Août 2017

Boucle au LABRADOR

2. de Happy Valley - Goose Bay à Montréal

Jean-Paul en solo à bord du ProMaster



21 128 Samedi 26 août 2017 : de NORTHWEST RIVER à MARY’S HARBOUR (503 km)

Excellent sommeil qui me mène jusque vers 6:30 ; je paresse un peu au lit puis prends douche et déjeuner avant de me rendre au Labrador Interpretation Center où je passe plus de 2 heures à découvrir l’histoire et l’ethnologie du pays depuis les temps préhistoriques jusqu’à nos jours. Vue depuis le Labrador Interprétation Center
Vue depuis le Lake Melville depuis le Labrador Interpretation Center

vue sur le Grand Lake au matin depuis le Labrador
            Interpretation Center
Vue sur le Grand Lake au matin depuis le Labrador Interpretation Center

Le parcours de découverte commence par les trouvailles archéologiques remontant à 5 000 ans (pointes de silex taillées) et s’achève par des témoignages recueillis auprès de membres des communautés Inuits et Inus, les uns vivant surtout de la pêche, sur la côte et dans le nord, les autres plutôt de la chasse dans l’Hinterland. Vie très difficile dans des conditions souvent adverses; de nombreuses famines ou épidémies ont à plusieurs reprises décimé la population indigène.

Pêche à la baleine en umiak
Dangereuse pêche à la baleine en umiak...

Des maquettes et dioramas grandeur nature illustrent leur mode de vie, les solutions techniques ou fonctionnelles qu’ils ont adoptées pour leur survie.

Kayak
Kayak

Lunette à neige
Lunettes à neige en bois utilisées pour atténuer la réverbération du soleil sur la neige

Trappeur posant un piège
Trappeur posant un piège

On mentionne également les Métis, ici aussi assez nombreux et bien implantés. Est aussi présentée l’histoire des contacts et de leurs aléas avec les Européens et les «Settlers» qui, venus pour commercer ou au service des grandes compagnies comme La Baie d’Hudson, ont fait souche ici.

Maison de métis
Maison de métis

Tout ce beau monde constitue les Labradoriens, fiers de leur appartenance et bien décidés à défendre leurs droits et leur identité face à Terre-Neuve et au Canada. Comme d’habitude je lis – presque toutes – les notices, fait des photos des items qui me semblent les plus représentatifs ou frappants, visionne une bonne demi-heure de vidéo consacrée aux aurores boréales, et finis par reprendre la route de retour vers Goose Bay à 11:00.

Drapeau labradorien
Drapeau labradorien

Après avoir complété le plein d’essence en passant une autre fois devant la station Ultramar, je reviens un peu en arrière sur la Route 500 jusqu’à l’embranchement de la Route 510 qui doit me ramener sur la côte à 500 km plus au sud.

Début de
              la Route 510 Sud Avertissement
Début de la Route 510 Sud


Les premiers 70 km, asphaltés, se font à vive allure. Le tracé est effectivement tout récent et correspond aux normes actuelles comme l’était celui de la 500 : longues lignes droites coupées de virages bien redressés à leurs extrémités. En revanche le paysage, très semblable à celui parcouru hier : lacs, épinettes, marécages et léger relief, me semble bien vite monotone. Le temps est nuageux avec éclaircies et encore une fois de beaux massifs nuageux peuplent un peu ces espaces immenses. Les 70 premiers kilomètres de la Route 510 Sud
Les 70 premiers kilomètres de la Route 510 Sud

Début du revêtement en gravelle
Début du revêtement en gravelle
Mais hélas l’état de la chaussée ne tarde pas à se gâter : le passage à un revêtement de gravier m’oblige à ralentir un peu et à ne pas dépasser les 80 km/h ; l’adhérence ne saurait tolérer plus sans risques indus, et la poussière – ainsi que le risque de projection de pierres - oblige aussi à ralentir considérablement à chaque croisement de véhicule, heureusement assez rare.

Cela irait encore assez bien si, après un centaine de kilomètre (pas de repère, aucune agglomération rencontrée) la surface de la chaussée ne se dégradait beaucoup, trous et bosses obligeant à slalomer à la recherche du moins mauvais passage, quand le dernier remplissage, uniformément endommagé, n’oblige pas à ralentir à 70, 60 km/h et moins encore. On est aussi terriblement secoué, la carrosserie du camion geint d’un peu partout, la suspension cogne, et j’ai droit à un interminable concert dans les placards (portes qui font les castagnettes, couvercles et corps de casserole qui jouent les cymbales, etc.). La chaussée défoncée
La chaussée défoncée

Seule diversion : un jeune ours noir qui se hasarde sur la route, hésite un peu en me voyant arriver, avant de battre retraite dans les fourrés. Il m'a cependant forcé à ralentir suffisamment pour avoir le temps de le photographier.

