Départ de Montréal le vendredi 16 décembre à
20:30. Conduits à l'aéroport par notre ami Gérald Sullivan, nous
quittons notre rue Hartland où quelques guirlandes de Noël
jettent des éclats colorés sur la neige. En attendant
l'embarquement (après 1 heure de retard), nous retrouvons par
hasard Carole L. et son bébé Laurie (14 mois) qui va rejoindre
son "chum" à Lyon pour les Fêtes...
Vol super sur Air Canada où nous ne sommes que 43 passagers dans l'avion... La rangée centrale presque inoccupée nous permet de nous allonger sur les trois sièges contigus, une fois les accoudoirs remontés. Un vrai train couchettes ! Malgré ce repos d'autant plus agréable qu'inespéré, la fatigue se fait sentir en arrivant à Satolas le vendredi midi. |
Dimanche 18 décembre 1994 : de FAREINS à SAINTE-FOY
Nous nous levons fort tard, après une longue nuit qui ne fait encore que nous mettre sur la voie de la récupération... Après le brunch avec les trois filles en pleine forme, Jean et Jehanne viennent nous rejoindre en début d'après-midi. Ils nous apportent un superbe gâteau au chocolat et une bouteille d'Anjou 1957 pour fêter les 40 ans de René-Pierre. De notre côté, nous offrons au beau-frère l'album "Les doigts pleins d'encre", un recueil de clichés de Doisneau commenté par Cavanna. Les instantanés croustillants du fameux photographe évoquent avec une vivacité émouvante nos années d'école et l'atmosphère de l'après-guerre...
Vers 17:00 nous embarquons dans l'Aigle pour rallier la maison de Sainte-Foy. Tour du grand magasin d'Habitat en arrivant à Tassin : les meubles trop classiques et les aménagements un peu "granola" ne nous emballent guère...
La grande maison est encombrée par les affaires d'Anne et Christian qui attendent toujours d'entrer dans leur maison encore en chantier. Justin tousse sans arrêt et Jehanne, malade elle aussi, nous semble très fatiguée. Après une longue conversation avec Jean et Christian sur l'actualité politique devant le foyer du salon, nous finissons par aller nous coucher dans notre Aigle garé sur l'entrée.
Lundi 19 décembre 1994 : de SAINTE-FOY à l'ÉTOILE-SUR-RHONE (152 km)
Encore une fois nous émergeons tard (vers 10:30) d'un sommeil tranquille quoique entrecoupé d'éveils fréquents. Il pleut durant la nuit mais la température assez douce (± 5°) nous évite d'avoir à utiliser le chauffage.
A peine levés, nous descendons en ville pour rencontrer l'assureur du Groupe Dufaud qui nous avait proposé un contrat intéressant il y a deux mois lorsque nous avions voulu changer de courtier. Hélas une erreur de virgule dans la valeur de l'Aigle (je ne me suis toujours pas familiarisé avec les nouveaux francs...) fait que la prime demandée est bien plus élevée que prévu... Vers midi et demi, nous revenons à la maison, déjeunons avec Jehanne et Christian puis réglons avec Eurosud le contrat retardé jusqu'à présent. Monique achève d'empaqueter les cadeaux à expédier à la famille et aux amis, je fais les niveaux et finis de mettre l'Aigle en ordre de marche. Vers 17:30 nous embarquons pour prendre la route du sud.
C'est l'heure de pointe, il y a donc beaucoup
de trafic bien sûr mais lorsqu'on emprunte l'autoroute ce n'est
pas trop gênant. En revanche la nuit tombée depuis un moment
limite la visibilité et me cause une fatigue qui s'ajoute à
celle du décalage horaire pas encore "digéré". Je suis heureux
de m'arrêter pour une heure de courses d'épicerie au "Géant
Casino" de Valence, comme lors de nos autres descentes vers la
Méditerranée les années précédentes. A 20:30 nous reprenons la
route après avoir fait le plein de produits "goûtus" et
délicieux dont la France garde la spécialité... Une dizaine de
kilomètres plus loin, nous allons dormir sur le chemin d'accès
du stade dans le village de l'Étoile-sur-Rhône, juste sous un
lampadaire éclairant la rue où il ne passera personne de la
nuit.
Mardi 20 décembre 1994 : de l'ÉTOILE-SUR-RHÔNE à FONTVIEILLE (159 km)
Nuit parfaitement tranquille qui nous permet de
récupérer pour de bon; nous sommes en pleine forme lorsque nous
nous levons vers 11:45... Après un déjeuner rapide, nous gagnons
Orange sans nous presser. J'arrête sur la Grande Place devant la
Poste pendant que Monique va expédier nos paquets cadeaux et
acheter les timbres destinés aux cartes postales que nous ne
manquerons pas d'envoyer à la famille et aux amis. Au bout d'une
cinquantaine de kilomètres, nous longeons les remparts
d'Avignon.
|
Cette fois-ci il n'est pas trop tard pour visiter le fameux Palais des Papes. Stationnant devant la Porte du Rhône, nous nous enfilons dans les ruelles réfrigérées par le mistral qui a dégagé le ciel dès le matin. Au bout de ce labyrinthe et au-delà de quelques marches apparaissent les pavés de la grande place précédant les hauts murs blancs et crénelés du Palais. Le guide disert nous balade durant une heure dans les salles immenses donnant sur les deux cours carrées autour desquelles s'organise le château. |
Palais des Papes en Avignon : la Porte des Champeaux en façade du Palais Neuf |
Dans le Palais des Papes en Avignon, le Palais Neuf de Clément VI : à gauche l'aile de la Grande Chapelle et de la Grande Audience, à droite l'aile des Grands Dignitaires |
Malgré les vicissitudes des siècles qui ont
décapé les murs couverts de fresques médiévales, les quelques
restes, tout comme leurs dimensions parfois extravagantes,
donnent une idée de la richesse des lieux (et donc des Papes qui
les édifièrent !). C'est particulièrement vrai du Tinel, une
immense salle à manger longue de 57 mètres couverte d'une belle
voûte de bois. Celle-ci a été reconstruite après un incendie au
siècle dernier qui l'a privée de ses d'étoiles d'or appliquées
sur fond d'azur...
Avignon : la chambre du Pape |
La chambre du Pape mérite elle aussi une mention pour ses superbes fresques d'oiseaux cachés dans un entrelacs de branches sur fond bleu-vert... |
Pavage polychrome du studium de Benoît XII (1339) |
Fresque d'oiseaux dans l'entrelacs de branchages sur les murs de la chambre papale |
Après ces trésors, la montée sur la terrasse
déçoit un peu, moins par le vent frisquet qui nous saisit
là-haut qu'à cause du crépuscule qui déjà assombrit l'horizon et
le beau panorama sur les toits de la vieille ville assise au
bord du Rhône.
Retour à la Salle des Gardes servant de billetterie par la chapelle immense puis par la salle de Grande Audience où seule une demi voûte a conservé ses magnifiques fresques du XIVème (les Prophètes).
Musée du Petit Palais d'Avignon : Saint Jean-Baptiste par Paolo di Giovani Fei (1369-1411) |
Avignon : fresque de Matteo Giovanetti sur la voûte de la chapelle Saint Martial |
Le vent se fait encore plus frais lorsque nous regagnons notre Aigle en empruntant les petites rues commerçantes déjà parcourues l'an passé : jolies illuminations, boutiques chic, nobles façades de pierre... Il fait plus chaud dans notre petit intérieur retrouvé sur le stationnement devant le Pont Saint-Bénézet. Pourtant le chauffage ne fonctionne plus (aurais-je débranché un fil en entassant les bidons d'huile dans la soute ?).
Nous repartons dans la nuit noire et gagnons le
village de Fontvieille. Nous comptons y dormir sur la grande
place ombragée de platanes maintenant défeuillés où nous nous
étions arrêtés il y a 6 ans. Mais la pente y est trop forte et
la route voisine trop passante à notre goût. Nous préférons
faire étape sur le stationnement du moulin de Daudet, un
kilomètre plus loin, sous les pins isolés dans la garrigue
provençale. On n'y entend, à défaut de cigales, que le souffle
puissant du mistral.
Mercredi 21 décembre 1994 : de FONTVIEILLE
à PORT-CAMARGUE (76 km)
Nuit calme mais très fraîche : il fait 5° dans
la cabine au réveil vers 10:00, et comme le chauffage ne
fonctionne pas, il faudra le démarrage - très pénible - du
moteur pour tempérer l'habitacle.
Nous quittons les lieux sans même jeter un coup d'oeil au célèbre moulin perdu dans sa garrigue et allons stationner quelques kilomètres plus loin devant les ruines de l'abbaye de Montmajour. La douche bien chaude nous remet en forme, nous avalons une rapide petit déjeuner puis nous gagnons les hautes voûtes romanes de l'abbaye sous un grand soleil amené par le mistral glacial. Énormes piliers carrés de la crypte, vaste étendue nue de la nef très pure et dépouillée... | Nef et chœur en cul-de-four de l'Abbatiale de Montmajour |
Galerie nord du cloître
et chapiteaux (XIIème)
de l'Abbaye de Montmajour |
Le cloître et les quelques salles romanes préservées sont tout aussi admirables quoique l'escalier du réfectoire donne sur le vide, le dortoir au-dessus ayant été détruit pendant la Révolution. Idem pour les bâtiments monastiques du XVIIème, datant de la réforme mauriste, dont il ne reste que les grandioses façades d'ailleurs en cours de consolidation. Demeure le petit oratoire rupestre de Saint-Pierre, très ancien (XIème, peut-être VIIIème siècle) et à moitié creusé dans le rocher de calcaire blanc. Les chapiteaux rustiques soutiennent quelques voûtes massives des plus simples. |
La visite s'achève par l'escalade de la tour de l'abbé, une construction carrée et massive fort semblable à celle du palais des Papes admirée hier. L'escalier étroit en colimaçon ouvre à trois niveaux sur des étages effondrés, laissant apparaître le vaste volume de la construction féodale. Pour finir on atteint la terrasse toute entourée de créneaux avec archères et mâchicoulis, d'où s'étend une vue superbe sur la vallée du Rhône à l'ouest et sur les hauteurs bleutées des Alpilles au levant. | La cour du cloître dominée par la Tour de l'Abbé (donjon du XIIème) |
Teintes rousses et jaunâtres des terres et des bois dénudés, reflets du ciel dans les flaques laissées par les dernières inondations... La lumière est superbe mais le mistral frigorifiant finit par nous chasser des hauteurs. Un dernier coup d’œil aux tombes vides taillées dans le rocher comme des sarcophages, puis nous retraversons la crypte trapue avant de rejoindre l'Aigle stationné au pied de la tour.
Centre du vieil Arles et ses monuments antiques: théâtre, arènes... |
Prochain arrêt : Arles, à une dizaine de kilomètres. La ville est pleine de lumière mais l'heure du déjeuner (il est à peu près 13:00) et le grand vent nous la montrent déserte. Tournicotant dans les ruelles très étroites, nous nous enfonçons dans la vieille ville sans trouver de place pour stationner. Nous finissons par échouer dans la grande avenue (Boulevard des Lices) devant la Poste. Manteau et parka sont de rigueur pour la balade dans les vieilles rues. |
Nous contournons le théâtre antique, fermé à
cette heure mais dont on aperçoit l'essentiel - soubassements
recouverts de sièges modernes et quelques fûts de colonnes
tronqués en mur de scène - à travers les grilles qui
l'entourent.
La place de l’Hôtel de Ville a beaucoup plus
d'allure, même si la façade de Saint-Trophime est encore masquée
par l'échafaudage des restaurateurs à l’œuvre depuis plus de 6
ans. L'intérieur, très sobre et vigoureux, nous montre une autre
église romane du midi, haute, étroite et presque nue. Le cloître
étant encore fermé, nous gagnons le musée Arlaten fondé par le
poète Mistral pour sauvegarder la mémoire de sa Provence
traditionnelle. On y expose beaucoup de vieilleries pas très
belles ni très bien présentées, quelques meubles imposants -
armoires, buffets - qui nous semblent cependant moins élégants
que leurs homologues normands. Encore que...
Les affiches et proclamations de la Révolution, présentes en
grand nombre, sont particulièrement évocatrices de l'agitation
et de la violence régnant à l'époque...
Grande armoire de mariage provençale d'époque Louis XVI, 2ème style d'Arles dit «à la soupière». Le décor sculpté en relief comprend un abondant répertoire végétal et le canthare à deux anses. |
Panetière d'époque Louis XVI : deux pigeons se bécotent sur le fronton couronné de hautes bobèches. |
Ce musée contient assurément beaucoup d'articles étonnants mais à notre avis il aurait besoin d'un grand ménage, d'une nouvelle présentation et... d'un minimum de chauffage ! Il fait en effet très froid dans les trois étages entassés autour de la grande cour carrée, et on se sent quasiment plus confortable à parcourir les ruelles pourtant venteuses qu'à traîner sur ses parquets glacés.
