UN TOUR en NOUVELLE-ANGLETERRE

(Nord de New York State et moitié supérieure du Vermont)

(917 km)


Septembre 2018

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29 565 Dimanche 23 septembre 2018 : de MONTRÉAL à ROUSE POINT (83 km)

Départ de Montréal vers 17:00, après que Monique ait passé l’après-midi à cuisiner de quoi remplir mon frigo (bourré !) tandis que je descends vivres et effets personnels dans le ProMaster, sans rien oublier grâce à ma liste de contrôle maintenant à peu près au point. Je termine par le plein d’eau (fonctionnel, mais qui pourrait être plus simple, il faudra trouver une astuce…) et démarre enfin vers le sud. Pas trop de circulation en cette fin d’après-midi de dimanche, au moins pour sortir de la ville. Je suis assez vite sur la A15 Sud qui me mène au poste frontière de Lacolle. Là aussi pas d’attente, je fais seulement un bref passage à la boutique hors taxe pour quérir une bouteille de rhum, puis réponds sans encombre aux questions rituelles de la douanière. Il ne me reste que quelques kilomètres de route en territoire US pour gagner le petit parking public au centre du village de Rouse Point, au bord du Lac Champlain.

Sur le parking public de Rouse Point
Sur le parking public de Rouse Point

La nuit tombe, je ferme les rideaux et pose les volets maintenant à peu près étanches et joliment décorés. Puis je me prépare à souper sans tarder et lis un peu pour me coucher tôt (22:15) en prévoyant un lever aux aurores demain matin, si la fatigue qui m’envahit ce soir m’en laisse le loisir… Réveillé vers 2:00 du matin par la fraîcheur qui s’est installée dans le ProMaster, je dois sortir la deuxième couverture heureusement emportée. Je regrette de ne m’être pas pourvu de la couette en duvet, pourtant de rigueur en dehors de l’été. Je me rendors sans problème jusque vers 8:00.


29 648 Lundi 24 septembre 2018 : de ROUSE POINT à KEENE VALLEY (Adirondacks) (219 km)

Le soleil brille à mon réveil, et la nuit a été calme, mais le froid rend mon lever un peu difficile jusque vers 8:00. Je finis par lancer le Webasto; la pompe démarre, mais sans que le brûleur s’allume… Il faudra passer chez Remco Air pour une mise au point ! Je fais donc tourner le moteur et la chaufferette au maximum, la température ne tarde pas à monter à un niveau confortable. Je puis alors sans retard déjeuner et prendre ma douche. Il est passé 9:00 lorsque je retourne à Champlain pour récupérer la poignée commandée sur eBay et livrée chez Freeport Forwarding. Une première recherche n’aboutissant pas, je dois fouiller sur mon ordi pour retrouver le numéro de tracking et qu’enfin l’employée découvre ma petite enveloppe et me la remette. Trois dollars de commission, et voilà la question réglée. Vite déballée, la pièce va rejoindre le stock de matériel emporté et me voilà prêt pour la suite de ma balade. J’hésite un peu où diriger mes roues. Je dispose bien du Guide Vert de la Nouvelle Angleterre, mais l’état de New-York n’y figure évidemment pas, et je voudrais bien découvrir un peu les Adirondacks, observées de loin depuis l’autre rive du Lac Champlain lors de mon dernier tour au Vermont. Je retourne donc à Rouse Point, mais y suis incapable d’y découvrir un Tourist Office qui pourrait me fournir guides et cartes.

Devant la marina de Rouse Point
Le Lac Champlain devant la marina de Rouse Point

Je reviens donc sur l’autoroute I-87 en direction de Plattsburg et tombe, une trentaine de km plus loin, sur l’officine recherchée. La documentation que l’on m’y donne aimablement me semble mal foutue (plus publicitaire qu’informative) mais la carte touristique avec quelques itinéraires recommandés m’aide à m’orienter dans la partie nord de l’État. Après avoir consciencieusement épluché le matériel remis, je décide de rejoindre l’Olympic Byway (Route 9N) en suivant la rive ouest du lac Champlain, puis de me rendre jusqu’à Lake Placid, J’y déciderai alors s’il y a lieu de poursuivre plus loin vers l’ouest, ou d’emprunter la 73 vers l’est (High Peaks Byway) pour rejoindre le lac Champlain et le traverser à Crown Point vers le Vermont, le seul pont dans ce secteur. Jolies vues sur le lac et sa rive est, où se devinent en arrière plan les hauteurs des Green Mountains. Je roule un peu en suivant le rivage au plus près (Route 9), traverse Plattsburg sans m’y arrêter (apparemment assez quelconque…) et vais piqueniquer un peu plus loin à l’entrée du parc d’AuSable Point, un site naturel bien protégé où j’ai la chance de voir un superbe héron venir pêcher sur un petite plage sableuse juste devant moi.

Piquenique devant le rivage d'Ausable Point
Piquenique devant le rivage d'AuSable Point

Le héron d'Ausable Point
Le héron d'AuSable Point


Il fait très beau, les panneaux solaires donnent à plein, mais les indications sur mon compteur de Coulomb restent incompréhensibles pour moi (l’énergie diminuerait dans la batterie !), il faudra que j’inverse le sens du capteur de Hall je crois ! Au moins les paysages autour de moi sont-ils des plus lumineux…

Depuis Ausable-Point, le lac Champlain et les iles au
            nord
Depuis AuSable Point, le lac Champlain et les iles au nord

Je rejoins Keeseville, passe sous l’autoroute I-87 pour emprunter maintenant la 9N qui ne tarde pas à s’enfoncer dans les montagnes. Les panoramas sont cependant plutôt rares, la forêt touffue arrivant pratiquement jusqu’aux bermes de la route, par ailleurs assez montueuse, donc sinueuse et variée. Bref arrêt en traversant la rivière AuSable au niveau d'AuSable Chasm, pour faire quelques photos depuis le pont. Le site renommé, privatisé et outrageusement aménagé (et le passage à la caisse obligatoire, bien entendu !) ne m’emballe guère. J’y reviendrai éventuellement avec les enfants et Monique y faire quelques unes des activités de plein air proposées.
Ausable Chasm: la chute et l'usine électriqueAuSable Chasm: Rainbow Falls et l'usine électrique
Ausable Chasm : la chute

Ausable Chasm : cascade sous le pont
AuSable Chasm : cascade sous le pont

Toujours dans Ausable Valley, la façade sobre et toute classique de l'École Centrale retient mon attention, tout comme sa devise affichée sur le panneau adjacent.

L'école centrale d'AuSable Valley
L'école centrale d'AuSable Valley...
L'école centrale d'AuSable Valley
...et sa devise

À Wilmington s’annonce la route à péage (12 $ voiture + chauffeur, 8$ par passager supplémentaire) qui grimpe au sommet du Mt Whiteface (4 867 pieds). J’hésite un peu, puis me décide à tenter l’aventure. Bien m’en prend, car ici pas de mise en scène, la longue montée accentuée sur une chaussée excellente s’arrête brusquement une centaine de mètres au-dessous du sommet.

Montée sur Whiteface Mountain
En cours de montée sur Whiteface Mountain

Là il faut sortir chaussures de marche, polar et coupe-vent pour parcourir les escaliers puis les entassements rocheux assez raides qui mènent à la station météo et à la plateforme couronnant le mont à 4 865 pieds (1 483 m). Il vente, le chemin est assez malaisé, mais de là-haut vue spectaculaires à 360° sur les Adirondacks à l’ouest et les Green Mountains devinées à l’est. Une suite de petits panneaux bien faits illustrent les éléments géographiques, botaniques et climatologiques particuliers de ce milieu naturel exceptionnel et bien protégé. Et surtout, le paysage très vaste récompense largement pour l’effort de la grimpette !