Ours
                noir sur le route
Jeune ours noir sur le route

La situation ne s’améliore qu’en fin d’après-midi, après avoir passé l’embranchement vers Charlottetown, où je retrouve une route de gravier bien compactée et assez régulière pour rouler confortablement autour de 85 km/h. Le paysage devient aussi plus varié avec des collines et reliefs plus accusés, mais aussi plus de circulation, donc de poussière…

Arrivée
              sur la côte à Port Simpson
Arrivée sur la côte à Port Hope Simpson

Je me fixe comme objectif Mary’s Harbour, sur la côte, pour visiter demain matin le Parc Historique national de Battle Harbour, préservé et restauré, qui semble se trouver tout près.

Mary"s Harbour
Mary's Harbour

Les maisons colorées de Mary's-Harbour-au crépuscule
Les maisons colorées de Mary's-Harbour au crépuscule

J’arrive sur la petite anse entourée de maisonnettes colorées à 19:00. Vite j’en fais le tour pour dégotter un espace suffisant où stationner avant la tombée de la nuit, à deux pas du Bureau local de la Gendarmerie Royale du Canada. J’y prépare mon souper, rédige ces notes et me couche aussitôt, fatigué de cette grosse journée de route pénible. (21:00)


21 631 Dimanche 27 août 2017 de MARY’S HARBOUR à BLANC SABLON (185 km)

Réveil dès 6:30 sous un grand soleil et un ciel tout bleu, une fois n’est pas coutume ! Bel environnement champêtre avec vue sur le port et ses petites maisons, typique des outports de Newfoundland. Bivouac à Mary's Harbour

Affiche de Battle Harbour
Je décolle vers 8:30 pour gagner le site de Batlle Harbour. La route côtière au bout du village ne mène nulle part, sinon à un unique panneau devant un petit quai un peu à l’écart où un ancien entrepôt rénové se trouve être le point de départ de l’excursion. J’y découvre une exposition historique fort intéressante qui m’en apprend beaucoup sur le vie très dure des gens d’ici, autant settlers qu’indigènes.

C’est aussi la billetterie pour le petit bateau qui emmène sur l’île où se trouve l’ancien village à 9 km : départ à 11:00, retour à 14:00 ; coût : 105 $ ! Je trouve le tarif nettement exagéré et l’horaire fort peu pratique ; de plus la lecture de l’abondante documentation exposée sur les murs de cet ancien entrepôt de l’hôpital voisin (le seul au Labrador à l’époque) ne me convainc pas de l’absolue originalité des quelques bâtiments restaurés sur place, suite à l’abandon du lieu dans les années 1960 et au regroupement de ses habitants à Mary's Harbour.

Mary's Harbour: vue sur l'anse
Mary's Harbour: vue sur l'anse en quittant

Sur la Route 510 S
Sur la Route 510 Sud

Lodge Bay : en passant la St Charles River
Lodge Bay : en passant la St Charles River

Je décide donc de poursuivre ma descente vers le sud sur la 510 toujours en gravier pour gagner plutôt le Parc historique de Red Bay, celui-là directement accessible par la route et gratuit (Parc Canada) dont l’intérêt me semble majeur : on y a en effet découvert, suite à de longues recherches en archives au Pays basque espagnol, la principale base de pêche à la baleine créée par les Basques au XVIème. Un de leurs navires, le San Juan, coulé dans la baie à quelques mètres du rivage et fort bien conservé par l’eau froide et la vase, a été complètement fouillé ; de nombreux artefacts sont maintenant exposés dans le centre d’interprétation sur place.