Retour au cloître de Saint-Trophime; j'ai si froid que j'admire à peine le double rang de colonnettes et leurs chapiteaux pourtant suprêmement élégants. | Cloître et clocher de Saint-Trophime à Arles |
De plus la paix des lieux est fort troublée par les cris et les poursuites des enfants qu'on a amenés voir une exposition de crèches provençales. |
Nous nous hasardons quelques minutes dans les belles salles romanes - chauffées celles-ci ! - où toute une série de crèches offre un adorable cadre miniature à une variété de petits personnages colorés. | Au Salon des santonniers, le village provençal |
Salon des santonniers :
l'Homme à la poule (santon traditionnel)
|
En écoutant les histoires de Grand-Père dans la cuisine provençale |
Il ne nous reste plus qu'à faire un tour aux Alyscamps avant de reprendre la route vers le sud. Nous passons la grille donnant accès au célèbre parc funéraire mais attaquons un casse-croûte avant de passer à la visite. A peine desservons-nous notre table que la gardienne s'apprête à quitter les lieux en fermant les portes... Nous découvrirons ce site réputé une autre fois; de toute façon le froid ne fait qu'empirer avec le coucher du soleil.
Jeudi 22 décembre 1994 : de PORT-CAMARGUE au CAP-D'AGDE (137 km)
Grand vent encore cette nuit mais la basse température n'est pas trop à craindre grâce au "coup" de chauffage lancé depuis notre lit avant le lever vers 8:15. Notre quai est entièrement vide dans le soleil levant. Toute la nuit, les vibrations des agrès, le claquement des filins et les autres bruits causés par le mistral encore violent nous ont joué une musique de fond à chaque bref réveil. Douche bien chaude, thé Tuocha à point et plein d'eau sur les vannes du quai. Puis nous passons sur la rive droite du Grau-du-Roi au prix d'un long détour qui nous mène tout près du centre un peu plus animé de la petite ville peuplée de pêcheurs. | Jean-Paul au lever du soleil devant le bassin du Grau-du-Roi |
Site de Maguelonne (XIème) vu du ciel |
Nous suivons ensuite le rivage en contournant les grands développements de la Grande Motte dont les hautes pyramides futuristes déparent cet environnement de marais et de landes basses. Jolies vues sur l'étang de Thau où des bandes de flamands roses se cachent la tête sous l'aile pour s'abriter du mistral... Passent les développements modernes de Palavas-les-Flots pour arriver, tout au bout du lido entre mer et étang, à la vénérable cathédrale de Maguelonne. |
Véritable forteresse aux murs aveugles, épais et scandés de lourds contreforts, elle domine un peu l'étang de Pierre-Blanche dont la séparent quelques rangs de vignes. Une tour carrée en ruines veille à gauche sur la façade, celle de droite a disparu depuis longtemps. | Le petit porche de la cathédrale du XIIème niché entre les 2 tours; seule celle de gauche (la Tour de l'Évêque) a survécu. |
Saint Paul portant l'épée |
Au centre, une petite porte décorée de délicates sculptures dans le marbre blanc donne accès à l'intérieur fort sombre. | Saint Pierre portant les clefs |
La nef et la tribune (XIIème) de Maguelonne : l'autel papal du rite primitif |
Une tribune très profonde recouvre la moitié de la nef; elle était occupée par les stalles du chapitre dont on ne voit plus dans la pierre que les trous d'ancrage, tous les meubles ayant depuis longtemps disparu. Grande sobriété et simplicité des courbes pures du roman. |
L'ancienne cathédrale en partie restaurée est devenue salle de concert et de festival, son site à 15 kilomètres de Montpellier est unique et sa sonorité magnifique grâce à son chœur en cul-de-four. | Chœur en cul-de-four de Maguelonne, avec les dalles funéraires des anciens évêques |
Maguelonne : vue sur les étangs et sur les moures |
L'abri des grands murs est appréciable, surtout lorsqu'il faut ressortir pour faire le tour de l'antique bâtisse aux allures de château-fort et s'exposer alors aux rafales glacées du mistral. Déjeuner pique-nique sur le petit stationnement, avant de prendre la route de Montpellier. |
Nous ne voulons pas visiter de nouveau cette grande ville déjà parcourue durant l'été 1990. Nous naviguons quand même dans ses faubourgs jusqu'au bureau minuscule de l'éditeur de Jehanne; celle-ci nous a demandé de récupérer les invendus de sa biographie de Gabriel Veyre. Le bonhomme n'a pas encore fait son inventaire et ne peut donc satisfaire notre demande. Au moins rapporterons-nous à Jehanne le numéro de téléphone où elle pourra le joindre...
Nous repartons ensuite en direction de Sète. La route superbe passe au pied de la "montagne" de la Gardiole (sommet à 221 m !) et longe les étangs de Vic puis d'Ingril à notre gauche. Ciel et mer bleus, lumière dorée du soleil d'hiver. Nous sommes bientôt à Sète, une grande ville aux allures un peu vénitienne tant ses vieux quartiers aux façades pastel sont parcourus par des canaux peuplés d'innombrables barques et bateaux de plaisance. | Le port de Sète, la ville et le Mont St-Clair vus du ciel; au fond la Corniche et l'Étang de Thau |
Panorama sur le Bassin de Thau depuis le parc des Pierres Blanches |
Nous sommes agréablement surpris par le charme de cette grande vieille ville méridionale, par son animation et par l'agrément des quais longeant toutes ces voies d'eau. La circulation est cependant un peu difficile et je ne suis pas fâché de grimper le raidillon menant au sommet du Mont St-Clair qui domine la ville. Depuis le parc des Pierres Blanches, se dégage un superbe panorama sur le bassin de Thau ponctué d'huîtrières autour de Mèze et de Bouzigues, et sur le lido ou "barre" de sable qui se poursuit au sud-ouest vers Agde. |
Depuis l'esplanade de la chapelle Notre-Dame-de-la-Salette, autres vues pittoresques sur Sète à nos pieds, l'est du Bassin de Thau, les garrigues, la Gardiole et, au loin, les Cévennes. Les couleurs vibrent, surtout lorsqu'un rayon de soleil tardif vient illuminer la scène. | Sète : panorama vers l'est et le centre ville depuis l'esplanade de N-D. de la Salette |
Descente
vive ensuite jusqu'au port où je ne me lasse pas de filmer
des plans pittoresques : chalutier revenant du large
environné d'un nuage de mouettes, pêcheurs raccommodant
leurs filets, barques se balançant devant le i majuscule
du phare... Un dernier détour sur les quais nous
procure les indispensables cartes postales. |
Sur les quais de Sète, dans le bassin des chalutiers |
Le bassin de Sète et son phare en fin d'après-midi |
Nous pouvons alors filer le long de la Plage de la Corniche puis du lido jusqu'à Marseillan. Les flammes du crépuscule se reflètent dans les eaux prisonnières du bassin de Thau. Arrivant à Agde dans la nuit, nous allons faire quelques courses à l'Intermarché local - après une visite édifiante au "BUT" moche et cher. |
Pour finir nous gagnons la nouvelle station du Cap d'Agde. Constructions modernes de qualité, mais tout est vide et la mer inaccessible avec notre camion. Nous tournons un bon moment dans les voies courbes et à sens unique jusqu'à nous engager dans une impasse au bout de laquelle nous découvrons l'arc illuminé du port, tout-à-fait semblable à celui qui nous avait tant charmés à Sanary. Nous décidons de planter là notre bivouac pour ce soir, au bord de l'eau et au milieu des bateaux. | Cap d'Agde : vue nocturne du port de plaisance et de la tour de l'Hôtel de ville |
Vendredi 23 décembre 1994 : du CAP D'AGDE à NARBONNE (ARMISSAN) (87 km)
Le bassin des yachts au
cœur de la ville
|
Nuit très fraîche encore, que le chauffage rend presque confortable au réveil ! Jolie vue sur le petit port envahi par les voiliers: la courbe du quai est bordée de boutiques que dominent des petits immeubles aux façades ocre et variées. Leurs lignes modernes ne font cependant plus illusion au grand jour: elles nous semblent raides et trop régulières par rapport à celles de l'authentique petit port provençal de l'Estérel. |
Quelques 20 kilomètres d'une route rapide qui
longe le Canal du midi bordé de grands arbres et c'est Béziers.
Monique me guide jusqu'à la gare puis jusqu'au pont sur l'Orb
d'où s'offre une belle vue sur la cathédrale et sur le palais
épiscopal à son chevet, perchés sur la colline en face de nous.
Retournant vers le centre de la ville, nous contemplons le Pont Vieux sinuant d'une pile à l'autre tandis que nous franchissons le Pont Neuf puis nous grimpons sur la colline dominant l'Orb. Circulation dense, piétons indisciplinés, voitures abandonnées n'importe où, à moitié sur les trottoirs... Des ruelles encore plus étroites nous mènent à l'esplanade devant la cathédrale St-Nazaire. Un grand soleil avive les couleurs de la courbe verdoyante de l'Orb en dessous de nous et les pierres gothiques de l'église. | Le Pont Vieux sur l'Orb et la cathédrale St-Nazaire à Béziers |
Cathédrale Saint Nazaire et Saint Celse (XIII et XIVème) de Béziers depuis le jardin du Musée |
Lorsqu'on pénètre à l'intérieur, on est frappé par le vaste volume habituel à ces édifices du XIVème malgré la nef réduite à trois arcades. Tout le mur du fond est occupé par un grand orgue au magnifique buffet XVIIème. En sortant, la lumière est superbe mais le froid pénétrant, surtout avec le vent qui souffle en rafales glaciales... Nous nous enfonçons un peu dans les ruelles jusqu'à la place Gabriel-Péri où nous tombons sur les Halles. Plein de liquide à la B.N.P., puis tour pittoresque des allées où sont exposés à la gourmandise des chalands tous les produits du terroir : coquillages et poissons, fruits et légumes, charcuterie et pâtisseries. Je capte à la caméra quelques formes et couleurs, à défaut de goût et d'odeur... Retour à l'Aigle en empruntant le fouillis des ruelles couronnant la colline autour de la cathédrale. L'architecture est ancienne quoique sans charme particulier, n'étaient-ce les hautes façades garnies de linge à sécher, les ruelles ombreuses et sinueuses que le vent n'incite guère à fréquenter plus longuement. |
Nous rembarquons dans l'Aigle, nous faufilons
dans le lacis à-pic jusqu'au bord de la rivière que nous
franchissons précautionneusement sur le Pont Vieux. En route
vers Narbonne. Déjeuner peu après Nissan-les-Ensérune, devant un
vaste paysage de plaine verdoyante coupée de haies se terminant
sur les contreforts des Cévennes à l'horizon. Puis nous filons
jusqu'à Narbonne où nous allons stationner en plein centre,
juste sur la place de l'Hôtel de Ville. C'est un édifice
imposant de style néo-gothique (Viollet-le-Duc a aussi sévi
ici...) encadré par trois hautes tours carrées des XIIIème
et XIVème siècles.
Vis-à-vis, la façade alambiquée du grand magasin "Les Dames de France" abrite maintenant un Monoprix très ordinaire dont nous faisons le tour pour chercher une écharpe introuvable... Nous quittons la grande place animée pour nous enfoncer dans la rue du Pont des Marchands plus encombrée encore. Les boutiques sont attirantes - en particulier une librairie exposant des albums de Doisneau dispendieux et dont nous avons peine à nous arracher - mais un froid de canard nous fait écourter notre balade dans le quartier sud. Nous rattrapons le canal de la Robine dont nous longeons les terrasses où les cartes postales sont trop moches ! Franchie une jolie passerelle fleurie, nous nous retrouvons dans le jardin de l'Archevêché. Énormes tours et murs épais garnis de créneaux, cloître gothique du XIVème sale et abîmé mais belles voûtes des galeries et gargouilles originales en haut des contreforts. Nous entrons alors dans la cathédrale. Étrangement, le chœur seul a été achevé et s'arrête abruptement à l'orée de ce qui aurait dû être la croix du transept par un grand mur aveugle garni d'un orgue énorme. Mais l'ampleur et la hauteur (42 mètres) dépassées seulement par Amiens et Beauvais sont extraordinaires, de même que l'élégance et l'élan de cet essai inabouti.
A deux pas en sortant Monique trouve un
élastique de remplacement pour mon pyjama dans une mercerie qui
semble tout droit sortie du siècle dernier. Les vieilles dames
s'empressent, aux petits soins pour la cliente, les boites de
carton s'empilent dans les grands placards de bois ciré... mais
le personnel est réduit à se dégeler les doigts sur des
chaufferettes de secours !
Il fait quand même plus chaud dans cette boutique que dans la rue - décidément glaciale - que nous retrouvons ensuite. Nous abandonnons peu après notre visite de la vieille ville pourtant sympathique . On y gèle ! Donc embarquement immédiat dans le camion, chauffage au maximum, pour sortir de Narbonne par le sud. Prochain arrêt : la maison-mère de "Narbonne Accessoires" dont nous explorons systématiquement tous les rayons et prenons les catalogues. Si j'avais le temps de bricoler sur l'Aigle, combien de menues améliorations seraient-elles possibles...
La nuit tombe lorsque nous repartons pour
entreprendre le circuit de la montagne de la Clape. Nous évitons
cependant de nous engager dans le petit massif pittoresque tout
garni du vignoble homonyme réputé, de peur de rater quelque joli
point de vue dans l'obscurité, pour aller établir notre bivouac
sur une petite place dans un lotissement du village d'Armissan.
Samedi 24 décembre 1994 : d'ARMISSAN à COLLIOURE (210 km)
Nuit encore trop fraîche à notre goût que le puissant chauffage neutralise rapidement mais qui rend juste tiède l'eau de ma douche matinale. Nous entreprenons le tour de la montagne de la Clape, un petit massif calcaire tout blanc, très vallonné et couvert d'arbustes vert sombre. Les pentes les plus douces et les fonds de combe sont plantés de rangées de ceps de vigne. Ces paysages accidentés nous changent agréablement des marécages plats et semi-désertiques qui ont été notre lot depuis 5 jours... Nous atteignons le bord de la mer à Narbonne Plage, une autre station désertée aux longues rangées de villas quelconques alignées devant la Méditerranée. J'y cherche en vain une vanne fonctionnelle pour y faire le plein d'eau...
