Monique et Jean-Paul MOUREZ à bord du Guépard
8. VANCOUVER
ISLAND (BRITISH COLUMBIA)
Jeudi 2 août 2001 : de TSAWWASSEN à SAANISH (52 km)
Une pluie serrée tambourine sur le
toit durant la nuit rendue également bruyante par le
trafic sur la grande route voisine, et le ciel est
encore très gris au matin. Nous sommes sur la
plate-forme d'embarquement du ferry à 9:10, juste pour
voir s'éloigner le navire précédent vers l'île de
Vancouver. Nous prendrons donc le suivant à 10:00, ce
qui nous donnera le temps de déjeuner en attendant en
ligne. Embarquement sans problème.
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Le ferry vers l'Ile de Vancouver |
À bord du ferry |
Malgré le temps assez frais je passe
l'heure et demie de traversée sur le pont supérieur à
contempler et filmer le paysage particulièrement
spectaculaire, surtout durant la dernière partie du
trajet, lorsque le bateau louvoie entre les îlots de
l'archipel avant d'arriver à Swartz Bay.
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Le temps maussade se poursuit durant les quelques kilomètres de route rurale menant aux fameux Butchart Gardens. Visite longue et coûteuse à laquelle nous consacrons l'après-midi après déjeuner dans le Guépard, sur le stationnement impeccable. L’organisation est parfaitement rodée, la foule docile au rendez-vous, pas une fleur ne manque dans les innombrables parterres aménagés au début du siècle dans cette ancienne carrière. Mais comme nous sommes loin de la poésie des subtils et raffinés jardins britanniques que nous chérissons tant ! |
La Cascade de l'Orgue
Pour moi, l'art du jardinier consiste à recréer un paradis idéal mieux que nature en l'imitant et en la pastichant pour en reproduire les effets les plus beaux et les plus touchants, sans la violenter cependant. |
La combe |
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Ici au contraire tout l'effort semble viser à faire parader avec le maximum d'impact visuel les couleurs les plus vives, à créer des effets de masse en regroupant des dizains d'exemplaires d'une même plante de couleur identique de façon à remplir tout l'espace, comme dans une peinture à numéro. |
Bassin d'eau dans le jardi italien |
Monique derrière le bassin |
Pas une herbe étrangère - qui ne saurait qu'être mauvaise - pas
une pousse de travers, tout est placé au cordeau, les pelouses
parfaitement tondues et roulées, les arbres et haies
méticuleusement taillés, les fleurs fanées coupées et
remplacées. L'assemblage criard des couleurs finit par écœurer,
comme le mariage contre nature de certaines espèces (corbeilles
de pétunias accrochées aux portiques de la roseraie par
exemple).
. Pivoine |
Restent de nombreux
spécimens remarquables par ailleurs, comme les dahlias
et pivoines présentés en collection
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Pont japonais |
Fontaine musicale (sōzu) du jardin japonais |
Le jardin japonais quant à lui manque totalement de spiritualité et donne l'impression d'un ramassis désordonné de plantes exotiques - impeccables elles aussi - rassemblées sans inspiration ni génie dans un vallon.
Et pourtant il y a foule, et l'on ne voit que laudes dans les guides touristiques, livres d'or ou autres documents en circulation… Bref on retrouve ici l'approche américaine du jardinage (cf. les Bush Gardens de Floride), aux antipodes des traditions européennes et orientales. Assez déçus, nous quittons les abords du parc vers 17:30 après quatre autres heures de marche, autrement moins enthousiasmantes cependant que celles consacrées hier au VanDusen Botanical Garden.
Nous rattrapons la côte à Cordova Bay, sous un
ciel qui s'assombrit et se résout en pluie fine. Arrêt tôt (18:15)
dans un lotissement d'énormes maisons toutes neuves mais plus ou
moins habitées, au bout de Ash Road à Saanish. Monique lit tandis
que j'écosse les gousses de lupin ramassées près de l'UBC Museum
et que cliquette la pluie sur le toit… Dans le grand silence nous
soupons, puis Monique achève son 3ème volume des
aventures d'Harry Potter tandis que j'écris ces dernières lignes.
Coucher tôt à 22:15.
Vendredi 3 août 2001 : de SAANISH à MILL BAY (76 km)
Nuit tranquille au milieu des grandes maisons inhabitées dont l'opulence fait penser aux manoirs cossus de Westmount. Ils appartiennent à des étrangers (hindous, japonais, chinois ou américains), nous dira une voisine promenant son chien qui nous aborde en français et qui suspecte ces investissements conséquents être le fruit de blanchiment d'argent plus ou moins bien gagné… Peu nous importe puisque ces hôtes involontaires, qui brillent par leur absence, ne nous auront vraiment pas dérangés ! Départ vers 10:00 sous un ciel gris où parfois surgit quelque éclaircie.
La scenic drive continue de longer l'océan, bordée de superbes et souvent prétentieuses propriétés : vastes jardins fleuris, trop souvent à la Butchart, i.e. avec des couleurs clinquantes et criardes sans grand souci de dessin ni d'assemblage, gazon vert fluo regorgeant de nitrate, grosses bicoques tarabiscotées, bien plus dessinées pour impressionner le passant que pour s'intégrer à l'environnement. Les paysages marins nous font beaucoup penser à la côte sud de la Bretagne - rocheuse et basse - tout comme le climat très doux et la végétation parfois presque méditerranéenne (palmiers…). De belvédères en view point, nous arrivons au centre ville de Victoria, sans être aucunement impressionnés par les constructions - banales - qui bordent le front de mer. Décidément l'architecture domestique n'est vraiment pas une spécialité où s'illustrent les Canadiens, ici encore moins qu'ailleurs…
Bref tour du centre "historique" devant le Parlement très pièce montée fin XIXème (romano - byzantino - gothico - hispano…) : bassin rempli de yachts, énorme Empress Hotel du plus pur style Canadien Pacific, bâtisse verre et béton 1960 du BC Royal Museum, le tout assaisonné d'une débauche de touristes sous parapluies, en majorité asiatiques… Pas de quoi se pâmer ! |
Port de plaisance de Victoria en soirée |
Comme le Guide Vert ne
signale pas grand chose d'original, et que le Visitor
Guide est plus un ramassis de publicités qu'une réelle
introduction aux particularités de la cité, je convainc
Monique de visiter la galerie renommée du British Columbia
Museum consacrée aux peuples autochtones. Effectivement ses trois salles contiennent de superbes artefacts (outils, tissages, paniers tressés, toute une série de masques et de grands totems et, pour une fois, l'intérieur d'une authentique "grande maison"). De nombreuses notices, claires et synthétiques, les replacent dans leurs contextes historique et sociologique (avant ou après l'arrivée des Européens). |
B.C. Museum : the Totem Gallery |
B. C. Museum - Exposition Emily Carr : Totem walk |
Comblé par l'aubaine, je prends le temps de tout regarder et de tout lire, malgré l'impatience de Monique qui répugne à traduire… En sortant de la galerie, nous tombons sur une exposition temporaire présentant les talents multiples, l'originalité et la force de caractère d'Emily Carr peintre, potier, écrivaine, ethnographe, etc. |
B. C. Museum - Exposition Emily Carr : Dancing Tree |
Emily Carr : Young Pines |
Emily Carr : Forest |
Emily Carr : Above gravel pit |
Nous écourtons ensuite la visite du centre ville
après un coup d'œil aux deux maisons anciennes (Helmcken House et
une vieille école) qui ne nous montrent rien de nouveau, pour
regagner notre Guépard garé à deux pas. La sortie de ville est
longue par la route 1 embouteillée car le vendredi soir signifie
départ en week-end, même à Victoria pourtant si paisible ! Après
une séance de magasinage dans un grand centre d'achat où nous
remplissons la glacière de denrées fraîches, nous empruntons sous
la pluie la Mahalat Drive vers le nord qui offre quelques très
belles vues panoramiques sur le Saanish Inlet. Nous quittons son
tracé rapide pour descendre sur la rive du détroit et trouver un
bivouac super tranquille auprès de quelques maisons à Mill Bay.
