SIX MOIS D'ERRANCES EN EUROPE

(CONGÉ SABBATIQUE de janvier à juillet 1997)


Monique et Jean-Paul à bord de l'Aigle



11. La TUNISIE, de GABÈS au BARDO (Tunis)


Lundi 10 mars 1997 : de GABÈS à SFAX (185 km)

Une rumeur constante provenant, nous dit-on, des usines de phosphates (qui exhalent également une vague odeur de « chimique » dans le fond de l’air) sont les seuls inconvénients de notre camping jusqu’à 5:15 où, dans la nuit encore noire, éclatent les hurlements de nos trois muezzins totalement désaccordés. Nous en perdons évidemment le sommeil mais ne nous levons finalement assez paresseusement que vers 8:15. Profitant de l’eau en abondance, Monique lave pantalons et autre petit linge puis fait la vaisselle pendant que j’achève le nettoyage et le rinçage de la douche. A 9:30 nous partons faire un tour de la palmeraie en nous fiant à l’itinéraire touristique adopté par les calèches.

Dans la
                palmeraie de Sfax
Dans la palmeraie de Sfax
Si les jardins semblent assez intensivement cultivés, l’environnement est très mal entretenu (déchets non enlevés, ordures ménagères répandues, canaux de drainage transformés en égouts pestilentiels...) ce qui enlève beaucoup de son charme à un paysage par ailleurs agréable. Les enclos verdoyants se succèdent dans un dédale de petits canaux, de murets de terre et de haies en branches séchées, sous l’ombre claire des hauts palmiers. La petite route serpente entre les lopins, des chemins de terre mènent aux champs et aux petites maisons basses des cultivateurs : les menzels

Abordés par un vendeur de peaux de mouton sympathique, nous marchandons un peu (jusqu’à 18 Dinars) et je finis par me laisser convaincre d’en faire une housse confortable pour mon siège déchiré. Puis nous échangeons une bonne heure avec lui, abordant sa perception des Européens et des autres étrangers, ses attentes d’amitié un peu irréalistes, sa vie familiale et ses sentiments de Tunisien... La conversation se termine autour d’un café turc sur la terrasse d’un petit bistrot au cœur de l’oasis. Thé avec le
                marchand de peaux de mouton
Thé avec le marchand de peaux de mouton

Nous achevons d’en faire le tour en atteignant le hameau de Chenini, puis prenons la longue et excellente route vers Sfax. Dans une campagne assez désertique nous longeons la mer d’assez loin puisque nous ne l’apercevons plus que par moment, au-delà des pentes sableuses plantées de quelques palmiers. A partir de Mahrès où nous pique-niquons devant quelques barques de pêcheurs sur la plage, la route file entre de longues rangées d’oliviers qui ont donné à la grande ville sa réputation de capitale de l’huile d’olive tunisienne.

De longs faubourgs peu reluisants - Sfax est aussi devenu un important centre industriel - mènent à la Place de l’Indépendance, assez chic, qui nous fait un peu penser à Casablanca. A l’Office du tourisme on nous donne un plan de la ville et un itinéraire pour visiter la médina. Ses monuments sont  fermés le lundi, tout comme le Musée des Arts et Traditions Populaires (Dar Jallouli). Nous emploierons donc la fin de l’après-midi à chercher, puis à nous rendre chez le concessionnaire Volkswagen du lieu pour faire ajuster le levier de vitesse toujours défaillant depuis notre arrivée il y a deux semaines. Le « garage » se donne grande allure, mais il semble bien ne compter qu’un seul mécano vraiment compétent. Heureusement pour nous, celui-ci se libère rapidement. Au bout d’une heure, après d’agréables contacts avec d’autres membres du personnel qui veulent aussi leur part d’attention et qui n’ont jamais vu de véhicule semblable au nôtre, nous repartons, le levier de vitesse enfin ajusté convenablement. Il est trop tard pour commencer à visiter la ville, mais grand temps de se préoccuper du bivouac de ce soir. Un tour du côté des grands hôtels en plein centre ne fait rien découvrir d’emballant : trop de bruit, de circulation... et de minarets alentour !

Monique a alors la brillante idée de nous diriger vers l’aéroport, lieu écarté, peu fréquenté la nuit, sans mosquée à proximité et généralement abondamment pourvu en stationnements. Effectivement le petit aéroport de Sfax correspond tout à fait à nos besoins. Après avoir conté au gardien bienveillant que nous sommes venus attendre des amis qui nous y ont donné rendez-vous, nous nous installons dans un coin particulièrement tranquille du petit parking. Voilà une nuit qui s’annonce bien.

Mardi 11 mars 1997 : de SFAX à MAHDIA (128 km)

Remparts de
                  Sfax
Remparts de Sfax

Si la nuit s’avère fort calme sur le stationnement de l’aéroport, le sommeil est un peu plus difficile, peut-être à cause de certaines lourdeurs digestives... Nous nous levons donc un peu tard pour regagner le centre de Sfax, destination la médina ceinte de ses remparts. Nous trouvons une place juste devant Bab Djiebli, laissons là notre Aigle au milieu d’un chantier de voirie (à l’image de la moitié de la Tunisie...) et passons la muraille.

Place devant Bab Diwan
Place devant Bab Diwan
Bab Diwan
Bab Diwan

Aussitôt c’est la plongée dans la foule, au milieu des petits marchands de tout et n’importe quoi. Nous réussissons à grimper sur le chemin de ronde du rempart qui offre une vue plongeante sur l’une des rues les plus animées où les marchands de légumes et de graines annoncent leurs produits à grands coups de gueule. Tour du fondouk El Haddadine, devenu pittoresque souk des ferronniers, dans le bruit des enclumes et la fumée des brasero. Après les légumes, ce sont les vêtements, couvertures et autres textiles qui remplissent la ruelle en approchant de la Grande Mosquée. Monique est séduite par des jolis costumes de fête portés par les garçonnets lors de leur circoncision (broderies, petit fez rouge orné de paillettes dorées...) mais renonce à l’achat vu le coût un peu élevé (35 $). Étalage de
                dinanderie pour touristes
Étalage de dinanderie pour touristes

Cour patio
                de Dar Jallouli à Sfax
Cour patio de Dar Jallouli à Sfax
Nous faisons le tour du beau mur de grosses pierres de taille de la mosquée dont l’entrée demeure inaccessible aux infidèles et rejoignons, au hasard du dédale des ruelles, Dar Jallouli, une maison patricienne restaurée et transformée en Musée des Arts et Traditions Populaires. Une élégante colonnade entoure sa cour centrale toute garnie de céramiques. Si les pièces ont conservé une partie de leur décor (alcôves de bois sculpté des chambres, ustensiles de cuisine, etc.) elles servent surtout de vitrine pour une intéressante série de costumes datant de 50 à 100 ans. La luxueuse résidence est environnée de minuscules échoppes de tailleurs et de cordonniers d’où s’échappe une forte odeur de colle.