Sentier de crête vers le sommet de Whiteface Mountain
Sentier de crête vers le sommet de Whiteface Mountain

Whiteface Mountain : panorama sur les lacs
Whiteface Mountain : panorama sur les lacs

Whiteface Mountain : panoramique sur la chaine des
            Adirondacks
Depuis Whiteface Mountain, la chaine des Adirondacks

Depuis Whiteface Mountain vers Lake Placid
Depuis Whiteface Mountain, vers Lake Placid
La tour d'observation au sommet de Whiteface
                    Mountain
La tour d'observation au sommet de Whiteface Mountain
En quittant Whiteface Mountain
En redescendant, la station sur la crête de Whiteface Mountain

Descente de Whiteface Mountain
Dernier coup d'oeil au paysage avant d'aborder la descente de Whiteface Mountains

Le temps de redescendre, et déjà l’après-midi touche à sa fin.

Je gagne alors la fameuse station huppée de Lake Placid qui accueillit deux fois les Jeux olympiques d’hiver (1932 et 1980). Peu à voir pour moi qui ne suis guère sportif... Je fais néanmoins le tour du petit lac bordé de maisons huppées puis, déçu de n’y trouver aucun espace favorable au bivouac, décide de reprendre la route vers l’Est, puisque je manque d’informations pouvant de me convaincre de poursuivre vers l’Ouest (Saranac, Tupperlake, etc.). Je suis bientôt sur la 73 Est qui longe essentiellement le cours de divers torrents encombrés de rochers assez typiques en serpentant au pied des monts.

Route entre Lake Placid et Keene
Route entre Lake Placid et Keene

La route descend fortement en s’avançant vers l’est, le soir descend, l’essence baisse aussi dans le réservoir… et pas de station-service en vue. Je ne trouve pas d’espace intéressant pour bivouaquer à Keene, mais un peu plus loin avise dans le petit bourg de Keene Valley, au bord d’une rue débouchant sur la grande route, un espèce de parking public presque désert.

Keene-Valley-bivouac-sous-la-pluie
Keene-Valley : bivouac sous la pluie au centre du village

Comme il est explicitement interdit de stationner sur les rues du village entre 2:00 et 10:00 (?) je me glisse sur cet espace providentiel passé 19:00, mets en place les volets, soupe puis m’attaque à ce journal. Pas de connexion sur le téléphone pour rejoindre Monique via Skype. De toute façon, elle a pu me suivre grâce à la géolocalisation de mon IPhone. Coucher tôt vers 22:00.


29 867 Mardi 25 septembre 2018 : de KEENE VALLEY à MIDDLEBURY (78 km)

Après un peu de lecture je me suis bien endormi, mais réveillé vers 2 heures avec des crampes d’estomac qui ne se calmeront qu’après une petite collation. Incommodé par une odeur insidieuse d’urine, je rince les conduits de la toilette, mais constate qu’en l’absence de siphons sur les lavabo, évier et douche, il faut impérativement placer sur les bondes des bouchons lorsque non utilisés. Moyennant quoi l’odeur désagréable disparaît… Avec tout cela il est près de 4 heures lorsque je me rendors, dans des rafales qui présagent un temps maussade pour demain… Effectivement il pleut lorsque j’émerge vers 9:00 ! Température de 14,9°C à l’intérieur, cela pourrait être pire, et toujours impossible de faire démarrer le Webasto. Je vérifierai si les vannes sont bien ouvertes côté moteur. Démarrage à 10:00 pour trouver de l’essence. La route de montagne très sinueuse se poursuit pour une trentaine de km jusqu’à descendre brusquement au sortir des monts au dessus du lac Champlain. Ciel plombé, bruine voire averses continuelles, le panorama est complètement bouché… A Moriah, premier village rencontré, je fais le plein (3,00 US$ le galon, soit 1,03 CA$ le litre, pas si mal !) peu après que le voyant d'alerte se soit allumé, il était temps ! Je poursuis ma descente dans la purée de pois et arrive dans la petite ville de Port Henry, en bordure du lac.

Là, longue pause pour examiner les cartes, guides et autres infos et décider de ma prochaine destination. Le matériel remis dans les offices de tourisme étant essentiellement publicitaire, et donc bien peu fait pour mener à des choix raisonnés et simples, je dois fouiller un bon moment avant de me décider : je gagnerai d'abord Middlebury dont la grande «attraction» est son college, important et ancien (ca. 1830). Ses bâtiments de marbre éparpillés sur un grand campus de 200 ha devraient valoir le coup d’œil. De plus une galerie d’art y rassemblerait quelques œuvres intéressantes… Je profite de l’arrêt pour vérifier les vannes du Webasto sous le capot : elle sont toutes 2 bien ouvertes, le pb de démarrage du brûleur ne vient donc pas de là. Je vais prendre mon déjeuner assez tard et sous la pluie au bord du lac, dans le stationnement du Crown Point Historic Site, devant le Fort St Frédéric. Il est placé juste avant de s’engager sur le nouveau long pont qui franchit un rétrécissement du lac Champlain vers le Vermont à Chimney Point. Cette position stratégique avait suscité la construction de 2 forts, un premier par les Français, tombé en 1659 à la Conquête, et un second par les Anglais, tombé quelques année plus tard lors de la Guerre d’Indépendance.

Crown-Point : Site historique de Fort-St-Frederic
Crown Point, site historique de Fort St-Frédéric : ruine des forts et nouveau pont

Petit tour sous la pluie autour des ruines abondamment commentées par des panneaux fort bien faits, puis visite du centre d’information – et tourist office de l’état de NY - installé dans l’ancien bâtiment du péage du premier pont New York-Vermont.

Crown Point : l'ancien pont sur le Lac Champlain
Crown Point : l'ancien pont sur le Lac Champlain (1912)
Site du Old-Lake-Champlain-Bridge :
                  prospectus-touristique
Site du Old-Lake-Champlain-Bridge : prospectus-touristique

Ce bel ouvrage d’art, construit en 1912 et démoli en 2010 car irrémédiablement endommagé par le temps, a été aussitôt remplacé par une autre réalisation tout aussi élégante mais a priori beaucoup plus durable. Je parcours avec intérêt un petite exposition bien faite avec notices, photos et quelques artefacts qui resituent l’ouvrage dans son contexte historique et humain. Je glane aussi quelques cartes qui me manquaient, passe le pont sous la pluie et poursuis ma route maintenant au Vermont.

Oies
            sur la Lac Champlain
Bernaches du Canada ou outardes sur le Lac Champlain

Le GPS me mène alors directement à mon but par un enchevêtrement de petites routes rurale, non revêtues mais excellentes. Elles me font découvrir un belle campagne, vallonnée et très verte, activement mise en valeur par des fermes qui s’égrènent régulièrement le long du chemin. Voilà le Vermont profond, loin de la carte postale touristique, qui mérite bien son nom… Mes roues ne soulèvent heureusement pas cette poussière grisâtre qui s’infiltrerait partout dans l'habitacle, mais plutôt une boue claire et collante qui ternit bientôt durablement vitres et carrosserie…

La pluie continue pendant mon tour du campus de Middlebury. Effectivement un grand nombre de bâtiments, disséminés sur un très vaste green ras tondu, sont pour la plupart anciens et inspirés du classicisme grec en vogue à l'époque. Ils montrent de grosses  pierres grises et blanches, avec frontons triangulaires, frises «à la grecque», voire colonnades. Tout cela a un certaine allure et me fait penser aux grandes et traditionnelles universités anglaises, mais celles-ci génèrent quand même plus de charme ! Comme là-bas, vastes terrains de sport où de nombreux étudiants en groupes colorés et sans apparente discipline formelle s’animent malgré la petite pluie… Il est presque 17 heures à la fin de mon tour, la galerie d’art fermera dans quelques minutes, je remets donc sa visite à demain matin vu la météo pessimiste. Il ne reste plus qu’à trouver un coin où poser mon bivouac.

Middlebury College : Voter HallMiddlebury College : Voter Hall Middlebury-College : McCullough Gymnasium Middlebury College : McCullough Gymnasium
Middlebury College : façade de la Starr LibraryMiddlebury College : façade de la Starr Library Middlebury College, facade de Mead Memorial
                  ChapelMiddlebury College, façade de Mead Memorial Chapel

Je trouve facilement le parking du musée, mais incorporé au campus, il est soumis aux mêmes règles assez strictes de stationnement (j’aperçois même une voiture bloquée par un sabot !). Donc prudence ! je m’éloigne à peine et trouve à deux pas une rue résidentielle en bordure de campagne où je vais discrètement me poser, à la limite entre 2 propriétés. Le soir tombe, la circulation y est inexistante, le bruit inaudible… Parfait !