Samedi 4 août 2001 : de MILL BAY à TOFINO (325 km)
Après une nuit parfaitement silencieuse, nous nous levons à 8:45 pour décoller à 9:30. Jolies vues sur le Saanish Inlet et sur sa péninsule, mais seulement par moment car le plus souvent les arbres cachent le paysage. Pour éviter la grande route très chargée, nous bifurquons sur la rurale Koksilah Road qui passe au milieu des près entourant de grosses fermes laitières avec les montagnes en arrière plan. Retour sur la 1 à Duncan, une petite agglomération nord-américaine sans caractère, avec sa pléthore de grands panneaux publicitaires multicolores, accrocheurs et vulgaires. Passent ainsi Chemainus, Ladysinth et enfin Nanaimo où nous arrêtons quelques minutes devant le port de plaisance, histoire de nous dégourdir les jambes. Jolie vue sur Newcastle Island convertie en parc provincial vers lequel affluent les touristes du week-end. La route très achalandée se poursuit jusqu'à Parksville où nous bifurquons en direction du Pacific Rim, sur la côte sud-ouest de l'île.
Forêt de Douglas Fir |
Paysage plus sauvage et nettement moins pollué par la pub… Un premier détour nous entraîne vers Englishman River Falls pour admirer les deux chutes, supérieure et inférieure, de la rivière et surtout profiter du très beau sous-bois de rain forest (forêt humide). |
De superbes fougères s'épanouissent au
pied d'immenses Douglas Firs (plus d'un mètre de diamètre,
40 à 60 mètres de hauteur…) tout au long du sentier
longeant la vallée et la gorge entre les deux
chutes. |
Englishman River Falls |
Englishman River Falls : gros plan |
Tronc de pin Douglas (ou Sitka) |
Un peu plus loin, autre extraordinaire balade dans un boisé de pins Douglas géants. C'est le fameux McMillan Park, appelé aussi Cathedral Grove, un espace épargné par les forestiers, où les plus gros arbres ont 800 ans et atteignent 76 mètres de haut et 3 mètres de diamètre… |
Monique au pied d'un BC Fir Sitka |
Troncs géants dans McMillan Park |
Pins géants dans McMillan Park (Cathedral Grove) |
Pacific Rim : troncs flottés sur Wicanninish Beach - Long Beach dans le brouillard |
Nous allons quand même flâner sur l'immense plage de Long Beach où la forêt s'arrête sur un entassement de grands troncs flottés blancs, en avant de la vaste étendue de sable pâle battue par un Océan pas Pacifique du tout ! Une bande de surfeurs opiniâtres affronte les énormes rouleaux qui déferlent, quelques touristes emmitouflés se baladent dans le vent frisquet et saturé d'humidité qui souffle de la mer, les extrémités de la plage disparaissent dans un brouillard d'embruns… |
CE À QUOI AURAIT PU RESSEMBLER LE PACIFIC RIM SOUS LE SOLEIL...
Pacific Rim : Wicaninish Beach |
Pacific Rim : en soirée sur Wicaninish Beach |
Pacific Rim : Cape Scott |
Pacific Rim : Shooner Cove |
Pacific Rim |
Pacific Rim : côte rocheuse |
Aube sur le Pacific Rim |
Pacific Rim : piscines naturelles à Greenpoint |
Phare de Portofino |
Pacific Rim : étoiles de mer et autres coquillages laissés par la marée |
Pacific Rim : Cox-Bay |
Une première balade en haut de
Radar Hill (une ancienne station du réseau de
détection nord-américain des années 50, maintenant
démantelé) donne un avant-goût de la journée. Nous
serions immédiatement trempés si nous ne nous
abritions sous notre grand parapluie de golfe rouge et
blanc, et n'avions chaussé nos bottes de caoutchouc.
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On devine des paysages magnifiques
mais le mauvais temps leur enlève tout agrément. Nous
revenons à chaque fois un peu plus dégoulinants et gelés
dans notre camion bientôt rempli de vapeur,
particulièrement après ma sortie sur le Shorepine Bog
Trail (le Marais des pins tordus), une boucle de 800 m
sur un trottoir de bois posé sur un marais. De retour
dans le Guépard, je dois remettre en fonction le
puissant chauffage arrière pour assainir l'atmosphère et
sécher nos chandails, blousons et souliers ou bottes.
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Pacific Rim : forêt
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Rivage du Pacific Rim et corneilles |
Nous finissons par abandonner toute
velléité d'exploration du Pacific Rim Park, surtout après
qu'une ranger du Centre d'accueil m'ait communiqué
le bulletin de météo de demain où l'on ne prévoit qu'une
"légère amélioration"… Nous reprenons donc la route sous la pluie battante jusqu'à Ucluelet où nous déjeunons au bord de la route, après avoir cherché sans succès un coin calme devant la mer. |
Lundi 6 août 2001 : de HORNE LAKE à BUTTLE LAKE Campground (206 km)
Rivage à Bowser |
Si la nuit est assez silencieuse, la circulation - épisodique cependant - reprend dès 6:30, nous laissant sommeiller jusqu'à 8:00… Pas une goutte d'eau cette nuit, et des grands trous de ciel bleu au travers des nuages laissent présager une journée plus agréable, bien qu'il fasse encore très gris lorsque nous déjeunons au bord de la plage devant le détroit. |
La route 19a suit la côte pendant un bon moment, malheureusement encombrée de panneaux publicitaires agressants et de toutes sortes "d'équipements touristiques" désordonnés et plus ou moins soignés (restaurants, RV parks, souvenirs autochtones ou autres…), ce qui dénature un paysage autrement agréable. |
Totems à Alert Bay |
Étoiles de mer |
Plage du Détroit de Georgie |
Demi-tour pour reprendre l'ancienne route sur laquelle un discret panneau de bon goût nous invite tout à coup à visiter les Kitty Coleman Woodland Gardens. Aucune mention dans nos guides mais un jardin, ça peut valoir le coup. Accueil simple, discret et aimable du propriétaire en salopette délavée et souliers boueux qui bricole le toit de la petite grange d'accueil. Une fois nos 5 $ de droit d'entrée glissés dans le couvercle fendu d'un gros pot en verre, il nous remet la photocopie du plan des lieux avec un grand sourire, et nous voilà partis à la découverte de son royaume.
