Octobre 2021


Provinces de l'Atlantique


Jean-Paul en solo à bord du ProMaster (5 113 km)



II. de NORTHPORT à MONTRÉAL


58 130  Lundi 11 octobre 2021 : de NORTHPORT à O'LEARY (147 km)

J'avais oublié que les pêcheurs se lèvent tôt… aussi vers 4:00 je suis éveillé par le cafouillage persistant d'un moteur de bateau en train de chauffer… Je patiente un peu, puis décide de me déplacer un peu plus loin sur le chemin de Bury Head où j'irai finir ma nuit sans vraiment retrouver le sommeil profond auquel j'aspirais… Bury-Head-lever-de-soleil-derriere-mon-parebrise
Bury Head : le lever du soleil derrière mon parebrise

Northport : vol d'oies depuis Bury Head
Northport : vol d'oies depuis Bury Head
À 7:30 je me lève et gagne la pointe, sans aucune construction et occupée seulement par quelques voitures et remorques de pêcheurs amateurs partis en mer. J'ai alors la chance d'y voir un magnifique lever de soleil rougissant les eaux de la baie, où se profile le long cou d'un héron pêchant… Je resterai là une bonne partie de la matinée à profiter de la vue, me doucher et déjeuner, écrire mon carnet de bord et observer un immense vol d'oies du Canada (grises) venues faire une pause durant leur migration vers le sud.

Enfin vers 10:30 je me mets en route après avoir fait le plein d'essence en repassant à Alberton (12,54 l/100km, pas mal, surtout avec le chauffage). Je poursuis ma route vers le nord sous un ciel radieux, qui met bien en valeur le côté un peu plus rude et surtout moins systématiquement aménagé ou cultivé, comme ce sera le cas lors de ma longue descente le long de la côte ouest. Je vois beaucoup de champs en jachère, où apparemment on a abandonné la culture, et aussi des bois en cours de régénération après qu'on en ait récolté les résineux.

Mais partout les maisons, cossues ou plus simples, sont entourées de vastes pelouses très vertes et très soigneusement tondues : tradition anglaise, sans doute ?
Alberton : une jolie maison victorienne
Alberton : une jolie maison victorienne

Tignish-eglise-St-Simon-et-St-Jude
Tignish : église St-Simon et St-Jude; 500 000 briques de grès rouge local pour la plus grande église de l'Île du Prince Édouard
Un détour vers Tignish, communauté franco-irlandaise, donc catholique romaine, me fait découvrir la grande église de St-Simon et St Jude, une vaste création néo-gothique des années 1880 luxueusement décorée dans le goût de l'époque. J'y entends l'orgue Louis Mitchell, un facteur montréalais apparemment fameux, sous les doigts d'un organiste qui s'entraine à jouer un cantique… Le son est impressionnant et l'acoustique excellente sous la grande voute en bois.

Tignish : nef de l'église St-Simon et St-Jude
Tignish : nef de l'église St-Simon et St-Jude

Tignish : bas-côté de l'église St-Simon et
                  St-Jude
Tignish : bas-côté de l'église St-Simon et St-Jude
Tignish, église St-Simon et St-Jude : nef et
                  tribune
Tignish, église St-Simon et St-Jude : nef et tribune

Je déjeune sur le stationnement avant de repartir pour un autre petit bout de route et j'atteins le North Cape. Phare bien entendu, mais aussi champs d'éoliennes puisqu'on a installé dans ces lieux venteux et soumis à l'Océan sur plus de 300° le Centre canadien de recherche sur l'énergie éolienne. Malheureusement tant le centre de recherche que le centre d'Interprétation destiné au grand public sont fermés, que ce soit pour la saison ou pour jour férié (Action de Grâce). North-Cape :
                  les éoliennes
Les éoliennes en arrivant au North Cape

North
                  Cape- : le récif
North Cape : le récif à la convergence des deux courants du Golfe du St-Laurent et du Détroit de Northumberland
Reste un site naturel bien mis en valeur (sentier, explications) où l'on retrouve l'habituelle côte de grès rouge grugée par les assauts de la mer. Elle peut se montrer assez violente dans ces eaux là, même si aujourd'hui elle est assez calme et belle sous le grand soleil.

Maintenant que j'ai atteint l'extrémité nord-ouest de l'île, il ne reste plus qu'à descendre les quelques 90 km de sa façade ouest à mon train de sénateur.

Paysage qui finit par devenir un peu monotone, aucune attraction signalée ou découverte le long de cette route côtière aux toponymes exclusivement anglais et où je cherche en vain des traces de peuplement acadien… Dans cette région très rurale et plus sauvage, même les petits ports se font rares.
North-Cape : le cap et le champ d'éolienne
North-Cape : le cap et le champ d'éoliennes

West
                  Point : le phare
West Point : le phare
J'arrive vers 16:30 au Parc provincial Cedar Dunes qui ne m'impressionne guère : les cèdres sont minables (on dirait plutôt des épinettes déplumées…), les dunes invisibles et toutes les installations minimaliste du camping fermées, si bien que je pourrai même pas y compléter ma provision d'eau.

En revanche le phare, le petit port et les quais de West Point sont typiques, mais redondants après tous ceux qui les ont précédés.

J'amorce donc mon retour vers l'est pour boucler mon tour de l'I.P.E. Mon étape ce soir sera le Musée de la Pomme de terre de O'Leary que je trouve après quelques recherches sur un rue latérale tranquille ; il ouvrira demain à 9:30. À 17:30 j'établis donc mon bivouac sur son stationnement vide et totalement silencieux.

Longue conversation avec Monique qui m'avait localisé à Alberton sans pouvoir me rejoindre, faute de signal suffisant. Elle semble fort occupée entre Juliette qui revient ce soir de Calgary, Gabriel ramené par son grand-père de Trois-Rivières, tandis qu'Hermione reçoit son amie Laure… Il semble que sa belle énergie lui soit revenue, puisqu'elle s'inquiète de laver la moquette qui recouvre le plancher de l'appartement…
O'Leary-Musee-de-la-pomme-de-terre
O'Leary : le Musée de la pomme de terre canadienne
Soirée tranquille à charger et traiter les photos, souper puis rédiger le carnet, pour un coucher à 22:30.


58 277   Mardi 12 octobre 2021 : de O'LEARY à PORT ELGIN (Nouvelle Écosse) (182 km)

J'ai lu jusque tard dans la nuit le premier tome de Lucy Maud Montgomery chargé sur Fourtoutici et l'ai envoyé à Hermione. Simple, témoignant d'un sentiment très vif de la nature, campant des personnages contrastés, attachants et crédibles, plein d'humour, manifestement fortement autobiographique, je comprends son succès et suis moi-même séduit. J'ai hâte d'arriver à la fin de ce premier tome et, pourquoi pas, de poursuivre avec le reste de la saga d'une dizaine de volumes.

O'Leary-Musee-de-la-pomme-de-terre-au-matin
ProMaster devant le Musée de la pomme de terre d'O'Leary au matin
Je me suis profondément endormi dans le silence complet de la petite place devant le musée, mais un vacarme et des phares braqués sur le parebrise m'ont soudain tiré du sommeil  vers 6:15 : ce n'était que le camion des éboueurs qui manoeuvrait près de moi pour charger les grosses poubelles métalliques installées à proximité… Je n'ai pas heureusement pas eu à bouger et ait pu me rendormir dès  leur départ, mais mon sommeil en a été perturbé, et ce n'est que vers 9:15 que j'ai enfin émergé. Chauffage, déjeuner, douche, je suis à l'entrée du musée à 10:30.

Hélas ! il est clos, et même en frappant à la porte je n'arrive à obtenir aucune réaction; le guide 2021 de la province indiquait pourtant le 15 octobre comme date de fermeture annuelle… Il ne me reste plus qu'à reprendre la route pour gagner Miscouche où, là au moins, je sais que le Musée acadien sera ouvert jusqu'à 17:00 !

Route rurale donc encore toute parée des splendeurs automnales, qui suit les zigzags du Circuit côtier du North Cape, tout en empruntant certaines sections plus rapides de la Route 2. À Mount Pleasant je retrouve la petite route côtière 11 qui me fait traverser une série de villages acadiens comme St-Chrysostome, Abram Village, Maxime ville, Cap-Egmont où, pour le coup, j'aperçois quelques drapeaux acadiens flottant sur le mât devant la maison, à moins que ce soit une étoile plus ou moins stylisée incrustée dans  sa façade. Paysage maritime, la côte du Nouveau Brunswick se devine de l'autre côté du Northumberland Strait. Nombreuses petites fermes éparses, et toujours les vastes terrains séparant les maisons sont couverts d'une pelouse très verte impeccablement tondue (le loisir de la fins de semaine ?) Sur-la-route-automnale
Sur la petite route 11, aux couleurs automnales

Baie-Egmont-Eglise-st-Philippe-et-St-Jacques-parc-memorial
Près de l'un de ces hameaux (Cape Egmont) une petite église blanche en bois jouxte un parc mémorial consacré aux soldats acadiens tombés lors des guerres mondiales en Europe. Les listes sont longues, et les patronymes souvent identiques forment quelques groupes illustrant la parenté reliant ces premiers occupants européens de la région. Quelle natalité ! et aussi quelle consanguinité ?

À Mont-Carmel, haut lieu de regroupement acadien, je m'attendais à visiter l'église, mais fermée et cadenassée, elle est aussi en bien mauvais état, comme si la vie religieuse dans ce secteur - ou la présence catholique ? - s'était davantage estompée qu'ailleurs. Pourtant les panneaux indicateur continuent de montrer bien des toponyme français : Urbainville, St-Raphaël, Saint-Nicholas. Our-Lady-of-Mount-Carmel-Catholic-Parish-Church
Église paroissiale de N-D de Mont-Carmel

Miscouche-retour-au-Musee-Acadien
Miscouche : retour au Musée Acadien
Je suis bientôt rendu à Miscouche, bouclant mon itinéraire ouest de cette île aux dimensions réduites. Stationnant devant le Musée acadien tout pavoisé de bleu blanc rouge, je déjeune, puis consacre près des 2 heures suivantes à sa visite.

À l'extérieur, 4 bas-reliefs sculptés dans des panneaux de bois résument l'histoire de ce peuple pris entre les deux impérialismes français et anglais au XVIIIème siècle, commença à se relever au XIXème et cherche encore à avoir sa place dans le Canada contemporain.

Miscouche, Musée acadien : la moisson dans la colonie
Miscouche, Musée acadien : la moisson dans la colonie (Havre St-Pierre, Port-Lajoye, 1720)

Miscouche, Musée acadien : famille acadienne de
                    Havre St-Pierre
Miscouche, Musée acadien : famille acadienne de Havre St-Pierre ou Port-Lajoye (1720)
Miscouche, Musée acadien : la Déportation
Miscouche, Musée acadien : la Déportation en 1758

Miscouche, Musée acadien : le Grand Dérangement
Miscouche, Musée acadien : le Grand Dérangement (1758)

Miscouche, Musée acadien : le déploiement du
                    drapeau
Miscouche, Musée acadien : le déploiement du premier drapeau (Miscouche, 1884)
Miscouche-Musee-Acadien-armoierie-et-drapeau-acadien
Miscouche, Musée acadien : armoierie et drapeau acadien

Miscouche-Musee-Acadien-la-renaissance-acadienne
Miscouche, Musée acadien : la renaissance acadienne
Musée acadien : la chanteuse Angèle Arsenault

Belle présentation qui rend justice au parcours dramatique de ce peuple balloté et maltraité par l'histoire. Une vidéo bien faite d'une quinzaine de minutes introduit ce destin qui sera développé ensuite dans les vitrines, dioramas, affiches et autres exhibits des salles d'exposition qui s'enchaînent, depuis les premières implantations coloniales dès 1720 à Havre St-Pierre et Port-Lajoye. Puis c'est l'arrivée des Acadiens expulsés du Nouveau Brunswick et de la Nouvelle Écosse, avant la Déportation de tous ces pauvres gens par les troupes anglaises après la prise de Louisbourg et la cession par la France de l'Acadie puis de l'Ile St-Jean. Louis XV désargenté et vaincu en Europe n'avait plus les moyens de soutenir sa politique impérialiste et ses lointaines colonies… Plusieurs tableaux, sculptures et textes émouvants illustrent cet exil des 5 000 Acadiens de l'époque dont beaucoup périrent durant leur transfert vers la France ou leur dispersion dans d'autres colonies britanniques (maladies, naufrages…). Certains réussirent à s'enfuir, soit en se cachant dans les bois à l'intérieur de l'île - avec la complicité de Mi'kmaq avec lesquels ils avaient établi de bonnes relations - d'autre se réfugièrent au Québec, sur la Côte-Nord ou à St-Pierre-et-Miquelon… Musée acadien de Miscouche : Famille acadienne,
                    par Louis-Phiippe-Hébert (1908)
Musée acadien de Miscouche : Famille acadienne, par Louis-Philippe-Hébert (1908)

Miscouche-Musee-Acadien
Après la fin de la guerre, plusieurs revinrent sur les terres qui n'étaient plus leurs, reformèrent des petites communautés fermées sur elles-même, accrochées à leur langue et à leur religion. Ce n'est que plusieurs générations plus tard qu'elles se relevèrent en promouvant leur identité (drapeau, hymne et fête nationale…) et surtout leur éducation. Un combat toujours en cours - et en cour - puisqu'il a fallu obtenir un jugement de la Cour suprême canadienne dans les années récentes pour consacrer le droit des Acadiens à des écoles francophones.

