Vendredi 17 juillet 1998 : d’OPPDAL à GRYTA (Namsos) (306 km)
Réveil un peu tardif (8:30) sous un soleil resplendissant : enfin ! Le vaste paysage en est transformé et notre humeur revigorée car je commençais à songer à faire demi-tour pour redescendre vers un sud peut-être plus ensoleillé, plus chaud et surtout moins humide. Juliette prend le volant sur la grande route E 6 menant à Trondheim et se tire assez bien de l’épreuve, maintenant une allure régulière malgré la grande faiblesse de notre petit moteur dans les côtes. Je dois seulement lui rappeler à moult reprises d’occuper toute la largeur de sa voie et d’éviter la ligne blanche à droite sur laquelle elle se rabat après chaque virage, me donnant l’impression de vouloir faucher les pâquerettes…
Clocher de la cathédrale de Nidaros illuminée |
Façade de la cathédrale de Nidaros |
Anciens entrepôts sur la rivière Nidelva |
Les quais et entrepôts de Trondheim |
Nous entrons alors dans le Musée des Arts et Métiers pour admirer ses collections, dont celle de costumes que Juliette est déçue de ne pas y trouver. Elle a laissé place à plusieurs expositions temporaires d’art contemporain (tapisseries et verreries) plus ou moins intéressantes mais nous apprécions la série de meubles et d’objets Art Nouveau, ainsi que des réalisations du design scandinave des 30 dernières années (sièges, meubles, verreries, etc.). | Juliette admire... en future costumière ! |
Des «sièges» originaux, mais confortable ? |
Chaise scandinave typique |
Dans le pays de Trondheim |
Il fait toujours aussi beau et les
vues sur la côte et le Trondheimfjorden sont superbes
: vert des prairies et des cultures parsemées de
petites fermes rouge-brun, bleu foncé de l’eau et
chaînes bleutées des montagnes de la presqu’île de
Fosna à l’horizon. La circulation est dense sur la
chaussée cependant – nous sommes pour un moment sur
l’unique route menant au Cap Nord – et il est
impossible de s’arrêter pour filmer. |
À 20:30 nous roulons encore,
quittons la E 6 à Steinkjer pour bifurquer sur la
petite 17, la route côtière très pittoresque que nous
suivrons sur près de 200 km jusqu’à Bødo, dont le
parcours paisible est interrompu par le franchissement
de 7 bras de mer sur autant de traversiers... (en
jaune les distances sur la terre). |
Les traversiers
de la route 17
|
Samedi 18 juillet 1998 : de GRYTA (avant Namsos) à FORVIK (288 km)
Aujourd’hui encore un chaud soleil nous accueille à notre réveil, bien que notre chemin détourné, enfoui dans les arbres, nous maintienne à l’ombre jusque passé 8:00. Impossible de lever Juliette avant 9:00, cela me donne le temps de me doucher, de déjeuner puis d’entreprendre le changement de l’huile et du filtre du moteur. Enfin la demoiselle émerge et achève de se pomponner pour notre départ vers 9:45.
Dès le début la route est superbe, longeant l’extrémité du Namsfjorden qui devient rapidement de plus en plus large dans son cadre de petits boisés aux vives teintes de vert. L’eau renvoie un bleu émeraude étonnamment vif qui contraste avec le gris franc des rochers et le rouge sombre des petites fermes éparpillées sur les pentes au bord de la rive tandis que, dans chaque anse, quelques bateaux blancs attendent leurs pêcheurs. Ensuite, après Namsos assez quelconque avec ses petites maisons modernes et soignées, une longue route à l’intérieur des terres longe de nombreux lacs aux allures de fjords. De temps à autres, des villages se signalent par quelques maisons blanches en bois isolées et entourées de jardinets débordant de fleurs, quelques magasins généraux et parfois une petite église, bref des agglomérations rurales fort semblables à ce que nous connaissons au Québec. La nature est superbe, les rivières écumantes sur lit de rochers et de galets, les forêts touffues, les cultures drues vert cru, et toujours en arrière, sur les pentes affleure le rocher gris.
Petit port de Holm |
Après déjeuner, nous reprenons la même route campagnarde toujours aussi variée et agréable jusqu’à rejoindre la côte à Holm où nous empruntons notre premier traversier sur la route 17. Prix moins élevé qu’appréhendé grâce à la faible longueur (<5 m) de l’Aigle. |
À Brønnøyosund, plein d’essence puis traversée du nouveau et haut pont haubané au dessus du petit port qui offre des vues magnifiques sur le détroit de Brønnøy et sur la côte, pour gagner à une dizaine de kilomètres Torghatten. | Pont haubané sur le Brønnøyosund |
Torghatten |
Cette éminence rocheuse haute de 256 m épouse la forme d’un chapeau. Le trou percé en son milieu a donné naissance à une bien jolie légende. Nous escaladons le sentier assez raide qui grimpe jusqu’au tunnel naturel aux dimensions impressionnantes (36 m de haut, 20 m de large et 160 m de longueur). |
Panorama depuis
Torghatten
|
Mais c’est surtout le paysage des
deux côtés du rocher qui me saisit par son immensité,
l’harmonie des couleurs et le charme du motif - eau –
îlots – montagnes…
|
Dimanche 19 juillet 1998 : de FORVIK à FORØY (203 km)
Sur le traversier Forvik – Tjøtta |
Belle traversée d’une heure entre les îles où l’on embarque et débarque quelques rares autos, entourés de grandioses paysages arides mais très pittoresques. Rares maisons et garages à bateaux, barques de pêches ancrées dans les anses, vastes horizons, montagnes tachetées de neige… |
Nous débarquons à Tjøtta. La même route côtière très spectaculaire se poursuit, aussi belle qu’hier malgré le ciel plus chargé. J’en profite évidemment pour m’arrêter très fréquemment et capter à la vidéo les points de vue les plus prenants, tâchant de fixer le souvenir de ces merveilleux paysages. | Juliette ma co-pilote |
Église et presbytère d’Alstahaug |
La petite église et le presbytère d’Alstahaug nous retiennent un moment, moins à cause de l’architecture très simple de l’église de pierre que pour l’ambiance (paysage marin et vieilles maisons de bois rouge et blanc) attachée au pasteur/poète Petter Dass qui y vécut au XVIIIème, ce qui a valu au site d’être si bien préservé. |
La très belle route se poursuit
jusqu’au traversier suivant de Kilboghamm à Jektvika, pour
un long cabotage d’une heure entre les îles, devant
l’entrée du Melfjorden.