Je dois encore affronter 80 km de route empoussiérée dont la surface est cependant en assez bon état. J'y croise plusieurs chantiers d’asphaltage qui en feront quasiment une autoroute ! Il est temps… Les épinettes sont moins omniprésentes sur les collines très vertes où la route monte et descend. L'environnement se montre aussi un peu moins désertique puisque, de temps à autre, un chalet ou des chemins montrent une certaine occupation du territoire. Pavage sur la 510
Asphaltage de la route 510

Dernière section en gravelle de la route 510, en
                vue du détroit de Belle-Isle
Dernière section en gravelle de la route 510, en vue du détroit de Belle-Isle

Descente sur Red Bay
Descente sur Red Bay

Je passerai une bonne partie de la journée sur le site de Red Bay, effectivement passionnant tant au plan des événements présentés que par la qualité des expositions : maquettes, plans, textes, très nombreux objets récupérés au fond de l’eau et bien restaurés, présentés et commentés.
site-du-musee-de-Red-Bay-devant-l_ile-Saddle
Site du musée de Red Bay en face de l'île Saddle

Feuilet de Parcs Canada
Feuillet de Pacs Canada sur Red Bay

La chalupa basque, la plus ancienne embarcation de
                ce genre
La chalupa basque; à plus de 400 ans, c'est le plus ancien exemplaire d'embarcation de ce genre au monde

Détail de la chalupa
Détail de la chalupa telle que retrouvée sous le San Juan

Red Bay, Centre d'accueil de Parc Canada : la
                  baleinière basque en action
Red Bay, Centre d'accueil de Parc Canada : la baleinière basque en action




Dessin du San Juan
Représentation artistique du San Juan, le navire baleinier du XVIème trouvé au fond du havre de Red Bay

Harponneur basque et nageoire de baleine
Harponneur basque et os de nageoire de baleine
Pièce de cabestan, cale et barils d'huile
Pièce de cabestan, coupe de la cale avec le chargement de barils d'huile

Vaisselle retrouvée dans l'épave
Vaisselle retrouvée dans l'épave : bol-écuelle en faïence, palette en bois et pot en terre (1565)
Verre à boire de 384 ml pesant seulemnt 85
                        grammes
Verre à boire de 384 ml pesant seulement 85 grammes

Le lieu lui aussi est original : une jolie petite baie bien protégée par un îlot : Saddle Island, sur lequel les pêcheurs basques avaient installé leur industrie de production d’huile de baleine, avec fondoirs, ateliers de fabrication de tonneaux, etc.

Rivage rocheuxde l'anse
Rivage rocheux de l'anse

En route vers l'île
En route vers l'île Saddle

Un petit bateau permet d’accéder à l’île (10 mn dans le vent - qui souffle fort aujourd’hui - et les vagues). Je suis seul à effectuer la petite excursion d’une heure en compagnie d’une Suissesse avec laquelle j’échangerai quelques mots au retour. Un sentier jalonné de panneaux permet de situer les installations dont il ne reste pas grand chose de lisible pour un béotien en archéologie comme moi, mais la balade est agréable, la vue plaisante et le contexte historique extraordinaire : première présence continue d’Européens sur le sol du continent nord-américain, première organisation de pêche industrielle aux dépens d’une espèce qui en a d'ailleurs bien souffert semble-t-il, et remarquable exploit organisationnel d’un petit peuple dont les moyens étaient limités.

Panoramique sur le village de Red Bay depuis le
                  sommet de Saddle Island
Panoramique sur le village de Red Bay et sa baie depuis le sommet de Saddle Island

Notice du cimetière Sur
                  saddle Island, le site du cimetière
Sur Saddle Island, le site du cimetière

Site des fondoirs
Site des fondoirs, dos au large et à l'abri dans l'anse

Maquette des fondoirs à graisse
Maquette reconstituant l'un des sites de fondoirs; les restes des tuiles romaines sont encore visibles in situ

Site du naufrage du San Juan (1665)
Site du naufrage du San Juan (1665), le navire repose sur le fond entre les 2 bouées blanches


Fouilles aquatiques du San Juan par Parcs-Canada
                  en 1972
Fouilles aquatiques du San Juan par Parcs-Canada en 1972

(voir http://www.albaola.com/fr/site/histoire-commune)


En quittant, échanges et discussion puis présentation de mon aménagement du ProMaster à Caroline et Martin, un couple de la Beauce qui a, de son côté, aménagé sommairement mais avec beaucoup d’ingéniosité un Dodge Grand Caravan. Échange de mail pour la suite de leur projet, qui pourrait ressembler au nôtre…

Red Bay-et ses iles depuis Boney Shore Trail
Red Bay et ses iles depuis Boney Shore Trail

Boney
                    Shore Trail
Boney Shore Trail

En repartant vers 16:00 je fais un tour sur Boney Shore (le Rivage aux Os), où l’on trouve parmi les rochers et les talus herbus quelques gros os éparpillés des grands cétacés, C'est en effet sur ce rivage ouest de la Red Bay que venait s’échouer ce qui restait de leurs carcasses après leur dépouillement. Peu spectaculaire – il en reste bien peu après tout ce temps – mais émouvant, et l'environnement est superbe. Boney-Shore-Trail-os-de-baleine-derriere-Saddle-Island
Boney Shore Trail : os de baleine, en arrière, Saddle Island

