Dimanche 6 août 1995 : de MSZANA DIN. à JAVORINA (Slovaquie) (207 km)
Les flonflons assourdis du bal entendus dès notre coucher hier soir auraient dû nous alerter puisque la fête a duré toute la nuit, jusqu’à la retentissante sonnerie de cloches de 5:30 qui tire du sommeil les paroissiens du coin pour la messe de 6:00... Réveillé dès 3:45, je n’ai pu me rendormir, pas plus que Monique. Aussi, lorsqu’à 5:45 les premiers fidèles commencent à arriver sur notre stationnement en claquant les portes de leur voiture et en échangeant les dernières nouvelles, nous abandonnons la partie et nous résolvons à lever le camp malgré nos yeux encore lourds de sommeil inassouvi.
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Nous prenons la route dans le soleil levant. Les paysages
de petites montagnes sont merveilleux, offrant leurs
courbes riches de verdure et de moissons, tandis que les
creux sont encore tout envahis par la brume. Je m’arrête à
plusieurs reprises pour filmer et photographier, ce qui
ralentit notre progression sur ces routes sinueuses et
accidentées, tout autant que les nombreux piétons
endimanchés marchant vers l’église la plus proche pour
l’office dominical.
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Nous nous rendons ensuite jusqu’aux portes du skansen - fort mal signalé - un peu à l’extérieur de la ville, mais renonçons à attendre durant une heure et demie son ouverture indiquée à 10:00. Nous commençons donc à remonter le cours de la Dunajec, un fort beau torrent de montagne dévalant des Pieniny voisines, dont les méandres s’étalent entre des pentes de plus en plus spectaculaires. Superbe route de berge que je filme à plusieurs reprises. Nous finissons par arriver vers 11:15 à Szczawnica, point d’arrivée des radeaux qui descendent les fameuses gorges de la Dunajec. |
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Abandonnant notre Aigle au gardien du
stationnement prévu à cet effet, nous empruntons la navette (un
minibus Ford Transit) jusqu’à Katy-Sromowce d’où partent les
radeaux en question. Quelques grandioses panoramas sur le massif
des Pieniny se dévoilent au passage, avant que nous affrontions
une longue demi-heure de queue pour obtenir nos billets.
Nous embarquons enfin avec 10 autres passagers dans notre radeau (en fait 5 pirogues de planches accolées) pour plus de 3 heures de descente de la rivière. |
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Le soleil brillant et chaud, réverbéré par l’eau miroitante, nous vaudra quelques bons coups de soleil, tandis que notre guide disert et gouailleur n’arrête pas de distraire son auditoire. Il ne cesse de plaisanter, poser des colles, raconter légendes et faits d’histoire naturelle, de géologie ou de géographie... dont le contenu - polonais - nous échappe malheureusement. |
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Les Pieniny depuis la Dunajec |
Les paysages sauvages sont magnifiques sur l’eau fraîche et claire, au pied des grands contreforts formant la frontière avec la Slovaquie. |
Voilà en bref une superbe excursion durant laquelle nous nous sommes laissés mener au fil de l’eau et des rapides par nos deux habiles bateliers maniant judicieusement la perche... |
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Descente de la Dunajec à l'automne : eaux calmes |
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Explications -
hélas incompréhensibles pour nous - de notre pilote
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Autre pause de notre équipage pour la photo officielle d'arrivée.... |
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Doux paysage des Pieniny en quittant Szczawnica |
Nous émergeons 4 heures plus tard de ce grand bol d’air et de soleil, la peau rougie et l’estomac dans les talons. Pique-nique rapide d’une saucisse polonaise grillée à la moutarde sur le stationnement de Szczawnica, avant de prendre le chemin de Zakopane au coeur des Tatry. |
Nous suivons une partie de la route empruntée par la navette ce matin (film et photos des paysages alors rapidement aperçus), puis bifurquons vers Niedzica, son barrage et son château féodal perché au-dessus de la vallée. | De l'autre côté de la Dunajec élargie par un barrage, la silhouette du château de Niedzica |
À défaut de visite, une belle image du château de Neiedzica... |
La foule de visiteurs du dimanche qui l’assiège est si dense que nous renonçons à le visiter et que je dois me contenter de quelques vues à la vidéo. |
Lundi 7 août 1995 : de JAVORINA (Slovaquie) à ZAKOPANE (Pologne) (35 km)
Nuit extraordinairement tranquille jusqu’au lever à 7:30. Le gardien du stationnement arrive à 8:15 et s’installe sur une table de pique-nique en attendant notre contribution. Nous lui laissons 1,70 zloty polonais et un beau dollar canadien dont il semble fort aise, tout autant que nous puisque nous n’avions pas un sous d’argent slovaque... Après quelques vues du village montagnard tout propret dans son cadre naturel préservé, nous repassons la frontière de Lysa Polana et retournons au grand stationnement qui sert de point de départ à l’excursion du lac Morskie Oko. | Javorina : le coin tranquille où nous avons bivouaqué... |
Prêts au départ vers le lac Morskie Oko ! |
Échaudés par notre dernière tentative pédestre avortée vers les dunes de Lebka, nous évitons les 7 km de marche d’approche sur la route montant à travers le sous-bois en empruntant le char à bancs hippomobile mis à la disposition des touristes plus tout à fait ingambes... ou paresseux. |
Nous gagnons ainsi beaucoup de temps et surtout conservons nos forces pour la suite de la balade dont, pour commencer, les 2 km de route goudronnée escaladant une première moraine qui retient le superbe lac glaciaire de Morskie Oko. | En route dans notre char hippomobile... |
Javorina : le Pic du Moine (Tatras) |
Le trajet sous les arbres, dans la vivifiante odeur de résine et de fleurs de montagne offre de fort agréables aperçus sur les crêtes rocheuses autour de nous. |
Mais bien plus encore, l’arrivée sur le lac, qui s’est faite attendre pendant les deux heures de montée, nous remplit les yeux de beauté sauvage : dans les eaux limpides bleu vert au contour presque rond se reflètent d’abord des pentes obliques couvertes de sapin puis, en face de nous, d’énormes pans rocheux où se devinent quelques névés grisâtres. | Monique sur le belvédère du lac Morskie Oko |
Le lac depuis la terrasse du chalet |
Le lac Morskie Oko
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A
droite pointe l’aiguille de Mnich tandis qu'au fond à gauche
se devine le barrage d’une deuxième moraine retenant un
autre lac. Son plan d’eau est invisible depuis le chalet
accueillant les centaines de touristes venus comme nous
admirer le site. La plupart s’égaillent sur sa terrasse ou
un peu plus bas dans les rochers au bord du lac, dégustant
Coke et crème glacée ou pataugeant dans l’eau fraîche. Seuls quelques-uns uns entreprennent le tour du Morskie Oko pour rejoindre le petit lac supérieur. Les vues sur les montagnes et sur les rives boisées depuis le sentier sinueux pavé de grosses pierres sont très pittoresques, aussi tourne la vidéo... |
Jean-Paul sur le sentier contournant le lac |
La cascade issue du Czarny
Staw tombant dans le Morskie Oko
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Une cascade coupe notre trajet; nous longeons ensuite un énorme éboulis avant d’arriver à l’embranchement du sentier escaladant la deuxième moraine. |
Pause en montant vers le Czarny Staw pour contempler le Morskie Oko |
Monique prend le soleil sur un rocher au-dessus du lac Morskie Oko |
Enfin nous touchons au sommet de la crête; alors apparaît,
au creux d’un cirque parfait, le cercle idéal de l’autre lac
plus petit (le Czarny Staw). Le paysage est beaucoup plus
minéral puisque sans aucun arbre, uniquement borné par les
pans de roche brute ou les grands à-plats des éboulis
glaciaires. Au-dessus, proches de la verticale, les dents et
les sommets du massif culminent au Mont Wielki à 2 438 m. |
En quittant le Morskie Oko vers les pentes dénudées du Czarny Staw |
Jean-Paul se rafraichit au bord du Czarny Staw en haut de la moraine |
Coup d’œil en arrière sur le lac Morskie Oko |
Puis nous amorçons la descente, plus rapide et beaucoup moins épuisante; elle exige cependant beaucoup d’attention et de contrôle sur ces pierres irrégulières empilées au flanc de la pente abrupte. Le paysage perd de son ampleur au fil de notre approche du lac dont nous longeons l’autre demi-circonférence pour rallier le chalet. Le sentier sur le rivage est pittoresque : sapins et gros blocs de rochers déboulant jusqu’à l’eau encadrent les vues sur le lac et les montagnes... | Tour du lac Morskie Oko au retour |
Affamés, nous faisons taire notre estomac d’une crème glacée puis parcourons de nouveau, quoique d’un pas plus lourd, les deux kilomètres qui nous séparent du point d’embarquement dans le char hippomobile. Les freins qui grincent ralentissent la longue descente tandis que cliquettent devant nous les sabots ferrés des chevaux au trot, sous un ciel qui s’assombrit et se couvre de nuages. Nous retrouvons enfin notre Aigle, délaçons nos chaussures de marche sur nos pieds endoloris et attaquons un casse-croûte revigorant.