L'Aigle sur le quai du nouveau port de Gruissan |
En reprenant le chemin de Narbonne, un détour vers Gruissan nous fait découvrir un autre nouveau port plein de voiliers comme nous en avons tant vu jusqu'à maintenant. Tout est propre, net et sans grande originalité, type B.C.B.G., studio sur l'eau et bateau à quai juste devant... J'y trouve la vanne recherchée et fais le plein, puis nous tombons sur le vieux Gruissan, un authentique village de pêcheurs groupé sur une butte au pied d'une tour à demi ruinée. |
Vieilles maisons, ruelles sinueuses, petits commerces, voilà un bourg autrement pittoresque. Nous découvrons un petit marché campagnard sur la place devant l'école du village. Le vent violent et glacial nous transperce mais nous y trouvons quand même un fort honnête jambon de campagne, du fromage de chèvre frais et du vin blanc typique de la région. Cher, mais délicieux. Réfugiés à l'abri dans notre Aigle, nous dégustons aussitôt notre dîner puis reprenons la route. Elle finit par devenir piste cahoteuse que nous gravissons au pas pour gagner le panorama se déployant depuis la chapelle de Notre-Dame-des-Auzils.
Évitant Narbonne, nous continuons de longer la côte vers le sud. Très agréable - et exotique - détour sur la toute petite route longeant l'étang de Bages et de Sigean. Peu de circulation, un ciel de plus en plus chargé d'où filtrent quand même quelques rayons de soleil illuminant l'étendue d'eau peu profonde. Un fort clapotis anime les flots dans lesquels pataugent d'innombrables oiseaux aquatiques : foulques, flamands roses, grues... Vaste paysage plat et marécageux contrastant avec les petites montagnes bleutées de Fontfroide et de la Clape en arrière...
Puis la grande route, un peu monotone, se
poursuit vers le sud; beaucoup de constructions neuves ont
envahi une nature peu spectaculaire et refoulée par le "progrès
de l'urbanisation", entendons par là la rage d'"aménager" des
promoteurs et le désir des vacanciers insatiables de plage pour
rôtir au soleil. Car à part ce plaisir dangereux (le cancer de
la peau...), que faire d'autre dans ces stations multiples,
identiques, sans saveur ni odeur (sinon celle de l'huile à
bronzer ?). Une mention pour l'immense étang de Leucate dont
nous faisons le tour. Nous grimpons au sommet du Cap Leucate :
près du phare il faut coupe-vent serré et parka hermétique pour
affronter le vent très froid et aller admirer le vaste paysage
côtier. La route file ensuite entre mer et étang. A nouveau
stations modernes et aménagements bétonnés se succèdent
(Port-Leucate, Port-Barcares...), évoquant irrésistiblement la
Floride ou la Costa del Sol pareillement exploitées et
saccagées... Nous évitons Perpignan, espérant trouver peut-être
une température plus clémente en gagnant immédiatement les plus
méridionales des plages françaises (Collioure, Banyuls...).
Le
Canet Plage n'apporte rien de plus à la litanie des
stations nouvelles du Roussillon, tout comme St-Cyprien
Plage : mêmes rangées anonymes et désertes l'hiver,
probablement bondées l'été, de cubes de béton aux teintes
beiges et ocre, petits centres commerciaux "cheap", aires
de stationnement réglementées et aires d'amusement
planifiées... Un détour vers le village de St-Cyprien nous apporte un autre genre de déception : les ruelles manquent de fini, l'architecture pauvre est juste fonctionnelle, sans élégance ni même de pittoresque ou d'originalité, la modernisation de la voirie n'a pas su mettre en valeur le peu d'authenticité qui restait au village. |
À St-Cyprien Plage, coucher de soleil sur les Marines des Capellans, au fond le Canigou (2 785 m) |
Collioure : le port d'Amont et le clocher de Notre-Dame des Anges |
Rassurés,
nous abordons dans la nuit la route de montagne pour
quelques kilomètres très accidentés jusqu'au site
ravissant de Collioure. Les lumières de la petite ville
s'étalent en amphithéâtre donnant sur la mer. Nous
descendons les gradins un à un jusqu'à la gracieuse scène
qu'offrent le port ancien, le Château Royal et l'église
Notre-Dame-des-Anges illuminés. Tentative avortée pour
aller stationner dans le vieux quartier du Mouré trop
exigu, puis sur le quai près de Notre-Dame-des-Anges qui
me semble trop chic et trop exposé pour ne pas attirer les
foudres de la maréchaussée. Pour finir nous nous installons sur le stationnement juste derrière la plage de Port d'Aval, là où la vue sur l'ensemble du site est la plus belle. J'aide Monique à préparer le réveillon offert par Jean et Jehanne (confit de canard et Médoc 1975...) que nous dégustons avec délice. Nous nous endormons ensuite au grand calme, en plein centre de ce ravissant village. |
Nuit paisible bercée par le ressac de la mer à nos pieds qui masque le bruit des quelques voitures passant sur la rue juste derrière nous. Le souper copieux et délicieux d'hier soir a bien passé, le soleil brille et le vent semble beaucoup plus faible que la veille. Nous sommes donc dans les meilleures conditions pour visiter le village tout à fait charmant, promenade qui nous occupera pendant toute la matinée et le début de l'après-midi. | Bivouac à Collioure devant la plage de Port d'Aval |
Collioure : le château Royal et l'Église N.D. des Anges |
Nous longeons le rideau de palmiers bordant la plage du Port d'Aval pour aller contempler l'ensemble du port depuis le promontoire rocheux bornant le côté sud. Devant nous le Château Royal élève ses hauts murs médiévaux couronnés de créneaux, à son pied abrité les Colliourencs endimanchés prennent le soleil devant l'eau bleue tandis que les enfants étrennent leurs jouets tout neufs : poupée dans son berceau, bicyclette ou patins à roulettes... Nous les rejoignons en franchissant la plage et profitons nous aussi de la tiédeur du soleil bien agréable lorsque l'on demeure dans une encoignure à l'abri du vent. |
Puis nous gagnons le Port d'Amont en traversant la tranchée du Douy, un torrent à sec dont on a pavé le lit. Le quai en arrière de la plage Boramar est très animé par la sortie de la messe qui vient de s'achever dans la vieille église massive de Notre-Dame-des-Anges. Enfants qui jouent, adultes qui papotent, vieux qui prennent le soleil, quelques touristes allemands et anglais qui visitent et admirent... nous flânons un long moment en profitant du spectacle, de la grande lumière et de la relative douceur de l'air. Le quai s'arrête en arrière sur la muraille percée d'une porte donnant accès au vieux quartier du Mouré. | Jean-Paul sur la petite plage devant le clocher de N-D. des Anges |
Barques de pêcheurs tirés sur la plage Boramar à Collioure |
Barques amarrées devant le Château Royal de Collioure, dans l'estuaire du Douy |
Une petite incursion dans l'église nous fait découvrir une architecture lourde et sans grâce dont les rares ouvertures laissent passer une lumière ténue. Dans la pénombre, les murs de crépi sont lépreux par endroits (l'église a les pieds dans le port...) mais ses huit chapelles latérales et son maître autel ruissellent d'or : des grands retables finement sculptés occupent tout l'espace, dans un style baroque typiquement espagnol. En sortant nous allons nous asseoir à l'abri de la petite chapelle St-Vincent d'où s'offre un large panorama sur les façades pastel entourant les bassins du port, les murs de pierre du château et les montagnes en arrière. Je pousse jusqu'au vieux phare à l'extrémité de la jetée; tout est ancien, patiné, plein du charme que nous avions trouvé aux villages et ports de la Côte d'Azur et qui semblait tant manquer jusqu'ici à cette portion du rivage méditerranéen. J'admire le fer forgé ouvragé qui soutient la lanterne du phare quelques mètres au-dessus de ma tête, les grosses pierres taillées bien ajustées, le ressac de la mer bleue sur les rochers à mes pieds...
Jean-Paul devant une belle porte Art Déco dans la vieille ville |
Nous revenons ensuite lentement vers l'Aigle en nous enfonçant dans les ruelles de la vieille ville. Elles sont étroites et venteuses, nous ne nous y attardons pas; j'ai cependant le temps d'admirer quelques jolis balcons de fer forgé au travers desquels fleurissent rosiers et géraniums pendant que Monique reluque les bijoux ou autres artisanats d'art exposés dans les vitrines. |
Nous regagnons le quai de l'Amirauté, profitons encore du soleil au pied du château maintenant déserté (il est 12:30 et les Français sont à table pour un bon moment...). Nous-mêmes rentrons dans notre camion pour un solide casse-croûte. | Le clocher de l'église Notre-Dame et le quartier du Moure depuis le Château Royal |
Vue sur la Baie de Collioure en montant vers la Tour Madeloc, près de l'ermitage de N-D de la Consolation |
Puis nous décidons de profiter de ce temps splendide pour faire la balade de la Tour Madeloc. La route tourne le dos à la mer et monte progressivement dans la montagne, très étroite, épousant les courbes de niveau des pentes, difficile et très raide. Mais elle offre des vues admirables sur toute la Côte Vermeille, depuis les stations et plages du Roussillon (Port-Barcares tout au fond, Canet-Plage, St-Cyprien et plus près Argelès-Plage) jusqu'aux petits ports catalans typiques nichés au fond des baies : Collioure, Port-Vendre, Banyuls. |
Les caps très découpés s'avancent dans le bleu
de la Méditerranée qui finit par se confondre avec le ciel. On
aperçoit ainsi le Cap Béar, le Cap Oullestreil, le Cap Rederis,
le Cap Cerbère et, plus loin vers le sud, les montagnes de la
côte espagnole... Le détour vers l'ermitage de
Notre-Dame-de-la-Consolation, petite bâtisse rustique au fond
d'un vallon désert et ombreux, ne vaut guère le
déplacement en cette saison humide et froide.
En revanche l'escalade finale des 652 mètres menant à la Tour Madeloc se justifie pleinement : nous avons rarement vu un tel panorama se déployer sous nos yeux, depuis la côte, ses ports et ses caps déjà cités jusqu'aux forts du XVIIIème couronnant les pentes couvertes des vignes produisant le célèbre vin de Banyuls. A l'ouest, où brille un soleil assez vif mais jaune en ces jours de solstice, se profilent les pentes acérées des Monts Albères, ces contreforts des Pyrénées venant s'arrêter abruptement dans la mer. Magnifique paysage, malgré le vent froid qui pique les joues et rougit nos oreilles découvertes. Que n'avons-nous apporté nos "bonnets d'poil" ! | La Tour Madeloc veillait depuis ses 656 m pour détecter les invasions sarrasines; panorama sur la côte vers le Nord |
Côte Vermeille : au
premier plan le Cap Oullestreil, en arrière le Cap
Béar
|
La descente jusqu'à Banyuls sur la petite route en corniche, dans le soleil déclinant, continue d'offrir les mêmes points de vue superbes sur la côte. Après quelques minutes d'arrêt sur le quai du port de Banyuls envahi par les voiliers, nous nous rendons jusqu'au bout de cette réputée Côte Vermeille. La route longe le beau rivage rocheux découpé entre les Caps Rederis, Peyrefite et Canadel, jusqu'à atteindre la petite ville de Cerbère coincée au fond de son anse. La gare internationale et les voies de chemin de fer ont pris toute la place, les maisons nous semblent quelconques, l'obscurité descend... nous ne nous attardons pas. Nous poussons quand même jusqu'à la frontière espagnole, histoire d'apercevoir le village côtier de Port Bou tout en bas, de l'autre côté du Col des Balitres, puis nous faisons demi-tour. |
Belle vue sur la côte catalane dans le crépuscule depuis le pied du phare du Cap Cerbère, avant de reprendre la direction nord par une toute petite route à flanc de montagne doublant la N 114 empruntée tout-à-l'heure. Elle nous ramène au-dessus de Banyuls en formant une corniche qui domine la côte de très haut. Nous installons notre bivouac à l'extérieur d'un virage en pleine nature, avec une vue grandiose disparaissant dans les derniers rayons d'un soleil rougeoyant. |
Banyuls et la côte vers
le nord depuis la route du Cap Béar
|
Lundi 26 décembre 1994 : de BANYULS à ST-FERRÉOL ERMITAGE (64 km)
Le vent nous a épargné cette nuit mais le froid règne quand même dans la cabine au réveil. Quelques minutes de chauffage et je me sens capable de passer sous la douche hélas tiède car j'ai oublié de refermer la vanne entre les deux réservoirs d'eau froide et d'eau chaude hier... Monique finit par se lever lorsque le déjeuner fume sur la table. Grand panoramique sur Banyuls à nos pieds : la Côte Vermeille magnifique sous le soleil découpe ses caps et ses anses sur fond de mer bleutée; de l'autre côté, les montagnes et, bien au-dessus de nous, la petite pointe de la Tour Madeloc jusqu'à laquelle nous avons grimpé hier après-midi. | Depuis les Monts Albères : Banyuls; au fond les Corbières |
Nous poursuivons la petite route de corniche
descendant jusqu'à l'entrée de Banyuls. Je profite du quai du
port de plaisance pour faire le plein d'eau, puis je stationne
en plein centre devant la place pavée de marbre. Bordée de
platanes pas totalement défeuillés et des façades pastel des
élégantes maisons fin de siècle, elle entoure l'Hôtel de Ville.
