all Live with (1964)

Illustration pour Look, 14 janvier 1964
 
Après avoir démissionné en 1963 de son poste au Saturday Evening Post qu'il occupait depuis 47 ans, Rockwell est libre de relever le défi de créer des images qui abordent le paysage culturel changeant du pays. Le magazine Look est l'un des médias qui accueille ce type d'images socialement conscientes. La première commande de Rockwell pour Look est une illustration de Ruby Bridge, une écolière afro-américaine de six ans escortée par quatre US Marshalls pour son premier jour dans une école entièrement blanche de la Nouvelle-Orléans, le 14 novembre 1960.

Ordonné de procéder à la dé-ségrégation scolaire après l'arrêt de la Cour suprême des États-Unis de 1954, Brown vs. Board of Education, la Louisiane resta à la traîne jusqu'au 16 mai 1960, date à laquelle le juge fédéral Skelly Wright obligea le conseil scolaire à entamer la déségrégation. Le premier jour de fréquentation de Bridge, tous les enseignants de l'école élémentaire Frantz restèrent chez eux en signe de protestation, à l'exception de Barbara Henry. Pendant le reste de l'année scolaire, des marshals américains accompagnèrent quotidiennement Bridge à l'école où elle fut la seule élève de Barbara Henry. Bridge déclara plus tard qu'Henry était "la professeure le plus gentille que j'aie jamais eu". Comme il l'a fait pour d'autres tableaux, Rockwell n'a pas peint la scène telle qu'elle était, mais a imaginé une représentation émotionnelle de cet événement. Il a notamment modifié la couleur de la robe de Bridge et ajouté des tomates écrasées et un mur souillé.

Après la publication de The Problem We all Live With, les lettres à l'éditeur étaient un mélange d'éloges et de critiques. Cependant, les opinions irritées et les menaces ne dissuadèrent pas Rockwell de poursuivre son travail. En 1963, il illustre le meurtre de militants des droits civiques à Philadelphia, dans le Mississipi, et en 1967, il choisit une fois de plus des enfants pour illustrer l'intégration, cette fois dans les banlieues du pays.


New Neighbors (1967)
New Neighbors (1967)


LES QUATRE LIBERTÉS

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La liberté de vivre à l'abri du besoin (Freedom from Want), 1942
Illustration pour le Saturday Evening Post du 6 mars 1943

Freedom from Want a été inspiré par le Thanksgiving américain, dont il est devenu le modèle. La plus appropriée des œuvres d'art de Rockwell, sa composition est familière à beaucoup et a fait son chemin dans la conscience publique. Réalité construite, ce scénario convaincant met en scène les voisins et les membres de la famille de l'artiste, qui ont posé dans son studio lors de séances individuelles. On y voit Mme Thadeus Wheaton, la cuisinière de la famille, qui présente la grande dinde, ainsi que l'épouse de l'artiste, Mary Barstow Rockwell (deuxième en bas à gauche) et Nancy Hill Rockwell, sa mère (deuxième en bas à droite).

L'œuvre reflète la maîtrise de la texture visuelle
de Rockwell dans l'art, de l'éclat de la porcelaine blanche à la transparence de l'eau dans les verres.

Malgré l'optimisme artistique de Rockwell, il hésitait à dépeindre l'abondance de la fête alors qu'une grande partie de l'Europe était "affamée, envahie [et] déplacée" pendant la Seconde Guerre mondiale. Dans les lettres adressées à Rockwell, le public a commenté l'abondance de nourriture, mais aussi mis l’accent sur l’importance de la communauté et de la convivialité.

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Freedom from Want (détails)
La cuisinière de la famille Mme Thadeus Wheaton


Au milieu à droite, la mère de l'artiste Nancy Hill Rockwell
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Freedom-from-Fear
Norman Rockwell : Freedom from Fear
La liberté de vivre à l’abri de la peur, 1942

Illustration pour le Saturday Evening Post du 13 mars 1943

Freedom from Fear a été peinte alors que l'Europe était assiégée, et si ce n'était le titre du journal du père, cette œuvre pourrait être vue comme une paisible scène de chambre à coucher. Père de trois fils, Rockwell voulait transmettre l'idée que tous les parents devraient pouvoir mettre leurs enfants au lit chaque soir avec l'assurance de leur sécurité. Ici, une mère, un père et des frères et sœurs endormis racontent l'histoire d'une vie confortable. Bien que les enfants partagent le lit, des photos, des vêtements et des jouets sont présents, et une lumière chaude brille au premier étage de leur maison, ce qui implique que cette famille a atteint la sécurité fiscale et le rêve américain.

Liberte-d'expression
Liberté d'expression
Liberte-d'expression-detail
Liberté d'expression (détail)

Freedom of Speech. 1943

Illustration pour The Saturday Evening Post du 20 février 1943

Freedom of Speech de Norman Rockwell est sans doute l'une des œuvres d'art américaines les plus célèbres. Populaire dès sa première publication dans le Saturday Evening Post, elle exprime un message intemporel qui reste d'actualité aujourd'hui, et c'est la seule peinture de l'œuvre de Rockwell qui soit basée sur un événement spécifique.

Le 9 septembre 1940, la Memorial School de la ville de Rockwell, Arlington, dans le Vermont, a brûlé. Une école de remplacement a été proposée à l'évaluation et la ville a décidé d'emprunter des fonds lors d'une assemblée municipale à laquelle Rockwell a assisté.  Chargé de produire une illustration basée sur les Quatre libertés de Roosevelt, l'artiste a eu du mal à trouver un thème. " Puis, une nuit, alors que je me retournais dans mon lit, passant en revue la proclamation et la guerre, cherchant une idée après l'autre et me décourageant de plus en plus, je me suis soudain souvenu de la façon dont Edgerton s'était levé lors d'une réunion de la ville et avait dit quelque chose que tout le monde désapprouvait ", écrit Rockwell " Mais ils l'avaient laissé faire. Personne ne s'était moqué de lui. J'ai pensé que c'était ça, la liberté d'expression, j'allais exprimer cette idée dans une scène simple et quotidienne


Liberte-de-conscience
Liberté de culte
Liberté de culte, 1942

Illustration pour The Saturday Evening Post  du 27 février 1943

Soulignant l'unité malgré les différences, Freedom of Worship de Rockwell présente une vision d'un monde sans discrimination fondée sur la pratique ou la croyance religieuse. L'artiste considérait qu'il s'agissait de l'une des peintures les plus fortes de sa série Four Freedoms. Mais ce groupe solennel de sujets en prière a été précédé d'une autre idée - un rassemblement amical de personnes de différentes confessions dans un salon de coiffure de campagne - qui a finalement été mise de côté. Pour Rockwell, les positions et les gestes des mains ne sont pas moins importants que les qualités expressives des visages, comme le montre cette œuvre.

