Bivouac à Ittiri devant l'hôpital |
Lever tôt dès 7:30 sous un ciel clair, ce qui me donnera le temps de rédiger mon carnet de route, puis de continuer à travailler sur les photos; je poursuis avec un peu de travail de secrétariat, fais confirmer par Richard (vendeur chez Sublet à Lyon) qu’il a bien commandé le couvercle du réchaud, complète quelques données comptables de la succession de Maman, bref je prends mon temps en profitant de mon coin tranquille et de la grande lumière qui me donne une pleine autonomie électrique. |
En fin de matinée j’arrive au bout de tout ces tâches, mange et me mets en route pour poursuivre l’itinéraire entrepris. Sur une jolie route très vallonnée qui gambade entre les collines je prends la direction de Thiesi. La région très pierreuse présente de nombreux nuraghe dispersés au milieu des champs. Avec surprise j’en aperçois même un très gros sur le sommet d’une colline, sans aucun panneau indicateur pour donner son nom ni inviter à la visite : il y en a tellement et ils font tellement partie du paysage qu’on ne semble pas pouvoir les distinguer tous. | Vallée des Nuraghi : murs d'un nuraghe au-dessus de la route |
Un longue descente ensuite avec de jolies
vues panoramiques me rapproche du lac Bidighinzu que je
contourne, pour ensuite remonter sur Thiesi. Circulation
difficile dans le vieux quartier, je préfère éviter d’y entrer
malgré l’intérêt éventuel de l’église paroissiale du XVIème.
Je ne verrai pas non plus la murale signalée S’Annu de
s’attacu mais en photographie deux autres à l’entrée du
village.
Vers Silogo |
Je file ensuite vers l’autre village de Siligo, où je suis incapable de repérer la «chiesa campestre dei Santi ’Elia e Enoch » une église romane archaïque signalée nulle part et pour laquelle les infos fantaisistes du G.V. («accessible par un chemin sinueux puis à pied») ne me sont d’aucun secours. (Je la trouverai plus tard via Google Maps, accrochée sur la montagne, au bout d'un long et raide sentier...). |
En revanche à Mores le fin campanile de 48 m de haut, le plus élevé de Sardaigne, se repère sans aucune difficulté ! Mais dans la même église Santa Caterina, impossible de dégoter l’« émouvant San Sebastiano du XVIIème » annoncé par Michelin. | Mores : le plus haut campanile de Sardaigne |
Mores :
couronnement du campanile de Santa Caterina
|
Mores : évangéliste en terre cuite sur le campanile de Santa Caterina |
Borutta : vue sur la campagne devant San Pietro de Sorres |
Le soleil
descend et la lumière se réchauffe tandis qu’un léger
détour me ramène vers Borutta, autre village accroché à
la pente, d’où l’on aperçoit bien vite la belle façade
régulière de San Pietro di Sorres, isolée sur une
colline. Cette fois-ci les panneaux ne manquent pas pour diriger vers ce joyau du roman sarde dont le volume imposant domine la plaine et les vallées avoisinantes. |
Elle fut cathédrale de 1112 à 1503, ce
qui explique son importance et sa conservation liée au petit
monastère bénédictin attenant. Le soleil du soir dore sa
façade sobre et très équilibrée de calcaire crème.
Façade de San Pietro di Sorres
SAN PIETRO DI SORRES
Dans la campagne de Borutta se dresse
le complexe impressionnant de San Pietro di
Sorres, dans un paysage de petites montagnes ou de
hauts plateaux volcaniques. L'édifice était
déjà une cathédrale au Moyen-âge, il abrite
aujourd'hui une communauté bénédictine. Elle
fut construite à partir du XIe siècle et sa
construction s’acheva à la fin du siècle
suivant. L’église est d'une taille considérable,
avec trois nef séparées par des piliers et des
arcs reposants sur des colonnes. (Affiche devant l'église)
|
San Pietro di Sorres : fenêtres géminée au-dessus du portail |
San Pietro di Sorres : le chœur |
L’intérieur, en
revanche, parait beaucoup plus sombre du fait de la
petitesse des ouvertures, mais surtout des rangées de
pierres brunes presque noires alternant avec le calcaire
clair qui recouvrent piliers et voussures, tandis que
les fonds des voutes sont uniformément noirs. Dessin
très contrasté qui donne toute sa personnalité à cette
église par ailleurs étroite et d’une relative élévation.
Peu de mobilier (chaire en marbre, partie de balustrade en roue de pierre marquetée, Vierge dorée moderne) mais de belle qualité. Une découverte qui valait le déplacement. |
«Chapiteau» de pilier La chaire de
marbre
|
Nostra Signora di Cabbu Abbas au crépuscule |
Quelques kilomètres encore dans le
soir qui tombe pour arriver à Torralba, petit centre
agricole sans particularité, où je veux voir la petite
église champêtre Nostra Signora di Cabbu Abbas.
