11. La TUNISIE, de GABÈS au BARDO (Tunis)
Lundi 10 mars 1997 : de GABÈS à SFAX (185 km)
Dans la
palmeraie de Sfax
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Si les jardins semblent assez intensivement cultivés, l’environnement est très mal entretenu (déchets non enlevés, ordures ménagères répandues, canaux de drainage transformés en égouts pestilentiels...) ce qui enlève beaucoup de son charme à un paysage par ailleurs agréable. Les enclos verdoyants se succèdent dans un dédale de petits canaux, de murets de terre et de haies en branches séchées, sous l’ombre claire des hauts palmiers. La petite route serpente entre les lopins, des chemins de terre mènent aux champs et aux petites maisons basses des cultivateurs : les menzels. |
Abordés par un vendeur de peaux de mouton sympathique, nous marchandons un peu (jusqu’à 18 Dinars) et je finis par me laisser convaincre d’en faire une housse confortable pour mon siège déchiré. Puis nous échangeons une bonne heure avec lui, abordant sa perception des Européens et des autres étrangers, ses attentes d’amitié un peu irréalistes, sa vie familiale et ses sentiments de Tunisien... La conversation se termine autour d’un café turc sur la terrasse d’un petit bistrot au cœur de l’oasis. | Thé avec le marchand de peaux de mouton |
Nous achevons d’en faire le tour en atteignant le hameau de Chenini, puis prenons la longue et excellente route vers Sfax. Dans une campagne assez désertique nous longeons la mer d’assez loin puisque nous ne l’apercevons plus que par moment, au-delà des pentes sableuses plantées de quelques palmiers. A partir de Mahrès où nous pique-niquons devant quelques barques de pêcheurs sur la plage, la route file entre de longues rangées d’oliviers qui ont donné à la grande ville sa réputation de capitale de l’huile d’olive tunisienne.
De longs faubourgs peu reluisants - Sfax est aussi devenu un important centre industriel - mènent à la Place de l’Indépendance, assez chic, qui nous fait un peu penser à Casablanca. A l’Office du tourisme on nous donne un plan de la ville et un itinéraire pour visiter la médina. Ses monuments sont fermés le lundi, tout comme le Musée des Arts et Traditions Populaires (Dar Jallouli). Nous emploierons donc la fin de l’après-midi à chercher, puis à nous rendre chez le concessionnaire Volkswagen du lieu pour faire ajuster le levier de vitesse toujours défaillant depuis notre arrivée il y a deux semaines. Le « garage » se donne grande allure, mais il semble bien ne compter qu’un seul mécano vraiment compétent. Heureusement pour nous, celui-ci se libère rapidement. Au bout d’une heure, après d’agréables contacts avec d’autres membres du personnel qui veulent aussi leur part d’attention et qui n’ont jamais vu de véhicule semblable au nôtre, nous repartons, le levier de vitesse enfin ajusté convenablement. Il est trop tard pour commencer à visiter la ville, mais grand temps de se préoccuper du bivouac de ce soir. Un tour du côté des grands hôtels en plein centre ne fait rien découvrir d’emballant : trop de bruit, de circulation... et de minarets alentour !