Zakopane : le mont Giewont en soirée |
Nous voilà prêts à découvrir Zakopane. Ses premières maisons apparaissent après quelques kilomètres d’une route montueuse et très sinueuse sillonnée par des "micro-bus" ramenant d’excursion les promeneurs. |
Si la plupart des maisons sont en bois, il en est cependant peu qui présentent l’élégance de la chapelle de Jaszczurówka visitée dès l’approche de la petite ville. L’extérieur est tout à fait caractéristique d’un style montagnard "sublimé" par le travail du bois, les toits pentus de bardeaux en cascade, les portes et panneaux sculptés, les fenêtres arrondies en leur partie supérieure, les galeries abritant de la pluie et de la neige... | Zakopane : la chapelle de Jaszczurówka |
Zakopane : un joli garage dans le style vernaculaire |
En revanche l’ambiance de la rue Krupòwki, l’artère principale du village que nous parcourons ensuite à pied, nous déplaît beaucoup : une foule bigarrée de touristes défile entre magasins et kiosques où l’on débite du Coca Cola, des ballons de baudruche, des souvenirs, etc. Magasins de produits "cheap" (chandails, cuirs, etc.) ou chers, bruit, musique de foire, terrasses d’où les clients vous dévisagent derrière leur bière... L’architecture est pauvre, beaucoup de façades décrépies attendent encore leur ravalement tandis que les maisons de bois au fameux "style de Zakopane" sont rares, partiellement - et mal - modernisées ou cachées derrière des boisés impénétrables. |
Monique
est fatiguée de marcher, je suis déçu par cet endroit à la
réputation surfaite, malgré les détails architecturaux
intéressants glanés sur quelques maisons éparses. |
Zakopane : la maison Pod Joklami |
Zakopane : villa Cicha
À la nuit tombante, nous retrouvons avec plaisir
l’intérieur sobre et confortable de notre Aigle. Prévoyant
l’excursion de demain matin au Mont Swinica, nous cherchons un
bivouac à Kuznice. Mais nous n’y trouvons aucun stationnement pour
les voitures privées, puisque seuls les taxis et les autobus
peuvent accéder aux deux kilomètres de route menant à la gare du
téléphérique. De retour au centre de Zakopane, et devant
l’impossibilité de trouver aucun emplacement favorable au "camping
sauvage", nous nous rabattons sur le terrain de camping. Son prix
est fort raisonnable et il se trouve à deux pas de l’arrêt du bus
menant à Kuznice. Nous pourrons ainsi nous brancher sur le secteur
cette nuit et abandonner notre Aigle en sécurité durant notre
excursion demain matin.
Nous dormons fort bien dans l’enceinte du camping de Zakopane, ce qui nous permet de nous lever tôt (6:30) et en forme. Un "microbus" nous mène à la gare du téléphérique pour 7:30, heure du premier départ. Mais une longue file s’allonge déjà devant le guichet et un groupe d’enfants ayant réservé d’avance leur montée nous passe sous le nez. | |
Zakopane : le téléphérique montant au Kasprowy Wierch |
Zakopane : la gare du téléphérique sur le Kasprowy Wierch |
Les nuages épars laissent passer de grandes coulées de lumière sur les forêts et les petits lacs éparpillés en dessous mais maintiennent dans l’ombre les cimes qui nous entourent. Sac au dos, nous nous lançons sur le sentier de crête menant au Mont Swinica, point culminant des Tatry polonais à 2 300 m. | Depuis le sentier vers le mont Swinika, vue sur le Kasprowy Wierch et la gare du téléphérique |
Sur le sentier de crête vers le mont Swinika, Monique attend... |
Après quelques rudes grimpées sur les blocs posés en grossières marches d’escalier qui marquent à la fois le sentier et la frontière polono-slovaque, Monique décide qu’elle n’ira pas plus loin. Elle déclare qu’elle attendra ici mon retour, installée au soleil et accotée à une borne frontière à 1 962 m d’altitude. Je poursuis seul vers une troisième cime puis vers le Swinica lui-même. |
La montée très raide est exténuante, certains passages plus difficiles s’effectuent à l’aide de chaînes ancrées dans le rocher, mais la vue très étendue, ajoutée au défi d’arriver en haut et au bout de l’aventure, me stimule. Je dois faire plusieurs pauses pour récupérer un peu mais finis par atteindre le sommet après une heure et demie d’efforts. | Monique accotée sur la borne frontière polono-slovaque |
Les nuages envahissent le paysage des Monts Swinika et Granarydans |
Malheureusement le ciel s’est couvert entre temps et une mer de nuage a complètement envahi les pentes. La visibilité se limite à 15 ou 20 mètres lorsque je franchis les derniers escarpements et m’arrête pour souffler un peu à la pointe de l'aiguille. Lors de la descente, c’est à peine si j’aperçois les randonneurs qui me précèdent de quelques mètres. Mes compagnons d’occasion s’arrêtent en bas du pic et je dois regagner seul le refuge du téléphérique, noyé dans une ouate blanche qui mêle toutes directions, assourdit les bruits et laisse courir l’imagination. Je crains à plusieurs reprises de m’égarer sur des sentiers latéraux, une bruine fine commence à tremper mon chandail, mes jambes et mes genoux tremblants sont de moins en moins solides et sûrs... |
Après
trois heures et demie de marche ininterrompue je retrouve
enfin Monique qui, elle aussi surprise par le brouillard et
un peu inquiète, s’est mise à l’abri dans le chalet. Rassurés mais fatigués, nous prenons la première cabine disponible pour redescendre dans la vallée. Le plafond y est très bas, à peu près une centaine de mètres seulement au-dessus de la gare de départ, et il commence à pleuvoir lorsque nous arrivons au camping. Après un copieux déjeuner réparateur, la vaisselle et le plein d’eau, nous prenons la route vers 15:00. |
Descente du Kasprowy Wierch dans le nuage et la pluie |
Traversant la petite ville dont le style un peu
négligé et le mercantilisme touristique de médiocre qualité nous
frappent et nous déçoivent encore une fois, nous filons vers le
nord sous une pluie maintenant bien établie.
Le Mont Giewont par beau temps |
Le paysage de campagne accidentée et verdoyante nous semble un peu répétitif et perd de son charme sous la grisaille, aussi quelques cassettes de musique font-elles passer le temps. |
Campagne entre Carpathes et Sudètes |
Moisson en famille |
Coup d’œil en bord de route à quelques maisons de bois typiques, aux lacs de barrage sur la Sola pour enfin rallier, par des routes secondaires mal signalées, la petite ville de Pszczyna. Nous stationnons à l’abri des arbres en bordure de la vieille ville pour aller faire un petit tour sur la rynek. Ses jolies maisons basses présentent un alignement de façades simples mais soignées aux teintes pastel. | Pszczyna : la rynek en soirée |
Le château de Pszczyna dans son grand parc |
Contournant ensuite le château sis à son extrémité, nous faisons un grand tour dans l’immense et magnifique parc parsemé de pièces d’eau et sillonné de canaux. Arbres majestueux, cygnes nonchalants, vastes prairies, voilà une bien agréable fin de journée qui nous rappelle les heures passées dans les country houses d’Angleterre. Souper puis coucher sur le stationnement près de l’une des sorties du parc. |
Les cygnes dans le parc du château de Pszczyna |
Mercredi 9 août 1995 : de PSZCZYNA à MYEDZYGÓRZE (338 km)
Nous tentons d’emprunter les petites routes du
sud qui devraient nous faire longer la frontière slovaque, mais
nous nous retrouvons après une cinquantaine de kilomètres sur une
quatre voies rapide à Skoczow, au sud-est de notre point de départ
quand nous devrions nous trouver au nord-ouest... Le plus simple
sera de reprendre le cap mais en traversant une longue section
montagneuse de la Slovaquie. Nous passons sans problème la
frontière à Cieczyn puis filons vers Ostrava Opala dans une
campagne parsemée d’énormes complexes industriels (mines et
sidérurgie) fumants et puants.