Au dessus de la plage, la promenade est ombragée de palmiers et
ponctuée de plantureuses statues sculptées par Maillol qui
naquit à Banyuls en 1861. Quelques autochtones prennent le
soleil en lisant le journal et en discutant. Le tableau est
plaisant et je tâche d'en croquer quelques traits à la vidéo.
Banyuls bien abrité au fond de son anse
Nous
poursuivons ensuite la route de corniche vers
Port-Vendres. Juste en arrivant sur la petite ville, bonne
vue sur l'ensemble du port où les bâtiments industriels en
premier plan gâtent cependant un peu l'harmonie du
paysage. Sans entrer dans la ville, nous prenons
immédiatement la route minuscule menant au Cap Béar. Elle s'élève en corniche, très étroite et sinueuse, pour offrir de superbes tableaux sur le bassin Castellane, ses bateaux, les eaux bleu profond de la Méditerranée blanchies par la houle avec, au premier plan, les fortifications de Vauban. Les édifices blancs et roses de la ville s'étagent en arrière, dominés par les pierres grises et massives du fort St-Elme. Dans la grande lumière découpant toutes les formes et avivant les contrastes, le coup d’œil est superbe |
Jean-Paul filme Port-Vendres depuis la route du Cap Béar |
Le Cap Cerbère |
Peu après nous sommes en vue du sémaphore puis du phare. Le vent forcit mais toute la côte se découvre à nos yeux, du Cap Leucate noyé dans une brume bleutée loin au nord jusqu'au Cap Creus au sud en Espagne catalane. La mer joue dans les rochers de schiste gris loin en dessous de nous, faisant jaillir des gerbes d'écume. Les pentes alentour sont vert émeraude, couvertes d'herbe rase car l'incendie est passé par là en ne laissant que les squelettes noircis des arbustes de la garrigue. Nous descendons jusqu'à l'extrémité du cap barrée par le phare en belle pierre de taille cristalline. Il vient tout juste d'être restauré et lance vers l'azur sa grosse lanterne rouge vif. Passée la petite éminence sur laquelle il est planté, le sentier serpente entre les restes abandonnés de casemates, blockhaus, souterrains et autres fortifications truffant le haut de la falaise. On se croirait sur le Mur de l'Atlantique ! Tout au bout, vue d'une ampleur extraordinaire sur toute la côte. Je suis absolument seul sur ce bout du monde sauvage où seule la silhouette du phare, très architecturé, et les vestiges militaires qui me cernent rappellent l'activité humaine. |
Je remonte tranquillement rejoindre Monique qui, demeurée près de l'Aigle, a découvert une charmante villa toute simple entourée d'un joli jardin méditerranéen pentu dans lequel nous faisons quelques pas. Ses terrasses donnent sur l'Anse Sainte-Catherine toute entourée de falaises à-pic et, au-delà, sur les reliefs de la Côte Vermeille vers le sud, pour l'instant inondés de soleil. Pergola, maison et paysage de rêve... | La terrasse de la maison du Cap Béar donnant sur l'Anse Sainte-Catherine |
Jean-Paul sur le quai du port de plaisance de Port-Vendres |
Après un solide pique-nique dans l'Aigle, nous revenons vers Port-Vendres dont j'admire à nouveau le site, les formes et les couleurs encore plus intenses sous la chaude lumière de la fin de l'après-midi. Le quai du grand bassin, devenu surtout port de plaisance, ne nous retient pas longtemps. Non qu'il soit laid, mais nous avons déjà trop vu cet amas de coque blanches en résine et cette forêt de mâts en duralinox pour être impressionnés... |
Contournant le Fort St-Elme sur son éperon nous parcourons les deux kilomètres à peine qui séparent les deux havres pour retrouver la courbe magnifique de Collioure. Nous nous mettons en quête de pain et de quelques cartes postales, puis nous quittons la Méditerranée pour nous enfoncer vers l'intérieur.
La route longe les hautes pentes des Albères et
suit la vallée du Tech. Partout des vignobles occupent la
plaine, mais à gauche et surtout en face les sommets sont
saupoudrés de neige. Après une trentaine de kilomètres, nous
atteignons la petite ville du Boulou. Plein d'épicerie fraîche à
l'Intermarché; la nuit descend lorsque nous sortons du magasin.
Nous poursuivons la grande route de vallée jusqu'à Céret et là
commençons à prospecter un bivouac.
Repérant sur la carte l'ermitage de
Saint-Ferréol et jugeant la vocation du lieu propice à notre
dessein, nous nous engageons sur la petite route sinueuse qui
grimpe rapidement dans la campagne accidentée. Le crépuscule est
arrivé lorsque nous arrivons au pied de la chapelle. Le site
offre paix royale, magnifique panorama sur les Albères au-delà
de la vallée étalée à nos pieds et vaste esplanade déserte où
nous avons tout loisir de nous installer à notre gré. Petit tour
des vieux bâtiments du XIVème respectueusement
entretenus, puis je médite un long moment dans la chaleur de
l'Aigle en regardant à travers le pare-brise les dernières
lueurs du jour disparaître derrière les montagnes. Une à une les
lumières s'allument sur les pentes qui nous font face et dans la
vallée... Voilà une nuit qui s'annonce des plus paisibles ! Nous
soupons et préparons l'itinéraire des deux jours à venir, puis
Monique fait un peu d'ordre dans les armoires pendant que
j'écris ce journal. Coucher dans le grand silence des montagnes.
Depuis l'ermitage de Saint-Ferréol, Monique contemple le Canigou enneigé |
Étonnamment c'est en nous hasardant dans les montagnes que nous trouvons une température plus clémente ! En effet il a fait beaucoup moins froid cette nuit, et au matin le grand soleil inondant le vaste paysage nous offre une atmosphère presque printanière : plus besoin de coupe-vent pour faire le tour du bivouac, admirer les vieux murs du petit ermitage et de la chapelle attenante. Je ne tarde guère à tomber le chandail pour filmer tout à mon aise la large vallée à nos pieds et les montagnes qui nous entourent. A tout seigneur tout honneur, le Canigou et ses versants attirent surtout mon regard et mon objectif; les autres pentes respectables des Albères l'entourent et forment une vaste toile de fond cernant notre ermitage de St-Ferréol perché sur sa butte au milieu du grandiose paysage. La douceur du temps et l'agrément des lieux (vieux murs, oliviers et cyprès un peu partout alentour) nous invitent au flânage jusque vers 11:30, lorsque nous décidons de repartir. |
En revanche les ruines du château-fort perché une centaine de mètres plus haut attirent notre attention, d'autant plus que la carte Michelin y indique un panorama remarquable. Cela suffit à nous décider à escalader la pente plutôt raide sur laquelle l'ombre d'une plantation d'épicéa a laissé subsister des traces de neige glissante... Là-haut la vue est effectivement magnifique sur la montagne resplendissante et les profondes vallées qui nous entourent. En revanche il reste peu de choses de la puissante forteresse qui couronnait autrefois ce piton : quelques murs branlants, des tours écroulées et comblées, le tracé du rempart, le carré presque rasé du donjon occupant comme il se doit les derniers mètres du nid d'aigle. Après dix minutes à souffler et à relaxer dans l'odeur pénétrante du thym sauvage et du romarin, à respirer le grand air pur de la montagne et à se remplir les yeux d'espace, nous redescendons à petits pas la pente raide... | Jean-Paul grimpe sur les ruines du château de Prunet et Belpuig |
Serrabona perché
dans son maquis désert
|
Des virages qui s'enchaînent à travers le maquis désert, une vallée ombreuse et presque inhabitée puis une longue rampe coupée d'épingles à cheveux nous hissent jusqu'aux solitudes du prieuré de Serrabona. Malgré nos appréhensions et les indications du Guide Vert, ses portes sont ouvertes à la visite en ce mardi. Ouf, notre longue route n'aura pas été vaine ! Revigorés par un bon casse-croûte dévoré devant le grandiose panorama de montagnes et de vallées s'étendant à perte de vue, nous franchissons les derniers mètres menant aux vieux murs dépouillés de la petite église. |
Aucune ornementation extérieure qui pourrait laisser soupçonner la richesse et le raffinement des chapiteaux de la galerie extérieure d'abord, puis de la tribune séparant la petite nef en deux. Le marbre rose a été sculpté de griffons, d'aigles et de personnages d'inspiration orientale avec une fantaisie et un art raffiné absolument étonnants. | La galerie extérieure sud de Serrabona |
La galerie sud de Serrabona |
L'effet est
d'autant plus marquant que le reste de l'architecture
s'avère d'une grande simplicité : voûtes romanes pures
sans aucune ornementation, abside en cul-de-four, quelques
rares traces de fresques polychromes sur les crépis et les
pierres brutes. |
Chapiteaux et façade du pronaos côté nef, symbolisant la terre, le Ciel et l'Enfer |
Chapiteaux et façade du pronaos côté nef, symbolisant la Terre, le Ciel et l'Enfer |
Vu l'étroitesse et la rareté des ouvertures, l'obscurité serait presque totale n'étaient-ce les quelques spots judicieusement disposés qui mettent en valeur les délicats reliefs des colonnettes et de leurs chapiteaux. | L'entrée du pronaos : la tribune de marbre rose côté chœur |
Chapiteau de la tribune du 2ème quart du XIIème : lions affrontés |
Je filme un grand nombre de figures fantastiques disséminées sur les douze piliers, le gros plan mettant fort bien en valeur l'expressionnisme des têtes de personnages ou d'animaux. |
Centaure et lion symbolisant, avec le personnage central, la soumission à la Bonne Parole |
Voûte d'arête et nervures cylindriques des piliers de la tribune annonçant les croisées d'ogive |
Chapiteau de la tribune : Saint Michel à la porte du ciel entouré de 4 archanges |
Façade de la tribune : tête de l'Ange Annonciateur sonnant du cor |
L'Ille-sur-Têt s'étale dans la large vallée dégagée par la rivière torrentueuse. Nous admirons au passage les "Orgues" de la petite ville, de hauts reliefs de terre jaunâtre ravinés un peu semblables à des cheminées de fées, dont l'ocre tranche sur la végétation vert sombre et le schiste brun environnant. | En arrivant à l'Ille-sur-Têt, les « orgues » et le Canigou dans le crépuscule |
Près de Balesta, le ciel
enflammé au dessus du Canigou enneigé
|
Peu à en retenir, sinon la lueur violette du soleil couchant découpant la silhouette de son église et de son château sur fond d'incendie. La pénombre ensuite tombe rapidement sur la campagne tandis que nous grimpons les 507 mètres de Força Réal, une butte dominant assez abruptement la vallée du Têt, où nous avons décidé de passer la nuit. |
Le couchant nimbe de violet tacheté de rose et de marbrures orange vif le ciel en arrière du Canigou, les lumières des agglomérations s'allument dans la vallée. Nous trouvons un espace à peu près plat juste en dessous de la chapelle de l'ermitage de Força Réal; une cale sous une roue pour parfaire le niveau et nous nous installons pour la nuit dans ces hautes solitudes... |
Crépuscule sur le Canigou
depuis l'Ermitage de Força Réal
|
En descendant de Forca Real, la vallée du Têt et le Canigou au matin |
Grand soleil, vent léger et température très douce lorsque je dois sortir pour enlever la cale et déplacer l'Aigle jusqu'à un endroit plus plat davantage favorable à l'écoulement de la douche... Le paysage se déploie encore plus qu'hier soir puisqu'on aperçoit maintenant le bleu flou de la mer à l'est, au débouché de la large vallée du Têt. Son haut cours est encore envahi à plusieurs endroits par des bancs de brume tandis que toujours en arrière resplendissent les neiges du Canigou (2 784 m) et du Puigmal (2 910 m). Il semble même que les surfaces blanchies aient augmenté durant la nuit, mais pour l'heure et à notre niveau (507 m), on se croirait au printemps chez nous... |
Une fois tout mis en ordre dans l'Aigle, nous gagnons la terrasse du relais de télévision d'où l'on peut observer dans toute son ampleur l'immense panorama. Quelques minutes de contemplation émerveillée puis nous embarquons pour dégringoler la petite route jusqu'à Millas au bord de la rivière dans la vallée. Nous en descendons le cours par la voie rapide toute neuve et ne tardons pas à gagner le centre de Perpignan. Beaucoup d'immeubles récents pas toujours de très bon goût, l'impression d'un développement urbain accéléré sans grande qualité ni esthétique. |
En
descendant de Forca Real, la vallée du Têt et le
Canigou au matin
|
Nous décidons de visiter d'abord l'ancien palais des rois de Majorque. Stationnant sous les hauts murs de la forteresse à la Vauban qui l'enserre de ses redoutes et de ses glacis, nous empruntons la grande rampe voûtée en brique et pavée de marbre qui mène à l'entrée du château. On restaure progressivement les jardins - magnifiques, paraît-il - qui avaient disparu sous les fortifications. |
La chapelle haute
du palais
|
Les bâtiments, assez bien rénovés eux aussi, entourent une grande tour carrée sur laquelle donnent deux étages de galeries, romane au rez-de-chaussée et gothique au-dessus. L'ensemble est plus ou moins bien équilibré, mais les dimensions de l'édifice lui donnent une certaine allure. |
La Tour de
l'Hommage, entrée du Palais
|
A l'intérieur, les grandes salles et les tours médiévales ont été soigneusement et élégamment remise en état. Cependant les rares meubles haute époque disposés dans les grandes pièces aux murs de pierre nue contribuent peu à redonner vie aux lieux. | Salle à manger de la Reine |