Patio de Dar Jallouli
Patio de Dar Jallouli
Dar Jallouli : décor de céramique
Dar Jallouli : décor de céramique

Nous arrivons à l’extrémité sud est des remparts. Elle est renforcée d’une grosse tour dont la terrasse offre une belle vue en enfilade sur tout le rempart sud. En suivant la ruelle longeant l’intérieur de ce même rempart, on découvre le joli minaret en pierre sculptée de Sidi Amar Kammoun, peu élevé mais très harmonieux.

La grande porte de Bab Diwan est en restauration; elle constitue un fond intéressant pour les gros plans sur les pittoresques personnages que j’y filme à la vidéo. Nous continuons jusqu’à l’angle sud-ouest où l’ancienne casbah a été complétement restaurée et transformée en Musée d’Architecture tunisienne très bien présenté. J’y découvre, entre autres techniques millénaires, comment les anciens murs étaient construits de pierres liées par de l’argile friable mais renforcés par des grosses branches (comme le font maintenant les fers dans le béton) et rendus étanches par l’application d’une couche de chaux. Plans et maquettes de maisons, de fermes et d’édifices religieux complètent ce panorama. Sfax : la
                  porte Bab Diwan et la médina
Sfax : la porte Bab Diwan et la médina

Monique en habit de fête... le temps d'un essayage
Monique en habit de fête... le temps d'un essayage
Nous coupons ensuite à travers la vieille ville pour revenir à notre point de départ, rencontrant en passant quelques jeunes couturières dans leur atelier. Nous échangeons un bon moment avec elles. Elles insistent pour faire essayer par Monique un superbe ensemble de fête pour que je la photographie ainsi ; puis petits gâteaux maison et thé agrémentent leur chaleureux accueil tout à fait impromptu.

Le temps s’est gâté pendant notre longue balade ; c’est donc sous la pluie et dans les bourrasques d’un vent froid que nous retrouvons l’abri de notre Aigle. Malgré notre estomac dans les talons, nous préférons sortir de la grande ville pour aller pique-niquer sur un chemin de campagne au milieu des oliviers, au bord de la route d’El Djem. Tout au long des 64 km séparant les deux villes se succèdent d’interminables rangées d’oliviers qui sont de toute évidence (et depuis l’Antiquité) la richesse de la région.
Les dimensions du fameux amphithéâtre d’El Djem, visité entre deux averses, témoignent de l’opulence atteinte par la ville au 1er siècle ap. J.C., tout comme l’exubérance des multiples sols de mosaïques exposés dans le petit musée. Ces gens là voyaient grand et avaient les moyens. Où a bien pu passer cette richesse, puisque les olives sont toujours là ? El Djem :
                l'amphithéâtre romain
El Djem : l'amphithéâtre romain

ce qu'en dit Wikipedia :

Amphithéâtre de El Djem (appelé aussi "Colisée de Thysdrus") : 35 000 places, construit en 238 sous le proconsul Gordien - selon la datation de A. Lézine. Ses dimensions extérieures sont : 148 m de long pour 122 m de large, et celles de son arène : 64,50 m de long sur 38,80 m de large. Il est considéré comme le 3ème plus grand amphithéâtre du monde romain, après le Colisée de Rome et celui de Capoue, (bien que curieusement ceux de Vérone, Carthage ou Pozzuoli soient de dimensions et/ou de capacités bien supérieures). Malgré une destruction partielle due à l'utilisation de ses pierres pour la construction de la ville d'El Djem, il est remarquablement bien conservé et on peut encore y voir aujourd'hui les fosses aux lions. On suppose d'ailleurs qu'il est resté entier jusqu'au XVIIe siècle si l'on en croit le récit donné par Victor Guérin: « c'est vers 1695, d'après la tradition arabe, que l'on commença à démolir la façade extérieure, jusque-là demeurée à peu près intacte ». Il est inscrit au patrimoine mondial de l'Unesco en 1979.


Autre vue
          générale du cirque d'El Djem
Le cirque d'El Djem

Couloir de l'amphithéatre d'El Djem
Couloir de l'amphithéatre d'El Djem
Amphithéâtre d'El Djem vu du ciel
Amphithéâtre d'El Djem vu du ciel

Mosaïque du Musée archéologique d'El Djem :
                  Bachus sur sa lionne
Mosaïque du Musée archéologique d'El Djem : Bachus sur sa lionne

Mosaïque du Musée archéologique d'El Djem :
                  Silène entouré de Bacchantes
Mosaïque du Musée archéologique d'El Djem :
Silène entouré de Bacchantes

Mosaïque du Musée archéologique d'El Djem : décor
                  de plumes de paon
Mosaïque du Musée archéologique d'El Djem :
décor de plumes de paon


Le petit port de
                Mahdia
Le petit port de Mahdia
Le ciel continue d’être très gris et les gouttes fouettent le pare-brise à plusieurs reprises lorsque nous parcourons ensuite la campagne toujours couverte d’oliviers (42 km) jusqu’à atteindre la mer à Ksour Essaf, bourg rural plein de maisons en construction, assez désordre et sale comme d’habitude. Le littoral disparaît dans la nuit à Mahdia où nous allons jusqu’au Cap Afrique, une pointe semble-t-il assez pittoresque, dont le phare est entouré d’un cimetière marin. Bivouac au bord de la route côtière, tout près du Cap.

Mercredi 12 mars 1997 : de MAHDIA à SKANÈS (122 km)

Le vent très fort nous oblige à battre en retraite sur une petite place entre des maisons de pêcheurs; même dans cet abri relatif, les rafales, les violentes averses et le bruit du ressac perturbent tant notre repos que nous sommeillons tard jusque vers 9:30, Le ciel se dégage progressivement pendant la balade au Cap Afrique tout proche, où le phare et le cimetière marin éparpillé sur les pentes dominent l’antique petit port punique et le bassin de l’ancien port fatimide creusé dans le rocher au Xème siècle. La masse quadrangulaire du Borj El Kébir couronne le cap et domine la petite ville en arrière. Nous faisons plusieurs aller et retour pour photographier le site sous les meilleurs angles et sous le soleil capricieux, ce qui me donne l’occasion de faire le plein d’eau et d’essence en me fâchant contre le pompiste qui affiche Visa et Master Card alors qu’il n’honore pas ces cartes, et me promet de l’eau alors qu’il n’a pas de robinet... Finalement Monique intervient auprès du gérant et tout finit par s’arranger. Nous continuons ensuite de suivre la côte vers le nord. Grand vent, soleil jouant dans les nuages, beaucoup d’hôtels et d’installations touristiques plus ou moins heureuses le long de cette côte par ailleurs assez plate.