Os de baleine
Boney Shore Trail : vertèbre de baleine

À partir de là, la Route 510 est asphaltée continûment, quoique son revêtement, déjà un peu ancien, laisse à désirer… Suite de collines mouvementées en vue du Détroit de Belle Isle. Le soleil descend, lorsque le voyant de bas niveau de carburant s’allume : j’attaque la réserve et il est grand temps de songer à faire le plein. Avec un peu d’appréhension – quoique mon bidon de secours me permettrait de rejoindre Blanc Sablon sans problème, je parcours une trentaine de km jusqu’à m’arrêter à West St. Modeste devant la première pompe venue, des plus rustiques, pour prendre 50 litres à 1,33 $/l. Me voilà paré pour la suite, en espérant trouver plus loin de quoi compléter le plein à moindre coût.

Phare de Pointe-Amour sur le Détroit de
                          Belle-Isle
Phare de Pointe-Amour sur le Détroit de Belle-Isle
Poursuite de la route côtière; je fais un petit détour vers L’Anse Amour, quelques maisons semées au creux d’une grande courbe de plage sableuse, surtout intéressant par son haut phare (30 m), le plus ancien du Labrador, malheureusement fermé à 17:30.

A côté, un panneau indique l'emplacement de la seule station Marconi du pays.

Un plus loin encore, une plaque signale  le tumulus funéraire d’une garçon enterré là avec plusieurs objets typiques il y a 7 500 ans, un autre record pour l’Amérique du Nord !

Plaque devant le tumulus funéraire (7000 av. JC)
                  de l'Anse-Amour
Plaque devant le tumulus funéraire (7000 av. J.C.) de l'Anse Amour


LES PREMIERS PEUPLES

Il y a près 9000 ans, des chasseurs-cueilleurs se sont déplacés des Provinces Maritimes vers le Détroit du Labrador. Ils se déplaçaient le long de la côte nord du Saint-Laurent, suivant les riches ressources de cette région. Ces premiers peuples faisaient partie de la tradition Maritime Archaïque. Ils laissèrent derrière eux quelques rares traces de leur présence, comme des outils en pierre et des restes de campement.

On savait bien peu de choses de ces premiers peuples jusqu’en 1973, lorsque des archéologues découvrirent un tumulus funéraire élaboré ici à l’Anse Amour. Les excavations révélèrent que le tumulus contenait le squelette d’un enfant et des artefacts comme aucun n’avait jamais été découvert dans la région. En fait, c’est le plus ancien site tombal élaboré connu en Amérique du Nord.

Les conditions extraordinaires présentées par le sol sableux ont permis la préservation d’artefacts organiques. Jusque là seuls des outils et des armes en pierre avaient survécu aux sols acides de cette région. Pour la première fois on trouvait des matériaux organiques, ensevelis près des restes de l’enfant. En plus d’outils et de pointes de projectiles en pierre, des os de caribou, et d’oiseau, une défense de morse furent tous bien conservés dans ce tumulus. Ce sont les seuls objets funéraires organiques jamais trouvés dans aucun site Maritime Archaïque de cette époque.

Ils ont beaucoup ajouté à notre connaissance de ces peuples primitifs. Et ils confirment que ces peuples étaient bien adaptés aux ressources maritimes de cette région.

(Notice près du site)
Tumulus funéraire, 5000 av. J.C.
Tumulus funéraire Maritime Archaïque, 5 000 av. J.C., le plus ancien en Amérique du Nord

En regagnant la grande route je réussis à capter un signal suffisant pour appeler Monique et lui donner des nouvelles, planifiant mon retour à Montréal pour son anniversaire dans 3 jours. Dans le soir qui tombe, je poursuis jusqu’à entrer au Québec, rejoint au bas d’une longue descente à Blanc Sablon.

Bivouac à Blanc-Sablon
Bivouac à Blanc-Sablon
Entre les maisons éparses, j'y trouve un espace exigu, relativement à l’écart au dessus d’un petit quai de pêcheur encadré par des rochers rougeâtres, et y installe mon bivouac.

Souper, transfert des photos du voyage et début de leur traitement, je me couche à 10:30, fatigué par cette belle journée de plein air, et remets à demain matin la rédaction du carnet de bord.