Monique devant les deux chapelles superposées depuis l'entrée sous la Tour de l'Hommage |
Restent les deux chapelles gothiques superposées en une tour-donjon dominant l'aile du palais opposée à l'entrée. Joliment dessinées, elles montrent quelques restes de polychromies gothiques. |
Il ne reste plus qu'à rejoindre la vieille ville dont nous voulons avoir un aperçu avant de regagner les solitudes montagnardes de l'arrière-pays. Avec quelques difficultés nous trouvons une place sur la Promenade des Platanes, sous les grands arbres défeuillés et les palmiers toujours verts. Après le casse-croûte de rigueur (il est presque 13:00) nous nous dirigeons tranquillement vers le Castillet, une porte fortifiée en brique exhibant créneaux et mâchicoulis, tout ce qui reste de l'enceinte démolie au début du siècle. | Perpignan : les quais de la Basse |
Place de la Loge
de Mer, au premier plan la statue de Maillol « La
Méditerranée »
|
Au-delà, la petite rue Louis-Blanc, très commerçante, nous mène à la Place de la Loge. Elle est bordée par la Loge de Mer, un bel édifice du XIVème qui abritait le tribunal de commerce maritime. Les galeries gothiques courant sous son toit lui donnent presque un air de palais vénitien, tandis que sa girouette en forme de navire souligne la vocation maritime de la cité. Tout à côté, de grandes grilles rondes délimitent la galerie de l'Hôtel de Ville; elle donne accès à une cour à arcades où trône "La Méditerranée", un bronze de Maillol que je filme sous tous les angles. Juste en face, la petite rue des fabriques d'En Nabot, très haute et étroite, mène à la Maison Julien, un hôtel particulier bien restauré mais dont les portes et volets clos empêchent d'admirer le patio à galeries du XIVème. Nous poursuivons par la rue des Marchands qui montre quelques maisons anciennes en encorbellement malheureusement en très mauvais état. |
Pour
finir nous nous retrouvons sur la Place Gambetta, devant la
cathédrale St-Jean. Extérieur de brique assez quelconque,
intérieur très vaste et sombre, sans collatéral, mais la nef
haute et large présente de gros contreforts intérieurs qui
compartimentent des chapelles sur les côtés. Au fond de plusieurs s'élèvent de magnifiques retables dorés malheureusement totalement noyés dans la pénombre. De plus les murs sont sales, noircis, bref on ne peut que deviner les richesses artistiques entassées ici... |
Place Gambetta et cathédrale Saint Jean |
Cathédrale Saint Jean : Mise au tombeau (bois peint du XVIème) |
Cathédrale Saint Jean, autel du Rosaire (peintures du XVIème) |
Dans une chapelle extérieure près de la sortie nous allons méditer quelques instants devant le poignant "Dévot Christ". C'est un grand crucifix en bois sculpté, très réaliste et macabre, datant du début XIVème, surexposant la sensibilité mystique de la fin du Moyen Âge. |
Le
Dévôt Christ de Perpignan
(bois peint du XIVème probablement d'origine rhénane) |
L'Aigle montant vers Quéribus sur son piton |
Plein d'eau sur le robinet du cimetière de Maury avant de grimper au nord vers les 729 mètres de Quéribus, notre premier château cathare en ruines, perché en nid d'aigle. |
Sa tour se confond avec les rochers sur lesquels elle est bâtie, l'ensemble prenant des teintes ocre jaune dans les derniers rayons du soleil. | Coucher de soleil sur le donjon de Quéribus |
Quéribus et son magnifique panorama au matin |
La rampe qui donne accès au sentier menant au château est longue et raide, le crépuscule est presque là lorsque nous stationnons à son pied. Le site est merveilleusement sauvage, la vue imprenable, pas d'hésitation, il ne nous reste plus qu'à grimper... Le sentier à flanc de falaise
rattrape la crête en haut de laquelle s'empilent les
poternes, salles de garde, réserves, grande salle puis
donjon de cette "citadelle du vertige" comme autant de
marches d'un gigantesque escalier. |
A son
sommet, la tour polygonale abrite une haute salle gothique à
pilier central. Certes les murs assez bien préservés donnent
une bonne idée du plan et de l'organisation des lieux, mais
ce sont surtout le site** et le panorama splendide sur la
plaine du Roussillon, la Méditerranée, les Albères et le
Canigou, les massifs du Puigmal et du Carlit qui subjuguent. Nous restons à admirer le spectacle jusqu'à ce que disparaissent les derniers rayons orangés du soleil couchant, avant de redescendre le raidillon dans les dernières lueurs du crépuscule. En arrière, au nord, on aperçoit vaguement l'autre nid d'aigle de Peyrepertuse qui sera notre destination demain matin. Comme la nuit enlève toute visibilité et tout intérêt à la suite du trajet, nous campons sur le stationnement au pied de Quéribus. Calme parfait, silence absolu et solitude prévisible. |
Le
pilier central dans la grande salle gothique de Quéribus
|
Cucugnan au dessus de ses vignes |
Cucugnan sur sa butte, au fond sur la crête Quéribus |
Au loin et à contre-jour, la silhouette du donjon de Quéribus perché sur son piton... |
Nous
remontons aussitôt vers le col du Tribi (344 m) d'où
commencent à se deviner en face de nous les tours de
Peyrepertuse perchées sur une crête rocheuse très loin
au-dessus de la vallée. |
Peu après une bifurcation à l'entrée du bourg de Duilhac-sous-Peyrepertuse, on aborde la longue rampe coupée de quelques épingles à cheveux qui mène au pied de la formidable forteresse. | Le gigantesque vaisseau de pierre de Peyrepertuse au-dessus de nos tête en abordant le site |
L'Aigle stationné au pied de Peyrepertuse, tel qu'on l'aperçoit depuis la Tour de Guet |
Le
soleil inonde la pente orientée plein sud, d'énormes buis
sauvages entourent la cabane où nous prenons nos billets. |
Puis un sentier étroit entrecoupé de marches glissantes fait contourner l'éperon est du château bas, effilé comme une proue de cuirassé. | Façade nord de Peyrepertuse «Tel un navire de pierre...» |
Le donjon vieux et l'église Sainte Marie |
Nous atteignons bientôt la première poterne, passons sous son arc brisé et pénétrons dans la cour basse. |
Les ruines ont été assez bien restaurées pour donner une idée de l'ampleur des fortifications : longue courtine à l'est couronnée d'un chemin de ronde en assez bon état et coupée de deux tours ouvertes côté cour, logement destiné à la garnison avec lavabo et latrines. | Monique devant l'éperon terminant l'enceinte basse |
La nef et le chœur de l'église Sainte Marie de Peyrepertuse |
Un peu plus loin vers l'ouest, en allant vers le centre du site, le donjon comprend plusieurs salles basses voûtées où affleure le roc et les restes biens lisibles d'une chapelle. |
Juste au dessus, plongeant dans le précipice et offrant un magnifique point de vue sur les montagnes, la vallée et au loin le donjon de Quéribus, une tour de guet exhibe une brèche béant vers le sud-est. A l'horizon se distinguent la plaine du Roussillon et la mer... | Le logis du Gouverneur |
Jean-Paul consulte son plan au pied de l'escalier Saint Louis |
Nous traversons ensuite une vaste esplanade assez chaotique pleine de gros rochers glissants et pointus en nous dirigeant vers le Château St-Georges. |
Il domine le château bas d'une soixantaine de mètres et occupe l'extrémité ouest du sommet. | Vue générale de l'enceinte basse depuis le château San Jordi |
Vue générale depuis le château San Jordi |
Un long escalier glissant et taillé dans le roc, l'escalier St-Louis, donne accès à sa poterne puis à ses murs ruinés. On voit encore quelques fenêtres médiévales avec leur banc encastré dans l'épaisseur de la muraille. |
Nous y prenons la pose du guetteur observant l'immense panorama en arrière, puis nous grimpons jusqu'à la plate-forme qu'occupait la chapelle San Jordi (Saint Georges). | Partage de l'ombre et de la lumière sur Peyrepertuse |
Monique contemple le panorama depuis la chapelle San Jordi |
La vue sur le château bas, ses courtines et son donjon est superbe, d'autant plus que le paysage derrière nous s'est encore élargi par rapport à tout-à-l'heure : nous dominons de 796 mètres ce coin de Languedoc. La lumière est éclatante et la température d'une douceur maintenant printanière. Longue méditation sur la beauté de ce monde point trop modernisé ni aménagé, dénué de pollution et d'artifice : air, lumière, rocs et forêts, au loin la mer... |
Il est passé 13:00 lorsque nous prenons le chemin du retour en traversant à nouveau les différentes sections de la forteresse. L'Aigle redescend la côte à travers les vignobles, je prends de temps à autre quelques plans du roc formidable qui rapetisse au-dessus de nous jusqu'à ce que les pierres de l'édifice se confondent avec le rocher natif. | En quittant Peyrepertuse, les vieux murs au dessus de nous |
Pique-nique devant les vignobles dominés par Peyrepertuse |
Nous pique-niquons rendus dans la vallée, avec le massif portant le château en arrière plan, et profitons du temps magnifique pour flâner un peu. Des chevaux noirs s'ébattent dans les près devant lesquels nous nous sommes arrêtés, des paysans taillent leurs vignes, le soleil rayonne, le silence n'est troublé que par quelques cris d'oiseaux... |
Une dizaine de kilomètres de route paisible au milieu des vignobles nous amène à l'orée des gorges de Galamus. La route très étroite (2,50 m, dit le panneau) s'accroche à mi-pente sur la paroi rocheuse verticale. Gris-blanc, moucheté de broussailles, le roc a été entaillé en arche pour permettre le passage des véhicules à la façon d'un demi-tunnel. Monique craint plusieurs fois que nous n'accrochions notre toit tant la voûte paraît basse (3 mètres annoncés sur les signaux...). Quelques brefs arrêts sur les aires de croisement permettent de mesurer la profondeur extrême du sillon, on voit difficilement le torrent couler en bas tandis que les pentes au-dessus de nous s'élèvent à plusieurs centaines de mètres. Passage de trois à quatre kilomètres très impressionnants, malgré la lumière qui commence à baisser. | L'Aigle se faufile dans les Gorges de Galamus |
A l'orée du défilé, beau point de vue sur
l'ermitage niché à mi-paroi dans un énorme creux
du rocher. Nous arrivons alors à
St-Paul-de-Fenouillet, dans la large vallée où
la Boulzane rejoint l'Agly. Stationnant près de
la petite place entourée de platanes où un
groupe de vieux discute devant le Monument aux
morts, nous cherchons - en vain - une
boulangerie ouverte. Cette course nous aura
permis de découvrir les ruelles étroites et
pittoresques sinon élégantes du village. Les
maisons sont pauvres, les façades décrépites,
seule la pharmacie, installée dans un bel hôtel
en pierres de taille, tranche sur la modestie
des autres bâtisses. Je me perds dans les
ruelles en cherchant à entrer dans le chapitre
dont le gracieux campanile domine les toits.
Pendant ce temps Monique bouquine dans la Maison
de la Presse où elle a découvert un autre livre
consacré à Doisneau...
Lorsque le jour
tombe, nous repartons sur une grande route
filant à travers les vignobles. Nous
décidons d'aller dormir au pied de
Puilaurens, un autre "château du vertige"
perché au-dessus du village de Lapradelle.
La grimpée sur la route étroite jusqu'au
départ du sentier ne convainc pas Monique de
se lancer à l'assaut de cet autre nid
d'aigle. Pourtant son donjon et ses murs
crénelés me paraissent pleins d'un
pittoresque prometteur... mais il fait déjà
trop sombre pour se hasarder sur le sentier
pentu. J'écoute la voix de la raison et
redescends dormir au pied de la crête,
devant la petite église du village.
Jeudi 30 décembre 1994 : de PUILAURENS à MINERVE (128 km)
Temps gris et frais au lever. Monique se fait
montrer l'intérieur du presbytère devant lequel nous avons passé
la nuit par le paysan qui le loue à la commune. C'est une belle
grande maison traditionnelle en trois corps plus ou moins
indépendants qui lui plaît fort malgré son état assez dégradé.
Elle s'y voit aubergiste ou louant des chambres d'hôte... Le vieux
monsieur, qui fait aussi office de gardien, nous ouvre ensuite la
petite église : elle a été complètement restaurée il y a deux ans
et son retable de bois doré encadré de quatre magnifiques panneaux
sculptés brille sous les projecteurs. Superbe. Pendant que nous
admirons les lieux, le discours de notre hôte nous trace un
portrait plutôt amer de sa petite communauté rurale désertée par
tous les jeunes. Les vieux s'éteignent les uns après les autres
sans que personne ne reprenne leurs terres qui tombent en friche.
Seule la forêt, propriété communale, génère encore quelques
revenus permettant d'entretenir le village. Même le bûcheronnage
est accompli par des étrangers, des Espagnols ou des Portugais
qui, équipés d'engins et de tronçonneuses, font en un mois la
besogne qui occupait autrefois plusieurs autochtones à temps
plein.
La route de vallée, assez encaissée surtout lorsqu'elle franchit le défilé de Pierre-Lys, descend le cours de l'Aude et file assez vite vers le nord. Quillan, Couiza... Arrêt dans le joli village d'Alet pour faire le plein d'eau potable à la source d'eau minérale qui fume un peu dans l'air frais. Puis je remplis les citernes de l'Aigle sur un robinet du camping, ouvert mais seulement occupé par une Anglaise en train de faire sa lessive...