Port et ribat
                de Monastir
Port et ribat de Monastir
Nous sommes bientôt à Monastir, propre, neuf mais bien peu pittoresque à notre goût. Nous allons déjeuner devant le port de yachts sous la masse imposante du ribat, une forteresse autrefois tenue par des moines soldats qui a été impeccablement restaurée.

Nous hésitons un peu à visiter la médina close dans ses murs entièrement remontés, car tout cela nous semble trop neuf et bourré de boutiques destinées aux touristes d’ailleurs très nombreux autour de nous. Nous nous contentons plutôt de la visite et du tour des murailles du ribat, montons en haut du nador (tour de guet) d’où la vue s’étend largement sur la côte et sur la ville. Le ribat de Monastir vu du ciel
Le ribat de Monastir vu du ciel

Depuis le ribat
      de Monastir : le nador et la côte
Depuis le ribat de Monastir : le nador et la côte

La
        côte depuis le rempart du ribat de Monastir
La côte depuis le rempart du ribat de Monastir

Dans le ribat, sur
      le rempart et devant le nador
Dans le ribat, sur le rempart et devant le nador

Jean-Paul dans le ribat
Jean-Paul dans le ribat

Depuis les murailles du ribat, la ville et le mausolée de
        Bourghiba
Depuis les murailles du ribat, la vieille ville rénovée et le mausolée de Bourghiba

A nos pieds la ville rénovée où trône le mausolée Bourguiba sous sa coupole dorée. Trop neuve et un peu prétentieuse, cette autre attraction ne nous attire guère.

Monastir : la mosquée mausolée de Bourghiba
Monastir : la mosquée mausolée de Bourghiba
Dans le Musée du Ribat, une astrolabe arabe
                  fabriquée à Cordoba en 927
Dans le Musée du Ribat, une astrolabe arabe fabriquée à Cordoba en 927

Grande
          mosquée (ancienne) de Monastir
Grande mosquée (ancienne) de Monastir

En quittant Monastir, nous repérons un Monoprix où nous allons remplir notre cambuse des denrées de première nécessité dont nous arrivons au bout : bière, vin, yogourts... Puis nous prenons la route de Sousse. Suivant une petite corniche le long de la mer, elle passe bientôt devant la résidence d’été de l’ex-président Bourguiba puis suit un long cortège d’installations hôtelières où l’on « ghettoïse » les milliers de touristes qui viennent chercher ici leur ration de plage et de soleil garanti.

Il est passé 16:00 lorsque nous traversons les faubourgs industriels et populaires de Sousse, sales et tristes comme à l’ordinaire. La densité de la population et l’agitation nous font renoncer à chercher un bivouac au centre ville, et une tentative près de la cité « olympique » nous fait découvrir un immense stade isolé dans une banlieue peu enthousiasmante... Nous décidons d’arrêter là nos activités touristiques pour aujourd’hui et de retourner tranquillement nous reposer et passer la nuit près du palais d’été du Président à Skanès, 12 km en arrière. Nous trouvons devant une porte latérale de la propriété une place tranquille face à la mer, à l’écart de la circulation et à l’abri relatif du vent. Un garde armé nous y souhaite la bienvenue et une bonne nuit. Que souhaiter de plus ?


Jeudi 13 mars 1997 : de SKANÈS à EL FHAS (Thuburbo Majus) (144 km)

La medina
                de Sousse et la Grande Mosquée depus le nador du ribat
La medina de Sousse et la Grande Mosquée depus le nador du ribat
La journée commence tranquillement aujourd’hui puisque, après un lever tardif (8:45...), nous traînons un moment sur la plage de Skanès, juste devant notre stationnement. Vers 10:30, départ pour Sousse où nous allons directement stationner sous les remparts de la vieille ville. Il fait un temps superbe et le vent qui souffle encore est moins dérangeant dans cet environnement urbain coupé de murs.

Nous commençons par entrer dans la cour de la Grande Mosquée : pavée de marbre blanc, entourée d’un péristyle très simple aux arcs outrepassés, ses lignes harmonieuses inspirent l’élévation de l’âme comme une abbatiale romane. On ne peut cependant pénétrer dans la grande salle de prière dont les alignements de voûtes et de colonnes disparaissent dans l’ombre. Grande
                mosquée de Sousse depuis le Nador du Ribat
Grande mosquée de Sousse depuis le Nador du Ribat

 Le ribat de
                Sousse
Le ribat de Sousse
A peu de distance, le ribat élève ses hautes murailles et son nador bien au-dessus de la place. Nous franchissons sa belle porte fortifiée d’une herse et encadrée de quatre colonnes de réemploi romaines. A l’intérieur se retrouvent le sévère ordonnancement et la stricte élégance des galeries voûtées bordées d’arches. Tout autour de la cour se succèdent les petites pièces voûtées où vivaient les moines soldats, tandis qu’à l’étage est installée la salle de prière (VIIIème siècle), l’une des toutes premières d’Afrique du Nord. Nous grimpons encore une fois au sommet du nador d’où la vue porte sur toute la médina, ses murs blancs, ses cours et ses minarets, sur les hauts murs de la casbah au loin dans le sud, en continuité avec les remparts qui ceignent la ville, et sur le port et la mer au nord-est.

Après ce premier coup d’œil général, c’est le temps de s’enfoncer dans les ruelles de la vieille ville. Nous sommes un peu déçus : si les rues sont propres et les magasins bien tenus sans que les marchands nous sollicitent avec trop d'insistance, les produits étalés sont surtout ceux que l’on destine aux touristes, du chameau en peluche aux céramiques multicolores et aux cuivres travaillés. Monique y choisit soigneusement un pouf en cuir vert et fauve qu’elle destine à Mathieu et qu’elle marchande longuement pendant que je croque à la vidéo quelques scènes de rue. Nous nous rendons jusqu’au souk des orfèvres puis, lassés de ce spectacle trop apprêté, gagnons le souk aux légumes et autres denrées, y achetons carottes, patates et pain avant de ressortir du côté port et de regagner notre Aigle.

Nous montons ensuite à la casbah pour pique-niquer et visiter, dès l’ouverture à 14:00, le petit musée présentant une fort belle collection de mosaïques à thème essentiellement marin.
Dans la casbah, Jean-Paul dans la cour du Musée
Dans la casbah, Jean-Paul dans la cour du Musée

Mosaïque du Musée de la Casbah : décor animalier
Mosaïque du Musée de la Casbah : décor animalier
Mosaïque du Musée : corbeille de poissons
                  méditerranéens
Mosaïque du Musée de Sous : corbeille de poissons méditerranéens

Nous sommes une fois encore conquis par la variété, la qualité décorative et la fraîcheur des dessins, d’autant plus que les grands panneaux colorés sont disposés dans de hautes salles toutes blanches à éclairage zénithal entourant un charmant patio à arcades rempli de fleurs.
Mosaïque du Musée de la casbah de Sous : Cortège
                  de Bacchus
Mosaïque du Musée de la casbah de Sous :
Cortège de Bacchus couronné sur son char tiré par 4 lionnes, entouré de bacchantes et de satyres.