Les mots " Each according to the dictates of his own conscience " (Chacun selon les préceptes de sa propre conscience) inscrits au-dessus, reflètent les opinions
propres de Rockwell. Bien qu'il connaissait cette phrase, il ignorait que sa source probable était les Treize Articles de Foi (1842) du leader mormon Joseph Smith. Ces mots figurent également dans de nombreuses constitutions des États américains et ont été écrits par le président George Washington à la Chambre baptiste unie de Virginie, en 1789. "Chaque homme, se conduisant comme un bon citoyen, et n'étant responsable de ses opinions religieuses que devant Dieu seul, doit être protégé dans son culte de la Déité selon les exigences de sa propre conscience.
Art Critic, (Le Critique d'art), 1955

Illustration de couverture pour le Saturday Evening Post du 16 avril 1955

Le Critique d’art est l'une des œuvres les plus populaires et les plus analysées de l'artiste. Bill Scovill, le photographe de Rockwell, pensait de cette œuvre qu'elle "lui a donné le plus de mal et ... d'agonie de toutes. Il a mis un temps terrible pour la terminer". Au moins treize études différentes ont précédé le tableau fini. La nature modestement osée de la la composition elle-même pourrait expliquer les difficultés de l'artiste, ou peut-être était-ce la délicatesse du fait que les modèles finaux de Rockwell Rockwell étaient sa femme, Mary Barstow Rockwell (photographiée dans au moins deux séances), et leur fils aîné Jarvis. L'identité du modèle critique d'art de la photographie est inconnue.

Les couvertures du Post étaient en concurrence avec les publicités, les calendriers et d'autres travaux commerciaux pour attirer l'attention de Rockwell. Plusieurs projets différents, à différents stades d'achèvement, pouvaient occuper son studio au même moment. Contrairement à l'image populaire de l'artiste en tant que personnage discret et casanier, Peter Rockwell souligne qu'il était "un bourreau de travail - il travaillait sept jours par semaine, neuf heures par jour".

Jamais satisfait, Rockwell avait du mal à laisser partir un tableau. "Alors qu'il terminait," dit Bill Scovill, le photographe de Rockwell, "il avait du mal à s'arrêter et à dire : "C'est fini".

Le-critique-d'Art
Boy-and-Girl-Gazing-at-Moon
Garçon et fille regardant la lune (Puppy Love) (1926)
Les plaisirs simples de la vie et la rougeur du premier amour sont au centre de la couverture du Saturday Evening Post de 1926 par Norman Rockwell, qui dépeint un jeune couple envoûté par la lune et par la compagnie de l'autre. Leur siège en bois branlant plie sous leur poids mais ne les détourne pas de leur rêverie, car ils prennent le temps de profiter du moment présent.

En 1926, Rockwell travaille depuis dix ans déjà pour le Saturday Evening Post. Spécialiste autoproclamé de la peinture de scènes centrées sur l'enfant, il a élevé le statut de ses jeunes sujets en les dépeignant comme des individus complexes et dignes, malgré leur statut économique. Dans cette œuvre, Rockwell évoque le plaisir de passer des vacances dans des fermes rurales de Long Island et du nord de l'État de New York, un répit par rapport à l'agitation de la vie à New York, où il est né et a passé sa jeunesse. Sa composition nous invite à regarder par-dessus les épaules des enfants qui ne sont pas conscients de notre présence. Leur simple matériel de pêche - une branche équipée d'une ligne et d'une bobine bleue et orange (qui reprend la palette de couleurs de l'artiste) - a été déposé derrière eux. Emerveillés, ils ne se rendent pas compte que leur appât s'échappe de la boîte de conserve, ni que le chien, devenu la troisième roue du carrosse, regarde avec nostalgie la toile.
Sur une période de quarante-neuf ans commençant en 1924, Norman Rockwell a contribué à trente-sept illustrations pour le Ladies' Home Journal. Certaines accompagnaient des histoires fictives, et d'autres, comme celle-ci, racontaient leur propre histoire publiée uniquement avec le titre.

Le motif des enfants et des personnes âgées est commun à toute la carrière de Rockwell. Au cours de l'été 1912, Rockwell a passé trois mois à étudier la peinture avec Charles Hawthorne à Provincetown, dans le Massachusetts. Hawthorne avait étudié la peinture de plein air avec William Merritt Chase. Dans le traitement pictural de Rockwell des toits, des vagues, des arbres, de l'herbe et du pantalon de l'homme, nous voyons l'influence du style impressionniste de Chase.
Babysitter-(Outward-Bound)-1927
Outward Bound (The Stay at Homes/Looking Out to Sea) (1927)
Illustration de récit pour le Ladies' Home Journal, octobre 1927


Garçon dans une voiture-restaurant (1946)

Illustration de couverture pour le Saturday Evening Post du 7 décembre 1946

Utilisant comme décor un wagon-restaurant du Lake Shore Limited du New York Central, Norman Rockwell a capturé un moment de la vie de son propre fils dont il pensait qu'il toucherait une corde commune pour les lecteurs du Saturday Evening Post. Cependant, malgré la chaleur de sa narration dans laquelle un jeune garçon blanc calcule un pourboire pour un serveur afro-américain souriant, l'image reste fidèle à la manière dont les gens de couleur étaient dépeints dans les magazines du début et du milieu du siècle - au service des Blancs.

Peu après la Guerre Civile, l'homme d'affaires de Chicago George M. Pullman embaucha des milliers d'hommes afro-américains pour servir les passagers blancs voyageant dans le pays en train dans ses wagons-lits. Sous-payés et surchargés de travail, les porteurs et les serveurs étaient souvent victimes de harcèlement au travail.  Plus de vingt ans avant que cette illustration de couverture soit publiée, A. Philip Randolph (1889-1979) s'est vu demander par le personnel entièrement noir des wagons-lits Pullman de diriger une nouvelle organisation, la Brotherhood of Sleeping Car Porters. Déterminé et incorruptible, Randolph était un porte-parole largement connu de la classe ouvrière noire, et en 1935, la BSCP est devenue l'agent de négociation collective des porteurs de Pullman
.
Boy-in-Dining-Car
Norman Rockwell : Boy in Dining Car (1846)

Murder in Mississipi (1965)
Murder in Mississipi (1965)
Meurtre dans le Mississippi 1965

Illustration pour Southern Justice pour le Look du 29 juin 1965

En 1963, laissant derrière lui sa carrière de quarante-sept ans au Saturday Evening Post, Norman Rockwell se consacre à la documentation des préoccupations sociales les plus pressantes de l'Amérique et sur le sujet des droits de l'homme, qui avait une grande signification pour lui. Le magazine Look, qui met l'accent sur le photo-journalisme et les sujets d'intérêt humain, offre un espace pour la création d'images reflétant ses points de vue personnels et dont il espérait qu’elles feraient une différence.