Bref un parcours assez complet qui rassemble pour moi bien des informations éparses et répond à de nombreuses interrogations.


Le toponyme ACADIE

On attribue à l’explorateur italien Giovanni Verrazano l’origine du toponyme ACADIE. Lors d’un voyage d’exploration pour le roi de France en 1524, il baptisa ARCADIA une partie de la côte atlantique des États Unis, soit la région de la Virginie. Impressionné par la beauté du paysage, ce lieu lui rappelle l’Arcadie de la Grèce antique. Mais les cartographes qui le suivent déplacent non seulement vers le nord le toponyme, mais également le modifient à Larcadia, Cadie, La Cadie et enfin à L’Acadie.
Certains croient aussi à une influence de la langue Micmac dans le toponyme Acadie. En micmac, l’expressions cadie signifie «lieu d’abondance». On retrouve ce mot dans les toponymes tels Tracadie et Shubenacadie.


LES ORIGINES

ABEGWEIT

L'Île-du-Prince-Édouard est habitée depuis des millénaires. Des fouilles archéologiques récentes nous indiquent que des peuples y vivaient il y a au moins 10 000 ans. C'est probablement leurs descendants qui habitaient l'île lorsque les premiers colons Européens y sont arrivé. Ces Amérindiens appartenaient an peuple Mi'kmaq. Dans leur langue ils désignaient l'ile bar. de nom Abegweit, ce qui signifie “bercé par les flots". Les Mi'kmaq habitaient près de la mer et des cours d'eau, vivant essentiellement de chasse et de la pêche.

ÎLE SAINT- JEAN

On ignore qui a donné à l'Île le nom de Saint-Jean, et à quel moment.
On sait qu’elle était connue sous ce nom par les pêcheurs basques et bretons qui la côtoyaient bien avant sa première apparition sur la carte de l'Atlantique nord. dressé bar Guillaume Levasseur en 1601. Il écrit simplement «I.S.Jean»
 
JACQUES CARTIER

Le navigateur français Jacques Cartier a été le premier à nous laisser une description écrite des côtes de l'île. Les premiers jours de juillet 1534, il explorait une partie de la côte nord sans toutefois réaliser qu'il se trouvait dans une île.

« Toute cette terre est basse et unie, la plus belle qu'il soit possible de voir, et pleine de beaux arbres et prairies; mais en celle-ci, ne pûmes trouver havre, parce que la terre est basse, et le fond peu profond, et tout rangé de sable. Nous y fûmes en plusieurs lieux avec nos barques; et entre autres, dans une belle rivière, peu profonde, où vîmes des barques de sauvages, qui traversaient ladite rivière, qui, pour cette raison, fut nommée Rivière des Barques.»


LE RÉGIME FRANÇAIS 1720-1758

LA FONDATION DE LA COLONIE

La France établit sa première colonie à l'ile Saint-Jean au cours de l'été de 1720. Quelques 200 colons recrutés en France y arrivent à bord de trois navires de la Compagnie de l'Isle Saint-Jean, dont le principal actionnaire est le comte de Saint-Pierre.
Ce dernier avait obtenu l'ile en concession du roi Louis XV “pour y établir des habitants et une pêche sédentaire de morue”. Il recevait également le monopole de la pêche dans les eaux de l'île. Selon les conditions de la concession, il devait installer 100 colons dans la colonie la première année et 50 les années suivantes.
Le siège administratif est établi à Port-Lajoie où on construit des fortifications  et où on poste une garnison d’une trentaine de soldats.

PÊCHEURS DE MORUE

L'exploitation de la pêche de la morue constitue le moyen le plus rapide de rentabiliser la colonie. Voilà pourquoi la grande majorité des colons recrutés en France sont des pêcheurs et leurs familles. Arrivés à l'ile, la plupart d'entre eux sont dirigés vers Havre Saint-Pierre, appelé à devenir le principal centre de pêche et l'établissement le plus peuplé de la colonie.

À l'époque, la morue jouit d'une grande valeur commerciale en Europe. Séchée ou salée, elle constitue le principal aliment en conserve. Elle est d'autant plus en demande dans les pays catholiques où il y a 166 jours maigres par année! Pendant ces jours-là, il est interdit de manger de la viande.


LES ACADIENS

Les Acadiens ne tardent pas à se joindre aux colons français. Au début, cependant, ils n'émigrent qu'en petit nombre. Selon le recensement de 1735, seulement 162 des 432 colons étaient d'origine acadienne.

Mais ils viennent beaucoup plus nombreux à l’île à compter de 1749, date de la fondation d'Halifax. Craignant pour leur sécurité, beaucoup d'Acadiens quittent Beaubassin, Pisiguit, Grand-Pré et Port-Royal vers l'Île Saint-Jean. Ainsi la population de l’île triple en l'espace de quatre ans, passant de 755 à 2.223.

On estime qu'un autre 1 500 Acadiens ont pris refuge à l'île en 1755 alors que la Déportation débute en Acadie.


MICHEL HACHÉ dit GALLANT ET ANNE CORMIER

Michel Haché dit Gallant et Anne Cormier et leurs enfants constituent une des premières familles acadiennes à s'établir à l'Île Saint-Jean. Ils sont les ancêtres de tous les Haché et Gallant en Amérique du Nord.

 En 1720, Michel et Anne quittent Beaubassin (près d'Amberst, N .É.) avec onze de leurs douze enfants pour se rendre à Port-Lajoie. Sans doute le fait que Michel Haché sait lire et écrire le rend utile aux autorités françaises. Il devient capitaine de port et il possède une goélette qui s'appelle La Miscoudine. Le 10 avril 1737, Michel Haché tombe à travers la glace et se noie dans le port. Il est mort à l'âge de 75 ans environ.

  
LES FOUILLES DE 1988
Au cours de l'été de 1988, une équipe d'archéologues du Service canadien des parcs a déterré la cave de ce qui aurait pu être la maison de la famille Haché dit Gallant à Port-Lajoie. Une fois un carré de dix mètres de gazon enlevé, la dépression de la cave et les vestiges de quelques charpentes carbonisées se sont manifestés.
Tout ce qui reste de l'habitation est une couche noire d'environ dix centimètres de terre remplie de charbon de bois.
Cette couche de cendres contenait beaucoup de fragments de verre à fenêtre et un nombre important de petits clous qui ont peut-être servi à attacher un revêtement de bois. Les fouilles ont mis à jour une grande quantité d'argile à briques et de débris de grès. IL se peut que ce soient les restes d'un foyer et d'une cheminée. Les quelques objets qui ont été déterrés dans la cave datent de l'époque de Michel Haché. Les archéologues ont découvert plusieurs pièces de monnaie, des jetons, des pierres à fusil et d'autres petits objets. Enfin, des fragments de terre cuite indiquaient la présence d'articles de cuisine provenant de la France, de l'Angleterre et de l'Allemagne.


Marie-Anne
8 ans
à bord du Violet, 10 décembre 1758

J'ai peur qu'on va périr. Ça fait trois jours que le bateau se fait brasser dans cette grosse tempête. L'eau n'arrête pas de rentrer dans la cale. Il y a de l'eau partout. On entend des gros craquements, comme si le bâtiment allait s'ouvrir et nous jeter à la mer. Ça fait plusieurs jours que personne ne dort. C'est terrible. On se fait trop brasser, on est tout trempé et il fait si froid!

Des fois, je me ferme les yeux et je rêve que je suis encore chez mot à Havre Saint-Pierre. Je me vois courir dans les grosses dunes avec mes soeurs et mes cousines. Je vois Papa qui arrive de la pêche à la morue et Maman en train désherber le petit jardin.

Tout a mal tourné au mois d'août. Un jour, des bateaux remplis de soldats anglais sont arrivés dans la baie. Ils étaient armés. Ils ont saisi tous nos bateaux et les fusils qu'ils ont pu trouver. Ils nous ont annoncé qu'ils avaient reçu l'ordre de nous transporter en France, parce que l'île Saint-Jean appartenait maintenant au roi de l'Angleterre. On était maintenant des prisonniers !

Plusieurs semaines plus tard, ils nous ont fait embarquer dans ce bâtiment. Il s'appelle le Violet. On était à peu près 300 personnes à bord quand on est parti, mais depuis il y en a beaucoup qui sont morts. J'ai perdu plusieurs de mes meilleures amies. J'ai vraiment peur que si la tempête ne se calme pas, on va tous disparaître ensemble.

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Le Violet a coulé le 12 décembre 1758 dans la Manche, près des côtes de l'Angleterre. Il n'y a eu aucun survivant, Marie-Anne Oudy se trouvait à bord avec ses parents, ses frères et sœurs, sa grand-mère Marguerite Oudy, ses oncles et tantes et de nombreux cousins et cousines. Cette famille élargie comprenait plusieurs ménages. Dans ce naufrage disparaissaient donc tous les Oudy acadiens.

Le clan Oudy demeurait là où se trouve aujourd'hui Greenwich, y inclus les terres qui font partie du Parc national du Canada de l'Île-du-Prince-Édouard


LA PERTE DU DUKE WILLIAM

Le Duke William quitta Port-Lajoie à la fin du mois d'octobre de 1758 avec 300 prisonniers acadiens à bord.

Le 13 décembre, le navire à sombré dans la Manche, Le capitaine Nicholls, les membres de l'équipage, l'abbé Girard et quatre Acadiens ont été les seuls survivants. La plupart des victimes étaient originaires de Pointe-Prime. L'extrait suivant du journal de bord décrit les efforts pour sauver le navire qui coule petit à petit:

“Toutes les bailles mentionnées ci-dessus étaient maintenant rassemblées pour servir de marches. Les Acadiens et les Acadiennes y ont assisté et se sont comportés avec une détermination remarquable. Ensuite ils ont ouvert toutes les écoutilles de la cale et au fur et à mesure que l'eau montait dans la cale, ils ont rempli les bailles et les ont halées jusqu'au pont supérieur pour les vider par-dessus les hiloires. Avec les trois pompes qui fonctionnaient sans cesse et le travail pour écoper la salle aux fusils, cela a dû éliminer une grande quantité d'eau…

Vers six heures du quatrième matin, les gens se sont présentés au capitaine pour lui annoncer qu'ils avaient tout fait en leur pouvoir, mais que le vaisseau était plein d'eau et que cela ne servirait plus à rien de pomper. Le capitaine leur a répondu qu'il savait qu'ils disaient la vérité et les a complimentés sur leur effort et leur application. Ensuite il a informé le prêtre de la situation en l'assurant que toutes les mesures pour sauver le bateau avaient été prises et que les gens avaient risqué leur vie en vain et que les ponts allaient sans doute éclater d'un moment à l'autre. Le prêtre paraissait confus; mais il est allé tout de suite donner l'absolution à ses ouailles. Il s'en est suivi une scène d'une grande tristesse. Des hommes forts et robustes en pleine santé se regardaient les uns les autres, larmes aux yeux, et se lamentaient sur leur condition malheureuse tout en se préparant pour la mort."

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« Les pauvres infortunés qui sont restés dans l'Île Saint-Jean sont dans un état d’extrême indolence et pauvreté tel que je n’en ai jamais vu dans ma vie. Leurs habitations sont pires que les wigwams des Indiens. N'ayant pas de pain, ils mangent surtout du poisson séché et de temps à autre un peu de viande salée qu’ils obtiennent en échange contre différentes sortes de gibiers. Cependant, même ces aliments manquent souvent, ce qui accroît considérablement leur détresse.»
Lettre de l’arpenteur  Samuel Holland à Lord Hillsborough, 4 mars 1765


LE RETOUR DANS L'ILE

De leur exil, un certain nombre de familles et d’individus reviennent éventuellement à l'Île où  flotte désormais le drapeau britannique. Au début, plusieurs y viennent pour pêcher à l'emploi d'entrepreneurs anglais. Ces Acadiens et Acadiennes arrivent à l'Île de la baie des Chaleurs, du sud-est du Nouveau-Brunswick, des îles de la Madeleine, des îles Saint-Pierre et Miquelon et même de la France. Ils forment quelques petites communauté où les familles sont généralement unies par des liens de parenté. Entre-temps, l'Angleterre fait arpenter l'île par l'ingénieur Samuel Holland. Il la divise en 67 cantons. Ces derniers sont adjugés à des Britanniques influents qui doivent y amener des colons à qui ils loueront des terres.


LE PROBLÈME DES TERRES

Les Acadiens devront se faire locataires des propriétaires britanniques pour demeurer dans la
colonie. L'expérience s'avère pénible. Souvent incapables d'honorer leurs baux et parfois victimes de malhonnêteté, ils ont des rapports difficiles avec les propriétaires et leurs agents. Voilà pourquoi ils quittent à quelques reprises leurs terres pour recommencer le défrichage ailleurs. Éventuellement les Acadiens deviennent propriétaires terriens en bonne et due forme.


LA PÊCHE

“Les Français sur la côte nord [ profitent de la pêche] et possèdent neuf-dixièmes des goélettes qui sont les seuls navires marchands de l’île. Ils ne se consacrent pas exclusivement à la pêche; ils font aussi l'agriculture. [...]