Bivouac sur Green Mountain Place
Bivouac sur Green Mountain Place

Je poursuis mon étude des cartes et du Guide vert pour préparer la suite de mon périple, puis pose les volets et réchauffe un plat pour mon souper. Écriture du journal, relevé de mon courrier et courte lecture sur la tablette pour me coucher tôt, prévoyant demain matin un petit tour au centre ville avant l’ouverture du musée à 10:00.


29 945   Mercredi 26 septembre 2018 : de MIDDLEBURY à RUTLAND (Emmett Av.) (64 km)

Une autre journée de pluie, mais avec une température qui s’est étonnamment radoucie et se terminera par un déluge orageux, sans éclairs ni tonnerre cependant. Réveillé dès 6:30 par Monique qui m’appelle en répondant à une autre message FaceTime, je lui donne quelques nouvelles, un peu perdu, puis tâche de me rendormir pour me lever enfin après 8:30. Nuit des plus calmes sur cette rue périphérique bordée de quelques jolies maisonnettes presque campagnardes au milieu de leur grand terrain. Aucun dérangement bien sûr, le silence à peine troublé par quelques passage de voitures au moment de l’ouverture des magasins et bureaux. Je suis sur la route passé 9:30, et gagne aussitôt la grand parking devant le musée à quelques centaines de mètres.

Belle présentation de quelques pièces intéressantes dans les quelques salles ouvertes au public, de la peinture – surtout américaine du XIXe – mais aussi des antiquités égyptiennes, grecques et romaines, de bonne facture dans l’ensemble. Mais près de la moitié des aires a été libérée pour une exposition d’art islamique, assez bien faite et de bon niveau; cependant j’ai vu de bien plus belles pièces dans plusieurs musées européens (Gulbenkian à Lisbonne entre autres). Je regrette donc un peu que la place donnée aux peintres américains ait été aussi réduite et que les nombreuses pièces européennes citées par le Guide vert soient du coup retournées dans les réserves…

Middlebury-College-Museum-of-Art-La-trahison-du-Christ-Albastre-anglais-ca Middlebury College - Museum of Art : La trahison du Christ (albâtre anglais ca. 1500) Assiette à poissons en figure rouge
                  (Campanie-350-av.JC) Assiette à poissons en figure rouge (Campanie, 350 av. n.è.)

Ibis en bronze, Egypte (644-343 av. JC)
Ibis en bronze, Égypte (644-343 av. n.è.)

Relief funéraire de Malko (Palmyre-300-ap.JC)
Relief funéraire de Malko, Palmyre (300 ap. n.è.)

Chameaux et chamelier, Chine (618-907)
Chevaux, chameau et chamelier, Chine (618-907)

Ottle Creek, Midddlebury, Vermont par Frederic Edwin
            Church (1854)
Ottle Creek, Midddlebury, Vermont, par Frederic Edwin Church (1854)

Autoportrait d'après Hyacinthe Rigaud (1710)
Autoportrait, d'après Hyacinthe Rigaud (1710)

Etude pour Aux courses, par Giuseppe De-Nittis-(1874)
Étude pour Aux courses, par Giuseppe De Nittis (1874)

Il est passé midi lorsque je retrouve mon ProMaster – sous la pluie qui se poursuit, hélas! - pour faire un tour rapide sur le green central de la petite ville. Il ne présente rien d’inoubliable, sinon quelques belles vieilles maisons fin XIXe.

Une belle et grande maison anncienne dans le centre de
            Middlebury
Une grande maison ancienne et soignée dans le centre de Middlebury

Je reprends donc la route vers le sud et Branbury où je veux aller admirer les Llana Falls signalées par le G.V. Déjeuner sur le petit stationnement sous les grands arbres au bord de la petite route, puis montée assez raide sur le sentier où je m’essouffle vite. Heureusement il n’est pas bien long, mais le lookout signalé ne donne qu’une vue d’en-dessus, et tronquée par les gros rochers glissants sur lesquels la prudence interdit de s’aventurer. Un coup pour rien !

Branbury : Llana Falls
Branbury : Llana Falls sur le Sucker Brook vues d'en dessus

Au moins la pluie m’aura-t-elle épargné lors de ce petit bol d’air, mais elle reprend dès que je me remets à rouler. Dommage, car les paysages très verts et doucement animés seraient bien plus agréables sous la grande lumière et, pourquoi pas, le soleil !

Proctor : Vermont Marble MuseumProctor : Vermont Marble Museum Proctor : Vermont Marble Museum, la carrière
                  originelleLa carrière originelle

Ma prochaine étape sera pour le Vermont Marble Museum, à Proctor. Il s’agit de la plus grande unité d’extraction de marbre au monde, elle fonctionne depuis plus d’un siècle ! Cette carrière a fourni les matériaux nobles de la plupart des grands bâtiments fédéraux à Washington et un peu partout aux USA (le Greek Revival faisait un grand emploi du marbre blanc, spécialité locale), sans compter les pierres tombales d’Arlington et de combien d’autres chapelles funéraires. Les statues religieuses et autres,  funéraires ou non, ne se comptent plus, d’un goût que je n’apprécie guère, et l’atelier de sculpture in situ les a remplacées maintenant par des élucubrations guère plus élégantes, quant à moi.

Le tour commence par une galerie inattendue présentant toute la série des présidents américains (de Washington jusqu’à Jimmy Carter). Leurs stèles en bas relief ornent les murs d’une longue pièce rectangulaire en lui donnant un air assez solennel. Quelques détails sur les origines, métiers, et trait particulier de chacun donnent un peu de piquant à cette longue procession…

Vermont Marble Museum : galerie des Présidents
Vermont Marble Museum : galerie des Présidents
Bas-relief d'Ulysses S. Grant
Bas-relief d'Ulysses S. Grant

Une autre salle traite de façon très vivante et accessible des propriétés chimiques du carbonate de calcium, le composant essentiel du marbre, de son emploi industriel et de son omniprésence en forte proportion dans quantité de produits de notre vie quotidienne : papier, peinture, plastique, mastic à joint, médicaments, etc. Plus loin d’autres affiches exposent son rôle essentiel dans la lutte contre les pluies acides, et comment un épandage systématique et mesuré a permis de réanimer les rivières à saumon et les plantations arboricoles en décrépitude en Amérique du Nord, comme un peu partout dans le monde. Une information corporative bien faite de la Somya, l’entreprise suisse maintenant propriétaire des lieux.

La carrièreProctor Vermont Marble Museum : la carrière carriere-de-West-Rutland

Les autres salles évoquent avec de grandes photos saisissantes en noir et blanc le développement historique de l’exploitation du gisement, la dimension sociale et humaine de l’entreprise qui importa, d’Europe surtout, quantité d’ouvriers spécialisés (Italiens bien sûr, mais aussi d’Europe de l’est) dont beaucoup finirent par faire souche dans la région. Quelques explication techniques aussi, évoquant surtout l’évolution de la machinerie et des méthodes qui ont rendu le travail moins rude, moins dangereux et beaucoup plus productif (du sable au diamant, de la locomotive à vapeur au pont roulant de 500 tonnes…).

Clarendon-Pittsford-Railroad
Pont roulant et locomotive à vapeur

C’est la fermeture à 17:00 qui me chasse des dernières salles présentant tout un échantillonnage de grandes plaques dont un polissage soigné met en valeur le grain, les couleurs et les dessins. Une autre visite informative des plus intéressantes… La pluie s’est intensifiée tandis que je descends maintenant vers Rutland où le G.V signale le Wilson Castle. Dans la lumière qui s’affaiblit, j’aperçois sa masse de briques rouges un peu insolite au-dessus de la route de vallée. Vaste toit d’ardoise, tours d’angle et galerie voutée en avant, ferme dans le même style à proximité, je pense aux Country Houses visitées en Angleterre. Mais lorsque j’emprunte le chemin défoncé qui me mène à son pied je constate que la noble bâtisse est plutôt décrépite… le National Trust anglais n’est pas intervenu ici !