En vue des remparts de Carcassonne émergeant au milieu des vignes... |
Nous poursuivons notre route jusqu'à ce qu'enfin se profilent, dans un vaste paysage où la vigne a préséance, les remparts et les tours de Carcassonne. |
Carcassonne au printemps
Carcassonne entouré de ses tours et remparts |
Sous le soleil un peu timide la vue impressionne, tant par l'étendue de la ville fortifiée que par l'état quasi parfait des murs, des toits pointus et des ouvrages d'art (restaurée à partir de 1850 par Violet-le-Duc). |
Nous stationnons dans le grand parc juste au-dessous de la Porte Narbonnaise précédée d'une barbacane et entourée de deux grosses tours rondes. Déjeuner puis départ pour la promenade. |
Les remparts et le Palais comtal de Carcassonne |
A peine passés les remparts, nous sommes fâcheusement impressionnés par le côté excessivement commercial des lieux. Partout ce ne sont que magasins "cheap" bradant cartes postales et souvenirs de plastique d'un mauvais goût également écœurant. Les rues sinueuses sont bordées de maisons sans style dont les façades platement crépies sont envahies par des publicités, partout les restaurants tentent d'attirer les touristes en des murs parfois assez joliment restaurés. Bref la balade intra muros s'avère fort décevante et nous ne la prolongeons pas au-delà de cette rapide découverte. | Rue dans l'axe de la Porte narbonnaise |
Carcassonne : la Porte Narbonnaise |
Monique préfère retourner se reposer dans l'Aigle pendant que je me lance dans le tour des "Lices", cette couronne délimitée par les deux lignes concentriques de remparts qui entourent la vieille ville (voir photo aérienne supra). Même si le chemin de ronde longeant la courtine extérieure est souvent coupé de grilles qui barrent l'accès des tours et obligent à faire de longs détours, c'est quand même depuis son étroit dallage qu'on a la plus belle vue sur le rempart intérieur, ses tours rondes ou carrées et l'arrière du Palais comtal. |
Au-delà
des créneaux, de l'autre côté, la vue porte sur les toits
roses de la vieille ville et sur l'horizon limité par la
frise des Montagnes Noires au nord, des Corbières à l'est et
enfin des Pyrénées au sud. Fort peu de touristes pour cette
marche de près d'une heure qui me semble finalement
l'intérêt majeur (et peut-être le seul) de cette ville
pourtant fameuse. Mais le ciel se charge de plus en plus et je dois abriter la caméra des gouttes lorsque je prends un dernier plan de la Porte Narbonnaise après avoir bouclé mon parcours. Nous quittons donc la Cité sans grands regrets; pour se consoler Monique va jeter un coup d’œil aux tissus d'un magasin de gros, au cas où elle trouverait un tissus "quétaine" que Juliette lui réclame pour son prochain pyjama... |
Montée de la Porte d'Aude et tour du Petit canissou. Au fond la tour du four Saint Nazaire, la tour de l'Évêque et celle du Grand Canissou |
Notre route suit rapidement la vallée de l'Aude en longeant le canal du Midi. Dans plusieurs villages comme Marseillette ou Homps, des petits ports de plaisance abritent pour l'hiver toute une flottille d'"house boats" qui n'attendent que la belle saison pour reprendre leur vagabondage sur ces eaux paisibles bordées de grands arbres. A Olonzac nous bifurquons vers les monts du Minervois. Comme toujours, la vigne occupe toutes les terres disponibles, laissant le reste de la caillasse à une maigre garrigue où poussent sans ordre de petits chênes verts et toutes sortes d'herbes odorantes. Nous parcourons rapidement le plateau aride pour tomber brusquement sur le canyon de la Cesse, juste à l'entrée de Minerve.
Le village de Minerve perché sur sa falaise |
Coup d’œil inattendu et fort pittoresque : les pierres jaune ocre et les tuiles rose pâle du village ancien couronnent un promontoire isolé par le confluent de la Cesse et du Briant. Les gorges sont profondes et à-pic, confinant les vieilles maisons en une forteresse où se réfugia en 1210 un groupe de Cathares. Il fallut que la troupe de Simon de Montfort (7 000 hommes) mette le siège sous ses murs et démolisse, à coup de catapulte, la protection du chemin couvert donnant accès au puits St-Rustique pour forcer la population assoiffée à capituler après 5 semaines d'encerclement. |
Au pied des falaises entourant Minerve, le bivouac de l'Aigle |
Descendant
au bord de la rivière, nous allons installer notre bivouac
à deux pas du puits en question, sur une terrasse formée
par le confluent des rivières au pied de la falaise.
|
Tout impressionné par la dramatique histoire qui se déroula ici au XIIIème siècle, dans la solitude et l'ombre de plus en plus accusée par le crépuscule, je m'approche du puits dominé par les ruines du rempart et traverse la rivière sur un pont branlant fait de deux troncs d'arbres réunis. Puis je grimpe sur la falaise opposée jusqu'à la reconstitution de la catapulte installée au milieu de la garrigue et face aux maisons du village. |
Les falaises et
les maisons de Minerve au dessus du bivouac de
l'Aigle
|
Samedi 31 décembre 1994 : de MINERVE à CAUSSES-ET-VEYRAN (56 km)
Balade dans les
ruelles de Minerve
|
Il fait un peu froid et les nuages alternent avec le soleil lorsque nous émergeons. Dans la grande lumière nous faisons de nouveau la balade jusqu'à la catapulte; du haut de la falaise se découvrent l'ensemble du village, ses maisons étagées jusqu'au campanile de l'église et les restes de la forteresse devinée tout-en-haut devant nous. Nous redescendons jusqu'à la rivière, longeons de nouveau la base de la falaise à-pic sous les vestiges du rempart puis gravissons l'ancien chemin muletier empierré menant à une vieille porte ogivale. Derrière, un fouillis de ruelles en zigzag vadrouille entre les anciennes maisons. |
Plusieurs ont été joliment restaurées, les autres ont gardé leur caractère paysan sans apprêt ni manières, mais surtout on ne trouve aucune boutique de souvenirs ou de cartes postales... La terrasse du café est fermée, l'hôtel près de l'église garde à l'intérieur son agitation, bref on sent ici un réel parfum d'authenticité confirmée par l'apparence des quelques paysans ou vignerons rencontrés entre les vieux murs. L'environnement naturel grandiose ne fait qu'ajouter à la beauté de lieux. | Balade dans les ruelles de Minerve |
Monique contemple les reste du château et l'église de Minerve au-dessus du village... |
La petite église est fermée (par crainte de vandalisme, indique un petit papier...) mais sur son parvis une stèle émouvante évoque le souvenir des 180 Parfaits martyrisés. Du château à cheval sur l'isthme reliant au reste du plateau l'éperon où est bâti le village, ne demeure qu'un unique pan de mur étroit perché sur une table rocheuse inaccessible. Il ne nous reste plus qu'à parcourir les même charmantes ruelles en sens inverse (en examinant au passage quelques maisons à vendre et à restaurer...) puis à redescendre dans le vallon. |
Nous
nous engageons dans son lit aux trois quart asséché,
pénétrons sous la large voûte en sautant de pierre en pierre
et nous retrouvons alors sur un banc de gravier s'enfonçant
dans l'obscurité. On devine vaguement en amont la lumière de
l'autre bout du tunnel, à plus de 300 mètres. Dans cette
atmosphère un peu mystérieuse nous sommes surtout étonnés
par l'ampleur de la cavité qu'a dégagé l'eau dont le cours
paraît pourtant si maigre aujourd'hui... Nous repassons le gué sans trop nous mouiller les pieds et regagnons notre Aigle pour reprendre la route. Nous ne négligeons pas d'aller contempler, mais de loin cette fois, le Petit Pont, un autre tunnel naturel que la Cesse a creusé en amont du village dans un site encore plus sauvage. |
Monique patauge sous le Grand Pont creusé par la Cesse aux abords de Minerve |
Vallée de la Cesse en quittant Minerve |
Nous descendons alors la vallée de la petite rivière, en fait un canyon abrupt qu'elle a griffé dans le plateau désertique parsemé de vignobles au milieu du maquis. Le relief s'assagit, nous entrons dans le terroir de St-Chinian aux pentes adoucies. A nouveau les ceps envahissent tous les lopins favorables, des vignerons taillent les sarments, des feux de bois mort fument ici et là. |
Finalement nous arrivons à Causses-et-Veyran vers
16:00. Nous tournons un moment dans le gros village vinicole
embarrassé par un chantier de voirie avant de trouver la nouvelle
demeure de nos amis Michel et Marie-Jo. C'est une vaste maison
bourgeoise bâtie au début du siècle par un riche vigneron. Ils ont
entrepris de la rénover et de lui redonner son luxe un peu
tapageur. Les pièces sont immenses, le plafond culmine à plus de 4
mètres, l'immense escalier d'entrée est tout décoré de faux
marbre, etc...
Accueil aimable de ces ex-Québécois dont la fille Charlotte nous avait accompagnés en Angleterre en juillet 1994 avant que Juliette vienne passer une partie de l'été dans le village perdu au retour des deux filles sur le continent. Visite des trois étages, des chambres de bonnes grandes comme notre salon aux caves contenant encore cinq immenses foudres qu'il faudra démolir sur place faute de pouvoir les sortir par la porte cochère pourtant respectable... Puis Monique rejoint les femmes à la cuisine pour préparer les amuse-gueule du buffet, tandis qu'inutile en ces lieux, j'échange un peu avec Michel. Il se dit enchanté par ce retour à un art de vivre européen qu'il apprécie, malgré toutes les difficultés et tracasseries qu'il doit affronter dans ses relations avec l'administration : immatriculation de son auto apportée de Montréal, souscription et cotisation à une assurance santé, etc.
Vers 21:00 la dizaine d'invités attendus commence à arriver et la soirée se déroule alors comme il se doit, dans la musique de fond et la fumée des cigarettes, les discussions et le grignotage de tous les plats préparés en après-midi. Les bouteilles défilent et ne se ressemblent pas, les assiettes se vident et se remplissent, les interlocuteurs changent, tout le monde s'embrasse à minuit et trois minutes... et nous quittons le grand salon bien fatigués vers 1:00 du matin pour aller dormir comme des bûches sur le stationnement du stade municipal. | Aux 12 coups de minuit de la Saint Sylvestre... |
Dimanche 1er janvier 1995 : de CAUSSE-ET-VEYRAN à ANIANE (98 km)
La température est assez clémente lorsque nous émergeons pas trop frais vers 10:30... Je me sens le foie plutôt mal en point après les libations variées d'hier soir, et Monique a autant de mal à se réveiller. Nous sommes quand même à l'heure convenue devant la maison de Michel pour charger notre lit en laiton et quelques autres effets qu'il avait gentiment accepté de joindre à son déménagement au printemps dernier. Il faut démonter le rebord du lit haut de l'Aigle et bien calculer notre affaire pour que tout rentre au centimètre près... Nous en serons quittes pour utiliser les banquettes convertibles de la dînette comme couchage jusqu'à notre retour à Lyon.
Jean-Paul fait le plein bidon après bidon à la fontaine de Salasc |
Nous finissons par faire le plein d'eau sur la fontaine du hameau de Salasc. Cadre adorable que la vieille fontaine ronde aux quatre becs déversant leur eau limpide dans le bassin où glissent quelques poissons rouges... |
Mais les dix bidons remplis à la suite, dans les rafales du vent frisquet qui font gicler les éclaboussures, finissent par transformer la scène rustique en une véritable corvée... Le chauffage de l'Aigle poussé au maximum séchera au moins partiellement mes runing shoes percées et le manteau de moumoute de Monique. |
Plein d'eau sur la
place de Salasc
|
Le village de Mourèze accroché à la colline à l'orée du Cirque |
Quelques
kilomètres encore de route exiguë et nous apercevons le
panneau "MOUREZE". Le hameau est minuscule; ses quelques
maisons de pierre traditionnelles se rassemblent autour de
sa vieille église romane à campanile, sous la terrasse où
l'on aperçoit encore quelques pans des murs de son
château. Un vrai décor de crèche de Noël auquel il ne
manque que les santons... |
Mais l'attraction ici bien sûr, c'est le cirque. De fait, lorsqu'on traverse la ruelle constituant l'unique artère du village, on se retrouve dans un immense chaos de roches à moitié érodées dispersées dans un maquis épars au flanc d'une colline semi-circulaire. De hauts blocs forment comme des bornes entre lesquelles on circule un peu au hasard, dans un paysage qui évoque un peu l'Ile de Pâques et ses monolithes abandonnés à flanc de colline... | Au centre du cirque de Mourèze, monolithes et buissons... |
Monique au pied d'un monolithe du Cirque de Mourèze |
Paysage fantastique creusé, usé, érodé, dû à la composition très friable du sol constitué de dolomie (mélange de sable et de calcaire soluble dans l'eau qui désagrège la roche de façon très irrégulière). Les rayons bas du soleil déclinant accusent les reliefs et les formes tourmentées des rochers et font ressortir le contraste entre la pierre blanchâtre et les touffes vert foncé du maquis. |
Nous errons un peu au hasard jusqu'à nous sentir pénétrés de l'étrangeté des lieux et avoir trouvé plusieurs points de vue révélant le vaste amphithéâtre disposé autour de nous. | Jean-Paul erre parmi buissons et monolithes du Cirque de Mourèze |
Le soleil descend sur le Cirque de Mourèze |
Le vent me paraît d'autant plus frigorifiant que je me ressens des abus de la veille et n'ai pas l'impression d'avoir retrouvé toute mon énergie. Puis la lumière diminue brusquement et le froid s'installe carrément lorsque le soleil disparaît de l'autre côté de la montagnette derrière nous. |
Bien abrités sous notre grosse couette, nous avons passé sans dommage cette nuit plutôt fraîche. Mais le ciel roule encore de gros nuages porteurs de pluie lorsque j'entrouvre les stores vers 9:00. Pour trouver du pain frais à la boulangerie, je parcours les ruelles étroites et sinueuses du centre du village dont les maisons méridionales se groupent autour de la vieille église.