Kitty Coleman Garden : jet d'eau |
Kitty Coleman Garden : Jean-Paul sur le pont |
Toute une trouvaille, ce grand jardin de 12 hectares dont les 2/3 ont été récemment développés, donc bien dessinés mais dont les fleurs plus ou moins sauvages n'ont pas encore pris toute leur ampleur, laissant de vastes espaces herbus ou découverts entre les nombreux plans d'eau et les sentiers délimités par des rangées de petites pierres. |
Jean-Paul sur le banc de bois du Kitty Coleman Woodland Garden |
Combe de Kitty Coleman Garden |
En revanche le dernier tiers est un bois beaucoup plus ancien, envahi par de grandes fougères qui prolifèrent sous les hauts arbres habituels à la région : pins Sitka, Douglas firs, etc. Une combe en fait le tour où coule un paisible ruisseau qui murmure sur les galets ronds. Atmosphère feutrée et moussue, lumière tamisée, ambiance magique de forêt enchantée archétypique. Un sentier recouvert d'écorce de cèdre s'ingénie à nous faire découvrir tous les points de vue et particularités du boisé, un bel échantillon de rain forest, tout en offrant un tapis souple et sec au pied qui s'y enfonce moelleusement et sans bruit. |
Nous reprenons la route et pique-niquons sur une
aire de repos au bord de la plage à Saratoga Beach. Arrivant peu
après à Campbell River, nous nous enfonçons à l'intérieur des
terres et je vais admirer les Elk Falls dans le beau parc naturel
(arbres et fougères) qui protège leur environnement (rochers,
chutes, canyon…). Nous poursuivons la route de plus en plus
sauvage qui longe le Upper Campbell Lake en direction du
Strathcona Park.
Jolies vues sur le Buttle Lake, les montagnes boisées et les pics enneigés au loin à partir de Strathcona Park Lodge. Puis nous gagnons le camping du parc où, après une petite balade sur la plage, nous expédions souper et vaisselle pour nous coucher tôt dans un calme absolu sous la pinède, en pleine nature. |
Plage de Strathcona Park Lodge |
Mardi 7 août 2001 : de STRATHCONA PARK à PORT HARDY (402 km)
Buttle Lake près du camping |
Le terrain est superbe, les grands
espaces aménagés nous isolent si bien de nos voisins
et le silence est si complet que nous nous réveillons
seulement passé 9:00 ! Un carré de ciel bleu s'encadre
dans le panneau de toit au-delà du faîte des arbres.
C'est le début d'une très belle journée qui nous
permet de découvrir, au moins partiellement, le plus
grand parc de la Colombie Britannique.
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Le bateau qui nous attend demain
matin à Port Hardy ne nous laisse pas le temps d'y
faire de longues promenades comme celle de Della Falls
(24 km) mais au moins allons-nous admirer la cascade
de Shefferd Creek, flâner sur plusieurs plages offrant
des vues superbes et enfin achever le tour du lac par
l'excursion aux Myra Falls.
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Buttle Lake |
Myra Falls |
Buttle Lake depuis Myra Falls |
Strathcona Park |
Le cadre des pentes abruptes couvertes de sapins et de pins élancés, la couronne de montagnes tachetées de neiges, les eaux bleues du lac qui s'étirent comme dans un fjord de Norvège, tout est là pour offrir un spectacle magnifique auquel il faut pourtant mettre un terme vers 14:00. Nous revenons alors sur nos pas en contemplant à nouveau toutes les occasions de haltes découvertes à l'aller, puis parcourons à rebours la longue route sinueuse et montueuse à travers bois jusqu'à Campbell River. |
Plein d'essence, d'eau et de
saumon fumé pour les deux pique-niques de demain sur
le bateau, puis route non-stop jusqu'à Port Hardy où
nous pensons dormir sur le stationnement du
traversier.
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Baie peu après Campbell River |
Cape Scott |
La route côtière devient plus étroite mais son tracé demeure excellent. Ses grandes courbes s'insinuent dans des vallées profondes aux pentes très boisées où se repèrent fréquemment les larges coupes à blanc des forestiers. Au moins ont-elles été en général assez rapidement reboisées, si l’on se fie aux pancartes que les compagnies ont systématiquement disposé le long de la route pour soigner leur image mise à mal par les écolos. Quelques hameaux misérables - amérindiens semble-t-il - et aucune autre agglomération à part Woss, atteint après 126 km de nature sauvage. |
Le soir tombe lorsque nous rattrapons la côte à Port McNeil et faisons un petit détour de 15 kilomètres pour aller souper devant un somptueux coucher de soleil à Telegraph Cove, un charmant petit port de pêche pas encore trop défiguré par le développement touristique. |
Pause souper à Telegraphe Cove dans les rougeoiements du couchant |
C'est dans la nuit que nous atteignons Port Hardy où nous gagnons directement le grand stationnement des BC Ferries à Bear Cove. Couchés dès 23:00 après avoir fait confirmer notre billet, nous sommes chassés du grand terrain asphalté près du quai à 1:00 par des employés trop zélés… Nous allons finir notre trop courte nuit sur le bord d'une rue dans un lotissement en construction, à quelques centaines de mètres du port.
9. BRITISH
COLUMBIA |
Croisière dans le Passage Intérieur |
Mercredi 8 août 2001: de PORT HARDY à PRINCE RUPERT (en bateau)
Notre ferry «Queen of the North» |
Sommeil finalement paisible mais lever très tôt à 5:45 pour aller nous placer sur la file d'embarquement à 6:15. Grosse déception, le ciel est très gris, l'humidité pénétrante, et lorsque nous quittons le quai à l'heure prévue (7:30), c'est dans un brouillard blafard qui s’épaissit dès que le Queen of the North commence son long cabotage entre les îles du Passage Intérieur. |
Seul le rivage des îlots les plus proches se devine au-delà de l'eau sombre, le reste du paysage demeurant totalement caché par la brume. Le navire ne tarde pas à lancer régulièrement de longs et puissants coups de sirène qui résonnent lugubrement. Trois heures passent ainsi; à part un court ballet d'épaulards (orques) qui émergent quelques secondes à une centaine de mètres de la coque, rien à voir. |
Queen's Charlotte Straight |
Dean Channel |
Cousin Inlet |
Takakia Lake sur Queen Charlotte Islands |
Jean-Paul sur la poupe du Queen of the North |
Inside Passage
Jeudi 9 août 2001 : de PRINCE RUPERT à NEW HAZELTON (383 km)
Brûlés par le soleil et le vent marin dont nous avons largement profité sinon abusé sur le pont du Queen of the North hier, nous dormons comme des marmottes et nous réveillons sur notre rue tranquille à 9:30… Sous un ciel bleu et ensoleillé, nous décollons à 10:30 pour atterrir quelques centaines de mètres plus loin à l'habituel Safeway et y quérir un pain de glace et quelques produits frais. Monique me fait renoncer à parcourir les galeries du musée amérindien local.