Perchée elle aussi sur un mamelon,
j’ai beaucoup de difficulté à la repérer, à quelques
200 m de la route et sans aucune signalisation.
|
Encore une fois c’est une consultation de Google Maps en mode «satellite» qui me permet d’en préciser la localisation et la voie d’accès : un petit chemin de terre qui ne figure même pas sur les cartes… Et pourtant, dans toute sa simplicité romano-pisane, elle vaut le détour, telle que je la découvre rosie par les derniers feux du soleil et le début du crépuscule. | Nostra Signora di Cabbu Abbas au crépuscule |
Façade de Nostra Signora di Cabbu-Abbas |
Porte latérale |
Sa recherche m’aura permis de découvrir, un
peu en contrebas, le Nuraghe di Santu Antine, doublement
étoilé au Michelin, dont la masse grise se détache à peine sur
les prairies qui l’entourent. Là pas de problème de
signalisation, je ferai étape ce soir sur son stationnement et
le visiterai demain.
Bivouac devant Nuraghe di Santu Antine |
Nuit des plus calmes, dans un environnement superlatif : plus de 4 000 ans d’histoire devant le pare-brise du XXIème siècle… C’est surtout dans la lumière du petit matin que le monument, encore très conséquent, apparait dans toute son ampleur. Alors s’impose sa signification comme symbole d’autorité, de puissance et probablement de sécurité pour les hommes rassemblés alentour dans leurs huttes circulaires dont il ne reste pas grand chose. |
En revanche je suis déçu que les audio-guide intelligemment proposés n’offrent pas une piste en français ! Je me débrouillerai donc seul : les quelques informations présentées sur 2 grands panneaux dans la cour du nuraghe sont largement suffisantes pour interpréter les ruines, au demeurant très complètes, qui parlent d’elle-même avec toutes les données déjà recueillies sur la question depuis un mois. | Plan et
restitution du Nuraghe di Santu Antine
|
Nuraghe di Santu Antine : reproduction d'une hutte nuragique |
Sur le chemin menant aux ruines, une hutte nuragique avec sa base en grosse pierres superposées et sa toiture végétale sur armature de bois a été reconstituée, donnant une bonne idée des logements entourant le «château» pour former un ensemble quasiment médiéval. |
Je me rapproche du
monument par son côté nord, tout en repérant une porte
(barrée) à la base de la tour nord, longe son mur pour
contourner la tour est et arrive à l'entrée principale
située au centre du côté sud du bâtiment triangulaire. |
Bases du rempart et de la tour nord |
Grille d'entrée de la poterne et, au fond, porte du donjon |
Porte et mur d'entrée depuis la "salle des gardes". |
Dans la cour, le puits et les entrées du donjon et de la tour Ouest |
Passage intérieur dans l'épaisseur du rempart reliant les tours au niveau du rez-de-chaussée |
Rez-de-chaussée de la tour ouest entourée de meurtrières |
Dans la tour ouest en regardant vers la cour |
Escalier menant de la cour au 1er étage du donjon |
La fenêtre dans la salle du 1er étage du donjon |
Chambre du 1er
étage du donjon
|
ayant conservé son plafond à tholos
|
Vue sur le mur-rideau par la fenêtre du 1er étage du donjon |
Escalier menant au 2ème étage du donjon et à la terrasse |
Galerie, autrefois couverte, courant sous la terrasse en haut du mur-rideau |
Autre vue du chemin de ronde sous l'ancienne terrasse |
1er étage de la tour Est maintenant disparu, la tholos du rez-de-chaussée écroulée |
Le puits dans la cour en quittant le Nuraghe di Santu Antine, devant l'escalier du donjon |
Je commence par gagner le village de Giave où le G.V. signale 2 curiosités liées à la nature volcanique de la région : d'abord le cratère du Monte Annaru, assez spectaculaire pour avoir été protégé comme Monument naturel par le ministère de l’environnement. Une courte marche sur le raidillon glissant m’y mène depuis la petite route où j’ai abandonné l’Exsis après avoir prudemment enfilé mes bottes de marche. Le rocher qui partout affleure est étonnamment rouge, et le sol sous une mince végétation est encore recouvert de scories tout à fait caractéristiques. En haut du sentier se révèle une vaste cuvette à peu près totalement dégarnie ; au fond, un petit lac - saisonnier semble-t-il - s’est accumulé dans l'ancien cratère… |
Roche éruptive rouge sur le Monte Annaru |
Giave : cuvette de l'ancien cratère du Monte Annaru et son petit lac |
Cossoine : clocher de Santa Chiara (XVème) près de la place |
Je gagne ensuite Cossoine, un autre village proche où c’est une charmante petite église, Santa Chiara, un “bijoux du gothique tardif avec campanile octogonal” du XVème, que signale le guide. Zigonant sur les petites routes qui sillonnent cette contrée très vallonnée j’y suis bientôt. Mais comment trouver cette aiguille dans le dédale des ruelles à flanc de pente à toute fin pratique interdite à mon gros véhicule ? Je commence par trouver un stationnement assez vaste en haut du bourg, d’où je pourrai repérer le clocher si caractéristique. Bien m‘en prend car non seulement je ne tarde pas à l’apercevoir émergeant à proximité entre deux toits, mais j’y trouve aussi une fontaine publique sur laquelle je branche illico mon tuyau, et un espace confortable et plan sur lequel je peux préparer mon repas à l’aise. |