|
Cabotage devant l’entrée du Melfjorden |
Sur la route d'Agskatet |
Reflets |
La barrière du petit traversier, qui a fait son plein de voiture jusqu’au ras de la porte, se ferme devant nous, nous obligeant à attendre la ronde suivante à 23:00. Cela nous donne le temps de nous préparer un chili con carne bien épicé, complété par la douceur de leechee rafraîchis, puis de commencer la rédaction du journal avant d’embarquer enfin à 22:20. Traversée morne sous les gouttes. Elles coupent toute visibilité et assombrissent le ciel qui devrait pourtant être encore clair à cette heure. Nous bivouaquons sur le premier espace libre venu, près d’un garage à bateaux au bord de l’eau à Forøy, et nous endormons sous la pluie qui semble bien nous avoir rattrapés.
Lundi 20 juillet 1998 : de FORØY à BOGNES (396 km)
Aujourd’hui encore la pluie, les nuages gris et le ciel bouché nous accompagnent toute la journée. La route côtière n’en continue pas moins d’être magnifique, avec les mêmes caractéristiques qu’hier : nous longeons presque continuellement la mer, ses rares plages de sable, ses nuées d’oiseaux et toujours l’horizon souligné à distance par des chapelets d’îles aux formes variées. De longs détours autour des fjords nous entraînent quelquefois à l’intérieur des terres, à moins que des tunnels interminables (jusqu’à 7 300 m) qui se succèdent parfois après seulement une bref passage à l’air libre, permettent de franchir les barres rocheuses perpendiculaires au rivage et de gagner ainsi beaucoup de temps.
Nous quittons la chaussée excellente seulement quelques minutes pour aller visiter d’abord la petite église de Gildeskal (1 130) perdue en pleine campagne sous les grands arbres et entourée de son petit cimetière rustique. Dans la nef, d’étonnantes cages de bois enferment les bancs des notables et de leur famille.
Église de campagne |
Église de Gildeskal (1130) |
Glacier de
l’Engebreen depuis le Holandsfjord
|
Plus loin, le glacier de l’Engebreen, dont la langue glacière descend au ras des eaux du Holandsfjord, nous semble trop embrumé sous le ciel chargé de crachin pour que nous nous payions la traversée en bateau qui nous ferait toucher du pied ses névés bleutés. Nous préférons rouler dans le confort et la chaleur de l’Aigle en nous contentant d’admirer le spectacle se déroulant derrière le pare-brise… |
Dernier arrêt un peu avant Bødo pour remonter à pied sur le grand pont franchissant le fjord et aller voir le Salstraumen, un fameux maelström annoncé par quantité de publicités. Ce n’est en fait qu’un puissant courant de marée causant de gros tourbillons finalement peu spectaculaires. Un autre piège à touristes qui fait sacrer Juliette, d’autant plus que le « Centre d’interprétation » se limite à quelques pancartes, un bac à tourbillon artificiel où il faut mettre une pièce de monnaie pour voir tourner l’eau… et un énorme magasin de souvenirs d’un rare mauvais goût ! | Pont de Bødo
|
Nous arrivons près de Bødo, au bout de cette splendide route 17 et bifurquons vers Fauske, une « ville » toute neuve rassemblant quelques magasins où nous finissons par trouver du pain. Un dernier bout de la route E 6 maintenant rattrapée est plus rapide, n’étaient-ce les côtes raides montées à 40 km/h en 3ème. Nous commençons à apercevoir vaguement les hauteurs des Îles Vesteralen noyées dans les nuages lorsque nous prenons au passage deux jeunes Polonaises qui montent jusqu’au Cap Nord en auto-stop. Projet courageux (surtout sous la pluie) mais un peu téméraire, d’autant plus que les touristes sont pressés et disposent de peu de place dans leurs voitures surchargées…. La route descend spectaculaire jusqu’au port de Bognes où nous dormons sur le quai en espérant un dégagement pendant la nuit prochaine. La soirée est consacrée à la planification du retour direct en France : 1 700 km de Norvège, plus 1 500 km de Frederikshavn (où nous débarquons au Danemark) jusqu’à Paris.
Arc en ciel du soir près de Lødingen |
Après une traversée décevante sous un ciel très gris, le temps se lève et devient magnifique en débarquant à Lødingen. Je retrouve avec un immense plaisir le décor grandiose des îles, où le rocher nu en pentes abruptes forme une frise acérée sur le ciel bleu, entre les plans d’eau bleu profond découpés en anses, en baies et en goulets ouvrant sur le large au loin... |
Raftsundet |
Trollfjord |
Stationnant au bout du petit port de pêche, nous nous lançons sur le sentier accidenté qui serpente sur la dune au pied de la falaise à pic, jusqu’au sable dorée d’une petite plage totalement déserte.
