Excellent sommeil qui me mène jusque vers 6:30 ; je paresse un peu au lit puis prends douche et déjeuner avant de me rendre au Labrador Interpretation Center où je passe plus de 2 heures à découvrir l’histoire et l’ethnologie du pays depuis les temps préhistoriques jusqu’à nos jours. | Vue depuis le Lake Melville depuis le Labrador Interpretation Center |
Le parcours de découverte commence par les trouvailles
archéologiques remontant à 5 000 ans (pointes de silex
taillées) et s’achève par des témoignages recueillis auprès de
membres des communautés Inuits et Inus, les uns vivant surtout
de la pêche, sur la côte et dans le nord, les autres plutôt de
la chasse dans l’Hinterland. Vie très difficile dans des
conditions souvent adverses; de nombreuses famines ou
épidémies ont à plusieurs reprises décimé la population
indigène.
Les premiers 70 km, asphaltés, se font à vive allure. Le tracé est effectivement tout récent et correspond aux normes actuelles comme l’était celui de la 500 : longues lignes droites coupées de virages bien redressés à leurs extrémités. En revanche le paysage, très semblable à celui parcouru hier : lacs, épinettes, marécages et léger relief, me semble bien vite monotone. Le temps est nuageux avec éclaircies et encore une fois de beaux massifs nuageux peuplent un peu ces espaces immenses. | Les 70 premiers
kilomètres de la Route 510 Sud
|
Début du revêtement en gravelle |
Mais hélas l’état de la chaussée ne tarde pas à se gâter : le passage à un revêtement de gravier m’oblige à ralentir un peu et à ne pas dépasser les 80 km/h ; l’adhérence ne saurait tolérer plus sans risques indus, et la poussière – ainsi que le risque de projection de pierres - oblige aussi à ralentir considérablement à chaque croisement de véhicule, heureusement assez rare. |
Cela irait encore assez bien si, après un centaine de kilomètre (pas de repère, aucune agglomération rencontrée) la surface de la chaussée ne se dégradait beaucoup, trous et bosses obligeant à slalomer à la recherche du moins mauvais passage, quand le dernier remplissage, uniformément endommagé, n’oblige pas à ralentir à 70, 60 km/h et moins encore. On est aussi terriblement secoué, la carrosserie du camion geint d’un peu partout, la suspension cogne, et j’ai droit à un interminable concert dans les placards (portes qui font les castagnettes, couvercles et corps de casserole qui jouent les cymbales, etc.). | La chaussée défoncée |
Seule diversion : un jeune ours noir qui se hasarde sur la route, hésite un peu en me voyant arriver, avant de battre retraite dans les fourrés. Il m'a cependant forcé à ralentir suffisamment pour avoir le temps de le photographier.
Jeune ours noir sur le route
La situation ne s’améliore qu’en fin d’après-midi, après avoir passé l’embranchement vers Charlottetown, où je retrouve une route de gravier bien compactée et assez régulière pour rouler confortablement autour de 85 km/h. Le paysage devient aussi plus varié avec des collines et reliefs plus accusés, mais aussi plus de circulation, donc de poussière…
Arrivée sur la côte à Port Hope Simpson
J’arrive sur la petite anse entourée de maisonnettes colorées à 19:00. Vite j’en fais le tour pour dégotter un espace suffisant où stationner avant la tombée de la nuit, à deux pas du Bureau local de la Gendarmerie Royale du Canada. J’y prépare mon souper, rédige ces notes et me couche aussitôt, fatigué de cette grosse journée de route pénible. (21:00)
21 631 Dimanche 27 août 2017 de MARY’S HARBOUR à BLANC SABLON (185 km)
Réveil dès 6:30 sous un grand soleil et un ciel tout bleu, une fois n’est pas coutume ! Bel environnement champêtre avec vue sur le port et ses petites maisons, typique des outports de Newfoundland. |
Je décolle vers
8:30 pour gagner le site de Batlle Harbour. La
route côtière au bout du village ne mène nulle
part, sinon à un unique panneau devant un petit
quai un peu à l’écart où un ancien entrepôt rénové
se trouve être le point de départ de l’excursion.