La citerne pleine, mon estomac rassasié, je puis en toute sérénité m’avancer jusqu’à la petite église en découvrant au passage quelques fresques pleines de fraicheur mettant en scène des villageois dans leur vie typique : procession, course de chevaux, ou simplement femme ramenant un panier de blé sur sa tête ou vieux en costume traditionnel prenant le soleil dans une rue non moins pittoresque… |
Cossoine : fresque |
Cossoine : murale |
L’église ne manque
assurément pas de caractère avec son portail de pierre
blanche ciselé, ses basses voûtes gothiques aragonaises
et ses piliers décorés de chapiteaux armoriés. Une
charmante statue de la Vierge portant l’Enfant, colorée
et pleine de naturel, vient compléter la bonne
impression. Le campanile n’est pas en reste, alliant élégance et distinction sans oublier de demeurer modeste, comme il sied à un petit sanctuaire campagnard. |
Cossoine : façade de Santa Chiara (XVème) |
Cossoine : clocher de Santa Chiara (XVème) |
Détail du clocher de Santa Chiara |
Portail aragonais de Santa Chiara (XVème) |
Nef et voutes de Santa Chiara |
Cossoine : chapelles latérales de Santa Chiara (XVème) |
Vierge de Santa Chiara
|
Bref un fort agréable détour, complété d’une autre église du XVème, Santa Croce, qui fait l’angle de la place sur laquelle je suis garé : rien de spectaculaire, mais un simplicité toute rustique pleine d’une religiosité naïve qui me rappelle la chapelle St Roch à Pont-d’Ouilly. | Cossoine : Santa Croce (1676) |
Autre saut de puce dans la splendide campagne aux douces couleurs piquetée d’oliviers et de chênes verts. Les rochers jaunes ou blanchâtres émergent du vert des pâturages ou trônent tels des ruines de forteresses médiévales au sommet des buttes encadrant la route. |
Je me dirige vers un autre ** du Michelin, les Necropoli di Sant’Andrea Priu qui se signalent par une vingtaine de sépulcres creusés au flanc d’une falaise de trachyte rouge haute de 15 mètres. Les ouvertures se voient de loin, depuis la route qui suit le fond de la vallée et encore mieux de la billetterie… close ! Je m’y attendais, aussi je n’hésite pas à franchir la barrière laissée entr’ouverte et grimpe à flanc de colline vers les quelques marches donnant accès aux cavités. | Necropoli di San'Andrea Priu : vue générale en arrivant sur le site |
Necropoli di San'Andrea-Priu : entrée de la Tombe du Chef |
Mais la plus belle et la plus spectaculaire, la Tomba del Capo (Tombe du Chef), est fermée d’une grosse grille qui ne laisse pas d’issue. Je ne pourrai donc contempler cette extraordinaire complexe cultuel souterrain de 250 m2 et 18 pièces qui fut successivement tombe paléolithique, "lieu de culte paléochrétien et chapelle byzantine puis bénédictine, ornée de beaux cycles de fresques allant du IVème au XIVème siècle". |
Entrée d'une tombe creusée dans la falaise |
"Plateau" pour sacrifice cultuel dans l'antichambre d'une tombe |
Sa chapelle romane est perdue au milieu d’un grand champ, entourée de vaches, bien au-dessus de la petite route et sans aucun chemin pour y parvenir. Mais un petit écriteau indique son nom à demi effacé sur la barrière en bois décrépite que je pousse pour m’avancer dans l’herbage. | San Lorenzo di Rebeccu (XIème) |
San Lorenzo di Rebeccu (XIème) |
San Lorenzo di Rebeccu : abside (XIème) |
Après cela la lumière baisse sensiblement et je ne ferai plus d’autres arrêt sur mon chemin vers mon bivouac qu’à Padria. Depuis un grand virage dans les montagnes qui l’encadrent, je capte les derniers rayons du soleil couchant sur les toits rouges et les façades ocre clair de la bourgade qui apparait rassemblée autour de ses clochers. | Arrivée à Padria |
Façade de Santa Giulia à Padria (1520) |
Je me guiderai sur ceux-ci pour atteindre mon objectif, la jolie église Santa Giulia décrite par le G.V. comme un modèle des églises sardes de style espagnol (gothique catalan). Consacrée en 1520, sa façade déjà montre des proportions et un décor raffiné et fleuri qui se confirment à l’intérieur, tout en gardant la clarté des lignes et l’équilibre d’un sobre design. |
Portail catalan de Santa Giulia à Padria |
Détail du portail catalan de Santa Giulia à Padria |
Nef de Santa Giulia à Padria |
Église paroissiale de
Santa Giulia
La ville de Padria,
dont le territoire conserve les témoignages d'une
intense et ancienne anthropisation, faisaient
partie des propriétés de la famille De Ferrera
à la suite de la conquête aragonaise en 1436.