Au début de l'année 1965, Rockwell commence à travailler sur une pièce à propos des meurtres de trois jeunes militants des Droits Civiques le 21 juin 1964. Michael Schwerner et son assistant principal, James Chaney, étaient à Philadelphie, Mississippi, pour aider à former des volontaires comme Andrew Goodman, qui, avec d'autres étudiants, travaillaient pour l'inscription des électeurs dans le cadre du Mississippi Summer Project.

L'anatomie de Meurtre au Mississippi met en lumière l'attention intense portée par Rockwell sur l'incident et son processus de création d'une peinture qui exprime son indignation. S'écartant de son habitude de travailler sur cinq ou six projets à la fois, il a ignoré d'autres commandes et, au cours d'une session intensive de cinq semaines, il a rassemblé des recherches et produit des préliminaires au fusain, une étude à l'huile et une grande peinture finale.

Lors d'une interview, plus tard dans sa vie, Rockwell se souvient d'avoir reçu l’ordre du Post  de retirer un Afro-Américain d'une photo de groupe parce que la politique du magazine imposait de ne montrer que des Noirs employés dans le secteur des services. Libéré de ces contraintes chez Look, il a cherché l'occasion de corriger les préjugés éditoriaux qui s'étaient reflétés dans son travail précédent.

Le 14 avril, Rockwell a envoyé sa dernière peinture à Look. Le 29, il a reçu la nouvelle qu'ils avaient décidé d'utiliser son étude en couleur plutôt que la peinture finale. Dans une lettre au directeur artistique Allen Hurlburt, Rockwell écrit : "J'ai essayé de faire un tableau de colère. Si j'avais eu un peu de Ben Shahn en moi, ça m'aurait aidé."


Les autres salles abritent des expositions temporaires, consacrées plus particulièrement à la dénonciation progressive du racisme et des préjugés vis-à-vis des afro-américains dans l'art visuel américain. Fort bien faite et très instructive, mais ce n'est pas pour cela que nous venons de rouler toute une journée…

A Common Thread (Un Fil commun) (2018)
par Thomas Richman Blackshear II

Reconnu pour son savoir-faire exceptionnel, son éclairage dramatique et son sens de l'ambiance, l'art de Thomas Blackshear est présenté dans des livres, magazines, publicités et calendriers, ainsi que sur des objets de collection, cartes de vœux, timbres-poste du patrimoine noir des États-Unis et affiches de films. Il est le créateur de la populaire série de figurines noires à collectionner Ebony Visions, il est également connu pour la collection de gravures chrétiennes Masterpiece Collection of Christian prints, et ses œuvres sont exposées dans des églises évangéliques.

Dans A Common Thread, des individus divers sont entourés d'un fil d'or commun qui les relie à l'humanité, et chacun tient une bougie qui symbolise sa spiritualité. Cette œuvre avait une telle signification pour M. Blackshear qu'il y est revenu pendant vingt ans, pour finalement achever la peinture en 2018. De fines feuilles d'or sont incorporées dans sa composition, une technique qui remonte à des cultures anciennes. En Égypte, les feuilles d'or étaient utilisées pour embellir les statues des dieux, les amulettes et autres objets précieux.
A-Common-Thread.


PUBLICITÉS PORTEUSE DE STÉRÉOTYPES ET PRÉJUGÉS RACIAUX

Rastus-Art-Gallery-par-Edward-V-Brewer
Rastus Art Gallery, par Edward V. Brewer
Galerie d'art Rastus (1917)

par Edward V. Brewer (1883-1971)
Illustration pour Pictorial Review, 1917

Dans la Galerie d'art Rastus, le chef est à la fois une source d'inspiration pour un enfant et le point central d'un tableau. Michele H. Bogart, Ph.D., note que " Faisant une pause dans sa tâche d’accrocher des reproductions de publicités pour Cream of Wheat (Crème de blé), dont une réplique de la même image vue ici, Rastus jette un regard souriant à un jeune chef noir en herbe (à noter qu'il n'est pas rendu sous forme de caricature), qui le montre du doigt, et à la blague picturale. Le sourire du cuisinier devient une déclaration de conscience de la parodie. L'image a fait la publicité de Cream of Wheat, en la représentant à la fois comme une couverture de magazine étalée sur le sol, et comme des images sur les murs de la "galerie."

Brewer était un illustrateur du Minnesota qui, de 1911 à 1926, a créé de nombreuses illustrations pour Cream of Wheat, une compagnie basée à Minneapolis. Le chef souriant dans les publicités, panneaux d'affichage et emballages a été largement reproduit au cours de nombreuses années, soulignant le rôle des artistes, des directeurs artistiques, des publicitaires et des éditeurs dans l'établissement des stéréotypes et des préjugés raciaux qui imprègnent la culture.

Qui peut épeler Crème de Blé ? (1917)
par Edward V. Brewer (1883-1971)

Publicité pour la crème de blé, The Saturday Evening Post,
du 27 octobre 1917

Collection de la Galerie Illustrée

Dans cette illustration d'une salle d'école de campagne, un portrait du chef Rastus est accroché au-dessus du bureau rustique de l'enseignant,  fabriqué à partir d'une caisse d'expédition de crème de blé, un élément reconnaissable de la marque. Bien que les représentations peintes de Rastus aient été finalement remplacées par la photo d'un chef afro-américain, le logo de la société perpétuait les stéréotypes raciaux, et B & G Foods l'a retiré de ses emballages et de ses publicités en 2020.
Who Can Spell Cream of Wheat ?
Who Can Spell Cream of Wheat ? (1917)
His-Bodyguard
His Bodyguard

Son garde du corps (His Bodyguard) (1921)
par Edward V. Brewer (1883-1971)

Publicité pour la crème de blé, The Saturday Evening Post,
19 novembre 1921

Dans cette publicité, le chef Rastus et son garde du corps blanc semblent marcher d'un même pas, annonçant presque une célèbre scène de danse dans Le Petit Colonel, un film de 1935 mettant en vedette Bill "Bojangles" Robinson et la jeune actrice Shirley Temple. Les représentations d'Afro-Américains en tant que domestiques s'occupant d'enfants blancs et les divertissant étaient courantes dans les médias de l'époque, mais en 1930, Cream of Wheat a cessé d'utiliser fréquemment le chef dans le récit. En travaillant avec l'agence de publicité J. Walter Thompson, la société a commencé à viser moins les mères blanches désireuses de nourrir leurs enfants et davantage les enfants eux-mêmes.
Portrait de Tante Jemima (1899)
par Arthur Burdett Frost (1851-1928)

Illustration publicitaire pour la marque Aunt Jemima
Gouache sur carton

Bibliothèque d'histoire graphique moderne D.B. Dowd,
Université Washington à St. Louis

En juin 2021, après cent trente et un ans, la société Quaker a retiré le nom Aunt Jemima de ses préparations pour crêpes et sirop, ainsi que l'image d'une femme afro-américaine souriante, reconnaissant qu'elle était "basée sur un stéréotype racial". Peint en 1899 par l'illustrateur Arthur Burdett Frost, le premier logo de la marque utilisait l'archétype de la nounou racisée, mettant en scène une femme noire s'occupant d'une famille blanche.