Wilson-Castle
Rutland : arrivée au Wilson Castle

Rutland : arrivée au Wilson Castle
Rutland : Wilson Castle en début de soirée et sous la pluie

Wilson Castle depuis la route
Wilson Castle depuis la route

Les visites sont terminées, je me hasarde à pousser la porte entrouverte, mon coup de heurtoir étant resté sans réponse. J’entends parler, je m’avance et suis reçu dans une grande pièce sombre par une jeune femme en train de discuter avec une dame âgée qu’elle me présente comme la propriétaire des lieux. Ambiance obscure, tout le mobilier d’époque semble là, mais dans son jus, i.e. sans rénovation, les murs sont fissurés, les décors peints délavés, tachés ou plein d’accrocs, on sent que, sans être abandonnée, la vénérable bâtisse manque des fonds nécessaires pour lui redonner un peu de son lustre original.

Répondant à ma curiosité, et probablement piquée par ma réflexion « On dirait un château hanté d’Écosse » la jeune femme me propose gentiment de faire au moins un petit tour malgré l’heure tardive. Et nous voilà enfilant les pièces immenses qui se succèdent d’abord au rez-de-chaussée, puis au premier étage. Partout la même ambiance surannée, un rien mystérieuse puisque le maison ne fut habitée que 7 ans par sa première propriétaire, une Européenne ayant épousé un riche américain du Vermont qui la bâtit pour elle. « Que lui est-il arrivé ? Elle est morte ? » - « Non, elle a disparu, et on ne sait pas très bien ce qu’elle est devenue…». Puis elle sort son téléphone et cherche des photos prises par des visiteurs qui montrent à plusieurs endroits des ombres, des fantômes dont les silhouettes estompées semblent évoquer un drame des temps anciens…

Nous finissons le tour de cet étrange château, mon hôtesse improvisée m’invite à revenir demain pour une visite guidée plus détaillée et plus officielle que je décline, craignant de ne pas comprendre grand chose aux explications de la guide. (« Je suis Français et parle très mal votre langue…». Elle prend aimablement congé pour retourner à ses affaires.

En passant la lourde porte pour retourner au ProMaster, je suis accueilli par une pluie diluvienne. Pas de parapluie, je dois attendre près d’un quart d’heure avant que les hallebardes cessent de tomber, d’autant plus que le palier devant la porte est copieusement arrosé par une cascade se précipitant du toit… les gouttières aussi sont déficientes… Je finis par regagner l’abri du ProMaster et tente, dans la demi-pénombre, derrière le pare-brise, de faire quelques photos de cet étrange manoir hanté.

Encore une dizaine de km en suivant la vallée verdoyante, et je suis à Rutland, une autre petite ville vermontaise assez étalée. Je m’enfonce dans l’une des rues perpendiculaires à la grande route, finis par trouver une impasse et vais m’installer comme à mon accoutumée devant l,extr.mité d'une haie touffue entre deux maisons. La nuit tombe bientôt, personne dehors à cause de la pluie, je suis tranquille pour me mettre à l’écriture du journal, au transfert des photos de la journée après un souper léger d’une salade. Coucher passé minuit dans le grand silence.


Jeudi 27 septembre 2018 : de RUTLAND à WOODSTOCK (78 km)
Bivouac sur
                    une rue résidentielle à Rutland
Bivouac sur une rue résidentielle de Rutland
Bien peu de route aujourd’hui, mais je me suis réveillé tard (passé 9:00) malgré le grand soleil. Le temps de me préparer sur ma rue tranquille, et je ne suis sur la route que passé 10:15…

Je cherche un peu sur la carte, à trop grande échelle, et sur le GPS, incomplet, pour trouver une petite route de campagne qui me mènerait directement à mon objectif de la journée, le hameau de Plymouth Notch où se trouve la maison natale du 30ème président des USA, Calvin Coolidge. Le site a été entièrement protégé dans son jus et aménagé par l’État du Vermont pour honorer l’un de ses illustres enfants.

Je zigone pas mal pour sortir de Rutland et finis par rattraper, après un grand détour, la Route 7 sur laquelle, à une dizaine de km, s’embranche la 103. Je rate la première petite route, apparemment la plus directe, qui s’engage dans la montagne, et dois prendre la suivante pour rejoindre le village de Shrewsbury. Heureusement les paysages sont bucoliques à souhait, et c’est un plaisir de suivre les virages qui s’enchaînent en réservant sans cesse de nouvelles vues.

Arrivé au hameau de North Shrewsbury, une petite route à droite indiquée Old Plymouth Road me semble la voie toute tracée pour atteindre mon but. Un panneau « Dead End» ne m’arrête pas, ayant trop souvent vu cet avertissement destiné à décourager les étrangers d’utiliser une voie vicinale… Certes le chemin n’est pas pavé et il est assez étroit, mais vu la circulation… Il s’insinue dans une végétation touffue, dont le soleil brillant accentue la verdoyance ; de temps à autre pointe la montagne vers laquelle je me dirige. Il faudra la franchir pour descendre dans la vallée de l’autre côté et rattraper la Route 100 puis la 100a où se trouve le site historique.
Plymouth Road
Old Plymouth Road allant en se rétrécissant...

Tout va bien sur près d’une dizaine de kilomètres, quoique l’état de la chaussée aille en s’empirant : roches dépassant de l’empierrement, étroitesse, zones moins bien aplanies, jusqu’à ce qu’on débouche sur une clairière où la route se transforme en piste, à l’évidence impraticable avec le ProMaster.

Il faut faire demi-tour pour aller prendre une voie alternative depuis le hameau de North Shrewsbury. Même paysage agréable que j’ai le temps de goûter, cette fois-ci en sens inverse, jusqu’à m’arrêter sur une aire de stationnement près du départ du chemin. Un panneau des National Forests explique qu’il s’agit d’une piste destinée à la randonnée et à la motoneige, interdite de passage aux véhicules motorisés tout terrain… Voilà qui est clair ! je dois donc comprendre que la route indiquée sur la carte routière du Vermont est la suivante qui, elle, me mènera à bon port sur le même genre de voie non asphaltée, tout aussi forestière et jolie, avec un avertissement de non-entretien en hiver… Je franchis la montagne, redescends à travers la Coolidge National Forest et tombe quelques kilomètres plus loin sur le site historique aménagé.

Entre North Shrewsbury et Plymouth Union
Entre North Shrewsbury et Plymouth Union, l'autre route toute aussi forestières et jolie... mais guère plus large !

Avec ces mésaventures le temps a passé, je prend place sur le petit stationnement et commence par déjeuner. Il fait toujours beau, grand ciel bleu à peine entamé par quelques longues traînées blanches effilochées. Après le café je m’avance jusqu’au centre d’accueil qui sert de billetterie mais aussi d’introductions avec textes et photos éloquentes présentant la vie et la carrière de ce 30ème président des USA.

Centre d'accueil de Plymouth Notch
Centre d'accueil de Plymouth Notch

Issu du peuple, Calvin Coolidge en émergea, suite à ses études de droit et à son engagement très tôt en politique active. Ce fut le décès inattendu de Warren G. Harding, dont il était vice-président, qui le propulsa à la Maison Blanche où il n’exerça qu’un mandat (1923 à 1928), Se retirant des affaires publiques tout en prenant sa retraite, il mourut brusquement en 1933, à 61 ans, d’une crise cardiaque. On trouve beaucoup d’informations un peu anecdotiques dans cette exposition qui situe assez bien l’époque (fin des «Roaring Twenties» subissant les séquelles de la 1ère Guerre mondiale, juste avant la crise de 1929) mais qui laisse à mon sens trop peu place à son programme politique et à ses accomplissements. La page consacrée à Coolidge sur Wikipedia est beaucoup plus instructive.