La région ensuite est beaucoup plus accidentée et
rurale, touristique aussi, c'est le district de Jesenik. Au milieu
de superbes forêts denses de résineux et de hautes futaies de
chênes et de hêtres, nous découvrons au passage la jolie ville
d’eau de Karlova Studanka.
Dans les Sudètes, l'Aigle sur une jolie route de la région de Jesenik |
Les Sudètes dans la région de Jesenik |
Près de Karlova Studanka, Jean-Paul filme le cours torrentueux de la Morava |
Puis notre long détour
suit un moment le cours de la charmante Morava qui court
sur un lit de galets, sous une voûte continue d’arbres
touffus.
Le soleil commence à descendre sur les monts et les vastes paysages de campagne ouverte (prairies, céréales et bouquets d’arbres) lorsque nous repassons la frontière polonaise à Przel Miedzyleska. Le contraste avec la Slovaquie nous frappe : de nouveau les mini-Fiat traînent et les camions crachent leur fumée puante sur les routes, le pourcentage de maisons décrépies ou en construction augmente considérablement, les villages prennent un air plus relâché mais aussi plus chaleureux (fleurs à profusion, petits groupes de personnes parlant entre elles, ivrogne titubant au bord de la route...). |
Nous quittons bientôt la large vallée de la Nysa
Klodzka pour escalader les pentes boisées du Gory Klo Oskie où est
niché, à la jonction de deux étroites vallées, la fameuse station
de villégiature de Miedzygorze.
En plus du site naturel agréable, l’architecture des grands chalets ou pensions alignés le long des torrents, à mi-chemin entre le chalet suisse et la maison de vacances des plages normandes, justifie le détour... Toits de zinc pentus, balcons et décorations de bois découpé, volume important, style Jugenstil rustique, les deux rues principales ne manquent pas de caractère. | Maison emblématique de Myedzygòrze |
Bivouac à Myedzygòrze |
Après un petit marché, nous parcourons au crépuscule les rues, admirant et filmant les maisons, puis nous nous installons sur un petit parking pentu nécessitant la mise en place des cales. Nous soupons et planifions notre retour à Annecy, toutes cartes étalées sur la petite table de la dînette. Enfin nous nous couchons tôt pour nous endormir dans le bruissement du torrent courant juste derrière nous. |
Jeudi 10 août 1995 : de MIEDZYGORZE à JELENIA GORA (206 km)
Sous les rayons ténus du soleil matinal pénétrant à peine dans la combe où nous avons parfaitement dormi, les grands chalets ont encore plus d’allure, suggérant l’époque faste où la grande bourgeoisie de Silésie pouvait s’offrir ces luxueuses résidences secondaires. La plupart ont maintenant été transformées en hôtel ou en maisons de vacances d’entreprises. | Myedzygòrze |
Myedzygòrze |
Myedzygòrze |
Cascade de Myedzygòrze |
Au fond d’un val abrupt, la petite rivière cachée sous une forêt dense se précipite de 27 m dans un bassin presque rond. Son débit est faible, mais la hauteur de la chute disperse l’eau en un beau voile blanchâtre éclatant dans le sombre sous-bois, et le fracas donne lui aussi l’impression d’une véritable cataracte. Je ne regrette pas les 2 zlotys qu’a coûté la demi-heure de stationnement, d’autant plus qu’une pancarte laborieusement déchiffrée - ou plutôt devinée car elle est écrite en polonais... - laisse entendre que nous contribuons ainsi au développement du fond culturel de la région... |
Notre itinéraire nous ramène ensuite vers la
plaine intensivement cultivée. Dans les hameaux on ne peut
s'empêcher de succomber au charme des maisonnettes paysannes
entourées de leur jardin débordant de fleurs.
Bref arrêt dans la petite ville de Bystrzyca Klodzka, si sale et vieillotte que Monique refuse de se hasarder dans ses rues tortueuses et étroites. Je stationne un peu à l’écart du centre et me lance donc seul dans son exploration. | Bystrzyca Kodzka : les vieilles maisons groupées autour de la tour du stadhus |
Bystrzyca Kodzka : le site charmant au bord de la rivière |
Il n’est pas un seul immeuble qui n’aurait besoin d’un sérieux ravalement sinon de restaurations majeures, hormis la succursale de la banque P.K.O., comme d’habitude. Mais la ville a gardé son plan original et la plupart de ses vieilles maisons médiévales, ce qui lui donne un cachet unique qu’il restera à mettre en valeur. Puissent les urbanistes être sensibles à ce capital historique et veiller à le préserver... |
Nous gagnons ensuite Klodsko. Si la ville est
plus grande que Bystrzyca, elle présente les mêmes
caractéristiques : bâtis à flanc de colline, ses églises, maisons
et monuments s’entassent dans un enchevêtrement de ruelles
tortueuses. Passant le vieux pont gothique bordé de statues
baroques - comme à Prague le pont St-Charles... - nous arrivons
bientôt sur la rynek où trône un énorme hôtel de ville 1850
néo-Renaissance, genre Mairie de Paris... Beaucoup de maisons sont
anciennes, mais ici encore bien peu ont été remises en état. Elles
forment un ensemble plutôt disparate finalement assez décevant. En
revanche l’église paroissiale qui n’annonçait rien d’exceptionnel
depuis sa petite place pittoresque, offre un exubérant décor
baroque, quasi-autrichien, dont je filme maints détails: orgue,
chaire, retable marial et fresques médiévales couvrant la voûte
d’une chapelle latérale.
Entrée du Szczeliniec Wielki |
Nous
prenons alors la direction plein ouest pour gagner le massif
du Gory Stolowe (Monts Tabulaires) qui se signale par des
reliefs rocheux particuliers. Après un bout d’excellente route offrant les habituels paysages de jolie campagne vallonnée, nous empruntons un "raccourci" qui s’enfonce dans des bois magnifiques où nous craignons bien de nous perdre : chaussée défoncée, solitude complète, absence totale de panneaux indicateurs... L’inquiétude commence à s’installer lorsque après 45 minutes de ce cheminement hasardeux, une vieille borne allemande indique, gravé dans la pierre, "Heusheuer ® 1 km". |
Relief fantastique des Szczeliniec Wielki |
Panorama des Szczeliniec Wielki |
Au bout des 640 marches grimpant sur le massif, le sentier nous fait explorer un étonnant chaos de rochers sculptés par l’érosion glacière : énormes blocs aux formes fantastiques, gouffres dans lesquels nous dégringolons des escaliers à-pic, étroits passages entre ou sous les rocs titanesques. De plus, depuis divers belvédères disposés autour de la "table", se déploient des vues étendues sur la campagne dorée par les blés ou liserée de vert sombre par les forêts.
Belvédère des
Szczeliniec Wielki
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Belvédère des Szczeliniec Wielki |
Voilà au total un grand bol d’air dans un cadre
fantastique, mais qui s’achève douloureusement pour moi par un
étirement des ligaments du pied gauche lorsque je glisse sur une
marche disjointe avec mes sandales trop lâches. La descente est
donc un peu pénible, mais la douleur ne se fait vraiment sentir
que lors de la longue - et très mauvaise - route qui s’ensuit en
direction de Nowa Ruda, puis de Walbrzych pour atteindre enfin
Jelenia Gora.
La campagne est pourtant jolie dans la chaude
lumière du soir, même si elle est parsemée des vestiges de petites
industries ou de mines qui ont périclité et dont les bâtiments,
vétustes et délabrés, sont autant de points noirs dans le
paysage. Nous arrivons à la nuit à Jelenia Gora, repérons le musée
que nous voulons visiter demain et installons notre bivouac dans
une rue toute proche assez tranquille. Souper, bain de pied et
massage avant le coucher...
Vendredi 11 août 1995 : de JELENIA GORA à PRAHA (PRAGUE) (218 km)
Nuit
reposante et sans problème. A 9:00 pile nous sommes sous le
porche du Musée (pour une fois ouvert à l’heure indiquée !).