Mosaïque du Musée de Sous : Gladiateurs dans
                l'arène
Mosaïque du Musée de Sous : Gladiateurs dans l'arène
Ambiance nature qui se poursuit par le petit jardin où l’on a disposé une collection lapidaire, au pied des hauts murs et de la tour de la casbah. Cette visite très agréable nous laissera un excellent souvenir de Sousse.

En quittant la ville par le nord, nous longeons la côte par une belle avenue donnant sur la mer et plantée de palmiers, genre Promenade des Anglais. Une suite interminable de grands hôtels tout blancs la prolonge sur une dizaine de kilomètres jusqu’à Hamour Sousse puis Port El Kantaoui, un complexe associant port de plaisance et résidences, style Port Grimaud.

En sortant de ce dernier ghetto à touristes, nous retrouvons la « vraie » Tunisie. Le grand boulevard à quatre voies et deux chaussées séparées redevient voie unique au goudron inégal grugé sur les bords, les trottoirs dallés cèdent la place à une berme poussiéreuse et défoncée, l’éclairage urbain disparaît et les gourbis à demi terminés aux murs de brique creuse plus ou moins crépis, hérissés de fers à construction destinés à un - futur ? - deuxième étage, remplacent les grands palaces tout blancs au fond de leur immense jardin muré. On ne parle pas de la crasse, du désordre des fils électriques, des ordures ménagères, etc. qui complètent et pimentent le tableau. Contraste saisissant ! Il reste que ce pays-là est autrement plus authentique et ses habitants infiniment plus sympathiques que les touristes bavards ou béats que nous croisons avec de plus en plus d’appréhension, vu les propos insignifiants ou débiles que plusieurs nous ont infligé depuis notre retour vers le nord.

Jolie vue sur la côte, sur la mer blanchie par les vagues et sur les montagnes qui réapparaissent à l’horizon à Hergia. Nous tournons alors le dos à la Méditerranée pour traverser le Jbel Zaghouan sur des petites routes étroites et raboteuses. On y croise beaucoup plus de camions que de voitures mais les paysages redeviennent grandioses. Sur les terres ondulées s’alignent les oliviers, entre d’immenses champs où frissonne le verdoyant tapis des jeunes céréales. Leur ondoiement se termine sur les pentes roses, bleuâtres ou violacées de montagnes plus ou moins abruptes fermant l’horizon. Le soleil descend, les teintes s’échauffent jusqu’à ce que les rayons du couchant en plein contre-jour finissent par nous aveugler en nous empêchant de jouir du superbe paysage. Il fait presque nuit lorsque nous rattrapons la grande route de Tunis pour une quinzaine de kilomètres jusqu’à El Fahs où nous retournons dormir sur le stationnement parfaitement silencieux - pas d’autos, de mer ni de vent ici - du site archéologique de Thuburbo Majus. Accueil chaleureux du gardien qui se souvient nous avoir reçus ici il y a presque trois semaines avec la Land Rover des Gilbert.

Vendredi 14 mars 1997 : d’EL FAHS à BULLA REGIA (163 km)

La nuit est si paisible que nous la faisons durer jusque passé 8:00, si bien que nous sommes sur la route à 8:59. Celle-ci suit d’amples vallées qui s’élargissent en plaines jusqu’à Dougga, sur des routes relativement étroites mais toutes droites entre des riches cultures irriguées, immenses champs de céréales avec, de temps à autre, d’anciennes grandes fermes aux toitures à double pente de tuiles : manifestement nous sommes en plein territoire de colonisation française. Il ne manque même pas la ligne du tortillard avec des viaducs de pierres taillées franchissant les oueds et ses petites gares réglementaires aux murs peints en blanc et aux volets bleu ciel (Sud oblige !).

Ulysse et les Sirènes (mosaïque découverte à
                  Dougga)
Ulysse et les Sirènes (mosaïque découverte à Dougga)
Le site de l’antique Thugga (Dougga) est superbe. Il occupe le haut d’une colline dominant la plaine couverte de cultures et de rangées d’oliviers. Quelques constructions émergent du champ de pierres répandues sur la pente. Munis de notre vieux Guide Bleu, nous suivons les voies pavées, tortueuses pour une fois, qui nous mènent d’un monument à l’autre.

Nous nous hasardons ainsi dans les souterrains des thermes d’Aïn Doura où Monique fouille un moment dans un tas de tessons et de débris, à la recherche d’un hypothétique trésor, puis nous parcourons les restes de quelques maisons (Triforium des Saisons), errons dans les Thermes des Cyclopes surtout remarquables par des latrines fort bien conservées, atteignons l’Arc de Septime Sévère, très ruiné mais ouvrant sur le superbe paysage. Jean-Paul dans
              les latrines de Dougga
Jean-Paul dans les latrines de Dougga

Théâtre de Dougga
Théâtre de Dougga
Nous remontons ensuite vers le théâtre bien restauré qui a gardé plusieurs colonnes de son mur de scène.

Puis nous regagnons le Capitole dans un état exceptionnel. Dédié à la triade Jupiter, Junon et Minerve, le portique du temple montre encore ses six colonnes cannelées à chapiteaux corinthiens. Dans la pierre dorée de la cella se voient toujours les trois niches où se trouvaient les statues des divinités. A côté, un petit forum dont toutes les colonnes sont à terre... Le
              Capitole de Dougga et le forum
Le Capitole de Dougga et le forum

Monique devant la cella du Capitole de Dougga
Monique devant la cella du temple du Capitole de Dougga
Plus loin les Thermes Liciniens ont gardé salles à péristyles et mosaïques. Nous gagnons ensuite, suivant toujours la voie qui serpente à flanc de colline, l’Arc de Sévère Alexandre en bien meilleur état que l’autre puis, au-delà, un premier groupe d’énormes citernes à demi effondrées. Dernier monument entouré d’oliviers, les colonnes restaurées du temple de Caelestis se dressent au milieu d’une cour en hémicycle que ferme un mur rectiligne bordé d’un portique. Il ne nous reste plus qu’à redescendre tranquillement vers le stationnement à travers l’olivaie jonchée de pierrailles et de restes sculptés de monuments funéraires. Empruntant alors la piste qui traverse le site, notre Aigle nous hisse sur l’esplanade au pied du théâtre pour déjeuner devant le panorama ***. Il est passé 14:30 lorsque nous reprenons la route pour gagner l’autre site antique de Bulla Regia.