21 816  Lundi 28 août 2017 : de BLANC SABLON à CORNER BROOK (397 km)
Bonne nuit reposante, lever à 7:00 sous un grand soleil qui rend sympathique  l’environnement un peu austère; au moins ici n’est-on pas noyé dans la forêt... Douche et déjeuner, puis récit de la journée d’hier me mènent jusqu’à 9:00 où, après quelques photos je reprends la route vers l’ouest, avec l’intention de faire un peu connaissance avec cette extrémité orientale du Québec. Rivage
                          de Blanc-Sablon au matin depuis mon bivouac
Depuis mon bivouac, le rivage de Blanc-Sablon au matin

Blanc Sablon : Promaster en mauvaise
                          postture
Blanc Sablon : ProMaster en mauvaise posture
Je n’irai pas bien loin car, en recherchant un point d’eau pour faire le plein de ma citerne, je recule malencontreusement dans un fossé profond caché par des herbes hautes d’où je ne puis dégager le Promaster, la roue motrice avant ayant perdu contact avec le sol. Des passants s’arrêtent et, obligeamment, m’envoient une remorqueuse qui arrive une quinzaine de minutes plus tard. Le garagiste, bonhomme et chaleureux, me tire d’affaire en un coup de treuil (et 60 $ cash !).

Puis il m’emmène chez lui où il met le tuyau d’arrosage à ma disposition, non sans m’offrir un tour de sa maison – sise au dessus de l’eau sur un vaste terrain – et me faire admirer son hobby : culture de légumes énormes et luxuriant, ainsi que quelques énormes poissons conservés dans son congélateur dont il veut me faire cadeau… le tout en anglais puisque étrangement ici le français est quasiment inconnu ! Il évoque aussi sa prochaine retraite et son projet de se construire un van comme le mien pour aller passer l’hiver en Floride !
Avec tout cela le temps – superbe – a passé (il est maintenant 11:30) et lorsque je reprends la route pour suivre la côte vers l’ouest, je passe devant le quai d’embarquement du traversier pour Sainte-Barbe, à Terre-Neuve.

Je vais vérifier les horaires au bureau : le bateau doit passer dans ¾ d’heure, me dit-on (départ 13:00, le prochain est à 18:00...) j’ai donc seulement le temps de prendre mon billet (26,75 $) et de me mettre en ligne pour être sûr d’avoir ma place. Nombreuses voitures de locaux, quelques touristes aussi dont un autre van carrossé Islander dont la compacité me plait bien.

Je rédige mes péripéties de ce matin en attendant l’arrivée du navire. Puis c’est la traversée sans problème du fameux Détroit de Belle Isle où, malgré mon guet attentif, je n’aperçois ni iceberg ni baleine…
Islander RV

Départ de Blanc-Sablon
Départ de Blanc-Sablon

Blanc-Sablon
Blanc Sablon et mon bivouac (au-dessus du garage à portes vertes...)

Terre-Neuve sur la route du sud les
                          mornes
Terre-Neuve : sur la route du sud, les mornes
Débarqué à Ste-Barbe une heure et demie plus tard, tout en haut de la côte nord-ouest de Terre-Neuve, je prends aussitôt la route du sud-ouest, pensant peut-être faire une longue pause pour me délasser les jambes dans le Parc national de Gros Morne. Mais j’ai mal évalué les distances, et bien que la chaussée soit excellente, je vois les kilomètres défiler trop lentement pour y être avant le soir.


Apercevant alors les panneaux annonçant un autre site historique géré par Parc Canada (dont j’ai haute opinion !) je prends le détour d’une quinzaine de kilomètres vers Port-au-Choix où des fouilles extensives sur la presqu’île (autrefois isolée de Terre-Neuve) ont permis de découvrir des habitats très anciens ainsi que les restes d’un cimetière remontant à plus de 5 000 ans (Amérindiens Maritimes archaïques). Port-au-Choix la côte
Le rivage assez austère de l'île de Port-au-Choix


Notice échelle du temps


Les fouilles ont donné une foule d’informations sur le mode de vie des générations d’autochtones qui se sont succédé ici depuis le début de peuplement de l’Amérique il y aurait 12 à 15 000 ans, via le Détroit de Béring gelé. Je commence par visiter le centre d’accueil et d’interprétation, isolé au milieu de landes semi-désertiques. Elles sont entièrement protégées car offrant un habitat unique à une flore rare et particulière. Après un sympathique accueil en français (plutôt rare ici…), une petit vidéo expose succinctement les principales campagnes de fouilles et les enseignements qu’on a pu en tirer.