La peinture de Frost s'inspirait de Nancy Green (1834-1923), une ancienne esclave de Mt. Sterling, dans le Kentucky, qui s'est installée à Chicago après la Guerre Civile et qui est devenue l'un des premiers mannequins afro-américains employés pour promouvoir un produit national. Green a fait sa première apparition en tant que Tante Jemima à l'Exposition Colombienne de Chicago en 1893, dans un stand conçu pour ressembler à un baril de farine, où elle cuisinait des crêpes, chantait, et régalait le public blanc avec des récits romancés de son enfance sudiste en esclavage dans le Sud. Bien que l'image de Tante Jemima ait été mise à jour année après années, le portrait de Frost est resté sur les emballages de la compagnie pendant plus de trois décennies.

Aunt-Jemima
Aunt Jemima (Tante Jemima)
Aunt-Jemima
Publicité pour Aunt Jemima Brand,
dans le Saturday Evening Post du 10 mai 1919
Feuille détachable témoin


Enfin une dernière salle présente une série de tableaux de Kadir NELSON, un artiste noir né en 1974 qui «a commencé à dessiner à l'âge de trois ans, faisant preuve de son sens artistique avant même de savoir écrire ou épeler. "J'ai toujours été un artiste", explique Nelson. "Cela fait partie de mon ADN". À onze ans, Kadir Nelson a été mis en apprentissage auprès de son oncle Michael Morris, artiste et professeur d'art. "Mon oncle m'a donné les bases de l'art", explique l'artiste. Kadir Nelson a expérimenté plusieurs techniques différentes et a commencé à peindre à l'huile à l'âge de 16 ans, sous les encouragements et la tutelle de son oncle et de son professeur d'art au lycée. Il a commencé à présenter ses peintures dans des concours d'art et a fini par obtenir une bourse d'études pour étudier à l'Institut Pratt de Brooklyn, dans l'État de New York. Après avoir obtenu son diplôme avec mention, Kadir Nelson a commencé sa carrière professionnelle d'artiste, publiant ses œuvres et recevant des commandes d'éditeurs et de studios de production tels que Dreamworks, Sports Illustrated, Coca-Cola, le New York Times et la Major League Baseball, entre autres.»


Tulsa (2021)
par Kadir Nelson

Illustration de couverture pour National Geographic, mai 2021

Rappelant les événements entourant le massacre racial de Tulsa en 1921, cette peinture présente un portrait de famille typique de 1921, juxtaposé à des images des événements horribles du massacre de Tulsa révéles à leurs pieds. L'œuvre est parue en couverture du National Geographic dans un numéro intitulé « Reconnaissance du Passé (Reckoning with the Past)», consacré aux histoires de race en Amérique.

Le Massacre Racial de Tulsa a eu lieu sur une période de dix-huit heures entre le 31 mai et le 1er juin 1921, soit cent ans avant la publication de cette œuvre. Un attroupement de Blancs a attaqué le quartier majoritairement afro-américain de Greenwood à Tulsa, un incident flagrant de violence raciale. Des centaines de personnes ont été tuées, des résidences et des commerces ont été détruits, et beaucoup se sont retrouvés sans abri, mais on ne sut pas grand chose de ces événements tragiques à l'époque parce que les reportages sur ces événements furent volontairement supprimés.

Tulsa

Tulsa-detail
Tulsa (détail du bas du tableau) (1921)

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Black-Ish Tea

Thé Black-ish (2020)
par Kadir Nelson

Illustration pour American Broadcasting Companies (ABC)

Black-ish Tea représente la famille fictive Johnson de l'émission de télévision Black-ish sur la chaîne ABC, diffusée de 2014 à 2022.  Conscient de l'isolement que de nombreuses familles ont ressenti pendant la pandémie, la peinture de Nelson aborde la distance vécue par les Afro-américains dans la société, surtout dans les communautés de banlieue de la classe moyenne supérieure, comme celle dans laquelle résident les Johnson. Nelson a noté "Black-ish Tea parle de cette double conscience. Je pense que ce moment très particulier de l'histoire où le monde a été mis sens dessus dessous donne à la famille fictive Johnson et au reste du pays un moment pour réfléchir à la fois sur le sérieux et faire la satire de notre expérience actuelle."
Après la tempête (2020)
par Kadir Nelson


Au plus fort de la pandémie de COVID-19, Kadir Nelson a peint Après la tempête rempli d'espoir, dans lequel est réuni un groupe de personnes diverses. Alors que l'économie mondiale était fermée, les citoyens isolés et les entreprises closes, les problèmes de santé physique et mentale ont été mis à nu. Ironiquement, à une époque où les voyages internationaux sont possibles, les enfants suivaient des cours virtuellement, les réunions d'affaires se tenaient sur écran, et la communication en face à face était oblitérée par des masques. La peur, la désinformation, la confusion et l'insécurité étaient au centre des préoccupations des gens qui se demandaient quand et si leur vie allait revenir à la normale.

"Nous sommes tous des êtres humains, nous faisons tous partie de la famille humaine, et nous vivons tous cette expérience ensemble", a observé l'artiste.

Nelson s’est obligé à créer un avenir optimiste dans lequel les citoyens du monde se rassemblent alors que les nuages sombres de la pandémie s'éloignent. Les gens se tiennent la main et s'étreignent en regardant vers l'avant et vers un jour nouveau. Leurs grands yeux et leurs sourires non masqués donnent l'espoir d'un avenir uni.

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After the Storm (Après l'orage)
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American Uprising (Soulèvement américain)

American Uprising (Soulèvement américain), 2020
par Kadir Nelson
Huile sur toile pour
la couverture de Rolling Stone de juillet 2020

Après le meurtre de George Floyd à Minneapolis, de nombreux Américains inquiets sont descendus dans la rue pour protester contre le racisme et les violences commises par la police à l'encontre des Afro-Américains, une période qui a été comparée au "long et chaud été" de 1967. Dans American Uprising, Kadir Nelson commémore les événements de cet été et reconnaît le rôle des femmes afro-américaines dans les manifestations de 2020 en rendant hommage au tableau d'Eugène Delacroix de 1830, La liberté guidant le peuple, qui célébrait la Révolution française. Dans cette œuvre, une femme mène une foule en marche pour déposer le roi Charles X. La femme tient un drapeau français tandis qu'elle et son fils lèvent le bras en signe de solidarité.