Plein d’essence et d’eau à Tiboursouk, puis route de montagne dans un paysage très vert qui nous fait grimper les 400 m d’un col d’où s’étend une belle vue sur la plaine très fertile. La route construite par les Français du Protectorat file toute droite entre les grands domaines ruraux des colons. Des champs immenses entourent la vaste maison de maître campée au bout d’une allée de grands arbres aboutissant à la route. Terres irriguées, impression de richesse, céréales vertes à perte de vue... Nous traversons le gros bourg agricole de Bou Salem, toujours aussi mal construit malgré la richesse du terroir. La route se poursuit identique pour encore une trentaine de kilomètres jusqu’à Bulla Regia où nous arrivons à la nuit tombante. Visite rapide du petit musée, entente avec le responsable pour dormir sur le stationnement gardé, bakchich (1 Dinar et 500 millimes) au gardien de nuit, souper et coucher à 9:20 dans le vent qui a repris en soirée.

Samedi 15 mars 1997 : de BULLA REGIA au BARDO (Tunis) (242 km)
Nous sommes devant l’entrée du site dès son ouverture à 8:30, après une autre nuit paisible. Le vent est encore très froid, aussi enfilons-nous un chandail avant de nous avancer dans l’immense champ où ressortent quelques ruines éparses au pied des premières pentes de la montagne. C’est qu’ici, le plus intéressant se trouve sous terre, comme nous le fait découvrir un « guide » qui se propose après quelques centaines de mètres. En effet, vu la température torride qui régnait ici en été, les riches propriétaires avaient doublé leurs appartements d’hiver en rez-de-chaussée - maintenant presque entièrement disparus - de pièces aux plans, fonctions et même parfois décors identiques en sous-sol. Bulla Regia :
                bergère au dessus de l'une des maisons souterraines
Bulla Regia : bergère au dessus de l'une des maisons souterraines

Monique dans
                l'atrium d'une maison souterraine de Bulla Regia
Monique dans l'atrium d'une maison souterraine de Bulla Regia
Avec l’aide de notre guide qui nous indique les escaliers d’accès de ces villas souterraines et qui asperge consciencieusement les superbes mosaïques qu’elles ont conservé, nous découvrons ainsi la Maison de la Chasse, la Maison de la Pêche, la Maison d’Amphitrite... Les maisons, reliées par de beaux segments de rues antiques pavées, sont assez espacées et nous devons presser un peu notre guide, pris entre le plaisir de ces étonnants spectacles et la conscience du temps qui s’écoule rapidement jusqu’au départ de notre bateau lundi soir.

Nous passons donc rapidement la source d’eau tiède, puis le Temple d’Apollon dont quelques restes baignent dans les eaux d’une citerne à demi effondrée. Passent vite aussi les beaux vestiges du théâtre appuyé sur de puissantes voûtes en partie disparues sur lesquelles s’élevaient les gradins, en l’absence de pente naturelle. Notre promenade s'achève par les ruines imposantes des Thermes de Julia Memmia qui ont conservé toutes leurs salles caractéristiques et leurs piscines. Visite un peu hâtive sur la fin, mais qui nous aura livré, avec les luxueux sous-sols des riches villas, son quota de curiosités.

La route que nous reprenons aussitôt se poursuit durant quelques kilomètres entre le Jbel Rebia et la plaine, avant de grimper rapidement vers Fernana puis Aït Draham, à deux pas de l’Algérie. Le paysage change du tout au tout puisque avec l’altitude, la forêt de chênes lièges fait son apparition, bientôt si dense qu’elle en cache presque totalement le paysage très vallonné. L’air pur et froid (8°) embaume aussi l’eucalyptus, les maisons dispersées portent des petits toits à doubles pentes de tuiles rouges, l’ensemble donne un caractère presque alpestre aux panoramas qui émergent parfois de la forêt, au détour d’un virage. Dommage qu’un soleil capricieux vienne trop rarement aviver les couleurs et éclairer les lointains perdus dans une grisaille bleutée. Forêt de
                chênes liège près de Tabarka
Forêt de chênes liège près de Tabarka

Tabarka
                : vue générale
Tabarka : vue générale
On atteint enfin la vallée, la mer apparaît, c’est l’arrivée à Tabarka. Peu à dire de la petite ville qui se cherche une vocation touristique. Nous nous contentons d’aller contempler les Aiguilles, groupes de rochers monolithes sculptés par la mer, finallement assez anodins, ...

Les Aiguilles
        de Tabarka
Les Aiguilles de Tabarka

... puis de grimper jusqu'à la masse imposante - en restauration - du fort génois juché sur sa presqu'île. Depuis sa porte se dégage une belle vue sur la baie, la ville, les côtes est et ouest ourlées par les vagues écumant sur les rochers. De retour près de la plage, nous avons la surprise de retrouver, perdue au milieu des hôtels modernes en construction, la silhouette familière d’une autre petite gare type SNCF... Nous prenons alors la route de Tunis qui, étroite et sinueuse, passe loin de la mer dans une région boisée où la culture assez pauvre laisse une place plus importante à l’élevage : vaches et moutons errent dans le bled, gardés par des bergers indolents.
Tabarka et son fort génois
Tabarka et son fort génois

Nids de
                cigognes sur une ancienne gare à Seljem
Nids de cigognes sur une ancienne gare à Seljem
Dans le village de Seljem, des cigognes tout occupées à bâtir leur nid sur le faîte des toits ou des cheminées se laissent observer sans crainte.

Nous roulons ensuite sans nous arrêter jusqu’à Mateur, admirant au passage plusieurs petites gares blanches et bleues conforme au modèle SNCF d’avant guerre, qui demeurent le long de l’ancienne voie ferrée apparemment désaffectée. Lorsque nous traversons enfin le débouché de la plaine de la Mejerda, de vastes exploitations agricoles entourent quelques opulentes demeures de colons (bosquets d’arbre sur la colline, longue allée, architecture « arabisante ») abandonnées, tandis que le long de la route s’entassent de misérables et sales gourbis. L'ancienne
                gare de Mateur
Ancienne gare entre  Seljem et Mateur

Plus d’une vingtaine de kilomètres avant la capitale, des faubourgs clairsemés mal bâtis entremêlés d’établissements industriels plus ou moins prospères annoncent l’approche de Tunis. Nous tombons directement sur le quartier - et le Musée - du Bardo où nous nous installons pour passer la nuit, à deux pas du grand portail, devant une maison bourgeoise sur une rue transversale fort tranquille.



12. La TUNISIE : du BARDO à LA GOULETTE



Dimanche 16 mars 1997 : du BARDO (Tunis) à GAMMARTH (LA MARSA) (47 km)

Bien qu'entre deux voies à grande circulation et en pleine zone urbaine, nous jouissons d’une nuit fort silencieuse. A 9:15 nous passons la grille du parc du Bardo mais c’est pour apprendre que la visite impromptue du Premier Ministre d’Autriche retardera au moins d’une heure l’ouverture du Musée... Nous prenons notre mal en patience (d’autant plus qu’il fait très beau même si le petit vent est assez frais) et discutons avec les gardiens qui nous font enfin entrer au bout d’une demi-heure par la porte d’en arrière.