Port-au-Choix foenes
Foënes (pointes barbelées) utilisées pour la pêche

Puis un tour des vitrines fort bien présentées et commentées montre les plus belles trouvailles : objets en pierre taillée, en os et ivoire, en bois, reliés aux techniques de pêche et de chasse élaborées qui ont permis la survie de cette petite population dans un état de santé et une longévité remarquable pour l’époque (plus de 60 ans !), au vu des conditions climatiques.

Port-au-Choix hampes de harpon et poignards en
                    pierre
Port-au-Choix : hampes de harpon et poignards en pierre

On voit aussi les plans de quelques maisons dont une reconstituée en diorama grandeur nature ; enfin j’y reçois pas mal d’informations sur cette période relativement récente mais peu documentée de cette étape de l’humanité, en tout cas de ce côté-ci de l’Atlantique, presque tous les artefacts, organiques, ayant disparu dans le sol acide, et faute d’écriture ou de restes architecturaux. Port-au-Choix : diorama de maison
                            paléo-esquimaude
Port-au-Choix : diorama de maison paléo-esquimaude

Ensuite c’est une longue balade solitaire de plus de 10 km à travers la lande puis le long du rivage pour découvrir in situ les lieux fréquentés par les ancêtres où l’on a fait les découvertes.

Le
                  sentier Dorset
Promenade du sentier Dorset



Ruisseau dans la lande
Sentier Dorset : ruisseau dans la lande

Port-au-Choix : panorama de la lande calcaire
                  vers Philip's Garden
Port-au-Choix panorama de la lande calcaire vers Philip's Garden

La plage devant Philip's Garden
La plage devant Philip's Garden

Port-au-Choix : les chasseurs de phoque
                paleo-esquimaux de Phillip's Garden
Port-au-Choix : évocation des chasseurs de phoque paléo-esquimaux de Phillip's Garden

Port-au-Choix : les chasseurs de phoque
                    paleo-esquimaux de Phillip's Garden
Port-au-Choix : les chasseurs de phoque paléo-esquimaux de Phillip's Garden

Port-au-Choix : chassurs de phoques
                    paléo-esquimaux
Port-au-Choix : chasseurs de phoques paléo-esquimaux

Pour le néophyte que je suis, impossible de distinguer quoi que ce soit de significatif dans les quelques buttes ou creux herbeux signalés par des panneaux assez éloquents (Philip’s Garden). Reste l’émotion de marcher dans les pas des Anciens, à nous de poursuivre le cheminement de notre espèce curieuse et inventive, dans une direction pour le moins incertaine… Au delà des réflexions, c’est surtout pour moi l’occasion d’un bon bol d’air marin sur cette terre dénudée balayée par un vent fort et constant, qui se rafraichit au fur et à mesure de la descente du soleil.

Port-au-Choix : le port et quai de
                          pêche
Port-au-Choix : le port et quai de pêche
Je rejoins le village de pêcheurs contemporain de Port-au-Choix installé sur l’isthme reliant maintenant l’île à la terre ferme. Là se trouvait le cimetière cité plus haut. Puis la longue ligne droite de la route longeant la mer me ramène au parking du centre d’accueil où m’attend mon ProMaster enfin rejoint vers 18:00.

Je m’y réchauffe un peu en mangeant un morceau, puis décide de gagner au plus court et au plus vite Port-aux-Basques où je prendrai le prochain traversier pour le continent. J’en ignore l’heure de départ puisque cette information, pourtant essentielle aux voyageurs, est absente de toute la doc touristique pourtant abondamment distribuée ! Certes je ne pourrai me rendre ce soir jusqu’à mon but, voulant le moins possible rouler de nuit, mais en me levant tôt j’aurai peut-être la chance d’attraper demain le ferry du matin.

Route excellente, paisible car peu fréquentée qui, sur une grande longueur, suit la mer. J'y vois le soleil se coucher dans une légère brume qui en estompe l’éclat. La nuit est tombée lorsque je traverse le vaste parc de Gros Morne, beaucoup plus accidenté, où la crainte de rencontrer inopinément un moose (orignal, ou élan du Canada) me fait adopter une allure prudente. Heureusement car, une dizaine de km avant la grande ville de Deer Lake, je vois une masse brune s’agiter sur la route dans les rayons de mes phares à longue portée. C’est bien le quadrupède contre lequel de multiples panneaux jaune pétant mettent les automobilistes en garde, un jeune, gros quand même comme un mulet, qui semble empêtrés dans ses longues pattes et se démène pour quitter la chaussée en me voyant arriver. Bien évidemment je pile, et attends qu’il ait disparu dans les fourrés avant de reprendre mon chemin, plus attentif encore…

Je rejoins alors la Transcanadienne (Route 1), passe la zone urbaine qui me paraît peu propice à un bivouac et poursuis jusqu’à Corner Brook. J’y prends la 4ème et dernière sortie marquée «Zone industrielle» et m’arrête sur le premier parking propice, devant ce qui semble un ensemble de bureaux brillamment éclairé dans un vaste espace paysager. Je dîne rapidement puis me couche aussitôt, remettant l’écriture du journal à demain durant la longue traversée maritime vers la Nova Scotia.