De même, Nelson fait figurer un drapeau américain en arrière-plan et sous forme de banderole autour du sujet principal, suggérant ainsi que l'élimination du racisme est un acte patriotique, comme l'affirme l'affirmation "tous les hommes sont créés égaux" de la Déclaration d'indépendance.


AmericanUprising-Rolling-Stone-cover.
La couverture de Rolling Stone de Juillet 2020


Stickball Alley (2018)
par Kadir Nelson

Illustration de couverture pour le New Yorker, 30 avril 2018.

Avec un sentiment d'attente et de nostalgie, un jeune garçon attend anxieusement un lancer lors d'une partie de stickball dans les rues de Brooklyn dans les années 1950, avec l'historique Brooklyn Bridge comme toile de fond. L'amour de l'artiste pour le baseball et son histoire se reflète dans cette œuvre qui rend hommage à Jackie Robinson, le joueur de baseball afro-américain qui a brisé la barrière de la couleur dans les ligues majeures en tant que Dodger de Brooklyn en 1947.
Stick-Ball-Alley
Stick Ball Alley
Sweet-Liberty
Sweet Liberty
Sweet Liberty (2020)
par Kadir Nelson

Illustration pour The New Yorker du 23 novembre 2020


Pour célébrer l'élection présidentielle de 2020, Nelson présente une jeune fille afro-américaine pleine d'optimisme. Un drapeau américain à la main et les manches retroussées, l'enfant, debout dans la lueur d'un soleil levant, symbolise le dur travail qui doit encore être accompli pour assurer l'égalité et la justice pour tous. "Les enfants ont une innocence et une honnêteté", a déclaré l'artiste. "Toutes les couches n'ont pas encore été ajoutées. Quand vous regardez dans les yeux d'un enfant il y a là tellement de choses ."


Nous voilà rendus à la fin de notre visite. Au bout du compte les tableaux de Norman Rockwell sont superbes, et j'ai retrouvé avec plaisir quelques uns que nous avions contemplé à Caen, lors de l'exposition du Mémorial (Autoportrait, les Quatre Libertés, etc.). Mais il y en avait tellement plus ici (170 selon le G.V.), et je souhaitais tellement découvrir d'autres œuvres inconnues du Maître. Légère déception donc, même si nous avons passé un peu plus de deux heures passionnantes à parcourir les 7 salles.

En quittant je demande à noter mon appréciation sur le livre des visiteurs, mais il n'y en a pas… L'hôtesse écoute avec le sourire mes observations à peine compréhensibles vu ma pauvre maîtrise de l'anglais oral… En guise d'explication elle me présente les raisons justifiant ce pauvre inventaire exposé par rapport à tout ce que contiennent les réserves : échanges avec d'autres musées, expositions itinérantes, etc…

À 17:00 nous avons retrouvé notre ProMaster sur le parking au milieu du vaste parc orné de grands arbres dorés par l'automne. Je fais la vaisselle puis nous reprenons la route vers le nord, cette fois pour Arlington au Vermont où j'ai repéré une autre expo permanente de moindre ampleur, consacrée elle aussi à Rockwell. Une centaine de kilomètres sur une route sinueuse (NY22) qui croise à plusieurs reprises des autoroutes ; le paysage de petites montagnes est charmant, 
notre progression lente, traversant plusieurs villages où nous cherchons vaguement un spot pour notre bivouac. Finalement arrive 18:10, le soleil disparaît et la lumière s'assombrit. Comme je ne veux pas rouler de nuit sur ces routes relativement étroites et pleines de virages, nous n'irons pas plus loin que le gros village de Berlin, un peu à l'écart de la grand route. Parcours de quelques rues du centre sans trouver un parking agréable, nous finirons par nous porter sur une route de gravier menant à un entrepôt (Cowee Way) sans aucune circulation et accotée à un boisé.

Aucune circulation en soirée, et
la distance amorti  largement les bruits du village. Souper, vaisselle, écriture de ces quelques lignes, nous serons au lit à 21:30…


76 059 Mercredi 26 octobre 2022 : de BERLIN à TOWNSHEND (VT) (166 km)
Lever un peu tardif, après que nous ayons été réveillés vers 2:30 par l'arrivée d'un gros semi-remorque qui stationne juste derrière nous. Heureusement il ne tardera pas à arrêter son moteur, et nous pourrons nous rendormir sans autre dérangement. Berlin-bivouac
Bivouac à Berlin devant le boisé sur le gravier de Cowee Way

Sur la
            route de Berlin à Arlington
Brume matinale sur la route de Berlin à Arlington

Arlington-VT-Sugar-Shack
Arlington, VT : ProMaster devant Sugar-Shack
J'émerge vers 8:30, nous démarrons peu après pour aller déjeuner et prendre ma douche une quarantaine de kilomètres plus loin sur le stationnement du Sugar Shack (Cabane à Sucre) à Arlington, VT, où nous voulions visiter l'exposition consacrée à Norman Rockwell. Pas de chance, les portes sont fermés les mardi ET mercredi… Nous resterons longtemps sur le parking près des érables, Monique désirant se reposer avant d'aller plus loin.

Arlington : petit-déjeuner en arrivant devant Shugar
            Shack
Petit-déjeuner dans le ProMaster en arrivant devant Sugar Shack à Arlington

Je repère alors sur le Guide Vert un petit circuit des Villages typiques du Sud Vermont que nous emprunterons avant de revenir à Arlington demain jeudi. Nous y ferons alors le tour de la galerie consacrée essentiellement aux couvertures du Saturday Evening Post qu'on nous propose ici. Arlington-VT-itineraire
Circuit dans les villages du Sud Vermont

Vers midi nous nous ébranlons, d'abord pour faire le plein d'eau. Une recherche attentive ne montre guère de point d'eau accessible, il faudra l'inspiration de faire le tour du joli bâtiment de la Banque d'un village voisin entourée d'un jardinet soigné pour découvrir le robinet d'arrosage attendu. Demande d'autorisation de prendre un peu d'eau - aimablement accordée par la gérante souriante devant mon désarroi - je transvide 7 bidons de 10 l. d'affilées pour remonter le niveau de la citerne du ProMaster.