Nous descendons déjeuner sur le Waterfront en cours de réaménagement après l'incendie de 1972 qui l’a complètement dévasté, mais la forte odeur de marée nous en chasse de nouveau rapidement. Nous préférons retourner jeter un œil à Cow Bay qui offre le pittoresque spectacle d'un petit port de pêche encore à peine écorniflé par le " développement " touristique. |
Cow Harbor à Prince Rupert |
En remontant le Skeena |
Puis nous quittons Prince Rupert par la route de l'intérieur qui suit la vallée du Skeena. Son cours aux eaux bleu vert s'étale largement dans une superbe vallée montagneuse. La route suit les méandres de la vallée au ras de l'eau en larges et excellentes courbes mais la beauté du panorama qui se renouvelle sans cesse incite à prendre son temps. |
De nombreux arrêts photo et vidéo ralentissent donc notre progression, d'autant que des cimes enneigées du plus bel effet ne tardent pas à occuper l'arrière plan. |
Pique-nique au bord du Skeena |
Pyrargue (aigle à tête blanche) |
J’observe aussi des aigles à tête blanche qui pêchent en tournoyant près du rivage ou vont se percher sur les hauts pins qui le dominent. |
Nous sommes en pays Kitksan, un peuple autochtone fameux pour ses grands totems. Nous quittons la grande route pour aller en contempler quelques-uns uns, d'abord à Kitwanga puis à Kitwancool, un autre village autochtone marquant par sa pauvreté. |
Kitwancool : totem et Grande Maison |
Totems de Kitwancool |
Les sculptures des hauts mats sont frustres mais puissantes. Leur empilement d'animaux et de personnages emblématiques nous parlent de l'intérêt et de la perspective dans lesquels leurs créateurs percevaient la nature grandiose qui les entouraient. |
Le soleil descend lorsque nous revenons
sur la grande route (la Rte 16) dominée par les hauts pics
enneigés des Seven Sisters. La brume de chaleur qui semble
être tombée sur la région réduit un peu la visibilité, il
fait chaud et lourd malgré l'altitude. Le soir tombe lorsque nous faisons un dernier détour pour examiner les quelques totems dispersés dans le village de Kitseguecla où ils se confondent avec les poteaux électriques et téléphoniques beaucoup plus nombreux… Autres temps, autres mœurs ! |
Près de Kitwanga, le massif des Seven Sisters |
Vendredi 10 août 2001 : de NEW HAZELTON à GOAT RIVER Rest Area (587 km)
Cette autre nuit très silencieuse nous laisse bien reposés au cœur du village et à l'écart de la grande route. Le ciel est clair au matin mais, comme hier, une brume de chaleur bleutée estompe les lointains derrière un voile.
Le pont de Hazelton et les Seven Sisters |
Les taches blanches de la neige sur les hautes montagnes avoisinantes se devinent donc à peine. Une fois les routines achevées, nous empruntons une petite route vers le nord qui nous fait d'abord franchir sur un étroit pont suspendu un pittoresque canyon du haut Skeena et donne bientôt accès au vieux village de Hazelton (1805). |
Ksan : façades des maisons et totems |
Dans le village reconstitué de Ksan |
Un petit musée dans la première "grande maison" présente quelques belles pièces anciennes (outils de pierre ou de bois, vanneries, masques, orfèvrerie, manteau de cérémonie tissé, etc.) fort semblables à celles que nous avons vu dans les musées de Vancouver (U.B.C. Museum of Anthropology) et Victoria (Royal Museum of B.C.). Rien de bien nouveau donc, mais il est étonnant et émouvant de retrouver ces objets dans leur cadre naturel d'origine. |
Bracelet d'argent |
Broche en forme d'oiseau |
Danseur en manteau de cérémonie tissé |
Pour le reste, l'une des maisons
abrite un café, une deuxième le magasin de souvenirs,
une autre un atelier - fermé - et les trois dernières ne
sont accessibles qu'avec le tour guidé auquel nous
renonçons, faute de temps et - aussi un peu - d'intérêt.
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Grenouille |
Masque de Lune salish |
Masque Lune et Grenouille |
Dans la Maison des cérémonie |
Nous préférerions un peu moins d'insistance sur la culture matérielle de ces Indiens du Nord-Ouest et davantage de révélations sur leurs coutumes et leur spiritualité. Celles-ci semblent mieux exposées dans quelques livres et dans le film Prologue de la série " Les Arrivants ", sponsorisé par l'Imperial Oil et tourné ici en 1977, dont nous apercevons quelques plans projetés dans le café…
Un jeune grizzli sur la route de Prince Rupert |
De retour ensuite à la grande route 16,
nous roulons vers l'est sans presque aucun arrêt en
direction de Jasper. À notre droite (au sud) une rangée de
hautes montagnes dont l’Eagle Peak, (2 093 m) et le beau
glacier de Smithers limitent l’horizon, tandis que du côté
nord les pentes sont plus douces et cultivées. Puis les
montagnes s'abaissent progressivement et le paysage
devient plus inhabité, ponctué d’exploitations forestières
et de lacs attrayants. Un bref arrêt au Tourist Info de Burns Lake nous permet de saluer et de remercier la jeune hôtesse qui nous avait aidés à réserver notre ferry à l'aller, puis nous avançons sans interruption jusqu'à Vanderhoof où je fais changer l'huile et le filtre du moteur en refaisant le plein d'essence. Vers 18:00 nous passons Prince George et poursuivons sur la TCH (route 16) le long de la vallée du Fraser très boisée et sauvage. Le soir tombe, ramenant les animaux près de la route; cette fois ce n'est pas un jeune orignal mais la forme sombre d'un ours s'esquivant rapidement dans la pénombre que j'entrevois sur la berme. |
Notre nuit s'achève mieux qu'elle a
commencé et c'est bien reposés que nous reprenons la
route sous le grand soleil. Elle serpente au fond de la
large vallée du Fraser, déjà un fleuve puissant bien
qu'encore fort loin de son embouchure à Vancouver. Pause à McBride pour recharger notre frigo d'un sac de glace, puis poursuite de la belle route de vallée bordée de quelques fermes d'élevage et de pentes boisées. |
Vallée près de McBride |
En approchant du Mont Robson |
Celles-ci se relèvent de plus en plus lorsque les Cariboos laissent la place aux Rocheuses, jusqu'à l'apparition brutale, au détour du chemin, des Monts Robson (3 954 m) et Resplendant (3 426 m), tous deux nappés d'une fraîche neige éclatante. |