Nomination comme Chief Leading Eagle par les
                    SiouxNomination de Coolidge comme Chief Leading Eagle par les Sioux, après qu'il ait reconnu aux Amérindiens la citoyenneté à part entière Coolidge-en-Chief-Leading-Eagle Portrait de Coolidge en Chief Leading Eagle

Je visite ensuite les bâtiments du hameau qui sont bien conservés. Tous possèdent mobilier et équipement d’époque, et j’y retrouve bien des éléments présents dans la maison de mon arrière-grand-mère Maria Ringuenet à Lignières-la-Doucelle. Mais la vie ici était plus difficile (les communications), plus rude (le climat) et moins confortable, même pour un ex-colonel plein de ressources qui s’était établi après le Guerre Civile dans ce coin de campagne, comme l’était le père John Calvin Coolidge Sr. Visite du magasin général que celui-ci tint d’abord, et de la très modeste cabin de bois attenante où naquit le futur président.

Plymouth Notch: le country store en avant de la maison
            natale
Plymouth Notch: le country store en avant de la maison natale

Plymouth Notch maison natale attenante au country
              store
Plymouth Notch : la modeste cabin, maison natale attenante au country store

Cuisine de la maison natale
Cuisine salle à manger minimalistes de la maison natale

cuisine-de-la-maison-nataleCuisine salle à manger de la modeste maison natale Plymouth-Notch-chambre-a-coucher-de-la-maison-natale
Chambre à coucher exigüe la maison natale

Puis c’est la maison de sa jeunesse, nettement plus vaste et cossue, de l’autre côté de la rue. Là toutes les pièces ont gardé intégralement leur mobilier original, et l’on a vraiment l’impression d’une capsule temporelle exceptionnelle (y compris le bureau paternel où le nouveau président prêta serment entre les mains de son père, habilité à le recevoir de par son statut officiel de notaire local !). La Bible est encore sur le table... Je prends beaucoup de photos qui détaillent assez bien le mode de vie de la famille…

Coolidge homestead
Coolidge homestead

La table familiale dans la cuisine
La table familiale dans la cuisine-salle à manger

poele-du-Parlor Plymouth Notch : bureau de l'assermentation du
                    futur président Coolidge
Plymouth Notch : poêle du parlor et bureau où eut lieu l'assermentation
du futur président Coolidge

De l’autre côté du pré, la ferme des grands-parents n’existe plus, mais demeure l’atelier à tout faire, empli des outils de l’époque… À côté de la petite église toute blanche au décor intérieur soigné de bois verni et ciré, le petit jardin créé par la belle-mère aux alentours de 1900… Enfin, une centaine de mètre plus loin en montant la côte, la fromagerie fondée par Coolidge père fonctionne toujours, revendue, modernisée, qui produit un fromage artisanal de haut niveau et, semble-t-il, fameux. Le genre Cheddar ne m’inspirant guère, je m’abstiendrai d’en acheter, mon atavisme français – et normand qui plus est – m’inspirant des goûts plus prononcés. J’ai pris mon temps pour apprécier le maximum des informations qui me sont accessibles, si bien qu’il est presque 17:00, heure de la fermeture, lorsque je regagne mon véhicule sur le parking. En passant je jette un coup d’œil à la diligence Concord (1840) joliment restaurée et abritée dans la grange. Cette voiture confortable assurait la liaison avec la petite ville de Woodstock vers laquelle je vais maintenant me diriger.


Diligence Concord « Aigle volant »#348
(numéro estampillé sur les essieux arrière droit et gauche)

Malle-poste Concord dans la grange
Diligence Concord (1840) dans la grange

Son système de suspension unique, le "thorough brace", était constitué de larges courroies de cuir épaisses (au lieu de ressorts). Ce système réduisait les pannes et permettait à la caisse de la voiture de se balancer d'un côté à l'autre, ce qui rendait le voyage beaucoup plus confortable

Les diligences Concord étaient expédiés dans le monde entier. Cet exemplaire peut avoir été fabriqué par L. Downing Son ou J. S. Abbot Company vers 1850. Il s'agit d'une voiture "hôtel" ou "ville" avec des portes-fenêtres - un style qui était populaire dans l'est des États-Unis. Elle était autrefois utilisé sur la route postale entre Woodstock et Reading, dans le Vermont.

Avec l'avènement des chemins de fer, les diligences se sont progressivement limitées à des voyages pittoresques entre les gares et les auberges populaires. L' «Eagle Flyer» a servi à ce titre pendant une bonne partie du 20e siècle, transportant des passagers de la gare de Woodstock à l'auberge de Woodstock. Retrouvée démantelée dans une grange de South Woodstock, cette voiture a été restaurée en 1966.


Suspension très souple de la malle-poste Concord
Suspension très souple en courroies de cuir de la diligence Concord

Le ciel s’est chargé, il fait un peu plus frais et la lumière se fait plus parcimonieuse. Je prends alors la direction de Woodstock par la Route 4 rattrapée à Bridgewater Corners, route de vallée excellente et agréable.

Woodstock se présente comme une petite ville assez luxueuse, où la haute bourgeoisie de Boston voire des autres grands centres urbains de la Côte Est aimaient venir prendre un bain de verdure. D’où une architecture plus sophistiquée que la moyenne, un environnement soigné et des boutiques de luxe (vêtements, galeries d'art, etc.). J’y arrive pratiquement à la tombée de la nuit, parcours les quelques grandes rues d’un bout à l’autre pour trouver un bivouac (que je trouve sur une place derrière une église, devant un centre de santé dispensaire). Une fois l’endroit découvert et mon home posé, je le laisse là et part à pied faire un petit tour dans le centre-ville, à vrai dire assez exigu.

BibliothèqueLa bibliothèque néo-romane sur le Green et ses chapiteaux Chapiteau-de-la-bibliotheque

Entrée de
              l'Auberge
Entrée de l'Auberge (Woodstock Inn) sur le Green à la nuit tombée

Quelques photos et lèche-vitrine (tout est maintenant fermé hormis les restaurants, assez chics et chers !), et je rentre chez moi pour souper, rédiger mon journal et classer les photos du jour. Coucher à 22:45.


30 087 Vendredi 28 septembre 2018 : de WOODSTOCK à MONTPELIER (131 km)

Réveil et lever passé 8:00 après une bonne nuit de sommeil. Le ciel gris, peu engageant, ne m’incite guère à bouger, et je reste un long moment sur mon parking tranquille et silencieux à l’écart de la route, à relire et corriger ce journal, à le compléter au besoin avec la documentation rassemblée, puis à poursuivre le traitement des photos pour finalement décoller vers 11:00. Je commence par passer au supermarché du coin pour me procurer un surligneur jaune fluo, histoire de mieux m’y retrouver sur les cartes remises par les offices de tourisme : le graphisme n’est pas des plus lisibles (ah, Michelin !) et les lieux intéressants ou visités ne ressortent pas assez. Je me dirige ensuite vers le principal point d’intérêt de Woodstock : le Parc Historique national Marsh-Billings-Rockefeller sis sur une hauteur un peu au-dessus de la ville. Environnement luxueusement aménagé près de la Billings Farm qui fait partie du complexe, mais ne retiendra pas mon attention pour aujourd'hui. Je commence par manger sur le parking, tandis qu’une petite partie du troupeau de Jersey sélectionnées broute devant moi dans la prairie… Puis je me dirige vers le centre d’interprétation du Parc.

C’est alors que je m’aperçois, au moment de payer mon entrée, de la disparition de ma carte Master Card. Fouille anxieuse de mon portefeuille, puis de mes vêtements, retour au camion pour vérifier si elle ne serait pas tombée dans un des espaces exigus et peu visibles… sans résultat. Je vérifie le kilométrage pour le retour à Montréal : pas de problème, je ne manquerai pas d’essence, et il me reste assez de liquide pour mes menus besoins. Je décide donc de profiter du moment et de ma présence ici pour compléter mon tour de ce superbe parc historique, je repasserai ensuite à l’épicerie de ce matin, au cas où…

Ma visite de l’intérieur de la mansion (manoir serait peut-être la meilleur équivalent) étant réservée pour 16:00, j’ai le temps de parcourir les nombreux panneaux présentés dans le centre des visiteurs aménagé dans l’ancienne Carriage Barn (grange des voitures hippomobiles).