Mardi 11 mars 1997 : de SFAX à MAHDIA (128 km)
Remparts de Sfax |
Si la nuit s’avère fort calme sur le stationnement de l’aéroport, le sommeil est un peu plus difficile, peut-être à cause de certaines lourdeurs digestives... Nous nous levons donc un peu tard pour regagner le centre de Sfax, destination la médina ceinte de ses remparts. Nous trouvons une place juste devant Bab Djiebli, laissons là notre Aigle au milieu d’un chantier de voirie (à l’image de la moitié de la Tunisie...) et passons la muraille. |
Place devant Bab Diwan |
Bab Diwan |
Aussitôt c’est la plongée dans la foule, au milieu des petits marchands de tout et n’importe quoi. Nous réussissons à grimper sur le chemin de ronde du rempart qui offre une vue plongeante sur l’une des rues les plus animées où les marchands de légumes et de graines annoncent leurs produits à grands coups de gueule. Tour du fondouk El Haddadine, devenu pittoresque souk des ferronniers, dans le bruit des enclumes et la fumée des brasero. Après les légumes, ce sont les vêtements, couvertures et autres textiles qui remplissent la ruelle en approchant de la Grande Mosquée. Monique est séduite par des jolis costumes de fête portés par les garçonnets lors de leur circoncision (broderies, petit fez rouge orné de paillettes dorées...) mais renonce à l’achat vu le coût un peu élevé (35 $). | Étalage de dinanderie pour touristes |
Cour patio de Dar Jallouli à Sfax |
Nous faisons le tour du beau mur de grosses pierres de taille de la mosquée dont l’entrée demeure inaccessible aux infidèles et rejoignons, au hasard du dédale des ruelles, Dar Jallouli, une maison patricienne restaurée et transformée en Musée des Arts et Traditions Populaires. Une élégante colonnade entoure sa cour centrale toute garnie de céramiques. Si les pièces ont conservé une partie de leur décor (alcôves de bois sculpté des chambres, ustensiles de cuisine, etc.) elles servent surtout de vitrine pour une intéressante série de costumes datant de 50 à 100 ans. La luxueuse résidence est environnée de minuscules échoppes de tailleurs et de cordonniers d’où s’échappe une forte odeur de colle. |
Patio de Dar Jallouli
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Dar Jallouli : décor de céramique |
La grande porte de Bab Diwan est en restauration; elle constitue un fond intéressant pour les gros plans sur les pittoresques personnages que j’y filme à la vidéo. Nous continuons jusqu’à l’angle sud-ouest où l’ancienne casbah a été complétement restaurée et transformée en Musée d’Architecture tunisienne très bien présenté. J’y découvre, entre autres techniques millénaires, comment les anciens murs étaient construits de pierres liées par de l’argile friable mais renforcés par des grosses branches (comme le font maintenant les fers dans le béton) et rendus étanches par l’application d’une couche de chaux. Plans et maquettes de maisons, de fermes et d’édifices religieux complètent ce panorama. | Sfax : la porte Bab Diwan et la médina |
Monique en habit de fête... le temps d'un essayage |
Nous coupons ensuite à travers la vieille ville pour revenir à notre point de départ, rencontrant en passant quelques jeunes couturières dans leur atelier. Nous échangeons un bon moment avec elles. Elles insistent pour faire essayer par Monique un superbe ensemble de fête pour que je la photographie ainsi ; puis petits gâteaux maison et thé agrémentent leur chaleureux accueil tout à fait impromptu. |
Les dimensions du fameux amphithéâtre d’El Djem, visité entre deux averses, témoignent de l’opulence atteinte par la ville au 1er siècle ap. J.C., tout comme l’exubérance des multiples sols de mosaïques exposés dans le petit musée. Ces gens là voyaient grand et avaient les moyens. Où a bien pu passer cette richesse, puisque les olives sont toujours là ? | El Djem : l'amphithéâtre romain |
Couloir de l'amphithéatre d'El Djem |
Amphithéâtre d'El Djem vu du ciel |
Mosaïque du Musée archéologique d'El Djem : Bachus sur sa lionne |
Mosaïque du Musée archéologique d'El Djem : Silène entouré de Bacchantes |
Mosaïque du Musée archéologique d'El Djem : décor de plumes de paon |
Le petit port de Mahdia |
Le ciel continue d’être très gris et les gouttes fouettent le pare-brise à plusieurs reprises lorsque nous parcourons ensuite la campagne toujours couverte d’oliviers (42 km) jusqu’à atteindre la mer à Ksour Essaf, bourg rural plein de maisons en construction, assez désordre et sale comme d’habitude. Le littoral disparaît dans la nuit à Mahdia où nous allons jusqu’au Cap Afrique, une pointe semble-t-il assez pittoresque, dont le phare est entouré d’un cimetière marin. Bivouac au bord de la route côtière, tout près du Cap. |
Mercredi 12 mars 1997 : de MAHDIA à SKANÈS (122 km)
Port et ribat de Monastir |
Nous sommes bientôt à Monastir, propre, neuf mais bien peu pittoresque à notre goût. Nous allons déjeuner devant le port de yachts sous la masse imposante du ribat, une forteresse autrefois tenue par des moines soldats qui a été impeccablement restaurée. |
Nous hésitons un peu à visiter la médina close dans ses murs entièrement remontés, car tout cela nous semble trop neuf et bourré de boutiques destinées aux touristes d’ailleurs très nombreux autour de nous. Nous nous contentons plutôt de la visite et du tour des murailles du ribat, montons en haut du nador (tour de guet) d’où la vue s’étend largement sur la côte et sur la ville. | Le ribat de Monastir vu du ciel |
Monastir : la mosquée mausolée de Bourghiba |
Dans le Musée du Ribat, une astrolabe arabe fabriquée à Cordoba en 927 |
Grande mosquée (ancienne) de Monastir
En quittant Monastir, nous repérons un Monoprix où nous allons remplir notre cambuse des denrées de première nécessité dont nous arrivons au bout : bière, vin, yogourts... Puis nous prenons la route de Sousse. Suivant une petite corniche le long de la mer, elle passe bientôt devant la résidence d’été de l’ex-président Bourguiba puis suit un long cortège d’installations hôtelières où l’on « ghettoïse » les milliers de touristes qui viennent chercher ici leur ration de plage et de soleil garanti.