Bien que plaisante à contempler, la route nous semble longue et la chaleur nous paraît d'autant plus difficile à supporter que notre air climatisé est toujours en panne, mal réparé par Touchette que nous vouons au diable… Puis nous retrouvons les superbes paysages du Parc national de Jasper: vallées profondes, hautes montagnes dont le rocher prend des teintes grises et rosées sous le soleil flamboyant. Fatigués des odeurs pestilentielles provenant du réservoir de la toilette mal aéré (un défaut de conception à corriger…) nous passons une longue heure au bord du Moose Lake à procéder aux remplissages et rinçages de nos deux réservoirs d'eaux grises et noires ainsi qu'à réparer une vanne d'évacuation qui s'est décrochée lorsque j'ai voulu resserrer un joint défectueux. Malgré l’environnement magnifique du Yellowhead Park la tâche s’avère ingrate et pénible, allongé sous le camion. |
Le Mont Robson |
Jasper depuis le belvedere de l'Old Fort |
Nous arrivons donc assez tard, vers
16:00, à Jasper où nous allons chercher quelques
bouteilles d'eau dans l'épicerie repérée à l'aller. Puis
nous prenons la direction de la vallée de la Maligne. En
nous arrêtant au belvédère qui domine la station et son
site grandiose, la fatigue de notre longue route et le
poids de la chaleur nous accablent et nous arrêtent
soudain. Nous réalisons alors que, vu l'heure tardive, nous ne pourrons profiter de l'excursion en bateau que nous tenons à faire sur le lac. Impossible aussi de coucher sur cette route en cul de sac puisque le camping est strictement interdit dans toute l'étendue du parc national, sauf dans les terrains aménagés à cet effet et qui se trouvent le long des autres routes. |
Nous décidons alors de revenir au
Centre d’accueil du parc à Jasper pour nous faire
indiquer un camping où il reste de la place. On nous
dirige vers le terrain supplémentaire de Snaring River,
à une quinzaine de kilomètres au nord-est. Nous y trouvons un terrain fort peu aménagé mais surtout rendu plutôt bruyant par la proximité de la grand route en direction d’Edmonton et du chemin de fer transcanadien. Soirée relax néanmoins dans le magnifique cadre de montagnes, souper soigné préparé par la cuisinière, mise en ordre de la documentation amassée à ce jour, écriture du courrier et du journal pour une extinction des feux relativement tôt cette fois à 22:25. |
Snaring River Campground en soirée |
10. RETOUR VERS MONTRÉAL (de JASPER à TORONTO)
Dimanche 12 août 2001 : de JASPER à EDMONTON(572 km)
Après le passage de quelques très longs trains sur la voie ferrée et celui de quelques camions sur la route aux limites de notre terrain, la nuit s'avère suffisamment silencieuse pour nous assurer le repos dont nous avons bien besoin. Nous sommes parmi les derniers à lever le camp sous le grand soleil, et c'est pour prendre aussitôt la route de la Maligne. | Monique au dessus du cayon de la Maligne |
Monique au dessus du Canyon de la Maligne |
Ce gros torrent issu du lac du même nom a creusé un superbe canyon à l'endroit où sa vallée suspendue va se jeter dans celle de l'Athabasca. Un sentier abrupt mais bien aménagé permet de suivre au plus près cette gorge spectaculaire sur quelques centaines de mètres, une agréable promenade sous les pins et parmi les rochers, ce qui constitue un bon apéritif avant l'entrée : le contournement du Medicine Lake, un autre exploit de la Maligne qui perd ses eaux par infiltration dans le fond calcaire poreux du lac, avant de réapparaître progressivement un peu plus bas dans la vallée |
Beau lac paisible donc, aux eaux émeraudes enchâssées dans un superbe cadre de masses rocheuses dénudées. De plus une petite harde de chèvres de montagne a eu la bonne idée de venir paître au bord de la route (en s'essayant à quémander de la nourriture aux nombreux touristes du dimanche), ce qui permet quelques photos et plans vidéo à grande proximité. | Chèvres de montagne au bord de
Medicine Lake
|
La cabane à bateaux du Lac Maligne |
Encore un petit bout de route de montagne qui grimpe en serpentant dans la forêt, pour déboucher enfin sur le lac. |
Il est très long (24 km) et les pentes qui l'entourent, plutôt basses du côté où on l'aborde, ne tardent pas à s'élever en grandes masses rocheuses et nues très impressionnantes. Elles s'achèvent tout au fond à distance par un ensemble de pics enneigés disposés en cirque. Magnifique ! | Lac Maligne |
La vedette à touristes du Lac Maligne |
Le seul moyen d'en contempler toutes les
beautés est d'en parcourir les eaux en bateau. Les canots
électriques sont réservés à la pêche (et fort coûteux), la
sortie en canoë semble toute une expédition à Monique (et
exigerait la journée entière), reste la grosse vedette à
moteur. L'espace est mesuré à l'intérieur et la visibilité
réduite, aussi ferons-nous toute la balade sur le petit
pont arrière, juste au-dessus des deux gros moteurs inboard
Volvo Penta qui nous propulsent en 20 minutes jusqu'à
la fameuse Spirit Island, au milieu du lac. Les superbes gerbes d'écume symétriques du sillage sur les eaux bleues forment un spectaculaire premier plan au paysage alpin qui défile sous nos yeux |
Lac Maligne : Spirit Island |
Dix minutes d'arrêt pour se dégourdir les jambes et prendre les photos inévitables du paysage fameux : l'îlot sur fond de cirque enneigé, et c'est le retour, aussi rapide mais tout aussi spectaculaire. |
Lac Maligne : orignale et son petit |
Un peu frustrés de cette balade en coup de vent - et de n'avoir pu bénéficier d'aucun commentaire en français malgré notre demande - nous allons flâner un peu auprès de l'ancienne cabane à bateau datant des années 20 où un jeune orignal, qui broute des algues arrachées au fond du lac, joue la vedette pour une horde de photographes du dimanche. |
Après déjeuner à l'ombre dans le Guépard
pas trop chaud malgré le plein soleil de midi qui tape -
ciel bleu sans nuage et altitude - nous prenons la route
du retour, en contournant à nouveau Medicine Lake. Sans
nous presser, pour garder un merveilleux souvenir de cet
autre Parc des Rocheuses... |
Medicine Lake au retour |
Wapiti dans Athabasca Valley |
Arrivés à Jasper, nous enfilons la 16 en direction d'Edmonton. Elle longe la très large vallée de l'Athabasca qui s'y étale en de multiples chenaux et îles de sable ou de gravier, pour le plus grand plaisir des nombreux baigneurs qui peuvent profiter de ses eaux un peu réchauffées. Un grand cervidé broute l’herbe abondante près d’une mare au bord de la route et polarise l’attention d’une douzaine de voitures arrêtées… |