Marsh-Billings-Rockefeller-National-Parc-2.

NAISSANCE DU CONSERVATIONSIME AMÉRICAIN

Les Green Mountains du Vermont, avec leurs collines boisées, leurs petites fermes et leurs villages pittoresques, n'ont pas toujours été aussi belles et aussi vertes. Après la Révolution américaine, les colons ont afflué dans le Vermont. Au milieu du XIXe siècle, la majeure partie des forêts du Vermont avaient été coupées, causant érosion et inondations graves. Les Vermontais étaient confrontés à leur première crise environnementale.



Marsh-Billing-Rockefeller-Park
L'un des premiers à faire face à la crise fut George Perkins Marsh (1801-1882). En tant qu'enfant de la ferme familiale à Woodstock, Marsh était devenu un observateur attentif de la nature. Après plusieurs mandats au Congrès dans les années 1840, Marsh a parcouru la Méditerranée en tant que diplomate américain et a vu aux premières loges comment les actions des humains avait «amené la terre à un état de désolation presque aussi complète que celle de la lune». Lors de sa dernière mission diplomatique en Italie, Marsh cristallisa ses observations en un livre classique, L'homme et la nature (1864). Son analyse minutieuse de l'impact de l’homme sur la nature et son éloquent plaidoyer pour une gestion responsable des terres ont fait de ce livre l'un des textes fondateurs du mouvement environnementaliste.
En 1869, la ferme de la famille Marsh a été achetée par Frederick Billings (1823-1890), originaire du Vermont, qui avait fait fortune en tant qu'avocat à San Francisco pendant le Ruée vers l'or de Californie. De retour au Vermont il trouva les collines stériles, les rivières envasées et une campagne dévastée.
Billings entreprit de construire une ferme qui servirait de modèle de bonne intendance aux générations futures. Il importa de vaches Jersey de race pure, et il développa un des premiers programmes scientifique de foresterie de sorte que, dans les mots de Billings, « beaucoup de collines stériles rayonneront une fois de plus de leur glorieux feuillage d'automne, et le village tranquille retrouvera sa vie et son pouvoir anciens ».
Après sa mort en 1890, le plan de Billings fut poursuivi par trois générations de femmes remarquables, d'abord par sa femme Julia et leurs trois filles, Elizabeth, Mary, et Laura, et ensuite par la petite-fille de Billings, Mary French. Julia Billings et ses filles ont continué à poursuivre l'approche clairvoyante de Billings en agriculture et en sylviculture au cours du 20e siècle.

Le mariage de Mary French avec Laurance S. Rockefeller en 1934 réunit deux familles ayant un engagement fort en faveur de la conservation. La famille Rockefeller avait généreusement créé ou amélioré plus de 20 parcs nationaux, et Laurance S. Rockefeller avait hérité de sa famille l'amour pour la terre. En tant que conseiller de cinq présidents américains, il contribua à faire de la conservation et des loisirs de plein air un élément essentiel de l'agenda national. Ensemble Laurance et Mary ont fait le don qui a permis d'établir le Marsh-Billings-Rockefeller National Historical Park comme le premier parc national historique du Vermont.
Sur la photo : de gauche à droite : Elizabeth Billings, Mary Montagu Billings French (mère de Marie French Rockefeller), Julia Parmly Billings, et Laura Billings Lee, vers 1896.

Ils expliquent avec force illustrations le développement du mouvement conservationniste aux USA. L’un des pionniers fut George Perkins Marsh, qui passa son enfance sur le domaine, avant de devenir homme d’affaire et ambassadeur,  et finalement écrire Man and Nature (1865), le livre qui rapidement lança le mouvement au pays. Ne trouvant pas ce livre en français, je l'ai traduit et mis en ligne sur http://www.fourtoutici.top/index.php?. Puis ce fut au tour des Billings, eux aussi convaincus de l’importance d’exploiter judicieusement les ressources naturelles du pays et qui, fortunés, achetèrent le domaine des Marsh et aménagèrent la ferme et les espaces sylvicoles en exploitation modèle. Ils importèrent des vaches Jersey pure race dont ils utilisèrent le lait pour faire un fromage renommé, et reboisèrent les pentes dénudées par un abattage forcené au XIXe. Ils furent parmi les premiers à redonner au Vermont l’apparence riante et verdoyante que nous lui connaissons aujourd’hui.

Une petite-fille des Billings, Mary French, épousa Laurance Rockefeller, lui-même petit-fils du millionnaire et philanthrope, qui voua sa vie à la mise en œuvre du stewardship, i.e. au développement raisonné et respectueux du milieu naturel, l’un des pionniers des mouvements environnementalistes actuels. Rockefeller racheta le domaine, et milita activement – politiquement et financièrement – pour l’établissement et le développement des parcs nationaux aux USA, fut conseiller de 5 présidents sur les questions d’environnement et donna finalement sa propriété de Woodstock pour constituer un National Historic Park consacré à la promotion du stewardhip (intendance conservationniste).

C’est, brièvement résumé, ce que j’aurai appris en quittant la grange. Il me reste à découvrir un peu le magnifique parc qui en constitue l’arrière plan. Je me rendrai jusqu’au Pogue, un étang sauvage situé assez haut sur la colline, le Mount Tom, pour une agréable promenade sur un large sentier gravillonné serpentant sous les grands arbres. Sensation d’espace, mais aussi contact direct avec la nature tant appréciée et valorisée par les propriétaires des lieux : magnifiques grands arbres maintenant centenaires, vie sauvage préservée (même si je n’aperçois aucun des ours noirs présents dans le parc…).

Allée sous les arbres du parc menant au Pogue
Allée sous les arbres du parc menant au Pogue

Le Pogue
Le Pogue

The Pogue
Le Pogue

Après mes 7 km de marche je suis à l’heure pour la visite de la mansion superbement réaménagée par les Rockefeller et intégralement préservée : mobilier de qualité, accessoires recherchés (vaisselle de Chine et argenterie, papier peint charmant, riche bibliothèque, etc.). Quantité de tableaux, essentiellement américains, surtout des paysages de grands espaces sauvages affectionnés par le couple – malheureusement pas très bien éclairés - en décorent les murs. Le tout assemblé avec élégance et raffinement. Les pièces sont vastes, l’ambiance chaleureuse et sympathique, il faisait bon vivre dans cette résidence d’été au cœur d’un splendide environnement présent à toutes les fenêtres. Mention spéciale pour la grande galerie en terrasse au sud avec vue sur la montagne boisée en face, de l’autre côté du bourg de Woodstock invisible au pied de la colline. Mes photos ne rendent malheureusement pas assez l’atmosphère, le manque de lumière et la rapidité de la visite guidée rendant difficiles les prises de vue.

La Mansion des Rockefeller La Mansion côté jardin Galerie de la mansion
En attendant le début de la visite sur la Galerie


Interieur et escalier de Woodstock Mansion
Hall d'entrée de la Mansion

Marine, par Harry Chase
Marine, par Harry Chase

Niagara Falls, par Thomas Cole (1830)
Niagara Falls, par Thomas Cole (1830)

Study, Harbor Island, Lake George
                par David Johnson (1871)
Study: Harbor Island, Lake George, par David Johnson (1871)

Approaching Storm
                Beach near Newport, par Martin Johnson Headeabout
                (1861-1862)
Approaching Storm - Beach near Newport, par Martin Johnson Headeabout (1861-1862)

Cathedral Rocks, Yosemite, par Albert
                Bierstatdt (1870)
Cathedral Rocks, Yosemite, par Albert Bierstatdt (1870)

Untitled Seascape, par Theodore Gudin (ca 1860)
Untitled Seascape, par Theodore Gudin (ca 1860)

Salle à manger de la Mansion
Salle à manger de la Mansion


Alcove
Alcôve donnant sur la galerie et le jardin

Living rom, bibliothèque et BureauLiving room, bibliothèque et Bureau de Laurance S. Rockefeller Le Flambeau symbolique«Passing the Torch» : vitrail Tiffany symbolisant l'engagement intergénérationnel envers la conservation