Les courbes de la côte rocheuse se succèdent vers le sud, nous contemplons un moment le magnifique paysage avant de faire demi-tour pour gagner par la route de l’intérieur le village de pêcheur abandonné de Nyksund. La piste accrochée en corniche au pied de la falaise fait découvrir d’autres panoramas grandioses jusqu’au restes du hameau en cours de restauration. Ancienne base de baleiniers délaissée maintenant que l’espèce est protégée, ses maisons de bois peint ou de bardeau s’en vont à la dérive ou s’écroulent progressivement. Il n’en resterait bientôt pas grand chose si des jeunes écolos ne remontaient ou réparaient les plus belles pour en faire des home de vacance ou la base d’où partent maintenant des expédition plus pacifiques pour aller admirer les grands cétacés au large. Parfum de nostalgie dans l’unique rue qui fait le tour du bassin abrité derrière une petite jetée de rocs entassés…
Un grand pont nous fait passer en soirée sur l’île de Hadseloya pour finalement atteindre Melbo où nous embarquons à 22:00. Nous sommes bien au pays du soleil de minuit, puisque la clarté singulière du gros soleil jaune n’en finit pas de verser sa vive lumière dorée sur toutes choses. En débarquant à Fiskebol sur Austvågøy, la première des Lofoten, nous nous engageons sur une autre petite route de terre pour aller enfin bivouaquer fort tard dans un hameau au fond du fjord.
Mercredi 22 juillet 1998 : de GRUNNFJØRD à UTAKLEIV (181 km)
Nuit plus que tranquille au bord de notre chemin de campagne et au fond du fjord où il ne passe personne passé 22:00. J’ai filmé à nouveau le soleil de minuit descendant sur l’horizon avant de sombrer dans le sommeil, et dors d’une traite jusqu’au lendemain à 9:00. Ciel parfaitement bleu au réveil, au bruit de deux petits tracteurs fauchant et ramassant l’herbe drue dans le champ à côté de notre bivouac. Juliette tente de lambiner un peu, nous finissons par décoller à 10:15.
Kabelvag |
Kabelvag |
Juliette décide de profiter du grand soleil pour aller « s’éfoirer sur une plage » et nous tentons de rallier Kalle où le Guide du routard signale une belle étendue de sable fin. Je rate l’entrée de la petite route et nous entraîne jusqu’à Hemmingsvaer, important port de pêche typique isolé sur une île plate que l’on rejoint en franchissant deux étroits ponts en dos d’âne. Juliette, peu intéressée à faire le tour des quais, est bien plus désireuse de jouir du trop rare soleil. Nous rebroussons donc chemin et trouvons une petite place en bord de route devant un grandiose paysage de falaises tombant dans l’eau, d’îles et de rochers arrondis. Je demeure dans l’Aigle pour bricoler et classer notre abondante documentation pendant que Juliette se met en maillot de bain et part avec sa serviette s’exposer au soleil sur les rochers.
Deux heures plus tard, nous reprenons la route
vers le sud, quittons Austvågoy pour l’île de Vestvagoy toute
aussi montagneuse et longeons la côte vers le sud jusqu’à
Stamsund, un autre port de pêche très chouette avec bateaux,
rorbuer (logement de matelots pour la pêche hivernale), etc. Nous
y voyons notre premier Hurtigruten (Express côtier) prenant son
départ vers le nord. Cette fameuse ligne de cabotage le long de la
côte nord de la Norvège fut longtemps le seul lien avec la
civilisation du sud.
Il commence cependant à être tard et le ciel se couvre. Nous passons rapidement Leknes, à l’intérieur des terres, où nous retrouvons un paysage beaucoup plus rural avec des prairies fraîchement fauchées, du bétail au pâturage, des petites fermes dispersées dans une large vallée intérieure limitée tout autour par des montagnes. Une petite route à peine asphaltée mène à Uttakleiv où le Routard signale une très belle plage sur laquelle on peut camper gratis. Effectivement le sable est d’une blancheur immaculée, quelques camping-cars et une dizaine de tentes dispersées sur la dune nous ont d’ailleurs précédés. Nous grimpons un peu au dessus du site et nous installons sur un petit terre-plein longeant la route de terre qui se poursuit vers la plage d'Uttakleiv. La vue est superbe mais le vent froid et le ciel de plus en plus gris écourtent notre petite promenade du soir avant le coucher.
Jeudi 23 juillet 1998 : de UTTAKLEIV à Å (131 km)
Sur la plage d'Utakleiv |
Pour notre malheur le ciel
est uniformément plombé au matin, un petit vent frisquet
balaie la plage et les falaises, et une bruine fine mais
continue enveloppe véhicules, tentes, campeurs et
vacanciers. Nous en profitons pour faire la grasse matinée
jusqu’à 10:00 et devons renoncer à risquer plus que quelques
pas dehors tant l’humidité froide nous transperce rapidement
tout en estompant à peu près complètement le paysage. La lecture des publicités touristiques durant l’après-midi d’hier m’a permis de repérer un musée tout neuf consacré à la reconstitution d’une « longue maison », résidence d’un chef viking, découverte à Borg, une dizaine de kilomètres au nord de Leknes. Essuie-glaces en action, nous nous rendons jusqu’au grand stationnement de Lofotr envahi par toute une flotte de camping-cars, puis enfilons bottes et imperméables pour nous lancer à la découverte du site. |
La longue maison de Lofotr telle que reconstruite dans son cadre original |
Lofotr dans la tempête de neige |
Auprès de la chaleur du foyer |
Embarquement à bord du drakkar de Lofotr |
Une longue balade ensuite
à travers champs et le long d’une petite rivière aux berges
envahies par des fleurs sauvages mène - sous la bruine
persistante ! – à la forge où s’active une blonde et accorte
forgeronne qui martèle hameçons, clous et autre
quincaillerie, puis au grand hangar à bateaux à l’ancienne
sous lequel sèche la grande voile du drakkar amarré juste en
avant. Un vrai drakkar sur lequel on peut monter et même
ramer - quand le temps le permet !… C’est une
reproduction fidèle en chêne du drakkar de Gokstad admiré il
y a dix ans dans son musée d’Oslo : 24 mètres de long, 5
mètres de large et des bancs pour 28 rameurs. Je parcours le
pont avec émotion, en pensant au devenir de ces as de la
navigation qui devaient laisser leur marque dans toute
l’Europe, la Russie et même jusqu’en Amérique. Fin de la
visite sous la pluie et retour à l’Aigle où nous nous
séchons à la chaleur du chauffage. |
Avec un temps aussi désagréable, pas grand chose d’autre à faire que rouler. Nous retournons donc à Leknes où nous faisons le plein d’essence (60 litres à 9,05 NOK/litre, je préfère ne pas calculer le montant en $ canadien !). Puis nous passons sur Flakstadøy par un long tunnel sous marin (un autre gros 65 NOK…). Ici aussi de beaux paysages côtiers sont noyés dans la pluie, la brume et les nuages qui cachent les hauteurs des montagnes.