Nous reprenons alors la route qui suit étroitement le cours de l'Hérault. A partir du Pont du Diable, datant du XIème siècle, la rivière au débit capricieux s'est taillée une vallée assez spacieuse mais ses parois rocheuses sont assez raides et décapées pour impressionner. Nous dépassons la grotte de Clamousse, intéressante mais fermée en cette période de l'année, pour nous arrêter plutôt devant le village de St-Guilhem-le-Désert. | Moulin sarrasin construit solide pour résister aux crues de l'Hérault |
Dès l'abord, l’œil est attiré par la belle abside romane de la salle communale (inspirée de l'abbatiale) qui domine l'entrée du bourg et le stationnement au-dessus de la rivière. | L'abbatiale de Saint Guilhem (IXème et Xème siècle) dans le val de Gellone |
Sur la rue sinueuses de St-Guilhem la maison romane de la Chapelle des Pénitents blancs |
Mais c'est lorsqu'on s'engage à pied dans sa longue rue constituant son unique artère, le long du torrent qui l'irrigue et va se jeter plus bas dans l'Hérault, c'est lorsqu'on chemine entre ses façades de pierre très anciennes et restaurées, remarquant ici un chapiteau entre deux fenêtres géminées, là un porche très pur ou une magnifique porte ancienne, qu'on apprécie la qualité particulière du lieu. |
La promenade charmante se poursuit, riche en découvertes, jusqu'à ce qu'on atteigne, quelques centaines de mètres plus haut, l'abside de l'abbatiale. Elle est d'une grande pureté romane, un peu trapue mais équilibrée par ses deux absidioles. Leurs formes sont semblables, seul le détail de leur décor toujours très sobre les individualise. Impressionnant. | L'abside et ses deux absidioles symétriques mais différentes |
La Place de la Liberté et ses vieilles voûtes devant l'entrée de l'abbatiale |
Arbre de la Liberté et fontaine devant l'entrée de l'abbatiale de Saint Guilhem |
La sobre nef romane et les grandes orgues baroques (1782) de J.P. Cavaillé |
Nous goûtons un moment le charme des lieux, leur douceur sous les rayons du soleil capricieux, avant de nous laisser attirer par l'église. Austérité des murs de pierre nue, lignes puissantes mais très sobres du roman mature, alliées à une douceur quasi italienne, splendeur baroque des grandes orgues de J.P. Cavaillé sur leurs tribune ocre. Très peu de mobilier, sinon un superbe autel d'albâtre du XVIIIème finement sculpté. Cette abbatiale constitue un ensemble simple, sans aucune surcharge, qui rejoint tout à fait notre sensibilité contemporaine quasi minimaliste grâce à ce mélange de très beaux éléments anciens rassemblés dans un cadre sobre aux lignes affirmées. |
Le vent très froid nous saisit lorsque nous ressortons; je regrette alors de n'avoir pas pris mon coupe-vent lorsque nous parcourons en sens inverse la grande rue. Quelques emplettes de cartes postales, toutes superbes, quelques derniers plans vidéo en abritant l'objectif des gouttes éparses, et nous reprenons la route de gorges. | Cloître de l'Abbatiale de Saint Guilhelm-du-Désert (IXème et XIème) |
Les Gorges de l'Hérault... en été ! |
Elle nous offre encore de beaux points de vue sur la rivière et son haut cours élargi par quelques barrages. Puis nous grimpons sur le plateau culminant à 300 m par une suite interminable de virages qui dégagent de belles perspectives sur les montagnes de la Séranne au nord-ouest. Nous redescendons progressivement dans la vallée de l'Hérault jusqu'à affronter, à St-Bazille-de-Putois, la haute falaise du plateau de Thaurac. C'est sur son flanc que s'ouvre le tunnel donnant accès à la fameuse Grotte des Demoiselles. Cette curiosité*** sera notre prochaine étape. |
L'escalade jusqu'au pavillon d'accueil, à mi-hauteur de la falaise de calcaire blanc et ocre éclatant de soleil, parmi les cyprès et le jardin méditerranéen exposé plein sud, est déjà source de beaucoup de plaisir. Elle s'agrémente d'une fort belle vue sur les courbes de la rivière, vue qui prend encore plus d'ampleur au cours de la montée. |
La Méduse de la Grotte
des Demoiselles
|
Le circuit très aisé à parcourir monte et descend dans les différentes salles en variant les angles, faisant découvrir à chaque tournant une autre merveilleuse réalisation de Mère Nature. Un éclairage discret met parfaitement en valeur les étonnants reliefs et souligne la profondeur, la hauteur, le recul des volumes les uns par rapport aux autres. |
Jean-Paul dans la
Grotte des Demoiselles
|
Ces premières impressions sont décuplées lorsqu'un ancien boyau élargi pour offrir un passage suffisant débouche sur la grande salle justement nommée "la Cathédrale". Depuis la petite terrasse en surplomb, ses dimensions frappent d'abord : 120 mètres de long, 80 de large et 50 de hauteur. Ces proportions imposantes, les énormes colonnes naturelles disposées alentours qui semblent soutenir la voûte, le silence impressionnant que brisent parfois quelques gouttes d'eau, et jusqu'à la légère brume qui flotte dans l'atmosphère et que l'on devine à travers les lucioles dispersées un peu partout, tous ces éléments composent le saisissant tableau d'une véritable cathédrale. | Grotte des Demoiselles : la Cathédrale |
Grotte des Demoiselles : la « Vierge à l'Enfant » |
On descend par paliers jusqu'au centre de la grotte où trône l'élégante stalagmite de la Vierge à l'Enfant juchée sur un piédestal de calcite blanche. Sa pâleur accusée par le rayon d'un projecteur bien placé contraste avec le fond sombre que l'on devine à peine. |
En revanche la lumière dorée met remarquablement en valeur l'imposant buffet d'orgue qui décore la paroi nord de la salle. Le guide à l'accent coloré et au discours pince-sans-rire attire notre attention sur quelques belles draperies ou sur d'autres reliefs typiques. Nous quittons enfin les lieux, émerveillés par le raffinement irréel de ce décor de pierre. |
Grotte des
Demoiselles : le Grand Orgue
|
La lumière a beaucoup diminué lorsque nous atteignons les
faubourgs de Nîmes. Nous décidons de faire étape en ville et
d'aller installer nos pénates au pied de la Tour Magne qui
domine les toits, tout en haut du Jardin de la Fontaine que
nous avions renoncé à gravir il y a 4 ans dans la canicule de
l'été 90. Les sens obligatoires et les ruelles inaccessibles à
notre gabarit nous font faire deux fois le tour du centre
ville, sur les boulevards qui remplacent les remparts démolis.
Nous finissons par nous démêler et nous faufiler jusqu'au
sommet du Mont Cavalier. Le petit parking prévu nous y attend.
Dans les feux du crépuscule, je vais reconnaître les lieux :
la grille du parc est encore ouverte et je me rends jusqu'au
pied de la haute tour dont la maçonnerie octogonale m'étonne
par sa perfection. Mais il souffle un furieux mistral glacé,
la neige masque à moitié l'herbe des pelouses... Je me hâte de
rentrer me réchauffer dans l'Aigle où nous soupons avant
d'écrire le journal des trois derniers jours. Nous dormons
bien mais le chauffage qui restera allumé toute la nuit est
apprécié.
Le froid ne fait que s'accuser avec un mistral toujours très fort qui a au moins le mérite de dégager complètement le ciel. Une petite plaque de glace s'est même formée sous le réservoir d'eau chaude dont la purge perd quelques gouttes... Enfilant coupe-vent et gros manteau, nous gagnons quand même le Jardin de la Fontaine à deux pas de notre bivouac. Il y fait un froid de canard, le vent glacé balaie les allées sous les grands arbres au pied desquels s'étale un lit de neige...
Monique se lasse vite et retourne à l'abri de l'Aigle tandis que je gagne la Tour Magne pour entreprendre l'escalade de ses 34 mètres. Les 140 marches de son escalier à vis me hissent sur la petite plate-forme donnant une vue étendue sur la ville. Au loin se devinent les hautes pyramides de la Grande Motte tandis qu'à l'est se profilent la Montagnette et les Alpilles. En se tordant le cou on aperçoit même au nord les neiges de l'Aigoual et de la Corniche des Cévennes. A mes pieds s'étale la ville ancienne toute tassée; j'y repère le grand anneau des Arènes, le rectangle rouge du toit de la Maison Carrée tout à côté et, beaucoup plus près, le bassin et les arbres du Jardin de la Fontaine. Panorama vaste et intéressant, mais qui n'arrive pas à faire oublier le froid mordant. |
Le château de Beaucaire au dessus du Champ de Foire |
Puis
nous prenons la direction de Beaucaire et Tarascon, par
une route de large vallée peu impressionnante mais balayée
par les rafales du mistral qui commande une tenue très
ferme et attentive du volant. La ville de Beaucaire ne laisse rien deviner de passionnant, aussi nous contentons-nous de gagner le bord du Rhône pour stationner sur la vaste esplanade du Champ de Foire, toute plantée de platanes au pied du château. Grand soleil, mais aussi grand vent qui nous fait garder la porte fermée durant notre déjeuner. |
En voulant ensuite prendre le pont pour Tarascon dont la grosse tour carrée garnie de créneaux se profile de l'autre côté du fleuve, nous tombons sur le grand bassin du Canal du Rhône à Sète. La lumière vive joue sur les façades pastel bordant les quais, d'innombrables bateaux de plaisance animent la scène, amarrés tout au long, plusieurs sont actuellement occupés malgré le mistral glacial pourtant dissuasif. Je dois à la gentillesse d'une Hollandaise qui m'aperçoit à la recherche d'une vanne libre de faire le plein des réservoirs de l'Aigle à partir de son propre boyau d'arrivée d'eau... | Entrée du château de Tarascon |
Je me réveille vers 5:00 avec un mal de sinus qui dure jusqu'au lever vers 9:30 : le froid très vif cette nuit a tellement refroidi la cabine que c'est sa sensation sur mon visage découvert qui m'a tiré du sommeil. Heureusement notre couette est très chaude, ce qui nous aura quand même garanti un bon sommeil. L'eau de la douche, à la limite inférieure de la tiédeur, me fait reculer. Lorsque je sors sur la place tranquille, je comprends la fraîcheur de mes expériences : le frimas recouvre l'herbe et les voitures qui sont encore stationnées, tandis que la fontaine devant l'église s'orne de stalactites le long desquelles quelques gouttes se fraient péniblement la voie vers le bassin gelé... Le soleil est cependant superbe et le vent pas trop fort; je prends donc le chemin du belvédère juste au bout de notre petite place et à la bordure du village. Quelques 200 mètres de sentier herbu me font escalader la colline pierreuse qui domine les toits. Derrière le curieux clocher à bulbe de pierre et les tuiles rosées des maisons, j'aperçois les murs ruinés du château mais surtout la plaine découpée en parcelles rayées de vignes, hérissée de touffes et de haies de cyprès. Au loin la Montagnette et les Alpilles, bleutées, limitent l'horizon. Bref ce belvédère offre un beau coup d’œil typique de la Provence, de ses chaudes couleurs et de ses paysages si souvent redessinés par l'homme.