Elle est restée sous son contrôle jusqu'à la
première moitié du XVIe siècle, lorsqu’elle a
été intégrée à la baronnie de Bonvehi. En
1520, les travaux de construction de l'église
paroissiale de Santa Giulia sont terminés.
L'église a été commandée par Bernardino de
Ferrera, baron de Bonvehi, et par Pietro de Sena,
évêque de Bosa et titulaire du diocèse de
Padria. Les emblèmes de la façade et de
l'église paroissiale de Giulia sur l'arc de
triomphe de l'église représentent une preuve
évidente de l'identité des coutumes. Situé dans
un lieu de culte sur plusieurs niveaux depuis la
fin de l'Antiquité, puis à l'époque byzantine
et au Moyen-Âge, le bâtiment actuel se
caractérise par une nef unique longitudinale avec
des chapelles latérales et un presbytère
pentagonal.
Créée à partir de blocs carrés bien positionnés, la façade légèrement inclinée est entourée de puissants contreforts culminant dans un plan polygonal. Une corniche horizontale, caractérisée par des rosaces, des sphères, des pointes de diamant et des visages humains, culmine par des contreforts divisant l'espace en deux parties qui se chevauchent. |
Des figures de
prophètes [5] se trouvent dans les contreforts
au-dessus de la corniche. Une série de petits arcs en
trèfle est située sous la ceinture et au sommet du
toit incliné de la façade principale. Dans la partie
inférieure se trouve le portail d'entrée lilié,
richement décoré de pointes de diamant, définies
par des motifs végétaux liés en une fleur au sommet
de l'arcade. Deux hauts pinacles partant des
chapiteaux des piliers complètent la structure
complexe du portail d'entrée. Dans la deuxième
section, on peut voir un grand oculus mouluré. Sur
les côtés de l'oculus, alignés avec le point où
les contreforts sont accrochés à la façade, on
trouve deux gargouilles respectivement en forme de
lion à gauche et anthropomorphique à droite. L'intérieur est divisé en cinq sections par des arcades diagonales. Créées à différents moments et accessibles uniquement par des arcs brisés, neuf chapelles latérales font face à la nef principale qui culmine dans le presbytère précédé d'un arc brisé triomphal soutenu par des colonnes caractérisées par un mélange de styles. L'abside pentagonale est surmontée d'une voûte en croisée d'ogives qui culmine dans une clef sculpté à l'effigie de Santa Giulia. Des figures angéliques, de saints et de Jésus-Christ, sont répétées le long des chapiteaux internes. Parmi elles, il convient de mentionner l'effigie de San Costantina à cheval, l'effigie de Santa Giulia tenant une croix et la palme du martyre, l'effigie de San Francesco et de San Domenico dans les clefs de voûte des première et quatrième chapelles de gauche. |
Chapiteau de chapelle latérale
dans Santa Giulia à Padria
|
Quelques minutes plus tard je suis installé, ai vérifié que le parcmètre me laissera en paix pour ce soir (il ne fonctionne pas entre 20:00 et 9:00) et que pour 2 € demain matin je disposerai de 2 bonnes heures pour ma visite, vu que je suis à 5 minutes de l’entrée du musée. Les stores sont vite descendus, et je retrouve une paix relative dans ma cabane à roulette, isolé dans la cohue de cette autre ville très animée. Le bruit de la circulation est très présent mais pas continu, et il ira en s’amenuisant avec le passage des heures. Je prépare mon potage quotidien, le complète d’une portion de confits de canard aux haricots verts et finis en beauté avec quelques cuillers d’ananas accompagnés de galettes St-Michel dont j’ai retrouvé une boite au fond d’un coffre. Il ne me restera plus qu’à transférer et dénommer les nombreuses photos de la journée en remettant à plus tard la rédaction du carnet de bord, avant de me coucher vers 22:30 pour tâcher de m’endormir sans trop tarder…
36 916 Vendredi 31 janvier 2020 : de
SASSARI à PLATAMONA (20 km)
Après une nuit passable, car assez bruyante tant en soirée que tôt le matin, je suis fin prêt à 9:00 et me dirige vers la via Roma où se trouve le musée Sanna.