Je dors comme une bûche, seulement réveillé pendant une petite demi-heure lorsqu’un vigile me signifie d’aller stationner un peu plus loin, hors de ce terrain privé (pourtant sans aucune signalisation). Je fais 500 m et vais nicher sur une petite rue perpendiculaire, devant une maison en construction, et m’y rendors aussitôt.


22 213  Mardi 29 août 2017 : de CORNER BROOK à YOUNGSCOVE (800 km de route + traversier)
Réveil à 6:30 à ma montre (je ne sais plus exactement quelle heure pour les Newfies…), assez en forme pour prendre immédiatement la route en pyjama, remettant à plus tard (sur le quai ou même dans la soute du bateau si nécessaire) douche et petit déjeuner. Le ciel est dégagé mais le soleil demeure légèrement filtré par une humidité ambiante assez accusée. Je verrai d’ailleurs le long de l’excellente Transcanadienne (presque toujours à trois voies avec de nombreuses sections en 2 x 2 voies) des bancs de brouillard matinal qui disparaîtront progressivement avec le réchauffement – relatif - de l’air (de 14°C à 18°C). Banc de brouillard sur la Transcanadienne
Banc de brouillard sur la Transcanadienne

La route file, les 220 km aussi ; je pointe le GPS directement sur le terminal maritime, passe rapidement le site de la petite ville portuaire et me présente à 10:22 à la barrière où la préposée m’annonce le prochain départ dans 1 heure ! Décidément j’ai de la chance… Je prends aussitôt réservation et billet (157,09 $) pour un départ à 11:45 heure locale.

Embarquement à Port-aux-Basques
Embarquement à Port-aux-Basques
J’ai à peine le temps de me mettre en ligne aux côtés des nombreux autres véhicules qu’on annonce déjà le début de l’embarquement ! Ce n’est qu’un demi-heure plus tard, le ProMaster bien casé dans la soute, que je pourrai prendre ma douche, m’habiller et avaler un rapide déjeuner, puis faire une réparation de fortune (ruban gommé) sur mes lunettes dont la soudure refaite à Leucade l’hiver dernier vient encore de me lâcher.
Je monte ensuite sur le 7ème pont, dans le grand salon à l’avant du gros navire SS Highlander, de Marine Atlantique (un ex-ferry norvégien) pour trouver un fauteuil confortable avec vue directe sur la proue et prise de courant pour mon MacBook. J’y assiste à la sortie du port quelques minutes plus tard, lorsque le navire appareille à l’heure dite, puis j'y rédige ces pages avant de me lancer dans le traitement des quelques 600 images prises depuis mon départ de Montréal… Je croyais en avoir largement le temps, vu les 6 heures nécessaires au parcours des 177 km jusqu’à North Sydney en Nouvelle Écosse. Mon travail sera pourtant loin d’être achevé lorsque la côte néo-écossaise apparaît enfin, puis défile longuement pendant que le navire contourne le Cap Breton pour gagner le fond du golfe où niche North Sydney. On croise un autre traversier sistership du
                        nôtre...
En arrivant à North Sydney, on croise un autre traversier sistership du nôtre...

Dès le débarquement je refais le plein d’essence avant de m’engager sur l’excellente route (suite de la Transcanadienne) qui traverse d’abord la presqu’île du Cap Breton, pour rattraper la Nouvelle-Écosse continentale.

En longeant le Bras d'Or dans le soleil
                        couchant
En longeant le Bras d'Or dans le soleil couchant
Dans le soleil descendant je passe un premier grand pont qui franchit une des branches du Bras d’Or, le vaste lac ramifié occupant le centre du pays. Puis je traverse toute l’île du Cap Breton jusqu’au Détroit de Canso. La route file, le trafic demeure raisonnable malgré la présence de nombreux touristes qui prennent comme moi le chemin du retour. Paysage vallonné où se mêlent boisés et terres de culture. Habitations et villages se succèdent le long de la route, témoignant de la déjà longue occupation du territoire, infiniment plus chaleureux et civilisé que les vastes espaces déserts et austères parcourus depuis une semaine. Je décide de m’avancer au maximum ce soir pour me donner la chance d’arriver demain-soir à la maison.