D'une façon générale les goélettes des Français sont mal gréées; et pourtant, il leur arrive rarement une mésaventure parce qu'ils surveillent de près le temps dont ils ont une connaissance intuitive remarquable. Ils sont même capables de naviguer de longues distances sans compas.”

Extrait du journal de 1803 de Thomas Douglas,
comte de Selkirk, propriétaire du canton 57.


Joseph Arsenault
21 ans
Malpèque, île Saint-Jean, hiver 1765

Les Anglais m’appellent « Joe League and a Half ». C'est juste pour me taquiner. Ça fait une couple de fois qu'ils m'engagent parce que je connais bien les côtes de l’île. Je ne parle pas beaucoup l'anglais, maïs je sais au moins qu'une « lieue », c'est une « league » en anglais. Il y a une couple d'années, un Anglais au fort Amherst m'a demandé s'il pouvait m'engager comme pilote. Il voulait faire le tour de l'île pour faire un rapport au gouverneur à Halifax. Il était toujours à me demander comment loin qu'on était d’une telle place. Il paraît que je lui donnais toujours la même réponse, « a league and a half ». Ça le faisait bien rire. Ç'a pas pris de temps que lui et les autres gars ont commencé à m'appeler « Joe League and a Half ». Et le nom m'est resté. Même les Acadiens des alentours m'appellent comme ça asteure.

Moi, je suis né ici sur la baie de Malpèque, il y a 21 ans. En 1757, notre communauté a été frappé par la picotte et de nombreux paroissiens en sont morts. Moi-même, j'ai perdu mes deux parents de cette terrible maladie. J'avais seulement 13 ans cette année-là. On était encore dans le deuil l'année suivante quand une autre tragédie nous a frappés. Au cours de l'été, on a eu la nouvelle que les Anglais avaient pris la forteresse de Louisbourg et qu'ils s'en venaient nous chasser de l'île. Les chefs de la paroisse se sont réunis. Ils ont décidé qu'on était mieux d'aller nous cacher sur la grande terre jusqu'à la fin de la guerre. Ç'a pris plusieurs voyages avec nos bateaux pour évacuer la soixantaine de familles de la paroisse de Malpèque. On a apporté avec nous la plupart de nos animaux.

Moi, je suis seulement resté une couple d'années sur la grande terre. Il y a un monsieur David Higgins qui est venu nous engager pour faire la pêche à la morue pour lui l’été, Je pêche ici à Malpèque. Cet hiver, j'ai été engagé par un arpenteur, un monsieur Wright. Il avait besoin d’un guide pour lui et ses hommes qui sont ici pour arpenter la région pour le roi d'Angleterre.

J'aurai 21 ans au mois d'avril. Il serait temps que je pense à me marier. Les filles sont rares par ici. Je devrai peut-être retourner sur la grande terre pour me trouver une femme. J'irai faire un tour par là l'automne prochain, après la pêche.

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Vers 1770, Joseph Arsenault a épousé Marie Richard à la pointe à Beauséjour (Aulac, N.-B.) Ils ont élevé leur famille de dix enfants à la Rivière-Platte, sur la baie de Malpèque. Joseph Arsenault est devenu un des principaux chefs de la communauté acadienne. Il est décédé à Baie-Egmont le 21 novembre 1833 à l'âge de 89 ans. Sa mort à été annoncée dans le Royal Gazette de Charlottetown et dans le Novascotian de Halifax, preuve qu'il était un homme bien connu et respecté chez les anglophones. On écrivait : « Il étant tenu en haute estime par tous ceux qui le connaissaient. il était un.homme honnête, accueillant et charitable »
Ses descendants sont très nombreux à l'Île-du-Prince-Édouard, Parmi ses illustres descendants, on compte le premier Acadien à devenir premier ministre d'une province canadienne, soit l'honorable Aubin-Edmond Arsenault. qui a été premier ministre de l'Î-P-E. de 1917 à 1919, aussi l'honorable Joseph A. Bernard, le premier lieutenant-gouverneur acadien de l'Île, ainsi que la célèbre chanteuse Angèle Arsenault.


Joseph-Arsenault     Madeleine-Doiron
Joseph Arsenault et Madeleine Doiron


Madeleine Doiron
51 ans
Rustico, île Saint-Jean, 1788

Il y a seulement quelques années depuis que je suis arrivée à Rustico avec mon mari Alexis et mes enfants. On s'est déplacé plusieurs fois avant de nous établir ici.

J'avais seulement 16 ans quand j'ai épousé Alexis. Lui en avait 30. Il était veuf et père de trois garçons. On vivait à Grande-Anse quand les Anglais sont venus nous déporter en France. La traversée a été bien éprouvante. On a perdu deux des petits garçons du premier mariage de mon mari qui sont tombés malades. Et moi, j ai donné naissance à mon troisième enfant, François-Xavier, en plein mitan de l'océan. Le pauvre petit est mort quelques mois après qu'on a débarqué à Saint-Malo.

Nous avons passé une douzaine d'années en France. D'abord à Saint-Énogat, pas loin de Saint-Malo, et ensuite à Belle-Île, près des côtes de la Bretagne. On faisait ce qu'on pouvait pour survivre, mais la vie était très dure. Et Alexis voulait revenir en Acadie. En 1772, nous avons donc décidé de quitter la France et on est revenu à l'île Saint-Jean. Un monsieur David Higgins nous a invités à nous établir sur ses terres à Trois-Rivières, dans le lot 59. Il a engagé Alexis et plusieurs autres Acadiens à travailler pour lui comme pêcheurs et bûcherons. Mais après quelques années, Higgins a connu des problèmes financiers. Là, on n'était plus certains de ce qui allait se passer. Nous avons donc décidé de venir nous établir ici, à Rustico. Jusqu'à présent, on est assez content. L'an passé, nous avons loué une terre de 200 acres du propriétaire du canton. J'espère que nous pourrons y rester jusqu'à la fin de notre vie.

Je remercie le bon Dieu de m'avoir conservé la vie malgré toutes les grandes misères que nous avons connues. J'ai mis au monde 15 enfants : d'eux à la Grande-Anse, un sur l'océan, trois à Saint-Énogat, cing à Belle-Île-en-Mer et quatre à Trois-Rivières. Malheureusement, j'en ai perdu
six. Mais je suis heureuse de vous dire que je suis entourée, ici à Rustico, de mes neuf enfants et de nombreux petits-enfants.



UN PEUPLE À PART

Pendant le siècle qui suit la Déportation, les Acadiens se tiennent généralement à  part de la société britannique de l’Île, composée principalement d’Anglais, d’Écossais et d’Irlandais. Ils se marient rarement à l’extérieur de leur groupe ethnique. Comme l’écrivait un Acadien en 1868 : « Le souvenir des souffrances que leurs ancêtres ont endurées à l’époque de la conquête de ces provinces par es Anglais et aussi par la suite, les empêche d’avoir des relations normales avec eux ». Les Acadiens forment donc une communauté rurale satisfaite de vivre repliée sur elle-même, Ils tiennent fort à leur langue, à leur costume traditionnel, à leurs fêtes populaires et à leurs traditions agricoles.


« IL EST TEMPS DE SE RELEVER…
Aux Acadiens:

Messieurs, — J'ai considéré, depuis quelque temps, notre position parmi les autres races de l'Île et je vois que nous sommes beaucoup en arrière sous plusieurs rapports. Nous n’occupons pas la place dans la  société que nous devrions occuper comme les plus anciens habitants de
l'Île. I! nous faut emprunter presque tous nos hommes publics de chez les autres. La plupart de nos membres et magistrats, tous nos avocats et docteurs, même nos prêtres sont de races étrangères, et si, dans les paroisses acadiennes, il y a de petits  offices à occuper, ils sont tout de suite remplis par des Anglais […]

Le manque d’ éducation causé par les injustes traitements de nos pères a été une des principales causes pour lesquelles nous sommes encore en arrière. Mais à présent, Messieurs, il est temps de se relever…
 
Tignish, le 10 avril 1870.
Un Acadien
Lettre publiée dans le Summerside Journal, 1870


BANQUES AGRICOLES

“Tel est le nom par lequel on désigne les associations qui existent à l'Île-du-Prince-Édouard depuis nombre d'années déjà et qui y fonctionnent à merveille au grand avantage des fermiers. On sait avec quelle difficulté bon nombre de cultivateurs parviennent à se procurer leurs grains de semence le printemps. [...]

Disons que cent, deux cents cultivateurs s'associent, mettent chacun l'équivalent de dix boisseaux d'avoine et en font un capital qui doit rester là. C’est peu de chose pour chacun. Le printemps les associés qui ont besoin de grain de semence l’obtiennent de la banque en s’engageant à rembourser à l'automne cinq boisseaux pour quatre. Cela forme un intérêt peu élevé dont l’emprunteur ne se ressent nullement.

Cet intérêt est plus que suffisant pour payer les frais d'administration; le capital augmente donc chaque année au bénéfice des actionnaires de l'association.”

Le Moniteur Acadien, 1880.

ILS S’EN VONT

Dès le milieu du 19e siècle, les paroisses acadiennes sont surpeuplées et les emplois font défaut. Certains chefs encouragent les jeunes à aller s'établir dans de nouvelles colonies à l'extérieur de l'Île. De nombreuses familles se rendent au Québec, dans la Vallée de la Matapédia, et dans le sud-est du Nouveau-Brunswick, principalement à Rogersville, Adamsville et Saint-Paul-de-Kent. Les jeunes préfèrent cependant émigrer dans les centres industriels de la Nouvelle- Angleterre où les emplois sont abondants et où la vie est plus facile que celle du colon. Aux États-Unis, les Acadiens de l'Île se regroupent surtout dans les villes industrielles du Maine et du Massachusetts.


ENFIN DES ÉCOLES FRANCOPHONES D'UN BOUT À L'AUTRE DE L’ÎLE

Les parents et les organismes acadiens de l’Île-du-Prince-Édouard ont d'importantes luttes pour une éducation en français pour leurs enfants. Ces luttes ont même mené des parents de Summerside jusqu'à la Cour suprême du Canada. Dans la célèbre cause Arsenault-Cameron, la Cour suprême a reconnu en 2000 le droit des francophones en milieu minoritaire d’avoir accès à une école de langue française dans la communauté où ils habitent.
Cette décision historique a eu un impact à l'échelle du Canada.

La communauté acadienne  et francophone de l’Île du Prince Edouard a désormais accès à six écoles de langue française réparties à travers la province
 

UNE ÉCONOMIE DIVERSIFIÉE

L'économie des communautés acadiennes s'est grandement transformée au cours des années. L'industrie de la pêche demeure une industrie importante dans plusieurs régions, mais l'agriculture a graduellement perdu de son importance. Les coopératives jouent un rôle significatif dans la vie économique de plusieurs communautés. De nos jours, l'économie acadienne est grandement diversifiée et de plus en plus urbaine. Le secteur des services, la petite entreprise et la fonction publique constituent les principales sources d'emploi.


Deux autres salles du musée sont consacrées à l'archéologie régionales. Elles exposent les techniques sophistiquées - terrain et laboratoire - qui permettent de remettre au jour et de situer l'histoire tant des Mi'kmaq de l'île que des établissements français (comme à Havre-St-Pierre ou à Port-Lajoye, dont il ne reste rien) que des Acadiens.

Miscouche, Musée acadien-: patronymes de
                    l'ouest de l'I.P.E.
Miscouche, Musée acadien-: patronymes de l'ouest de l'I.P.E.
Miscouche, Musée acadien : patronymes de l'est
                    de l'IPE
Miscouche, Musée acadien : patronymes de l'est de l'IPE

Il est près de 17:00, le musée va fermer et le soleil rougit. Je me remets en route pour gagner Summerside, la capitale régionale, où j'ai repéré un station Esso qui dispose d'une station de vidange pour V.R. et devrait me permettre de refaire le plein d'eau. Je la trouve sans difficulté, mais pas de vanne d'eau fraiche près du puisard, et le préposé de la station de lavage qui pourrait m'y donner accès est déjà parti…

Je consulte rapidement le guide qui ne me montre plus d'attraction ouverte répondant à mes intérêts dans la région, aussi je rattrape la fin du Circuit Côte de sable rouge par où j'avais commencé mon tour de l'île. Il me mènera jusqu'au Pont de la Confédération à Borden Carleton. Une quarantaine de km que je parcours à travers champs et villages rougis par le soleil du soir, avant d'emprunter à nouveau les 13,5 km du pont (péage de 48,50$) qui me ramènent sur le continent.

Pont-de-la-Confederation-depuis-Cap-Tourmentine
Pont de la Confédération depuis Cap Tourmentine

Je choisis alors de suivre la petite Route de la côte acadienne (Étoile de mer) panoramique qui offre de belles échappées sur le Northumberland Strait. On aperçoit fort bien les arches du pont et la côte de l'I.P.E formant une mince ligne gris-bleu à l'horizon nord, tandis que le ciel progressivement envahi par des bancs de nuage se pare de pourpre et d'or.