Je veux en découvrir les
riches collections archéologiques et ethnographiques que
le G.V gratifie de **. M'en trouvant à quelques
centaines de mètres, je suis donc rapidement sur les
lieux pour apercevoir, accroché sur la grosse grille qui
entoure le vaste jardin, un petit panneau : “Fermé
pour restauration et restructuration”, sans autre
précision… Dire que je suis déçu est un euphémisme ! Je peste un peu contre ces aléas de la vie de touriste, tout en convenant que février est probablement le meilleur moment de l’année pour ce genre de travaux… |
Sassari : le musée G. A. Sanna... fermé ! |
Piazza d'Italia : le palazzo Giordano (1878 néogothique) |
Que me reste-t-il à faire, sinon un dernier petit tour du côté de la spacieuse Piazza d’Italia, décidément de belles proportion. |
J'y retrouve le père
Vittorio Emanuele II redressant fièrement sa petite
taille bedonnante sous le plumet de son casque (quelle
époque !), devant les grandes façades un peu froides et
solennelles de la Préfecture et d’un autre épigone des
palais vénitiens. Rapidement de retour à l’Exsis, je dois décider de mon avenir à très court terme : où diriger mes roues d’ici lundi 16:00 où je dois embarquer pour Toulon ? |
Sassari : Vittorio Emanuele II sur la Piazza d'Italia |
J’arrêterai là mes visite du côté de Sassari,
cité trop bruyante et agitée, où le stationnement est trop
laborieux, et irai plutôt me mettre au vert, ou plutôt au bleu
en gagnant de nouveau et facilement, à une vingtaine de km au
nord, les plages dont je connais maintenant le calme et les
vastes espaces de stationnement déserts - du moins en cette
saison.
Plein de GPL (24 litres, il était temps !) en
passant sur une grosse station du boulevard Budi Budi (nom
bizarre, non ?). Puis je suis la 2 x 2 voies jusqu’à la pinède
de Platomona où j’établis mes pénates pour le reste de la
journée. Il fait bon, le soleil brille, donc pas de pb de
batterie, je peux me reposer en poursuivant la mise au point
de tous les fichiers textes ramassés au cours de mon périple,
traduisant les uns, assemblant les autres, recadrant et
améliorant bien des photos, en éliminant d’autres superflues
ou non significatives… Bref l’après-midi se passe ainsi,
relax et sans plus de stress.
En soirée je gagne un autre parking tout proche directement en bord de plage qui m’assurera une nuit encore plus sereine, prends le temps de me préparer un solide souper et me couche vers 23:30, en remettant à demain la fin de mes mises au point.
36 936 Samedi 1er février 2020 : de
PLATAMONA au STAGNO DI PILO (25 km)
Réveil et lever vers 8:45 après une bonne nuit reposante (rien à voir avec la précédente en ville !). Quelques voitures de promeneurs du samedi venant voir la plage et y faire quelques pas en famille ou avec des amis défileront presque route la journée, le temps très doux et ensoleillé avec passages nuageux favorisant ce genre de sortie de saison. Je passerai presque toute la journée en pyjama à paresser dans mon chez-moi, en appréciant son confort et ses facilités pour achever - enfin ! - les mises au point du matériel visuel recueilli depuis 5 semaines.
La journée passe ainsi tranquillement, tandis que se renouvellent les voitures vaguement parquées - à l’italienne ! - autour de moi. Enfin à 16:00 je m’ébranle, prends ma douche puis décide de suivre un peu la côte vers l’ouest pour me rapprocher de Porto Torres où je veux visiter demain la basilique de San Gavino, une merveille du roman sarde parait-il. Visite sur rendez-vous en hiver, dit le G.V. mais peut-être pourrai-je profiter de l’office du dimanche matin pour me faufiler…
Je n’aurai pas à rouler longtemps puisqu’en sortant de la zone touristique de Platamona je tombe bientôt sur une suite de promenade aménagées le long du rivage rocheux très découpé qui se termine par le large port de Porto Torres. Je m’arrête un moment en apercevant un Lidl pour faire quelques courses, puis pointe le GPS sur les quais.
Port de pêche assez important semble-t-il,
nombreux sont les petits chalutiers amarrés à ses quais, mais
aussi les yachts qui pullulent ici comme ailleurs dans toute
cette Sardaigne hautement touristique. Je m’arrête un moment
au bord de ce bassin, dans l’intention d’y passer la nuit
avant de gagner demain matin le centre ville à deux pas, mais
le ronronnement des gros diésels des ferries amarrés un peu
plus loin le long des grands môles vers l’extérieur du port me
fait craindre un sommeil peu réparateur.