Nous poursuivons la jolie 7A vers Manchester. En passant devant la barrière de la route à péage du Mont Equinox (1 163 m), je vais aux renseignements : le tarif n'est pas donné (35 $ pour l'auto et le chauffeur, plus 5 $ par passager), De plus  il est impossible d'aller observer de là-haut le coucher de soleil sur les montagnes du Berkshire (superbe selon le G.V.), la barrière fermant à 16:00…  Nous renonçons. Autre déception un peu plus loin devant l'entrée de Lincoln Family House à Hildene, fermée le mercredi mais ouvrant demain jeudi à 10:00. Nous repasserons.

Ensuite ce sont les superbes maisons anciennes (XVIIIe et XIXe) le long de la noble et large Main Street à Manchester. Je ferai quelques photos de ces grandes et belles demeures fréquentées par la haute bourgeoisie et le gotha politique de la Côte Est…

Manchester-eglise
Église à Manchester
Manchester :
                  ProMaster sur Main Street
Manchester : ProMaster sur Main Street
Manchester-maison-avec-gallerie
Manchester : maison avec galerie
Manchester
                  maison
Manchester : maison avec perron
Manchester.-Skinner-Cottage-1802
Manchester : Skinner Cottage (1802)
Manchester :
                  Main Street
Manchester : ProMaster sur Main Street

En quittant Manchester vers l'est, on suit la Rte 30 puis sur la Rte11 qui monte à la station de ski de Bromley avant de redescendre sur Weston.

Panorama vers l'est depuis la station de ski de
            Bromley
Panorama vers l'est depuis la station de ski de Bromley

Arrêt sur le parking d'une épicerie et au bord de la rivière pour déjeuner. Toujours en suivant la Rte 11 dans la chaude lumière de fin d'après-midi nous gagnons Chester, autre village remarquable lui aussi par ses maisons anciennes aux boiseries finement découpées.

Chester
Chester : la maison aux fusains ailés

Chester : la maison aux fusains ailés
Chester : porche de la maison aux fusains ailés

Chester
Chester : maison à tourelle et bow-window

Chester : la maison aux fantômes
Chester : la maison aux six fantômes

Chester-eglise-et-kiosque
Chester : l'église et le kiosque à musique

Chester
            : la maison-dentelle
Chester : maison-dentelle

Chester

Deux vue d'une autre belle façade...

Chester

Ensuite la Rte 35 vers le sud devient beaucoup plus sauvage et forestière, les feuilles dorées des bouleaux luisent dans l'obscurité des bois profonds.

Route-vers-Grafton
Route dans la forêt vers Grafton

Grafton :
                  l'église au centre du village
Grafton : l'église au centre du village dans le crépuscule
Nous suivons plusieurs torrents et abordons plusieurs côtes et descentes accusées avant d'arriver à Grafton, un autre charmant village un peu étriqué dans son vallon, mais haut de gamme aux maisons chics.

La route de petite montagne se poursuit jusqu'à atteindre Townshend, après de longs passages forestiers sans presque aucune clairière cultivée, avec quelques rares fermes d'élevage (le cheddar de Grafton serait renommé, même si nous n'arrivons pas à apercevoir sa fromagerie).

Le soir descend, il est passé 18:00 et le soleil a disparu derrière les pentes depuis plus d'une demi-heure lorsque je décide de trouver un bivouac dans le centre de Townshend. Premier essai sur le parking municipal à l'entrée du village, mais il est trop près de la route et donc bruyant. Nous nous enfonçons plutôt sur une rue perpendiculaire menant à l'hôpital et trouvons à son extrémité un autre petit stationnement destiné au personnel et aux visiteurs. C'est là que nous nous installons au bout d'une des deux rangée de places, dans un silence à peu près complet : c'est une impasse, la route traversant le village est assez loin, et ce petit hôpital bien peu fréquenté à cette heure. Souper léger pour Monique, je finis le bourguignon qui attendait au freezer, et écris le carnet de bord de la journée pour rejoindre Monique sur la couchette à 22:00.


76 225 Jeudi 27 octobre 2022 : de TOWNSHEND à MONTRÉAL (400 km)

Excellent sommeil jusqu'à 7:00, lorsqu'un quelconque camion de livraison nous réveille… Nous sommes vite debout pour reprendre la route jusqu'au village suivant, Jamaïca, où je stationne au bord du torrent. Townshend-bivouac-devant-l'hopital
Townshend : bivouac sur le parking devant l'hôpital
Jamaica : déjeuner au bord du torrent
Jamaica : déjeuner au bord du torrent
Le soleil réchauffe l'habitacle, les quelques kilomètres ont fait monter la température du chauffe-eau pour une douche bien chaude qui achève de nous réveiller. Après déjeuner nous rattrapons notre itinéraire d'hier au niveau de Manchester, passons devant la Family Lincoln House sans nous arrêter : le temps nous est maintenant compté si nous voulons être à la  maison ce soir avant la nuit.

Arlington n'est pas loin où nous stationnons à nouveau devant le Sugar Shack, ouvert cette fois-ci. Derrière la boutique de sucreries à l'érable et les rayons de souvenirs, se cache une exposition bien documentée sur la carrière de Norman Rockwell en tant qu'illustrateur du Saturday Evening Post. Il habita le village d'Arlington de 1939 à 1953 et la plupart de ses modèles furent des gens du coin avec lesquels il avait établi des liens solides de sympathie et de collaboration. Sugar-Shack-salle-d'exposition
Arlington VT,  Sugar Shack : la salle d'exposition

Sugar-Shack-salle-d'exposition : les modeles de
                  Norman Rockwell
Salle d'exposition de Sugar-Shack : les modèles de Norman Rockwell
Plusieurs petits panneaux montrent des photos des scènes qu'il a peintes et des personnes qui lui ont servi de modèles dans la vraie vie, accompagnés d'un court témoignage.

Norman-Rockwell-avec-Bridge-la-fillette-de-The-problem
Sugar Shack, salle d'exposition : Norman Rockwell avec Ruby Bridge (5 ans),
son modèle dans «The Problem We all Live With»

Les murs modestes de la cabane (à sucre) sont couverts d'un affichage serré de couvertures du Post, regroupées en trois époques : New Rochelle dans la banlieue de New York d'abord (1903 à 1938) puis Arlington de 1939 à 1963, et enfin Stockbridge de 1963 à sa mort en 1978.