La medina de Sousse et la Grande Mosquée depus le nador du ribat |
La journée commence tranquillement aujourd’hui puisque, après un lever tardif (8:45...), nous traînons un moment sur la plage de Skanès, juste devant notre stationnement. Vers 10:30, départ pour Sousse où nous allons directement stationner sous les remparts de la vieille ville. Il fait un temps superbe et le vent qui souffle encore est moins dérangeant dans cet environnement urbain coupé de murs. |
Nous commençons par entrer dans la cour de la Grande Mosquée : pavée de marbre blanc, entourée d’un péristyle très simple aux arcs outrepassés, ses lignes harmonieuses inspirent l’élévation de l’âme comme une abbatiale romane. On ne peut cependant pénétrer dans la grande salle de prière dont les alignements de voûtes et de colonnes disparaissent dans l’ombre. | Grande mosquée de Sousse depuis le Nador du Ribat |
Le ribat de Sousse |
A peu de distance, le ribat élève ses hautes murailles et son nador bien au-dessus de la place. Nous franchissons sa belle porte fortifiée d’une herse et encadrée de quatre colonnes de réemploi romaines. A l’intérieur se retrouvent le sévère ordonnancement et la stricte élégance des galeries voûtées bordées d’arches. Tout autour de la cour se succèdent les petites pièces voûtées où vivaient les moines soldats, tandis qu’à l’étage est installée la salle de prière (VIIIème siècle), l’une des toutes premières d’Afrique du Nord. Nous grimpons encore une fois au sommet du nador d’où la vue porte sur toute la médina, ses murs blancs, ses cours et ses minarets, sur les hauts murs de la casbah au loin dans le sud, en continuité avec les remparts qui ceignent la ville, et sur le port et la mer au nord-est. |
Nous montons ensuite à la casbah pour pique-niquer et visiter, dès l’ouverture à 14:00, le petit musée présentant une fort belle collection de mosaïques à thème essentiellement marin. |
Dans la casbah, Jean-Paul dans la cour
du Musée
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Mosaïque du Musée de la Casbah : décor animalier |
Mosaïque du Musée de Sous : corbeille de poissons méditerranéens |
Nous sommes une fois encore conquis par la variété, la qualité décorative et la fraîcheur des dessins, d’autant plus que les grands panneaux colorés sont disposés dans de hautes salles toutes blanches à éclairage zénithal entourant un charmant patio à arcades rempli de fleurs. |
Mosaïque du
Musée de la casbah de Sous :
Cortège de Bacchus couronné sur son char tiré par 4 lionnes, entouré de bacchantes et de satyres. |
Mosaïque du
Musée de Sous : Gladiateurs dans l'arène
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Ambiance nature qui se poursuit par le petit jardin où l’on a disposé une collection lapidaire, au pied des hauts murs et de la tour de la casbah. Cette visite très agréable nous laissera un excellent souvenir de Sousse. |
En sortant de ce dernier ghetto à touristes, nous retrouvons la « vraie » Tunisie. Le grand boulevard à quatre voies et deux chaussées séparées redevient voie unique au goudron inégal grugé sur les bords, les trottoirs dallés cèdent la place à une berme poussiéreuse et défoncée, l’éclairage urbain disparaît et les gourbis à demi terminés aux murs de brique creuse plus ou moins crépis, hérissés de fers à construction destinés à un - futur ? - deuxième étage, remplacent les grands palaces tout blancs au fond de leur immense jardin muré. On ne parle pas de la crasse, du désordre des fils électriques, des ordures ménagères, etc. qui complètent et pimentent le tableau. Contraste saisissant ! Il reste que ce pays-là est autrement plus authentique et ses habitants infiniment plus sympathiques que les touristes bavards ou béats que nous croisons avec de plus en plus d’appréhension, vu les propos insignifiants ou débiles que plusieurs nous ont infligé depuis notre retour vers le nord.