A part une exposition de photos et d’aquarelles assez
réussies illustrant la région, l’essentiel des salles est
consacré à une collection de verreries datant des Romains à
nos jours. Les antiquités présentent relativement peu
d’intérêt après la splendide collection admirée au musée de
Cologne et les quelques items médiévaux sont en très mauvais
état. En revanche les XVIIème et XVIIIème
siècles offrent une série de superbes verres à boire peints
ou gravés d’une grande finesse. Si les productions
contemporaines surprennent sans vraiment plaire, la salle
Art Nouveau rejoint l’intérêt passionné de Monique qui
s’exclame devant plusieurs pièces délicates et élégantes :
Gallé, Daum et quelques autres verriers français ou
allemands ont de loin notre préférence. |
Jelenia Gora : le
centre historique
avec l'église Sainte Croix et la Plac Rastuzowy |
Jelenia Gora : Plac Cieplice |
Jelenia Gora : fontaine de Neptune sur la Plac Rastuzowy |
Quel contraste avec la rynek qui ici s’appelle Plac Ratuszowy (Place de l’Hôtel de Ville), dont la restauration intégrale et systématique est en cours d’achèvement. La moitié de ses hautes façades est encore couverte d’échafaudages, tout comme le grand carré de l’Hôtel de Ville au centre de la place. Les hauts murs colorés des autres maisons ont quant à eux recouvré leur gloire première et donnent une idée du très bel ensemble que constituera la place d’ici quelques mois. Sous le long passage formé par les arcades du rez-de-chaussée blanchies à la chaux, lumineuses et fraîches, se sont installées les terrasses des cafés. |
Nous passons devant l’église paroissiale au décor Renaissance et baroque habituel entrevu derrière sa grille d’entrée, pour parcourir à nouveau la rue du 1er Mai rejointe par une traboule. Nous y achetons quelques légumes frais auprès des marchands installés sur le trottoir avant d’aller jeter un coup d’œil à la massive église Ste-Croix, un ancien temple protestant de plan carré et au riche décor baroque (orgue ++) dont le pavé et les galeries peuvent accueillir 4 000 personnes. Malheureusement, une fois encore, on doit demeurer derrière la grille d’entrée, et il est impossible de trouver chez les disquaires un enregistrement de l’orgue pourtant fameux... | Jelenia Gora : les façades restaurées de la Plac Rastuzowy |
Parc des Karkonosze : le Wielki Sniezka (1 602 m) |
Nous quittons cette ville sympathique et riche où il y aurait encore beaucoup à découvrir pour regagner les montagnes et notre dernière étape polonaise. La route file dans la vallée verdoyante vers Karpacz au pied des Karkonosze (Monts des Géants). La station s’étale le long de la rue principale qui escalade la pente en serpentant, bordée de chalets plus ou moins suisses ou tyroliens, de grosses pensions et de petits magasins "cheap". Rien de bien pittoresque, d’autant plus que la vue est cachée par les arbres du côté montagne ou donne sur la plaine... Route infecte, en travaux de voirie, foule, bus poussifs crachant leur fumée noire de diesel... nous sommes fort déçus ! Après un pique-nique rapide à l’ombre d’un bouquet d'arbres nous tentons de rejoindre l’autre station du Parc national des Karkonosze, Szklarska Poreba, en traversant la montagne. Mais la signalisation quasiment inexistante sur ces petites routes nous amène à nous engager profondément sur les pentes sans aboutir nulle part. |
Nous devons donc rebrousser chemin et filons sur la grande route de vallée très fréquentée et sans intérêt. Lorsque nous touchons au but, le village s’avère là aussi un ramassis de chalets parfois un peu plus présentables, et encore...
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Aussi gagnons-nous immédiatement la gare du télésiège qui, pour le montant relativement élevé de 24 zlotys, nous hisse sur le mont Szrenica 636 m plus haut. . | Descente du téléférique du Mont Szrenica |
Le plus agréable de la balade reste la montée silencieuse au-dessus des sapins et au grand air, car là-haut la vue est décevante, le relief s’étendant mollement sous nos yeux sans aspérité ni rien sur quoi accrocher le regard. Brève marche autour du gros chalet au sommet, puis nous faisons le parcours en sens inverse vers la base du mont. Après un dernier plein d’eau et d’essence avec le reste de nos zlotys, nous prenons la direction de la République tchèque | Vue sur les Monts des Géants depuis le sommet du Szerenica |
Lac dans le parc des Karkonosze
La route agréablement vallonnée parcourt les
forêts et les torrents des Sudètes jusqu'à passer rapidement et
sans problèmes la frontière tchèque.
Nous changeons un peu d’argent à Tanvald, faisons une tentative avortée de bivouac à Turnov qui nous semble peu propice et embarquons alors sur l’autoroute pour filer pied au plancher jusqu’à Prague (85 km). Longue traversée des faubourgs de la capitale tchèque en cherchant sans succès le chemin d’un camping. Finalement nous franchissons la Vltava et nous retrouvons sur le quai juste en dessous du pont Svermoy Most. La vue sur la rivière est jolie, mais le bruit beaucoup trop intense pour envisager de dormir à cet endroit. Fidèles à notre habitude de rechercher les beaux quartiers, nous gagnons alors le parc de Stronovka. Nous trouvons en bordure de ses espaces verts une rue paisible (Heineho) où nous soupons et nous endormons après que Monique ait préparé l’itinéraire de la visite de la ville pour demain.
Samedi 12 août 1995 : de PRAHA (République tchèque) à MYTO (87
km)
Nous paressons jusqu’à une heure avancée de la matinée tant notre rue "grand style" s’avère calme en ce samedi matin. Nous finissons par lever le camp vers 10:00 pour descendre vers la vieille ville et stationner - dans un parc gardé - à deux pas du pont Manesw. |
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Église Saint Nicolas : la coupole |
Église Saint Nicolas : la nef et ses piliers |
Puis nous allons flâner un bon moment autour de la Place de la Vieille Ville, entourée de magnifiques monuments. |
Prague : Place de la Vieille Ville et l'Église Notre-Dame de Tyn |
Prague : horloge astronomique de l'Hôtel de Ville |
Prague : cadran de l'horloge de l'Hôtel de Ville, peint au XIXème par J. Manes. Les médaillons représentent les 12 mois de l'année |
Place de la Vieille Ville de Prague : la Maison à la cloche (1330) |
Prague : autour de la Place de la Vieille Ville |
Orchestre traditionnel tchèque : le Cymbalum d'Or, qui se produit quotidiennement sur la place en interprétant airs et chants traditionnels de Bohème. Superbes enregistrements CD vendus sur place. |
Maison « À la minute » Originairement gothique, (début XIVème) cette maison fut reconstruite en style Renaissance dans la 2ème moitié du XVIème. (graffites avec motifs mythologiques). Au coin un lion de pierre date du XVIIIème, insigne de la pharmacie « Au lion blanc » qui occupa jadis ce palais. |
Prague : rue Panska dans le quartier Josefov rénové au XIXème à partir du ghetto juif |
Prague : maisons
patriciennes sur la Place de la Vieille Ville
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Prague : Musée des Arts Décoratifs |
Visite un peu décevante du Musée des Arts Décoratifs ne contenant aucune pièce Art Nouveau... |
Prague : la vieille Mairie juive et la Synagogue vieille |
Le cimetière juif abrite plus de 12 000 sépulcres. Les pierres tombales vont du XVème jusqu'à 1787 (depuis on n'y enterre plus). Stèle dans le cimetière juif de Josefov |
Prague : ruelle près de Notre Dame de Tyn |
Prague : Krizounicke Namesti (Place des Croisés à l'Étoile Rouge) |
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Montée
sur le beffroi de l'Hôtel de ville, d'où se déploie une vue
plongeante sur la Place de la Vieille Ville et d'où l'on
découvre les autres développements plus modernes de la cité
alentour. |
La Place de la Vieille Ville depuis le haut du beffroi |
La vieille Ville et le quartier Josefov (l'ancien ghetto) depuis le haut du beffroi de l'Hôtel de ville |
Prague : atlantes supportant l'entrée du Palais Clarn-Galasov |
Prague : Zlata-Ulicka (La ruelle-d'or). Les maisonnettes du XIVème au XIXème furent habitées par les archers-défenseurs du château puis par des orfèvres et autres artisans. |
Prague : la Maison municipale (1905-1911) |
Prague : Tour de la Poudrière |
Prague: entrée fortifiée du Pont Charles (Mala Strana). Au fond l'Église Saint Nicolas. |
Pont Charles sur la Vltava et Mala Strana, du côté de la Vieille Ville |
Prague : le Pont Charles vu des tours de la Vieille Ville du côté de Mala Strana. Œuvre de Peter Parler et de son atelier, le pont Charles fut fondé en 1357 par Charles IV et terminé au début du XVème. Il est fortifié aux deux bouts par des portes avec tours (celle de Mala Strana est celle de la Vieille ville). Construit en pierre de grès, il est long de 516 m et large de 9,5 m. |
Prague : le Pont Charles et ses statues. Elles furent construites en plusieurs étapes, de 1683 à 1938. Il y en a 30, notamment baroques (1683 à 1714), avec quelques groupes de style classique et néo-gothique. Le plus vieux est le groupe de la Sainte Croix, datant de 1657, le plus fameux celui du « Turc de Prague » (1714), érigé en l'honneur des Trinitaires qui rachetaient les Chrétiens captifs des Turcs. |
Prague : Monique sur le Pont Legk en quittant la ville
Dimanche 13 août 1995 : de MYTO à LANSHUT (Bavière) (274 km)
Nuit calme, seulement interrompue dès son début
par le retour tardif d’une énorme moissonneuse-batteuse dont
nous occupons le stationnement... J’avance de quelques mètres
avec l’assentiment du paysan et me recouche en paix. Nous
dormons longtemps en ce paisible dimanche matin pour ne décoller
que vers 10:15. Une vaine recherche de pain et de lait frais
dans la petite ville de Rokycany endormie ne nous procure que
des pâtisseries, des œufs, du saucisson et du lait condensé
trouvés chez un dépanneur. C’est donc un brunch que nous prenons
au bord d’un petit lac repéré à la sortie de Pilsen. La route
file ensuite, dans un paysage assez vallonné ressemblant aux
Sudètes, jusqu’à la frontière de Zeleznà Ruda où nous liquidons
nos couronnes tchèques à la pompe à essence.