Les hautes montagnes qui encadrent la rivière (Pyramid 2 763 m, Roche Miette 2 318 m, etc.) s'abaissent brusquement après une soixantaine de kilomètres et l'altitude diminue progressivement; nous sommes sortis des Rocheuses dont les pics et les chaînes acérés se profilent derrière nous à contre-jour. | Athabasca River sous la lune |
Troupeau de bœufs dans la Prairie albertaine |
C'est déjà le début des Prairies. D'abord très boisées, elles laissent progressivement plus de place aux cultures et à l'élevage. Nous continuons de suivre la Yellowhead Highway, la branche nord de la Transcanadienne, sur laquelle le soir tombe doucement tandis que nous longeons les lacs Ste-Anne et Wabamun qui précèdent la grande ville d'Edmonton. |
Fort Edmonton Park en été |
En arrivant en ville nous nous rendons directement sur le site du Fort Edmonton Park, un peu à l'écart du centre ville et au bord de la rivière Saskatchewan Nord. Nous trouvons tout près, dans la nuit noire, un bivouac accueillant sur le grand stationnement désert d'un temple mormon. | Fort Edmonton en hiver |
Fort Edmonton : la
locomotive Baldwin 1919
|
Comme toutes ces reconstitutions ou reliques occupent un espace considérable, on se rend à l'extrémité du parc le long de la rivière en montant à bord d'un véritable et authentique train à vapeur du Far West qui siffle et fume en bringuebalant sur les rails du petit circuit rebâti pour l'occasion. Puis on revient à pied en empruntant les rues thématiques. La vénérable loco (Baldwin 1919) nous laisse à l'entrée du fort. |
Bien qu'il soit superbement reconstitué, ses hautes palissades et ses maisons de bois rond disposées en carré ne nous apprennent plus grand chose de la traite des fourrures et de la vie des hardis trafiquants et coureurs des bois de cette époque héroïque. Le site est en effet fort semblable au Fort William longuement visité à Thunder Bay. En revanche nous y avons une longue et passionnante conversation avec un jeune franco-albertain qui y joue, pour l'été, le rôle de tenancier du magasin de traite de la Compagnie de la Baie d'Hudson. | Fort Edmonton : chargement d'une barque d'York |
Fort Edmonton : la ferme et le moulin à vent |
La rue des pionniers, avec son vieux chariot de l'Ouest et ses maisons de bois à fronton de chaque côté de la large rue centrale poussiéreuse, nous accroche davantage. Nous visitons chaque échoppe fondée par un artisan européen - surtout anglais - où l'organisation marchande et la rusticité des produits n'a d'égale que la simplicité, voire la pauvreté des maisons et des petites pièces d'habitation. Elles aussi sont entièrement meublées d'objets et de meubles d'époque, et sont animées par des hôtes en costumes qui s'efforcent de répondre à nos questions en français. |
La rue suivante nous fait passer à la génération suivante : finie la fondation et la nécessaire autarcie, voici arrivé l’âge de l’énergie et des communications avec l'électricité (ampoules d'éclairage, tramway) et le téléphone (2 dans la maison du dentiste !), suivis par la diffusion des règles d'hygiène et la diversification des produits commerciaux. | Fort Edmonton : partie de croquet dans le jardin de Rutherford House |
Nous rentrons à notre Guépard en traînant la jambe, pique-niquons à l'ombre d'un gros peuplier puis allons faire un tour du centre de la capitale administrative de l'Alberta : le palais législatif d'abord, un bel édifice classique au fronton à la grecque et dôme à la Mansard, montre un plan semblable à ses homologues de Regina ou de Victoria, mais paraît plus agréable grâce à sa pierre calcaire jaune doré. Alentour des pelouses, des massifs fleuris et de grands arbres ont été joliment disposés. Puis nous faisons un tour rapide des grandes artères centrales autour de Jasper Avenue qui encerclent l'Hôtel de ville très moderne avec sa pyramide de verre. La grande place en avant, avec bassin et fontaines, est encombrée par les préparatifs des championnats mondiaux d'athlétisme, donc peu présentable. Pour le reste, on retrouve l'aspect habituel du centre des villes nord-américains avec leurs tours à bureaux en béton, en verre et en aluminium… Nous quittons la ville en jetant un rapide coup d'œil au bateau mouche mû par une grande roue à aubes et ancré sur la rivière, puis aux serres du Muttart Conservatory abritées sous un groupe d'élégantes pyramides de verre.
Petit marché d’alimentation, souper à l'ombre des grands arbres d'une petite rue populaire (il est 17:30) puis en route vers l'est. Nous roulons longtemps dans la Prairie où le soleil descendant dore les immenses champs de céréales mures. Parfois d'énormes moissonneuses-batteuses y récoltent "l'Or des Plaines" en les arpentant dans un grand nuage de poussière jaune.
Dans la Prairie et dans la lumière plus ténue, un troupeau de bisons... |
Ailleurs de grands troupeaux de bovins
bruns ou noirs paissent dans des prés sans limites qui
couvrent les petites ondulations de la plaine s'étendant à
l'infini… Au coucher du soleil à 20:30 je repère un autre troupeau de bisons d'élevage dont je m'approche en douceur pour photos et vidéo avant qu'ils ne s'enfuient… Notre route se prolonge ensuite dans la nuit et dans l'orage qui a fini par éclater jusqu'à passer Battleford. Comme nous n'y repérons rien de passionnant à visiter demain matin, nous dépassons l'agglomération pour aller dormir un peu plus loin dans le premier village venu, un peu à l'écart de la route. |
Si la nuit s’écoule agréablement car la chaleur
s'estompe peu à peu avec la pluie, le ciel dégagé et la canicule
nous attendent lorsque nous finissons par nous réveiller… Nous
levons le camp assez tard car un gros arbre nous a malgré tout
longtemps abrités du soleil.
Lorsque nous nous éloignons de la Transcanadienne vers le nord pour gagner Batoche, les vues sur la campagne profonde n'offrent guère de nouveauté (vagues ondulations, cultures de céréales blondes ou cuivrées, bouquets d'arbres, troupeaux de bœufs à l'engrais dans d'immenses pâturages ça et là). Les routes rurales toutes droites coupées de brusques virages à 90°, et dont plusieurs ne sont pas asphaltées, font découvrir un habitat rural très dispersé et le plus souvent assez pauvre. Les différents bâtiments de la ferme sont généralement séparés et à demi cachés dans des bosquets qui doivent abriter du gros soleil l'été, des grands vents et du blizzard glacé l'hiver, tout en donnant un sentiment d'intimité minimal dans ce pays où l'horizon est presque infini.