Vendredi 14 mars 1997 : d’EL FAHS à BULLA REGIA (163 km)
Ulysse et les Sirènes (mosaïque découverte à Dougga) |
Le site de l’antique Thugga (Dougga) est superbe. Il occupe le haut d’une colline dominant la plaine couverte de cultures et de rangées d’oliviers. Quelques constructions émergent du champ de pierres répandues sur la pente. Munis de notre vieux Guide Bleu, nous suivons les voies pavées, tortueuses pour une fois, qui nous mènent d’un monument à l’autre. |
Nous nous hasardons ainsi dans les souterrains des thermes d’Aïn Doura où Monique fouille un moment dans un tas de tessons et de débris, à la recherche d’un hypothétique trésor, puis nous parcourons les restes de quelques maisons (Triforium des Saisons), errons dans les Thermes des Cyclopes surtout remarquables par des latrines fort bien conservées, atteignons l’Arc de Septime Sévère, très ruiné mais ouvrant sur le superbe paysage. | Jean-Paul dans les latrines de Dougga |
Théâtre de Dougga |
Nous remontons ensuite vers le théâtre bien restauré qui a gardé plusieurs colonnes de son mur de scène. |
Puis nous regagnons le Capitole dans un état exceptionnel. Dédié à la triade Jupiter, Junon et Minerve, le portique du temple montre encore ses six colonnes cannelées à chapiteaux corinthiens. Dans la pierre dorée de la cella se voient toujours les trois niches où se trouvaient les statues des divinités. A côté, un petit forum dont toutes les colonnes sont à terre... | Le Capitole de Dougga et le forum |
Monique devant la cella du temple du Capitole de Dougga |
Plus loin les Thermes Liciniens ont gardé salles à péristyles et mosaïques. Nous gagnons ensuite, suivant toujours la voie qui serpente à flanc de colline, l’Arc de Sévère Alexandre en bien meilleur état que l’autre puis, au-delà, un premier groupe d’énormes citernes à demi effondrées. Dernier monument entouré d’oliviers, les colonnes restaurées du temple de Caelestis se dressent au milieu d’une cour en hémicycle que ferme un mur rectiligne bordé d’un portique. Il ne nous reste plus qu’à redescendre tranquillement vers le stationnement à travers l’olivaie jonchée de pierrailles et de restes sculptés de monuments funéraires. Empruntant alors la piste qui traverse le site, notre Aigle nous hisse sur l’esplanade au pied du théâtre pour déjeuner devant le panorama ***. Il est passé 14:30 lorsque nous reprenons la route pour gagner l’autre site antique de Bulla Regia. |
Samedi 15 mars 1997 : de BULLA REGIA au BARDO (Tunis) (242
km)
Nous sommes devant l’entrée du site dès son ouverture à 8:30, après une autre nuit paisible. Le vent est encore très froid, aussi enfilons-nous un chandail avant de nous avancer dans l’immense champ où ressortent quelques ruines éparses au pied des premières pentes de la montagne. C’est qu’ici, le plus intéressant se trouve sous terre, comme nous le fait découvrir un « guide » qui se propose après quelques centaines de mètres. En effet, vu la température torride qui régnait ici en été, les riches propriétaires avaient doublé leurs appartements d’hiver en rez-de-chaussée - maintenant presque entièrement disparus - de pièces aux plans, fonctions et même parfois décors identiques en sous-sol. | Bulla Regia : bergère au dessus de l'une des maisons souterraines |
Monique dans l'atrium d'une maison souterraine de Bulla Regia |