Je reprends donc mon chemin pour tenter de
trouver une plage plus tranquille et hors de portée de ce
genre de bruit sur la côte ouest. Seulement un très vaste
complexe industriel occupe toute cette zone sur près d’une
douzaine de kilomètres, et le quadrillage des rues mène
souvent à des impasses ou à des barrières avec cabines de
contrôle et vigiles… Je préfère faire un large détour jusqu’à
l’extrémité de cette zone qui me fera rattraper le rivage au
niveau de l’Étang du Pilo.
Là, dans cet endroit retiré, c’est le calme absolu, seul un pêcheur à la ligne tente encore le coup dans l’obscurité. Je trouve vite un endroit bien plat sur le sable - bien tassé ! - du petit parking et y pose mon bivouac, avec à l’horizon maritime les points lumineux marquant la côte de la Corse, de l’autre côté des bouches de Bonifacio. Il est 18:30, et temps de me mettre à la préparation du souper.
36 961 Dimanche 2 février 2020 : STAGNO
DI PILO (0 km)
Stagno di Pilo : bivouac au-dessus de la plage et devant le Golfo dell'Asinara |
Belle journée de grand soleil, qui suffira à maintenir une température agréable. Faute d’avoir emporté un fauteuil, je ne paresserai pas sur la plage comme le font plusieurs visiteurs venus qui pêcher, qui sortir les enfants ou le chien… Tous restent bien couverts, voire emmitouflés dans leur anorak en duvet, ce qui me parait quand même un peu excessif ! (Il fait autour de 20° au soleil). |
Je profite de cette dernière journée
méditerranéenne et insulaire pour me la couler douce, lisant,
écrivant, revoyant encore et encore la moisson d’images que
j’ai récolté dans ce long tour de l’île, et m’appropriant à
petite dose les multiples fiches, affiches, notices et autres
informations détaillées et circonstanciées recueillies en même
temps, et enfin traduites.
Le Golfo d’Asinara s’ouvre largement devant moi, la lumière règne sur le vaste espace à peine limité à l’ouest par la péninsule de la Nurra et l’île d’Asinara. En revanche la Corse est trop loin et je suis trop bas pour apercevoir au nord les falaises de Bonifacio comme il y a quelques jours.
Mais c’est surtout le bleu qui se révèle omniprésent et intense : celui du ciel à peine parcouru par des effilochures de vapeurs blanches, et surtout l’émeraude de la mer qui clapote doucement à quelques mètres de mes roues à la limite du sable. Le temps semble s’écouler lentement, j’en profite après ces 2 300 km parcourus à petits pas, mais incessants, depuis mon arrivée il y a presque 5 semaines. |
Stagno di Pilo : la plage vers Porto Torres |
Lorsque le soleil commence à descendre vers 16:30, les visiteurs lèvent le camp et le terrain se libère progressivement de la dizaine de voitures qui l’avait temporairement colonisé. Deux camping-car, à peine aperçus derrière les arbustes qui descendent jusque sur la plage, décampent eux aussi, et je me retrouve enfin seul pour le coucher de soleil et surtout un magnifique crépuscule qui enflamme de rouge, d’or et de rose le ciel légèrement ennuagé. Je transfère les quelques photos des deux derniers jours, poursuis encore un peu l’épluchage de ma photothèque puis prépare son souper.
Coucher vers 23:00 dans le grand silence à peine nuancé par un vent discret qui rappelle la présence de l’hiver (nous sommes en février…), j’en viendrais presque à l’oublier.
36 961 Lundi 3 février 2020 : de STAGNO
DI PILO à PORTO TORRES (34 km)
Levé à 8:00 sous un
soleil timide, je décolle à 9:15, après avoir bien
failli rester pris une autre fois dans la dune, pourtant
bien plane et herbue… Les autos autour de moi n’ont
pourtant montré aucune difficulté à manœuvrer au même
endroit hier soir… Je devrai redoubler de prudence face à ce genre de terrains trompeurs, vu le poids de mon petit monstre. |
Stagno di Pilo : un autre départ difficile... |
Je retourne à Porto Torres dans l’intention
de visiter la très ancienne basilique San Gavino, décrite en
termes dithyrambiques par le G.V. et citée comme référence sur
presque tous les tableaux et affiches de la “Route romane”.
Route rapide en contournant cette fois complètement le
complexe industriel où je me suis plus ou moins perdu avant
hier soir. Arrivé en ville, le GPS me fait prendre quelques
petites rues de traverse et je stationne juste au pied de la
vénérable église.