Tunis : Musée du Bardo
Tunis : Musée du Bardo

Musée Archéologique du Bardo : le char de
                  Neptune
Musée Archéologique du Bardo : le char de Neptune

Le palais de l’ancien Bey est vaste ; dans ses nombreuses salles assez bien décorées, on expose surtout de très nombreuses mosaïques romaines. Nous les parcourons les unes après les autres, émerveillés par la fraîcheur, le bon état - en général - et la vivacité des scènes reproduites sur les grands panneaux accrochés aux murs tels des tapis un peu naïfs aux teintes délicates. Fond blanc ou crème, bordure décorative à décor floral ou géométrique plus ou moins large, disposition centrée du sujet ou au contraire dispersion savamment orchestrée sur toute la surface, parfois cloisonnement dans des volutes végétales ou des carrés à frange géométrique, la manière est assez variée tout comme les thématiques.

Musée Archéologique du Bardo : Amphitrite
Musée Archéologique du Bardo : Amphitrite

Cependant les tableaux sont si nombreux que quelques thèmes majeurs finissent par ressortir : scènes de pêche, de chasse, travaux des champs ou saisonniers, scènes mythologiques, banquets, etc. Certaines salles du palais ont conservé leur décor oriental XIXème très riche, à la turque, et ont reçu en plus des vitrines exposant de petits objets trouvés au cours des fouilles (statuettes, céramiques, lampes à huile, etc.) ou des statues en calcaire, en terre cuite et surtout en marbre représentant divinités et empereurs. Nous flânons longuement devant les mosaïques, ces extraordinaires vestiges de la vie romaine, pour une fois en couleur, nous attardant à tel thème nouveau ou jamais vu, scrutant les détails croustillants ou les dessins particulièrement bien venus. Musée Archéologique du Bardo : pêcheurs
Musée Archéologique du Bardo : pêcheurs

Musée Archéologique du Bardo : la salle de Virgile
Musée Archéologique du Bardo : la salle de Virgile
Virgile entre les Muses de la Poésie et du Drame
Virgile entre les Muses de la Poésie et du Drame

Musée Archéologique du Bardo : Agon ailé en bronze
              (époque hellenistique) découvert au large de Mahdia par 38
              m de fond
Musée Archéologique du Bardo : Agon ailé en bronze (époque hellenistique) découvert au large de Mahdia par 38 m de fond.
En comptant un dernier tour dans la section arabe qui reproduit l’intérieur d’une maison bourgeoise avec sa cour pavée de marbre, ses arcades et ses panneaux de céramique ou de zéliges, ses meubles et une panoplie des vêtements de ses occupants, nous aurons passé presque quatre heures d’émerveillement dans les murs du Bardo.

Seul regret, la foule des visiteurs du dimanche dont l’ardeur juvénile serait parfois plus à sa place entre les murs d’un stade que dans ceux d’un musée (groupes d’enfant d’école jouant à courir dans les escaliers ou à se photographier devant les statues)...

Nous déjeunons rapidement dans le grand stationnement puis entreprenons de gagner Sidi Bou Saïd, l’autre attraction majeure de la région de Tunis que nous voulons absolument découvrir aujourd’hui avant notre départ. De grands boulevards rapides nous y mènent assez directement et facilement, quoique les habitudes de conduite des chauffeurs du dimanche tunisiens soient en tout point dignes de celles des Italiens du Sud et donnent parfois des frissons dans le dos ou des aigreurs d’estomac : ils roulent à cheval entre deux files, doublent à droite sur la voie d’urgence, tournent brusquement sans signaler, etc.

Au pied de la colline où s’étale le village tout blanc aux grilles, portes et volets bleus, un grand parc accueille les voitures des nombreux visiteurs, libérant pour les piétons les rues et ruelles pentues. Sidi Bou Saïd :
              la mosquée et le centre du village depuis l'entrée du
              Palais Ennajma Ezzahra
Sidi Bou Saïd : la mosquée et le centre du village depuis l'entrée du Palais Ennajma Ezzahra

Sidi Bou Saïd :
              fenêtre traditionnelle
Sidi Bou Saïd : fenêtre traditionnelle
Si la rue principale du village est envahie par la foule des promeneurs du dimanche et a été presque transformée en souk par les marchands de souvenirs, les ruelles adjacentes souvent coupées de larges marches ont conservé leur charme : portes cloutées encadrées de pierre sculptée, grilles de fer forgé et fenêtres uniformément peintes en bleu vif (le fameux « bleu Sidi Bou Saïd »), murs lisses crépis blanc, toutes caractéristiques qui avaient suscité le classement et la protection de l’architecture et du site dès 1912.

Sidi Bou
                Saïd : le centre du village autour de sa mosquée
Sidi Bou Saïd : le centre du village autour de sa mosquée
Sidi Bou
                Saïd : une rue écrasée de soleil, avec ses façades
                blanches aux ouvertures bleues
Sidi Bou Saïd : une rue écrasée de soleil,
avec ses façades blanches aux ouvertures bleues


Sidi Bou Saïd : terrasse d'un café donnant sur la
                baie de Tunis
Sidi Bou Saïd : terrasse d'un café donnant sur la baie de Tunis
Sidi Bou
                Saïd : rues en escalier
Sidi Bou Saïd : rues en escalier

Nous passons ensuite une bonne heure à visiter le palais Ennajma Ezzahra que s’est fait construire sur la colline au-dessus de la mer et au début du siècle un des admirateurs du fameux village, le baron Rodolphe d’Erlanger.
Sidi Bou Saïd : le palais Ennajma Ezzahra vu du
                haut de la colline
Sidi Bou Saïd : le palais Ennajma Ezzahra vu du haut de la colline

La grande demeure de style andalou est idéalement située à mi-pente au-dessus de la baie de Tunis, entourée d’un jardin méditerranéen malheureusement un peu à l’abandon qui descend jusqu’au rivage.

Ci desous quelques photos tirées du livre d'Ali LOUATI « Le baron d'Erlanger et son Palais Ennajma Ezzahra à Sidi Bou Saïd » (Éditions Simpact, Tunis, février 1995), puisque les photos sont interdites à l'intérieur... Les légendes accompagnant les photos sont celles du livre.