Avec l’aide de notre guide qui nous indique les escaliers d’accès de ces villas souterraines et qui asperge consciencieusement les superbes mosaïques qu’elles ont conservé, nous découvrons ainsi la Maison de la Chasse, la Maison de la Pêche, la Maison d’Amphitrite... Les maisons, reliées par de beaux segments de rues antiques pavées, sont assez espacées et nous devons presser un peu notre guide, pris entre le plaisir de ces étonnants spectacles et la conscience du temps qui s’écoule rapidement jusqu’au départ de notre bateau lundi soir. |
La route que nous reprenons aussitôt se poursuit durant quelques kilomètres entre le Jbel Rebia et la plaine, avant de grimper rapidement vers Fernana puis Aït Draham, à deux pas de l’Algérie. Le paysage change du tout au tout puisque avec l’altitude, la forêt de chênes lièges fait son apparition, bientôt si dense qu’elle en cache presque totalement le paysage très vallonné. L’air pur et froid (8°) embaume aussi l’eucalyptus, les maisons dispersées portent des petits toits à doubles pentes de tuiles rouges, l’ensemble donne un caractère presque alpestre aux panoramas qui émergent parfois de la forêt, au détour d’un virage. Dommage qu’un soleil capricieux vienne trop rarement aviver les couleurs et éclairer les lointains perdus dans une grisaille bleutée. | Forêt de chênes liège près de Tabarka |
Tabarka : vue générale |
On atteint enfin la vallée, la mer apparaît, c’est l’arrivée à Tabarka. Peu à dire de la petite ville qui se cherche une vocation touristique. Nous nous contentons d’aller contempler les Aiguilles, groupes de rochers monolithes sculptés par la mer, finallement assez anodins, ... |
... puis de grimper jusqu'à la masse imposante - en restauration - du fort génois juché sur sa presqu'île. Depuis sa porte se dégage une belle vue sur la baie, la ville, les côtes est et ouest ourlées par les vagues écumant sur les rochers. De retour près de la plage, nous avons la surprise de retrouver, perdue au milieu des hôtels modernes en construction, la silhouette familière d’une autre petite gare type SNCF... Nous prenons alors la route de Tunis qui, étroite et sinueuse, passe loin de la mer dans une région boisée où la culture assez pauvre laisse une place plus importante à l’élevage : vaches et moutons errent dans le bled, gardés par des bergers indolents. |
Tabarka et son fort génois |
Nids de cigognes sur une ancienne gare à Seljem |
Dans le village de Seljem, des cigognes tout occupées à bâtir leur nid sur le faîte des toits ou des cheminées se laissent observer sans crainte. |
Nous roulons ensuite sans nous arrêter jusqu’à Mateur, admirant au passage plusieurs petites gares blanches et bleues conforme au modèle SNCF d’avant guerre, qui demeurent le long de l’ancienne voie ferrée apparemment désaffectée. Lorsque nous traversons enfin le débouché de la plaine de la Mejerda, de vastes exploitations agricoles entourent quelques opulentes demeures de colons (bosquets d’arbre sur la colline, longue allée, architecture « arabisante ») abandonnées, tandis que le long de la route s’entassent de misérables et sales gourbis. |
Ancienne gare
entre Seljem et Mateur
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Plus d’une vingtaine de kilomètres avant la capitale, des faubourgs clairsemés mal bâtis entremêlés d’établissements industriels plus ou moins prospères annoncent l’approche de Tunis. Nous tombons directement sur le quartier - et le Musée - du Bardo où nous nous installons pour passer la nuit, à deux pas du grand portail, devant une maison bourgeoise sur une rue transversale fort tranquille.