Porto Torres : abside de San Gavino (début XIème) et colonne antique |
Porto-Torres : abside est de San Gavino
|
Porto Torres : côté sud de San Gavino |
Mais ce sont surtout ses lignes, très simples et épurées qui me frappent; j’ai vu ces caractéristiques romanes dans plusieurs petites églises de Sardaigne, mais jamais investies dans des dimensions semblables. Pierre blanche amplement patinée et usée par le temps, (elle fut construite entre 1030 et 1080), forme parallélépipède ornée de deux absides identiques, une à chacune de ses extrémités (manifestation du conflit entre l’Empereur et le Pape ? suggère-t-on). |
San Gavino : le
portail sud, de style gothique aragonais
|
Détails du portail sud de San Gavino |
San Gavino : l'ange bénitier |
San-Gavino : le sourire de l'ange bénitier |
L’intérieur apparait assez clair, bien que
l’éclairage soit limité à quelques fenêtres à lancette
unique (minces fentes verticales) dans les murs de la nef, au
dessus des bas-côtés et dans ces bas-côtés eux-même.
San-Gavino : bas-côté sud en regardant vers l'Est |
San Gavino : la nef depuis l'autel ouest |
Statue équestre de saint Gavino
en bois sculpté, doré &
polychrome (atelier romain du XVIIème)
|
L’intérieur est assez
dénudé, juste comme cela me convient, et presque toutes
le belles pièces de mobilier (tableaux, statue équestre,
catafalque…) réfèrent aux trois martyrs locaux San
Gavino, Proto et Gianuario, patrons de la ville et, je
pense, de la Sardaigne. |
LES TROIS MARTYRS DE L’ABSIDE
EST
Les trois statues en bois polychrome représentant les Saints Martyrs Gavino, Proto et Gianuario sont l'œuvre de sculpteurs-peintres anonymes, probablement issus de l'atelier napolitain, qui les ont réalisés dans les premières décennies du XVIIe siècle. Les statues représentent les trois martyrs couchés sur le lit funéraire, les poignets liés par des cordes et, seule référence à leur martyre, le signe de la gorge tranchée. Selon la tradition hagiographique, les trois saints ont été décapités en tant que chrétiens lors des persécutions des empereurs Dioclétien et Maximien, aux jours du 25 octobre (le soldat Gavino) et du 27 octobre (le presbyte Proto et le diacre Gianuario) en 303 après J.C., dans la localité de Balai, non loin, où se trouve encore aujourd'hui la petite église dédiée à Santu Bainzu ischabizzaddu. Les trois statues, en plus d'être de précieuses œuvres d'art, sont de véritables objets de culte puisqu'elles sont transportées le 3 mai de chaque année de la basilique de San Gavino à la petite église de Balai près de laquelle elles restent offertes à la dévotion populaire et au contact physique des fidèles jusqu'à la Pentecôte, le jour où elles retournent à la basilique en procession solennelle à laquelle participent des milliers de personnes. Ces pratiques religieuses, ainsi que la dégradation naturelle du matériau et de la couche picturale, plus de vingt ans après la dernière restauration, ont conduit à la planification d'une profonde intervention de lutte contre les insectes xylophages, la consolidation minutieuse des couches de peinture et le nettoyage des patines de saleté, des oxydations ainsi que des peintures oxydées non originales, des remplissages et des retouches. |
San Gavino : les trois martyrs de Porto Torres (gisants sur catafalque) |
San Gavino : la nef depuis l'abside Est vers l'autel à l'Ouest |
Les lignes épurées de ce roman primitif me rappellent d’autres belles abbatiales visitées en Europe et surtout en France, directement issus de ou fortement influencées par Citeaux. |
Seuls composants
architecturaux plus ornés en haut des colonnes
monolithes, les chapiteaux à motifs fleuris ont presque
tous été prélevés sur des monuments romains de Turris
Lisibonis, la ville antique qui précéda Porto Torres. Quant à la crypte, au décor plus tardif et quasiment rococo d’après les informations fournies, elle est fermée par une grille et je ne regretterai donc pas trop de devoir l’ignorer… |
Colonnes
monolithes et chapiteaux antiques de réemploi dans
San Gavino
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San-Gavino : tympan du portail nord avec sa scène de combat entre chevaliers et les deux statuettes latérale d'Adam et Ève |
Dernier tour pour contempler également le côté nord, pourvu d’un portail symétrique mais roman celui-là, (originel ?). Dans le tympan une scène de chasse (ou de bataille), de chaque côté deux petites figurines représentant très naïvement Adam et Ève. Toute cette façade forme le côté d’un grand rectangle de gazon vert où l’on a tracé les contour d’une église plus ancienne consacrée aux même martyrs. Les autres côté sont occupés par des petites maisons symétriques à deux étages et escaliers extérieurs qui abritaient des fraternités de fidèles (genre béguinage ?). |
Porto Torres : le
pont romain sur le Rio Mannu du côté amont (sud)
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LE PONT ROMAIN ET LE RIU MANNU
Construit à
l'époque julio-claudienne, ce pont fait partie
d'un réseau routier qui reliait la ville aux
terres fertiles et aux mines de la plaine de
Nurra, sur la rive ouest du fleuve Riu Mannu.