Façade et terrasse du palais Ennajma Ezzahra
Façade du Palais Ennajma Ezzahra à Sidi Bou Saïd

Portique en
      avant-corps d'Ennejma Ezzahra, avec vue de la terrasse donnant sur
      la mer
Portique en avant-corps d'Ennejma Ezzahra, avec vue de la terrasse donnant sur la mer

Bougainvilier sur le Jardin Person
Détail des fenêtres et balcons donnant sur le Jardin Persan
Le Jardin persan.
Le Jardin persan. De gracieuses proportions, le Jardin persan est planté d'arbres bas et de fleurs. Il produit avec son kiosque lambrissé de faïences et l'élégante ordonnance de la façade du palais qui le domine une délicate atmosphère de miniature.

Toutes ses pièces en revanche ont été impeccablement restaurées pour offrir l’atmosphère de luxe, calme et volupté qu’avait voulu lui donner son propriétaire. Si les meubles restent très simples, les matériaux, points de vue et détails architecturaux sont de premier plan : grande perspective du salon et de la salle à manger aux plafonds de stuc ou de bois doré, panneaux et colonnes de marbres gris ou veinés jaune et rouge, fontaines, vitraux arabes, hammam tout de marbre gris, etc.

Grande porte centrale du palais
Grande porte centrale du palais précédée d'un portique en avant-corps ouvert sur une large terrasse.
Galerie centrale du Salon d'Honneur
Galerie centrale du Salon d'Honneur avec vue d'une rangée d'arcs cintrés sur colonnes géminées. La finesse du décor de plâtre ciselé et la richesse des marbres (dallage, colonnes et parements muraux) trahissent un goût marqué pour l'apparat et une imprégnation par les conceptions spatiales des palais beylicaux.

Porte d'accès au patio péristyle
Porte d'accès au patio péristyle, ouverte dans l'axe de la nef centrale du Salon d'Honneur. Cette élégante porte surmontée d'un riche décor de moqarnas fait transition entre l'harmonie brun, rouge de la Galerie Centrale, et la symphonie en blanc du patio péristyle
Arc polylobé de la Galerie centrale doublé d'une
                garniture en moqarnas

Arc polylobé de la Galerie centrale doublé d'une garniture en moqarnas. L'arc qui repose sur de fines colonnettes géminées rappelant la délicatesse de l'art grenadin, encadre en perspective une fontaine murale en marbre vert et noir, réminiscence de l'art cordouan.

chambre qbu, dite Salon de musique
Majless traditionnel aménagé dans l’alcôve centrale de la chambre qbu, dite Salon de
musique, où le Baron d'Erlanger tenait ses séances musicales. Le fond de l’alcôve est occupé
par une fenêtre surmontée d'un imposte en stuc ajouré sur fond de verres polychromes.


Vue
      d'ensemble de la Bibliothèque,
Vue d'ensemble de la Bibliothèque, avec son salon central et son beau plafond à décor peint
et à solives apparentes. cet espace est éclairé par de hautes fenêtres et une grande porte
vitrée donnant sur le Jardin persan.

La Bibliothèque. Armoire à manuscrits
La Bibliothèque. Armoire à manuscrits, en bois doré et panneaux ajourés, à motifs losangés et rosaces avec des frises épigraphiques sculptées.
La Bibliothèque, avec vue du salon
La Bibliothèque, avec vue du salon et de la haute niche centrale
décorée de panneaux de bois ouvragé, renfermant les rayonnages des livres


En soirée, vue du oust-dar, patio péristyle
En soirée, vue du oust-dar, patio péristyle avec sa galerie d'arcs cintrés à claveaux bichromes. Il  encadre sur quatre côtés une cour pavée de marbre blanc et noir à décor géométrique.
Patio péristyle avec galerie supérieure superposée
Patio péristyle avec galerie supérieure superposée. Le riche parement en marqueterie de marbre bichrome est inspiré du pavage d'anciennes maisons traditionnelles tunisiennes.

Galerie Supérieure
Vue de la Galerie Supérieure avec la double arcade et la balustrade en bois tourné. Au fond on voit le cloisonnage en bois doré du patio couvert
Un des
                plafonds de la Galerie Supérieure à solives apparentes
                et à décor peint.
Un des plafonds de la Galerie Supérieure à solives apparentes et à décor peint.

Plafonds et arcades de la Galerie Supérieure
Plafonds et arcades de la Galerie Supérieure

Vue du salon de la Petite Chambre Dorée, surmonté par un
        beau tapis ghiordès turc
Vue du salon de la Petite Chambre Dorée, surmonté par un beau tapis ghiordès turc

Lit en bois ajouré et peint de la Petite Chambre Dorée
Lit en bois ajouré et peint de la Petite Chambre Dorée

ue
                d'un coin de la Grande Chambre Dorée
Vue d'un coin de la Grande Chambre Dorée montrant l'alcove du lit et la niche arquée
 aménagée en balcon donnant sur le Jardin Persan

Vue partielle du salon de la Grande chambre Dorée
Vue partielle du salon de la Grande chambre Dorée, et du portique à arcature sur fine colonnette de marbre rouge en style ottoman

Coin du salon de la Grande Chambre Dorée
Coin du salon de la Grande Chambre Dorée

Frise d'arceaux en moqarnas encadrant le plafond du
              salon de la Grande Chambre Dorée
Frise d'arceaux en moqarnas encadrant le plafond du salon de la Grande Chambre Dorée

Quelques tableaux d’Erlanger décorent les murs, agréables, et sa collection d’instruments de musique - complétée depuis le rachat de la maison par l'État tunisien - montre quel artiste et musicologue raffiné fut le Baron. Cette maison attachante dégage un charme profond et l’on sort enrichi de cette visite de grande classe comme de celle du Bardo ce matin. Deux grandes excursions qui nous auront mis en contact avec les deux civilisations majeures qui façonnèrent la Tunisie : Rome et l’Islam.

Le Jardin Persan
Le Jardin persan. De gracieuses proportions, le Jardin persan est planté d'arbres bas et de fleurs. Il produit, avec son kiosque lambrissé de faïences et l'élégante ordonance de la façade du palais qui le domine, une délicate atmosphère de miniature.
Jrdin
Fenêtre et grille à l'extrémité nord du bâtiment

Une autre belle
              maison avec sa porte typique de Sidi Bou Saïd
Une autre belle maison avec sa porte typique de Sidi Bou Saïd
Lorsque le soleil descend, nous quittons le lumineux et coloré Sidi Bou Saïd encore très animé pour chercher un bivouac au bord de la mer. Nous le trouvons à peu de distance au nord, dans un quartier de grandes et riches villas occupées surtout par des Européens le long de la plage de Gammarth. Installation pour la nuit les roues avant dans le sable, tout au bout d’une impasse donnant sur la Méditerranée.