12. La
TUNISIE : du BARDO à LA GOULETTE
Dimanche 16 mars 1997 : du BARDO (Tunis) à GAMMARTH (LA MARSA) (47 km)
Bien qu'entre deux voies à grande circulation et en pleine zone urbaine, nous jouissons d’une nuit fort silencieuse. A 9:15 nous passons la grille du parc du Bardo mais c’est pour apprendre que la visite impromptue du Premier Ministre d’Autriche retardera au moins d’une heure l’ouverture du Musée... Nous prenons notre mal en patience (d’autant plus qu’il fait très beau même si le petit vent est assez frais) et discutons avec les gardiens qui nous font enfin entrer au bout d’une demi-heure par la porte d’en arrière.Musée Archéologique du Bardo : le char de Neptune |
Le palais de l’ancien Bey est vaste ; dans ses nombreuses salles assez bien décorées, on expose surtout de très nombreuses mosaïques romaines. Nous les parcourons les unes après les autres, émerveillés par la fraîcheur, le bon état - en général - et la vivacité des scènes reproduites sur les grands panneaux accrochés aux murs tels des tapis un peu naïfs aux teintes délicates. Fond blanc ou crème, bordure décorative à décor floral ou géométrique plus ou moins large, disposition centrée du sujet ou au contraire dispersion savamment orchestrée sur toute la surface, parfois cloisonnement dans des volutes végétales ou des carrés à frange géométrique, la manière est assez variée tout comme les thématiques. |
Cependant les tableaux sont si nombreux que quelques thèmes majeurs finissent par ressortir : scènes de pêche, de chasse, travaux des champs ou saisonniers, scènes mythologiques, banquets, etc. Certaines salles du palais ont conservé leur décor oriental XIXème très riche, à la turque, et ont reçu en plus des vitrines exposant de petits objets trouvés au cours des fouilles (statuettes, céramiques, lampes à huile, etc.) ou des statues en calcaire, en terre cuite et surtout en marbre représentant divinités et empereurs. Nous flânons longuement devant les mosaïques, ces extraordinaires vestiges de la vie romaine, pour une fois en couleur, nous attardant à tel thème nouveau ou jamais vu, scrutant les détails croustillants ou les dessins particulièrement bien venus. |
Musée
Archéologique du Bardo : pêcheurs
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Musée Archéologique du Bardo : la salle de Virgile |
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Musée Archéologique du Bardo : Agon ailé en bronze (époque hellenistique) découvert au large de Mahdia par 38 m de fond. |
En comptant un dernier tour dans la
section arabe qui reproduit l’intérieur d’une maison
bourgeoise avec sa cour pavée de marbre, ses arcades et ses
panneaux de céramique ou de zéliges, ses meubles et une
panoplie des vêtements de ses occupants, nous aurons passé
presque quatre heures d’émerveillement dans les murs du
Bardo. Seul regret, la foule des visiteurs du dimanche dont l’ardeur juvénile serait parfois plus à sa place entre les murs d’un stade que dans ceux d’un musée (groupes d’enfant d’école jouant à courir dans les escaliers ou à se photographier devant les statues)... |
Au pied de la colline où s’étale le village tout blanc aux grilles, portes et volets bleus, un grand parc accueille les voitures des nombreux visiteurs, libérant pour les piétons les rues et ruelles pentues. |
Sidi Bou Saïd :
la mosquée et le centre du village depuis l'entrée du
Palais Ennajma Ezzahra
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Sidi Bou Saïd : fenêtre traditionnelle |
Si la rue principale du village est envahie par la foule des promeneurs du dimanche et a été presque transformée en souk par les marchands de souvenirs, les ruelles adjacentes souvent coupées de larges marches ont conservé leur charme : portes cloutées encadrées de pierre sculptée, grilles de fer forgé et fenêtres uniformément peintes en bleu vif (le fameux « bleu Sidi Bou Saïd »), murs lisses crépis blanc, toutes caractéristiques qui avaient suscité le classement et la protection de l’architecture et du site dès 1912. |
Sidi Bou Saïd : le centre du village autour de sa mosquée |
Sidi Bou Saïd : une rue écrasée de soleil, avec ses façades blanches aux ouvertures bleues |
Sidi Bou Saïd : terrasse d'un café donnant sur la baie de Tunis |
Sidi Bou Saïd : rues en escalier |
Nous passons ensuite une bonne heure à visiter le palais Ennajma Ezzahra que s’est fait construire sur la colline au-dessus de la mer et au début du siècle un des admirateurs du fameux village, le baron Rodolphe d’Erlanger. |
Sidi Bou Saïd : le palais Ennajma Ezzahra vu du haut de la colline |
Ci desous quelques photos tirées du livre
d'Ali LOUATI « Le baron d'Erlanger et son Palais Ennajma Ezzahra
à Sidi Bou Saïd » (Éditions Simpact, Tunis, février 1995),
puisque les photos sont interdites à l'intérieur... Les légendes
accompagnant les photos sont celles du livre.