Armoirie de la Bavière |
Nous entrons alors en Bavière, dans la Bohmer Wald (Forêt de Bohème) déjà parcourue il y a trois ans : superbe route de montagnettes parfaitement dessinée et redressée, signalisation surabondante, automobiles propres, rapides et silencieuses : quel changement après la Pologne et la République tchèque ! Les maisons sont soignées et fleuries, les terrains - y compris les bermes de la route - méticuleusement nettoyés et entretenus. On a l’impression de traverser un grand parc où bouquets d'arbre et forêts de sapins sont semés sur les pentes au travers des prairies... |
La petite ville médiévale s'entasse entre les bords de l’Isar et la colline sur laquelle s’élève le riche château ducal. Nous passons deux bonnes heures à déambuler dans les rues de l’Altstadt (Vieille Ville) et de la Neustadt (Nouvelle Ville), uniformément bordées de belles façades XVème et XVIème aux couleurs pastel, surmontées de pignons variés attestant la richesse de la bourgeoisie locale. | Dans l'Altstadt de Lanshut au pied des restes du château |
La Grande Rue de Lanshut et la tour de l'Église Saint Martin |
La diversité et la qualité des produits exposés dans les vitrines nous étonnent après la rareté et la vétusté des magasins de l’Est. Beaux points de vue sur les courbes de la grande rue entourant la haute (130 m) et fine tour de brique rose de l’église St-Martin (XVème). Cette reprise de contact avec l’Europe de l’ouest nous laisse comme "rassurés" et confortables... |
Une vieille Traban tchèque recyclée en BMW DE...
Il est déjà 18:30 et temps de songer au bivouac. Nous irons chercher un lieu idoine au-dessus de la ville, près du château de Trausnitz. En haut de la côte, dédale de ruelles bordées de jolies petites maisons blanches et rustiques enfouies dans des jardins débordant de fleurs. Laissant Monique piquer un roupillon sur le stationnement du château, je m’enfonce dans le beau parc à l’anglaise entourant les vieux murs.
Au bout de la courbe des allées, une première
porte fortifiée franchit l’enceinte de brique; puis je passe une
deuxième poterne et me trouve devant l’entrée monumentale et les
hauts murs de pierre de la forteresse. Mais plus question de
visiter, il est trop tard. Une autre allée du parc me mène au
Schlantz, un belvédère surplombant la ville, ses toits de tuiles
rouges, ses rues bordées de façades pastel à pignon et ses
clochers dominés par celui de St-Martin, le plus élancé et le
plus élégant. Au retour vers l’Aigle, je tombe sur un joli
jardin fleuri avec fontaine, pergola et roseraie dont les allées
sont animées par des jeux d’enfants. Impossible de s’installer
pour la nuit ni dans le parking du château (fermé à 22:00) ni
dans le quartier étroit aux rues exiguës. Nous redescendons en
ville et, longeant le cours de l’Isar, tombons sur une élégante
promenade ombragée et peu fréquentée qui longe la rivière. Nous
nous y installons sur l’herbe, soupons, faisons la vaisselle des
trois derniers jours et nous y endormons dans un calme absolu.
Lundi 14 août 1995 : de LANSHUT à NYMPHENBURG (MÜNCHEN - Munich) (96 km)
La métropole de la Bavière est très vaste et
moderne, la circulation intense, l’activité trépidante et
l’environnement urbain sophistiqué. Comme on se sent loin de
Prague ou de Varsovie ! Premier souci : se rapprocher du centre
historique, s’arrêter dès que possible près d’une épicerie et
quérir de quoi manger. Notre déjeuner au bord du parc précédant
la Nouvelle Pinacothèque - hélas fermée le lundi - se transforme
en brunch vite dévoré.
Puis nous dégotons une place à deux pas de la vieille ville, sur la rue Herzog Wilhelm, au coût exorbitant de 5 DM (5 $ CND) pour une heure de stationnement devant un parcomètre ! |
München : Marienplatz |
Le carillon du Neurathaus |
München :
façade de l'église Saint Michel et les 2 tours de
Frauenkirche
|
Coup d’œil à l’église St-Michel au décor baroque maintenant familier mais dont la vaste voûte en berceau unique, sans bas-côté, offre une heureuse diversion. |
München : nef de l'église Saint Michel |
München : orgue de l'église Saint Michel |
Müchen: Marienplatz et le Neurathaus (le Nouvel Hôtel de Ville) |
Tout au long de la rue, la plupart des façades anciennes ont été restaurées ou reconstruites après les bombardements U.S. de 1944. Voilà qui ennoblit considérablement la perspective menant à la Marienplatz où trône, énorme, le Nouvel Hôtel de Ville néo-gothique (1867-1908). |
München : la nef de Frauenkirche (Notre Dame) en 1945 et maintenant |
München : les deux tours de l'Église Notre Dame |
Nef et orgue de la Frauenkirche de München |
Tandis qu'à l’extérieur se dressent la façade et les côtés austères de brique rose et rouge, à l'intérieur la haute nef blanche s'élance, soutenue par de gros piliers octogonaux rapprochés qui élèvent les collatéraux à la même hauteur. |
Quelques statuettes de bois représentant les apôtres, des saints et des prophètes, ainsi que plusieurs retables dorés du XVIème, sont fort bien mis en valeur par le dépouillement des murs nus et immaculés. |
Frauenkirche de
München : retable de la Crucifixion
|
Frauenkirche de München : l'orgue |
Frauenkirche de München : la Vierge au manteau |
Ressort aussi le mausolée en bronze (XVIIème) exubérant de Louis le Bavarois entouré de quatre soudards typés. | Frauenkirche : le cénotaphe de Louis de Bavière |
München : les tours jumelles de Frauenkirche |
Centre historique de München et son environnement de montagne |
Contournant l’Ancien Hôtel de Ville Renaissance
à pignon, nous descendons ensuite au Marché aux Victuailles,
très animé, lorsqu'une violente averse nous oblige à nous mettre
à l’abri sous les auvents des boutiques. Charcuteries, buvettes
de bière, fruits et légumes..., la bonne chère abonde ici !
München : Monique devant la Hofbräuhaus (à gauche) |
Passant ensuite la plus vieille maison de Munich (1552), nous arrivons devant la Hofbräuhaus, un étonnant temple de la bière où, sous les voûtes peintes, dans les flonflons d’un orchestre ad hoc, les Munichois - et quelques touristes - se gavent de saucisses et de grandes chopes d’un litre. Ambiance chaleureuse mais prix qui nous semble bien élevé pour la qualité des produits (10 $ le litre de bière, 14 $ les deux saucisses en sauce, etc...). |
Nous renonçons à la "dégustation" et
poursuivons vers la Résidence.
Sur la Max Joseph Platz s’impose d’abord la façade classique
(fronton triangulaire et colonnade) du célèbre Bayerische
Staatsoper (l’Opéra de Bavière). Le long mur Renaissance de la
Résidence, avec son appareillage de pierre en trompe-l’œil, me
semble fort lourd.
En revanche la façade donnant sur la Residenzstrasse a plus grande allure et la porte principale du palais s’encadre entre deux majestueux lions de Bavière et des pilastres nervurés du plus bel effet. Les riches musées qui y logent sont malheureusement fermés (lundi oblige...), peut-être y reviendrons-nous demain. | La Residentz et l'un de ses lions de bronze |
Au bout de la rue, le portique à trois arches
de la Feldherznhalle rappelle les grandes loggia à l’italienne.