Nous faisons le détour
jusqu’à Nusfjord, un adorable petit port de pêche où, tout
au bout d’un fjord miniature et tout autour d’un quai aux
planches délavées sont disposés en fer à cheval de beaux
rorbuer rouges. |
La route vers Nusfjord |
Le petit port de pêche de Nusfjord |
|
Vikten |
Nous faisons quand même le
détour vers la glass-hytta (atelier de souffleur de
verre) de Vikten dont les productions ne nous emballent
guère mais le travail des deux verriers, toujours aussi
fascinant lorsque se façonne la matière en fusion, et la
chaleur rayonnée par le four, nous retiennent un bon moment. |
Nous passons enfin sur Roskenesøya, la dernière grande île de l’archipel des Lofoten, par un long pont suspendu et suivons un moment la route serpentant sur une plate-forme herbeuse semée de gros rochers. Elle est coincée entre le rivage et le flanc à pic de la montagne dure et désertique dont le roc noirâtre disparaît dans le nuage blanc loin au-dessus de nos têtes.
Juste après le beau village typique d’Hamnøy,
apparaît le site fameux et pittoresque de Reine dont les quais
ourlés de rorbuer rouges et surmontés des maisons pastel
des pêcheurs bordent les circonvolutions basses d’un fjord,
encadré par de hautes falaises à pic.
Reine vu du ciel
Passant Moskenes sans grande originalité, nous arrivons enfin à Å, un autre port pittoresque où nous repérons le Musée du stockfish (la morue) puis allons faire une balade sur le promontoire au-delà du village, là où la route s’arrête. On y aperçoit les dernières îles les plus méridionales de l’archipel des Lofoten : Mosken, Vaerøy et Røst qui se silhouettent à peine dans la brume bleue du soir. Coucher sur le grand parking au-dessus des maisons. | Crépuscule sur Å
|
Vendredi 24 juillet 1998 : de Å à MOSKENES (6 km)
Lever tard pour descendre dans le
village à 11:30. Nous découvrons là un autre charmant
village de pêcheurs avec ses rorbuer rouge
foncé, ses petites maisons blanches, ses quais de bois
délavé où piaillent les mouettes rieuses et chicaneuses,
et au bord desquels sont amarrées quelques barques
colorées.
|
Les rorbuer du port de Å |
La visite du petit musée,
installé dans l’ancienne usine de transformation du poisson
maintenant désaffectée, s’avère fort intéressante, les
anciens outils et appareils ayant été soigneusement
préservés et bien présentés, assortis de commentaires en
français clairs et circonstanciés. Ils expliquent sans
fioritures ni détails inutiles les opérations dans leur
ordre chronologique. Accueil charmant du
fondateur-conservateur-gardien-guide polyglotte qui pratique
aussi bien l’italien, l’anglais, l’allemand et le français
que son norvégien maternel. En quittant le vieux bâtiment de bois rouge et blanc, nous allons faire un tour sur les quais pittoresques avec ses rorbuers typiques sur pilotis et ses barques environnées de mouettes qui piaillent et crient. Puis nous regagnons tranquillement le stationnement en zigzaguant entre les authentiques et parfois jolies maisons de pêcheurs ou de capitaines dispersées parmi les rochers affleurant l’herbe rase. |
L’une d’elles, transformée en café/pension, me paraît particulièrement attirante avec sa charpente en partie extérieure et sa véranda vitrée en bois découpé. | Maison blanche de capitaine à Å |
En quittant Moskenes |
Tôt levés à 6:00, nous embarquons comme prévu à 7:00. Nous prendrons notre douche plus tard car notre court trajet hier soir n’a pas suffi à réchauffer le réservoir d’eau chaude. Le temps superbe nous permet de profiter au maximum du spectacle des îles s’amenuisant puis bleuissant dans le lointain au fur et à mesure que nous nous rapprochons du continent. Sentiment de nostalgie : reverrai-je jamais ces paysages splendides ? Il faudrait y venir directement, sans prendre tout le temps que nous avons consacré aux visites et détours en cours de route, surtout avec le temps déplorable que nous avons essuyé. |
Sur le pont du traversier Juliette prend le soleil |
Sur le pont du traversier |
Juliette et Jean-Paul prennent la pose devant le monument du Polarssirkelen |
Juliette et son mini-cairn |
Une autre longue montée nous hisse sur le Luttindan d’où l’on jouit d’une vue grandiose sur une série de lacs scintillant dans la lumière du soir perçant sous les nuages gris de plus en plus épais. | Depuis le Luttindan en soirée, les lacs |
La plage sur l'Ømmervatnet |
En redescendant dans la vallée, nous
longeons le grand Ømmervatnet où je repère la petite plage
où nous avions passé un bel après-midi ensoleillé il y a
dix ans et le petit bois de bouleau où nous étions resté
coincés au moment de repartir…
|
Dimanche 26 juillet 1998 : de GRONG à OSLO (765 km)
Un détour vers Stiklestad s’impose pour voir le site de la bataille où mourut le roi Saint Olav. C’est aujourd’hui sa fête et nous apprenons devant le bâtiment où elle doit se dérouler qu’on y présentera cet après-midi le « Jeu de St-Olav », un grandiose spectacle mi-théâtre mi-opéra. Une petite procession sous imperméables et parapluies suivant une croix et un grand drapeau norvégien passe devant nous pour aller célébrer la messe sur les lieux du drame. Nous sommes tentés d’attendre 15:00 pour assister au spectacle, mais le mauvais temps persistant et le fait que tout le texte soit en norvégien nous en dissuadent. |
La E 6 est excellente et a été
redressée au prix de travaux de voirie considérables si
bien que le trajet se fait sans fatigue dans des paysages
intérieurs très boisés et peu habités. On suit à nouveau
le cours de rivières écumantes coupées de chutes et de
rapides spectaculaires, entrecoupés de lacs paisibles
|
Lac de Rondane |
Nous continuons à descendre vers Oslo dans le
soir qui tombe en retrouvant une circulation beaucoup plus dense à
partir de Stange où nous rattrapons la E 6. La route suit
longuement le Lac Mjøsa. Bref arrêt à Jessheim pour prendre juste
assez d’essence pour se rendre jusqu’à Oslo. Il est 21:20 lorsque
enfin nous pénétrons en ville. Après le plein d’essence sur une
station où le litre de bensin est à 7,85 NOK au lieu des 9,05 cet
après-midi, nous enfilons une suite d’autoroutes et de tunnels qui
s’enchaînent vers l’ouest pour tâcher de gagner Holmenkollen où je
désire passer la nuit. Nous nous égarons un peu, sortons de la
voie express au jugé et nous dirigeons à vue vers le tremplin de
saut à ski illuminé. La petite route qui monte sur la colline
dominant Oslo nous fait traverser un riche quartier résidentiel
aux maisons cossues entourées de jolis jardins qui nous rappelle
un peu Westmount.