Le living bibiothèque et bureau
Le vaste living-room, bibliothèque et bureau

Sunset in the Yosemite-Valley, par William Bradford
                (1881)
Sunset in the Yosemite Valley, par William Bradford (1881)

La chambre à coucher des maitres
La chambre à coucher des maitres de maison

Scenery in the Grand Tetons, par Albert
                        Bierstadt (1900) Albert Bierstadt : Scenery in the Grand Tetons (1900) The Materhorn par Albert Biesrtadt Le Materhorn, par Albert Bierstadt

Chambre d'hôtes
Chambre d'hôtes
Chambre d'hôtes : la fenêtre
Chambre d'hôtes : les fenêtres

Clam Gatherers, par Edward Moran (1875-1880)
Clam Gatherers, par Edward Moran (1875-1880)

Brittany Beach, par William Parsons Winchester
                Dana
Brittany Beach, par William Parsons Winchester Dana

On the Trail in Idaho, par Peter Moran
On the Trail in Idaho, par Peter Moran


La grande galerie en sortant

Il est passé 17:00 lorsque je retrouve mon ProMaster devant le pré où paissent les Jersey de la Billings Farm. Je retourne alors en ville pour vérifier auprès d’un caissier de l’épicerie si jamais ma carte… Inconnue ! J'en serai quitte pour déclarer sa perte et en demander une nouvelle à la BMO en rentrant ! Ne découvrant rien de particulièrement passionnant le long de la route qui me ramène vers le nord, je décide de rejoindre l’autoroute I-89 pour rallier Montpelier, la petite capitale (7 760 habitants !) du Vermont, la moins peuplée des USA. Je poursuis donc la Route 4 vers l’est, admirant au passage la Quechee Gorge qui s’enfonce vertigineusement à 50 mètres sous la chaussée du pont métallique typique de 1911 qui franchit le précipice.

Quechee
                      Gorge Quechee Gorge : le pont métallique datant de
                      1911 Au-dessus de Quechee Gorge : le pont métallique datant de 1911

Structure du pont métallique de 1911 au-dessus de
                Quechee Gorge
Structure du pont métallique de 1911 au-dessus de Quechee Gorge

Ensuite ce sont près d’une centaine de kilomètres sur le ruban ininterrompu serpentant et vagabondant sur les pentes uniformément boisées du cœur du Vermont. Les sorties comme les villages sont rares, la population plutôt clairsemée et ce trajet me laisse avec un fort sentiment de vastitude. Dieux ! que ce pays est grand ! La nuit est tombée lorsque je parviens à Montpelier, la capitale nommée par son fondateur le colonel Davis en 1787 en l’honneur des Français venus aider la cause de l’Indépendance. La ville est bien petite, je passe le Capitole, illuminé mais en pleins travaux de restauration, m’enfonce dans quelques rues et me retrouve tout de suite en périphérie. Je stationne bientôt au bord d’une large rue dégagée : pas à craindre ici de trafic nocturne dérangeant ! Il est presque 20:00, souper, travaux sur les photos des derniers jours et commencement de rédaction du carnet de route ; à 23:00, dans le plus grand calme, je suis au lit.



30 218 Samedi 29 septembre 2018 : de MONTPELIER à FAIRFIELD (128 km)

Beau ciel bleu avec passages nuageux et température élevée pour la saison : plus de 24°C ! Après une matinée paresseuse et une longue séance d'écriture, je prends le temps de cuisiner un peu pour enfin m’ébranler autour de 15:00 vers le «centre-ville», i.e. auprès du Capitole, la seule «attraction» signalée ici par le G.V. Le grand bâtiment classique a fière allure, n’était-ce sa coupole entourée d’échafaudages puisque apparemment on est en train de la redorer, et la grande statue de Cérès la couronnant a dû être déposée… Pour le reste un beau green, une large volée d’escaliers en granit et, pour finir, une grande porte en bois (peinte en simili bronze, quand même !) fermée, donc impossible d’apercevoir l’intérieur qui ne doit pas non plus manquer de grandeur...
Montpelier-bivouac-sur-Loomis-Street
Montpelier : bivouac sur Loomis Street

Montpelier-le-Capitole
Montpelier : le Capitole
Capitole de Montpelier : statue d'Ethan
                      Allen
Statue d'Ethan Allen, héros de l'indépendance du Vermont

Mon exploration de la capitale du Vermont s’arrêtera là, puisque je ne vois nulle part s’annoncer une autre visite susceptible de retenir mon attention : pas de musée historique ou des beaux-arts, pas d’exposition spéciale estivale, rien ! Comme les journées commencent à raccourcir passablement vite, plutôt que de parcourir les 2 ou 3 artères où se retrouvent boutiques et animation, je préfère reprendre la route pour arriver avec encore un peu de lumière à mon étape de ce soir, le President Chester A. Arthur State Historic Site à Fairfield, un village situé à une centaine de kilomètres au nord. Je rejoins donc bientôt la I-89 Nord, la quitte à Waterbury pour suivre la Route 108 jusqu’à Stowe. Beaux paysages de petites montagnes couvertes de forêts qui commencent par endroit à prendre leurs teintes automnales ; ce sera splendide dans une quinzaine de jours…

Sur l'Interstate 89 Nord vers Stowe
Ciel couvert sur l'Interstate 89 Nord vers Stowe

Juste avant Stowe je bifurque vers Moscow (oui !) pour rattraper la petite route qui grimpe jusqu’à la Family Trapp Lodge. L’entreprise du Baron von Trapp et de Maria, immortalisés dans La Mélodie du Bonheur, a continué de prospérer puisqu’à l’auberge initiale agrandie de tous côtés se sont adjoint à quelque distance sur le domaine de plus de 1 000 hectares une grande brasserie servant entre autres de salle de réception, un chalet café où l’on peut déguster des pâtisseries viennoises et autre friandises, et toute une flopée de chalets individuels ou regroupés en hameaux. Reste le panorama en avant, magnifique, surtout en cette fin d’après-midi ensoleillé de pré-automne, qui a bien pu rappeler aux fondateurs leurs origines autrichiennes… et aussi les balades dans les bois et les sentiers en arrière pays, auxquelles nous avions goûté il y a maintenant bien des années…

Stowe
              : Café de la FamilyTrapp Lodge
Stowe : Café de la Family Trapp Lodge

Panorama devant le Café de la Trapp Family
Panorama devant le Café de la Trapp Family
Stowe-: Trapp Family Lodge et jardin
Stowe : Trapp Family Lodge et ses jardins alpins

Mais cette fois en plus j’y découvre, enclos dans un coin abrité de jolis jardins alpins entourant l’auberge, le petit cimetière où reposent Georg et Maria, entourés de quelques uns de leurs enfants, sous des croix de fer forgé typiquement autrichiennes. De quoi être rattrapé par l’émotion…

Stowe Trapp Family Lodge : au cimetière, les
                      parents George et MariaAu cimetière, les parents George et Maria Stowe : cimetière de la famille TrappStowe Trapp Family Lodge : au cimetière autrichien, la tombe des parents George et Maria von Trapp

Je reprends ensuite ma route vers le nord, emprunte une nouvelle fois la voie étroite et sinueuse qui grimpe Smugglers Notch avant de redescendre dans la haute vallée aboutissant à Jeffersonville. J’ai la surprise d’y découvrir, à la sortie de la petite ville, l’achèvement du déplacement de la grosse maison remarqué en juin. Elle a retrouvé sa place sur le soubassement refait à neuf et l’on s’active maintenant à en rénover la structure. Étonnant ! Je fais quelques photos sous le même angle qu’au printemps, il sera amusant de faire le parallèle !