Je passe le long pont sur le Détroit de Canso vers 19:30 dans le crépuscule, puis continue de progresser vers l’ouest maintenant dans la nuit. Un ralentissement causé par des travaux m’amène à me ranger sur le bord de la route pour souper légèrement vers 21:00 près d’Antigonish, puis j'achève ma traversée de la Nouvelle-Écosse. Passant au Nouveau-Brunswick peu après Amherst, je me sens assez reposé après la longue pause du traversier pour rouler encore vers le nord-ouest, d’autant plus que la circulation devient plus clairsemée. Après 70 km la Transcanadienne contourne Moncton pour prendre la direction plein ouest vers Fredericton, à près de 180 km.

Je ne me rendrai cependant pas aussi loin, le voyant jaune indiquant l’épuisement du réservoir de carburant commençant à s’allumer. Je me mets à l’affut des grands panneaux indiquant une station, mais n’en aperçois guère… L’inquiétude commence à poindre, les kilomètres défilent et l’aiguille descend inexorablement dans le rouge. Au bout de 98 km j’aperçois enfin sur le panneau de la sortie 365 (intersection Route 10) le logo de la petite pompe bleue, et une haute enseigne Irving pointant au-dessus des arbres. Ouf ! Soulagé, je gagne la station mais tout est éteint : les pompes ne fonctionnent plus, le service - pourtant automatisé - s’arrêtant à 22:00 pour reprendre à 7:00 !


Youngs Cove : bivouac devant la station
                        Irving à l'aube
Aube sur la station Irving de Youngs Cove

Il ne me reste plus qu’à faire une étape forcée sur le grand terrain en arrière où je m’installe vite dans le grand calme, me couche rapidement, assez fatigué, en prévoyant me lever tôt demain. Je me suis bien avancé en ayant dépassé le seuil des 1 000 km restant, mais l’étape de demain sera longue elle aussi !


23 012 Mercredi 30 août 2017 : de YOUNGSCOVE (Rte 10) à MONTRÉAL (907 km)
En remontant le fleuve St-Jean
En remontant le fleuve St-Jean
Réveillé et levé tôt sous un ciel clair, je commence par faire le plein sur l’une des pompes entièrement automatisées (pourquoi les ferment-ils la nuit ?) puis reprends la TransCanada Highway qui file dans une campagne assez boisée avant de rejoindre et longer le Fleuve St-Jean près de Kings Landing. J’en apercevrai le vaste plan d’eau à de nombreuses reprises, puisque la route remontant vers le Québec emprunte sa large vallée. Je passe ainsi l’embranchement vers Fredericton, la capitale provinciale, puis Woodstock, Hartland et son fameux pont couvert, le plus long du Canada.

Le relief s’accuse un peu en continuant vers le nord et en longeant la frontière du Maine, dépourvue de routes. Le fleuve se rétrécit mais la grande route file, toujours aussi belle, en gagnant un peu d’altitude vers Edmundston, dernière ville de la province qui se signale par la fumée de ses usines de transformation du bois. Je suis bientôt au Québec, l’autoroute ne tarde guère à s’interrompre pour laisser place à une chaussée nettement moins agréable qui descend vers le grand Lac Temiscouata puis, plus rapidement, vers le golfe du St-Laurent rattrapé à Rivière-du-Loup.

À partir de là, je suis sur l’Autoroute 20, que j’ai déjà parcouru bien des fois. Le trafic y est fluide, le temps dégagé et le ProMaster file, confortable et silencieux, sur les derniers 430 km jusqu’à Montréal que j’atteins vers 17:00, juste pour l’heure de pointe ! Des travaux majeurs de restauration du Tunnel Hippolyte-Lafontaine me menant à un bouchon persistant en abordant Boucherville, le GPS me déroute jusqu’au Pont Jacques-Cartier, ce qui me permet de récupérer un CD à la Grande Bibliothèque, sa réservation parvenant à échéance ce soir… Arrivé à Outremont à 18:00, heureux d’être à temps pour souhaiter demain l’anniversaire de Monique, mais assez fatigué par cette autre longue étape. Je soupe rapidement et me couche sans trop veiller, en remettant à plus tard le récit de mes aventures et la mise en ordre du camion.

4 739 km parcourus...


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