Vue, au
        crépuscule, du Jbel Boukornine (Hammam Lif) faisant face au
        promontoire de Sidi Bou Saïd
Vue, au crépuscule, du Jbel Boukornine (Hammam Lif) faisant face au promontoire de Sidi Bou Saïd


Lundi 17 mars 1997 : de GAMMARTH à LA GOULETTE (60 km)

Nuit fort calme. Au matin, nous nous levons après avoir entendu les propriétaires des grandes villas autour de nous partir au boulot à Tunis ou dans les ambassades qui sont presque toutes situées dans le coin. Un autre petit ménage continue à débarrasser l’Aigle d’une autre partie du sable et de la poussière qu’il a accumulé au cours des dernières semaines dans le sud, puis nous suivons la route le long de la côte vers le nord pour aller voir le panorama du Cap Gammarth... Nous sommes incapables de le découvrir comme tel, mais la balade à travers la forêt d’eucalyptus et de mimosas offre suffisamment de beaux points de vue sur le Golfe de Tunis magnifique sous le grand soleil pour nous combler.
Vu le temps limité qui nous reste à passer sur le sol tunisien, nous renonçons à gagner Bizerte dont le Guide Vert ne vante guère les mérites... bien que sur les photos de la pub touristique celà ne semble pas si mal !
Bizerte : entrée du port de pêche
Bizerte : entrée du port de pêche

Carthage
              : les Thermes d'Antonin
Carthage : les Thermes d'Antonin
Nous revenons donc vers le sud et vers la capitale jusqu’à traverser Carthage. Je tiens à aller voir les quelques ruines de la fameuse cité, mais elles nous déçoivent beaucoup : le Parc des Villas n’est qu’un grand terrain vague où, dans un semis de fleurs jaunes printanières, on trouve très difficilement quelques ruines éparses, à l’exception d’une villa en partie reconstituée. Le théâtre beaucoup trop - et mal - restauré à coup de béton a des allures de stade de banlieue parisienne, et les thermes d’Antonin, colossales, ne sont qu’un amoncellement de voûtes effondrées, de piliers de maçonnerie tronqués et de colonnes brisées. Pour le reste, c’est un vaste jardin un peu touffu plein de gardes armés, car le site jouxte la résidence du Président Ben Ali (qui a évincé le sénile Bourguiba).

Déçus de ce que Carthage ait été si bien détruite qu’il n’en reste quasiment plus rien d’intéressant, nous faisons quand même le tour des anciens ports puniques, deux bassins l’un rond et l’autre rectangulaire, qui ne sont plus que d’anonymes plans d’eau entourés de villas cossues, et gagnons le centre ville de Tunis pour faire un dernier tour en médina. Site de
              l'ancien port punique de Carthage
Site de l'ancien port punique de Carthage dont on devine encore les deux bassins...

Minaret et salle de prière de la Grande Mosquée
              Zitouna à Tunis
Minaret et salle de prière de la Grande Mosquée Zitouna à Tunis
Là aussi les remparts de la vieille ville ont disparu et la place de la Victoire, devant la vieille « Porte de France », n’est plus qu’un stationnement en forme de casse-tête. Assailli par des « gardiens » qui veulent me caser n’importe où, évitant mille accrochages dans le tohu-bohu, je poursuis le tour de la ville et finis par trouver une petite place sur la rue où devait se trouver le rempart disparu. Nous avalons un pique-nique dans le vacarme de la circulation avant d’enfiler une minuscule « Rue de l’école » pour rattraper le circuit proposé par le Syndicat d’initiative. Spectacle coutumier des ruelles étroites et souvent pas très nettes, des maisons décrépies séparées par des contreforts faisant voûtes, des passages en tunnel clos par des arcs outrepassés...

Portes cloutées peintes en bleu - comme à Sidi Bou Saïd - étroites fenêtres grillagées, sinuosités du chemin qui coupe et renouvelle sans cesse les perspectives. Quelques monuments jalonnent notre itinéraire : Tourbet El Bey fermé en ce lundi, tout comme la Grande mosquée Ez-Zitouna. En revanche les gardiens, attendant un petit bakchich, nous font pénétrer dans Dar Ben Abdallah dont nous pouvons admirer la belle cour traditionnelle, puis dans l’une des trois medersas (écoles coraniques) accolées dont notre hôte nous offre une visite très complète (salle de prière, cour, cuisine, toit terrasse). En passant nous dépensons nos derniers dinars et millimes dans les petites boutiques d’alimentation - pain, légumes... - semées un peu partout. Intérieur de la Salle de prière de la Grande
                Mosquée Zitouna
Intérieur de la Salle de prière de la Grande Mosquée Zitouna. Celle-ci a été construite entre 856 et 863 par le prince aghlabide Ibrahim Ibn Ahmed. Ses 184 colonnes proviennent des ruines de la Carthage romaine alors abandonnée.

Minaret et
                      salle de prière de la Grande Mosquée Zitouna à
                      Tunis
Rue Jamma Zitouna, ancien Souk du cuivre
A partir de la mosquée, nous empruntons la grande rue Jamaa Zitouna, autrefois souk du cuivre devenue maintenant souk du touriste. Monique y cherche en vain un deuxième pouf qui ferait son bonheur, puis un bracelet en argent pour Juliette. Prix moyen, mais qualité idem...

L'artère sinueuse nous mène face à la Porte de France, d’où nous reprenons la direction de notre Aigle en bifurquant sur une longue rue bordée de petits magasins de grainetiers, autant de cellules odorantes remplies d’épices, de longues guirlandes de piments rouges séchés, etc. Marchand de douceur
Marchand de douceur

Souk de Tunis
Souk de Tunis
Souk de
                Tunis


Dans
        les souks de Tunis, en attendant le touriste...
Dans les souks de Tunis, en attendant le touriste...

Encore quelques ruelles grouillantes de vie, de jeux d’enfants et de chats fouillant dans les ordures et nous reprenons notre véhicule. Après un tour complet et obligatoire de la vieille ville par le boulevard circulaire étroit et très encombré, nous trouvons la longue digue menant à La Goulette, le port de Tunis.

Monique y fait valider nos billets de retour et prend nos réservations, nous soupons sur le grand stationnement où les 4 x 4 des touristes et les guimbardes des Tunisiens se rassemblent progressivement. Puis commencent trois longues heures de file d’attente et de formalités (4 contrôles de passeport, annulation du permis temporaire d’importation du véhicule, contrôle de la carte grise, écriture de fiches de visiteur annulant celles de l’arrivée, etc.). Enfin nous embarquons avec deux heures et demie de retard (départ à 22:15 au lieu des 20:00 prévues). Il fait nuit depuis longtemps, la baie a disparu dans l’obscurité et la fraîcheur nous fait rapidement abandonner le pont. Faute de couchettes, nous nous rabattons sur le grand salon à fauteuils inclinables où, dans la moiteur, la chaleur - et l’odeur ! - humaines et les ronflements des dormeurs qui m'entourent, j’achève d’écrire ces pages avant de chercher moi aussi un peu de repos.



Adieu la Tunisie...

13. Sicile et retour en Italie

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