Façade maritime d'Oslo depuis la tour Tyrann |
Nous achevons de grimper jusqu’au pied de la tour Tryvann mais ne pouvant accéder à son esplanade en voiture, nous allons nous installer sur un vaste terrain destiné au stationnement des skieurs et nous y endormons bientôt en compagnie de deux autres petits fourgons VW venus y chercher eux aussi silence et tranquillité. |
Lundi 27 juillet 1998 : OSLO (18 km)
Fatigués par notre longue route d’hier, nous faisons la grasse matinée, d’autant plus qu’on n’entend presque aucun bruit sur notre grand terrain vide. À midi nous démarrons pour descendre vers le centre ville avec l’intention de visiter le Parc Vigeland, la Galerie nationale et le Musée Munch.
Oslo : le Grand Portail du parc Vigeland |
Passant tout près du parc
Vigeland, nous allons stationner à l’arrière et nous lançons
dans son exploration. Le jardin est soigné mais ce sont
surtout les centaines de statues laissées par le grand
sculpteur norvégien qui attirent l’attention et les milliers
de touristes en groupes organisés. Leurs troupes grégaires
font leur petit circuit en suivant leur guide disert,
prennent la pose devant quelques groupes de statues sans
trop les voir puis repartent en laissant la place aux
suivants… Pourtant ce sont des œuvres puissantes et
émouvantes qui illustrent le cycle de la vie, de l’enfance à
la vieillesse, et méritent plus d'attention. |
Vigeland : "Non!" |
Vigeland :
L'Enlèvement
|
Vigeland : la parc depuis l'entrée |
Vigeland : la fontaine et la colonne |
Vigeland : bronze de la fontaine |
Vigeland : la colonne depuis la fontaine |
Vigeland : la colonne à travers les grilles du portail |
Vigeland : la grande colonne centrale |
Vigeland : les Adolescents |
Vigeland : les Vieilles |
Vigeland : le Couple adulte |
Vigeland : Vieux et trois enfants |
Vigeland : Vieux et trois enfants |
Vigeland: couple de femmes tête en bas |
Vigeland : couple |
Vigeland : le Vieux et l'Enfant |
Vigeland : Victoire ! |
Déjeuner (il est maintenant 15:30) dans l’Aigle devant la porte du parc puis descente en ville jusqu’au terminal de la Color Line pour vérifier la possibilité d’avancer notre date de départ si possible sans aller jusqu’à Larvik. Juliette va parlementer en anglais avec l’employée et obtient plus qu’espéré : nous pourrons embarquer dès ce soir à Oslo à 19:30 pour arriver demain matin à Hirtshals (Danemark) à 7:00, moyennant un supplément de 280 NOK pour une cabine à deux couchettes… |
Décision vite prise : nous abandonnons les autres visites prévues à Oslo pour une autre occasion ! L’heure qui reste avant le début de l’embarquement (il est 17:15) est trop brève pour retourner au centre ville, nous bricolons donc un peu, faisons la vaisselle et quelques petits lavages. L’embarquement commence dès 18:30 et, à 19:35, notre navire « Color Festival » commence la traversée de l’Oslofjorden. Fort beau spectacle que nous observons un moment depuis le pont supérieur jusqu’à ce que la fraîcheur du soir nous ramène dans notre petite cabine. Souper de conserves tirées de la cambuse de l’Aigle, puis écriture du journal et coucher à 23:30. | Juliette quitte Oslo
sur le pont du Color Festival
|
Nuit relativement silencieuse - malgré le ronron
des machines du navire – et confortable, quoique je préfère le
moelleux du matelas de l’Aigle. En revanche nous apprécions tous
deux le flot inépuisable de la douche et la stabilité de sa
température… Réveillés un peu tôt par l’interphone à 6:00, nous
nous payons un mauvais café dans une machine distributrice avec
nos toutes dernières couronnes norvégiennes et nous précipitons
dans la cale où notre Aigle est le premier derrière la porte de
débarquement. À 7:45 les routes du Danemark s’ouvrent devant nous.
Nous prenons aussitôt la direction du sud en visant la côte ouest
mais, faute de carte, nous retrouvons bientôt à Alborg… Arrêt pour
acheter du pain (nous arrivons au bout de nos petits pains
grillés) et obtenir une carte routière de l’Office du tourisme.
Nous nous repérons alors beaucoup mieux et rattrapons à travers la
campagne très riche - moissons dans les grands champs dorés,
troupeaux de vaches nombreuses pâturant l’herbe drue, grosses
fermes carrées dispersées dans les terres – la côte près de
Thisted. Au bout d’une longue dune marécageuse, un bac nous fait
traverser le goulet de Thyborøn, à l’extrémité du fjord, où nous
allons flâner un peu. Près des bassins du port de pêche, on
s’affaire à réparer, modifier, ressouder ou repeindre plusieurs
bateaux, quand ce n’est pas à recoudre ou recâbler de longs filets
en nylon vert.