Détail des fenêtres et balcons donnant sur le Jardin Persan |
Le Jardin persan. De gracieuses proportions, le Jardin persan est planté d'arbres bas et de fleurs. Il produit avec son kiosque lambrissé de faïences et l'élégante ordonnance de la façade du palais qui le domine une délicate atmosphère de miniature. |
Grande porte centrale du palais précédée d'un portique en avant-corps ouvert sur une large terrasse. |
Galerie centrale du Salon d'Honneur avec vue d'une rangée d'arcs cintrés sur colonnes géminées. La finesse du décor de plâtre ciselé et la richesse des marbres (dallage, colonnes et parements muraux) trahissent un goût marqué pour l'apparat et une imprégnation par les conceptions spatiales des palais beylicaux. |
Porte d'accès au patio péristyle, ouverte dans l'axe de la nef centrale du Salon d'Honneur. Cette élégante porte surmontée d'un riche décor de moqarnas fait transition entre l'harmonie brun, rouge de la Galerie Centrale, et la symphonie en blanc du patio péristyle |
Arc polylobé de la Galerie centrale doublé d'une garniture en moqarnas. L'arc qui repose sur de fines colonnettes géminées rappelant la délicatesse de l'art grenadin, encadre en perspective une fontaine murale en marbre vert et noir, réminiscence de l'art cordouan. |
La
Bibliothèque. Armoire à manuscrits, en bois doré et
panneaux ajourés, à motifs
losangés et rosaces avec des frises épigraphiques
sculptées.
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La Bibliothèque, avec vue du salon et de la haute niche centrale décorée de panneaux de bois ouvragé, renfermant les rayonnages des livres |
En soirée, vue du oust-dar, patio péristyle avec sa galerie d'arcs cintrés à claveaux bichromes. Il encadre sur quatre côtés une cour pavée de marbre blanc et noir à décor géométrique. |
Patio péristyle avec galerie supérieure superposée. Le riche parement en marqueterie de marbre bichrome est inspiré du pavage d'anciennes maisons traditionnelles tunisiennes. |
Vue de la Galerie Supérieure avec la double arcade et la balustrade en bois tourné. Au fond on voit le cloisonnage en bois doré du patio couvert |
Un des plafonds de la Galerie Supérieure à solives apparentes et à décor peint. |
Vue d'un coin de la Grande Chambre Dorée montrant l'alcove du lit et la niche arquée aménagée en balcon donnant sur le Jardin Persan |
Vue partielle du salon de la Grande chambre Dorée, et du portique à arcature sur fine colonnette de marbre rouge en style ottoman |
Coin du salon de la Grande Chambre Dorée |
Frise d'arceaux en moqarnas encadrant le plafond du salon de la Grande Chambre Dorée |
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Fenêtre et grille à l'extrémité nord du bâtiment |
Une autre belle
maison avec sa porte typique de Sidi Bou Saïd
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Lorsque le soleil descend, nous quittons le lumineux et coloré Sidi Bou Saïd encore très animé pour chercher un bivouac au bord de la mer. Nous le trouvons à peu de distance au nord, dans un quartier de grandes et riches villas occupées surtout par des Européens le long de la plage de Gammarth. Installation pour la nuit les roues avant dans le sable, tout au bout d’une impasse donnant sur la Méditerranée. |
Vu le temps limité qui nous
reste à passer sur le sol tunisien, nous renonçons à
gagner Bizerte dont le Guide Vert ne vante guère les
mérites... bien que sur les photos de la pub touristique
celà ne semble pas si mal ! |
Bizerte :
entrée du port de pêche
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Carthage : les
Thermes d'Antonin