Elle offrait une magnifique tribune aux souverains bavarois pour
les fêtes et défilés se déroulant sur la Ludwigstrasse dont elle
ferme la perspective.
Juste à côté, la massive façade de l’église des Théatins nous semble particulièrement étouffante, tout comme la florissante décoration de stucs garnissant son intérieur.
Nous bouclons notre visite par la Kardinal-Faulhaber Strasse. Elle est bordée par quelques beaux hôtels XVIIIème encadrant la façade très indigeste (XIXème) d’une banque, pour enfin nous faire rattraper la Neuhauser Strasse si animée empruntée à notre arrivée.
De retour à notre Aigle, nous sommes surpris de n’avoir écopé ni d’un sabot ni même d’une contravention malgré le dépassement du temps de stationnement autorisé. Comme il est maintenant 17:15 nous abandonnons le centre de la grande ville et gagnons Nymphenburg pour visiter demain le palais d’été des souverains bavarois. Mais les indications sont rares, nous sortons rapidement de la zone représentée sur notre carte et notre compas s’avère insuffisant pour nous mener à bon port. Après un appel aux enfants à Montréal où tout va bien, nous demandons l’aide d’aimables passants qui nous remettent sur le bon chemin.
Contrairement à mon attente, le château et son
vaste parc ne sont plus maintenant à la campagne mais ont été
complètement englobés dans le grand Munich urbain. Je déniche
quand même une petite rue très tranquille au nord du château où
je m’apprête à nous établir pour la nuit. Monique préfère que
nous allions souper devant la très large façade, aussi
finalement dormirons-nous en avant, sur les grandes allées
d’accès désertées la nuit, après avoir effectué un long tri des
multiples cartes postales accumulées depuis notre départ il y a
5 semaines.
Mardi 15 août 1995 : de NYMPHENBURG à VADUZ (Liechtenstein) (251 km)
München : le château de Nymphenburg, son parc et ses bassins |
La nuit est fraîche et le ciel nuageux au réveil : ce n’est donc pas la chaleur du soleil qui nous tire du lit mais le vacarme des autobus amenant les touristes visiter le château. Lever relativement tardif tout de même qui nous mène au guichet de la billetterie vers 9:45. |
Les salles du palais constituent la première attraction; si les peintures de certaines chambres ou salons sont parfois un peu défraîchies, les rideaux, tapis, lustres et surtout les meubles et les tableaux forment une superbe collection, alliant les pièces Louis XV à plusieurs ensembles Empire ou Restauration. | Nymphenburg : la Chambre Verte (XVIIème) |
Nymphenburg : le Grand Vestibule |
Grandiose et très lumineux, le vaste vestibule central occupe à lui seul la hauteur de deux étages et ses portes-fenêtres ouvrent à la fois sur le grand jardin en avant et sur le parc en arrière. |
Nous commençons alors à parcourir l’immense parc cernant le château. Un sage parterre à la française orné de statues de marbre (divinités grecques) et de bordures de fleurs assez raides, tout à fait dans le style versaillais, se prolonge d’un canal rectiligne dans l’axe arrière du château. | Nymphenburg : la grande pelouse à l'arrière du château |
Nymphemburg : cygne devant le temple d'Apollon |
Nous nous enfonçons ensuite dans un vaste parc à l’anglaise où des greens très allongés et légèrement sinueux sont ponctués de grands arbres isolés ou rassemblés en boisés fort bien entretenus. Allées impeccablement empierrées et gravillonnées, sous-bois éclaircis, prairies tondues, arbres convenablement taillés, nous retrouvons la qualité des grands jardins entourant les country houses d’Outre-Manche. Manquent la variété des plantations et des arbustes, la créativité déployée là-bas dans les lignes et les perspectives, mais au moins la base est-elle là ! |
Isolés en plusieurs coins du domaine, des petits bâtiments forment des buts de promenade ou le prétexte à faire le tour des lieux. Nous commençons par la Palm House et l’Orangerie reconnaissables à leurs grandes façades vitrées. Converties en restaurant et en galerie pour expositions temporaires, elles ont conservé une partie de leur décor de plantes grasses et donnent sur une petite roseraie odorante auprès de laquelle sont disposés les tables et les parasols d’un café-terrasse...
À quelque distance le Clos Sainte-Madeleine, une sorte d’ermitage aux murs partiellement décrépis et faussement fissurés comme l’exigeait la mode pittoresque au XVIIIème, abrite un oratoire de style rocaille. A l'intérieur, des murs crépis et incrustés de coquillages, dans le genre "grotte romantique", entourent une statue éplorée et pathétique de Marie-Madeleine. Ambiance austère et mystique que l’on retrouve dans les trois pièces attenantes toutes lambrissées de bois sombre.
Nymphenburg : la Pagode |
Nous nous avançons sous les grands arbres, franchissons un petit pont sur un canal aux eaux dormantes et découvrons alors la Pagode. |
J’en ferais volontiers ma petite maison de retraité... surtout avec la perspective de l’étang peuplé de cygnes et de canards en avant. Nous en faisons le - grand - tour et rejoignons l’axe du Grand Canal que nous suivons jusqu’à son extrémité. Le long plan d’eau rectiligne aboutit aux Cascades, i.e. deux bassins circulaires entourés de statues. Des petits barrages les relient entre eux et au Canal qu’ils alimentent. L’ensemble est agréable et ferme bien la perspective, même si une chute un peu plus haute eût été plus spectaculaire. |
Nymphenburg : les Cascades
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Bassin et cygnes autour du Temple d'Apollon de Nymphenburg |
Nous marchons encore un moment sous les bois pour découvrir un Temple d’Apollon tout rond, dans le style du tholos de Delphes, installé au bord d’une autre grande pièce d’eau. Nous la contournons pour aller visiter le Bain, en fait un autre ravissant bâtiment rococo blanc et jaune contenant une élégante piscine (marbre, fer forgé et stuc bleu et blanc sous plafond peint), deux petits salons et surtout un superbe salon d’apparat grand comme une salle de bal dont je ne me lasse pas d’admirer les stucs délicats et les fresques d’une grande fraîcheur. |
Une dernière marche sous les grands arbres nous amène au pavillon de chasse d’Amalienburg. On entre d’abord dans un chenil de luxe où l’on pouvait garder au chaud, dans des niches encastrées à même les boiseries autour de la pièce, les chiens au retour de la chasse. | Nymphenburg : le pavillon de chasse d'Amalienburg |
Pavillon de chasse d’Amalienburg : la cheminée de la cuisine |
Après une étonnante cuisine entièrement recouverte de carreaux de faïence multicolores à fond blanc, on pénètre dans une enfilade de magnifiques salons aux murs tendus de soie pastel. Si la teinte diffère dans chaque pièce, toutes sont décorées de stucs argentés extrêmement détaillés et riches. Les quelques meubles (tabourets, lits, commodes et crédences) sont pareillement enjolivés, plaqués ou surchargés d’argent. |
La pièce la plus imposante est évidemment le grand salon central. Sous un immense lustre de cristal, le plafond orné retombe en grands panneaux de glaces sertis d’argent entre les fenêtres et les portes vitrées qui donnent sur les façades avant et arrière du petit palais. A une échelle plus modeste, on retrouve ici le luxe et la recherche d'élégance du Trianon versaillais. |
Pavillon de chasse
d’Amalienburg : salle des Miroirs (grand salon
central)
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Le temps de prendre un solide casse-croûte revigorant, et nous décidons de réserver les splendeurs des deux Pinacothèques pour un autre passage à Munich. En route donc vers l’Autriche et la Suisse. Nous rattrapons sans trop de difficulté la route 18 en direction de Lindau.
Coupée de sections d’autoroute, elle traverse d’abord la riche plaine bavaroise : cultures intensives et soignées, petits villages groupés autour du clocher blanc et pointu de leur église. Au bout de 57 km, un arrêt à Landsberg/Lech nous offre un petit tour digestif dans ses vieilles rues pavées bordées de maisons pastel à pignons variés. Rien de bien nouveau pour nous, mais l’ambiance générale est assez "cool" (magasins fermés aux jolies vitrines, nombreux clients joyeux sous les parasols des cafés terrasses...) et les détails pittoresques abondent (enseignes de fer forgé à l’ancienne, oriels, jeux d’enfants dans la fontaine...). Après le plein d’essence avec notre Master Card, nous poursuivons notre descente vers le sud-est.