|
La rivière Saskatchewan Sud à Batoche |
Église de Batoche et trois rebelles métis |
Le village où prit fin la Rébellion de
1865 a disparu, ne demeurent que la petite église (fermée
car en restauration), le presbytère remeublé comme en 1880
et le cimetière. On y voit encore la tombe commune des 9
victimes métisses et amérindiennes de la bataille, ainsi
que celle de Gabriel Dumont, le chef militaire de la
rébellion revenu s'établir et mourir ici après quelques
années d'exil aux USA. Je laisse Monique très affectée par la chaleur se reposer dans le Guépard et pars à la découverte du petit musée, fort bien documenté sur le contexte, les causes de la révolte et le déroulement des opérations militaires. |
Un autre long bout de route rurale nous
fait rejoindre Saskatoon. Après le plein d'essence et de
glace puis quelques déboires dus à la signalisation plus
que discrète, je finis par dégoter le coin où se cache
Wanuskewin, un autre site historique national consacré à
la culture des Amérindiens des Plaines. Dans un environnement encore sauvage, à 13 km au nord du centre ville, un très beau bâtiment moderne rappelant la forme d'un tipi abrite quelques bisons, de bronze à l'extérieur et naturalisés à l'intérieur. Ils veulent sensibiliser à la destinée de l'animal et à celle des hommes qui vivaient en quasi-symbiose avec lui et qui en avaient fait le pivot de leur culture puisque le bison leur procurait nourriture, habitat, outils, etc. Du grand hall d'entrée, on passe dans une galerie recourant aux bornes multimédia, aux vitrines didactiques, aux maquettes et aux objets usuels reconstitués pour rendre très présents les composants de la culture matérielle et spirituelle de ces Premières Nations. |
Après cette introduction de la plus
haute qualité muséale à la vie quotidienne et aux destins
passé et futur des Amérindiens, une porte mène au vallon
que surplombe le centre d'interprétation. J'y entreprends
une merveilleuse promenade solitaire en suivant plusieurs
itinéraires aménagés qui me font découvrir à la fois de
beaux points de vue sur la petite rivière, les bois et le
cours sauvage de la Saskatchewan Sud dans laquelle elle se
jette, mais aussi l'emplacement de deux précipices à
bisons fouillés par les archéologues. Bon prétexte pour présenter sous un autre angle la vie menée pendant des siècles par les autochtones, en harmonie avec la nature, jusqu'aux premiers contacts avec les Blancs qui vinrent tout bouleverser… Superbe occasion aussi d'observer, dans la pénombre qui s'installe et sous un ciel magnifique où le soleil couchant enflamme les nuages, les animaux particulièrement actifs à cette heure : un groupe de quatre daims à queue blanche descendus de la plaine pour boire dans le vallon, des lapins batifolant dans les touffes de sauge et une multitude d'oiseaux célébrant la fin du jour. |
Saskatoon : amérindienne |
Champs de blé autour d'une ferme dans la Prairie |
La nuit est tombée lorsque nous repartons en laissant tomber la visite du Western Development Museum puisque sa principale attraction, Boomtown, (ville de pionniers) nous semble redondante avec la visite d'hier matin à Edmonton. Longue route de nuit sans problème pour nous arrêter très tard, passé minuit et demi, dans un village quelconque au bord de la route, un peu avant Yorkton. |
Western Development
Museum - Yorktown
|
Nous prolongeons encore une fois notre sommeil puisque nous avons profité de la fraîcheur hier soir pour rouler jusqu’à une heure avancée et progresser vers l'est. À notre réveil, il semble que le "coup de chaleur" (expression francescoise utilisée hier par ma guide au cimetière de Batoche) soit passé; il fait plus frais, plus sec et de gros nuages blancs adoucissent le rayonnement plombé du soleil dans l'immense ciel bleu. Nous nous levons donc un peu tard, mais environnés de maisons et sans aucune ombre, nous décidons d'aller déjeuner plus loin, à l'abri d'une haie bordant un chemin de terre près du Western Development Museum de Yorkton, celui-là consacré essentiellement au peuplement des Prairies. |
Nous y pénétrons peu après. Si les notices unilingues anglaises nous demeurent parfois hermétiques, en revanche les objets exposés - surtout familiers - tout comme les pièces meublées et habitées par des mannequins en costumes nationaux illustrent très bien le propos : initier le visiteur à la diversité ethnique et culturelle des pionniers qui peuplèrent la Saskatchewan et les Prairies au tournant du siècle. Des Anglais bien sûr mais aussi des Ukrainiens, des Suédois, des Allemands, des Américains ainsi que quelques groupes marginaux au destin dramatique : Doukabors russes, Juifs d'Europe centrale, Mennonites, etc. | Western Development Museum : salon anglais |
Une salle à manger allemande |
La visite rend également sensible au
courage, à la ténacité et à la confiance en l'avenir
qu'ont dû manifester ces colons face à des conditions
physiques précaires, un climat rigoureux, un isolement
maintenant inimaginable…
|
Tracteur à vapeur |
Dans la cour en arrière des salles
d'exposition, une extraordinaire collection de tracteurs
et de machines agricoles fait prendre la mesure de
l'évolution précoce et très rapide de la mécanisation de
l'agriculture, depuis les premiers tracteurs à vapeurs,
véritables mastodontes des années 1910 à 1920, jusqu'aux
engins beaucoup plus petits - quoique puissants et
ingénieux - qui ont suivi dans les années 30. Ces machines ont permis une transformation très rapide du travail mais surtout du paysage rural. Adieux les étendues sans limites de prairies d'herbe sauvage parcourues par les hardes de bisons innombrables (70 millions ?) sur lesquels de petits groupes d'Indiens nomades prélevaient de quoi assurer leur survie… |
Le sol est maintenant quadrillé en
champs rectangulaires voués soit à la monoculture
céréalière soit à l'élevage de bestiaux soigneusement et
patiemment sélectionnés, dans des prés défrichés et
clôturés… Des fermes à intervalles réguliers en lots de
180 hectares… Quelques rares villages égrenés le long de
la voie ferrée autour du silo coopératif… et tout ça en à
peine 50 ans… ! Un bouleversement écologique qui a ruiné la culture, voire l'existence des Amérindiens, entraîné la disparition d'une flore et d'une faune variées et qui aura peut être de bizarres et catastrophiques conséquences climatiques… |
Sur la batteuse
|
Nous reprenons notre lente progression
vers l’est. Les villages sont rares, minuscules, et
l'habitat semble souvent précaire (maisons mobiles,
"cabins", terrains peu aménagés), comme si les immigrants
d'un jour n'étaient pas là pour rester… Beaucoup de
maisons abandonnées et de boutiques fermées dans les
villages concrétisent la menace de l’exode rural et d'une
désertification progressive. La température agréable sur notre longue route de plaine nous fait heureusement oublier notre climatiseur en panne. Nous gagnons très lentement de l'altitude jusqu'à Grandview bien nommé, qui offre un large panorama sur la plaine et les couleurs variées de ses immenses parcelles coupées de petits bois plus foncés. |
Apparaît alors au sud la barre sombre de
la Riding Moutain vers laquelle nous obliquons juste avant
Dauphin. La route monte assez rapidement sur le plateau
boisé de feuillus (bouleaux, peupliers, trembles…) parsemé
de lacs et de grandes clairières de fétuque. C'est ce qui
a permis l'établissement d'un petit troupeau de bisons,
ceux-ci se nourrissant presque exclusivement de cette
herbe propre à la Prairie. Nous faisons évidemment le long détour sur une route gravelée épouvantablement poussiéreuse pour aller contempler dans le crépuscule deux douzaines de grosses bêtes brunes qui paissent paisiblement dans une prairie fleurie, indifférentes aux quelques voitures de touristes comme nous avançant au pas sur le chemin au milieu du pré et du troupeau. |
Bisons du Mt Riding |
Jeudi 16 août 2001 : de WESTBOURNE à VERMILION BAY (451 km)
Winnipeg : Royal
Canadian Mint (Monnaie royale du Canada)
|
Plein d'essence, ici remontée à 73 ¢ le litre (dire qu’elle était à 58 ¢ avant hier à Edmonton !). Puis nous sortons de la ville pour visiter, près de la TCH, la Monnaie Royale du Canada dont la silhouette triangulaire de verre cuivré nous avait intrigués à l'aller. Effectivement la forme pure du bâtiment (1976) où l'on bat la monnaie du Canada et celle d'une soixantaine d'autres pays est séduisante, tout comme son environnement paysager. |
Winnipeg -
Royal-Mint : Jean-Paul dans le jardin
|
Winnipeg : Royal Mint of Canada |
Ses cascades, ses jeux d'eau, ses terrasses et ses plantations d'arbres font penser à un jardin japonais, même si le choix des fleurs, des annuelles communes, ne nous impressionne guère. Monique relève l'idée du mur rideau en verre teinté réfléchissant qui double visuellement les dimensions du jardin à l'extérieur et qui, en plus de sa valeur isolante, préserve l'intimité des occupants. L'intérieur montre moins d'originalité, quoique les bassins du vaste hall central et la longue galerie d'observation qui surplombe les ateliers en fassent une usine modèle. Le tour accompagné par une jeune hôtesse parlant un français acceptable nous apprend tout de la fabrication des pièces qui transitent dans notre porte-monnaie, en mettant l'accent sur la créativité des designers, sur la haute technicité et sur le niveau élevé de qualité atteint par la société de la Couronne. | Winnipeg : Canadian Mint au couchant |
Bref une autre visite "enrichissante",
avant de reprendre la route sous le grand soleil pour une
longue étape qui nous fait quitter la Prairie avec ses
étendues cultivées à l’infini, ses villages étalés le long
de la voie ferrée de chaque côté de leurs silos aux pures
formes géométriques, et ses quelques bouquets d'arbres qui
scandent l'étendue illimitée de la plaine. Après une cinquantaine de kilomètres, les arbres se font plus fréquents et plus denses pour devenir forêt continue, jusqu'à atteindre la frontière avec l’Ontario à Falcon Lake. |
Nous abordons ensuite le Bouclier canadien où le rocher boisé affleure entre des myriades de lacs que la route, soudainement sinueuse et montueuse, contourne en serpentant. Le soleil se couche tandis que nous passons Kenora. Nous poussons dans la nuit jusqu'à Vermilion Bay où nous bivouaquons sur un terre-plein entre des maisons, pour nous coucher enfin à minuit.