J’y découvre une exposition historique fort
intéressante qui m’en apprend beaucoup sur le vie
très dure des gens d’ici, autant settlers
qu’indigènes. C’est aussi la billetterie pour le petit bateau qui emmène sur l’île où se trouve l’ancien village à 9 km : départ à 11:00, retour à 14:00 ; coût : 105 $ ! Je trouve le tarif nettement exagéré et l’horaire fort peu pratique ; de plus la lecture de l’abondante documentation exposée sur les murs de cet ancien entrepôt de l’hôpital voisin (le seul au Labrador à l’époque) ne me convainc pas de l’absolue originalité des quelques bâtiments restaurés sur place, suite à l’abandon du lieu dans les années 1960 et au regroupement de ses habitants à Mary's Harbour. |
Je dois encore affronter 80 km de route empoussiérée dont la surface est cependant en assez bon état. J'y croise plusieurs chantiers d’asphaltage qui en feront quasiment une autoroute ! Il est temps… Les épinettes sont moins omniprésentes sur les collines très vertes où la route monte et descend. L'environnement se montre aussi un peu moins désertique puisque, de temps à autre, un chalet ou des chemins montrent une certaine occupation du territoire. | Asphaltage de la route 510 |
|
Harponneur basque et os de nageoire de baleine |
Pièce de cabestan, coupe de la cale avec le chargement de barils d'huile |
Vaisselle retrouvée dans l'épave : bol-écuelle en faïence, palette en bois et pot en terre (1565) |
Verre à boire de 384 ml pesant seulement 85 grammes |
En repartant vers 16:00 je fais un tour sur Boney Shore (le Rivage aux Os), où l’on trouve parmi les rochers et les talus herbus quelques gros os éparpillés des grands cétacés, C'est en effet sur ce rivage ouest de la Red Bay que venait s’échouer ce qui restait de leurs carcasses après leur dépouillement. Peu spectaculaire – il en reste bien peu après tout ce temps – mais émouvant, et l'environnement est superbe. | Boney Shore Trail : os de baleine, en arrière, Saddle Island |
Phare de Pointe-Amour sur le Détroit de Belle-Isle |
Poursuite de
la route côtière; je fais un petit détour vers
L’Anse Amour, quelques maisons semées au creux
d’une grande courbe de plage sableuse, surtout
intéressant par son haut phare (30 m), le plus
ancien du Labrador, malheureusement fermé à
17:30. A côté, un panneau indique l'emplacement de la seule station Marconi du pays. Un plus loin encore, une plaque signale le tumulus funéraire d’une garçon enterré là avec plusieurs objets typiques il y a 7 500 ans, un autre record pour l’Amérique du Nord ! |
LES
PREMIERS PEUPLES
Il y a près 9000 ans, des chasseurs-cueilleurs se sont déplacés des Provinces Maritimes vers le Détroit du Labrador. Ils se déplaçaient le long de la côte nord du Saint-Laurent, suivant les riches ressources de cette région. Ces premiers peuples faisaient partie de la tradition Maritime Archaïque. Ils laissèrent derrière eux quelques rares traces de leur présence, comme des outils en pierre et des restes de campement. On savait bien peu de choses de ces premiers peuples jusqu’en 1973, lorsque des archéologues découvrirent un tumulus funéraire élaboré ici à l’Anse Amour. Les excavations révélèrent que le tumulus contenait le squelette d’un enfant et des artefacts comme aucun n’avait jamais été découvert dans la région. En fait, c’est le plus ancien site tombal élaboré connu en Amérique du Nord. Les conditions extraordinaires présentées par le sol sableux ont permis la préservation d’artefacts organiques. Jusque là seuls des outils et des armes en pierre avaient survécu aux sols acides de cette région. Pour la première fois on trouvait des matériaux organiques, ensevelis près des restes de l’enfant. En plus d’outils et de pointes de projectiles en pierre, des os de caribou, et d’oiseau, une défense de morse furent tous bien conservés dans ce tumulus. Ce sont les seuls objets funéraires organiques jamais trouvés dans aucun site Maritime Archaïque de cette époque. Ils ont beaucoup ajouté à notre connaissance de ces peuples primitifs. Et ils confirment que ces peuples étaient bien adaptés aux ressources maritimes de cette région. (Notice
près du site)
|
Tumulus funéraire Maritime Archaïque, 5 000 av. J.C., le plus ancien en Amérique du Nord |
Bivouac à Blanc-Sablon |
Entre les
maisons éparses, j'y trouve un espace exigu,
relativement à l’écart au dessus d’un petit quai
de pêcheur encadré par des rochers rougeâtres, et
y installe mon bivouac. Souper, transfert des photos du voyage et début de leur traitement, je me couche à 10:30, fatigué par cette belle journée de plein air, et remets à demain matin la rédaction du carnet de bord. |
Bonne nuit reposante, lever à 7:00 sous un grand soleil qui rend sympathique l’environnement un peu austère; au moins ici n’est-on pas noyé dans la forêt... Douche et déjeuner, puis récit de la journée d’hier me mènent jusqu’à 9:00 où, après quelques photos je reprends la route vers l’ouest, avec l’intention de faire un peu connaissance avec cette extrémité orientale du Québec. | Depuis mon bivouac, le rivage de Blanc-Sablon au matin |
Blanc Sablon : ProMaster en mauvaise posture |
Je n’irai pas
bien loin car, en recherchant un point d’eau
pour faire le plein de ma citerne, je recule
malencontreusement dans un fossé profond caché
par des herbes hautes d’où je ne puis dégager le
Promaster, la roue motrice avant ayant perdu
contact avec le sol. Des passants s’arrêtent et,
obligeamment, m’envoient une remorqueuse qui
arrive une quinzaine de minutes plus tard. Le
garagiste, bonhomme et chaleureux, me tire
d’affaire en un coup de treuil (et 60 $ cash !).