Je roule tranquillement à la recherche d'un bivouac proche de la rive, tout en songeant à compléter mon plein d'eau.
Route de la cote acadienne au crépuscule
Route de la côte acadienne au crépuscule

Port-Elgin : bivouac au bord de la rivière
                    Gaspereaux
Port-Elgin : bivouac au bord de la rivière Gaspereaux

Une borne encore alimentée dans un grand camping vide et sans barrière fera l'affaire près du Cap Tourmentine. Je roule encore un trentaine de km avant de m'arrêter sur un grand espace vide près du pont sur la rivière Gaspereaux à Port Elgin.

Il est presque 19:00, la nuit tombe tout à fait. Je soupe, charge et traite les photos de la journée avant de me coucher pour retrouver un autre bout des aventures d'Anne de la maison aux pignons verts sur ma liseuse.


58 459  Mercredi 13 octobre 2021 : de PORT ELGIN à CAPE GEORGE Lighthouse (282 km)

Réveil vers 7:30 sous les gouttes de pluie frappant les lanterneaux. Le ciel est tout gris, mais la température (13°) reste très douce. Je commence par mettre à jour le carnet de bord abandonné pour Anne hier soir, elle est en pleine adolescence, s'assagit un peu et s'apprête à entrer au collège. J'ai hâte de voir comment se termine ce premier épisode de la saga parti sur les chapeaux de roue… Port-Elgin-bivouac-sous-la-pluie-devant-Gaspereau-River
Port-Elgin : bivouac sous la pluie devant Gaspereau River

Après douche et déjeuner, je suis prêt à décoller à 10:15, avec pour objectif de trouver une carte de la Nouvelle Écosse dès la frontière franchie. Elle est toute proche, mais il faudra que je rattrape la Transcanadienne pour passer au grand Accueil touristique provincial qui devrait être ouvert et disposer de tout le matériel promotionnel intéressant. C'est bien le cas, et en plus j'ai la chance de tomber sur un agent très serviable - et unilingue anglais… - qui m'indique comment remplir le formulaire en ligne de déclaration de vaccination et autre demande en lien avec la Covid. Il pousse même la gentillesse jusqu'à m'imprimer l'attestation fournie par le Gouvernement québécois, puisque la petite carte et son code QR que j'avais pris la précaution d'imprimer - sont illisibles pour tout le monde hors Québec ! Dans les minutes qui suivent je reçois dans ma boite de courriel l'autorisation de circuler et tout est réglé.

Beaubassin-stele
Beaubassin : le lieu
Je m'apprête à repartir, non sans faire un tour près d'un drapeau acadien flottant au dessus d'un monument et d'une plaque qui m'apprennent que je suis en fait sur l'emplacement du village acadien de Beaubassin, que celui-ci a été incendié en 1750 par un prêtre français pour obliger les habitants, pourtant prospères, à le quitter et gagner une autre terre appartenant à la France. Opération stratégique un peu bizarre qui méritera un poil d'enquête !

Le paysage est large puisque, du haut de cette colline, on aperçoit le vaste territoire rural défriché et mis en valeur par les colons français du XVIIème, des bonnes terres qu'allaient s'approprier les Anglais dans les années suivantes. Pour gagner le Cap Breton but de mon escapade, je rallierai la route touristique longeant la côte nord, qui se signale par un petit panneau carré figurant un soleil couchant, comme jusqu'à présent j'avais suivi au Nouveau Brunswick l'étoile de mer orange de la Côte acadienne. Je gagne donc Amherst dont j'évite le centre pour me retrouver sur la Rte 6 qui rejoint le détroit de Northumberland à Pugwash puis longe le rivage à bonne distance, si bien que je ne verrai pas souvent l'eau. La campagne est très cultivée, et les petites agglomérations qui vivent aussi au rythme du tourisme balnéaire l'été, sont pour l'heure endormies derrière leur plage et leurs nombreux campings. Voilà qui ne me change guère de ce que j'ai vu sur l'I.P.E. ! Quant aux attractions, la plupart sont fermées, ou leurs thématiques (culinaires, vestimentaires ou souvenirs "artistiques") ne m'attirent guère…

J'atteins ainsi Pictou qui s'attribue un rôle premier dans la naissance de la Nouvelle Écosse, puisque, port important, c'est là que sont arrivés les premiers colons écossais en provenance de Glasgow à bord de l'Hector, un petit voilier (flûte hollandaise). Nous en avions vu construire la réplique en 2000. Traversant les tissu urbain assez lâche où se voient beaucoup de  maisons anciennes, je me rends directement sur le quai et aperçois la coque du navire  désarmée et  tirée au sec. Pictou-Historic-Hector-Quay
Pictou : Historic Hector Quay
Le 15 septembre 1773, quelques 200 Écossais des Highlands arrivèrent à bord du navire Hector. Ce fut le début d'une vague d'émigration vers la Nouvelle Écosse qui dura des décades. La persévérance des colons qui obtinrent la liberté de posséder et de prospérer sur leur propre terre a fait d'eux une part fondamentale de l'histoire du Canada. Malgré les risques ils bâtirent des communautés et élevèrent leurs familles. En entendant parler des premiers pionniers, des milliers d'immigrants écossais les suivirent bientôt sur cette terre de Nouvelle-Écosse. Le Hector Heritage Quay et la réplique du Hector sont un tribut à leur courage et aux liens de la Nouvelle Écosse avec la culture de l'Écosse. Il sied donc que cet héritage soit célébré à Pictou, "le Berceau de la Nouvelle Écosse". (Stèle de granit apposée sur le quai)

Pictou-coque-du-Hector
 Pictou : coque du Hector
J'en suis un peu étonné, quoique, pour l'hiver… mais un second regard montre qu'après 20 ans la coque a énormément souffert, et qu'il lui faudra une restauration majeure avant de pouvoir reprendre la mer. Défaut de construction, manque d'entretien, ou autre circonstance ? Il me semble que les bateaux d'époque, autrement moins choyés et exposés à des stress majeurs, avaient une autre résistance… Un autre point à documenter.

https://www.townofpictou.ca/assets/PDFs/Waterfront/HHQ-Final-Report-June-2019.pdf 

Je ne pourrai même pas poser la question au Hector Heritage Quay, le centre d'interprétation qui précède le bateau, une affichette dans la porte le déclarant lui aussi fermé (pourtant ouvert jusqu'au 18 octobre dans le guide remis ce matin…).

Quelques photos un peu mélancoliques dans la chaude lumière du soir, et je reprends la route en me donnant pour objectif d'étape le phare de Cape George, à une centaine de km juste en face de la côte ouest de l'île du Cap Breton. Le plein d'essence dans une grande station en quittant Pictou donne 10,96l/100 pour les 500 derniers kilomètres, ça s'améliore encore ! Le soir tombe sur la Transcanadienne
Le soir tombe sur la Transcanadienne

Après une section de Transcanadienne panoramique, la route devient plus étroite et plus sinueuse, mais pour le reste demeure fidèle à ce que j'ai eu depuis ce matin, donc peu spectaculaire… La nuit tombe et c'est dans la lueur des phare  qu'au bout de quelques centaines de mètres de chemin gravelé je tombe sur la tour blanche du phare isolé sur un terre-plein dominant St George Bay. Je m'y installe dans l'obscurité, seulement vaguement éclairé par les clignotements de la lanterne juste au dessus de moi. Elle envoie ses signaux rythmés - trois traits court, un intervalle long - sur les eaux du détroit jusqu'à l'I.P.E. dont on aperçoit les lumières de la côte en face.

Rédaction du carnet, soupe à la tomate enrichie de copeaux de Cheddar et de croutons, je finis sur ma dernière banane dangereusement mûre et me couche un peu fatigué dans un silence total : il est 21:30.


58 741   Jeudi 14 octobre 2021 : de CAPE GEORGE à PORT HOOD (153 km)

J'ai finalement achevé la lecture du premier volume de L. M. Montgomery avant de m'endormir d'un bon sommeil, en constatant en milieu de nuit qu'une petite pluie persistante s'était établie, cliquetant doucement sur les dômes de plastique des lanterneaux.

Bivouac-au-pied-du-phare-de-Cape-George
Bivouac au pied du phare de Cape George (le 3ème depuis 1861)
Réveil tardif passé 9:00, j'aurais beaucoup et bien dormi, mais le temps très gris, humide qui limite la visibilité sur la mer devant moi n'a rien pour dynamiser ce début de journée... On devine à peine la côte de l'I.P.E. de l'autre côté du Northumberland Strait pourtant relativement étroit (entre 15 et 20 km). Le phare repris par la communauté de Cape George est parfaitement entretenu et le terrain alentour soigné; il se trouve assez haut sur le cap rocheux, ce qui lui confère une bonne visibilité dans son environnement sauvage de collines couverte de forêts et de landes. Effectivement on se croirait facilement en Écosse, et le coup d'oeil serait superlatif si le soleil et le grand ciel bleu des derniers jours étaient présents…

Après quelque photos, remettant à plus tard douche et déjeuner je prends la direction d'Antigonish qui sera ma dernière étape avant d'aborder l'île du Cap Breton.

La petite route serpente en suivant plus ou moins le tracé du rivage, montant et descendant sans arrêt, et offrant quelques vues pittoresques sur les Coves (Anses) où niche parfois un petit port tout semblable à ceux aperçu durant les dernières semaines. Entre chaque anse, une forêt assez dense de feuillus que l'automne maintenant bien présent pare de toute la palette des verts pâles aux rouges lie de vin, en passant par les jaunes, orange et rouge sang. Malheureusement la lumière terne leur enlève leur éclat incomparable sous les rayons du soleil.
Ballantynes-Cove
Ballantynes Cove

Antigonish-gare
Antigonish : la gare de 1908 maintenant musée régional
À Antigonish je vais m'arrêter sur le stationnement de l'ancienne petite gare, charmante, maintenant convertie en Antigonish Heritage Museum, où je déjeune, appelle Monique qui m'a laissé des messages ne pouvant me rejoindre faute de signal, puis tente de présenter à mon frère Gilles mes voeux d'anniversaire. Mais là c'est lui qui n'est pas rejoignable…

Une tentative de visite du petit musée s'avérera vaine, car par ce temps de Covid, il faut prendre rendez-vous pour qu'on vous ouvre la porte… Je profiterai de ce petit délai pour brancher la tondeuse et me désépaissir un peu la toison qui me sert de coiffure et devient incontrôlable…

Malgré le temps très gris je décide de poursuivre vers l'île du Cap Breton et quitte Antigonish - non sans faire un tour sur le campus de l'Université St-Francis-Xavier (Jésuite ?) dont les dimensions et le style très anglais des pavillons de brique dispersés sur des pelouses impeccables m'impressionne fort. Je sors de la ville en empruntant quelques km de la Transcanadienne tracée en fort belle 4 voies, puis bifurque sur l'ancienne Route 4. Nettement plus pittoresque, elle vagabonde à travers champs et boisés aux couleurs enflammées, rejoignant parfois le rivage d'où la vue - hélas fort grise - s'étend sur la Baie St George et les côtes élevées de Cap Breton.

Je finis par atteindre la Digue de Canso qui réunit l'île au continent. Je passe aussitôt à l'Info tourisme pour prendre le maximum de documentation sur mon objectif, le Parc national des Hautes  Terres du Cap Breton. On me demande d'abord de présenter une autre fois mes preuves de vaccination, puis on me remet les mêmes guides et cartes qu'à l'entrée dans la province… guide fort incomplet, essentiellement commercial, inexact quant aux dates de fermeture et en fin de compte peu utile. Je me débrouillerai avec les informations dont je dispose, de toute façon il n'y a qu'une route qui fasse le tour de la partie Nord de l'île en longeant la côte et menant au Parc national des Hautes Terres du cap Breton (Route 19). Detroit-de-Canso-sur-la-digue
Sur la digue du Détroit de Canso
 
Troy : vue-sur le Détroit de Canso
Troy : vue sur le Détroit de Canso
C'est une belle route panoramique qui offre de nombreux points de vue sur la baie d'abord, puis de plus en plus sur le Détroit de Northumberland. Mais la visibilité ne s'améliore guère et j'ai peine à deviner la ligne ténue de l'I.P.E. à l'horizon. Longue pause juste après Troy pour profiter d'un coup de soleil sur une halte du Chemin côtier celtique, superbement aménagé sur l'ancienne voie ferrée qui longeait la côte jusqu'à Inverness, et desservait ports et mines maintenant abandonnées. Ce paysage a décidément du caractère, comme toujours lorsqu'un relief soutenu s'allie à la grande étendue maritime. Hélas le ciel se ferme de nouveau et la pluie se met de la partie…

Avant de repartir j'appelle Gilles que je rejoins cette fois et prends des nouvelles de sa santé à l'orée de sa 72ème année.

Je roule un peu, mais sans enthousiasme et m'arrêterai donc tôt à Port Hood qui offre dès son entrée un joli petit parc provincial avec une somme d'informations historiques et géographiques bien présentées sur des panneaux abondamment illustrés. Je tente de me dégourdir les jambes sur le sentier qui longe la plage, mais le froid vent du Nord et la pluie qui s'annonce bientôt me ramènent vite à l'abri de mon home.

Faisant le tour des quelques rues du village, je tombe sur un belvédère donnant sur la mer à l'écart de la route : je ne pense pas qu'avec ce temps j'y sois beaucoup dérangé cette nuit. Je m'y installe dès 17:30.