Puis, en nous baladant dans le village parmi les petites maisons des pêcheurs, nous retrouvons, en arrière des batteries de bunkers allemands dispersés sur la plage, la « maison aux coquillages » dont les murs sont tout garnis de motifs formés de différentes écailles, naturelles ou peintes… Juliette apprécie peu le genre, d’autant plus qu’on en a fait une attraction touristique payante appelant cars de touristes embrigadés et photographies en série… | Thyborøn et ses façades décorées de coquillages |
Bateau bleu de Thorsminde |
Nous longeons ensuite le cordon littoral qui borde presque toute la côte ouest du Jutland. Juliette prend le relais au volant, nous faisons un seul arrêt à Thorsminde pour admirer les bateaux bleus amarrés au quai du port de pêche et faire le plein d’eau. La route s’abrite en arrière de la dune côtière piquetée de chalets de vacanciers. Du côté des terres, des marais incertains plus ou moins exploités portent quelques beaux exemplaires de fermes typiques dont les bâtiments en carré couverts de chaume entourent une cour intérieure pavée entièrement close. |
Le temps se couvre progressivement et les gouttes finissent par tomber de plus en plus fréquemment. Pas question d’aller bronzer sur les immenses plages de la Mer du Nord comme nous l’avions espéré. Nous passons le fjord de Ringkoping et, suivant toujours la route 11, arrivons à Varde où nous nous payons un petit tour à pied dans les rues du centre assez bien remises en valeur. Elles montrent un mélange assez heureux de maisons souvent fort différentes en style, en âge et en richesse de décor mais qui ont en commun d’être joliment restaurées ou entretenues et profitent d’un cadre urbain soigné (rues pavées, lampadaires, boites à fleurs et parterres, etc.).
Nous faisons encore une cinquantaine de kilomètres à travers la campagne très riche de l’intérieur (troupeaux de bovins à l’engrais dans les prairies) pour arriver à la nuit tombante à Ribe, la vieille cité viking. Souper, petite marche jusqu’au parvis de la cathédrale et bivouac sur le stationnement près du quai sur la rivière. Fatigués par notre longue journée, nous regardons rapidement l’itinéraire de demain pour traverser l’Allemagne du Nord et rejoindre si possible Amsterdam aux Pays-Bas. Nous nous endormons enfin sous la pluie battante. | Arrivée à Ribe en soirée |
Vue aérienne de Ribe |
Quai et port de Ribe |
Dans les vieilles rues de Ribe |
Ruelle de Ribe |
Mercredi 29 juillet 1998 : de RIBE (Danemark) à GRONINGEN
(Pays-Bas) (562 km)
Ribe |
Levés à 9:00, nous partons aussitôt en balade dans les ruelles de la vieille ville de Ribe en franchissant la passerelle sur la rivière. Le soleil est au rendez-vous, favorisant l’animation qui règne dans les rues commerçantes et piétonnières. Ici les voitures sont bannies du pavé entourant la cathédrale, si bien qu’on peut déambuler tout à loisir en admirant les antiques façades à colombages et les boutiques old fashion, en se laissant imprégner par l’ambiance provinciale, un peu surannée et soigneusement cultivée par les habitants. |
Maisons basses en brique ou en bois peintes de couleurs pastel, dont l’alignement semble incertain le long du vieux pavé bosselé, doubles fenêtres aux vitres irrégulières décorées de bouquets de fleurs, de plantes grasses ou d’objets anciens à moitié voilés par des rideaux de dentelle, vieilles enseignes peintes sur panneau de bois ou en fer forgé, fleurs en cascades débordant des corbeilles ou des bacs dispersés un peu partout…
Nous flânons ainsi jusqu’à la poste où nous avons
la surprise de découvrir un ordinateur mis à la disposition du
public pour accéder à l’Internet et au courrier électronique. Ici
environnement ancien et technologies d’avant-garde font bon ménage
! Un peu plus loin, au détour de la Sct Nokolai Gade nous tombons
sur le Vikinger Ribe, un beau musée tout neuf consacré à la Ribe
viking. Juliette manifeste peu d’intérêt pour les reliques qui y
sont présentées, alors que je crains d’y passer trop de temps si
je me laisse entraîner dans ses salles.
Vitrail moderne dans l'église Ste Catherine |
Nous nous contentons de quelques achats à sa boutique pour revenir ensuite vers le centre et vers l’église Ste-Catherine dont nous apercevons rapidement l’intérieur très sobre. Autour de son parvis quelques jolis bâtiments anciens abritent une ancienne école et les salles de la manécanterie. |
Un autre dédale de ruelles entre de belles maisons anciennes nous ramène à la cathédrale dont les murs massifs et sévères intègrent les éléments successifs apportés par les siècles. | Cathédrale de Ribe |
Nef de la cathédrale de Ribe |
Orgues de la cathédrale de Ribe |
De retour près du quai du petit port fluvial, nous tombons sur un marché aux puces où Juliette farfouille un bon moment avant de jeter son dévolu sur un abominable thermomètre recouvert de coquillages et un pichet « entre deux guerres » qui compléteront avec bonheur sa collection de « quétaineries ». Nous tâchons d’épuiser en cartes postales le reliquat de notre monnaie danoise mais il nous reste toujours quelques couronnes. Une dizaine de kilomètres au sud et nous sommes à Tønder : la petite ville endormie étalée autour de son centre ancien offre peu à voir, au moins cet arrêt me permet-il de consacrer nos dernières pièces à l’achat d’une boite de fruits en boite au Fakta (épicerie discount locale).