A partir de Leutkirch nous entrons dans les
Alpes de l’Allgau. Sur les pentes verdoyantes et herbues
paissent d'innombrables vaches laitières. La route devient plus
accidentée, les cimes bleutées et dentelées des montagnes au sud
forment une ligne continue. Nous arrivons près du Bodensee (Lac
de Constance) et passons involontairement la frontière
autrichienne faute de carte détaillée de la région.
Le lion bavarois et le phare à l'entrée du port de Lindau |
Nous retournons sur nos pas pour aller traîner une demi-heure dans les ruelles et sur le quai de Lindau dont Monique avait oublié le pittoresque paysage quasi méditerranéen. Moments bien agréables dans la paix relative du soir (il est 19:30), maintenant que la foule des touristes a déserté le pavé de la vieille ville. Nous hésitons un peu à embarquer pour une excursion sur le lac dans un bateau qui part devant nous, mais le retour à 0:15 nous semble bien tardif, d’autant que nous ne pourrons dormir sur la presqu’île bondée. |
Mercredi 16 août 1995 : de VADUZ au FURKA PASS (178 km)
Principauté du Liechtenstein, château princier de Vaduz |
Dans l’obscurité, il était impossible de prévoir que notre bivouac se trouvait devant le quai de chargement d’un grossiste en bière... Dès 7:00 les camions de livraison défilent, coupant toute velléité de sommeil. Nous traînons pourtant longtemps jusqu'à démarrer enfin vers 10:00 et faire halte en plein centre de la principauté, devant la poste et sous le château. Ses rues léchées sont bordées de boutiques de luxe ou de souvenirs. J’en profite pour m’y procurer l’écusson de rigueur qui rejoindra ceux de la Pologne et de la République tchèque sur le panneau arrière. Comme les uniques curiosités du lieu demeurent la poste (?!) et le château princier non ouvert à la visite, notre promenade tire vite à sa fin et nous reprenons bientôt la route. |
Filant dans la vallée mais bordée de hautes montagnes où l’on aperçoit encore des plaques de neige, elle nous fait suivre en sens inverse le trajet emprunté en 1988 lorsque nous descendions vers la Grèce. Souvenirs qui suscitent un brin de nostalgie puisque nous reconnaissons les sites, monuments et paysages rappelés par les photos et vidéos maintes fois regardés : frontière du Liechtenstein avec ses grosses bornes de pierre sculptée, fontaine de Heidi où nous remplissons aujourd'hui comme autrefois nos bouteilles d’eau potable, et bivouac devant le gymnase à Maienfeld. Les mêmes édredons y prennent encore le soleil sur le même toit... | Monique remplit quelques bouteilles à la fontaine de Heidi |
Nous faisons un plein d’eau cuvette après
cuvette à une autre fontaine coincée dans une ruelle. Dans la
vieille ville de Chur (Coire) le détour par le centre ville,
assez encombré, ne permet pas de retrouver les maisons peintes à
arcades où nous avions commencé à éprouver les rigueurs de
l’hiver alpin. Nous continuons à remonter le Rhin en passant
Reichenau puis Flims et Trun. La route en corniche offre sans
cesse des vues magnifiques sur la vallée encadrée par les cimes
acérées ponctuées de taches de neige.
Disentis et les pentes des Alpes suisses depuis le belvédère |
Juste avant Disentis, je reconnais avec surprise le petit belvédère en bordure de route où nous avions déjeuné au sortir des cols il y a 7 ans : même vue plongeante sur un hameau et sa chapelle baroque à nos pieds, même panorama sur le village groupé autour de son église blanche au milieu de la pente boisée en face de nous. |
Village suisse typique
dans la Vallée du Tavetschal
|
Après la traversée de Sedrun et de ses hameaux de vieux chalets en bois sombres étalés sur les pentes... |
...nous attaquons la longue montée sportive de l’Oberalpass dont les multiples lacets offrent une vue grandiose sur la vallée du Tavetschtal. |
Les lacets de l'Oberalp Pass en avant de nous |
Au faîte de l'Oberalpass
les lacets de la route croisent la ligne de
chemin de fer
|
En
passant le seuil du col, rencontre d’un chalet camping-car
en bois sculpté et discussion avec son constructeur et
propriétaire, un vieux suisse de Zurich. Depuis les 2 044 m du col rempli par un lac linéaire, la route redescend vers Andermatt et, plus loin, sur le val d’Urseren. Nous le traversons ensuite pour aborder ensuite un deuxième col, le Furka Pass, que nous avions dû contourner par le sud en novembre 1988 car il était déjà fermé pour l’hiver. |
La montée est rude, les épingles à cheveux se
succèdent sans répit sur plusieurs kilomètres, offrant des vues
superbes sur la vallée en dessous, jusqu’à ce que nous abordions
la longue rampe au flanc du Galenstock (3 583 m) qui culmine à
notre droite. Nous atteignons enfin le col à 2 431 m : dans le
soir qui tombe, vue superbe en arrière en direction d’Andermatt
et de l’Oberalp mais un peu limitée vers l’avant par la courbe
de la vallée. Comme il est déjà 19:15 nous décidons de
bivouaquer en plein milieu du col. Nous profitons de la vue
panoramique** sur laquelle descend la lumière durant notre
souper, avant que l’ombre et la brume ne viennent tout noyer. Il
fait très frais (9°) et le silence est absolu.
Jeudi 17 août 1995 : du FURKA PASS à NOTRE-DAME DE
BELLECOMBE (242 km)
L'Aigle au bivouac dans le Furka Pass |
Au réveil vers 8:30, nous sommes dans le nuage et il fait 4,7° à l’extérieur. La vue n’a pas l’étendue d’hier soir, mais l'occasion est bonne pour tester le fonctionnement du chauffage... Après la douche bien chaude et le petit déjeuner, nous entamons la descente du col. |
Le Furkapass vers l'ouest : le Val de Conche |
Les vues sur le Val de Conches, les sommets enneigés et les lacets de la route dégringolant en dessous de nous sont époustouflantes : voilà probablement le plus beau col que nous ayons jamais franchi. |
Le Glacier du Rhône et la route du Furkapass depuis la route du Grimsel |
Quelques kilomètres plus loin, l’Hôtel du Belvédère annonce l’extraordinaire point de vue sur le Glacier du Rhône dont le névé bleuâtre qui diminue d’année en année, constitue la source officielle du cours d’eau. |
Un torrent impétueux coule à sa base, d’un vert laiteux mêlé d’écume. Ce sont les premiers déversements du puissant fleuve qui irriguera plus loin le Lac Léman, Lyon et enfin la Camargue. | La source du Rhône, au déversoir du petit lac de morraine recueillant les eaux du Glacier du Rhône |
Monique sur la terrasse devant le Glacier du Rhône |
Ma Lyonnaise jubile et prend la pose sur la terrasse du bazar qui a monopolisé le site. Quelques cartes postales et photos conserveront pour nous le souvenir de ce cirque suspendu grandiose. |
La descente se poursuit avec d’autres points de vue exceptionnels sur les montagnes, les glaciers et la vallée. Celle-ci se resserre un moment puis s’élargit assez pour permettre l’installation de plusieurs bases aériennes de l’armée suisse : on aperçoit les longues pistes bétonnées dans l’axe de la vallée, encadrées par les sommets enneigés et les pentes boisées abruptes, tandis que les hangars à avions camouflés sont recouverts de gazon. | En continuant de descendre le Furkapass, le Glacier du Rhône derrière nous |
Tout près, les petits villages rassemblent leurs chalets de bois sombre débordant de fleurs autour du clocher pointu de leur église : défilent ainsi Münster, Reckingen, Blitzingen où nous avions fait étape il y a sept ans. Puis le Val de Conches se rétrécit à nouveau et entame une longue descente aux virages serrés avant d’arriver à Brig qui ouvre la Vallée de Sion. Un peu inquiet de l’état des freins, je fais changer les plaquettes avant dans un petit garage VAG qui ne peut cependant refaire le parallélisme du train avant, faute de rotule de direction en état (celle de gauche serait à changer...).
Nous poursuivons la route maintenant très
droite et sans relief filant dans la large vallée. Elle longe
le cours du Rhône qui a déjà pris une largeur et un débit
respectable. A Sierre comme à Sion, les garages VAG n’ont pas
le temps de faire la réparation que j’aurais voulu compléter
avant notre retour à Lyon. Il fait maintenant beaucoup plus
chaud et plus humide que dans la haute montagne de ce matin,
l’air nous semble aussi plus lourd et plus dense. Après Sion,
les vignobles sur le flanc nord et les cultures fruitières au
fond de la vallée utilisent chaque parcelle arable; ici la
terre est intensivement cultivée, soignée et exploitée. Nous
déjeunons vers 14:00 à l’ombre rare d’une rangée de peupliers,
devant une "Société d’agriculture" qui sert de coopérative
agricole aux horticulteurs et viticulteurs de la région. Ils y
écoulent leurs fruits et s'y fournissent en engrais,
pesticides, etc.