La pluie se remet franchement de la partie, je plonge dans mon ordi où je charge les photos, calfeutre les ouvertures pour conserver la chaleur, et complète le carnet de route avant de souper légèrement d'une soupe à l'oignon enrichie de Cheddar râpé et de croutons. Un yogourt dans lequel je disperserai quelques blueberries (bleuets) cueillis au passage chez un petit producteur au bord de la route, et je pourrai me mettre au lit en espérant que la prédiction d'une belle journée à venir faite par l'hôtesse de l'Info Tourisme ce matin se réalisera.
Bivouac devant l'île de Port Hoood
Bivouac devant l'île de Port Hoood


58 894  Vendredi 15 octobre 2021 : de PORT HOOD à PLEASANT BAY (49 km)

Port-Hood-bivouac-au-matin
Port Hood : bivouac au matin sous l'éclaircie

Réveil à 8:15 après une fort bonne nuit : il n'a pas plu cette fois, et le vente reste modéré. En revanche le ciel est loin d'être bleu, et je devrai me contenter pour cette journée de quelques belles éclaircies.

Port-Hood-bivouac-au-matin
La côte à Port Hood depuis mon bivouac

Décollage à 9:15 pour parcourir aujourd'hui une partie du Parc national qui occupe la partie nord de l'île. Route rurale vallonnée dans un premier temps, plutôt à l'intérieur des terres jusqu'à Inverness, puis superbes vues sur la vallée de la Margaree lorsque j'en longe le cours pour descendre vers la mer. La route sera beaucoup plus accidentée jusqu'à Chéticamp, et les pentes présentent une palette mordorée superbe qui resplendit encore plus lorsqu'un rayon de soleil vient tout amplifier. Margaree
                    River
Margaree River

Vue
                  vers le nord depuis le belvdère de Margaree
Vue vers le nord depuis le belvédère de Margaree en direction de Chéticamp
Quelques hameaux aux noms francophones indiquent que ce fut là le refuge de quelques acadiens (Terre Noire, Cap Le Moine, St Joseph du Moine, Grand étang…) mais presque toutes les annonces sur les panneaux, boutiques et autres publicités sont en anglais, parfois bilingues et jamais unilingues français… La francophonie semble bien ici sur ses derniers milles, et me parait plus un argument commercial un peu superficiel qu'une réalité liée à une sentiment identitaire ou une fière appartenance nationale.

La situation ne m'apparait guère meilleure à Chéticamp dont j'avais gardé un souvenir assez différent lors de notre passage en 1984. Tant mieux si le virage touristique a apporté un peu de prospérité dans ce village qui nous avait semblé endormi, mais il a perdu quant à moi une grande partie de son charme…

 Chéticamp
                  bilingue...
Chéticamp bilingue...

À l'écart des enseignes tapageuses qui décorent la Grande Rue, pardon la Main Street, je m'engage sur les quais du port de pêche qui semble très actif ici, même si la saison touche à sa fin. Dans ces grands espaces vides, je profite du soleil brillant et de la température agréable pour sortir mon petit aspirateur et tenter d'extraire le maximum de poussière du tapis qui s'est beaucoup encrassé depuis mon départ. Je ne pense pas que je garderai ce genre de revêtement de sol qui, bien qu'agréable au pied, est trop difficile à entretenir et risque de stimuler des allergies auxquelles je ne suis déjà que trop sujet. Sur le
                    quai du port de Chéticamp
Sur le quai du port de Chéticamp

Je poursuis ensuite vers le nord, et entre presque immédiatement dans le parc où je commence par prendre mon permis, valable jusqu'à demain 16:00. Cela devrait suffire pour me permettre de faire les quelques balades qui m'intéressent, à commencer par le Skyline Trail partout mentionné comme un must.

Carte du Parc national du Cap-Breton
 Parc national des Hautes Terres du Cap-Breton

Entrée du Parc national du Cap-Breton
Parc national du Cap-Breton : Grande Falaise
Aussitôt passée la guérite, la route, excellente, devient montueuse, grimpe en corniche et offre des belvédères donnant des vues spectaculaires sur la côte, à commencer par celui de Cap-Rouge.

Parc-national-du-Cap-Breton-le-Buttereau
Parc national du Cap-Breton : belvédère près du Buttereau

Parc-national-du-Cap-Breton-Presqu'ile
Parc national du Cap Breton : descente sur Presqu'île

Parc-national-du-Cap-Breton-pres-Corney-Brook-Trail-vers-le-nord
Parc national du Cap-Breton : pres de Corney-Brook Trail, vers le nord

Un autre suit quelques km loin, avec son émouvante stèle consacrée aux anciens combattants et une autre vue superbe sur la côte. Une forte pente - aïe la conso grimpe en flèche elle aussi ! - à 11% et je me retrouve 400 m plus haut sur French Mountain. Parc-national-du-Cap-Breton-pres-Corney-Brook-Trail-vers-le-sud
Parc national du Cap-Breton : près de Corney-Brook Trail, vers le sud

Parc-national-du-Cap-Breton-Skyline-Trail
C'est de là que part le Skyline Trail. Beaucoup de monde sur le parking où je commence par manger, avant de me lancer sur le sentier en fin de compte facile et parfaitement aménagé, mais assez long puisqu'il me fera parcourir près de 9 km.

Paysage le plus souvent inattendu, car la forêt originale a en grande partie disparu pour laisser la place à une savane de hautes herbes jaunes : les épinettes ont été ravagées par une invasion de tordeuse (chenille qui dévore cet arbre) et les jeunes bouleaux qui devaient les remplacer ont été à leur tour dévorés par les orignaux que l'on a réintroduit dans leur parc suite à leur presque totale extinction, et que cette manne a fait se multiplier ! Avant qu'un nouvel équilibre se fasse et que la forêt retrouve ses droits, il risque de se passer du temps ! Il reste que cet environnement un peu inattendu dans la région est loin d'être déplaisant, avec sa petite touche exotique - où sont les lions et les zèbres ? Parc-national-du-Cap-Breton-Skyline-Trail-savane-cree-par-les-orignaux
Parc national du Cap-Breton : la savane créée par les orignaux sur Skyline Trail

Parc-national-du-Cap-Breton-Skyline-Trail
Parc national du Cap-Breton, Skyline Trail : vue sur Cabot Trail au sud
Mais surtout c'est l'arrière plan maritime presque toujours présent qui donne son intérêt à la balade, d'autant plus que plusieurs belvédères judicieusement placés donnent accès à des vues grandioses sur les collines, la côte et l'Océan. Sur tout cela une lumière variable avec quelques éclaircies à travers le plafond nuageux, aucune précipitation et un vent frais si supportable que je finis par enlever mon coupe-vent sous lequel je suis en nage avec ce bel exercice.

Parc-national-du-Cap-Breton-Skyline-Trail :
              belvédère
Parc national du Cap-Breton, Skyline Trail : belvédère

Parc-national-du-Cap-Breton-Skyline-Trail : Baie
Parc national du Cap-Breton, Skyline Trail : Northumberland Straight au nord-ouest

Parc-national-du-Cap-Breton-Skyline-Trail
Parc national du Cap-Breton : section nord du Skyline Trail

Parc-national-du-Cap-Breton-Skyline-Trail : la savane et
          la mer
Parc national du Cap-Breton, Skyline Trail : la savane et la mer

Parc-national-du-Cap-Breton-Skyline-Trail : Fin de la
            boucle
Parc national du Cap-Breton, Skyline-Trail : fin de la boucle sur le plateau

De retour soulagé au Promaster 2 heures plus tard je ne me sens pas trop fatigué, mais avais hâte de relâcher mon pied droit dont un orteil - blessé à la maison sur un pied de tabouret - commence à me faire boiter. Foulure, fracture, ce bobo me paraît bien long à guérir.
Niché au pied du mont MacKenzie, Fishing Cove repose à 335 mètres (1,000 pieds) de l'endroit où vous vous trouvez actuellement. À une certaine époque, une communauté prospère d'agriculteurs et de pêcheurs habitait cet endroit isolé et y exploitait une conserverie de homard. Les pionniers écossais qui s'y étaient établis pêchaient le homard et la morue dans les eaux du golfe et s’approvisionnaient en faisant du commerce avec Chéticamp.

En 1915, les descendants de ces familles de pionniers, soit les Frasers, les Hinkley, les MacKinnon et les McRae avaient tous quitté ce coin sauvage et s'étaient installés dans les communautés environnantes.
Fishing-Cove
Fishing Cove

Il est déjà presque 17:00, pas question d'amorcer une autre balade. Je décide donc de gagner Pleasant Bay, un village de pêcheur juste à la limite nord du parc où je me chercherai un bivouac. Quelques autres belvédères parfaitement placés offrent d'autres points de vue saisissants sur le Plateau que constitue l'intérieur du parc, entaillé de profondes vallées comme celle de la Mackenzie où courent des torrents.

allee-de-la-riviere-MacKenzie
Vallée de la rivière MacKenzie

Puis une descente très rapide en quelques amples épingles à cheveux me ramène au niveau de la mer. Descente-sur-Pleasant-Bay
Descente sur Pleasant Bay

Quelques maisons assez espacées constituent le hameau de Pleasant Bay, mais les quais sur lesquels ont été tirés les barques de pêches sont assez vastes et accessibles pour que je puisse m'y caser sans peine, près des deux bateaux qui offrent des excursions pour observer les baleines. Vite installé, j'y regarde la lumière baisser après que le soleil ait fait une timide et brève apparition sous les nuages, puis passe aux routines habituelles : photos, carnet de route, souper, avant de m'allonger vers 21:00 dans un profond silence.


59 043  Samedi 16 octobre 2021 : de PLEASANT BAY à BADDECK (237 km)

Bivouac à Pleasant Bay Harbour
Bivouac à Pleasant Bay Harbour
Ciel très bas et bruine sur le parebrise au lever à 7:45… J'ai bien peur que mon excursion du côté de Bay St-Lawrence, sur la côte nord de l'île soit à l'eau… Hier soir fin de la lecture du 2ème tome de Anne aux pignons verts : pas de surprise cette fois-ci, mais le déroulement de la vie de la petite institutrice à Avonlea continue d'être plein de charme…

Je lance un peu le chauffage pour déjeuner et prendre ma douche, puis quitte mon bivouac, toujours aussi désert, pour aller jeter un coup d'oeil à la mer.

Beau point de vue sur la plage et les falaises de part et d'autre, qu'est en train de contempler une guide - québécoise - du Parc tout juste sortie de son camping-car qui lui sert de logement pendant la saison où elle vient travailler ici. Nous engageons la conversation, elle m'apprend qu'elle aussi voyage beaucoup avec son mari qui prépare justement un itinéraire en Normandie… Pleasant-Bay-Harbour-plage-vers-l'est
Pleasant Bay Harbour : plage de galets vers l'est

Pleasant Bay Harbour : la plage vers l'ouest
Pleasant Bay Harbour : la plage vers l'ouest


Lorsqu'elle part pour rejoindre son poste, je peux enfin achever de me préparer, et reprends la route qui vire vers l'intérieur des terres pour entrer à nouveau dans le parc. Dommage que la lumière soit si faible, car la palette des couleurs me semble s'être encore enrichie et intensifiée depuis hier. C'est probablement parce que je longe maintenant la faille d'Aspy qui a conservé intacte sa couverture de forêt primaire de feuillus : bouleaux, hêtres et surtout érables qui sont en train de virer au rouge vif.
Retour-dans-le-Parc-national-du-Cap-Breton
Retour dans le Parc national du Cap-Breton

Lone Shieling : extérieur de la cabane
Lone Shieling : extérieur de la cabane de berger
J'apprendrai plus loin que c'est cette végétation particulière qui a motivé la création du parc que la route ne fait qu'effleurer. Un Pr Donald S. MacIntosh légua une centaine d'acres de ces terres au gouvernement de Nouvelle Écosse, sous condition qu'on y élevât un cabane de berger écossaise (pierre et chaume), le Lone  Shieling où je m'arrêterai pour une petite visite.

Lone-Shieling-notice
Lone Shieling : intérieur
Lone Shieling : toit en chaume et cloisonnage intérieur

Lone-Shieling : la rivière
Lone Shieling : la rivière Grande Anse
Lone-Shieling : le boisé
Lone Shieling : la forêt primaire climacique

Belle occasion aussi pour parcourir le sentier de quelques centaines de mètres qui sinue sous les grands arbres magnifiques, irrigués par un  torrent du plus joli effet. Anne-Shirley (des Pignons verts) aurait adoré !

Je ne me lancerai pourtant sur aucun autre sentier, le temps trop humide et la longueur des parcours ne me tentant guère. La route longe alors la faille Aspy, quelques superbes belvédères répondront à ma soif de découvertes, tandis que les panneaux explicatifs habituels au parc suffiront à répondre à ma curiosité.
belvédère de la faille Aspy
Belvédère sur la Faille Aspy

Belvedere-Faille-Aspy
Belvédère de la Faille Aspy : explications
Belvedere de la Faille Aspy : le vallée
                    suspendue
Belvédère de la Faille Aspy : le vallée suspendue

Beulach Ban Falls
Beulach Ban Falls

Dernière balade de ce côté-ci du Parc jusqu'au Beulach Ban Falls. Quelques filets d'eau - trop rare, pourtant avec tout ce qui tombe du ciel ! - tracent leurs arabesques sur le profil mouvementé de la falaise encadré par les arbres dorés. Je tente bien de poursuivre la longue balade vers la faille Aspy, mais renonce bientôt, trop mouillé par les gouttes qui filtrent à travers le feuillage du joli sentier.