L'ancien Flumen Turritanum, le principal cours
d'eau du nord-ouest de la Sardaigne, était
autrefois navigable sur quelques kilomètres.
Autour de son dernier tronçon de cours d'eau,
était probablement situé le premier port de la
colonie. Le pont, qui est le plus majestueux
ouvrage d'art public romain de l'île et le plus
imposant de l'ancienne Sardaigne, mesure 135 m de
long et 8,5 m de large. Il s'élève sur sept
arches, qui se réduisent d'ouest en est, en
s'adaptant à la morphologie du terrain. Il a
été construit en opus quadratum avec des
blocs de calcaire extraits des carrières locales,
tandis que les parties immergées ont été
renforcées avec de la trachyte pour assurer la
conservation des piles.
En outre, elles avaient été renforcées avec des contreforts pour affronter la crue des eaux. Entre les deux plus grandes arches, il y a deux niches, peut-être utilisées pour contenir les statues de certaines divinités fluviales. Un bas-relief attire l'attention sur la clé de voûte de la plus longue arche : il présente un cantharus au-dessus. quelque chose qui n'a pas encore été identifié et deux museaux de félins avec leurs mâchoires grandes ouvertes. Cela pourrait symboliser le lien entre la vocation maritime de Torris, son port fluvial et le culte de Dionysos, avec sa fonction apotropaïque pour la navigation. Dans les années 1980, le monument a été fermé à la circulation. De récents travaux de restauration ont dégagé l'ancien pavage en dalles. |
Son approche est malaisée, et j’ai beaucoup de mal en avoir un aperçu général, jusqu’à ce que, en me faufilant dans le cours envasé de la rivière au milieu des roseaux, j’arrive à gagner la rive du côté sud et à presque en avoir une vue d’ensemble. Étonnant, l’art de la construction en des temps si lointains, pour un résultat si esthétique et surtout si durable ! | Le pont romain
côté aval (nord) sur le Rio Mannu envasé
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Les dalles de la chaussée antique dégagée sur le pont romain de Porto Torres |
On a dégagé récemment la chaussée
romaine en grosses pierres plates ajustées qui en
garnissaient le tablier, cachées depuis longtemps sous
d’épaisses couches de remplissage.
Visite sans rien d’époustouflant,
mais intéressante, qui complète le kyrielle de
monuments civils, militaires et religieux élevés par
les Romains et découverts dans tous les coins de
l’Europe.
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Nous sommes rendus en fin de matinée, et la visite des ruines des thermes romaines ne me tentant pas (l’essentiel de ce qui a été exhumé de l’antique Turris Lisibonis), je n’ai plus qu’à suivre un peu la côte pittoresque vers l’est, jusqu’au parking dominant la Capella Balai (ou San Gavino al Mare), supposée bâtie sur le lieu du martyr des 3 saints, et but de pèlerinage annuel. L’environnement marin est plein de charme (rochers, petite plage et mer émeraude), le parking presque désert et le soleil inonde le paysage. Je m’y installe pour y passer le début de l’après-midi et y déjeuner paisiblement, sans me presser.
Enfin à 15:30 je
m’ébranle pour gagner le quai d’embarquement, près de la
tour aragonaise entrevu en passant plus tôt en
matinée, tandis que mon gros ferry jaune des Corsica
Ferries, alors juste arrivé, débarquait ses passagers. Je le retrouve maintenant vide, passe sans problème les contrôles et à 16:00 l’Exsis a pris une petite place dans le vaste garage du navire. |
Le départ sur Corsica Ferries : adieu la Sardaigne ! |
De mon côté je monte jusqu’au 5ème pont du navire pour découvrir cette fois très facilement le grand salon rempli de fauteuils pullman destinés au repos nocturne des voyageurs sans cabine. Je m’y installe, presque seul, et travaille plusieurs heures, subis les fortes vibrations au moment du départ, puis de l’accostage dans la nuit à Bastia pour laisser et prendre des passagers. |
Vers 23:00 la faim - et l’épuisement de ma batterie ! - me font grimper au 6ème pont dans le restaurant Dolce Vita dont le décor prétentieux, le chanteur crooner à son piano, les éclairages violents et les tarifs superlatifs me sont dissuasifs. En dessous le self-service beaucoup plus modeste me convient mieux pour avaler tranquillement une assiette de raviolis maison, assez bons ma foi, et suffisants pour calmer mon estomac jusqu’à demain. Le temps de recharger mon ordi, et je retourne à mon fauteuil pullman. Je poursuis un peu mes travaux, puis vers 1:00, range mon matériel et tente de m’assoupir en allongeant le fauteuil et en fermant les yeux, sans réussir à vraiment m'endormir, vu l’inconfort du siège et les vibrations provenant des moteurs quelques ponts en-dessous.