New Rochelle, New York

Norman Perceval Rockwell est né le 3 février 1894, dans une maison en grès brun à l'angle de la 103e rue et de l'avenue Amsterdam à New York. Neuf ans plus tard, la famille Rockwell déménage en banlieue où Norman Rockwell finit par établir son studio, à New Rochelle. À l'âge de 12 ans, Rockwell avait déjà décidé de ce qu'il allait devenir : " Les garçons qui sont des athlètes s'expriment pleinement. Ils ont une identité, une place reconnue parmi les autres garçons. Je n'avais pas ça. Tout ce que j'avais, c'était la capacité de dessiner, ce qui, d'après ce que je voyais, ne comptait pas pour beaucoup. Mais comme c'était tout ce que j'avais, j'ai commencé à en faire toute ma vie. Je dessinais tout le temps, et petit à petit, mes épaules étroites, mon long cou et mes orteils de pigeon sont devenus moins importants pour moi. Je dessinais et dessinais et dessinais." Pendant ses années à New Rochelle, le travail de Rockwell englobe plus de 150 couvertures du Saturday Evening Post, des calendriers de scouts, des missions publicitaires, des illustrations de Tom Sawyer et Huckleberry Finn, et pour Country Gentlemen, Life, Literary Digest et Ladies Home Journal. Il était déjà l'un des plus grands artistes américains.
Arlington, Vermont

En 1939, Norman Rockwell, sa femme Mary et leurs trois fils s'installent à Arlington, dans le Vermont. Dans la mesure où mon objectif fondamental est d'interpréter l'Américain typique", a déclaré Rockwell, "Arlington offre la résidence idéale. De ce point d'observation calme, loin des villes avec leurs foules et leurs clameurs, je vois les choses avec détachement et sérénité ; je peux également m'acquitter de ma tâche avec un minimum d'interruption et en sachant qu'il y a ici exactement les modèles dont j'ai besoin pour mon travail - les types sincères, honnêtes et simples que j'aime peindre". Rockwell n'avait plus à compter sur des modèles professionnels pour poser ou à chercher des idées et des sujets. ''Maintenant, mes tableaux naissent du monde qui m'entoure, de la vie quotidienne de mes voisins. Je n’avais plus à feindre.’’ C'est à Arlington que Rockwell a peint ses Four Freedoms et la majorité de son œuvre «Main Street America», pour laquelle il est le plus connu.

Stockbridge, Massachusetts

En 1953, Norman Rockwell s'installe à Stockbridge, dans le Massachusetts, où il vivra jusqu'à son décès en 1978. En 1959, sa femme, Mary, décède. En 1961, il épouse Molly Punderson, avec laquelle on peut souvent le voir se promener quotidiennement à vélo dans les rues de Stockbridge. Le déménagement de Rockwell de la campagne d'Arlington à la ville plus cosmopolite de Stockbridge se combine avec le changement d'époque pour élargir considérablement la gamme de sujets et de personnages dans l'œuvre de Rockwell. Il peint toujours des scènes familières avec des gens de tous les jours, mais de plus en plus, il peint également des célébrités et des présidents. Le monde dans lequel il vivait changeait également, et les événements que Rockwell a illustrés au cours des années 1960 et 1970, en particulier lorsqu'il a mis fin à son association avec le Post en 1963 pour travailler pour le magazine Look, incluaient l'intégration, la pauvreté, la protestation, le Peace Corps et les missions spatiales.


Le-Journal
Le Journal
Baby-Sitter
Baby Sitter

Birthday
Happy Birthday, Miss Jones !
Jury
In the Jury Room

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Note de frais
Rosie à l Rescousse
Rosie to the Rescue

restauration
Repairing Stained Glass
Undecided
Undecided

La-Fille-aux-Billes
Marble Champion
Girl-at-the-Mirror
Girl at the mirror


Le cadre est rustique, l'éclairage (gros néons accrochés au plafond bas) brutal, la présentation économique et minimale (cadres juxtaposés en baguettes de bois teint brun foncé…). Mais le courant passe, l'émotion est là tant on sent l'attachement des propriétaires au personnage de Rockwell et leur fierté d'appartenir au milieu (physique et humain) qui a vu s'épanouir son génie. Durant ses 14 ans de vie à Arlington, Rockwell fit poser plus de 200 villageois comme modèles pour ses créations.  Je prends une trentaine de photos que je retravaillerai plus tard pour les rendre présentables, m'attarde devant les petits panneaux expliquant tant sa biographie que sa méthode de travail,  tandis que Monique chine un peu dans les reproductions vendues en avant.


LE PROCESSUS DE CRÉATION D'UN TABLEAU par Norman ROCKWELL

Idée et ébauche de croquis

Ma méthode pour créer une images est similaire pour une couverture de magazine, une illustration ou une publicité. Bien du travail préparatoire est nécessaire avant de commencer l'image proprement dite.

L'exemple que j'ai choisi est une illustration de 1950 pour une publicité pour la Massachusetts Mutual Life Insurance Company. Le directeur artistique de l'agence de publicité m'a donné les dimensions nécessaires de l'annonce telle qu'elle devait paraître et son sujet : Premier jour d'école.

Souvent, une agence de publicité vous remet une esquisse complète sur laquelle elle a consacré beaucoup de temps et d'efforts pour faire passer un message. Dans ce cas, il n'y avait pas de mise en page et j'ai saisi l'occasion de créer ma propre approche.

J'ai montré au directeur de l'agence de publicité un croquis très grossier, je lui ai fait part de mes idées, puis je suis retourné chez moi à Arlington, dans le Vermont, pour trouver mes modèles.


Sélection des modèles et des accessoires

J'ai pris un mauvais départ car j’ai trop mis l'accent sur le sérieux. J'ai perdu 3 1/2 jours de mon temps sur ce projet (y compris 1/2 journée passée à trouver des modèles). J'ai envoyé cette maquette au directeur de l'agence de publicité qui l'a approuvée, mais je n'étais pas satisfait, aussi j’ai révisé toute la composition en utilisant une autre mère et un autre père. J'essaie trois ou quatre modèles, si nécessaire, pour trouver exactement ceux qui conviennent à mes images (je paie mes modèles 5,00 $ pour poser environ une heure). Vos modèles peuvent faire ou défaire votre travail.

Je ne voulais pas encombrer la photo d'un intérieur réaliste avec du papier peint, des meubles, etc. Je voulais plutôt me concentrer sur les relations humaines. L'étape importante de la sélection des accessoires, des décors et des costumes ne doit pas être négligée, elle demande de la réflexion et de la persévérance. Lorsque vous savez tout sur votre sujet en ayant fait des recherches approfondies, votre image aura le cachet indéniable de l'authenticité et de la sincérité qui autrement lui ferait défaut.

Données photographiques

Je crois qu'une bonne photographie est préférable à la tentative de dessiner d'après le modèle, car le modèle ne peut pas tenir la pose avec un sentiment et un enthousiasme réels indéfiniment, comme une photographie le fera.