Depuis
              Beulach Ban Falls, le sentier vers la faille Aspy
Depuis Beulach Ban Falls, le sentier vers la faille Aspy... sous les gouttes !

Route de Bay St Lawrence
Route de Bay St Lawrence

St-Margaret-Village
St-Margaret Village, au dessus du port de Bay St. Lawrence
La pluie cessant à peu près totalement et la lumière augmentant, je donne suite à mon projet de monter jusqu'à Bay St Lawrence, au centre de la vaste échancrure faisant face au Golfe du St-Laurent au nord. La petite route suit la mer avec quelques belles vues sur North Harbour fermé par un long cordon littoral, puis franchit quelques contreforts rocheux avant d'aller s'arrêter sur le quai du petit port de pêche fort semblable à ceux que je parcours depuis deux semaines.

Large vue sur l'étendue océane, les falaises rocheuses à pic qui encadrent largement le site, et une colonie de cormoran qui jacasse et se sèche les ailes sur un môle devant le chenal. Bay-St.
                    Lawrence : les falaises côté est
Bay St. Lawrence : les falaises côté est

Cabot Landing : Sugar Loaf
Cabot Landing : Sugar Loaf
Il ne me reste qu'à prendre le chemin du retour, sous un ciel qui commence enfin à s'éclaircir lorsque je passe sous l'éminence colorée du Sugar Loaf, juste au dessus du Cabot Landing. J'ai bien du mal à en découvrir la petite route d'accès qu'aucun panneau ne signale.

Agréable point de vue sur la plage et la côte rocheuses maintenant éclairée par le soleil. Je jette un œil au petit monument commémorant le débarquement supposé de l'explorateur génois Giovanni Caboto aux ordres du roi d'Angleterre Henry VII en juin 1497. Cabot Landing : la plage du débarquement

Cabot
              Landing : l'aiguade où Cabot aurait fait le plein d'eau
              douce
Cabot Landing : l'aiguade où Cabot aurait pu faire le plein d'eau douce

Cabot Landing : la plaque officielle
Cabot Landing : la plaque officielle
Événement mis en doute par bien des historiens, mais dont la couronne britannique se prévalut pour réclamer la domination de ces territoires et plus tard les disputer aux Français. Reste une belle expédition sur un tout petit navire (80 tonnes), le Matthew, avec seulement 20 hommes d'équipage.

Je rejoins le Cabot Trail à Cape North,  pour rentrer bientôt dans le Parc à South Harbour. Le paysage devient plus riant, les rayons du soleil maintenant bien présents y sont sûrement pour quelques chose ! Je choisis d'emprunter la toute petite route du littoral (Coastal Loop), elle m'offrira quelques superbes points de vue sur les anses et les rochers au fil de ses virages et de ses montées set descentes continuelles. Coastal-Loop
Coastal Loop

Coastal Loop
Coastal Loop

Lakies
                    Head
Lakies Head vers le sud
Une autre vingtaine de kilomètres de parc parfaitement protégé en bord de mer offrent quelques très beaux point de vue sur les anses et les caps très rocheux - Lakies Head entre autres - où un vieil indien accompagné de  sa femme Mi'kmaw m'aborde pour échanger quelques mots aimables, mais que j'ai bien du mal à comprendre…

Lakies Head vers le nord
Lakies Head vers le nord

Enfin je sors du parc sauvage en arrivant à Ingonish dont le toponyme s'applique à plusieurs site : un premier village Ingonish, la North Bay Ingonish, Ingonish Centre, une langue de terre séparant la première baie d'une deuxième South Bay Ingonish, Ingonish Beach, Ingonish Harbour et enfin Ingonish Ferry.

Au fur et à mesure que défilent les quelques magasins, restaurants, etc. dispersés le long de la route je cherche en vain une station service pour faire le plein, l'aiguille de la jauge d'essence se rapprochant rapidement du rouge. Je n'aperçoit qu'une seule pompe, au tarif exorbitant d'1,499 $ le litre ! Après quelques calculs rapides, je décide que je devrais avoir assez du précieux liquide pour me rendre jusqu'à Baddeck, mon étape de ce soir. Je me contenterai de faire le plein d'eau sur la douche de la plage superbement équipée par Parcs Canada, puis poursuis vers le sud.
Ingonish,-en-direction-du-Cap-Smokey
Ingonish, en direction du Cap Smokey

Une
                    Ingonish River éclatante
 Ingonish River éclatante sous le soleil du soir
Très jolie vue colorée en passant Ingonish River, avant d'attaquer la longue escalade très raide du Mont Smokey (je sens mon moteur avaler goulument l'essence qui se raréfie…).

Ingonish
              River
Ingonish River

Mont
            Smokey : panorama vers le nord
Mont Smokey : panorama vers le nord

La route présente des vues grandioses sur l'Océan Atlantique et les Highlands, puis sur la côte couverte de forêts dorées et rougeoyantes.

Mont
              Smokey : panorama vers le sud
Mont Smokey : panorama vers le sud

La
                forêt et la côte vers le sud depuis le haut du Cap
                Smokey
La forêt et la côte vers le sud depuis le haut du Cap Smokey

Près de 80 km me séparent encore de Baddeck, dont un long détour sur les rives d'un lac paisible (en fait le vaste estuaire de la North River) dans la lumière plus rare du soir qui s'établit.

Crepuscule-le-long-du-Bras-d'Or-vers-Baddeck
Crépuscule le long du Bras d'Or vers Baddeck

Je finis par arriver à Baddeck au crépuscule, après avoir vu s'allumer les différents voyants et avertissements d'épuisement du réservoir… Là je peine à trouver l'unique station Irving de la petite ville, qu'on m'indique aimablement à la sortie sud sur la Transcanadienne (Rte 105). Enfin je m'engage sur la piste d'accès, craignant de percevoir les premiers ratés du moteur, mais je couperai le contact devant la pompe avant que cela se produise. Je presserai longtemps sur le pistolet de remplissage, jusqu'à ce qu'il finisse par bloquer sur 89,9 litres. La capacité nominale du réservoir est de 90 litres !

J'aurai échappé de peu à la panne sèche… pas trop énervé quand même, ayant rempli le jerrican de secours de 15 litres avant de partir. Mais la performance côté consommation me déçoit : 14,27 l/100, c'est bien plus que ce qu'annonçait l'ordinateur de bord qui situait  la consommation moyenne depuis le dernier plein à 12,1 l/100 - ce qui me semblait raisonnable vu le relief assez accidenté de l'Île du Cap Breton. Serait-ce le chauffage qui aurait tant puisé dans le réservoir ? Bizarre…

Revenant vers le centre du village et au bord de l'eau, je cherche un lieu propice à mon bivouac. Impossible sur les quai du port aperçu tout à l'heure, beaucoup trop de monde et des interdictions de stationner dans tous les coins. Je finirai par m'installer un peu plus loin sur la rue longeant l'eau, vis-à-vis d'un terrain vague entre quelques maisons. La circulation sporadique devrait bientôt y cesser complètement. Je prépare mon souper, donne des nouvelles à Monique qui réussit enfin à me rejoindre (pas de signal les deux derniers jours dans le parc), puis la rédaction du carnet de bord et le chargement des photos me mènent jusqu'à 22:00.


59 280  Dimanche 17 octobre 2021 : de BADDECK à AMHERST (358 km)

Bivouac
                  sur le quai de Baddeck
Bivouac sur le quai de Baddeck
Pas de circulation avant 7:30, donc nuit reposante, lever paisible mais sous la grisaille. Décidément j'ai eu de la chance avec mon tour de l'I.P.E. ! Une fois levé, douché et déjeuner expédié, je fais quelques photos de mon environment de bord de lac, en particulier de la statue d'Alexander et de sa femme Mabel Hubbard Bell, puis gagne le grand centre d'Interprétation de Parc Canada consacré à Alexander Graham Bell.

Le grand inventeur s'était fait construire une superbe résidence d'été au bord du lac en face du village - il habitait Boston. Il a par la suite fait sur le Bras d'Or toutes sortes d'expériences plus créatives les unes que les autres.

Baddeck-statues-du-couple-Bell
Mabel Hubbard-Bell et Alexander Graham Bell sur le quai de Baddeck
Baddeck-plaque

C'est ici sur les eaux glacées du lac qu'il fit voler le premier avion au Canada, le Silver Dart, après moult expérimentations qui tombèrent à l'eau ou furent même incapables de décoller - tel son cerf-volant géant.

Baddeck : monument au Silver Dart
Baddeck : monument au Silver Dart
Baddeck-plaque-commemorant-le-1er-vol-motorise-au-Canada
Baddeck : plaque commémorant le 1er vol motorisé au Canada

Il fut aussi à l'origine d'un extraordinaire hydroptère - bateau volant sur des ailerons immergés - qui atteignit la vitesse record extraordinaire de 115 km/h. Il s'intéressa aussi à une foule d'autres choses, dont la génétique, l'élevage de moutons sélectionnés, etc.

Je passe près de 3 heures à décortiquer les vitrines, regarder les vidéos et autres présentations, observer les maquettes dont celle de l'hydroptère HD 4. N'ayant jamais trouvé de commanditaire, le protype finit échoué sur une plage près du port où, fort abimé, il fut récupéré par Parc Canada. Ses restes sont maintenant exposés dans la grande salle, à côté de sa reconstitution grandeur nature.

Baddeck : maquette grandeur nature de-l'hydroptère
              HD4
Baddeck : maquette grandeur nature de l'hydroptère HD4

Au plafond est suspendue une réplique du Silver Dart (Flèche d'argent) que des fou de l'aviation ont très fidèlement reconstruit et fait voler un peu partout au Canada à l'occasion de son centenaire en 2008. Il a trouvé là son garage à long terme et sa consécration comme relique. La hauteur à laquelle il est accroché, le fouilli architectural qui l'entoure et un éclairage tout azimuts rendent malheureusement peu lisible sa délicate structure.

Baddeck :
              le Silver Dart
Baddeck : la reconstruction du Silver Dart

Le
                  Silver Dart (dessin)
Un dessin du Silver Dart beaucoup plus lisible

Je photographie aussi nombre de citations ou d'indications biographiques à propos d'Alexander G. Bell qui, par plusieurs côtés (dont l'époque) me font penser à Gabriel Veyre.

Des enfants de Jules Verne qui, une fois bien lancée une première innovation source de revenus à long terme (le téléphone d'un côté, l'automobile de l'autre), utilisent le reste de leur vie à créer, essayer, inventer, chercher au gré de leurs fantaisies ou de leur inspiration.




Baddeck : cabinet de travail d'Alexnder Graham Bell
Baddeck : cabinet de travail d'Alexander Graham Bell

Baddeck ; l'histoire du graphophone
Baddeck : l'histoire du graphophone
Baddeck-le-graphophone
Baddeck : le graphophone

En quittant Baddeck je tente d'apercevoir le manoir construit par les Bell qui fut la base d'où partirent toutes ces innovations. Malgré sa taille imposante sur les photos, je n'arrive pas à en  deviner quoi que ce soit sur la péninsule très boisée de l'autre côté de l'anse devant le village. De toute façon Beinn Bhreagh ("Belle Montagne" en gaélique) est une propriété privée appartenant toujours aux descendants Bell et elle n'est pas ouverte à la visite…

Beinn-Bhreagh
Beinn Bhreagh dans son parc au dessus de l'eau

Je prends alors la route qui doit me faire quitter l'île du Cap Breton en ralliant la digue franchissant le détroit de Canso. Plus question de faire du tourisme, de toute façon les attractions sont rares et la lumière des plus ternes enlève leur séduction aux paysages. Je roulerai donc tout l'après-midi, ne m'arrêtant qu'une petite heure pour déjeuner à l'écart de la circulation sur le vaste parvis d'une petite église de campagne toute blanche. La Rte 105 se poursuit en longues courbes bien redressées sur un pavage assez régulier. Cap Breton : sur la route
                  vers Canso
Cap Breton : sur la route vers Canso

Rendu à nouveau sur le continent, je suis la Transcanadienne jusqu'à Pictou, puis le GPS me fait prendre la route côtière déjà empruntée à l'aller qui semble la plus courte pour me rendre jusqu'à Amherst. Bien que plus étroite et sinueuse, elle me permet de garder un bonne vitesse, et les points de vue tant sur la mer que sur la campagne sont agréables et variés. Le ciel déjà très gris s'assombrit de plus en plus et c'est dans la nuit que j'arrive dans la   périphérie d'Amherst, des rues où des maisons déjà anciennes occupent de vastes terrains gazonnés à l'ombre de grands arbres. L'idéal pour me trouver un bivouac tranquille à l'écart de la grande route où la circulation ne tarde guère à tarir.

Il est passé 19:00, je me pose devant un parc, sur le stationnement désert d'un "Centre d'aide aux Familles". Je vaque aux tâches habituelles et suis au lit tôt, fatigué de cette journée pourtant peu active, mais peu stimulante aussi quant à la route. La diminution de la lumière, annonçant l'hiver, contribue peut-être aussi à cette baisse d'énergie...