Jeudi 30 juillet 1998 : de GRONINGEN à AMSTERDAM (208 km)
Après un bref tour au centre de Groningen qui mériterait une vraie visite à pied si nous disposions de plus de temps, Juliette me guide jusqu’à la sortie de la ville pour retrouver l’autoroute qui file vers le sud-ouest. Pluie et rafales d’un vent assez fort nous fouettent lorsque nous traversons la grande étendue d’eau de l’Ijsselmeer au niveau du Noord-Oost-Polder : la terre est absolument plate, gorgée d’eau, occupée par de nombreux troupeaux de moutons et de bovins éparpillés dans les prairies intensément vertes. D’immenses rangées d’éoliennes (j’en compte 3 lignes de 25 qui se succèdent) bordent le rivage de la mer intérieure. Le mouvement lent mais inexorable de ces grands moulins à vent qui brassent l’air avec ensemble me laisse une étrange impression de puissance contrôlée.
Une péniche logement à Amsterdam |
Canal et bicyclettes à Amsterdam |
Nous regagnons l’Aigle pour nous habiller plus chaudement et décidons alors de faire un grand tour du centre ville en nous aidant de la carte découpée dans notre vieux Guide Michelin. Nous repérons en passant les embarcadères de quelques bateaux mouches pour une éventuelle « croisière aux chandelles » sur les canaux. Mais le temps se gâte et c’est bientôt sous la pluie fine puis sous la brusque averse d’un orage que nous longeons les quais si pittoresques. | Péniches-logement sur
les canaux d'Amsterdam
|
L'affichette rédigée par Juliette |
Écœurés par la pluie et par le froid qui s’ensuit avec la tombée du jour, nous décidons d’abréger notre balade et rentrons au plus court. Malgré notre hâte nous sommes trempés et, comble de malchance, c’est pour constater en arrivant que la serrure de la porte à glissière de l’Aigle a été forcée. Heureusement le loquet a tenu et nous n’aurons pas en plus à déplorer un cambriolage. J’en serai quitte pour changer le barillet perforé à notre retour en France. |
Vendredi 31 juillet 1998 : d’AMSTERDAM à BRUXELLES (282 km)
L'Aigle au bivouac au bord du canal |
Nous prolongeons à loisir une nuit très tranquille car les lieux sont paisibles bien qu’en plein centre et l’ouverture du musée tardive (11:00). Le temps s’est stabilisé : si le ciel reste gris, au moins la pluie a-t-elle cessé. Pendant que je profite de la vue sur le canal avant de remplacer le contacteur du voltmètre sur la centrale électrique, Juliette se dirige vers la grande maison patricienne et consacre près de deux heures à la visite des expositions et collections permanentes du Musée du Théâtre dont elle revient ravie. Nous sommes maintenant prêts à quitter Amsterdam après un dernier détour fort hasardeux jusqu’au cœur de la vieille ville. |
Je veux y quérir des autocollants repérés hier soir dans une boutique de souvenirs où nous sommes entrés nous abriter d’une ondée. Les rues étroites, à sens uniques ou condamnées à la circulation automobile nous obligent à bien des détours mais nous finissons par arriver à nos fins. Il est presque 14:00 et grand temps de reprendre le chemin de la capitale belge. Grâce à l’habile pilotage de Juliette, nous sortons du labyrinthe du centre ville et gagnons le Ring (boulevard périphérique) puis l’autoroute pour… tomber en panne d’essence après quelques kilomètres. Heureusement le jerrycan de secours est là, et nous repartons bientôt jusqu’à la prochaine station-service où je fais le plein. Surprise, malgré notre circulation urbaine, la consommation de l’Aigle continue à baisser puisqu’il n’a absorbé que 14,6 litres d’essence aux cent kilomètres depuis Hambourg. Tout un exploit, probablement imputable à notre vitesse maximale de 85 km/h.
Nous profitons de l’arrêt pour manger et remplir notre réservoir d’eau avant de reprendre la route du sud à notre train de sénateur. Long cheminement dans les terres basses de la Hollande, champs très verts, troupeaux de vaches, haies de peupliers ployés par le vent d’ouest continu qui ne rencontre aucun obstacle géographique, petites fermes laitières dispersées. Nul besoin de clôture ici, ce sont des petits canaux d’irrigation rectilignes qui entourent chaque herbage et empêchent les bestiaux de passer de l’un à l’autre ou de se rapprocher dangereusement de l’autoroute. On aperçoit parfois la silhouette d’un ancien moulin aux ailes immobiles ou celles d’un hameau noyé dans les arbres et groupé autour d’un clocher… Une erreur d’aiguillage dans un échangeur d’autoroute pendant que Juliette lit la documentation ramassée au musée me mène à Eindhoven, ce qui rallonge la – déjà - longue route nous conduisant jusqu’à Bruxelles où nous arrivons passé 18:30.
Samedi 1er août 1998 : de BRUXELLES à SENLIS (283 km)
Nuit effectivement paisible, tant du côté circulation automobile que digestion… Nous nous levons assez tard (9:30) mais c’est pour constater que le Musée n’ouvrira pas sa porte avant 14:00. Après un peu d’hésitation, nous décidons de retourner au centre ville pour quérir les autocollants dans la boutique fermée hier soir, puis nous remontons dans ce même quartier d’Ixcelle-St-Gilles pour une longue visite à une amie montréalaise que Juliette s’est faite lors de son voyage en Tanzanie et qui vient de s’installer à Bruxelles pour travailler chez Bayer. Elle est très sympathique, dynamique mais un peu désemparée par la solitude dans laquelle elle se trouve plongée si soudainement. Juliette lui offre le café dans l’Aigle et nous jasons longuement, jusqu’au moment de gagner la Rue Américaine repérée ce matin.