La petite route des vins nous fait traverser ensuite St-Pierre de Clages, Saillon, Fully et d‘autres villages viticoles perdus au milieu des ceps qui envahissent le moindre espace libre. Au-dessus de nous, la chaîne des Diablerets domine le versant nord, très raide. Quelques courses (cassette vidéo, film et essence) nous permettent de liquider nos francs suisses dans un petit supermarché aux portes de Martigny que nous traversons bientôt. Aussitôt après, les premières pentes du Col de la Forclaz exigent un nouvel effort des 75 chevaux de notre Aigle. A 40 km/h, en 2ème, il escalade sans faiblir les longues rampes et les épingles à cheveux qui nous hissent, au milieu des sapins, jusqu’aux 1 526 m du col. |
Depuis le Col de la Forclas vue sur Martigny, avant de rentrer en France |
Quelques percées à travers les arbres offrent
une vue très étendue sur la vallée de Sion dont la perspective
se perd dans une brume bleutée. Mais le ciel s’est couvert de
l’autre côté de la frontière. Traversée très longue,
pare-chocs contre pare-chocs, de Chamonix puis de St-Gervais
où, pour la première fois depuis deux mois, je me fais
engueuler et klaxonner par des automobilistes impatients et
grossiers. Le temps décevant qui cache les panoramas, la
circulation difficile, la foule et la perspective de la fin du
voyage m’énervent et me désolent, ce qui met à l’épreuve les
nerfs de ma coéquipière. Nous arrêtons un long moment à Megève
pour faire les courses rendues nécessaires par le dénuement de
notre cambuse, puis nous gagnons le village de Notre-Dame de
Bellecombe où nous allons souper puis dormir sur le
stationnement en plein centre.
Vendredi 18 août 1995 : de NOTRE-DAME-DE-BELLECOMBE à ST-JORIOZ (94 km)
Chalet dans les Aravis |
Si la nuit demeure relativement tranquille, en revanche la circulation matinale et les préparatifs d’une "fête des vins de Savoie" nous tirent du sommeil dès 8:00. À l’arrivée de deux autobus de fanfare écossaise (!?), puis de deux autres bus pleins de gendarmes qui débarquent leurs passagers sur le stationnement juste devant nous, nous levons précipitamment le camp. Il est grand temps de redescendre dans la vallée en passant devant les stands de marchands de vin, de fromage et de charcuterie en cours d’installation tout le long de la grande rue. |
Une fois rendus en bas, au seuil des Gorges de l’Arly, nous hésitons un peu sur la direction à prendre mais finissons par dégoter la toute petite route du Col des Aravis. Grimpant rapidement par des virages serrés, elle ne tarde pas à nous offrir des vues grandioses sur les montagnes environnantes dont les masses de rochers gris dépassent des forêts de résineux pour monter à l’assaut d’un resplendissant ciel bleu. La pluie d’hier soir semble avoir lavé l’atmosphère qui paraît plus transparente, elle a avivé les couleurs de l’herbe verte dans les prairies et les taches rouges des géraniums sur le bois sombre des chalets... |
Chalet fleuri dans les Aravis |
Sur la route des Aravis |
Après moult épingles à cheveux nous arrivons au col. Ici pas de vue grandiose comme en tant d’autres endroits similaires. Cependant, lorsque nous grimpons sur un chemin empierré latéral pour gagner le pied d’un contrefort ouest du col, le paysage prend nettement plus de caractère. Nous y déjeunons en trempant une demi-douzaine de croissants au beurre frais dans notre bol de café au lait, délice matinal bien français dont nous avions presque perdu le souvenir... |
Descente accusée ensuite vers La Clusaz traversée sans problème malgré la densité des chalets qui ont poussé dans sa vallée depuis trente ans et en dépit de l’animation des rues étroites du village. En abordant la dernière rampe menant à Annecy, nous bifurquons en direction du Col de Buffy, juste avant le château de Menthon-St-Bernard. La petite route à flanc de montagne longe le lac qu’elle surplombe bientôt. La silhouette caractéristique du château se profile sur les eaux bleues tandis que, sur la rive opposée, déboulent les pentes du Semnoz. Puis la route se faufile sous les bois couvrant la pente, épousant toutes les sinuosités du terrain en montant vers l’ermitage St-Germain. | En descendant de La Clusaz, le château de Menthon-St-Bernard au-dessus du lac d'Annecy |
Talloire et la Presqu'île de Duingt depuis l'Ermitage Saint Germain |
Les vues sur l’ensemble du lac et son cadre de montagnes sont époustouflantes. Nous admirons un long moment le panorama que l’ermite contemplait depuis sa grotte et sa petite terrasse en avant. La modeste chapelle au-dessus présente peu d’intérêt, hormis la vue splendide sur le lac depuis son parvis. |
La modeste chapelle au-dessus présente peu d’intérêt, hormis la vue splendide sur le lac depuis son parvis. |
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Lac d'Annecy : Jean-Paul sur l'aire d'envol des deltaplane au Col de la Forclaz |
La route étroite et sinueuse poursuit l’escalade du Col de la Forclaz (un autre...) que nous finissons par atteindre dans un dernier effort. Depuis la plate-forme de décollage des deltaplanes, vue plongeante sur toute l’étendue du lac, sur la presqu’île de Duingt et sur St-Jorioz en face. |
Avec les jumelles on aperçoit fort bien le chalet l’Adret à moitié masqué par les deux vieux chênes campés au bord de l’eau. Nous traînons un moment dans ces hauteurs en admirant l’environnement magnifique avant de redescendre par derrière, au pied des Dents de Lanfont, jusqu’au bout du lac. | Col de la Forclaz : le lac d'Annecy depuis l'aire d'envol des deltaplanes |
Passant devant un petit garage VAG, je tente une dernière fois de faire réparer et régler le train avant, mais l’absence de pièces et le délai restreint ne permettent pas de procéder.
Quelques minutes plus tard, vers 14:15 nous arrivons au chalet de St-Jorioz. Tout est tranquille dans la grande maison. Jean et Jehanne accueillent Stéphane et Jean-Baptiste pour les vacances, mais ceux-ci sont partis en excursion sur le lac. Jehanne nous sert un casse-croûte pendant que nous rapportons quelques faits saillants et quelques vives impressions de notre grande virée orientale. Puis commencent les habituels rangements, ménages et lavages de nos retours d'expédition. Nos travaux se poursuivent le samedi, en plus de la préparation de la réception du dimanche après-midi qui rassemble oncles, tantes, cousins et cousines séjournant à Couty.
Lundi 21 août 1995 : de SAINT-JORIOZ à LYON (231 km)
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Après un dernier déjeuner d'adieux à St-Jorioz, nous partons pour Lyon avec Jehanne. Nous allons d'abord prendre le café à Couty où Toutou est très fier de nous montrer l'état quasi achevé des travaux qu'il poursuit depuis des années dans sa grange. Nous avons juste le temps d'embrasser Thérèse C. qui arrive de Paris, et nous prenons la route de Lyon que nous atteignons en soirée. Bivouac sur l'entrée devant la maison. |
Lundi 22 août 1995 : SAINTE-FOY-LES-LYON
Les voyages sont bien finis pour cette année. Je passe la journée à aller chercher chez Pithioud puis à installer le réfrigérateur de remplacement. Les travaux durent plus longtemps que prévu car il faut relocaliser les pompes à eau. Je dois laisser finalement l'Aigle en remisage sans résoudre le problème d'alimentation électrique qui empêche le compresseur de tourner normalement : lorsque branché sur le secteur celui-ci ne démarre pas mais cliquette de façon inquiétante, tandis que sur la batterie il ne tourne que quelques minutes comme si la batterie devenait trop faible. Les solutions viendront plus tard... Monique poursuit les lavages toute la journée et nous nous endormons dans la maison.
Mardi 23 août 1995 : de SAINTE-FOY-LES-LYON à MONTRÉAL
Lever tôt pour prendre le taxi jusqu'à
Perrache puis le bus qui nous mène à Satolas. L'envolée sur
Air Club a lieu à l'heure prévue et ce sont Juliette et
Mathieu qui viennent nous accueillir à Mirabel. C'est la fin
des vacances, d'autant plus que je reprends le travail dès le
lendemain...
Outremont, le 30 novembre 1995