Vendredi 17 août 2001 : de VERMILION BAY au PARK LAKE SUPERIOR (1 031 km)
Le temps est gris au réveil. À 9:30 nous sommes sur la route qui continue de serpenter dans la forêt entre des lacs aux innombrables ramifications (Lac des Mille Lacs !). Temps assez maussade sur cet itinéraire monotone de grande nature déserte : les arbres plutôt chétifs, les tourbières et marécages immobiles, le rocher sombre partout affleurant lui confèrent austérité et sauvagerie. La pluie d'orage nous rattrape à Thunder Bay où nous passons dans le centre pour expédier quelques cartes postales et faire le plein d'essence. Vue bouchée sur la baie et sur le profil du Sleeping Geant ("le Géant endormi") en passant devant le Terry Fox Scenic Look Out dont nous jugeons le détour inutile.
En revanche le ciel s'éclaircit un peu lorsque nous longeons Nipigon Bay sur laquelle nous découvrons des vues exceptionnelles depuis un belvédère signalé seulement comme Rest Area, près de la trouée dans le rocher où passe la route (Kama Rock Cut). Le soir qui tombe nous laisse entrevoir quelques autres magnifiques échappées sur le Lac Supérieur depuis la route de corniche. Dans le crépuscule enfin nous allons jeter un coup d'œil au canyon et à la chute de Rainbow Falls, près de Schreiber, puis l’obscurité engloutit le paysage. | Sur le Lake
Superior, Nipigon Bay depuis Kama Rock Cut
|
Samedi 18 août 2001 : d'AGAWA BAY à OWEN SOUND (865 km)
Monique à Serpent Bay River |
Après déjeuner sur une aire de pique-nique à Serpent River, je poursuis le contournement de la Baie Georgienne. La chaussée de la route transcontinentale devient très mauvaise en approchant Sudbury puis ensuite en descendant plein sud vers Parry Sound. Sur les panneaux indicateurs se succèdent de nombreux patronymes français, qui nous rappellent l’ancienneté de la colonisation de cette région. Nous croisons à nouveau la route des Voyageurs en franchissant French River, la Rivière des Français, qui s'est frayée un chenal dans le sol rocheux et tourmenté du Bouclier canadien. La route coupe de nombreuses côtes rocheuses entrecoupées de cours d’eau et de petits fjords qui aboutissent à la Baie Géorgienne jamais aperçue mais toujours devinée derrière les petits ports de plaisance. |
Dimanche 19 août 2001 : d'OWEN SOUND à TORONTO (190 km)
Lundi 20 août 2001 : TORONTO
Nous nous levons tard et traînons un peu dans
la maison, conscients de l’imminence de la fin du voyage et des
vacances. Après quelques rangements et petites réparations dans
l'appartement, nous partons visiter les Royal Botanical Gardens
d’Hamilton à une heure d’autoroute à l’ouest de Toronto.
Sous le ciel très gris la bruine alterne avec des éclaircies, nous obligeant à traîner notre grand parapluie rouge et blanc dans les allées des trois jardins étalés sur une colline au dessus du Lac Ontario : d’abord le Laking Garden dont les jolies bordures de vivaces manquent un peu d’éclat sous la pluie... | Hamilton Botanical Garden : Jean-Paul & Monique sous le parapluie |
Hamilton Botanical Garden : Monique & Jean-Paul |
...ensuite le Lilac Garden qui présente une des plus belles collections mondiales de lilas, mais dont la floraison hélas est terminée depuis belle lurette ! |
Juliette dans le Rock Garden d'Hamilton |
...le Rock Garden enfin dont Juliette et moi empruntons les allées sinueuses entourant la petite pièce d’eau. |
Notre balade s'achève par un tour du
Rose Garden qui offre une superbe rétrospective historique
de cette fleur symbolisant l'art du jardinage, depuis les
roses sauvages et rustiques d'Europe et d'Asie jusqu'aux
variétés et cultivars les plus récents et les plus
sophistiqués. Le soir tombe lorsque nous reprenons le chemin de la métropole pour une soirée tranquille sur la rue St-Clarens où notre hôtesse nous fait les honneurs de sa cuisine. |
Toronto : Juliette dans sa cuisine |
Mardi 21 août 2001 : de TORONTO à MONTRÉAL (680 km)
Juliette devant impérativement reprendre son travail chez DKP, plus rien ne nous retient à Toronto dont nous n'apprécions guère le vacarme, l'agitation tout autant que l'atmosphère lourde et polluée. En fin de matinée nous achevons de recharger le Guépard et repartons pour une dernière étape jusqu'à Montréal en prenant le chemin des écoliers : quittant l'autoroute 401 à hauteur de Bowmanville, nous faisons cap vers le nord sur une belle quatre voies jusqu'à Peterborough, dans une campagne verte et prospère, puis sur la Route 7 qui se dirige vers Ottawa. Le paysage devient plus sévère et plus désert, le rocher plus apparent et la forêt plus présente : c'est la tableau habituel du Bouclier canadien qui semble bien recouvrir la totalité du nord de l'Ontario.
© 2004