Puis il m’emmène chez lui où il met le tuyau d’arrosage à ma disposition, non sans m’offrir un tour de sa maison – sise au dessus de l’eau sur un vaste terrain – et me faire admirer son hobby : culture de légumes énormes et luxuriant, ainsi que quelques énormes poissons conservés dans son congélateur dont il veut me faire cadeau… le tout en anglais puisque étrangement ici le français est quasiment inconnu ! Il évoque aussi sa prochaine retraite et son projet de se construire un van comme le mien pour aller passer l’hiver en Floride ! |
Avec tout cela
le temps – superbe – a passé (il est maintenant
11:30) et lorsque je reprends la route pour
suivre la côte vers l’ouest, je passe devant le
quai d’embarquement du traversier pour
Sainte-Barbe, à Terre-Neuve. Je vais vérifier les horaires au bureau : le bateau doit passer dans ¾ d’heure, me dit-on (départ 13:00, le prochain est à 18:00...) j’ai donc seulement le temps de prendre mon billet (26,75 $) et de me mettre en ligne pour être sûr d’avoir ma place. Nombreuses voitures de locaux, quelques touristes aussi dont un autre van carrossé Islander dont la compacité me plait bien. Je rédige mes péripéties de ce matin en attendant l’arrivée du navire. Puis c’est la traversée sans problème du fameux Détroit de Belle Isle où, malgré mon guet attentif, je n’aperçois ni iceberg ni baleine… |
Terre-Neuve : sur la route du sud, les mornes |
Débarqué à
Ste-Barbe une heure et demie plus tard, tout en
haut de la côte nord-ouest de Terre-Neuve, je
prends aussitôt la route du sud-ouest, pensant
peut-être faire une longue pause pour me
délasser les jambes dans le Parc national de
Gros Morne. Mais j’ai mal évalué les distances,
et bien que la chaussée soit excellente, je vois
les kilomètres défiler trop lentement pour y
être avant le soir. |
Apercevant alors les panneaux annonçant un autre site historique géré par Parc Canada (dont j’ai haute opinion !) je prends le détour d’une quinzaine de kilomètres vers Port-au-Choix où des fouilles extensives sur la presqu’île (autrefois isolée de Terre-Neuve) ont permis de découvrir des habitats très anciens ainsi que les restes d’un cimetière remontant à plus de 5 000 ans (Amérindiens Maritimes archaïques). | Le rivage assez austère de l'île de Port-au-Choix |
On voit aussi les plans de quelques maisons dont une reconstituée en diorama grandeur nature ; enfin j’y reçois pas mal d’informations sur cette période relativement récente mais peu documentée de cette étape de l’humanité, en tout cas de ce côté-ci de l’Atlantique, presque tous les artefacts, organiques, ayant disparu dans le sol acide, et faute d’écriture ou de restes architecturaux. | Port-au-Choix : diorama de maison paléo-esquimaude |
Port-au-Choix : le port et quai de pêche |
Je rejoins le village de pêcheurs contemporain de Port-au-Choix installé sur l’isthme reliant maintenant l’île à la terre ferme. Là se trouvait le cimetière cité plus haut. Puis la longue ligne droite de la route longeant la mer me ramène au parking du centre d’accueil où m’attend mon ProMaster enfin rejoint vers 18:00. |
Réveil à 6:30 à ma montre (je ne sais plus exactement quelle heure pour les Newfies…), assez en forme pour prendre immédiatement la route en pyjama, remettant à plus tard (sur le quai ou même dans la soute du bateau si nécessaire) douche et petit déjeuner. Le ciel est dégagé mais le soleil demeure légèrement filtré par une humidité ambiante assez accusée. Je verrai d’ailleurs le long de l’excellente Transcanadienne (presque toujours à trois voies avec de nombreuses sections en 2 x 2 voies) des bancs de brouillard matinal qui disparaîtront progressivement avec le réchauffement – relatif - de l’air (de 14°C à 18°C). | Banc de brouillard sur la Transcanadienne |