Façade de la maison Horta |
Balcon de la maison Horta |
Détail de la balustrade de la maison Horta |
Maison Horta : le «bel étage» |
Bas de l'escalier de
la maison Horta en 1898
|
Bruxelles : bas de l'escalier de la maison Horta |
Bruxelles : salle-à-manger de la maison Horta |
La salle à manger de la maison Horta au début du siècle |
Salon de la maison Horta |
Palier de la maison Horta |
Cage d'escalier centrale de la maison Horta |
Haut de la cage d'escalier formant puits
de lumière |
Nous stationnons juste devant la belle maison Art Nouveau que se fit construire Horta en 1898. Rapide déjeuner avant la visite dès l’ouverture à 14:00. La façade à elle seule mérite le détour avec ses structures de balcon et ses grilles rapportées en fer forgé. Autre originalité : la poutre d’acier apparente et intégrée à la maçonnerie qui sert de linteau au rez-de-chaussée. Il s’agit en fait de deux maisons accolées : au numéro 25 la résidence personnelle du grand architecte Victor Horta, au 23 ses bureaux et ateliers, tous deux dessinés avec le même soin et le même luxe de détails. Un puits de lumière central donnant sur l’escalier illumine cette maison très profonde et étroite (6,50 m). Horta a utilisé le fer pour structurer une architecture très légère et aérée, tout en valorisant partout les courbes d’inspiration végétale, les couleurs chaudes, un mobilier de bois clair aux arcs tendus, des tapisseries où l’on retrouve William Morris ou Liberty… L’ensemble donne une grande impression de chaleur et de confort tout en favorisant une organisation très fonctionnelle de l’espace selon les habitudes de vie de l’occupant. Bref une autre visite très agréable dont je regrette que Monique ne profite pas elle aussi, tant elle est complémentaire à nos découvertes de Nancy et de Glasgow (C.R. McIntosch).
Dimanche 2 août 1998 : de SENLIS à MONTMARTRE (82 km)
Il pleut durant la nuit mais c’est bien plus le réveil au « chant » des coqs élevés par nos voisins banlieusards… dès 5:15 qui nous dérange ! Douche, déjeuner, nous sommes sur la route vers 10:30 et arrivons à Vincennes chez Annie et Yves à 12:00, après un impeccable guidage de Juliette jusqu’à un Périphérique assez fluide. La voyageuse retrouve ses bagages et entreprend de sortir de l’Aigle tout ce qui lui appartient pour confectionner des ballots manipulables, tout en respectant les limites de poids acceptables dans l’avion. Elle me fait faire un rapide tour de la maison qui m’en fait apprécier tout le charme et le goût avec lequel Annie et Yves l’on aménagée et décorée. Deux heures plus tard et après une autre grosse averse orageuse, nous sommes prêts à nous diriger vers le centre de Paris pour examiner la documentation de la Maison de l’Expatrié.
Depuis le pont, les Invalides |
Malgré les annonces, la boutique est fermée, ce qui donne à Juliette une autre occasion de sacrer contre les Français et leur organisation pour le moins bizarre… Nous atterrissons tout près, Boulevard des Invalides : la circulation est aisée mais partout se presse la foule de touristes. Monique, appelée à Montréal, nous fait ses dernières commandes dont des exemplaires d’affiches de Dali repérées à l’Espace Dali sur la rue Poulbot à Montmartre. Il est 18:00, donc trop tard pour visiter le Musée Rodin à deux pas. |
Lundi 3 août 1998 : de MONTMARTRE à CAEN (309 km)
Nuit rendue très bruyante par le défilé
des voitures escaladant la butte et par les touristes qui
dévalent la rue après souper et veillée bien arrosés dans
les nombreux restaurants et terrasses de la Place du
Tertre. Nous dormons assez bien cependant grâce à nos
bouchons auriculaires et sommes devant l’entrée de
l’Espace Dali dès son ouverture à 10:00. Il ne reste
malheureusement plus d’affiches SNCF d’Auvergne et les
deux autres disponibles ne nous emballent guère. Nous
traversons à nouveau les petites rues encombrées de
boutiques et de restaurants ainsi que la Place du Tertre
où déjà affluent les touristes et vers laquelle se
dirigent les « artistes », chevalet, boite de couleurs et
tabouret sous le bras.
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En dévalant les escaliers de Monmartre |
Lever tardif cette fois aussi : j’ai dégotté une série de revues de voyage dans ma chambre… Après déjeuner, je descends les boites laissées par Monique dans le grenier, puis la vieille TV conservée par Juliette, deux transats, etc., et case tant bien que mal tout ce matériel entre les banquettes de l’Aigle et sur le lit haut. Visionnement d’une autre cassette de Norvège jusqu’à Fauske. Maman qui depuis mon arrivée a gentiment entrepris de laver tout le linge sale accumulé durant notre voyage, m’entraîne ensuite à la découverte du « Jardin des Oiseaux », un vaste aménagement paysager créé de toutes pièces il y a maintenant quatre ans sur une ancienne décharge municipale. Si le dessin en général et les différentes compositions ne manquent pas d’intérêt et de variété, il faudra cependant attendre quelques années encore avant que la végétation soit pleinement établie et que les nombreux arbres aient poussé pour profiter vraiment des allées ombragées, des perspectives sur la grande roseraie ou sur le « Normandie miniature » bordée de sa pièce d’eau en forme de Manche… Cette belle, longue et calme balade reposante, à deux pas de l’agitation de la ville et du boulevard périphérique limitrophe, nous mène jusqu’à la fin de l’après-midi.
Quelques courses encore au Continent en rentrant, dernier souper en tête-à-tête avec Maman et à 20:00 je prends la route en direction de Lyon, comptant bien m’avancer un peu dès ce soir. Hélas, en arrivant à Falaise, je me souviens avoir oublié d’embarquer le câble de branchement sur le secteur laissé pendant à la fenêtre de Maman… Retour à la case départ, à nouveau bises à Maman qui a elle aussi constaté l’oubli et a enroulé le fil tant bien que mal malgré son coude handicapé. Je repars à nouveau vers le sud dans la chaude lumière du crépuscule (il est maintenant 21:00) qui dore les blés et allonge les ombres sur la plaine. Je me rends ainsi au-delà du Mans et vais m’arrêter sur la place centrale du village de Bouloire, au pied de l’église illuminée et du château en restauration, près de deux autres camping-cars qui y font aussi étape.