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Nous revenons donc vers le sud et vers la capitale jusqu’à traverser Carthage. Je tiens à aller voir les quelques ruines de la fameuse cité, mais elles nous déçoivent beaucoup : le Parc des Villas n’est qu’un grand terrain vague où, dans un semis de fleurs jaunes printanières, on trouve très difficilement quelques ruines éparses, à l’exception d’une villa en partie reconstituée. Le théâtre beaucoup trop - et mal - restauré à coup de béton a des allures de stade de banlieue parisienne, et les thermes d’Antonin, colossales, ne sont qu’un amoncellement de voûtes effondrées, de piliers de maçonnerie tronqués et de colonnes brisées. Pour le reste, c’est un vaste jardin un peu touffu plein de gardes armés, car le site jouxte la résidence du Président Ben Ali (qui a évincé le sénile Bourguiba). |
Déçus de ce que Carthage ait été si bien détruite qu’il n’en reste quasiment plus rien d’intéressant, nous faisons quand même le tour des anciens ports puniques, deux bassins l’un rond et l’autre rectangulaire, qui ne sont plus que d’anonymes plans d’eau entourés de villas cossues, et gagnons le centre ville de Tunis pour faire un dernier tour en médina. | Site de l'ancien port punique de Carthage dont on devine encore les deux bassins... |
Minaret et salle
de prière de la Grande Mosquée Zitouna à Tunis
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Là aussi les remparts de la vieille ville ont disparu et la place de la Victoire, devant la vieille « Porte de France », n’est plus qu’un stationnement en forme de casse-tête. Assailli par des « gardiens » qui veulent me caser n’importe où, évitant mille accrochages dans le tohu-bohu, je poursuis le tour de la ville et finis par trouver une petite place sur la rue où devait se trouver le rempart disparu. Nous avalons un pique-nique dans le vacarme de la circulation avant d’enfiler une minuscule « Rue de l’école » pour rattraper le circuit proposé par le Syndicat d’initiative. Spectacle coutumier des ruelles étroites et souvent pas très nettes, des maisons décrépies séparées par des contreforts faisant voûtes, des passages en tunnel clos par des arcs outrepassés... |
Portes cloutées peintes en bleu - comme à Sidi Bou Saïd - étroites fenêtres grillagées, sinuosités du chemin qui coupe et renouvelle sans cesse les perspectives. Quelques monuments jalonnent notre itinéraire : Tourbet El Bey fermé en ce lundi, tout comme la Grande mosquée Ez-Zitouna. En revanche les gardiens, attendant un petit bakchich, nous font pénétrer dans Dar Ben Abdallah dont nous pouvons admirer la belle cour traditionnelle, puis dans l’une des trois medersas (écoles coraniques) accolées dont notre hôte nous offre une visite très complète (salle de prière, cour, cuisine, toit terrasse). En passant nous dépensons nos derniers dinars et millimes dans les petites boutiques d’alimentation - pain, légumes... - semées un peu partout. | Intérieur de la Salle de prière de la Grande Mosquée Zitouna. Celle-ci a été construite entre 856 et 863 par le prince aghlabide Ibrahim Ibn Ahmed. Ses 184 colonnes proviennent des ruines de la Carthage romaine alors abandonnée. |
Rue Jamma Zitouna,
ancien Souk du cuivre
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A partir de la mosquée, nous empruntons la grande rue Jamaa Zitouna, autrefois souk du cuivre devenue maintenant souk du touriste. Monique y cherche en vain un deuxième pouf qui ferait son bonheur, puis un bracelet en argent pour Juliette. Prix moyen, mais qualité idem... |
L'artère sinueuse nous mène face à la Porte de France, d’où nous reprenons la direction de notre Aigle en bifurquant sur une longue rue bordée de petits magasins de grainetiers, autant de cellules odorantes remplies d’épices, de longues guirlandes de piments rouges séchés, etc. | Marchand de douceur
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Souk de Tunis |
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Encore quelques
ruelles grouillantes de vie, de jeux d’enfants et de chats
fouillant dans les ordures et nous reprenons notre véhicule. Après
un tour complet et obligatoire de la vieille ville par le
boulevard circulaire étroit et très encombré, nous trouvons la
longue digue menant à La Goulette, le port de Tunis.
13. Sicile et retour en Italie
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