59 638  Lundi 18 octobre 2021 : d'AMHERST à MEMRAMCOOK (166 km)

Amherst :
                bivouac devant un parc sur le stationnement d'un Centre
                d'aide à la famille
Amherst : bivouac devant un parc sur le stationnement d'un Centre comunautaire
Décollage dès mon lever à 8:30, lorsque les employées du Centre commencent à stationner autour de moi. Ciel variable, d'abord agréablement ensoleillé mais qui ne tardera pas malheureusement à se couvrir. Je rattrape la Transcanadienne à la sortie de la ville et passe au Nouveau-Brunswick, sans aucune formalité cette fois-ci.

Une cinquantaine de km rapides et je sors vers le village de Memramcook pour aller visiter le Monument Lefebvre National Historic Site. Partie la plus ancienne du College St Joseph fondé en 1864 et haut lieu de culture des élites acadiennes, c'est là  qu'eut lieu dès 1861 la Première Convention nationale des Acadiens.

Après déjeuner et douche dans le grand parking vide, suit la visite. Mais lorsque je me présente à la porte du vénérable bâtiment, une affichette indique "Fermé dimanche et lundi". Voilà mon projet de visite à l'eau ! Les activités intéressante ne sont pourtant pas si nombreuses dans la région…
Memramcook : le Monument Lefebvre
Memramcook : le Monument Lefebvre

Memramcook : présentation du Monument Lefebvre
Memramcook : présentation du Monument Lefebvre

Je consulte le Guide Vert qui annonce peu de chose illustrant Moncton en dehors du mascaret, en revanche il attribue 2** au Hopewell Cape. Le GPS le place à une soixantaine de km, ce sera donc ma destination pour aujourd'hui, et si je me décide, je reviendrai dormir ici pour visiter le musée demain mardi.

Moncton : le Palais de justice
Moncton : le Palais de justice
La traversée de Moncton confirme le manque d'intérêt que présente la ville «capitale des Acadiens du N.B», je n'arrive même pas à trouver un bureau du tourisme ouvert pour me procurer une carte routière de la province. Les quelques bâtiments aperçus en passant ne brillent ni par leur esthétique ni par leur originalité, le Palais de Justice quant à lui se démarquant par sa hideur (grands blocs aux lignes anguleuses et semblant empilées en tous sens, pierre verdâtre et noirâtre).

En sortie j'emprunte le long pont qui franchit la rivière Petitcodiac, que la marée haute remplit au ras des berges, puis enfile la « Route du Littoral» qui vagabonde de côtes en descentes et en incessants virages longeant le cours de la rivière. Celle-ci s'élargit considérablement en approchant de son estuaire dans la Baie de Chignecto qui constitue elle-même le fond de la Baie de Fundy. C'est dire que la marée s'y fait fortement sentir, l'eau montant de 7 m aux 6 heures, et la petite rivière atteignant 1,6 km de large en sortie de Moncton. Hopewell Cape : la Baie de Fundy à l'horizon
Hopewell Cape : la Baie de Fundy à l'horizon

Hopewell Cape : plan du parc
Hopewell Cape : plan du parc
Enfin après un heure de ce gymkhana tranquille j'arrive au Parc provincial mettant en valeur les rochers érodés par les fortes marées. Après un premier stationnement où je trouve quelques voitures laissées par des visiteurs, je franchis à pied en les contournant les barrières sur le large chemin menant au Centre d'interprétation fermé pour la saison.


M'aidant du plan du site fort bien aménagé, je m'engage sur le sentier qui longe la falaise et donne accès à plusieurs belvédères ; les points de vue sur la côte très découpée et érodée sont saisissants, même si la base des rochers est peu dégagée car la marée commence à peine à décroitre. Je parcourrai ainsi un petit kilomètre en profitant des quelques vues proposées.

Hopewell-Cape-Le-Diamant
Hopewell Cape : Le Diamant

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Hopewell Cape : Grande Anse (Big Cove)

Hopewell Cape : Grande Anse
Hopewell Cape : Grande Anse et le profil

Hopewell Cape : rocherss isolés dans Grande Anse
Hopewell Cape : rocherss isolés dans Grande Anse

Un premier accès à la plage une trentaine de mètres plus bas par des volées d'escaliers est condamnée, mais depuis la plateforme on aperçoit très bien plusieurs gros rochers monolithes auxquels l'érosion a donné des formes inspirantes.

Hopewell Cape : Anse des escaliers
Hopewell Cape : Anse des escaliers, l'Arche des Amoureux
Hopewell-Cape-Rocher-de-l'Ours
Hopewell Cape : Rocher de l'Ours
Je poursuis le sentier longeant la côte et, au bout de la promenade, je trouve une longue rampe qui m'amène au niveau de la plage. En me faufilant sur l'étroite bande de sable et de rocher encore mouillée que la marée descendante a dégagé au pied de la falaise plus ou moins ruiniforme, je passe un petit cap et découvre plusieurs des fameux «pots de fleurs» caractéristiques du site. Hopewell
                    Cape : les Pots de fleurs (Flower Pots Rocks)
Hopewell Cape : les Pots de fleurs (Flower Pots Rocks)

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Hopewell Cape : les Pots de fleurs (Flower Pots Rocks)
Quelle étrange construction de la nature que ces hauts cylindres de roche brune amincis à leur base par le mouvement de l'eau et portant à leur sommet des bouquets d'épinettes relativement bien développées ! Plusieurs se profilent ainsi, sombre à contrejour sur le ciel nuageux clair.

Hopewell-Cape-Les-Pots-de-fleurs
Hopewell Cape : Les Pots de fleurs
Hopewell Cape : Les-Pots de fleurs

La falaise elle-même montre de multiples évidements là où d'autres monolithes sont en formation, et de profondes cavernes percent la paroi, jusqu'à leur effondrement sous l'effet de l'érosion manifestement très active. D'où les nombreux avertissement de se tenir à l'écart… Je n'irai pas bien loin, car la mer encore haute rend le passage difficile et je n'ose pas trop patauger avec mes sandales. Il faudrait revenir à marée basse et en bottes pour profiter au maximum de ce site étrange qui offre aussi une belle exploration du fond sous-marin découvert, flore et faune, vantée par les naturalistes au service du parc, bien évidemment absents aujourd'hui. Hopewell Cape : grotte dans la falaise de grès
Hopewell Cape : grotte dans la falaise de grès

Il est près de 15:00, je regagne mon ProMaster en coupant à travers bois et me restaure avant de reprendre la route de Moncton en repérant la station d'essence la moins chère - Costco comme d'habitude - où je passerai demain en me dirigeant vers Fredericton. Une autre vingtaine de kilomètres en traversant Dieppe, banlieue  francophone, et je retrouve le grand stationnement vide du Monument Lefebvre que je visiterai à son ouverture demain matin.

En attendant repos, écoute d'un peu de musique et rédaction du carnet de bord en voyant la lumière baisser tranquillement dans un ciel toujours très nuageux mais à peu près sec.


59 804  Mardi 19 octobre 2021 : de MEMRAMCOOK à HARTLAND (230 km)

Décidément je ferais mieux de renoncer à mes attentes irréaliste à propos du temps : la fin de ce bel automne approche et avec lui les prémices de l'hiver. Le soleil ne s'est pas montré aujourd'hui, et la température a culminé autour de 13° près de Moncton; elle a nettement diminué en rentrant à l'intérieur vers Fredericton, et il fait 8° lorsque je m'arrêterai à Hartland juste devant la fameux pont couvert (le plus long du monde, parait-il !). Maximum prévu : 6°, je me calfeutrerai donc au maximum pour conserver la chaleur dans l'habitacle.

Memramcook-Monument-Lefebvre-l'odyssee-acadienne
Memramcook : plaque devant le Monument Lefebvre
Memramcook-Monument-Lefebvre plaque

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Meramcook, Monument Lefebvre : sculpture à l'entrée du Musée acadien
Auparavant la journée aura bien commencé sur mon coin du stationnement vide du Monument Lefebvre. Je me prépare tranquillement, entame une longue discussions pleine d'enseignements avec un jeune femme qui arrive vers 9:30 et viens travailler au centre de documentation. Originaire d'Ottawa, elle a beaucoup visité les Maritimes et semble très connaissante de la dimension acadienne. J'achève mon café et la suis dans les vieux murs. Là aussi je suis accueilli par un homme dans la cinquantaine qui vient de lâcher son  boulot de technicien en laboratoire à l'Université de Moncton où, dit-il, on le surchargeait de travail. Il se trouve très heureux de ce nouveau poste d'accueil et de relations publiques au Monument Lefebvre. Très disert, il ne ne s'interrompra que lorsque je lui demanderai mon billet pour aller visiter la grande exposition qui occupe le rez-de-chaussée de la bâtisse.

Présentation très complète, un peu touffue peut-être au plan visuel, qui reprend bien des éléments d'information glanées au Port-La-Joye (Charlottetown) et au Musée acadien de Miscouche, avec insistance ici sur ce qui concerne plus spécifiquement le Nouveau-Brunswick. On y décrit l'arrivée des premiers colons français arrivant de St-Anne-d'Auray et de La Rochelle (Bretons et Poitevins), leur installation comme agriculteur et la naissance d'un sentiment d'appartenance à leur nouvelle terre, les liens très serrés entre ces quelques familles et leur nombreuse descendance, puis la conquête par les Anglais, les deux Déportations de 1750 et 1760, la dispersion et le retour d'une partie de ceux qui avaient survécu, la lutte très dure pour repartir à zéro sur de nouvelles terres et dans de nouveaux débouchés (pêche et foresterie) et, au cours du XIXème siècle, l'émergence du sentiment national et les nombreuses luttes subséquentes pour obtenir la reconnaissance de leur spécificité et les droits (éducation en particulier) qui en découlent et l'étayent.


Quelques vignettes de l'exposition

Les origines du peuple acadien


La plupart des Acadiens sont les descendants d’environ 50 familles d’origine française qui se sont établies en Acadie entre 1636 et 1650.

Ces familles et quelques autres familles arrivées au cours des années suivantes forment la souche du peuple acadien. En moins de quelques générations, leurs descendants commencent à se considérer comme un peuple distinct, les Acadiens et les Acadiennes, colonisateurs de l’Acadie.

Les familles acadiennes sont surtout d’origine française, mais il y a des exceptions. Bien que peu nombreuses, il y a des familles d’origine basque, espagnole et portugaise. Il se trouve également des familles d’origine irlandaise, anglaise, écossaise, flamande et croate. En outre, certains Acadiens sont les descendants de plusieurs mariages entre Français et femmes des Premières Nations, y compris des femmes d’origine mi’kmaq, abénaqui et peut-être malécite.


Coincée entre deux empires
Pendant plus d’un siècle, les Acadiens survivent et prospèrent en Acadie grâce à leur ingéniosité, leur présence d’esprit et leurs liens familiaux. Ils y parviennent pendant que la France et la Grande-Bretagne se livrent bataille pour la maîtrise du territoire.

L’Acadie est au centre du conflit parce qu’elle est un territoire limitrophe stratégique calé entre la Nouvelle-France et la Nouvelle-Angleterre. Elle donne accès aux grandes routes du commerce et aux pêcheries de l’Atlantique Nord, ainsi qu’au golfe du Saint-Laurent et à la traite des fourrures.

Dès le début des années 1700, le peuple acadien est bien enraciné en Acadie. Il a sa propre identité et son mode de vie particulier, et ses villages où rayonnent les familles se retrouvent aux quatre coins de l’Acadie.


Prélude à la crise

Le Traité d’Utrecht de 1713 met fin officiellement à la domination française en Acadie, qui s’appelle désormais la Nouvelle-Écosse. Par la fondation de Halifax en 1749, les Britanniques tentent de maîtriser le territoire et d’y installer des sujets protestants « loyaux ». En outre, les Britanniques tentent d’obtenir des Acadiens qu’ils prêtent serment d’allégeance, et ce sans condition. Entre-temps, les Français consolident leur position dans le territoire qui est aujourd’hui le Nouveau-Brunswick en y construisant le fort Beauséjour.

Les Acadiens se retrouvent coincés entre la France et la Grande-Bretagne, tandis que la Nouvelle-Angleterre les voit comme une menace constante. Les Acadiens refusent obstinément de prêter serment à moins que leur allégeance ne garantisse leur neutralité.

Lorsque les Britanniques capturent le fort Beauséjour en 1755, ils commencent à mettre à exécution un plan qui sera désastreux pour les Acadiens.


La déportation

Parce qu’il est coincé entre deux empires qui s’affrontent, le peuple acadien paye le prix suprême : la déportation. D’une société florissante qu’ils étaient, les Acadiens deviennent des exilés dépossédés, dépourvus d’une patrie.

Des familles étendues, unies par des liens très serrés, sont séparées, la plupart à tout jamais. Les soldats britanniques et les soldats de la Nouvelle-Angleterre réduisent en cendres des villages acadiens vieux de plusieurs générations. Entassés sur des bateaux, les Acadiens endurent des conditions lamentables; ainsi les tempêtes, la pénurie de nourriture, l’eau croupie, les maladies contagieuses et des conditions déplorables entraînent la mort de plusieurs en mer. Des navires transportant des Acadiens coulent, noyant tous les occupants à leur bord.

De nombreux Acadiens échappent à la déportation et organisent une résistance face à l’agresseur. Ainsi, les prisonniers à bord d’un navire s’en emparent et réussissent à s’échapper. D’autres encore s’enfuient dans les bois où la famine et toutes sortes d'épreuves les font beaucoup souffrir. Malheureusement, un grand nombre de ces réfugiés et résistants meurent ou sont capturés et déportés.