Embarquement à Port-aux-Basques |
J’ai à peine le temps de me mettre en ligne aux côtés des nombreux autres véhicules qu’on annonce déjà le début de l’embarquement ! Ce n’est qu’un demi-heure plus tard, le ProMaster bien casé dans la soute, que je pourrai prendre ma douche, m’habiller et avaler un rapide déjeuner, puis faire une réparation de fortune (ruban gommé) sur mes lunettes dont la soudure refaite à Leucade l’hiver dernier vient encore de me lâcher. |
Je monte ensuite sur le 7ème pont, dans le grand salon à l’avant du gros navire SS Highlander, de Marine Atlantique (un ex-ferry norvégien) pour trouver un fauteuil confortable avec vue directe sur la proue et prise de courant pour mon MacBook. J’y assiste à la sortie du port quelques minutes plus tard, lorsque le navire appareille à l’heure dite, puis j'y rédige ces pages avant de me lancer dans le traitement des quelques 600 images prises depuis mon départ de Montréal… Je croyais en avoir largement le temps, vu les 6 heures nécessaires au parcours des 177 km jusqu’à North Sydney en Nouvelle Écosse. Mon travail sera pourtant loin d’être achevé lorsque la côte néo-écossaise apparaît enfin, puis défile longuement pendant que le navire contourne le Cap Breton pour gagner le fond du golfe où niche North Sydney. | En arrivant à North Sydney, on croise un autre traversier sistership du nôtre... |
En longeant le Bras d'Or dans le soleil couchant |
Dans le soleil descendant je passe un premier grand pont qui franchit une des branches du Bras d’Or, le vaste lac ramifié occupant le centre du pays. Puis je traverse toute l’île du Cap Breton jusqu’au Détroit de Canso. La route file, le trafic demeure raisonnable malgré la présence de nombreux touristes qui prennent comme moi le chemin du retour. Paysage vallonné où se mêlent boisés et terres de culture. Habitations et villages se succèdent le long de la route, témoignant de la déjà longue occupation du territoire, infiniment plus chaleureux et civilisé que les vastes espaces déserts et austères parcourus depuis une semaine. Je décide de m’avancer au maximum ce soir pour me donner la chance d’arriver demain-soir à la maison. |
Je ne me rendrai
cependant pas aussi loin, le voyant jaune
indiquant l’épuisement du réservoir de carburant
commençant à s’allumer. Je me mets à l’affut des
grands panneaux indiquant une station, mais n’en
aperçois guère… L’inquiétude commence à poindre,
les kilomètres défilent et l’aiguille descend
inexorablement dans le rouge. Au bout de 98 km
j’aperçois enfin sur le panneau de la sortie 365
(intersection Route 10) le logo de la petite pompe
bleue, et une haute enseigne Irving pointant
au-dessus des arbres. Ouf ! Soulagé, je gagne la
station mais tout est éteint : les pompes ne
fonctionnent plus, le service - pourtant
automatisé - s’arrêtant à 22:00 pour reprendre à
7:00 ! |
Aube sur la station Irving de Youngs Cove |
En remontant le fleuve St-Jean |
Réveillé et levé tôt sous un ciel clair, je commence par faire le plein sur l’une des pompes entièrement automatisées (pourquoi les ferment-ils la nuit ?) puis reprends la TransCanada Highway qui file dans une campagne assez boisée avant de rejoindre et longer le Fleuve St-Jean près de Kings Landing. J’en apercevrai le vaste plan d’eau à de nombreuses reprises, puisque la route remontant vers le Québec emprunte sa large vallée. Je passe ainsi l’embranchement vers Fredericton, la capitale provinciale, puis Woodstock, Hartland et son fameux pont couvert, le plus long du Canada. |