Le vallon où coule la Sorgue, verte et rapide, au sortir de la Fontaine de Vaucluse |
Je rejoins Monique qui n'a pas encore osé mettre le nez dehors et qui achève de se pomponner. Pour une fois, le moteur démarre au quart de tour lorsque nous partons en direction de la Fontaine de Vaucluse toute proche. Au détour des virages de la petite route qui traverse vignes et garrigues apparaît bientôt la grande écorchure blanche au flanc du Lubéron. Elle domine le val étroit d'où sourd la source fameuse. Dès l'abord, le village nous déçoit : trop de fabriques abandonnées (le cours rapide de la Sorgue étant une source d'énergie extraordinaire pour tous les moulins d'autrefois), publicité tapageuse et envahissante pour les restaurants, musées (on en compte quatre dans le village !) et boutiques d' "artisanat" local. |
Même la promenade à pied le long de la rivière jaillissante a été envahie de constructions qui vont du pénible (béton d'anciens ateliers réaménagés en galerie marchande) à l'horrible (cabanes de vendeurs de frites...). Ce n'est qu'en approchant de l'abrupte paroi rocheuse (mur vertical de 200 mètres de hauteur) que l'on retrouve un peu le cadre naturel extraordinaire chanté par Pétrarque venu se recueillir et chanter son amour pour la gente Laure. |
Chemin rustique
menant au fond du vallon jusqu'à la Fontaine de
Vaucluse
|
Fontaine de
Vaucluse : Monique au bord de l'eau
|
Malheureusement pour nous, l'eau turquoise est si basse dans le bassin mystérieux et insondable (-309 mètres lors des dernières plongées de 1989) qu'elle ne joue même plus dans les rochers entassés à son déversoir. |
Elle ne rattrape le cours de la Sorgue que 200 mètres plus bas, après avoir coulé invisible sous le chaos. De plus il fait très froid dans ce cirque encaissé et donc hors de portée du soleil matinal. En revanche le touriste est plutôt rare aujourd'hui et le site dans son ensemble se montre très spectaculaire. | Le bassin de la Fontaine de Vaucluse en pleine eau alimente la Sorgue |
La colonne de Dante à l'orée du vallon de la Fontaine de Vaucluse |
Nous revenons au village en empruntant le sentier qui court au flanc de la pente, quelques dizaines de mètres au-dessus du large chemin d'accès habituel. Celui-là offre au moins un environnement à peu près intact qui réconcilie avec la beauté des lieux. Nous déjeunons rapidement sur la place ronde au pied de la colonne consacrée à Dante, autre illustre visiteur du site, juste devant l’Hôtel de Ville un peu solennel et au-dessus de la rivière aux eaux vertes et bondissantes. |
Une petite route sinueuse nous ramène ensuite dans la plaine jusqu'à l'Ile-sur-Sorgue. Chaque passage dans cette petite ville est pour nous un plaisir et nous ne manquons pas de déambuler dans ses ruelles à chaque fois que c'est possible. | Balade sur les quais de l'Ile-sur-Sorgue |
Les eaux vives de la Sorgue à travers la petite ville |
Stationnement au bord du quai sur la Sorgue |
Stationnant sur le quai ensoleillé face au poste de "Police municipale", nous nous enfonçons dans les petites rues, observant ici une roue à aubes faisant inlassablement la noria, là la façade d'un vénérable hôtel XVIIIème élégamment restauré. |
Nous sommes transis lorsque nous parvenons sur la place de l'église désertée par la marchande des 4 saisons présente à notre dernière visite, juste devant le traditionnel "Café de France". | Façades colorés de la Place de l'Église |
La vieille maison au bord de l'eau a-t-elle
trouvé acquéreur ?
|
Nous poursuivons quand même jusqu'au portail de la grande maison au bord de l'eau, au sud du temple, qui nous avait fait rêver d'une acquisition... Ses vieux murs sont toujours en aussi mauvais état et son porche délabré; nous pourrons donc continuer de rêver les restaurer un jour... |
L'après-midi est bien avancé lorsque nous reprenons la route vers le nord. Nous décidons de gagner maintenant Vaison-la-Romaine dont les ruines fameuses nous sont jusqu'à présent inconnues. Mais je veux profiter de notre itinéraire pour parcourir les Dentelles de Montmirail dont nous voyons bientôt poindre les reliefs crénelés à l'horizon, au côté du Massif enneigé du Mont Ventoux. Celui-là, nous ne le gravirons point cette fois, craignant le vent qui y souffle sans doute en tempête - c'est sa réputation - et ses routes non déneigées. En revanche nous parcourons en tous sens les petites routes sinueuses et raides qui escaladent, entourent et pénètrent partiellement la petite chaîne très accidentée. Le soleil couchant colore de ses rayons rasants les pentes abruptes et les pics acérés. Les vignes, ici encore partout présentes, sont celles du cru réputé de Gigondas. Nous quittons la grande route à Malaucène (petite pensée pour le héros de Pennac...) et contournons le château massif du Barroux perché sur sa crête.
Nous redescendons à Beaumes-de-Venise avant de faire une petite halte à la jolie chapelle romane de Notre-Dame d'Aubune. Nous traversons ensuite le bourg vinicole de Gigondas pour grimper enfin la route de terre menant jusqu'au col du Cayron. La halte au bout du chemin offre une vue panoramique particulièrement imposante sur les crêtes dégarnies des Dentelles. Malheureusement la nuit est presque tombée, il ne sera pas possible d'achever la balade à pied, d'autant plus que le thermomètre flirte maintenant avec le 0°... | Le clocher de Notre-Dame d'Aubune |
Jeudi 5 janvier 1995 : de VAISON-LA-ROMAINE à FAREINS (282
km)
Un givre épais couvre les vitres lorsque nous émergeons de notre couette : il a fait -8° cette nuit. Le moteur à bien du mal à démarrer lorsque je le lance pour alimenter la turbine du chauffage, la batterie n'ayant pas tenu le coup plus de quelques heures durant la soirée. Même le butane semble gelé dans la bouteille de Camping-gaz dont la flamme falote chauffe péniblement l'eau du thé.
A 9:40 nous sommes devant la grille du quartier romain de Puymin; 20 minutes s'écoulent à taper de la semelle avant que la gardienne, frigorifiée dans la caravane qui sert de loge provisoire, nous donne accès aux restes du quartier résidentiel gallo-romain. |
Nous commençons par visiter le musée à moitié enterré où sont exposés les vestiges trouvés sur le site : quelques belles statues de pierre, la plupart en très bon état, deux magnifiques mosaïques (dont celle du paon) et une pléiade d'objets usuels. | Mosaïque de la Maison du Paon : perroquet mangeant |
Tête d'Apollon en marbre, IIème
siècle ap. J-C
|
L'empereur Hadrien (117 à 138 ap. JC)
marbre blanc haut de 2,16 m |
Tête de Domitien (81 à 96 ap. J.-C.) placée sur le corps cuirassé d'une autre statue (1,84 m) |
Panneau décoratif : bouclier et haches
doubles
|
Détail de mosaïque représentant une perdrix |
Tous ces restes permettent d'imaginer un peu plus le décor qui meublait les rues, les places et les riches maisons bourgeoises dont nous parcourons ensuite les structures parfaitement dégagées et bien identifiées. |
Les « lunettes », les gradins surmontés du portique dans le théâtre de Vaison-la Romaine |
Ornement de tombeau en forme de masque tragique |
Il est quasiment midi lorsque nous retournons au Pavillon du tourisme demander qu'on nous ouvre la grille de la Villasse, l'autre quartier lui aussi partiellement exhumé. Devant nous une belle section de chaussée romaine aux larges dalles juxtaposées sépare des thermes en assez mauvais état d'une suite de trois vastes villae.
Dans leurs salles très spacieuses on a remis en place des éléments de colonnades, quelques copies de statues, mais aussi des mosaïques ornant le sol. On y retrouve le plan traditionnel : entrée donnant sur la rue au-delà d'une rangée de boutique, premier péristyle entourant un bassin ouvert (impluvium), grand bureau du maître de maison (tablinum) faisant face à l'entrée, et plusieurs autres pièces de service sur les côtés. En arrière, donnant sur un autre péristyle plus vaste entourant un deuxième bassin, la pièce principale est un vaste séjour; puis on trouve une salle à manger et sa cuisine, des chambres et enfin des bains privés. Des jardins occupent le reste de cette première maison de ville qui couvrait près de 3 000 m²... | Restitution de la Maison du Dauphin |
Buste en argent du IIIème siècle ap. J-C |
On imagine les luxueux décors de mosaïques et de fresques qui revêtaient sols et murs et dont on voit encore ici et là quelques traces. Quel faste et quel confort, dans un cadre tellement plus campagnard et naturel que celui que nous connaissons aujourd'hui. Après la "Maison au buste d'argent"... |
...nous parcourons les corridors et autres pièces de la "Maison du Dauphin" (dont la figure constituait le sujet d'une superbe mosaïque admirée au musée et découverte ici). Plan semblable, luxe identique, bref la vie devait être fort agréable pour les riches gallo-romains qui demeuraient en ces murs... | Amour chevauchant un dauphin et tenant une canne à pêche d'une main et un panier de l'autre (fin 1er siècle ap. J-C) |
Il est maintenant passé 13:00 et temps de prendre la route si nous voulons être à Lyon ce soir. Nous décidons d'emprunter des petites routes "vertes" parallèles à la vallée du Rhône qui nous feront traverser les contreforts du Dauphiné. Les paysages sont superbes dans leurs teintes d'automne car les arbres sont maintenant à feuilles caduques, et beaucoup de feuilles mortes sont restées attachées aux branches. | Traversée des contreforts enneigés du Dauphiné |
Les contreforts enneigés du Dauphiné |
Derrière nous culminent les cimes enneigées du Mont Ventoux au sud et celles de la chaîne des Baronnies à l'est. Nous nous engageons dans des vallées profondes où courent de larges torrents tumultueux, puis nous escaladons des cols peu élevés mais malaisés à cause de l'étroitesse et de la vétusté des routes. |
Les panoramas étendus sur ce pays accidentés valent le détour. En revanche nous devons affronter un froid de plus en plus vif qui descend bientôt en dessous de 0°. Les pentes sont à-pic, dans les vallées règnent encore la vigne, des châteaux et de grosses fermes fortifiées occupent les crêtes. Nous finissons par rattraper Valence dans la nuit qui tombe et filons vers le nord sur la N 7. Nous contournons l'agglomération lyonnaise par la nouvelle rocade est, rapide mais longue, et finissons par arriver à Fareins vers 19:30. Après le souper en famille nous nous endormons bien au chaud dans la maison. | Près de SAOU : paysage de montagnes depuis le Pas de Lauzens |
Vendredi 6 janvier 1995 : FAREINS - LYON - FAREINS(90 km)
Durant cette bonne nuit reposante, nous apprécions surtout l'épaisseur du matelas (les 10 cm de celui de l'Aigle sont vraiment trop minces !). Au lever, nous avons la surprise de découvrir la campagne alentour toute couverte d'une neige abondante qui n'en finit pas de tomber sous un ciel plombé. Nous prenons le petit déjeuner avec René-Pierre et Jocelyne avant d'aller décharger le lit et les chaises ramenés de Causse-et-Veyran que René-Pierre nous aide à hisser dans le grenier de la miellerie. Puis nous prenons le chemin de Sainte-Foy malgré la route encombrée et mal dégagée (nous apercevons des cantonniers occupés à saler les carrefours en épandant du sel à la main... et déneiger les trottoirs avec des grattes improvisées en contre-plaqué...). A notre train lent et prudent, nous finissons par atteindre Lyon mais sur la grande descente de l'autoroute vers Vaise, camions et voitures sont pare-chocs contre pare-chocs. Après une heure d'attente, nous réussissopns à nous faufiler sur la sortie d'Écully et gagnons l'Horloge de la Demie-lune.
J'oublie alors combien la pente du raccourci vers le Point-du-jour est raide et m'engage imprudemment dans la côte. Je ne tarde guère à m'apercevoir qu'elle n'a été ni dégagée ni salée, si bien qu'à mi-parcours les roues perdent prise et entraînent les trois tonnes du camion en travers de la rue... Il faudrait être équipés de chaînes, ferme résolution que je prends pour l'hiver prochain. En attendant Monique sort les plaques de désensablement et, 30 cm par 30 cm, m'aide à nous replacer dans le centre du chemin. Nous arrivons enfin à faire demi-tour après 20 mn de manœuvres pour arriver à la maison de Sainte-Foy deux heures et demie après avoir quitté celle de Fareins...
Samedi 7 janvier 1995 : de FAREINS à SATOLAS
Les filles viennent nous embrasser pendant que nous déjeunons dans la cuisine claire et ouverte sur la campagne blanche et nue. A 8:30 il est temps de partir; adieux à la petite famille, nous chargeons nos sacs et valise pleins de lessive, de chocolat et de bouteilles d'alcool dans le Toyota 4x4 de René-Pierre pour gagner Satolas.
Pendant que Monique fait ses adieux à son frère, je retrouve Carole et sa petite fille à l'enregistrement des bagages. A peine franchi le contrôle d'embarquement, on nous apprend que l'avion en provenance de Toronto aura une heure de retard... Nous finissons par nous installer dans la carlingue mais le temps passe sans que nous décollions. Après une bonne heure d'impatience, le commandant nous informe d'un problème technique, une pièce de remplacement doit venir de Paris ou peut-être de Londres. On lie conversation avec ses voisins, les petits commencent à pleurer, les plus grands à réclamer leur dîner... Il est presque midi lorsque l'équipage nous demande de débarquer, la pièce introuvable en Europe devant être commandée aux U.S.A. Retour à la case départ !
À l'Aéroport de Satolas avec Carole et sa fille, en attendant la réparation de notre avion... |
Dans
l'aéroport la foule s'agglutine autour des hôtesses qui
distribuent des cartes de téléphone, des tickets de repas
et des informations parcimonieuses. Nous dînons avec
Carole en nous relayant pour distraire et promener Laurie
très énervée... Le repas avalé, un autobus nous ramène dans Lyon, à l'Hôtel Pullman perché tout en haut de la tour "crayon" de la Part-Dieu. Dépité de ce contretemps, je décide d'utiliser les 2 heures qui restent avant la fermeture des magasins pour aller faire un tour à la FNAC tandis que Monique va flâner dans la boutique d'Habitat. |
Le souper comme le petit déjeuner du lendemain nous sont offerts par Air Canada dans la grande salle-à-manger. Nous continuons à faire des connaissances, retrouvant ici une famille fréquentant Stan, ailleurs une pharmacienne qui a fait ses études avec mon frère... La soirée s'achève très tard par une discussion animée avec le prof qui a enseigné l'Histoire à Mathieu l'an passé. |
Après une bonne nuit dans notre chambre du 37ème étage qui
offre une vue magnifique sur Lyon enneigé et brumeux, nous
passons la matinée à attendre d'heure en heure l'annonce du
départ. Nous finissons par décoller dimanche après-midi vers
15:00 pour atterrir enfin à Mirabel huit heures et demi plus
tard, dans la neige et le froid retrouvés de notre Québec
hivernal.
Outremont le 15 mars 1995
©2006