Le photographe ne prend pas qu'une seule photo, mais peut-être dix, afin que j'aie un choix d'expressions parmi lesquelles choisir ; parfois, j'en fais prendre soixante-dix ou quatre-vingts pour une photo complète. Par conséquent, je pense que j'obtiens plus de spontanéité et un plus grand choix d'expressions avec l'aide de l'appareil photo et que j'économise beaucoup d'usure pour moi-même et pour le modèle. L'appareil photo est particulièrement utile pour enregistrer les effets transitoires, les poses difficiles et les sujets éloignés du studio

Dessin au fusain

C'est par le dessin au fusain que je commence, avec une première ébauche et, à l'aide de photographies de modèles et d'accessoires, je développe complètement l'histoire et résous, au mieux de mes capacités, tous les problèmes de dessin, de composition et de tonalité - en fait, tous les problèmes sauf celui de la couleur.

Vous devez faire tout ce que vous pouvez pour vous approprier le dessin. Faites-y entrer votre point de vue et votre personnalité. Aimez vos personnages et faites en sorte que chaque trait exprime ce que vous ressentez pour eux.

Parfois, il me faut autant de temps, voire plus, pour faire le dessin au fusain que pour réaliser la peinture finale. La raison en est que je ne suis pas un génie - je dois tout travailler à la dure.


Esquisse de couleur

J'ai utilisé des couleurs riches et chaudes pour cette esquisse, une sorte de schéma de couleurs à la Rembrandt. J'ai estimé que ce type de couleur exprimait le mieux l'appel calme et sincère que je voulais transmettre. J'ai fait en sorte que tout dans l'esquisse soit de couleur chaude, sauf la silhouette du petit garçon. Je voulais qu'il soit le centre d'intérêt à tous points de vue, je l'ai donc peint dans un costume et des chaussettes gris froid. La boîte à crayons, d'un bleu froid clair, fournit le plus grand contraste ici. J'ai peint la chair du garçon dans un ton et une couleur élevés et clairs, beaucoup plus clairs que la chair de sa mère et de son père. Tout cela a concentré l'intérêt sur le garçon.

Je fais des croquis en couleur pour étudier le schéma de couleurs que j'utiliserai dans ma peinture finale et pour déterminer comment je vais terminer le tableau sur le plan technique.


Peinture finale

Lorsque je peins, j'essaie avant tout d'exprimer le sentiment original que je souhaite transmettre. C’est ce que j’ai essayé de faire particulièrement en peignant la tête du garçon. Je voulais le rendre aussi mignon, adorable et symbolique de l'enfance que possible, mais je devais aussi éviter l'excès de mièvrie, qui ne fait que révolter les personnes normales.

Le chapeau de l'homme a permis de raconter l'histoire de l'accompagnement de son fils, et a également donné un peu d'intérêt à une partie terne de la composition. Ma signature a également contribué à la conception du tableau.

Le quatrième jour, j'ai peint toute la mère. J'ai fait de mon mieux pour en faire une mère attirante et aimante. J'ai continué à travailler après les heures habituelles de travail parce que la date d'échéance me pendait au nez et je savais que je devais respecter le calendrier. Vous ne pouvez pas vous permettre d'avoir un soi-disant tempérament d'artiste et être un illustrateur.

Ce travail achevé a pris environ 13 1/2 jours, ce qui est bon pour moi. Ma moyenne est d'environ trois semaines pour une image.


his-first-day-of-school
His First Day at School


Portrait du peintre au travail en 1930
Portrait du peintre au travail en 1930
Dining-car
Boy in Dining-Car


LES BOY SCOUTS

Norman Rockwell peintre des scouts d'Amerique
Norman Rockwell peintre des scouts d'Amérique
Lorsque Norman Rockwell avait dix-huit ans, il entra dans le bureau national des Boy Scouts d'Amérique et dit au rédacteur en chef du magazine Boy's Life : "Je crois savoir que vous aurez besoin d'artistes pour illustrer des histoires pour votre magazine. J'aimerais que vous voyiez ce que je peux faire". Rockwell quitte le bureau avec sa toute première commande pour un magazine, et une autre commande pour illustrer un livre de poche des Boy Scouts. L'année suivante, Rockwell est nommé directeur artistique de Boy's Life.

C'est ainsi que débute la carrière de Norman Rockwell et son association à vie avec les Boy Scouts. Grâce à ses œuvres, Rockwell est devenu le porte-parole du scoutisme et de ses idéaux.

Scouts
Scouts d'Amérique
Boys-Life
Boys' Life

Can't-Wait
Norman Rockwell : Can't Wait !
Norman Rockwell : Autoportrait scout
Norman Rockwell : Autoportrait scout

Christmas-Homecoming 1948
Christmas Homecoming 1948
Cette couverture du Saturday Evening Post du 23 décembre 1948, intitulée Christmas Homecoming (Retour à la maison pour Noël) est très représentative des années Arlington de Norman Rockwell, lorsqu'il aimait utiliser famille et voisins comme modèles pour ses images.

Mary Rockwell et Norman accueillent leur fils aîné, Jarvis, à la maison pour Noël.  De l'autre côté de Norman se trouve leur fils cadet, Thomas, et leur troisième fils, Peter, à l'extrême gauche. Norman a dit qu'il aimait tellement sa voisine la petite Sharon O'Neil, qu'il l'a représentée deux fois comme jumelles !

Grand-Ma Moses (la peintre naïve), qui rendait souvent visite à la famille Rockwell et vivait à Eagle Bridge, dans l'État de New York, est également représentée dans une robe noire avec un col en dentelle, ainsi que d'autres amis et voisins (y compris Mary Hall, guide touristique de la galerie Arlington, en blouse blanche, à l'extrême droite).



Sortis vers 14:00 nous déjeunons avant de prendre la route du retour. Plutôt que de rallier au plus court l'autoroute 87 N, je choisis de la rattraper beaucoup haut dans le nord, ce qui nous permettra de parcourir la Route «historique» 7A qui s'insinue dans les vallées de l'intérieur du Vermont, beaucoup plus pittoresque. Peuplement dispersé, villages authentiques pas toujours léchés... les pentes boisées s'enchainent au fil des virages dans une nature encore préservée,  Le tout dans des couleurs automnales avivées par le soleil présent toute la journée.

Je ferai un autre plein à Plattsburgh (81 litres) pour compenser la conso de 12,2 l/100 durant cette virée, puis nous rejoignons l'autoroute qui nous ramène au Québec par le poste frontière de St-Bernard-de-Lacolle. La nuit tombe, nous prenons de temps de souper sur la halte routière peu après, pour un retour ensuite rapide et sans encombre jusqu'à la maison. Mathieu, juste arrivé de son long périple aux USA, nous y accueille.

MONTRÉAL : 76 625



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