Jeffersonville : la maison déplacée
Jeffersonville : la maison déplacée et son vieux soubassement vus il y a 6 mois

Jeffersonville : la maison aujourd'hui remise en
                place
Jeffersonville : la maison aujourd'hui remise en place

Plein d’essence à Bakersfield en entamant largement mes dernières réserves de numéraires US... Ensuite erreur d’aiguillage pour gagner la maison du President Chester A. Arthur à Fairfield. Identifiant approximativement l’endroit sur la carte, je me retrouve sur un mauvais chemin de terre où je dois bientôt faire demi-tour. Recherche dans les papiers remis par les offices de tourisme; je finis par trouver la bonne adresse, ce qui m’oblige à faire un long détour de 29 km me ramènant un peu en arrière... Enfin, empruntant plusieurs petites routes, asphaltées celles-là, j'arrive dans l’obscurité sur le petit parking désert attenant à une maisonnette en planches jaune isolée au milieu des champs.

Fairfield : bivouac sur le site devant le
              petit musée
Fairfield : bivouac solitaire sur le site devant le petit musée Chester Arthur

Solitude complète, un panneau prohibe bien la fréquentation des lieux passé le crépuscule, mais où aller me poser ailleurs ? Je tâche de trouver un petit coin pas trop pentu et m’y installe pour la nuit, jusqu’à l’ouverture du site demain matin à 10:00 (la maisonnette ancien presbytère, est ouverte seulement les samedi et dimanche !). À 20:00 j’ai fini mon frugal souper et vaque à mes tâches habituelles pour me coucher tôt dans un silence total.


30 343 Dimanche 30 septembre 2018 : de FAIRFIELD à ST-JEAN/RICHELIEU (94 km)

Ciel gris et vent froid : décidément l’automne est bien à nos portes et il sera bientôt temps de songer à suivre les outardes vers le sud ! J’ai fort bien dormi sur mon petit terrain environné de forêt, seulement obligé de me déplacer légèrement pour obtenir une certaine horizontalité nécessaire à l’écoulement de la douche… À 10:00 et quelques, je gagne la petite maison où le guide, préposé aussi à l’accueil - un retraité bénévole plutôt disert qui a trainé sa bosse un peu partout dans le monde - me reçoit fort aimablement et entreprend de m’expliquer, avec patience et prévenance pour mon statut d’allophone, la trajectoire de Chester A. Arthur, 21ème président des USA par accident. Fils d’un modeste pasteur de campagne, le jeune Chester suit la filière du droit pour faire carrière à New York et parallèlement s’investir en politique. Son engagement chez les Républicains et son efficacité d’organisateur lui vaut au bout du compte le rang de général chargé des approvisionnements de l’armée nordiste de l’État de New York (la plus importante) puis celui de vice-président auprès du président Harding, assassiné après 4 mois d’exercice. C’est donc lui, largement impliqué jusque là dans les trafics de pouvoir et de nomination courants à l’époque, qui donnera suite aux législations promues par son prédécesseur pour mettre fin au système. Il relèvera aussi considérablement la Navy mise à mal par la Guerre de Sécession et en fera la puissance capable d’assumer le rôle international de plus en plus revendiqué par la jeune Amérique expansionniste. La maladie mettra fin à une carrière très discutée à son époque mais maintenant reconnue, quoique qu’il soit encore l’un des présidents les plus méconnus.

Les candidats présidentiels de 1880 : Garfield et
                Arthur
Les candidats présidentiels de 1880 : James Garfield et Chester Arthur


La maisonnette très modeste dans laquelle
                      naquit le futur président Chester A. Arthur
La maisonnette (parsonage=presbytère) très modeste dans laquelle naquit le futur président Chester A. Arthur
Affiche

Plaque Maison natale du futur président Chester
                      Arthur reconstruite
Maison natale du futur président Chester Arthur où il naquit en 1829,
telle que reconstruite en 1954

Après cette autre plongée dans l’histoire américaine et celle plus caractéristique du Vermont, où le mérite personnel peut parfois l’emporter sur les conditions d’origine et de fortune (ce qui peut justifier l’accent mis sur l’éducation dans nos sociétés démocratiques modernes), je quitte l’humble demeure pour regagner mon Québec. Le guide et la carte ne signalent plus rien de nouveau que je n’aie déjà reconnu en deçà des «lignes», et le temps, de plus en plus maussade et frais, décourage toute autre velléité de plein air. Je vise donc Philipsburg, au bord de la baie Missisquoi, arrêtant seulement quelques minutes au passage pour contempler le Highgate Falls Parabolic Truss Bridge (pont parabolique à treillis), l’un des rares ponts métalliques de ce type demeurant aux USA, qui marqua un progrès considérable dans la construction industrielle des ponts.(voir http://www.wikiwand.com/fr/Pont_en_treillis)

Le pont parabolique à treillis de Highgate Falls
                (1887)
Le pont parabolique à treillis de Highgate Falls (1887)

Je rattrape bientôt la I-89 qui me fait franchir rapidement la frontière canadienne au poste de Philipsburg, et vais déjeuner au bord de l’eau sur la baie Missisquoi, l’extension québécoise du nord du lac Champlain. Le ciel s’assombrit encore et le vent s’accentue, je reste au chaud dans le ProMaster pour écrire et finaliser ma page web de voyage au Labrador. Passé 18:00 je reprends la route pour gagner le stationnement de Remco, l'installateur de mon chauffage Webasto, à St-Jean-sur-Richelieu.

Bivouac chez Remco à St-Jean-sur-Richelieu
Bivouac devant l'atelier de Remco à St-Jean-sur-Richelieu

Arrivée assez tôt devant l’atelier fermé en ce dimanche soir, je finis de mettre en ordre mes photos, achève mon cahier de bord, soupe puis lis un bon moment sur la tablette Hergé, fils de Tintin par Benoît Peeters pour finir par éteindre passé 23:00. Petite pluie…


30 437 Lundi 1er octobre 2018 : de ST-JEAN à MONTRÉAL (45 km)

Réveillé dès 7:45, je suis dans l’atelier peu avant 9:00. J'y rencontre le gérant Stephen Rémillard qui constate bientôt le dysfonctionnement du réchauffeur. Il invoque d’abord un délai trop long entre les allumages (ils ne devraient pas excéder 3 mois…) qui aurait amené le désamorçage de la pompe de carburant. Puis il veut vérifier avec le logiciel dédié les messages d’erreurs enregistrés par la carte électronique de l’appareil, mais plusieurs longues tentatives pour relier l’ordinateur à la carte échouent…

En désespoir de cause il propose d’essayer une autre carte qu’il va chercher sur un réchauffeur au rebut. Max, le mécano qui avait fait l’installation en novembre 2015, se glisse sous l’avant du ProMaster et décroche le Webasto du longeron. Il peut alors démonter la carte supposée fautive et la remplacer par la « nouvelle ». Une demi-heure d’efforts et… le brûleur enclenche ! Voilà donc la cause – fort improbable m'assure-t-il – du problème. Il ne reste plus à Max qu’à remonter et fixer en place l’appareil. Compte tenu du dépassement de la garantie (2 ans…), Stephen Rémillard accepte de me céder la pièce gracieusement, de mon côté je paierai les deux heures et demie de main-d’œuvre. Dépourvu de ma carte Master Card, je conviens avec la secrétaire de lui faire un virement Interac à mon retour à la maison. Il ne me reste plus qu’à reprendre la route, une quarantaine de kilomètres faciles jusqu’à Montréal, où le point d’intérêt majeur sera la traversée du – vieux – pont Champlain offrant des vues spectaculaires sur le grand chantier du nouveau pont tout à côté, dont le tablier est maintenant presque totalement mis en place, à l’exception d’une seule section manquant au centre.

Montréal : construction du nouveau pont Champlain
Montréal : construction du nouveau pont Champlain

Je commence par passer à ma succursale de la Banque de Montréal pour déclarer la perte de ma carte et demander son remplacement, puis consacrerai l’après-midi à vider le ProMaster, faire le ménage intérieur, entreprendre un lavage en profondeur du tapis et un grand shampoing extérieur. Ensuite ce sera le retournement du capteur Hall du compteur de Coulomb (en espérant que cela permettra une plus juste mesure de la capacité de la batterie ;!). Je finis par quelques menues bricoles et ajustements au mobilier reconnus nécessaires pendant ma virée.

30 482 MONTRÉAL

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