En 1755, environ 6 500 Acadiens sont déportés des territoires qui représentent ce qui est aujourd’hui la Nouvelle-Écosse continentale et la partie sud du Nouveau-Brunswick. On les fait débarquer dans des ports du Massachusetts jusqu’en Géorgie. Ils deviennent une minorité catholique de langue française au milieu d’une majorité protestante hostile et de langue anglaise. Plus de 3 000 autres Acadiens sont déportés entre 1755 et 1763.

En 1758, lorsque les Britanniques s'emparent de Louisbourg qui est alors une possession française, les Acadiens qui avaient fui vers ce que sont aujourd’hui le Cap-Breton et l’Île-du-Prince-Édouard sont déportés en France et en Angleterre. Parmi les Acadiens qui restent, certains s’enfuient vers le Québec et les iles de Saint-Pierre et Miquelon tandis que d’autres sont emprisonnés dans des forts britanniques en Nouvelle-Écosse. D’autres encore s’enfuient vers les rives de la rivière Miramichi dans le nord du Nouveau-Brunswick; toutefois, un certain nombre sont finalement capturés et déportés à leur tour.



Dans les derniers tableaux l'accent est mis sur la créativité et la joie de vivre des Acadiens, que ce soit dans le domaine des affaires que dans celui des Arts (de la scène plus spécifiquement : théâtre, musique, etc.). Monument-Lefebvre-Musee-acadien-courtepointe
Monument Lefebvre : courtepointe illustrant le mode de vie traditionnel acadien

Monument-Lefebvre-Musee-acadien-la-salle-de-spectacle
La salle de spectacle du Monument Lefebvre
Avant de sortir je vais jeter un oeil à la grande salle de spectacle qui occupe tout le deuxième étage, et me fait penser, toutes proportions gardées, au rôle joué par la Salle de la musique catalane à Barcelone. Même revendication nationale, même lutte pour le reconnaissance, même richesse de l'art populaire, même forme circulaire signifiant le désir de communion.

Je note aussi à la boutique la référence d'un bouquin récent à propos de la collaboration souhaitable et nécessaire de l'Acadie avec le Québec et ses revendications d'affranchissement tant culturel qu'économique.

Il est passé 12:15 lorsque je suis prêt à quitter la région de Moncton en passant par le Costco où je fais le plein de carburant à un prix intéressant : 1,379 $ au lieu de 1,449 $ partout ailleurs. Une ressource à retenir ! bilan partiel : 10,96 l/100 km pour les 554 derniers km, voilà qui va bien !

Puis je rejoins la Transcanadienne (Route 2) pour près de 150 km à mon train économique, accélérant dans les descentes et laissant aller dans les montées, et en gardant le pied léger dans les zones moins accidentées. Je réussis à garder la conso autour de 11,2 l, ce qui me semble satisfaisant vu la nature de la route. Paysage assez monotone : un peu de culture, beaucoup de boisés. Je déjeune en route d'une salade de chou maison sur le parking d'une grosse station-service en bord d'autoroute, et finis par arriver à Fredericton vers 16:00.

Fredericton-Gallery-Beaverbrook
Fredericton : droit devant, Beaverbrook Gallery en travaux et fermée
Le GPS me mène directement au centre du downtown de la petite capitale, et je stationne entre la Chambre législative et le grand théâtre. La Galerie d'art de Lord Beaverbrook est juste en face, mais comble de malchance, elle est clôturée et inaccessible depuis plusieurs mois pour rénovations majeures…
Je ne pourrai donc y admirer les deux œuvres vedettes : le Santiago el Grande, de Salvador Dali, et Fountain of Indolence par J. M. W. Turner, à côté d'une brochette d'autres chefs-d’œuvre que possède cette fameuse galerie.

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Gallery Beaverbrook : Santiago el Grande par Salvador Dali (1957)
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Gallery Beaverbrook : Fountain of Indolence par J. M. W. Turner


La Palais législatif où le G.V signale un bel escalier est lui aussi en travaux et de toute façon maintenant fermé, reste la petite cathédrale Christ Church, néo-gothique, isolée au milieu de son green. Très anglaise - ce serait une copie de St. Mary's Church, Snettisham, Norfolk - elle ne manque pas de charme, et son intérieur vaut largement le détour : ambiance romantique à souhait, belles proportions, chœur avec stalles de chêne sombre sculpté, vitraux fort bien réalisés, orgue Casavant de belles proportions, pierres tombales en forme de gisant du premier évêque et fondateur… On se croirait vraiment transporté dans une petite ville du sud de l'Angleterre. J'y traine un moment, puis fais le tour du bâtiment entouré d'un vaste dégagement arboré de chênes centenaires.
Fredericton : cathédrale Christ Church sous les
                    arbres au milieu de son green
Fredericton : cathédrale Christ Church sous les arbres au milieu de son green

Nef de la cathedrale Christ Church
Nef de la cathédrale Christ Church


Fonts baptismaux de la cathédrale Christ Church
Les fonts baptismaux ont été taillés en pierre de Caen par
M. Rowe, maître maçon de la cathédrale d'Exeter, en Angleterre,
en 1852. Leur forme octogonale évoque le symbole chrétien de la
régénération.


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Stalles du chœur de la cathédrale Christ Church
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Vitrail du chœur de la cathédrale Christ Church

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Fredericton : vitrail de façade de Christ Church Cathedral
Fredericton : façade de la cathedrale Christ
                    Church
Fredericton : façade de la cathédrale Christ Church

Ensuite il ne reste pas grand chose d'autre à découvrir que le Grand Théâtre aux proportions relativement modestes mais élégantes, et la façade du Palais des congrès joliment incurvée. Quelques pas sur la rue King qui fait office de rue principale, un petit détour vers la Place des Officiers (Officer's Square) nue et vide, puis vers le large lit de la Rivière St-Jean qui écoule son flot paisible bordé d'un sentier pour randonneurs et vélos, et je retrouve avec plaisir la chaleur de mon ProMaster, car la fraîcheur de cette fin de journée maussade se fait sentir. Fredericton-le-Theatre-et-l'Assemblee-legislative
Fredericton : le Théâtre et l'Assemblée législative

Fredericton-Convention-Centre (Palais des Congrès)
Fredericton : Convention Centre (Palais des Congrès)

Fredericton : Place des officiers
Fredericton : Place des officiers
Vallee-de-la-St-Jean-avant-Woodstock
Vallée de la St-Jean avant Woodstock
Je décide de me rendre le plus loin possible vers le nord avant que la nuit ne tombe, i. e. vers 18:30. Je remonterai donc le cours de la Saint-Jean sur la Transcanadienne facile et rapide, mais toujours aussi accidentée, où je reprends ma conduite économique. Quelques beaux dégagements - trop rares - sur  d'amples courbes de la rivière, viennent rompre la monotonie d'une région essentiellement boisée où les couleurs de l'automne apportent des taches fauves aux côtés du vert sombre des épinettes ou des sapins baumiers (l'arbre emblème du Nouveau-Brunswick).

La lumière descend de plus en plus, je finirai par me rendre jusqu'à Hartland où, quittant l'autoroute vers 18:45, je descends dans la vallée. J'aperçois dans la pénombre le long pont couvert et trouve tout près, au bord de l'eau, un vaste espace découvert où je m'installe pour la nuit. Je me prépare rapidement un souper à base d'oeufs durs garni d'une Béarnaise où l'huile d'olive remplace de beurre - pas fameux - sur lit de riz, commence à écrire ces quelques lignes, mais m'interromps bientôt pour me coucher, les yeux se fermant tout seuls. Je pose tous les panneaux isolants sur les ouverture, la nuit s'annonçant froide (6°).


60 134   Mercredi 20 octobre 2021 : de HARTLAND à MONTRÉAL (729 km)

Lever à 7:30, déjeuner après qu'une demi-heure de chauffage ait ramené la température de l'habitacle à un confortable 20° (il fait 7° dehors), à 8:10 je suis sur la route en remettant la douche à plus tard. Dans la lumière blafarde je fais quelques photos du plus long pont du monde, puis le traverse en admirant l'interminable charpente intérieure qui en soutient le toit. Hartland : bivouac près du pont
Hartland : bivouac près du pont

Hartland : bivouac devant le pont couvert rive gauche
Hartland : bivouac devant le pont couvert rive gauche

Hartland : en passant le pont couvert
Hartland : en passant le pont couvert

Près d'Hartland, maison de colon loyaliste
Près d'Hartland, maison de colon loyaliste
Le GPS me fait emprunter ensuite l'ancienne route qui suit au plus près la rivière, en donnant plusieurs larges points de vue qui seraient plus agréables si la lumière était au rendez-vous.

Rivière St-Jean en-amont d'Hartland
Rivière St-Jean en amont d'Hartland

Puis je réintègre l'autoroute pour deux bonnes heures de roulage identique à celui d'hier, la forêt s'étendant à perte de vue de chaque côté de la voie rapide. Peu de trafic, une majorité de gros camions filant à 100 km/h me doublent dans le ronflement de leur gros moteur, une vrai usine ! tandis que je roule autour de 80 km/h : moins de bruit, moins d'essence, moins de stress et plus de paysage.
Sur la
                  Transcnadienne, en remontant la Vallée-de-la-St-Jean
Sur la Transcanadienne, en remontant la Vallée de la St-Jean

Grand-Sault : le chaos au pied du barrage
Grand-Sault : le chaos au pied du barrage
Après 150 km je sors à Grand Sault pour aller admirer la haute et large chute que fait la jeune Rivière St-Jean. Mais domestiquée par un barrage qui en capte presque toute l'eau, il ne reste qu'un chaos de rocher presque à sec. Impressionnant mais bien moins pittoresque que ce qu'en montrent des photos prises au printemps où presque tout le débit transite par le trop plein du barrage en une époustouflante cascade (9/10 du volume de Niagara Falls ! dit l'affiche).

Grand-Sault-marmite-au-pied-de-la-chute
Grand-Sault : marmite de géant au pied de la chute
Grand-Sault-la-gorge
Grand-Sault : la gorge

Je profite de la pause pour me doucher et me faire un expresso, puis repars en direction d'Edmonston. J'hésite à y refaire le plein, trouvant le tarif élevé, une erreur puisqu'il le sera bien plus lorsque je passe au Québec un vingtaine de km plus loin.

En longeant le Lac Temiscouata
En longeant le Lac Temiscouata

Pas encore de Costco à Rimouski, de toute façon l'autoroute 85 - en grande partie en chantier - aboutit à Rivière-du-Loup. Je prends mon lunch sur le stationnement de la grand église en pierre St Patrice (XIXème) que j'ai la chance de trouver ouverte, ce qui me permettra d'en faire le tour intérieur. Riviere-du-Loup : l'église St-Patrice
Rivière-du-Loup : l'église St-Patrice

Riviere-du-Loup : maitre-autel de l'église
                St-Patrice
Riviere-du-Loup : maitre-autel de l'église St-Patrice
Rivière-du-Loup : nef de l'église St-Patrice
Rivière-du-Loup : nef de l'église St-Patrice

Église St-Patrice de Rivière-du-Loup : St-Thomas,
                par Louis Jobin
Église St-Patrice de Rivière-du-Loup : St-Thomas, par Louis Jobin
Riviere-du-Loup-eglise-St-Patrice-St-Simon-par-Louis-Jobin
Église St-Patrice de Rivière-du-Loup : St Simon, par Louis Jobin

Église St-Patrice de Riviere-du-Loup : tribune et orgue
          Casavant
Église St-Patrice de Rivière-du-Loup : tribune et orgue Casavant

Édifiée pour la première fois sur ce site en 1855, elle remplace l’ancienne église de la paroisse construite plus à l’ouest. Située sur un terrain donné par les seigneurs Fraser, l’église consacre l’importance du village qui s’est développé depuis une vingtaine d’années sur le domaine seigneurial. Conçue à l’origine par Charles Baillargé, l’église sera reconstruite après l’incendie de 1883. À partir des ruines des murs, l’architecte David Ouellet modifie les plans de la façade, mais conserve l’inspiration néogothique de l’édifice avec ses grandes fenêtres à arc brisé, les contreforts de la nef et les pinacles du clocher. Les douze statues en bois du sculpteur Louis Jobin et les peintures de Charles Huot sont les œuvres magistrales du décor intérieur.

Une légende raconte que William Fraser, un anglican, était tombé amoureux de la belle Anaïs de Gaspé, une catholique. Afin d’obtenir la permission de l’Église pour que le mariage puisse être consacré, non seulement William a dû se convertir mais il a dû démontrer son affiliation à l’église catholique Romaine en ordonnant la construction de cette église.

En quittant Rivière-du-Loup je fais l'emplette de 20 litres d'essence, histoire de me rendre sans problème jusqu'au Costco de Lévis où je ferai le plein au meilleur prix. Puis je rattrape l'autoroute 20 sur laquelle je filerai tout l'après-mid pour rentrer à Montréal en début de soirée. Route sèche, trafic modéré sauf aux alentours de Québec passé à l'heure de pointe, j'arriverai à Montréal avant que la nuit tombe tout-à-fait.


km 60 863      MONTRÉAL


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